pharmacie faut-il sortir la logistique des murs?
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pharmacie faut-il sortir la logistique des murs?
27/04/06 11:45 Page 33 S p é c i a l h ô p i t a l 39 PHARMACIE FAUT-IL SORTIR LA LOGISTIQUE DES MURS? La logistique hospitalière se professionnalise. Un nombre croissant d’établissements s’est ainsi doté de plateformes logistiques dédiées. Certains pharmaciens d’hôpitaux préconisent même leur externalisation totale. Des dépositaires pharmaceutiques se positionnent sur cette nouvelle approche. —————— aut-il externaliser la logistique de distribution des produits de santé à l’hôpital ? Depuis le début de la décennie, la question est sur de nombreuses lèvres. Il est vrai qu’elle concerne à ce jour quelque 3,17 milliards de boîtes de médicaments et autres produits de santé qui transitent par les pharmacies centrales des hôpitaux et cliniques vers les patients. Elle se retrouve aussi en filigrane de nombreux rapports sur l’hôpital, qu’il s’agisse de la nouvelle gouvernance, de l’état de son informatisation, de ses procédures d’achats ou encore de sa logistique même. « L’optimisation des processus formant le circuit du médicament dans les établissements de santé constitue un enjeu important », souligne déjà en 2001 un document du ministère délégué à la Santé relatif à l’informatisation du circuit. « Car une telle démarche sert à la fois des objectifs d’amélioration de la qualité des soins et des préoccupations de rationalisation logistique et économique », peut-on lire. F © BSIP hp2.qxp Un enjeu important. Plus récemment, un rapport qui a fait date sur « le médicament à l’hôpital », publié en mai 2003, souligne « l’enjeu impor- tant » que représente le circuit du médicament en regrettant cependant que ce leitmotiv soit « répété, sans effet, depuis de nombreuses années, malgré une réglementation précise ». La prise de conscience de cet enjeu est très récente, selon le rapport, qui déplore qu’elle soit « encore insuffisamment prise en compte par le corps médical ». Non content d’observer que la prescription arrive rarement, dans sa globalité, à la pharmacie, en évoquant des pratiques pour le moins discutables, sinon condamnables, où « la vision globale du traitement d’un malade est absente », le rapport sur le médicament souligne également la situation « encore moins idéale » de la dispensation nominative. Pour songer à étendre cette dernière, il faudrait, ajoutent les experts1, « résoudre quelques aspects techniques, en particulier la nécessité du conditionnement unitaire des médicaments ». L’approvisionnement des établissements n’est guère mieux loti. « Les conditions de gestion des stocks sont très inégales », poursuit le constat. « Il convient donc de rechercher les conditions d’optimisation des flux logistiques et de poser la question de regroupements géographiques autour de plateformes communes, voire de MAI 2006 _ PHARMACEUTIQUES 27/04/06 11:45 Page 34 S p é c i a l h ô p i t a l 41 plateformes sous-traitées à un prestataire de services. » Trois ans après ce constat sans appel, où en sont les établissements ? Initié par le CHU de Montpellier, véritable précurseur en la matière dès 1996, le concept de la plateforme logistique spécialisée et dédiée à quelques grandes fonctions (hôtellerie, cuisine, blanchisserie, pharmacie centrale, archives centrales) a depuis fait recette, sans toutefois se généraliser à l’ensemble des établissements publics. Installé sur le parc d’Euromédecine, aux côtés de l’unité centrale de restauration et de la blanchisserie, le pôle logistique montpelliérain, doté d’une bonne centaine de personnes, assure ainsi l’approvisionnement et la mise à disposition de plus de 10 000 références, dont 3 500 produits pharmaceutiques et médicaux, aux divers établissements du CHU. Plus de 7 000 lignes de produits y sont préparées par jour. Si la formule a consisté à « externaliser » la pharmacie centrale sur