Le rôle des agents antiplaquettaires dans la
Transcription
Le rôle des agents antiplaquettaires dans la
ST. MICHAEL’S HOSPITAL A teaching hospital affiliated with the University of Toronto Cardiologie UNIVERSITY OF TORONTO U N E P U B L I C AT I O N É D U C AT I V E F O N D É E S U R L A D I V I S I O N D E C A R D I O L O G I E S T. M I C H A E L’ S H O S P I TA L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O e n ca s m au es. ive hè tio ta le ite lit sit e t en ia s ua po r c és éc tre act ia su Pr sp no gie es d int z o te ol d Po si di er er Vi .car onn ow w si s P i wwur v que i po gog da pé Leading with Innovation Serving with Compassion Actualités scientifiques MC Le rôle des agents antiplaquettaires dans la prévention de l’athérothrombose Discussion et analyse des présentations sur les tout derniers essais cliniques à la 55e réunion scientifique annuelle de l’American College of Cardiology P r é se n t é i n i t i al e m e n t pa r : G a b r i e l S t e g , M . D . e t D e e p a k L B h a t t , M . D . Atlanta, Géorgie Par DAVID FITCHETT, M.D. L’athérothrombose, ou le lien entre le développement de l’occlusion artérielle thrombotique et l’athérosclérose, est une cause importante d’infarctus du myocarde (IM) et d’accident vasculaire cérébral (AVC). Les progrès importants réalisés dans la prévention des événements vasculaires aigus avec les statines, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et la stabilisation de la tension artérielle ont entraîné une réduction importante de l’incidence des crises cardiaques et des AVC. Le rôle des agents antiplaquettaires dans la prévention de l’athérothrombose chez les patients atteints d’athérosclérose chronique stable a été largement extrapolé du bénéfice évident observé chez ceux ayant présenté récemment des événements vasculaires aigus. L’étude CHARISMA (Clopidogrel for High Atherothrombotic Risk and Ischemic Stabilization, Management, and Avoidance) récemment publiée remet actuellement en question ce concept. Dans ce numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques, nous examinons de nouvelles données sur les patients atteints ou exposé à un risque d’athérosclérose et des données probantes à l’appui de l’utilisation d’un traitement antiplaquettaire dans la prévention des événements athérothrombotiques chez ceux présentant une atteinte athéroscléreuse chronique et dans la prévention primaire chez ceux à haut risque. Risque d’événements vasculaires chez les patients atteints d’athérothrombose : Données du Registre REACH REACH (REduction of Atherothrombosis for Continued Health) est un registre commandité par l’industrie ayant recruté jusqu’ici plus de 67 000 patients stables contemporains dans 44 pays qui ont présenté des symptômes d’athérosclérose ou sont exposés à un risque élevé de tels symptômes. Les patients ont été suivis pendant une période maximale de 2 ans et les données de suivi pendant 1 an ont été présentées aux réunions scientifiques récentes de l’American College of Cardiology (ACC). Une atteinte athéroscléreuse a été documentée dans un territoire vasculaire (coronarien, cérébro-vasculaire ou vasculaire périphé- Division de cardiologie Thomas Parker, M.D. (chef) Gordon W. Moe, M.D. (rédacteur) David H. Fitchett, M.D. (rédacteur adjoint) Juan C. Monge, M.D. (rédacteur adjoint) Beth L. Abramson, M.D. Abdul Al-Hesayan, M.D. Warren Cantor, M.D. Luigi Casella, M.D. Asim Cheema, M.D. Robert J. Chisholm, M.D. Chi-Ming Chow, M.D. Paul Dorian, M.D. 11 au 14 mars 2006 rique) chez 65 % des sujets, de multiples territoires vasculaires ont été documentés chez 15,8 % et des facteurs de risque multiples d’athérothrombose ont été documentés chez 18,3 %. Chez les patients exposés à des facteurs de risque multiples, au moins trois des caractéristiques suivantes devaient être présentes : • Âge avancé (hommes ≥ 65 ans, femmes ≥ 70 ans) • Tabagisme actuel (≥ 15 cigarettes/jour) • Diabète (type 1 ou 