C`est l`homme à la gourmette, au sourire qui tue, avec qui je m`étais

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C`est l`homme à la gourmette, au sourire qui tue, avec qui je m`étais
Roman Hebdo crée par Rose Grant / juin 2005
Grain de Sable / tous droits réservés par Rose Grant
La ruse de Gaby a fonctionné. John Ritterman, alias Joseph Ritter, a du repartir bredouille. Celui-ci est placé
sous surveillance par la police, suite à la déposition de Maria. Elle doit donc se cacher en attendant qu’il soit
arrêté, et ne peut pas se rendre à son travail. Gaby prend sa place. Manque de chance, elle reconnaît quelqu’un
parmi les invités…
C’est l’homme à la gourmette, au sourire qui tue, avec qui je m’étais affrontée
deux jours auparavant. Joey Peltry en personne. Quelle m..., parmi toutes les soirées
qui se donnaient sûrement aujourd’hui, il fallait qu’il assiste à celle là !
Je ne sais plus quoi faire, je vais avoir bonne mine s’il me repère, en costume de
larbin, moi qui me suis vantée d’être prof ! J’évite son secteur le plus possible, et une
fois le plateau vide, je retourne en vitesse à la cuisine.
- Betty, il faut que tu m’aides, vite, par pitié !
Betty me regarde affolée, de même que la cuisinière.
- Qu’est-ce qui t’arrives ? Tu es toute pâle ! T’as vu un fantôme ou quoi ?
- C’est presque ça. Tu ne voudrais pas me remplacer au service et je prendrais ta
place ici ?
- Je ne peux pas, non, même si je voulais... me fait-elle en me montrant sa jambe
enrubannée. Je viens de me tordre la cheville en allant à la cave chercher du
champagne.
Le sort est contre moi. Je retourne donc à mon service, le plateau à la main, en
baissant la tête le plus possible. Je jette un bref coup d’oeil par en dessous pour
tacher de repérer le danger. Je le vois dans la véranda. Bon, il suffit d’éviter ce coin
là. Malheureusement, je le vois qui s’approche et se rapproche. Je tourne les talons
en vitesse, mais il me hèle.
- Je pourrais avoir une coupe, s’il vous plaît ?
Et flûte, zut, crotte. Je me retourne, le menton collé au décolleté et lui tend le
plateau. Il se sert. Le peu que je vois de lui m’amène à penser qu’il ne me regarde
pas. Il est de ¾ côté et semble lorgner sur les formes généreuses d’une des
californiennes décrites plus haut. Ouf ! J’avais tort de m’inquiéter. J’oubliais qu’on ne
regarde pas les domestiques dans ces soirées, ils font corps avec les meubles. Je
soupire donc de soulagement et tourne les talons pour la deuxième fois, tenant
quand même à m’éloigner de cette zone à risques. Je n’ai pas fais deux pas que
j’entends sa voix dans mon dos.
- Je m’étais trompé sur vous, madame la prof, vous n’êtes pas si mal foutue que
ça...
Je me sens me liquéfier sur place. La honte, mince ! Et en même temps, la rage
d’être tombée dans son panneau. Je me retourne, furieuse et m’apprête à lui river
son clou. Je le regarde droit dans les yeux ; il sourit, et ça le rend irrésistible. Mais ne
nous laissons pas distraire. Il est triomphal, et ça me donne des envies de meurtre.
S’il croit que je vais le laisser se foutre de moi en rigolant, il se met le doigt dans l’oeil
jusqu’au coude. J’ouvre la bouche pour lui décocher une flèche, quand un ordre de la
maîtresse des lieux m’oblige à laisser tomber les armes.
- Maria, filez à la cuisine. Le repas va être prêt, on vous réclame.
- Si senora, tout dé souite.
Je prends une légère revanche en voyant son air stupide à l’écoute de ma phrase.
Il doit se demander s’il n’a pas rêvé finalement.
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- Venez, mon cher Joey, nous allons passer à table, et je vous garde à mes
côtés...
Je le vois partir, comme à contrecoeur en se retournant discrètement pour me
voir. Il aurait sûrement préféré rester pour élucider ce mystère... J’ai de la chance
dans mon malheur !
La suite du service est une véritable torture, car je sens son regard à chacun de
mes passages. Et je dois faire face à un autre inquisiteur, nettement moins discret
celui là, car il ne se contente pas du regard...
