Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle, prémices de

Transcription

Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle, prémices de
Faruk Bilici*
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul
au XVIe siècle, prémices de grandes
bibliothèques publiques**
Abstract: Vakıf Libraries of Istanbul in the 16th Century: Precursors of Institutional Libraries.
Since the creation of the first vakıf library in Istanbul in 1459, this city saw the creation of
many reading places thanks to the foundations. They were mainly small libraries created by leading royal families, eunuchs, pachas and ulema. Only seven out of the forty founders, studied
here do not belong to these categories. Almost all of these libraries were dedicated to a religious
establishment (medreses, Islamic schools, mosques, türbes, tekkes). These libraries were mostly
concentrated in Istanbul inner city, but also in Eyüb, Kasım Pa‚a, Zincirlikuyu and Üsküdar.
Vakfiye also underline the religious character of these libraries: they contained Qurans, books
of Ìadîth, fiqh and kalâm as well as language books. Even Cihangir (created by Mahmud b. Abdullah al-Mennan), the only library which offered popular novels, does not invalidate this rule. The
main condition for lending a book in the 16th century is for it to stay in Istanbul. These small
libraries are the precursors of institutional libraries which appeared in the 17th century.
* INALCO, Paris.
** Je remercie mon ami Stéphane Valter d'avoir lu et corrigé cet article.
Note pour la translittération : nous avons conservé tels qu'ils sont utilisés en turc moderne,
autant que possible, les termes et les noms turcs dans le texte :
Hayreddin (sans aller jusqu'à dire Hayrettin) au lieu de Khayr al-dîn, ou Muslihiddin au lieu de
MuÒliÌ al-dîn ; Mehmed au lieu de MuÌammad ; Ahmed au lieu de AÌmad ; Abdullah au lieu
d'©Abd Allâh ; Mevlana au lieu de Mawlânâ, etc. Il en est de même pour hâf¬z-¬ kütüb au lieu de
Ìâfi@ al-kutub, ‚eyh'ül-islâm au lieu de shaykh al-islâm, vakıf au lieu de waqf, etc.
REMMM 87-88, 39-59
40 / Faruk Bilici
Résumé : Le XVIe siècle ottoman ne semble pas constituer encore une période faste pour la
création de grandes bibliothèques, comme cela sera le cas au siècle suivant. Cependant, la lecture est une préoccupation importante surtout chez les hommes d'État et les oulémas : des bibliothèques vakıf-s privées sont installées jusque dans de petits quartiers. Il ne sera pas question d'étudier l'ensemble des bibliothèques mais celles qui ne sont pas constituées par le sultan lui-même.
Ainsi, le processus de création de bibliothèques sous forme de vakıf-s dans différents quartiers
d'Istanbul, soit en tant qu'annexes de medrese-s, de mosquées ou de tekke-s, soit en tant qu'institution indépendante (assez rare) ou encore dans les demeures des particuliers est exposé dans
cette étude ainsi que les dispositions concernant le fonctionnement des bibliothèques surtout
en matière de personnel : type de fonction, attributions, salaires, etc.
Depuis la création de la première bibliothèque vakıf 1 en 1459 dans le complexe d'Eyüb, Istanbul s'est vue doter d'un certain nombre de lieux de lecture
grâce aux fondations créées par les dignitaires ottomans mais également par les
simples particuliers, quelquefois dans des quartiers reculés. Ces "bibliothèques"
ne sont pas, loin de là, des lieux de lecture publique importants. Au contraire,
la plupart du temps, il s'agit de legs d'un certain nombre d'ouvrages à des institutions créées par les fondateurs, constituant un fonds dans un lieu particulier,
pouvant servir aux lecteurs. Nous sommes encore loin de la période où l'on
construira des structures indépendantes avec une architecture particulière et des
règles de fonctionnement spécifiques que des préposés salariés par le fondateur
seront chargés de faire respecter.
La difficulté d'une telle étude réside avant tout dans la rareté des sources et
surtout dans leur éparpillement. La seule source recensant systématiquement, en
953 h./1546, l'ensemble des vakıf-s d'Istanbul intra-muros est le registre publié
par Ekrem Hakk¬ Ayverdi et Ömer Lütfi Barkan. Mais ce registre exclut les trois
quartiers périphériques importants : Galata, Eyüb et Üsküdar. Quant à l'étude
d'|smail E. Erünsal sur les bibliothèques vakıf-s à l'époque ottomane jusqu'à la
période des Tanzimât, elle nous donne de précieuses indications, mais pour
Istanbul et surtout pour la période qui nous intéresse, elle reste dans un certain
nombre de généralités, sans pouvoir se pencher par exemple sur le contenu de
ces bibliothèques.
Il n'est donc pas question d'étudier le phénomène du livre ou de la lecture dans
Istanbul au XVIe siècle. Pour cela, il aurait fallu aller plus loin et mettre à contribution les inventaires après décès ainsi que les autres registres de cadi (pour
notre période, plusieurs centaines). Notre travail est plus modeste. Il s'agit de voir
comment les hommes ou femmes lèguent des livres, ou, mais c'est plus rare, des
bibliothèques entières par le biais d'une vakıfiye (acte de création d'une fondation pieuse), d'abord pour l'usage des enseignants et étudiants des medrese-s, et
ensuite, plus rarement, pour l'usage du public.
1. Mis à part naturellement la bibliothèque impériale, fondée au "Vieux palais", par le transfert
des livres conservés à Manisa et au palais d'Edirne.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 41
Ici, une mise au point juridico-canonique s'impose à propos de la possibilité
de constituer un vakıf avec des livres. Depuis longtemps, des ©ulamâ’ ont débattu
de la question, et le livre a été associé aux biens mobiliers, au même titre que les
animaux, les armes, l'argent, les bateaux, les outils, etc. (A. Akgündüz, 1988, 150151), que l'on constituait en vakıf-s. Dans une bibliothèque, le but n'est pas le
bâtiment lui-même mais plutôt l'utilisation du livre. Donc, ce qui est "utile", c'est
le livre lui-même, objet véritable du vakıf. En conséquence, même si le livre est
un objet fragile et facilement destructible, son vakıf est licite. Il faut envisager
deux possibilités pour constituer des vakıf-s avec des livres : leur dépôt dans un
lieu précis avec ou sans possibilité de pouvoir les communiquer à l'extérieur ; la
construction d'un bâtiment d'où les livres ne peuvent pas sortir. Pour ce qui
concerne notre étude, nous nous limiterons à la première possibilité car, comme
nous l'avons déjà souligné, la construction d'une véritable bibliothèque publique
ne sera mise en place à Istanbul qu'au siècle suivant avec la bibliothèque Köprülü
en 1678.
Dans cette première catégorie pour laquelle il n'y a pas de bâtiment spécifique
faisant office de bibliothèque, l'œuvre de Mehmed II est considérable. En inaugurant le complexe (külliye) de Fatih en 1470, lequel est doté de trois bibliothèques
réunies par la suite en une seule au sein de la mosquée,2 le sultan donne l'impulsion à de nouvelles créations. Ainsi, Mahmud Pa‚a et Gedik Ahmed Pa‚a, ses
deux grands vizirs, constituent-ils des vakıf-s importants dans Istanbul et ailleurs,
dotant leurs medrese-s de bibliothèques et nommant des conservateurs (hâfiz-¬
kütüb). L'exemple le plus typique de bibliothèque créée à cette époque par des
hommes n'appartenant pas à la classe dirigeante est celui du ¥eyh Vefa (Muslihiddin Mustafa b. Vefa-zâde). En 890 h./1485, il fonda sa bibliothèque dans son
"monastère" (zâviye), lequel donna son nom au quartier : selon sa vakıfiye,3
cette bibliothèque, dotée d'un hâf¬z-¬ kütüb, comptait 381 ouvrages, répartis en
plusieurs domaines.4
Conforme à sa politique de conciliation avec les ©ulamâ’ et les milieux soufis, Bâyezid II (1481-1512), d'une part, restitua à leurs anciens détenteurs les biens
des fondations saisis pour le mîrî par Mehmed II et, d'autre part, favorisa la création de nouvelles fondations. Non seulement la bibliothèque du palais de Top2. Il y aurait 800 volumes dans les armoires de la mosquée. En 1956, lors du transfert des
ouvrages de la bibliothèque Millet à la bibliothèque Süleymaniye, on comptait 6 614 ouvrages
(A. H. Demir, 1995, 261).