un même site logistique proche du CHU et à professionnaliser une fonction clé, elle n’a pas toujours créé des émules sur les lieux mêmes. Car le volontarisme de la direction de l’établissement de l’époque, notamment en la personne de Claude Storper, n’a pas été sans rencontrer des résistances. L’arrivée des logisticiens issus du monde industriel dans le pré carré des pharmaciens d’hôpitaux ne s’est pas faite sans quelques grincements de dents. « Il manque au plan administratif une vraie collaboration et un res- pect de tout ce qui est prérogative pharmaceutique », résume aujourd’hui Marie Christine Douet, l’actuelle pharmacienne responsable de la pharmacie centrale. Pour cette dernière, « les critères logistiques ne doivent pas prévaloir sur les critères pharmaceutiques ». Une bonne vision de l’approvisionnement permet d’avoir une vision de l’arsenal thérapeutique et de cerner un peu mieux la pression qu’exerce l’industrie ». Mais sur la question d’externaliser davantage le processus en place, la pharmacienne se montre toutefois plus réservée. Si, pour l’heure, la réglementation ne le perLe pharmacien logisticien ? « La lomet pas encore, son collègue expert gistique du médicament est mon mélogisticien sur le CHU dijonnais, Frantier et elle demeure un sous-processus çois Bisch, par ailleurs président de la de la pharmacie », explique de son commission logistique hospitalière à côté Gaël Grimandi, pharmacien resl’ASLOG2, considère qu’une externalisation partielle est envisageable pour ponsable au CHU de Nantes, où la ce qui concerne les transports, la maplateforme logistique joue le rôle de nutention ou encore le grossiste pour les trois stockage, sous la respharmacies de l’établisLa préparation ponsabilité d’un pharsement. Aux yeux de ce macien. Reste ce qui redernier, l’externalisation nominative au de la logistique est un cœur du métier lève de la préparation de la commande, « plus « faux problème », un difficile à sous-traiter en prestataire industriel exfonction du degré de finesse de cette térieur n’étant pas prêt ou capable de préparation », explique l’ingénieur et livrer comme il le fait à ce jour 95 % responsable technique du futur entredes services de soins à J +1. Une opipôt logistique spécialisé du CHU de nion que ses confrères d’autres sites Dijon, une plateforme de 6 000 m2. ne partagent pas nécessairement. « La préparation nominative est très Telle Véronique Jost, pharmacienne proche de l’administration du produit en charge du pôle logistique de Dijon. au malade, explique François Bisch. « Depuis fort longtemps, le pharmaElle se situe au cœur du métier du cien était un logisticien, commente pharmacien. C’est un acte pharmala responsable, mais il était un mauceutique par excellence. » vais logisticien ! L’évolution fait qu’il « Aujourd’hui la logistique à l’hôpiretrouve son vrai métier de clinicien et tal est une canne blanche ! » explique il est normal que la logistique sorte volontiers Bernard Dieu, pharmacien de la pharmacie, tout en maintenant chef de département au CHU de sa responsabilité sur les approvisionRouen qui a, pour sa part, fait le pari nements, mais en abandonnant ce de l’externalisation. A la fois franc tiqu’il faisait de manière artisanale (…) reur parmi ses collègues pharmaciens et pionnier sur le sujet, il a fait converL’E-PROCUREMENT EN APPUI À LA LOGISTIQUE ger un ensemble de fournisseurs de 17 CHU – avec ceux de Lille, Amiens et l’hôpital vers un même prestataire lojour des catalogues. Chaque fournisseur Nantes comme pionniers - travaillent à gistique, la société Aexxdis, déposirenseigne le catalogue public la mise en place d’une solution taire de produits de santé. Se séparer correspondant au moins à l’ensemble des d’approvisionnement électronique de l’amont, la gestion des stocks avec références en marché avec les commune dès 2006-2007. Objectifs : les fournisseurs, pour se concentrer établissements de santé et complète moderniser