Percival Everett États-Unis

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Percival Everett États-Unis
L’expérience de l’isolement et de l’enfermement
L’auteur
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Né en 1956, Percival Everett, diplômé de littérature et de philosophie, auteur de nombreux romans, enseigne à la California
Southern University. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages.
Actes Sud a déjà publié quelques romans qui ont reçu un très bel
accueil critique et de librairie.
Le Supplice de l’eau, traduit de l’anglais (États-Unis) par AnneLaure Tissut (Actes Sud, 2009) (243 p.)
L’œuvre
Pas Sidney Poitier, traduit de l’anglais (États-Unis) par AnneLaure Tissut (Actes Sud, 2011)
Le Supplice de l’eau, traduit de l’anglais (États-Unis) par AnneLaure Tissut (Actes Sud, 2009) (243 p.)
Glyphe, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut
(Actes Sud, 2008) (300 p.)
Blessés, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut
(Actes Sud, 2007 ; Actes Sud, coll. « Babel », 2008) (270 p.)
Désert américain, traduit de l’anglais (États-Unis) par AnneLaure Tissut (Actes Sud, 2006 ; Actes Sud, coll. « Babel », 2007)
(316 p.)
Effacement, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Laure
Tissut (Actes Sud, 2004 ; Actes Sud, coll. « Babel », 2006) (366 p.)
La presse
© Bruno Nuttens - Actes Sud
Percival Everett
États-Unis
« Auteur d’une œuvre hautement satirique sur les États-Unis,
Percival Everett se fend dans son dernier roman d’une attaque
subversive contre le plus vieux mal de son pays : la violence.
(...) Racisme, homophobie, paresse intellectuelle : des maux
américains passés à la moulinette du verbe destructeur et
incisif d’Everett. (...) Toute entreprise de déconstruction en
littérature ne vaut que si elle permet d’édifier autre chose. Ici,
c’est une véritable performance à laquelle Everett nous invite :
“le supplice de l’eau”, c’est celui que Kidder fait subir à sa
victime et que l’auteur nous impose par son écriture. Car, tout
comme le bourreau repousse toujours plus loin les limites de
la respiration de sa victime, ce sont les frontières romanesques
qu’Everett repousse à l’extrême, créant une sorte de langage
infini où toutes les règles sont à réinventer»
Après l’atroce assassinat de Lane, sa fille
unique, âgée de onze ans, Ismaël Kidder
enlève un quidam qu’il a décidé de tenir
pour coupable du crime. Dans le soussol de sa coquette maison de romancier à
succès où il le séquestre à l’insu de tous, il
soumet l’homme à la torture… À travers ce
portrait sans concession d’un individu fou de
douleur passant du statut de victime à celui
de bourreau, Percival Everett, qui écrivit ce
roman en réponse aux exactions commises,
au nom du salut des États-Unis d’Amérique,
dans le camp de Guantánamo ou la prison
d’Abou Ghraib, dresse un audacieux
parallèle entre un supplice infligé à l’échelle individuelle et la
pratique de la torture en temps de guerre. Dès lors, Ismaël Kidder
semble incarner, dans son délire d’ange exterminateur dissertant
sur les fondamentaux de la philosophie antique, cet homme
tristement universel en qui peuvent cohabiter, pour se conforter
l’une l’autre, raison et barbarie, deux ressorts douloureusement
cruciaux de l’histoire contemporaine.
« Là, c’est un coup de maître. Tant par la puissance d’évocation
d’Ismaël Kidder, homme sain d’esprit qui décide pourtant de
se venger du meurtre de sa fille sur le premier venu, que par
sa réflexion, hilarante parfois - l’auteur désamorçant ainsi la
noirceur de ces pages -, sur la banalité des tortures physiques
ou psychologiques infligées aux autres. Un roman en forme
de réquisitoire contre la propagation quasi virale de l’esprit de
vengeance. »
Benoît Laudier, Le Figaro Magazine
Gladys Marlvat, Les Inrockuptibles
5es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 23 au 29 mai 2011 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net
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Pas Sidney Poitier, traduit de l’anglais (ÉtatsUnis) par Anne-Laure Tissut (Actes Sud, 2011)
Glyphe, traduit de l’anglais (États-Unis) par
Anne-Laure Tissut (Actes Sud, 2008) (300 p.)