Il s’agit de Luke, le fils de la maison, un jeune homme d’environ 25 ans. Au
premier service (les entrées), je ne me suis pas méfiée. J’ai innocemment cru que la
rencontre de sa main sur ma cuisse était le fruit d’un faux mouvement. Mais au
second passage, là, plus de doute. La caresse, car s’en est bien une, se fait plus
précise. J’ai un mouvement de recul qui a pour désastreux effet de me faire
renverser la pile d’assiettes que je suis en train de débarrasser, et évidemment, je
me fais ouvertement engueuler par la maîtresse de maison et par unlucky Luke, qui
n’a pas apprécié de recevoir les déchets sur son pantalon.
- Ma fille, faites un peu attention. Bart va avoir de mes nouvelles, c’est inouï,
vraiment. Faites des excuses à mon fils.
Quoi ? ? Et puis quoi encore ! Je décide de faire la sourde oreille, puis me ravise,
par égard pour Maria qui risque sa place à travers moi. Je ravale donc ma hargne et
m’aplatis devant ce sale type. ! Si je ne me retenais pas, je lui planterais volontiers
une fourchette dans la main. Je me baisse pour ramasser les débris de vaisselle et
j’entends la mère Atkins déblatérer sur mon compte.
- Veuillez excuser cet incident. Les domestiques de nos jours sont tous plus nuls
les uns que les autres, ou alors d’une fainéantise ! Quand ce n’est pas les deux à la
fois ! !
Tout le monde s’esclaffe et acquiesce. En me relevant, mon regard croise celui de
Joey. Lui ne rit pas, et je lui en sais gré. Il ne semble même lire de la honte dans ces
yeux. Honte de faire partie de ces gens qui m’humilient, de cette tablée d’hypocrites.
Cet incident m’a au moins permis de rester en cuisine. La maîtresse de maison m’a
ordonné de changer ma place avec Simon, vu ma « maladresse ». Tant mieux, mais
je crains d’avoir conduit Maria au chômage. Quand je raconte à Betty ce qui s’est
passé, elle m’avoue, un peu gênée, que Luke pratique régulièrement le droit de
cuissage sur toutes les jeunes femmes employées par sa mère et qu’elle le sait
pertinemment. Quelle famille de dégénérés !
- Excuse-moi, j’aurais dû t’avertir, mais je risquais ma place.
Le reste du repas se passa sans incident, bien sûr, Simon n’étant pas exactement
le type de Luke !
La soirée se termina vers 23h30. Mme Atkins chargea Simon de me payer mes
gages, sans autre commentaire. Je suis crevée et il me tarde de rentrer. Les invités
sont au salon, mais Simon se charge du service et Betty de la plonge.
Je me dirige vers le vestiaire pour me changer. Au moment où je franchis la porte,
une main se plaque sur ma bouche pendant qu’une autre me ceinture. Mon
agresseur me renverse brutalement au sol et je reconnais Luke, éclairé par les minis
lampadaires de l’allée. Il s’écrase sur moi de tout son poids pendant que ses mains
remontent le long de ma jambe.
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Je me débats faiblement, car la chute m’a à moitié assommée. Je sens ses doigts
courir sur ma poitrine. Il essaie de m’embrasser. Je tourne désespérément la tête
pour éviter sa bouche, alors il me frappe en plein visage, fou de rage, en me traitant
de petite salope. Je nage en plein cauchemar, j’ai envie de vomir alors qu’il a
lentement déboutonné ma robe et embrasse mon ventre. Mes yeux voient flou, un
liquide âcre sort des commissures de mes lèvres, du sang probablement. Je tente
dans un dernier effort de me dégager. Je cherche à tâtons quelque chose qui pourra
me servir à l’assommer, mais en vain. Je rassemble mes forces et me redresse
légèrement. Il est occupé à déboutonner sa braguette, ce fils de p... Je lui attrape les
cheveux à pleine main et d’un geste vif lui mords l’oreille droite. Il hurle de douleur et
je réussis à m’écarter en rampant, derrière une armoire.
A ce moment là, la lumière s’allume et j’entends un bruit de pas précipités, tandis
qu’une voix crie mon nom. J’aperçois dans une auréole de brume, le visage de Joe
qui se penche sur moi, puis plus rien...
Quand je reviens à moi, je suis allongée sur un des bancs du vestiaire. Joe se
tient près de moi, il me tamponne doucement la bouche avec un mouchoir humide.
- Il est parti ? Demandais-je dans un souffle.
- Oui, mais pas bien loin, croyez-moi, il va rendre des comptes. C’était Luke, n’estce pas ?
J’acquiesce et tente de m’asseoir, mais je dois y renoncer car tout se met à valser.
- Restez tranquille, professeur Maria.
Cette désignation me fait sourire.
- Et vous, Joey l’acteur, ça vous arrive souvent de jouer les justiciers ?