les processus sur l’aval, l’approvisionnement rales données commerciales par d’approvisionnement et logistiques des tionnel et économique des unités de établissement pour les articles du soins, au plus près des besoins et apétablissements, augmenter la périmètre marché. Le prix de la mise en puyé par une traçabilité complète des productivité par automatisation des œuvre du nouveau système coûtera produits, est le schéma qu’il défend procédures d’approvisionnement, de forfaitairement 1 500 euros la première réception et de liquidation, piloter la volontiers et met en pratique depuis année puis 1 000 euros par an pour la fonction approvisionnement via des bientôt 4 ans. « L’objectif à plus long gestion des mises à jour, quel que soit le données consolidées ou encore opérer terme est de monter un pôle logisnombre de CHU client, la taille du une traçabilité des produits tique privé de sous-traitance, en recatalogue… AchatPro ne gère pas toute conformément aux obligations légales. concentrant les moyens pharmaceula partie amont (appels d’offres, choix des AchatPro, filiale de la BRED, est le tiques là où c’est nécessaire, dans la fournisseurs) et n’est pas un outil de fournisseur de la solution partie liée au bon usage des produits sourcing destiné à comparer des d’e-procurement qui met à disposition de santé, en affinant notre capacité fournisseurs. Contacts pour les CHU : des fournisseurs une interface de mise à d’analyse des ordonnances et de pré[email protected] paration des produits ». Un second DR hp2.qxp MAI 2006 _ PHARMACEUTIQUES hp2.qxp 27/04/06 11:45 Page 35 hp2.qxp 27/04/06 11:45 Page 36 S p é c i a l h ô p i t a l 43 axe de développement concernera la fabrication, au sens large, pour répondre aux attentes des équipes médicales. Un projet qui, pour l’heure, n’est toujours qu’en phase de négociation, le temps de trouver une solution juridique. La création d’un groupement de coopération sanitaire, qui associerait une entreprise privée, est à l’étude. « Un industriel pharmaceutique dépositaire pourrait entrer et faire profiter de son savoir-faire », glisse Bernard Dieu. « Aujourd’hui, la question mérite d’être posée », commente au CHU de Strasbourg Laurence Beretz, pharmacienne future responsable du pôle logistique du nouvel hôpital civil qui ouvrira ses portes fin 2008 et qui aura à gérer 13 000 références. « L’offre de service est limitée, mais émergente, et l’on peut espérer que les grossistes répartiteurs ou l’industrie pharmaceutique nous proposent quelque chose à l’avenir. » Les dépositaires sur les rangs. De son côté, l’OCP se prépare à jouer en direction des unités de soins hospitalières le même rôle que joue le répartiteur en direction des officines de ville. Une prestation sur laquelle il se montre peu disert, mais qui constitue une opportunité certaine de redéploiement. D’autres opérateurs, plus particulièrement certains dépositaires, se sont mis sur les rangs. Aexxdis notamment qui, pour le CHU de Rouen, a mis en place un partenariat actif qui a conduit pour ce dernier éta- blissement à une réduction significatainement une logistique de santé à tive de ses coûts logistiques. « Il y a créer et les choses évoluent. Une rétout à gagner de part et d’autre dans volution est en marche avec les ingécette externalisation, mais certainenieurs logisticiens dans les hôpitaux », ment pas à encourager le modèle de la note encore ce dernier. Chez TNT, répartition », martèle volontiers Serge l’opportunité de développer de nouKratz, pdg de la société née en 2004, veaux services en direction de l’hôpide la cession des activités de distrital n’a pas non plus échappé à Hervé bution des laboratoires Baxter. Reste Feat, directeur marketing. « L’hôpital que la démarche entreprise par ce est un univers complexe et la livraison jeune dépositaire ne saurait encore hospitalière un métier à part entière. » être globale, faute de cadre légal bien La société livre 300 000 colis