2) • Hypercholestérolémie • Néphropathie diabétique • Hypertension • Indice cheville/bras (ICB) < 0,9 • Sténose asymptomatique de la carotide ou présence de ≥ 1 plaque artérielle Les données démographiques de la population sont typiques d’un groupe à haut risque d’athérothrombose (âge moyen 69 ans, homme 64 %, diabète 44 %, hypertension 82 %, hypercholestérolémie 72 %, obésité ou surpoids 61 %, tabagisme antérieur/passé 57 %). Les patients ont reçu un traitement de protection vasculaire contemporain (les médicaments à l’admission dans l’étude comprenaient des bêtabloquants 48,6 %, des IECA 48,2 %, des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) 25,4 %, des agents antiplaquettaires 78,6 % et un traitement hypolipidémiant 75,2 %). Les taux d’événements à 1 an dans cette population sont indiqués dans le tableau 1. Les taux annuels d’événements étaient élevés dans cette population à haut risque, 14,5 % des patients présentant une atteinte athéroscléreuse connue étant décédés d’une cause cadiovasculaire (CV), ayant souffert d’un IM non mortel, d’un AVC ou ayant été hospitalisés pour un événement athérothrombotique. En présence d’atteinte vasculaire dans plusieurs territoires (artère coronaire, atteinte cérébro-vasculaire ou atteinte vasculaire périphérique), le risque d’événement athérothrombotique augmente considérablement (figure 1). Pour les patients atteints de coronaropathie, l’atteinte athéroscléreuse dans d’autres régions a un impact particulièrement important. Chez les patients atteints de coronaropathie ne présentant aucun signe d’atteinte dans d’autres territoires, les taux annuels d’événements étaient de 1,5 % Michael R. Freeman, M.D. Shaun Goodman, M.D. Anthony F. Graham, M.D. Robert J. Howard, M.D. Stuart Hutchison, M.D. Victoria Korley, M.D. Michael Kutryk, M.D. Anatoly Langer, M.D. Howard Leong-Poi, M.D. Iqwal Mangat, M.D. Arnold Pinter, MD Trevor I. Robinson, M.D. Duncan J. Stewart, M.D. Bradley H. Strauss, M.D. St. Michael’s Hospital, 30 Bond St., Suite 7049, Queen Wing, Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5941 Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de la Division de Cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, du commanditaire de la subvention à l’éducation ou de l’éditeur, mais sont celles de l’auteur, qui se fonde sur la documentation scientifique existante. On a demandé à l’auteur de révéler tout conflit d’intérêt potentiel concernant le contenu de cette publication. La publication de Cardiologie, Actualités scientifiques est rendue possible grâce à une subvention à l’éducation sans restrictions. Tableau 1 : Événements CV défavorables majeurs à 1 an chez les patients du Registre REACH Figure 1 : Taux d’événements à 1 an chez les patients dans le Registre REACH selon le nombre de sites vasculaires présentant une atteinte symptomatique Groupe entier N = 63,129 « Symptomatique » N = 51,685 Facteurs de risque uniquement N = 11,444 Décès de cause CV 1,5% 1,7% 0,6% IM non mortel 1,2% 1,2% 0,8% 7 AVC non mortel 1,6% 1,8% 0,8% 6 DCV + IM + AVC 3,5% 3,9% 1,7% 5 12,9% 14,5% 5,4% DCV + IM + AVC + hospitalisation pour un événement athérothrombotique Taux d’événements à 1 an (%) 8 Nombre de territoires atteints 0 1 2 3 4 3 2 CV = cardiovasculaire; DCV = décès cardiovasculaire; IM = infarctus du myocarde AVC = accident vasculaire cérébral pour le décès de cause CV, de 3,1 % pour la maladie CV (MCV) + l’IM + l’AVC et de 13,3 % pour la MCV + l’IM + l’AVC + la nécessité d’une hospitalisation. Lorsque les patients ont souffert de MCV, d’atteinte cérébro-vasculaire et d’atteinte vasculaire périphérique, les taux d’événements ont doublé (DCV 3,6 %, MCV + IM + AVC 7,4 %, DCV + IM + AVC + nécessité d’une hospitalisation 26,9 %). Dans le groupe traité avec un traitement contemporain, l’hémorragie entraînant une hospitalisation et une transfusion était plus fréquente chez les patients présentant une atteinte athéroscléreuse connue (0,8 %) que chez