3. (AMI), Evkâf-¬ humâyûn muhasipli…i (comptabilité des vakıf-s impériaux), 102, 150-151.
4. Cette bibliothèque se composait de 33 Corans "parfaitement reliés" et de 30 juz (parties du
Coran), de 59 tafsîr (commentaires du Coran), uÒûl al-tafsîr et al-tajwîd "reliés et non reliés", de
50 collections de Ìadîth-s, de 12 volumes relatifs aux uÒûl al-fiqh (fondements du droit), de 100
volumes de taÒawwûf (littérature mystique), de 21 volumes de littérature et de grammaire, de 14
volumes de médecine, de 5 volumes de kalâm (théologie), de 3 ouvrages de raisonnement
(man†iq), de 6 volumes d'astronomie, 21 recueils de poèmes (dîwân) en turc et en arabe, et de
14 dictionnaires.
42 / Faruk Bilici
kap¬ fut considérablement enrichie, notamment grâce à des livres offerts au sultan sous forme de cadeaux (S. Ünver, 1952, 309-311), mais surtout il fonda une
bibliothèque à l'école des pages de Galatasaray. De la même façon, nous connaissons l'existence d'une bibliothèque dans le complexe de Bayezid II à Istanbul,
avec un conservateur payé trois aspres par jour.
Parmi les bibliothèques privées exceptionnelles du début du XVIe siècle, il faut
signaler celle de Müyyed-zâde Abdurrahman Hatimi Çelebî (1456-1516), müderris et kad¬-asker de Roumélie sous Bayezid II et Selim Ier : il aurait possédé, mis à
part les doubles, pas moins de 7000 volumes (Ta‚köprü-zâde, 1975, 179).5 Par ailleurs,
nous possédons des témoignages montrant le souci de Selim Ier de constituer des
bibliothèques et surtout d'enrichir celle du palais (|. Erünsal, 1991, 37-39).
Quant à la bibliothèque Süleymaniye, elle ne figure pas dans le document de
fondation établi en 1557. Autrement dit, Soliman le Magnifique (Süleyman Ier)
n'attribua au départ aucune somme destinée au fonctionnement d'une bibliothèque, permettant l'acquisition de collection de livres et, éventuellement, la nomination d'employés de bibliothèque (hâf¬z-¬ kütüb et kâtib-i kütüb).6 Tout au
plus, peut-on parler de la mise en place d'un fonds d'ouvrages. Les étudiants des
différentes medrese-s devaient satisfaire leur besoin en livres par les petits fonds
d'ouvrages transférés du palais au külliye 7 et conservés dans les établissements
d'enseignement s'y trouvant. La "vraie" bibliothèque Süleymaniye date seulement
du règne de Mahmud Ier (1730-1754). Elle est alors située dans la mosquée ; en
1751-1752, sur ordre du sultan, le grand vizir Mustafa Bâhir Pa‚a fit aménager
la galerie droite de la mosquée, qui devait recevoir les ouvrages, et fit nommer
dix personnes. La bibliothèque actuelle, ouverte depuis 1918, est installée dans
les bâtiments qui servaient à l'origine de medrese de premier et second degré et
d'école coranique (s¬byân mektebi) (H. Koç, 1994, 104-105).
Dans cet article, nous tenterons d'établir une classification des personnes qui
ont constitué des bibliothèques sous forme de vakıf, de déterminer les lieux d'im5. Après le décès de Müyyed-zâde, ses livres furent partagés entre héritiers et certains furent vendus. Sur l'ordre du sultan, la bibliothèque fut reconstituée mais en définitive, seulement 2 112
ouvrages purent être récupérés et ajoutés à la bibliothèque du palais (Cf. le catalogue de cette
bibliothèque, Archives du palais de Topkap¬, D. 9291).
6. Sur une somme de 894 576 aspres, 35 % sont attribués au fonctionnement de la mosquée,
25 % aux medrese-s et dâr'ül-Ìadîth, 15 % au türbe, 13 % à l'hôpital, 5 % au imaret, 2 % à l'ensemble des services communs et une petite somme pour le fonctionnement de l'école coranique
(D. Kuban, 1994, VII, 97). La seule mention dans l'acte de fondation de la Süleymaniye concernant la "bibliothèque" est conçue ainsi : « lorsqu'on se procurera des livres pour les medrese-s sus
mentionnées, le grand-vizir nommera des hâf¬z-¬ kütüb et kâtib-i kütüb et précisera leurs fonctions » (|. Erünsal, 1991, 45).
7. On rencontre aux Archives de Topkap¬ les traces de ce type de transfert au cours du siècle,
une fois en 1561 et une autre fois en 1566 (E 8611/1 et E 2803/1). Le document d'archives le
plus ancien que l'on ait trouvé, indiquant la nomination des employés de bibliothèque pour la
Süleymaniye, date de 1583 (|. Erünsal, 1991, 46).
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 43
plantation de ces bibliothèques, et, sans aller jusqu'à dresser un catalogue exhaustif des lectures du XVIe siècle, d'analyser certains fonds d'ouvrages indiqués dans
certaines vakfiye-s afin d'avoir une idée du type de lecture "en vogue" chez les grands
comme chez les modestes lecteurs turcs d'Istanbul du siècle. Nous concluerons
en indiquant certaines dispositions mises en place par les fondateurs pour le fonctionnement des bibliothèques.
Les fondateurs de bibliothèques vakıfs
Il serait prétentieux de vouloir établir une liste complète des fondateurs de
bibliothèques à Istanbul. Les vakfiye-s dont nous disposons peuvent cependant
nous donner suffisamment d'informations pour appréhender la pratique qui
consiste à laisser des livres à la disposition de certains publics, sinon de tout
public, sachant lire.
D'emblée, il faut relever que les "bibliothèques" du XVIe siècle fondées sous
forme de vakıf-s sont très majoritairement l'œuvre de la classe dirigeante (voir
tableau I) : le sultan et sa famille, les fonctionnaires militaires et civils ainsi que
les ©ulamâ’. Aussi, sur les quarante "bibliothèques" recensées, cinq sont fondées
par la famille impériale : par le sultan lui-même (il s'agit en l'occurrence de la
Süleymaniye avec toutes les réserves émises ci-dessus), par ou pour le prince
Mehmed,8 fils de Soliman le Magnifique, et par les femmes ou filles des trois autres
sultans : Mihrimâh, fille de Süleyman Ier et épouse de Rüstem Pa‚a, Nurbânû,
femme de Selim II, mère de Murad III, et |smihân, fille de Selim II, épouse de
Sokullu Mehmed Pa‚a. Deux bibliothèques sont l'œuvre des chefs des eunuques :
Mehmed A…a et Gazanfer A…a. Vingt-six bibliothèques sont fondées par des
pachas ou des ©ulamâ’ : sur les quatorze bibliothèques vakıf-s des pachas, neuf
sont les créations de grands vizirs dont certains sont associés étroitement au
palais, soit par le harem (les eunuques), soit par des liens de mariage; douze bibliothèques sont fondées par des ©ulamâ’ (‚eyh'ül-islâm, kadî asker d'Anatolie, kadî,
müderris, ‚eyh etc.). Enfin, sept autres sont des fondations créées par des personnages appartenant à diverses couches socio-professionnelles (encore que Kara
Ali soit aussi un militaire) ou de métier inconnu.