- Tout le temps... dans mes films ! Mais dans la réalité, et grâce à vous, c’est la
première fois !
- Comment vous avez fait pour savoir ?
- Je ne savais pas. Je voulais vous parler, alors j’ai demandé à Betty où vous
étiez. Elle m’a dit que vous veniez d’aller vous rhabiller. Je suis donc sorti à mon tour
et j’ai été intrigué par l’absence de lumière. J’ai entendu crier et je me suis précipité.
- Je venais de mordre ce salaud...
- Ça ne m’étonne pas de vous. En fait ce sont les hommes qui sont en danger
avec vous !
Je m’apprête à riposter, mais je le vois sourire.
- Ne vous emballez pas, c’était juste une plaisanterie... me dit-il pour sa défense.
- C’est votre veste, dis-je en m’apercevant que je portais ce vêtement sur mes
épaules.
- Oui, j’ai pensé que... enfin, vous n’êtes pas des plus habillée dessous, alors...
- Merci, c’est très gentil.
- Écoutez, tenez buvez ça, je reviens tout de suite. Restez tranquille, surtout.
- Où allez vous ?
- Je vais tacher de régler ce... problème.
Je suis trop faible pour contester et je le laisse partir. L’eau fraîche me fait du bien.
Je me redresse avec peine. La tête tourne encore. J’enlève la veste et constate que
j’ai la poitrine à l’air. Je me lève en me tenant aux armoires et réussi tant bien que
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mal à atteindre celle où j’ai rangé mes affaires. Je passe mon T-shirt et m’assois
pour enfiler mon pantalon. Mes jambes flageolent et mes tempes bourdonnent.
J’entends du bruit dehors. Mme Atkins entre, suivie de Zorro O’Maley.
- Mon dieu, mademoiselle, je suis vraiment désolée, fait-elle en me voyant. Elle
s’agenouille devant moi. La hautaine Mme Atkins fait place à une mère humble et
désespérée devant la victime de son fils unique.
- Je vous demande pardon pour lui. Je vous paierai pour vous dédommager, mais
ne dites rien. Ils me l’enlèveraient et je n’ai que lui... Les larmes coulent de ses yeux.
Je lève sur elle un regard consterné et méprisant.
- Je n’ai pas le choix de toutes façons, vous avez de la chance... Donnez-moi
votre putain de fric, puisque c’est une manie dans ce pays de tout régler avec de
l’argent... et barrez-vous, allez-vous en.
Elle glisse dans ma main une liasse de billets et s’enfuit en susurrant un « merci »
honteux.
- Allez venez, je vous amène chez un docteur. Appuyez-vous sur moi. Vous
devriez porter plainte, il recommencera, vous savez !
- Ça me regarde, merci. Et pas de docteur, ce n’est pas la peine.
- Comme vous voulez, tête de mule. Mais j’aimerais que vous me fassiez une
faveur, c’est possible ?
- Ça dépend quoi, fais-je méfiante.
- Je veux savoir votre nom, mais le vrai, cette fois.
Je le regarde dans les yeux et lui dis dans un sourire : « Gabrielle ».
- Et qui est Maria ? Si ça n’est pas indiscret ?
- Si, ça l’est !
Tout en parlant, on était arrivé jusqu’à sa voiture. Il m’aide à monter.
- Mon vélo. Je l’ai laissé contre le mur du vestiaire.
- Parce que vous comptiez rentrer en vélo ? Vous n’êtes pas vraie, vous ! Je ne
sais pas si en France on peut faire du vélo la nuit en toute sécurité, mais en tout cas,
pas à L.A. ! Déjà de jour, on est sûr de rien, alors la nuit...
- Faut bien se débrouiller, non ? Tout le monde ne peut pas rouler en Ferrari... !
Réussissai-je à ânonner difficilement. Oh, ma tête !
- Bon, on va où ? dit-il en mettant le contact après avoir chargé le vélo.
- Downtown L.A., Flower Street.
- Eh bien ! Ce n’est pas la porte à côté, en plus. En vélo, ah non, ce n’est pas
vrai ! Et il part d’un rire énorme et très irritant pour moi, mais communicatif en fin de
compte, et je me mets bientôt à rire, malgré les coups de marteau qui donnent un
concert dans ma caboche.
La voiture démarre lentement et s’engage dans l’allée que Sam avait empruntée
quelques heures auparavant. Dans le rétro, je regarde avec soulagement s’éloigner
l’ombre massive de la villa Atkins. Tout à coup, une faible lueur rouge derrière nous
attire mon attention. On dirait le bout incandescent d’une cigarette. La lueur se
déplace, comme si quelqu’un suivait la voiture... J’vais p’t’être aller voir un toubib,
finalement, mon coup au crâne m’a rendu complètement parano !
