Focus Cannabis - Stop

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Focus Cannabis - Stop
Fo c u s I M a i 2 010
Plante bénéfique ou produit dangereux? La controverse sur le chanvre
indien n’est pas terminée. Le cannabis est-il susceptible d’engendrer
une dépendance ou un produit d’agrément inoffensif? Dans quelle mesure la consommation des dérivés du cannabis est-elle entrée dans
les mœurs aujourd’hui en Suisse? Quels sont les effets et les risques
sur le plan physique et psychique auxquels on peut s’attendre en cas
de consommation épisodique ou régulière? En matière de prévention
et de réduction des risques, de quels éléments faut-il tenir compte?
Cannabis
Le chanvre – une plante ancestrale aux multiples usages
Connu depuis des millénaires au Proche-Orient
notamment, le cannabis y était utilisé comme
remède, comme substance rituelle et comme
psychoactif. En Suisse également, la culture et
l’utilisation des produits du chanvre reposent
sur une longue tradition. Jusqu’au début du
20ème siècle, le chanvre indien était cultivé pour
ses fibres, dont on fabriquait des cordages et
des textiles, et pour ses graines que l’on pressait
pour en extraire de l’huile; on connaissait aussi
ses propriétés psychoactives. Dans la médecine
populaire, les extraits de chanvre étaient utilisés à des fins thérapeutiques.
Le chanvre a été largement délaissé avec l’arrivée sur le marché des fibres synthétiques, la
découverte de plantes oléagineuses de meilleur
rapport et l’apparition des médicaments produits par l’industrie pharmaceutique moderne.
En raison tant de ses effets psychoactifs que
de la concurrence avec de nouveaux produits,
le cannabis a progressivement été mis à l’index
dans le monde entier.
Le cannabis est le nom botanique du chanvre. En
Suisse, la variété la plus répandue est le cannabis sativa, utilisé pour ses vertus psychoactives.
Les parties suivantes de la plante sont utilisées:
• la marijuana (feuilles, sommités florales)
• le haschisch (résine sécrétée par les inflorescences, mélangée à des parties de la plante)
• l’huile de haschisch (liquide visqueux obtenu
à partir d’un solvant).
Le cannabis contient de l’ordre de 400 composants, dont 60 cannabinoïdes. Le principal
composant psychoactif est le delta-9 tétrahydrocannabinol (THC).
La teneur moyenne en THC du cannabis confisqué par la police a augmenté au cours des années passées. Elle est aujourd’hui en Suisse à
environ 15%, avec des valeurs maximales de
28% (1981 – 1985: 0,1– 4%) (CFLD 2008).
Dispositions légales
La consommation de
cannabis en Suisse
Le cannabis est classé parmi les stupéfiants illégaux. La culture du chanvre en vue d’en extraire
des stupéfiants, ainsi que le commerce, la consommation et la possession de cannabis sont
punissables.
En 2004, le Conseil fédéral proposait une révision totale de la Loi sur les stupéfiants qui avait
notamment pour but de supprimer l’interdiction du cannabis. Le Conseil national n’est pas
entré en matière, mais a voulu au contraire maintenir la pénalisation de la consommation de
cannabis. En automne 2008, le peuple suisse rejetait avec une grande majorité une initiative
populaire qui proposait la dépénalisation de la consommation de cannabis et la mise sur pied
d’un marché de cannabis contrôlé par l’Etat.
L’interdiction du cannabis ne reste pas lettre morte. En 2007, la police a procédé à 30 818 dénonciations pour consommation de cannabis. Il est à noter que la consommation n’est pas poursuivie de la même manière dans tous les cantons, ce qui conduit à une inégalité de traitement.
Modes de consommation, durée des effets
Lorsque le cannabis est fumé ou inhalé, le THC
passe dans le sang par les vaisseaux capillaires
des poumons, puis, sans transiter par le foie, directement au cerveau. Lorsque le cannabis est
mangé, le THC est d’abord absorbé dans l’estomac et dans l’intestin grêle, avant de passer par
voie sanguine dans le foie et de là au cerveau.