Sur un si petit nombre de bibliothèques, une statistique sur la périodisation
n'a pas de sens. Cependant, on peut constater que sous Selim Ier (1512-1520),
une seule bibliothèque est construite, alors que les règnes de Bâyezid II (14811512), Soliman le Magnifique (1520-1566), Selim II (1566-1574) et surtout
Murad III (1574-1595) et Mehmed III (1595-1603) sont relativement riches en
8. Il n'est pas sûr que son complexe religieux d'Istanbul (¥ehzâdeba‚¬ ou Saraçhâne) fut construit
avant sa mort (D. Kuban, 1994, VII, 152). Les cérémonies funéraires du prince Mehmed eurent
lieu, le 16 octobre 1543, alors que le külliye fut terminé en 1548. Dans ce cas, et eu égard à sa
vakfiye (Bibliothèque de Topkap¬, EH 3003, f 100b - 106b), la construction commença avant
sa mort et fut achevée par son père.
44 / Faruk Bilici
fondation de bibliothèques. Il ne faut cependant pas oublier que, parmi les personnages indiqués dans notre tableau, certains ont fait construire des medrese-s
et des bibliothèques dans d'autres provinces de l'Empire.
Tableau I
Fondateurs de bibliothèques au XVIe siècle
Fondateurs
Süleyman Ier 9
Mehmed
Mihrimâh10
|smihân11
Nurbânû12
Atik Ali Pa‚a, eunuque13
Koca Mustafa Pa‚a14
Rüstem Pa‚a15
Semiz Ali Pa‚a16
Sokullu Mehmed Pa‚a17
Koca Sinan Pa‚a18
Mesih Pa‚a, eunuque19
|brahim Pa‚a, beau-frère de Süleyman Ier 20
Titre ou profession
sultan
‚eh-zâde (prince)
sultane
sultane
sultane
grand vizir
grand vizir
grand vizir
grand vizir
grand vizir
grand vizir
grand vizir
grand vizir
Date de fondation
1561
?
1549
1568
1570-1579
1509
début du XVIe s.
1547
1565
1574-1575
1586
1586 ou 1591
avant 1549
9. K. E. Kürkçüo…lu, 1962, 151-152.
10. Je n'ai pas trouvé dans la vakfiye de Mihrimâh sultane (ADGW, 635/1), d'indications
concernant la bibliothèque ou les ouvrages dédiés à la medrese d'Üsküdar. Mais I. Erünsal
indique bien que « dans les medrese-s fondées par Süleyman le Législateur (Kânûnî) pour ¥ehzâde Mehmed et Mihrimâh Sultane, il consacra une bibliothèque » (|. Erünsal, 1991, 45). Un
exemplaire de sa vakfiye se trouve à la bibliothèque Süleymaniye, Esat Efendi, 3752 / 2.
11. ADGW, 572, 139-149.
12. ADGW, Kasa n° 121.
13. E. H. Ayverdi et Ö. Lütfi Barkan, 1970, 67.
14. La construction du complexe religieux de Koca Mustafa Pa‚a, dans le quartier portant son
nom, date de la fin du XVe et du début du XVIe siècle. Sa vakfiye (E. H. Ayverdi et Ö. L. Barkan,
1970, 366-369) n'est pas datée et il ne contient pas d'indications concernant une bibliothèque.
Nous savons seulement qu'entre 1602 et 1606, un hâf¬z-¬ kütüb y était salarié 2 aspres par jour
(AOP, Kepeci, Haremeyn Muhasebesi, 3304, 9).
15. ADGW, 635/2.
16. ADGW, 585, 16-20.
17. ADGW, 572, 27-63 ; ADGW, kasa n° 103.
18. AOP, Süleymaniye, Haremeyn, dossier n° 1.
19. ADGW, 746, 83 ; A. H. Demir, 1995, 263.
20. Indication concernant son vakf : AOP, Mühimme n° 55, 48.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 45
Mehmed Pa‚a, cerrâh (chirurgien)21
grand vizir
1593-1594
Kâs¬m Pa‚a b. Abdulhay, Güzelce
(beau-frère de Süleyman Ier)22
vizir
1544
Zal Mahmud Pa‚a23
Ahmed Pa‚a
vizir
1569-1570
(eunuque)24
vizir
1595-1596
(bey)25
ni‚anc¬ (chef de la chancellerie)
1559-1560
Hayreddin Pa‚a (Barberousse)26
Feridun Pa‚a
kapudân-i deryâ (grand amiral)
1534-1535
Mehmed A…a27
grand amiral
1591
Gazanfer A…a28
Ahmed Çelebi,
chef des eunuques
1595-1596
Efdal-zâde29
‚eyh'ül-islâm
avant 1546
Efendi30
Hamid Mahmud
‚eyh'ül-islâm
1564-1565
Zekeriya efendi31
Mehmed efendi b. Abdullah,
Molla Çelebi32
‚eyh'ül-islâm
kadî-asker
d'Anadolu
1593-1594
Mevlana Muhiddin, Alayieli33
©âlim
1501
©âlim
1519
©âlim
avant 1546
Mevlana Bâlî34
Muslihiddin Çelebî b. Ahmed Çelebî
Mevlana Alaüddin b. hac¬
el-Yeganî35
Sinan36
Mevlana ¥eyh |shak b. Abdürrezzâk37
Alaüddin b. Abdurrahman al-Thâbit38
1584
©âlim
1545-1546
©âlim, ‚eyh
kadî
avant 1546
1562
21. |. Erünsal, 1991, 53.
22. E. H. Ayverdi et Ö. L. Barkan, 1970, 431-432.
23. Sa vakfiye n'a pas été trouvée mais nous avons des indications concernant la bibliothèque
dans la medrese (AOP, Ruus, 14).
24. |. Erünsal, 1991, 51 ; A. H. Demir, 1995, 262.
25. ADGW, 570, 198.
26. ADGW, 571, 185-186 et ADGW, 2225, 147.
27. A. H. Demir, 1995, 263.
28. ADGW, 571, 11-22 ; A. H. Demir, 1995, 262.
29. E. H. Ayverdi et Ö. L. Barkan, 1970, 199.
30. ADGW, 572, 9-14.
31. A. H. Demir, 1995, 265.
32. ADGW, 624, 4-5.
33. E. H. Ayverdi et Ö. L. Barkan, 1970, 338.
34. Id., 242.
35. Id., 172.
36. Id., 341.
37. Id., 439.
38. AMI, Balat Mahkemesi, 2, f° 5a-5b.
46 / Faruk Bilici
Kâs¬m b. Hâbil39
Emir Mehmed dede, Yorgânî40
Hayreddin41
Kara Ali42
Ferrûh A…a44
Mahmud Bey b. Abdullah al-Mennân45
Yunus46
Cihan Bey47
¥âh Ali48
©âlim, müderris
1563
‚eyh
1564-1565
çad¬rc¬ (fabricant de tentes)
?
43
seg bân
?
kethüda (intendant) date de construction :
1562-1563
kethüda des bateliers
1593
tercüman (traducteur)
?
?
?
?
avant 1553
Type de bibliothèques et implantation dans la ville
Si l'on ne peut pas dégager une spécialisation très affirmée en ce qui concerne
les types de bibliothèques vakıf-s au XVIe siècle à Istanbul, certaines dégagent
quelques spécificités. Sur les 40 "bibliothèques" recensées pour cette période
– y compris celle de la Süleymaniye –, on constate que la quasi-totalité des
fonds d'ouvrages sont dédiés aux établissements d'enseignement religieux : dixsept medrese-s, deux dâr-s al-Ìadîth- (à F¬nd¬kl¬, fondée par Mehmed Efendi
b. Abdullah, kadî-asker d'Anatolie, et à Fâtih, fondée par Mehmed A…a, chef des
eunuques), une école (celle de Feridûn Ahmed Pa‚a à Eyüb). Dix fondateurs
lèguent leur patrimoine en livres aux mosquées. Une bibliothèque a pour destination un türbe et deux des couvents de derviches (tekke). Pour le reste, les fondateurs et surtout les ©ulema’ détiennent un certain nombre d'ouvrages dans
leurs bibliothèques privées qu'ils constituent en vakıf-s. La gestion de celles-ci
est assurée d'abord par eux-mêmes, tant qu'ils sont en vie, puis elles sont transférées à un établissement religieux ou à une bibliothèque plus importante, notamment celle de Mehmed II à Fatih et à la Süleymaniye. Parmi les bibliothèques
de quartier, celle de Mahmud Bey b. Abdullah, paraît intéressante : elle est fondée à l'intérieur de la mosquée de Cihângîr et était utilisée par les habitants du
quartier et les fidèles fréquentant la mosquée (Cf. le document en annexe).