Au bout de l’allée, au lieu de prendre à gauche, Joey s’engage à droite.
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- Ça n’est pas le bon chemin, lui fais-je remarquer.
- Pour le centre ville, c’est exact, mais j’ai un copain toubib, et c’est par là qu’il
habite...
- Vous n’en faites toujours qu’à votre tête ?
- J’pourrais vous retourner la question !
- Vous avez de la chance que je ne sois pas au mieux de ma forme !
- Je sais et j’en profite ! Allez, ne me faites pas ces yeux là. S’il me dit que tout va
bien, je vous ramène chez vous, promis.
- Qu’est-ce que vous entendez par « s’il me dit que tout va bien » ? Interrogeai-je
inquiète.
- Si vous n’avez pas de bobo.
- Et dans le cas contraire ? Vous me séquestrez dans une chambre d’hôpital ?
- Ah, l’idée n’est pas mauvaise, plutôt réjouissante même ! Ironise-t-il.
Je fulmine. Ce type est impossible. Quelques dizaines de minutes plus tard, on
arrive chez son copain docteur. Un mec qui doit être charmant en temps normal,
mais qui pour l’heure n’apprécie guère d’avoir été tiré de son sommeil. Quand il voit
ma lèvre tuméfiée et mes bleus sur le front et les bras, il regarde Joey épouvanté.
- T’as pété les plombs mon vieux ou quoi ?
- Eh là, Barry, qu’est-ce que tu vas imaginer ? Ce n’est pas moi le responsable. Au
contraire, je suis intervenu pour éviter de plus gros ennuis.
- Toi tout seul, sans doublure ? Alors là, tu m’épates. Et il se tourne vers moi pour
confirmation.
- C’est vrai, mais... je suis désolée. Je ne voulais pas venir. C’est lui qui a insisté.
On va vous laisser, je n’ai rien du tout.
- Maintenant que vous êtes là, autant vous examiner. Il a eu raison, c’est plus
prudent. Venez par là.
Je le suis à regret, en lançant un regard noir à Joey, qui jubile. Environ ¼ d’heure
plus tard, on ressort du cabinet. Tout est en ordre et on peut repartir. Il est environ
2h15 du matin quand la Ferrari s’arrête devant le Milner Hotel. Il me tarde d’être au
lit. Joey sort le vélo de Claire et le dépose dans le hall. Je m’attendais à voir Sam,
mais curieusement la réception est vide.
- Bon, ben je vais vous laisser. Vous voulez que je vous aide à monter ?
- Non, merci, ça ira...
On se regarde un instant, un peu gênés, à ne pas savoir comment se quitter.
- Au revoir, finit-il par lancer, simplement.
- Au revoir, lui dis-je en retour. Il tourne les talons et se dirige vers la porte. Je le
rappelle avant qu’il ne franchisse le seuil.
- Joey, attendez. Il se retourne et je m’approche de lui. Je voudrais vous dire...
merci de ce que vous avez fait. Sans vous... Merci encore. Il lève sur moi ses yeux
clairs qu’il tenait baissés jusque là, et je me sens très troublée par ce regard. Je lui
tend la main, alors que j’aurais plutôt envie de l’embrasser. Il me la prend, la garde
quelques secondes, puis m’attire à lui et m’embrasse doucement. Je ferme les yeux.
C’est bon comme une brise tiède sous un soleil de plomb. Un frisson me parcourt
tout le corps. Je reviens doucement à moi après que nos lèvres se soient éloignées.
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Il est parti. J’entends le moteur au loin. Tout en rejoignant ma chambre, je pense à lui
et à l’étrange sentiment contradictoire qu’il m’inspire. Je n’ai jamais ressenti ça ;
tantôt il m’exaspère tellement que je le réduirais volontiers en bouillie, et tantôt je
craque pour son charme. Arrivée devant ma porte, je cherche ma clé dans mon sac,
et je redresse la tête, humant une odeur de cigarette. Je regarde à droite et à gauche
mais il n’y a pas âme qui vive. Au moment où j’ouvre, une main me saisit le poignet
et me propulse brutalement à l’intérieur. Merde, ça ne va pas recommencer ! La
lumière inonde la pièce, et je me retrouve nez à nez avec Joseph Ritter...
