La radio numérique terrestre bientôt dans les postes - Haut-Rhin

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La radio numérique terrestre bientôt dans les postes - Haut-Rhin
Région
Q MERCREDI 4 MAI 2016
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ALSACE Etude d’impact par le CSA
La radio numérique terrestre
bientôt dans les postes
Comme pour la télévision, le numérique terrestre va s’immiscer en Alsace sur les ondes radios.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) prépare le terrain. En préambule d’un futur appel à candidatures,
il s’est intéressé au nerf de la guerre hertzienne : la pub.
A
vant de laisser entrer de
nouveaux diffuseurs sur les
ondes, ou d’en laisser
d’autres dépasser le stade de
cette bonne vieille FM, le CSA s’est
livré à un petit tour de l’« allotissement ». En langage courant, la zone
géographique sur laquelle des opérateurs pourraient être autorisés à diffuser des programmes radios en numérique terrestre (RNT). La dernière
des études d’impact livrées par les
experts concerne l’Alsace, région qui
se situe dans un futur appel à candidature.
Sur les 18 zones FM allant de Wissembourg à Altkirch, avec un tout petit
décrochement en Moselle pour couvrir Phalsbourg, les calculettes ont
fonctionné pour déterminer comment une offre radiophonique élargie
pourrait modifier les équilibres économiques.
Les paysages actuels sont évidemment contrastés et varient fortement
entre d’un côté les trois plus grands
pôles urbains que sont Strasbourg,
Mulhouse et Colmar, et d’un autre
côté des zones locales plus rurales.
Trois quarts de radios
privées dans les plus
grandes villes
À Strasbourg par exemple, le nombre
de radios autorisées est de 25 (20
pour Mulhouse, 19 pour Colmar).
Ailleurs, selon le CSA, on tombe à une
moyenne tournant autour de sept à
huit programmes.
Tout aussi révélateur, dans les trois
grandes villes les trois quarts des
radios sont privées. Ailleurs, le service public de Radio France domine
l’offre de stations, sauf notamment à
Saverne et à Schirmeck.
Que va devenir ce paysage avec l’arrivée de la radio numérique terrestre ?
De nouveaux opérateurs sont susceptibles d’émerger, quand bien même
certains peuvent demander à diffuser leurs programmes FM en numérique.
À Strasbourg par exemple, 14 nouvelles places au minimum seront disponibles, l’enrichissement pouvant même atteindre 39 « services » (ou
programmes). Partout ailleurs en Alsace, entre 6 et 15 services au minimum devraient élargir l’offre (6 à
Mulhouse, Guebwiller, Altkirch ; 15 à
Sélestat, Obernai, Schirmeck, SainteMarie-aux-Mines).
Et voilà bien où le CSA s’attaque au
fond du problème : il doit se déterminer sur l’effet de ces nouvelles voix
numériques sur le marché publicitaire des acteurs de la FM vivant de ces
recettes. Le marché a été découpé en
quatre grosses tranches qui ont fait
l’objet d’études de marché détaillées :
À Strasbourg, où les dépenses des
annonceurs dans tous les secteurs
confondus ont reculé de 16 % entre 2007 et 2014, la radio vient au
troisième rang, derrière la presse et
l’affichage. La radio seule a perdu
23 %. Deux régies se partagent l’essentiel des parts d’audience locale
commercialisables de la radio locale,
à savoir NRJ Global Région (NRJ et
Nostalgie) et Mediarun (Top Music,
Virgin, RFM) ; Tertio Publicité pour
Radio Dreyeckland suit.
À Mulhouse, où le marché de la pub
LA RNT, POURQUOI ET COMMENT ?
Comme la télévision avec la TNT, la radio
devrait faire sa mue numérique par la
RNT. Déjà, les villes de Paris, Nice et
Marseille (entre autres) sont passées à la
diffusion de programmes numérisés par
ondes hertziennes. Jugées « prioritaires,
en raison de l’encombrement des fréquences en zone frontalière », les régions
de Lille et de Strasbourg devraient faire
l’objet des appels à candidatures suivants. La phase préalable est l’étude
d’impact que vient de publier le CSA pour
le paysage radiophonique alsacien. Des
objections peuvent lui être adressées en
retour jusqu’au 13 mai.