39. AMI, Balat Mahkemesi, 2, f° 81b-82a.
40. A. H. Demir, 1995, 265 ; AMI, Rumeli Sadareti, 8, f° 55a-55b.
41. |. Erünsal, 1991, 43.
42. AOP, Cevdet, Maarif, 5465, |. Erünsal, 1991, 42.
43. Littéralement : gardien de chien (du mot persan seg). Il s'agit d'un régiment du corps des
janissaires.
44. ADGW, 570, p. 60. Ce Ferrûh était l'intendant du grand vizir Semiz (le gras) Ali Pa‚a.
45. AMI, Galata Mahkemesi, 17, 187-188.
46. AOP, Kepeci, Ruus, 217, 161.
47. AMI, Evkâf-¬ Hümâyûn Muhasipli…i, 7, f° 23b.
48. |. Erünsal, 1991, 47.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 47
En dehors de ces bibliothèques vakıf-s, nous connaissons l'existence de deux
bibliothèques spécialisées : celle confiée, en 1575-1576, à Molla Kâs¬m, médecin en chef, contenant des ouvrages de médecine ; l'autre est la bibliothèque de
l'observatoire, fondée à l'époque de Murad III, par Takiyüddin (1525-1585), astrologue impérial (|. Erünsal, 1991, 53).
Ces bibliothèques sont implantées (Cf. la carte) majoritairement dans les
quartiers intra-muros de la ville (30 sur 40), et sont concentrées surtout dans le
quartier de Fatih ou dans la périphérie de ce quartier, comme Zeyrek Çar‚amba,
H¬rka-i ¥erîf, Ko…ac¬ Dede, Draman, Murad Pa‚a, et dans une moindre mesure
autour de la mosquée Sainte-Sophie.
Eyüb fait également partie des quartiers de prédilection pour ce type de vakıf :
|smihan Sultane, Zal Mahmud Pa‚a et sa femme, ¥âh Sultane, et enfin Feridûn
Ahmed Pa‚a ont légué leur bibliothèque respectivement à la türbe, à la mosquée et
à l'école qu'ils ont fait construire dans ce quartier. Les quartiers allant de Sainte-Sophie
à Bâyezid (|shak Pa‚a, Çemberlita‚, Eminönü, Mercan) mais aussi dans la partie centrale de la presqu'île (Süleymaniye, Bayezid, ¥ehzadeba‚¬ ou Saraçhane et Vefa,
Laleli ou Aksaray), sont dotés également de bibliothèques. Sur la Corne d'Or, Balat,
Ayakap¬ et au sud, sur la mer de Marmara, Kumkap¬ ou encore vers les murailles
terrestres, Kocamustafapa‚a et Cerrahpa‚a en sont également pourvus. La rive droite
de la Corne d'Or, Kas¬mpa‚a, possède également une bibliothèque, de même que
Be‚ikta‚ et Zincirlikuyu. Enfin, deux medrese-s construites à Üsküdar, par Mihrimâh
Sultane et Nurbânû Sultane, contiennent également des bibliothèques.
Contenu des bibliothèques : une prépondérance religieuse
Il est difficile d'établir une liste exhaustive des ouvrages en circulation dans
les établissements vakıf-s du XVIe siècle à Istanbul. Tels qu'ils figurent dans les
vakfiye-s ou dans certains catalogues, les ouvrages constitués sous forme de vakıf
– en tout cas ceux que nous avons trouvés – sont loin de refléter la littérature qui
circulait dans les milieux d'enseignement et d'éducation.
C'est un lieu commun de dire que ces ouvrages sont en très grande partie à caractère religieux, et que leurs domaines sont donc assez classiques : outre des exemplaires du Coran cités dans de très nombreuses vakfiye-s (même lorsque celles-ci
ne concernent pas une bibliothèque), les commentaires du Coran (tafsîr), les collections de Ìadîth-s, les traités de droit musulman (fiqh), de controverses théologiques (kalâm), mais également des ouvrages linguistiques, notamment les grammaires et les dictionnaires, de philosophie et de raisonnement (man†ıq),
d'astronomie et d'astrologie, mais aussi des "romans" (légendes, contes ou épopées) populaires.
Sur les quarante vakfiye-s étudiées, dix-sept précisent le nombre de volumes
et certaines d'entre elles donnent également soit les disciplines auxquelles ces
ouvrages appartiennent soit les noms des ouvrages.
48 / Faruk Bilici
Implantation des bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle
D'abord un constat : au XVIe siècle, mis à part les quelques bibliothèques que
nous avons citées, les fonds ne sont pas considérables, et paraissent même dérisoires compte tenu des fortunes – et probablement des livres à domicile – de certains des dignitaires ottomans qui les mettent en place. Cela s'explique surtout
par l'attribution de ces fonds à des établissements religieux d'enseignement, et donc
par la stricte observance des programmes de medrese-s établis par le sultan. En effet,
les ouvrages que nous avons trouvés dans les statuts des vakıf-s correspondent généralement aux consignes données par le sultan quant aux ouvrages à étudier dans
les medrese-s de l'Empire. Selon un document d'archives, daté de 156549 le sultan dicte et fait distribuer aux müderris les ouvrages de tafsîr, de Ìadîth, de fiqh
et de langue arabe, qui doivent être suivis pendant les cours. On peut déduire les
programmes d'enseignement des listes de livres cités dans ce document.50
49. Archives du palais de Topkap¬, E. 2803, cité par M. Bilge, 1984, 63.
50. À défaut de pouvoir établir une description succincte des ouvrages indiqués dans ce programme ainsi que de ceux mentionnés dans les vakfiye-s étudiées, nous avons essayé, à partir de
Kashf al-@unûn de Kâtib Çelebî, de trouver autant que possible leurs intitulés complets ainsi que
leurs auteurs, travail, il faut le dire, particulièrement fastidieux.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 49
Pour le tafsîr : al-Kashshâf [Îaqâ’iq al-tanzîl d'Abû al-Qâsim Jâr Allâh MaÌmûd b. ©Umar al-Zamakhsharî al-Khurazmî (m. en 538 h./1143-1144)], Qu†b
al-dîn [de MaÌmûd b. Mehmed al-Iznîqî (m. en 821 h./1418)], Sa©d al-dîn, alQâ∂î al- Bay∂âwî [Anwâr al-tanzîl wa asrâr al-ta’wîl de NâÒir al-dîn Abû Sa©îd
©Abd Allah b. ©Umar al-Bay∂âwî (m. en 692)]51, Qurtûbî [Jâmi© aÌkâm alQur’ân… de l'imâm Abû ©Abd Allâh MuÌammad b. AÌmad b. Abû Bakr b. alQur†ûbî (m. en 668 h./1269], Kâshânî [Ta’wîlât al-Qur’ân de Kamâl Abû al-Ghanam ©Abd al-Razzâq b. Jamâl al-dîn al-Kâshî al-Samarqandî (m. en
887 h./1487-1488)], al-IÒfaÌânî [Tafsîr al-IÒfahânî de Shams al-dîn Abû alThanâ’ MaÌmûd b. ©Abd al-RaÌmân al-Shâfi©î (m. en 749 h./1348-1349)].