CHAPITRE X
- Re-bonjour, madame la touriste française. Où est-elle ? Et je vous conseille de
ne pas me raconter de bobards, vu ? Il entrouvre son blouson, laissant apparaître la
crosse d’un revolver dans un étui sous son bras. Je jette un oeil effrayé dans la
chambre. Les enfants se mettent à gigoter, réveillés par le bruit et comme je le
craignais, la porte de communication est restée ouverte, pour permettre à Maria de
surveiller mes petits. Suivant mon regard, Joseph se rue vers la chambre de Maria.
- Espèces de garces, vous m’avez bien eu ! Hurle-t-il, et avant que j’ai pu faire
quoique ce soit (mais qu’aurais-je bien pu faire ?), il s’est précipité dans la pièce.
Aussitôt, des cris me parviennent, et des pleurs, sûrement les enfants. Les miens
aussi se mettent à pleurer, effrayés par tout ce vacarme. Je me précipite vers eux
pour les consoler et les protéger. Il faut que je les fasse sortir d’ici. Je les empoigne
et cours vers la porte. Mais hélas, avant que je n’aie mis la main sur la poignée,
Joseph me crie de m’arrêter. Il est revenu, poussant devant lui José, Louisa et Pilar,
son arme dans la main droite et tenant Maria par les cheveux avec son autre main.
- Asseyez-vous, tout le monde ! Fini de vous foutre de moi. Et dire que je t’ai
cherché dans toute la ville alors que tu étais toujours là ! Et il gifle Maria à toute
volée. Elle tombe du lit où elle était assise. José se jette sur Ritter, mais celui-ci pare
cette naïve attaque et lui décoche un coup de pied.
- Tiens-toi tranquille, sale gosse !
Maria serre son fils contre elle et me regarde désespérée. Sa lèvre saigne. Elle
voit mon visage tuméfié et doit croire que c’est l’oeuvre de Joseph.
- Laisse là en dehors, elle n’y est pour rien. Je ferai ce que tu veux.
- C’est trop tard pour que je la laisse en dehors... lance-t-il avec un air sadique qui
me fait frissonner de peur. J’étais chez les Atkins ce soir, espérant t’y voir, Maria.
Quelle ne fut pas ma surprise de voir que ma jolie petite mexicaine avait changé de
visage... Il s’est approché et me caresse la joue du bout de son arme. J’ai apprécié
aussi le spectacle dans les vestiaires. Son arme descend le long de mon cou et
glisse sur mon T-shirt entre mes seins. Dommage que ce type soit intervenu, juste
quand ça devenait intéressant...
Je suis atterrée par ce que j’entends. Ce type est un vrai maniaque. Je me
demande comment il a fait pour être recruté dans la police. C’est effrayant. Je suis
sur le lit de mes fils et face à moi, j’ai la porte donnant sur l’autre pièce. Il me semble
voir une silhouette passer dans l’encadrement. Peut-être que c’est Sam, alerté par le
bruit. Il va prévenir la police. Pourvu que je n’ai pas rêvé... Je n’avais pas halluciné
pour la lueur de cigarette dans le jardin des Atkins, alors... Essayons de tergiverser
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pour laisser le temps aux secours d’arriver. Je rassemble mon courage et mes forces
et je me lance.
- Comment comptez-vous vous en sortir ? Si vous me tuez, vous serez recherché.
On a été tout raconter à votre ami Sims, vous savez. Il saura que c’est vous ! Et de
toutes façons, il a placé quelqu’un devant l’hôtel pour nous protéger.
Au lieu d’avoir peur, il se met à ricaner.
- Vous avez parlé à Sims, hein ? C’est mon ami et il me doit la vie, il ne tentera
rien contre moi.
- Vous en êtes sûr ? En tous cas, ce n’est pas l’impression qu’il nous a donnée. Il
vous en voulait plutôt de l’obliger à vous arrêter...
Il s’assoit un instant sur une chaise, puis se relève et fait les cent pas,
nerveusement.
- Au diable Sims et sa morale. Je ne laisserai personne interrompre mon florissant
petit commerce... S’il se met en travers, tant pis pour lui, je n’hésiterai pas une
seconde. Quant à un éventuel secours extérieur, n’y pensez plus chérie, j’ai eu vite
fait de repérer la bagnole postée en surveillance... Il agite son arme puis la braque
dans ma direction. Mon coeur s’arrête, j’écarte les enfants.
- Vous... vous n’allez pas me tuer devant eux... par pitié... Les larmes jaillissent.
- T’as raison, viens de l’autre côté, on sera plus tranquille... pour s’amuser.
Maria pousse un cri et se jette sur lui.
- Non !
- La ferme, Maria, pense à tes mioches... Allez toi, viens par là.
Je me lève, à demi consciente. Ce n’est pas possible, ça ne peut pas finir comme
ça…
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui… A la semaine prochaine
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