Blessés, traduit de l’anglais (États-Unis) par
Anne-Laure Tissut (Actes Sud, 2007 ; Actes
Sud, coll. « Babel », 2008) (270 p.)
Désert américain, traduit de l’anglais (ÉtatsUnis) par Anne-Laure Tissut (Actes Sud, 2006 ;
Actes Sud, coll. « Babel », 2007) (316 p.)
Venu au monde au terme
d’une ahurissante grossesse
de vingt-quatre mois, un enfant répondant au patronyme
de Poitier se voit affublé
par une mère aussi rebelle
qu’excentrique de l’impossible prénom de Pas Sidney, lequel semble n’avoir
d’autre vertu, le temps passant, que de condamner son
fils à rejouer dans la « vraie
vie » certains des rôles interprétés par l’acteur principal du célèbre film des
années 1960, Devine qui vient dîner ?.
En contrepartie de ce menaçant destin, sa mère,
à sa mort, lègue également à l’enfant une colossale fortune issue des dividendes d’actions
jadis acquises par elle dans une jeune entreprise du nom de CNN, fondée par son vieil ami,
Ted Turner. Flanqué d’une Jane Fonda en tenue
d’aérobic, l’extravagant roi des médias prend en
charge la formation de l’orphelin, qui s’initie à la
gestion de son patrimoine tout en se découvrant
pourvu de surnaturels dons d’hypnose... et d’une
embarrassante capacité de séduction. Victime
de la concupiscence érotique de son environnement féminin immédiat, en butte à la brutalité
raciste des forces de police comme à l’hostilité
de ses camarades d’université, tétanisé par les
fantasques conseils d’un très déconcertant professeur de « philosophie du non-sens » du nom
de Percival Everett, et maintes fois sauvé du
désastre par son capital en dollars, Pas Sidney
Poitier progresse dans l’existence comme dans
un champ de mines, au fil d’un roman d’initiation
aussi drolatique que grinçant. À l’instar d’Effacement, le dernier roman de Percival Everett se
lit aussi comme une authentique méditation sur
les exigences qui président à la construction du
moi, en dehors de toute problématique raciale.
Très vite, le prodigieux QI
et la vulnérabilité du bébé
Ralph ont fait de lui l’objet
de toutes les convoitises :
celle du docteur Steimmel,
une psychiatre en mal de
reconnaissance, qui veut
lui disséquer le cerveau.
Celle des services secrets
du Pentagone qui voient en
l’enfant un précieux atout
stratégique. Celle, enfin, des
tenants de la religion désireux de vérifier sur lui l’efficacité de leurs rituels
d’exorcisme…
Brutalement arraché à son père, un universitaire aussi ambitieux que frustré, et à sa mère,
une artiste peintre qui doute de son talent,
Ralph, qui refuse de parler mais maîtrise avec
brio le langage écrit, relate les enlèvements
dont il est successivement victime sans cesser
de rédiger des notes sophistiquées inspirées
des nombreuses lectures que lui a procurées sa
mère adorée dont l’amour inconditionnel et désintéressé fait figure d’unique repère au milieu
de l’hystérie générale.
Les réflexions intentionnellement pédantes du
bébé mutique constituent l’un des points forts de
ce récit jubilatoire où Percival Everett détourne
les conventions du discours savant au profit
d’une savoureuse composition romanesque en
convoquant tour à tour le traité de physique, la
controverse sémiotique ou l’essai philosophique.
Parodie de structures et de genres, satire des
milieux universitaires au fil de démonstrations
délirantes et de dialogues improbables entre
Socrate et James Baldwin ou Wittgenstein et
Nietzsche, ce roman irrévérencieux se plaît
à malmener nombre d’icônes du postmodernisme, dont Roland Barthes, qui y apparaît en
« protagoniste invité » sous les traits d’un clown
burlesque aux propos abscons…
Voilà bien des années
que John Hunt, qui a
maintenant atteint la
quarantaine, a choisi
de se détourner de la
société des hommes
en allant vivre dans
un ranch où, aux côtés
d’un oncle vieillissant,
il élève des chevaux.