Pour le Ìadîth : Bukhârî [Jâmi© al-∑aÌîÌ, ou avec son titre plus connu ∑aÌîÌ alBukhârî d'Abû ©Abd Allâh MuÌammad b. Ismâ©îl al-Ja©fî al-Bukhârî (m. en
256 h./869-870], Kirmânî, ©Aynî [©Umdat al-qârî’ fî sharÌ ÒaÌîÌ al-Bukhârî de Badr
al-dîn MaÌmûd b. AÌmad b. Mûsâ b. AÌmad al-©Aynî (m. en 855 h./1451)], Ibn
Îajar [FatÌ al-bârî fî sharÌ al-Bukhârî d'Abû al-Fa∂l AÌmad b. ©Alî b. Îajar al-©Asqalânî (m. en 852 h./1448)], MaÒâbîÌ [MaÒâbîh al-sunna de l'imâm al-Shâfi©î, ou celui
de Îusayn b. Mas©ûd al-Farrâ’ al-Baghawî (m. en 1122)], ∑aÌîÌ de Muslim, Nawawî
[Îilyat al-abrâr wa shi©âr al-akhyâr fî talkhîÒ al-da©wât wa al-adhkâr de MuÌyî aldîn Abû Zakariyyâ YaÌyâ b. Sharaf b. al-Nawawî (m. en 676 h./1277)].
Pour le fiqh Ìanafite : al-Hidâya [de Burhân al-dîn ©Alî b. Abû Bakr al-Marjinânî (m. en 1196-1197)]52, Nihâya [Nihâyat al-Kifâya fî dirâyat al-hidâya de
©Umar b. ∑adr al-Sharî©a ©Abd Allâh b. al-MaÌbûbî (m. en 672 h./1273-1274)],
Ghâyat al-bayân [un commentaire d'al-Hidâya], Pazdawî. Enfin, en dictionnaire, l'on demande d'étudier le Qâmûs [al-Qâmûs al-MuÌî†wa al-qâmûs alwasî†al-jâmi© limâ dhahab min kalâm al-©arab shamâ†î† de MuÌammad b. Ya©qûb
al-Fayrûz-âbâdî al-Shîrâzî (m. en 817 h./1414-1417].
Pour certaines bibliothèques, nous avons seulement le nombre de volumes
composant le fonds sans autres indications : ils varient entre 20 (Hayreddin Pa‚a)
et 620 (Mevlana Bâlî). C'est le cas de Mevlana Muslihiddin Çelebi b. Mevlana
Ahmed Çelebi el-Yegânî, dans le quartier de Vefa (100 volumes) ; celui d'Ahmed
Çelebî b. Mehmed Efdalüddin près de la mosquée Mehmed II à Fatih (42 vol. reliés),
qui consacre également une somme de 200 000 aspres et nomme un conservateur
(hâf¬z-¬ kütüb) rémunéré un aspre par jour ; celui de Muhiddîn al-¥ehîr bî-Alayeli
Muhiddin (dans le quartier de Murad Pa‚a), qui constitue, en 907 h./1501-1502,
un vakıf avec 15 aspres et 71 "ouvrages de valeur" (kütüb-i mu©tebere) qui furent
tranférés, avant le recensement, en 1546, à la bibliothèque de Mehmed II.
51. Connu également sous le nom de Tafsîr al-Qâ∂î.
52. Il s'agit d'un commentaire fait par le même auteur sur le bidâyat al-Mubtadî. Par ailleurs,
pour les nombreux autres commentaires de cet ouvrage (cf. K. Çelebî, II, 2031-2040).
50 / Faruk Bilici
Pour être plus concret, il serait utile de voir de plus près les listes d'ouvrages
données par quelques vakfiye-s. Le grand vizir Ali Pa‚a constitue son vakıf en
915 h./1509 et fait construire, outre sa mosquée et son couvent (khânekâh) à
Edirne, une mosquée, une medrese, un ©imaret (soupe populaire) et un khânekâh à Istanbul. Dans sa medrese d'Istanbul, près de sa mosquée à Çemberlita‚,
le pacha constitue une bibliothèque de 119 volumes et nomme un conservateur
(hâf¬z-¬ kütüb) rémunéré trois aspres par jour. Les ouvrages composant sa bibliothèque sont répartis selon le tableau suivant :
Tableau II
Domaines couverts par les ouvrages
Coran
Commentaires du Coran (tafsîr)
Nombre de volumes
6
11
Tradition du Prophète (Ìadîth)
20
Sciences principales (uÒûl)
9
Sciences secondaires (furû©)
35
Langues et lexicologie (ma©ânî)
Controverse (kalâm)
11
7
Mysticisme (©ilm-i meshâyikh)
Philosophie (kütüb-i hikma)
Dictionnaires
3
9
7
Raisonnement (man†ıq)
Total
1
119
La bibliothèque du ‚eyh |shak b. Abdürrezzak (probablement à Üsküdar), constituée avant 1546, compte 40 ouvrages en 48 volumes, qui couvrent certaines sciences
religieuses, et également l'astronomie, les mathématiques, la médecine, la philosophie et les langues arabe et persane. L'inventaire de cette bibliothèque est établi ainsi :
MuÒÌaf-i sherîf (Coran), Kitâb al-kashshâf (4 vol.), Kitâb al-tafsîr al-wasî†
(2 vol.), Kitâb al-tafsîr al-wajîz li-wâÌid, Kitâb min ÒaÌîÌ al-imâm Muslim (3
vol), Kitâb mashâriq al-anwâr, Kitâb maÒâbîÌ, al-hidâya, une partie du Kitâb alQâ∂î-khân, Kitâb sharÌ al-jâmi© al-Òaghîr de Sarakhsî, Kitâb uÒûl al-fiqh (du même
auteur), Kitâb al-mabsû†, Kitâb al-taw∂îÌ, Kitâb al-uÒûl de Pazdâwî, Kitâb alkashf (du même auteur), Kitâb SharÌ al-fiqh al-akbar, Kitâb minhâj al-©abidîn, Kitâb
mîzân al-©amal, Kitâb akhlâq al-NâÒirî, Kitâb mukhtaÒar min al-ma©ânî, Kitâb talkhîs al-miftâÌ avec Çarpurdî, Kitâb al-taysîr, Kitâb al-mukhtaÒar al-ÒaÌîÌ, Kitâb
iÒÌâÌ al-©Acemî, Kitâb ta©bîr al-fârisî, Kitâb al-mabda’ wa al-mî©âd d'Ibn Sînâ, Kitâb
al-Ìikma al-ilhâmiyya, Kitâb al-handasa, Kitâb al-muntahâ al-idrâk fî taqâsîm al-
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 51
aflâk, Kitâb na©t al-Ìayawân d'Aristote, Kitâb thamarat al-Ba† lamyos min alnujûm, Kitâb sharÌ ashqât al-ta’sîs,53 Kitâb sharÌ al-Ça…minî li-Qâ∂î-zâde, sharÌi sî faÒl 54 et Risâlat al-usturlâb55 (les trois en un volume), Kitâb fî ©ilm al-Ìisâb56
et Risâlat al-usturlâb (en un seul volume), Kitâb ©uyûn al-anba’ fî †abaqât ala †ibbâ’, Kitâb sharÌ fuÒûl ebukrat li-Qureshî, Kitâb minhâj al-bayyinât min al- †ib,
Kitâb al-fuÒûÒ li-MuÌyî al-dîn al-©Arabî, Kitâb al-Ìâwî min al- †îb 57 enfin alJam©iyyât.
La bibliothèque que Hayreddin Pa‚a, dit Barberousse, grand amiral de la flotte
ottomane (m. en 1546), fonda dans son dâr'ül-Ìadîth à Be‚ikta‚ contient seulement 20 volumes. Il s'agit, outre d'un Coran "calligraphié", des ouvrages suivants :
Bukharî, Tafsîr al-Bay∂âwî,58 Tafsîr al-Ghâzî, al-MaÒâbîÌ al-sharîfa, Mishkât alanwâr,59 un commentaire du Manâr,60 Kitâb al-anwâr, un commentaire de ©Isâ
fait à Kenz, Multaqâ al-abÌur fî furû© al-Ìanafiyya,61 un commentaire de Shar©a
(sic), Durar al-Ìukkâm de Molla Hüsrev (m. en 885 h./1480),62 Lughat al-mir53. Ou TuÌfat al-ra’îs. Il s'agit du commentaire de Kad¬-zâde-i Rûmî Ashqâlat al-ta’sîs de Shams
al-dîn MuÌammad b. Ashraf al-Samarqandî al-Husaynî (m. en 683 h./1284). Cet ouvrage de
géométrie d'Euclide était le manuel incontournable des medrese-s ottomanes.