Lorsque le cannabis est fumé, ses effets se font
sentir au plus tard après 10 minutes déjà. Le taux
maximum de THC dans le sang est atteint après
10 à 30 minutes. L’effet psychoactif dure de 2 à
3 heures. Lorsqu’il est consommé par voie orale
(sous forme de biscuits par exemple), il produit
ses effets plus tardivement (après 30 à 60 minutes). La durée des effets est de 3 à 5 heures,
et, selon la dose, jusqu’à 10 ou 12 heures.
Aujourd’hui, le cannabis est la drogue illégale la plus répandue en Suisse. Environ 20%
de la population suisse de plus de 15 ans ont,
au moins une fois dans leur vie, consommé
du cannabis (Enquête suisse sur la santé
2007). En 2006, 34% des garçons et 27%
des filles de 15 ans ont indiqué avoir déjà
consommé au moins une fois du cannabis
(étude HBSC, ISPA). En considérant les tendances de l’évolution à long terme, le taux
actuel de consommation de cannabis chez
les jeunes rejoint, après un pic en 2002, celui de 1998. La tendance continuellement à
la hausse à partir de 1986 est donc stoppée.
Toutefois, comme auparavant, un grand
nombre de jeunes ont déjà fait l’expérience
d’une consommation de cannabis dans leur
vie.
Deux tiers (68%) des adolescents et des
jeunes adultes de 13 à 29 ans qui consomment actuellement du cannabis prennent
surtout de la marijuana, 11% préfèrent le
haschisch, 21% n’ont pas de préférence (Monitoring Cannabis en Suisse 2008).
Effets
Suivant la dose (quantité de THC absorbée),
le mode de consommation, l’expérience que
le consommateur/la consommatrice a du cannabis, la structure de sa personnalité, son état
psychologique du moment et le contexte dans
lequel la consommation a lieu, différents effets
peuvent apparaître simultanément ou successivement. Ces effets peuvent être plus ou moins
forts et perçus tantôt comme agréables et tantôt comme désagréables.
Effets physiques à court terme
• Sécheresse de la bouche et de la gorge
• Dilatation des pupilles et yeux rouges
• Augmentation du rythme cardiaque, modifi-
cation de la pression artérielle
• Détente musculaire
• Troubles de la locomotion et vertiges (lors du
passage à la station debout en particulier)
• Baisse de la température du corps (sensation
de froid)
• Diminution de la pression interne de l’œil
• En cas de surdose, problèmes circulatoires
et vomissements.
• Modification de la perception du temps, sen-
timent de quiétude, motricité ralentie
• Difficultés de concentration, allongement du
• Grande faculté d’association, accompagnée
temps de réaction
• Troubles de l’attention, pensée fragmentaire
• Indifférence et détachement vis-à-vis de l’environnement
• Des états de désorientation, de confusion,
d’angoisse, de panique et de délire, en particulier lors de surdoses, sont également
possibles.
d’un besoin irrépressible de parler et de rire
• Euphorie et désinhibition
• Sensation agréable de détente, de légèreté,
de bien-être
• Sentiment de communauté
• Conscience accrue de soi
Au niveau physiologique, le THC agit avant tout
sur le cerveau. En 1988, on a mis en évidence
l’existence, dans le cerveau et dans le système
nerveux, de récepteurs spécifiques des cannabinoïdes. Quelques années plus tard, des cher-
Effets psychologiques à court terme
• Modification de l’état de conscience, percep-
tion exacerbée de la lumière et de la musique
Les risques
Les risques sanitaires liés à la consommation de
cannabis sont influencés par un ensemble de dimensions: la durée de l’usage, l’état de santé,
la qualité du cannabis, le dosage, les situations
de consommation, les affections préexistantes
et les prédispositions psychologiques de la personne qui consomme.
Voies respiratoires
Fumer du cannabis mélangé ou non à du tabac
peut altérer la fonction pulmonaire: augmenter
le risque d’inflammation des voies respiratoires,
de toux ou de bronchites chroniques et de cancer des voies respiratoires.
Fertilité et grossesse
Le cannabis pourrait réduire la fertilité des
femmes et des hommes – les études réalisées
à ce jour ne montrent toutefois pas de résultats
clairs.
