Des robots qui apprennent

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Des robots qui apprennent
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Des robots qui apprennent
08/12/09
Un robot anthropomorphe, capable de se mouvoir avec aisance dans notre environnement et d'interagir avec
lui. Capable de comprendre nos ordres et de les exécuter. Un «esclave» mécanique infatigable et fiable, en
fait. Ce vieux rêve de l'humanité, qui alimente tant de romans de science-fiction, n'est peut-être plus si éloigné.
Le professeur Justus Piater, de l'Université de Liège, développe des protocoles d'apprentissage de saisie
d'objets dans le cadre du programme européen PACO-PLUS.
PACO-PLUS, pour «Perception, Action and Cognition through learning of object-action
complexes» («Perception, action et connaissance à travers l'apprentissage de complexes objet-action»)
est un projet de recherche intégré lancé par la Commission européenne en 2006 et qui regroupe une
dizaine d'équipes de chercheurs à travers autant de pays européens. Il vise à développer un robot
anthropomorphe qui partage l'espace de vie des gens, capable de développer ses propres concepts et
d'évoluer de manière autonome. «Un robot qui soit, par exemple, capable de débarrasser la table et de
remplir la lave-vaisselle», précise le Pr Justus Piater, du groupe «Intelsig» (Signal and Image Exploitation)
du Département d'Electricité, Electronique et Informatique de la Faculté des Sciences Appliquées de
l'Université de Liège.
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Un objectif simple à énoncer, mais qui l'est beaucoup moins à réaliser ! «On utilise déjà des robots évolués
dans l'industrie ou, par exemple, dans les couloirs d'hôpitaux, pour transporter des objets, reprend le Pr Piater.
Mais ces robots se limitent à effectuer des tâches parfaitement définies au départ. Débarrasser la table, c'est
formidablement complexe ! Quels objets saisir ? Comment ? Où les mettre ? Il nous faut développer un robot
qui ait une compréhension véritablement générique de notre vie et de notre espace de vie. Et cela, ce n'est
clairement plus possible avec la manière de réfléchir des années 50 ou 60, au début du développement des
intelligences artificielles : la pré-programmation complète du robot, qui se contente d'effectuer une liste de
tâches bien précises. Pour faire évoluer un robot autonome parmi les humains, on ne peut pas se contenter de
cette optique : il y a trop de variation dans la vie réelle ! Il faut d'ailleurs des années à un enfant pour apprendre
à s'y intégrer. Dès lors, si on ne veut pas abandonner cette idée d'un robot autonome vivant parmi nous, il faut
faire autrement. Plutôt que de doter le robot de connaissances, il faut le doter de la capacité d'apprendre le
monde et d'interagir avec lui. Exactement comme le fait un enfant humain.»
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C'est le but du programme PACO-PLUS, au sein duquel l'Université de Liège travaille plus spécifiquement
sur l'association des paramètres de saisie à des modèles d'objets, en collaboration étroite avec le Pr Norbert
Krüger à la Syddansk Universitet (University Of Southern Denmark, «SDU») de Odense au Danemark. «Ils
ont là-bas un robot qui n'est en fait qu'un bras articulé équipé d'une pince», explique Justus Piater. «Notre
travail à nous est de développer pour lui des protocoles d'apprentissage afin que ce robot puisse apprendre
à se saisir correctement d'objets posés devant lui.»
Une approche classique de ce problème serait de fournir au robot une représentation tridimensionnelle
détaillée de l'objet à saisir, ainsi que de sa «main», et de lui faire calculer alors la meilleure méthode pour se
saisir de l'objet. Terriblement coûteux en terme de calculs et par ailleurs terriblement figé : le robot ne peut se
saisir que de l'objet parfaitement défini au préalable.
Garder les essais en mémoire
«Notre approche est différente : le robot ne dispose pas de géométrie précise de l'objet à saisir, ni même de
sa main, d'ailleurs. Mais en «voyant» certaines caractéristiques 3Dd'un objet, à priori inconnu, il va essayer
de s'en saisir. S'il y parvient et qu'en bougeant son bras, il constate que l'objet bouge solidairement, il peut se
dire «Voilà un objet». Et aussi «Voilà une manière de le saisir». En réalisant cette opération plusieurs fois, on
peut indexer les résultats de ses tentatives dans une base de données. C'est une exploration par essais et
erreurs. Il ne s'agit pas de caractériser une et une seule manière de saisir un objet donné, mais de disposer
d'une représentation beaucoup plus complète des différentes manières de saisir un objet et d'y associer un
taux de succès attendu. Ce qui, parmi toute une gamme de saisies possibles, permettra au robot de choisir
la meilleure en fonction des contraintes imposées par une tâche donnée.»
Plus techniquement, chaque objet est complètement représenté par un réseau de positions dans l'espace
(coordonnées x, y, z) et trois paramètres d'orientation à chaque position, soit six paramètres en tout, en
divers points de sa surface. La saisie elle-même est également représentée par ces six paramètres. Tous ces
paramètres sont intégrés dans un même modèle qui permettent de travailler par «inférence probabiliste» :
si telle chose se passe, alors telle autre se passera aussi avec une telle probabilité. L'inférence probabiliste
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permet de «réconcilier» toutes les «opinions» locales concernant la pose de l'objet et les paramètres de saisie,
pour une meilleure compréhension globale de la situation.
Ce qui permet à l'équipe du Pr Piater de développer un protocole d'apprentissage : «Le robot voit un objet,
et le reconnaît. Il choisit alors une manière de le saisir. Conceptuellement, ce devrait être complètement
au hasard, mais dans les faits, c'est impossible : il aurait alors un choix quasi-infini. On travaille donc, via
un algorithme très simple, sur les hypothèses de saisie les plus plausibles. Malgré cela, il n'y a un taux
de réussite de saisie que de 20% à ce moment-là. On fait faire cela au robot des dizaines, voire centaines
de fois. Et on garde en mémoire chacun de ces essais, avec une représentation probabiliste spatiale, qui
donne donc en chaque endroit de l'objet la probabilité de réussite de la saisie. Le robot fait tout cela de
manière largement autonome : il faut juste remettre en place les objets tombés par terre, par exemple. Et
ainsi, il apprend. Après ces expériences, le robot est capable de choisir, selon l'objet et sa position, la saisie
associée à la plus haute probabilité de réussite. Son taux de réussite de saisie passe alors à entre 50 et
90%, selon les objets !»
Source de la vidéo: Professeur Norbert Krüger, Université: Southern Denmark
Bref, ces expériences sont très prometteuses. Tellement que le Pr Piater estime que des retombées
d'exploitation commerciales de ces recherches peuvent être attendue «d'ici 10 à 20 ans». Une véritable
«révolution» en marche ! «Ce serait fascinant de développer un robot qui apprenne tout seul. D'autant que
ces recherches nous en apprennent beaucoup sur la manière dont fonctionne… le cerveau humain. Il y a
un parallélisme et de nombreux ponts entre la robotique et la psychologie, en fait. L'autonomie énergétique
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des robots anthropomorphes reste un problème. Les robots sont mécaniques, et cela crée des problèmes
de maniabilité, d'usure, de consommation d'énergie. Le pas suivant pour la robotique sera d'exploiter
la dynamique intrinsèque des membres, comme le fait le corps humain. Sans doute par la création de
nouveaux matériaux, de «muscles artificiels». Mais pour le reste, il n'y a pas de limites connues à notre
approche.»
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