54. NâÒir al-dîn al-™ûsî de l'observatoire de Merâga.
55. Les ouvrages sur l'astrolabe dans le monde ottoman du XVIe siècle ne sont pas rares. Dans le
chapitre correspondant, Kâtib Çelebî en cite plusieurs aussi bien en arabe qu'en persan
(K. Çelebî, 1941, 845-845).
56. Là encore le nom de l'auteur n'étant pas précisé nous nous permettons de renvoyer au chapitre "©ilm al-Ìisâb" (K. Çelebî, 1941, 661-665).
57. Cet ouvrage d'Abû Bakr MuÌammad b. Zakariyyâ al-Râzî (m. en 313 h./925) est, selon
P. Kraus et S. Pines (1988, 642-645) « la plus grande encyclopédie médicale écrite en langue
arabe. »
58. NaÒi al-dîn ©Abd Allâh b. ©Umar b. Muhammad el-Bay∂âwî (m. en 685 h./1286). Son commentaire du Coran est intitulé en réalité Anwâr al-tenzîl wa asrâr al-ta’wîl.
59. En l'absence d'auteur précis, nous devons faire des suppositions sur le titre exact de cet ouvrage. Il s'agit probablement de celui attribué à Abû Îâmid MuÌammad b. MuÌammad al-Ghazâlî
(m. en 505 h./1111). Dans ce cas il serait intitulé : Mishkât al-anwâr wa maÒafât al-asrâr. Par
ailleurs, Kâtib Çelebî recense cinq autres ouvrages commençant par les mots "Mishkât al-anwâr" :
Mishkât al-anwâr fî la†â’if al-akhbâr (attribution douteuse à MuÌammad al-Ghazâlî), Mishkât alanwâr fî-mâ ruwiya ©an Allâh subÌânahu min al-akhbâr de MuÌyî al-dîn MuÌammad b. alAndalusî (m. en 638 h./ 1240-1241), Mishkât al-anwâr fî riyâ∂ al-azhâr de MuÌammad alGhazâlî, enfin le dernier porte le même titre que celui de al-Ghazâlî mais attribué, selon Kâtib
Çelebî, à un "ahl al-taÒawwuf " (K. Çelebî, 1941, I, 1693-1694).
60. Manâr al-anwâr d'Abû al-Barakât ©Abd Allâh b. AÌmad Îâfiz al-dîn al-Nasafî (m. en
710 h./1310-1311). Il est bien entendu impossible de savoir de quel commentaire il s'agit, car
jusqu'à la fin du XVIe siècle, on en compte une vingtaine plus ou moins importants (K. Çelebî,
II, 1823-1827).
61. Ibrâhîm b. MuÌammad al-Îalabî (m. en 956 h./ 1160).
62. C'est un commentaire fait par le même auteur sur le Ghurar al-aÌkâm.
52 / Faruk Bilici
qât, KhulâÒat al-fatâwâ, un autre ouvrage d'Ibrâhîm Îalabî, ©Alî Qâ∂î, al-Farâ’i∂,63
∑adr al-sharî©a, al-Kâfiya wa al-shâfiya fî al-naÌw,64 Mushkilât65 et Molla Jâmi©.
Dans cette série de bibliothèques, fondées par les pachas, il serait intéressant
d'analyser brièvement la bibliothèque concédée en vakıf au profit de sa medrese
par Rüstem Pa‚a. Sa vakfiye n'est pas parmi les plus instructives sur le plan de la
variété des livres mis à la disposition des étudiants de medrese-s ou lus dans les bibliothèques vakıf-s du XVIe siècle à Istanbul, mais il est le seul à donner des indications techniques sur les livres. Homme richissime et apparemment d'un goût
exquis, Rüstem Pa‚a fait détailler les quelque 130 volumes de manuscrits, dont
les titres de plusieurs ne sont pas précisés, dédiés à sa medrese à Istanbul.66 D'abord,
les rares titres indiqués dans sa vakfiye : Kitâb al-tafsîr al-kabîr (2 exemplaires),67
Tafsîr al-Qâ∂î (6 exemplaires), Tafsîr al-madârik (1 vol.), Tafsîr la-shaykh (2 vol.),
Tafsîr Ibn ©A†iyya (5 vol.),68 Tafsîr al-Wasî (4 vol.), Tafsîr Ibn Kathîr (6 vol.),69 Tafsîr al-IÒfahânî (8 vol.), Tafsîr al-Tâj al-tarâjim (1 vol.),70 Tafsîr Îusayn Wâ©i∂ (1
vol.), Tafsîr al-Masîr d'Ibn al-Jawzî 71 (incomplet, 2 vol.), Kashf al-asrâr (2 vol.),72
Bukhârî (30 fascicules = qit©a), deux autres Bukhârî (1 et 2 vol.), Muslim (1 vol),
Jâmi© al-uÒûl fî aÌâdîth al-rasûl (1 vol.),73 Kitâb al-jâmi© al-kabîr (7 vol),74 un
ouvrage d'Ibn Îajar (9 vol.), un ouvrage de ©Aynî (13 vol.). Les deux ouvrages
d'al-Ghazâlî, Kitâb iÌyâ’ ©ulûm al-dîn, Minhâj al-©âbidîn, l'ouvrage d'al-Nawawî,
63. De Sirâj al-dîn MuÌammad b. MaÌmûd b. ©Abd al-Rashîd al-Sajawandî. L'ouvrage a été
commenté de nombreuses fois par les auteurs ottomans (M. Bilge, 1984, 49).
64. Ibn Mâlik b. ©Abd Allâh (m. 672 h./ 1273-1274).
65. Probablement celui intitulé Mushkilât al-Qur’ân d'Abû MuÌammad al-Makkî b. Abû ™âlib
al-Qaysî (m. en 437).
66. Cela ne veut pas dire que Rüstem Pa‚a possédait seulement ces ouvrages. Au contraire,
d'après son inventaire après décès, il aurait une collection composée de 8 000 exemplaires calligraphiés du Coran et de 5 000 autres volumes de livres divers (|. H. Uzunçar‚¬l¬, 1984, 166).
67. Le nom de l'ouvrage est en réalité MafâtiÌ al-ghayb. Son auteur est Fakhr al-dîn MuÌammad
b.©Umar al-Râzî (m. en 606 h./1209).
68. Kâtib Çelebî présente deux ibn ©A†iyya, l'ancien (al-qadîm) et le tardif (al-muta’akhkhir).
L'ouvrage consacré comme vakıf par Rüstem Pa‚a doit être probablement celui de MuÌammad
©Abd Allâh b. ©A†iyya al-Dimashqî (m. en 383 h./993). Le second auteur se nomme Abû
MuÌammad ©Abd Allâh b. ©Abd al-Îaqq.
69. Le commentaire d'al-Îâfi∂ Abû al-Fidâ’ Ismâ©îl b. ©Umar al-Qurashî al-Dimashqî (m. en
774 h./1372).
70. Plus exactement, Tâj al-tarâjim fî tafsîr al-Qur’ân al-'azîm de Abû-Mu∂affar ™âhir
b. MuÌammad al-Asfarânî.
71 Shams al-dîn Abû al-Muzaffar Yûsuf b. Qazaghlî al-Îanafî (m. en 654 h./1256).
72. Le document de fondation ne donne pas plus de précisions sur cet ouvrage. Il serait donc
hasardeux d'indiquer un auteur, car sous le nom de Kashf al-asrâr, Kâtib Çelebî recense six
ouvrages. Par ailleurs, les titres de six autres ouvrages commencent par Kashf al-asrâr (K. Çelebî,
1971, II, 1485-1486).