Il n’y a encore que peu de résultats de recherche
en ce qui concerne les effets sur le fœtus. Le THC
passe directement dans le sang à celui de l’enfant à naître à travers le placenta. Il influencerait négativement son développement neurologique. Fumer régulièrement du cannabis durant
la grossesse – tout comme fumer des cigarettes
– réduit le poids de l’enfant à la naissance.
ou précoce. Mais la causalité de cette relation
est scientifiquement controversée.
Facultés cognitives
Il est généralement admis que le cannabis déclenche des psychoses (particulièrement la
schizophrénie) chez des personnes prédisposées, en accélère le développement, et peut en
péjorer l’issue.
Des études ont montré une légère diminution
de la mémoire et de l’attention chez les consommateurs de longue durée. Selon l’état actuel des
connaissances, ces atteintes disparaîtraient
après l’arrêt de la consommation. Les risques
sont plus élevés chez les jeunes car leur cerveau
est en plein développement.
Motivation
Il n’est pas attesté que la consommation de cannabis induise ce que l’on nomme un «syndrome
amotivationnel». Des symptômes comme l’apathie et le repli sur soi des consommateurs chroniques seraient plutôt la conséquence d’une
dépression préexistante et d’un état d’ivresse
constant. Durant la phase d’ivresse, le THC
peut certainement avoir un effet inhibiteur de
la motivation.
Psychisme
Une relation est attestée entre consommation
de cannabis et psychoses ou dépressions, particulièrement en cas de consommation fréquente
Détection
cheurs américains ont découvert un cannabinoïde présent naturellement dans le corps
(anandamide), qui répond à ces récepteurs.
Les essais réalisés sur des animaux montrent
que l’anandamide entraîne l’ensemble des
effets connus du THC: il agit sur la coordination motrice, les émotions et les fonctions
cognitives, atténue la sensation de douleur,
rend d’humeur conviviale et pacifique. Dans
le tronc cérébral, qui commande des fonctions vitales comme la respiration, il y a très
peu (voire pas du tout) de récepteurs spécifiques du THC et d’anandamide. C’est ce qui
permet d’expliquer le fait qu’à la différence
des opiacés par exemple, le THC n’influence
pas les fonctions vitales essentielles.
Les traces de cannabis dans l’organisme
varient beaucoup d’une personne à l’autre;
elles dépendent de la quantité consommée, de la masse corporelle et du métabolisme. Extrêmement liposoluble, le
THC s’accumule dans les tissus adipeux
pour n’être ensuite libéré que très progressivement. Ainsi, le taux de THC dans
le sang baisse lentement et l’on peut donc
le détecter encore relativement longtemps
après avoir fumé un joint, jusqu’à environ
12 heures, voire plus longtemps chez les
consommateurs chroniques. En cas de
consommation occasionnelle, le THC est
encore décelable dans l’urine pendant
quelques jours (lors de consommation
chronique nettement plus longtemps).
Accidents
L’ivresse cannabique et ses effets spécifiques
sont incompatibles avec la conduite d’un véhicule, l’usage de machines complexes ou avec
d’autres tâches qui exigent de l’attention.
Dépendance
La consommation fréquente de cannabis peut
engendrer une dépendance psychique et physique. Des changements du rythme cardiaque,
de l’agitation, des insomnies sont des symptômes de sevrages typiques d’une dépendance
physique qui se manifestent lors d’une réduction ou d’un arrêt de la consommation. Une
dépendance psychique se manifeste surtout
par un désir presque irrépressible de consommer. Alors que la dépendance physique disparaît relativement rapidement, la dépendance
psychique peut provoquer des rechutes à long
terme.
L’escalade vers d’autres drogues?
Penser que la consommation de cannabis
conduit forcément à la prise d’autres drogues
est une conclusion hâtive. La plupart des
consommateurs de cannabis ne prennent pas
d’autres drogues illégales. Il est plus probable
que ce sont d’autres facteurs (p. ex. la prise
de risque) qui conduisent à ce que quelqu’un
consomme d’autres drogues en plus du cannabis.
Plus de matériel à l’adresse:
www.addiction-info.ch
[email protected]
Prévention et réduction de risques
Une information appropriée relative aux risques
liés à la consommation en fonction de groupes
cible spécifiques fait partie des mesures importantes de prévention, tout comme la détection
précoce de consommations problématiques.