Mais le fragile éden,
édifié en intime symbiose avec les rythmes
naturels du monde animal par ces deux
hommes noirs dans le grand Ouest américain,
vient à se fissurer : un jeune homosexuel est
retrouvé dans le désert battu à mort, un fermier
indien découvre deux de ses bêtes sauvagement assassinées, et l’inscription Nègre rouge
en lettres de sang dans la neige... C’est dans
ce contexte menaçant que John s’interroge sur
ses choix de vie depuis la mort tragique de sa
femme, sur la nature de ses sentiments envers
les uns et les autres, sur les silences coupables
qui couvrent, dans la région, les agissements
d’un inquiétant groupe néonazi, sur la fin imminente de l’oncle Gus, frappé par la maladie,
sur l’amour, enfin, qu’une jeune femme vient
réveiller en lui...
Professeur à l’université
de Los Angeles, marié
et père de famille, et
convaincu, à l’heure des
funestes bilans de la
quarantaine, de n’être
qu’un loser, Théodore
Larue est en route vers
son suicide quand un
camion, le heurtant de
plein fouet, projette son
corps à travers le parebrise, le laissant fort
proprement décapité. Certes dépossédé de l’ultime initiative de son existence, l’ex-candidat au
suicide est cependant bien mort, conformément
à ses vœux. De diligents services funéraires,
soucieux d’en faire un cadavre présentable prêt
à devenir l’objet de dignes funérailles, recousent tête et corps à la va-vite, mais voici qu’au
beau milieu de la cérémonie Ted se redresse et
s’assied dans son cercueil...
Face à ce mort encore vivant, une terreur sacrée
s’empare de la petite famille de Ted, cernée de
toutes parts par le brasier des fantasmes collectifs qu’attise une hystérie médiatique à son
comble. Bien que passablement traumatisé lui
aussi, Ted trouve des avantages à sa nouvelle
et monstrueuse situation : il se sent plus puissant, plus aimant, plus généreux, les sens et
l’esprit bien plus aiguisés que naguère.
C’est alors que, quelques jours seulement
après son retour au foyer, Ted est enlevé par
les sbires de l’inquiétante secte chrétienne dirigée par Big Daddy, qui voit en lui l’incarnation
du diable. Si, fort de ses nouveaux pouvoirs, Ted
parvient à s’échapper, ce n’est que pour mieux
tomber entre les mains des services secrets
américains qui l’incarcèrent dans les tréfonds
d’un laboratoire du Nouveau-Mexique afin que
son étrange cas soit examiné par les plus éminentes autorités scientifiques...
Privilégiant une écriture de l’action qui exalte
les puissances du non-dit, l’écrivain confère à
ses personnages une attachante justesse et,
fidèle au chemin d’écriture qu’il s’emploie à
frayer au fil de son œuvre, propose, à travers
une subtile dénonciation de toutes les haines raciale, sexuelle - qui meurtrissent l’Amérique
contemporaine, une variation chargée d’enseignements sur l’humaine condition, dans toute
sa bouleversante vulnérabilité.
5es Assises Internationales du Roman / Un événement conçu et réalisé par Le Monde et la Villa Gillet / Du 23 au 29 mai 2011 aux Subsistances (Lyon) / www.villagillet.net
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Effacement, traduit de l’anglais (États-Unis)
par Anne-Laure Tissut (Actes Sud, 2004 ; Actes
Sud, coll. « Babel », 2006) (366 p.)
Thelonius Monk Allison, romancier noir
américain meurtri dans
son ego tant le succès n’a cessé de le fuir
avec la plus admirable
constance, et qui ne parvient pas à se satisfaire
de sa brillante carrière
universitaire, se voit un
jour reprocher de ne
pas écrire dans un style
“assez black”. Révolté
par le succès phénoménal d’un roman consacré à la rude réalité des ghettos et dépourvu à
ses yeux de la moindre qualité, il en écrit, sous
pseudonyme, une parodie incisive qu’il incite
son agent à soumettre à un éditeur, par défi. Le
succès est aussi fracassant qu’immédiat. Mais
ce jeu schizophrène reste sans effets sur la vie
du “vrai” Monk dès lors qu’il s’agit d’affronter
l’éprouvante série de tragédies personnelles et
de crises familiales en tout genre qui viennent
alors crucifier son improbable existence d’artiste…
Politiquement des plus incorrects dans son approche de la question de l’identité raciale, ce
vertigineux roman, où l’autodérison et l’ironie
côtoient sans cesse le lyrisme, est pétri d’une
jubilatoire érudition, d’une redoutable connaissance du milieu littéraire – universitaire et
médiatique. Et d’une intime fréquentation des
passions de l’âme…
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