73. Le fameux traité d'Abû al-Sa©adât Mubârak b. MuÌammad al-ma©rûf bi-Ibn al-Athîr alJazarî al-Shâfi©î (m. en 606).
74. L'autre ouvrage célèbre de collection de Ìadîth-s de Bukhârî.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 53
Riyâ∂ al-ÒâliÌîn, l'ouvrage d'Abû al-Layth al-Samarqandî, Tanbîh al-ghâfilîn, et enfin
l'ouvrage de l'imâm al-Qur†ûbî, Tadhkirat al-aÌwâl al-akhîra (en un seul vol.). Enfin
62 volumes dont les noms ne sont pas indiqués.75
Lorsque les vakfiye-s établissent l'inventaire des ouvrages mis à la disposition des
medrese-s ou du public, elles indiquent très souvent leur état de couverture, reliée
ou non. Nous n'avons pratiquement pas de description sur la nature de l'écriture
ni sur le papier utilisé. En revanche, le document de fondation de Rüstem Pa‚a donne
des indications précieuses quant à la nature du papier utilisé dans les manuscrits.
D'abord, il faut remarquer que la totalité du papier utilisé pour ces manuscrits
est d'origine orientale, en tout cas porte le nom d'oriental. Or, selon Mustafa Ali
(1541-1599), l'auteur du Menâk¬b-i Hünerverân,76 les papiers d'origine orientale
sont de qualité inférieure en comparaison avec les papiers occidentaux, et il déconseille d'utiliser ce type de papier, notamment celui fabriqué et appelé d¬m¬‚kî ou
d¬ma‚kî (damascain). Il se trouve que, sur 115 volumes pour lesquels la qualité
du papier est indiquée, 94 sont calligraphiés sur le papier d¬m¬‚kî et ses variantes
(ancien d¬m¬‚kî, imitation d¬m¬‚kî, grand d¬m¬‚kî, petit d¬m¬‚kî ). Les papiers dits
devlet-i âbâdî et naturellement hindî ont pour origine des villes indiennes, notamment Îaydarâbâd et AÌmadâbâd. Quant au papier dit samarqandî, il est décrit
comme étant de « couleur foncé, grossier mais résistant » (M. Kütüko…lu, 1994,
24). Ce papier dit abâdî fabriqué dans la ville indienne de Devlet-Abâd et dont
la matière première est de la soie, est le meilleur papier des papiers orientaux. Par
ailleurs, nous savons que malgré la mauvaise qualité de certains papiers, ils subissent un traitement assez laborieux pour les rendre lisses et aptes à recevoir le
calame du calligraphe (M. Kütüko…lu, 1994, 18-23).
Tableau III
Les papiers utilisés dans les manuscrits de Rüstem Pa‚a
Types de papiers77
d¬m¬‚kî et ses variantes78
samarqandî
hindî
devlet-i âbâdî
hamevî
total
Volumes
94
7
5
5
4
115
%
81,73
6,08
3,34
3,34
3,34
100
75. Ayd¬n Yüksel a également publié cette vakfiye de façon succincte mais elle contient quelques
erreurs (A. Yüksel, 1995, 219-281).
76. Publié par |bnülemin Mahmud Kemal, Istanbul 1926.
77. Les types de papier correspondent à leur provenance, d¬m¬‚kî : de Damas ; samarqandî : de
Samarkand ; hindî : d'Inde ; devlet-i âbâdî : autre ville indienne ; hamevî : de Îama en Syrie.
78. Ce papier dispose de plusieurs qualités et dimensions. Aussi, pour trente et un volumes, le
papier est de type d¬m¬‚kî, mais pour cinquante-quatre volumes, il est "grand d¬m¬‚kî", pour trois
volumes, eskî d¬m¬‚kî, pour quatre, geçerek d¬m¬‚kî, pour deux, "petit d¬m¬‚kî".
54 / Faruk Bilici
Quelques dispositions sur le fonctionnement
des bibliothèques
Nous l'avons dit, les bibliothèques du XVIe siècle n'étant pas en général des
institutions indépendantes du complexe religieux dans lequel elles se trouvent,
il serait vain de chercher des budgets de fonctionnement et des employés spécifiques nommés pour leur entretien et leur gestion : les dépenses, surtout pour
restaurer les ouvrages ou remplacer les pertes, sont prises en charge par le budget de l'institution. Par contre, les fondateurs fortunés (quelques-uns des plus
modestes aussi) prévoient, en général, un hâf¬z-¬ kütüb parmi le personnel de l'établissement-fondation (nous en avons douze sur quarante bibliothèques), en lui
allouant un salaire, qui varie souvent entre un et trois aspres par jour.
Quant aux conditions de prêt des livres aux lecteurs, elles varient d'une bibliothèque à une autre, mais la règle générale pour cette époque est dans le sens de
la possibilité de prêt à condition de ne pas sortir les livres en dehors d'Istanbul
et que, systématiquement, l'on verse une caution (ou désigne une personne de
confiance). La durée de prêt à l'extérieur varie de la même façon : elle est d'un
an chez Hamid Mahmud Efendi, ‚eyh'ül-islam (1574-1577), mais de seulement
un mois chez Mahmud b. ©Abdullah al-Mennan. Cette pratique, héritée du
passé, sera aux siècles suivants sinon supprimée du moins limitée, compte tenu
des pertes constatées dans les collections.
Si l'institution du vakıf ne constitue pas un véritable observatoire pour la
lecture au XVIe siècle à Istanbul, elle nous indique par contre le chemin pris par
la suite avec la construction des bâtiments publics de lecture. Les listes données
par certaines vakfiye-s nous renseignent également sur l'univers intellectuel,
notamment des ©ulamâ’ et des étudiants de medrese-s et, dans une moindre
mesure, des populations des quartiers.
DOCUMENTS D'ARCHIVES
Direction générale des vakıf-s à Ankara (ADGW) :
Defter : 570, 60 et 198 ; 571, 11-22, 185-186 ; 572, 9-14, 139-149 ; 585, 16-20 ; 624, 45 ; 635/1 ; 635/2 ; 746, 83 ; 2225, 147.
Kasa : n° 121.
Archives ottomanes de la Présidence du Conseil (AOP) :
Kepeci, Haremeyn Muhasebesi, vol. 3304, 9.
Kepeci, Ruus, vol. 217, 161.
Süleymâniye, Haremeyn, dossier n° 1.
Mühimme, vol. 55, 48.
Cevdet, Maarif, 5465.
Archives du Müftülük d'Istanbul (AMI) :
Evkâf-¬ Humâyûn Muhasipli…i (comptabilité des vakıfs impériaux) : vol. 7, f° 23b ; vol. 102,
p. 150-151.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 55
Balat Mahkemesi, vol. 2, f° 5a-5b ; f° 81b-82a.
Galata Mahkemesi, vol. 17, 187-188.
Rumeli Sadareti, 8, f° 55a-55b.
Archives du Palais de Topkap¬, D. 9291, E 8611/1 et E 2803/1.
Bibliothèque de Topkap¬, EH 3003, f 100b - f 106b.
Bibliothèque de la Süleymaniye, Esat Efendi, 3752/2.
BIBLIOGRAPHIE
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56 / Faruk Bilici
Annexe
Une bibliothèque vakıf "populaire" à Istanbul au XVIe siècle
(le vakıf de Mahmûd b. ‘Abdullah al-Mennân)
[Après les éloges d'usage à Dieu et au Prophète MuÌammad…] Après cela,
ce qui a appelé à écrire ce texte et ce qui a nécessité de mettre en lignes ce discours est le suivant : le bienfaiteur et le propriétaire de la bonté, alignant les dons
et les aumônes, Mahmûd b. ©Abdullah al-Mennân, estimé parmi ses comparables
et doyen des nobles, intendant des bateliers, habitant le quartier de Sultan
Cihangir – que Dieu lui soit miséricordieux – à l'extérieur de Galata, se présentant
devant l'assemblée de la sharî©a, aux piliers très hauts, fierté de la religion et aux
Archives du Müftülük d’Istanbul, Galata Mahkemesi, vol. 17, pp. 187-188.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 57
colonnes très solidement ancrées, nomme comme administrateur […]79 afin de
faire enregistrer le vakıf indiqué ci-dessous. Devant l'assemblée, il a déclaré,
conformément à la sharî©a vraie, et il a avoué tel que cela est en vigueur [ce qui
suit] : en l'extrayant de ma propriété, j'ai mis en vakıf conformément à l'usage
en cours, immobilisé et mis à la disposition [du public], gratuitement, suivant
les règles du jugement, un abri de bateau en bois que j'ai construit, en dehors du
quartier évoqué. Faisant partie de ma fortune et inclus dans ma propriété se
trouvant sous ma main propre, dans mon bien et en ma possession propre, [cet
abri] est bordé d'un côté par la propriété de Süleymân b. ©Abdullah, d'un autre
côté par le vakıf du sultan Bayezid – que la miséricorde et le pardon de Dieu soient
sur lui – , d'un côté par la mer, et enfin, d'un côté, par la route.