De fait, on doit expressément recommander
aux groupes de personnes suivants de ne pas
consommer de cannabis, car ces individus sont
dans des situations de vie particulièrement vulnérables:
•les enfants et les adolescents
•les femmes enceintes et les mères qui
allaitent
•les personnes souffrant de maladies cardiaques et des poumons
•les personnes psychiquement fragilisées et
celles souffrant de troubles psychiques.
Adolescents: approches différenciées
Malgré l’interdit légal, la consommation de
cannabis est une réalité. Les études montrent
qu’aux alentours de 15 à 16 ans, certains jeunes
expérimentent le cannabis, d’autres l’utilisent
lors de fêtes, quelques-uns y sont déjà habitués. Face à cette grande hétérogénéité de
comportements, il est nécessaire de mettre
en place différentes stratégies d’intervention. Les messages de base doivent cependant
clairement être orientés vers un idéal de nonconsommation, afin que les jeunes ne sentent
en aucun cas une caution, voire une valorisation
de la consommation de cannabis. Les enfants
et les jeunes sont particulièrement exposés aux
répercussions de la consommation de cannabis
sur leur santé et leur développement psychosocial.
•Pour les adolescents qui ont déjà expérimenté
le produit, il s’agit d’éviter le passage à une
consommation récréative, c’est-à-dire qu’ils
ne continuent pas à fumer.
•Les adolescents qui sont déjà dans un mode
de consommation épisodique devraient
être incités à réduire la fréquence de leur
consommation, voire à la stopper, pour qu’ils
n’entrent pas petit à petit dans une consommation régulière ou quotidienne (passage à
l’habitude).
•Quant aux consommateurs réguliers, voire
quotidiens, en situation de risque élevé,
il convient de les inciter au changement,
c’est-à-dire à l’arrêt – ou au moins à une
réduction signif icative – de leur consommation. Une consommation fréquente entrave des apprentissages dans les domaines
scolaire et individuel. Le risque de devenir
dépendant et de ne plus pouvoir arrêter
seul est élevé.
Il convient ainsi de privilégier les approches individuelles, basées sur le dialogue et le conseil.
Les institutions spécialisées dans le domaine
de l’adolescence et des dépendances peuvent
soutenir les parents et les jeunes.
Réduire les risques
Une politique réaliste de prévention des problèmes de drogues doit faire preuve de pragmatisme: malgré l’interdit légal et malgré
les risques, les consommateurs de cannabis
existent. Des messages de prévention adressés aux usagers et usagères de cannabis sont
donc indispensables pour faire en sorte que les
consommateurs prennent le moins de risques
possible. Ce qui signifie:
•Pas de consommation quand on n’est pas bien dans
sa tête; le cannabis ne résout aucun problème!
Au contraire, dans un état psychique fragile,
il peut conduire à des effets négatifs.
par exemple. Rappelons par ailleurs que la
Loi sur la circulation routière prévoit une tolérance zéro pour le cannabis.
•Pour réduire le risque de développer une dépendance, la fréquence de la consommation et
les doses absorbées doivent rester faibles.
Autrement dit, la consommation de cannabis
ne doit pas devenir le but principal de l’existence, elle devrait rester épisodique.
•Pas de mélanges de drogues. Mélanger le cannabis avec de l’alcool, des médicaments psychotropes ou des drogues telle que l’ecstasy,
c’est prendre un cocktail explosif aux effets
imprévisibles.
Conseil et traitement
Certaines personnes aimeraient réduire
ou arrêter leur consommation, mais n’y
arrivent pas toutes seules. C’est notamment les centres d’aide et de conseil qui
peuvent apporter du soutien. Dans la
prise en charge ambulatoire des dépendances, le taux de personnes qui ont eu
comme problème principal le cannabis a
augmenté pendant ces dernières années.
Par contre, dans le secteur résidentiel, le
cannabis est moins important en tant que
principale substance posant problème.
Des entretiens motivationnels et des thérapies centrées sur la personne figurent
parmi les approches thérapeutiques souvent utilisées.
•Pas de consommation dans des contextes nécessitant de la concentration et de l’attention, comme
l’école, le travail ou la conduite d’un véhicule,
addiction info suisse
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