Ensuite pourra démarrer la procédure
d’attribution des nouveaux services en
radio numérique terrestre, à condition
qu’ils puissent « se développer sans
fragiliser l’équilibre économique des
acteurs » en place.
Après la libéralisation des ondes FM dans
les années 80, la RNT permet de démultiplier les émetteurs. Chaque fréquence
dévolue à la RNT peut accueillir de multiples programmes simultanément, grâce
à numérisation du signal en binaire. De
nouveaux arrivants sont donc attendus,
mais pas forcément en masse.
Le CSA table sur un phénomène de double diffusion : pour une radio FM, demander un créneau en RNT « n’enrichit pas
l’offre, mais favorise et sécurise la double
exposition des programmes du titulaire
face à une concurrence susceptible de
s’accroître ».
Le monde de la radio ne connaîtra pas
d’électrochoc immédiat, d’autant que les
auditeurs équipés sont encore rares :
moins de 100 000 récepteurs compatibles ont été vendus l’an dernier sur plus
de 4 millions d’appareils. Le CSA lui-même reconnaît qu’il n’est pas sûr que cela
« augmente l’écoute de la radio, et par
voie de conséquence les recettes publicitaires. » Certains groupes ont renoncé,
préférant miser sur une future diffusion
par le web. De toute manière, la RNT ce
n’est pas pour tout de suite en Alsace.
L’appel à candidatures à Paris avait été
lancé en mars 2008. Et le démarrage des
émissions fixé à juin 2014.
À terme en Alsace, des radios en numérique. Mais pour qui ?
tous supports a plongé de 25 % en
sept ans, mais a repris 2 % depuis
2013, la radio est restée stable. Là,
NRJ Global Régions et Tertio Publicité
dominent dans les parts d’audience
locale commercialisables.
À Colmar, l’ensemble des investissements publicitaires a chuté de 6 %
entre 2007 et 2014 mais la radio
regagne du terrain, avec +6 %. NRJ
Global Régions cavale en tête des
parts d’audiences commercialisables, devant Mediarun.
Des situations
financières pas
toujours florissantes
À Haguenau enfin, la pub tous supports a perdu 11 % en sept ans, mais
PHOTO ARCHIVES DNA
la radio a limité les dégâts à -5 %.
De ces constats, le CSA déduit que
« sur les marchés étudiés, le média
radio démontre une certaine capacité
de résistance ». Alors que « leurs régies publicitaires jouent un rôle prépondérant », le déploiement de la
RNT « pourrait inciter des opérateurs
à entrer sur des marchés de moindre
capacité. » Autrement dit à se partager les morceaux ?
À Strasbourg spécifiquement, elles
seraient plus tentantes, le CSA
voyant dans la « capacité du marché
publicitaire local » une raison
d’ouvrir davantage de canaux. Pas
sûr que ce genre d’argument rassure
les responsables de radios dont la
santé financière n’est pas toujours
très florissante.
Dans l’étude d’impact du CSA, les
chiffres stratégiques des recettes et
des résultats nets ont été occultés. Il
apparaît pourtant que l’évolution des
chiffres d’affaires entre 2013 et 2014
a entraîné des pertes pour certains
d’entre eux. Pour les radios évoluant
dans des réseaux, le CSA estime
qu’elles sont adossées à des têtes de
pont qui « non seulement sont susceptibles de répartir des coûts sur un
nombre élevé de fréquences, mais
agrègent aussi l’audience générée
par chaque fréquence locale avec une
marque ombrelle ».
Au final, le contrecoup de la RNT sur
les radios existantes ne se ressentira
pas tout de suite, estime le CSA. Il
faudra d’abord que les auditeurs
s’équipent en récepteurs RNT. Mais le
déploiement de l’offre « se traduira
vraisemblablement par une modification de la répartition des recettes
publicitaires ». Si l’impact ne se fera
sentir qu’à « moyen et long termes »,
les manœuvres ne sont pas finies
dans la radio.
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