au quoétabli, sinon de culture tidien, dont 60 000 en logistique avancée, sur pharmacie de ville ou Economies un terrain où le poids d’hôpital. Au regard des d’échelle des habitudes, sinon changements de praà la clé des résistances, comptique logistique qu’opère te plus que celui des inà ce jour le monde hosnovations. Depuis sa plateforme lopitalier, les retards sont encore pagistique rouennaise, dénommée tents. « Nous sommes tous pris par Astelog, Aexxdis livre les unités de notre quotidien, nous avons du mal à soins, met en place les produits dans prendre du recul », note le Dijonnais les services et le conditionnement des François Bisch. « Mais il faut encore traitements par patient pour les perque les logistiques se mettent en sonnels de santé. « Les économies phase, notamment en matière de trad’échelle sont flagrantes, poursuit le çabilité, entre les industriels fabricants pdg. Il y a eu rationalisation des achats et les hôpitaux utilisateurs de leurs et des approvisionnements et tout le produits. » Et sans doute également monde a à y gagner, le laboratoire en terme de conditionnements ! Pour pharmaceutique inclus, mais intellil’heure, les débats sont largement engemment. » La démarche intéresse tamés. Les réponses et solutions égaégalement le dépositaire Geodis qui se lement. ■ rapproche sensiblement du monde JEAN-JACQUES CRISTOFARI hospitalier pour lui apporter son expertise. « Je peux amener à l’hôpital les (1) Dr Marie-Christine Woronoff-Lemsi, compétences clés d’un prestataire pharmacienne PH au CHU de Besançon, supply chain avec des moyens logisDr Jean-Yves Grall, praticien hospitalier, centre hospitalier de Châteaubriant, Bernard tiques flexibles et adaptables », plaide Monier, directeur Centre hospitalier d’Avignon, Jacques Masbou, directeur marché Jean-Paul Bastianelli, inspecteur général des affaires sociales (rapporteur). santé chez Geodis France. « Il y a cer(2) Association française pour la logistique. La traçabilité au service de la logistique Le chaînon manquant de la logistique est, pour l’heure, la traçabilité sans rupture entre les expéditeurs et les utilisateurs. « En France, en décembre 2005, le CIP a émis une recommandation en matière de normalisation de la codification et du marquage des produits de santé », souligne Jean-François Fusco, pharmacien responsable et dg chez Aexxdis. Une recommandation qui précise les informations obligatoires de codification et s’appuie sur le standard international GS1 128. Les informations retenues sont : le code CIP 7 chiffres, le numéro de lot et/ou le numéro de série, la date de péremption. « Cette nouvelle codification répond à des enjeux de santé publique : elle est destinée à faciliter les retraits de lots et à lutter contre la contrefaçon. Elle débouche sur le choix d’un système de marquage, le code Datamatrix ECC200. » Au sein du CIP, son délégué général, Marc Gilbert, a récemment rappelé que son club a été saisi par l’Afssaps de la question. Un nouveau code EN 128 de 13 caractères devrait pouvoir être utilisé par les industriels à compter du 1er janvier 2008. La société GS11, une organisation internationale « neutre et à but non lucratif », présente dans plus de 20 secteurs industriels, est le moteur du projet. Un nombre croissant de pays ont, à travers le monde, adopté ses standards. A la demande de l’ensemble des acteurs de la chaîne de distribution, la Commission répartiteurs – fabricants du CIP a émis une recommandation en matière de normalisation de la codification et du marquage des produits de santé (www.cipclub.org). Cette recommandation a été soumise à l’ensemble des acteurs de la chaîne santé dont les industriels du médicament. Cette nouvelle codification a été au centre des débats du health care user group, réunissant récemment à Rome fabricants et distributeurs de produits de santé. (1) voir http://www.gs1fr.org ou contacter Valérie Marchand, 01 40 95 54 27. MAI 2006 _ PHARMACEUTIQUES