Par ailleurs, et toujours de mon bien principal et de ma propriété propre, [j'ai
mis en vakıf ] un parfait MuÌammediyye,80 un Anwâr al-©Ash¬kîn, un Tewârikhi ™aberî, les quatrième et cinquième tomes en un seul volume, le tout faisant six
volumes, un parfait ©Inâye, un ∑adr al-sharî©a, un Ahî Çelebî, un SharÌ-i MiftâÌ
Seyyîd al-sharîf, trois versions différentes de Mawlid al-Nabî, un Wafâ’ik al-aÌbâr,
une traduction du Jawhar, un MiftâÌ al-janna avec un Munâjât'i- Mûsâ ©alayhi
al-salâm, un recueil (majmû©a) contenant les vertus des mois de Sha©bân et de
Rama∂ân, du brossage des dents, des ablutions ainsi que certains conseils, un
volume contenant des Ìadîth-s prophétiques, relatifs au glorieux ©Alî – que Dieu
soit satisfait de lui – ainsi que certains conseils, deux Dâstâns (épopée) de MuÌammed Îanafî avec l'épopée de Kurî Ba‚, un Mihr-i Vefâ avec Firâqnâme-i Vefâ, un
recueil de Mawa©i@ ve furû∂ (conseils et obligations) et Dhikr-i aÌwâl al-qîymat,
un QiÒÒa-i temmîm al-dârî avec Hikâye-i Kesik Ba‚, un Maqtal-i Îüseyin, un
Seyyîd Ba††âl Gâzî, Jâriye-nâme, un Risâla-i maÌabbat Allâh avec Ayyuhâ al-walad,
un Tawârikh-i ©Alî ©Osmân, un Ta©bîr-i Ru’yâ avec des prières, un ManÒûr-nâme,
un Kitâb-i felekiyyât, un volume de Awrâd avec un Tafsîr-i sûret al-nâzi©at, SharÌi du©a-i Yûsuf ©alayhi al-selâm avec quelques prières, un Dânisten, un Sharâ’i alîmân, un Yûsuf ve Zuleyhâ, un volume en turc de Muqaddime-i Abû al-Leyth-i Ebleh
(?), un Iskender-nâme, un Ca©fer-i |lyâs K¬ssas¬ et un Inshâ’ (recueil), le tout en 39
volumes. Mes livres susmentionnés sont également extraits et séparés de mes
biens […] pour les constituer en vakıf, cherchant ainsi la direction de Dieu, le Généreux, et l'exonération de toute punition pour le jour où les richesses et les enfants
ne seront d'aucune utilité, si ce n'est pour lui qui viendra à Dieu avec un cœur
droit 81, et le tout est livré pour l'enregistrement à l'administrateur […] susmentionné que j'ai nommé, et celui-ci aussi a saisi [le vakıf ] et en a pris possession.
79. Le nom de l'administrateur n'est pas indiqué.
80. Pour la translittération des ouvrages dans cette vakfiye la prononciation et l'orthographe
ottomanes sont maintenues autant que possible.
81. Coran, XVI/88 et 89.
58 / Faruk Bilici
Et il [le fondateur] a émis les conditions suivantes : que l'abri en bois déjà mentionné, conformément à la volonté divine, soit loué et que du produit annuel dû
à cette location, on paie dix aspres par mois au conservateur des livres vakıf-s et
que tous les mois, quatre aspres soient versés pour la muqâ†a©a'i-zemîn (taxe foncière) et que le reste soit possédé et gardé dans les mains de l'administrateur du
vakıf afin que celui-ci les dépense lorsque le besoin viendra pour le changement
et la restauration des reliures des livres susmensionnés que j'ai constitués en vakıf.
Il a encore émis les conditions suivantes : que les livres indiqués soient gardés et conservés dans l'armoire que j'ai déposée dans la mosquée sacrée du Sultan Cihangir, et que le müezzin en chef de cette mosquée soit le conservateur et
que celui-ci les donne [prête] pour utilisation et profit, en échange d'une hypothèque solide [caution] à ceux qui sont capables de les étudier et de les lire et que
celui-ci enregistre les noms des livres et des emprunteurs ainsi que la description
de ceux-ci, en collant au-dessous les reçus de leurs cautions, ainsi que la date du
prêt, mais que l'on ne prête à personne au-delà d'un mois ; et que tous ceux qui
sont employés dans cette mosquée soient les superviseurs (nâ@ir) sur ces livres et
qu'au début de chaque année, on fasse un recensement afin de faire rembourser [les lecteurs] qui doivent des indemnisations, selon les règles de la sharî ¢a,
et s'il n'est pas possible de récupérer les indemnisations, qu'elles soient directement prélevées sur le surplus des revenus du vakıf afin de remplacer les livres.
Et après que l'administrateur en question eut pris possession de la totalité du
vakıf devant l'assemblée de la sharî ©a et qu'il l'eut déclaré ouvertement, et après
que le fondateur eut confirmé les clauses [du vakıf ], terminant et complétant
ainsi ce vakıf selon les règles en vigueur, celui-ci déclare que, selon la plupart des
docteurs de loi (mujtahid) et la majorité des imams de la religion, le vakıf des biens
meubles82 n'est pas licite, et que cela étant également confirmé par les ouvrages
réputés, il s'apprête à renoncer à ce vakıf de livres et à les restituer à sa propriété
initiale. À ce moment, l'administrateur susmentionné […], guide de la voie de
l'islam et défenseur du Prophète – que la paix soit sur lui – réplique que selon
un des trois imams, MuÌammad b. Îasan al-Shaybânî – que Dieu lui soit miséricordieux – ces types de biens meubles peuvent être constitués comme vakıf et
que leur vakıf est licite et irrévocable, et que ce point de vue a été accepté par
les grands ‚eyh-s postérieurs ; cela fait ainsi obstacle au renoncement du fondateur au vakıf et à la restitution à sa propriété. Puis, ils [le fondateur et l'administrateur] s'adressent au juge – que Dieu fasse sa vie une vie satisfaisante –, qui
a dessiné l'acte au sein du livre et le consultent ; et après cela, comme il n'est pas
possible de revenir sur le premier et meilleur vakıf et de donner une contrefatwâ, le juge – que son grade soit élevé et que Dieu lui donne la récompense –
décide devant témoins, avec toute la justice couvrant l'univers, conformément
à ce qui s'est passé, à la validité et à l'irrévocabilité du vakıf susdit. Ainsi, avec
82. En l'occurence les livres.
Les bibliothèques vakıf-s à Istanbul au XVIe siècle / 59
l'obligation de la décision, le jugement est devenu complet et sa construction est
entièrement achevée ; le vakıf devenant ainsi irrévocable et définitif, il est enregistré et tout le monde est tombé d'accord. Personne, après cela, ne pourra le changer, le modifier ou le dénaturer, et sa transformation étant entièrement interdite,
celui qui, après avoir entendu les dispositions du [testateur] au moment de sa mort,
les aura dénaturées, commettra un crime. Dieu voit et entend tout.83 Et que la
récompense pour le fondateur soit par Dieu, le plus grand. Écrit au milieu du
mois de Jumâdâ al-ûlâ, an 1002 de l'hégire du Prophète (janvier 1593).
Témoins présents [suivent les noms de huit personnes]
Archives du Müftülük d'Istanbul, Galata Mahkemesi, vol, 17, 187-188
(Note : le soulignement, les italiques et les paragraphes sont mis par nous).
83. Coran, II/177.