ceux ne présentant que des facteurs de risque (0,5 %). Cependant, comme le montre le tableau 1, les taux d’événements athérothrombotiques étaient plusieurs fois supérieurs aux taux d’hémorragie (le taux de DCV + d’IM + d’AVC chez les patients atteints d’athérosclérose connue était de 3,9 % ; alors que chez ceux présentant uniquement des facteurs de risque, le taux était de 1,7 %). Le registre REACH démontre que malgré un traitement agressif avec des médicaments visant à prévenir les événements indésirables, les événements athérothrombotiques demeurent fréquents et sont considérablement plus fréquents que les événements hémorragiques importants (certains étaient dus au traitement). Les patients exposés au risque le plus élevé d’événements présentent des signes d’atteinte athéroscléreuse symptomatique dans ≥1 territoire vasculaire. Par conséquent, les données du registre REACH soulignent les caractéristiques de la population à haut risque étudiée dans l’étude CHARISMA. Dans les sections suivantes de ce numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques, nous examinons le rôle d’un traitement antiplaquettaire amélioré dans cette population à haut risque dans l’étude CHARISMA. Traitement antiplaquettaire dans la prévention des événements athérothrombotiques Les plaquettes jouent un rôle essentiel dans la pathogenèse de l’athérothrombose. L’inhibition de la fonction plaquettaire par un traitement à long terme avec l’aspirine a prévenu les événements athérothrombotiques récidivants chez les patients ayant des antécédents d’IM et d’AVC de 25 % et de 22 %, respectivement. L’étude CAPRIE (Clopidogrel and Aspirin in patients at Risk for Ischemic Events) a révélé qu’un bloqueur des récepteurs de l’ADP de type PY12 , le clopidogrel, a réduit les événements athérothrombotiques d’un taux supplémentaire de 8 % comparativement à la réduction obtenue avec l’aspirine seule1. Un avantage accru a été observé avec le clopidogrel chez les patients à plus haut risque atteints de diabète2 et chez ceux ayant des antécédents de pontage aorto-coronarien3. L’association de l’aspirine et du clopidogrel pourrait offrir un avantage supplémentaire, 1 0 DCV IM non mortel AVC non mortel DCV/IM/AVC étant donné que l’inhibition de la voie de la cyclogénase avec l’aspirine n’affecte pas l’activation plaquettaire par la stimulation du récepteur de l’ADP de type PY12. Chez les patients atteints de syndromes coronariens aigus, la bithérapie antiplaquettaire avec le clopidogrel et l’aspirine utilisée dans l’étude CURE (Clopidogrel in Unstable Angina to Prevent Recurrent Event)4-5 a réduit les taux de décès de cause CV/d’IM et d’AVC de 20 % pendant la période du traitement de 1 an. On a observé des avantages similaires avec la bithérapie antiplaquettaire chez des patients ayant subi un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (IMSSST)6 et chez ceux subissant une angioplastie et la pose de stents intracoronariens7. Cependant, dans l’étude MATCH8, l’association du clopidogrel et de l’aspirine chez des patients ayant subi récemment un accident ischémique cérébral et une ischémie cérébrale transitoire (ICT) a entraîné une réduction non significative des événements vasculaires majeurs et une augmentation de 30 % du taux d’hémorragie menaçant la vie ou d’hémorragie majeure comparativement aux patients ayant reçu le clopidogrel seul. Jusqu’à récemment, aucune étude n’avait vérifié l’hypothèse selon laquelle la bithérapie antiplaquettaire de longue durée avec l’aspirine et le clopidogrel pourrait réduire les événements athérothrombotiques chez les patients à haut risque, mais qui n’auraient pas encore souffert d’un événement CV récent. L’étude CHARISMA9 L’étude CHARISMA a évalué l’efficacité et l’innocuité de l’association du clopidogrel et de l’aspirine comparativement à un placebo et de l’aspirine chez des patients âgés de plus de 45 ans qui présentaient un risque élevé d’événements athérothrombotiques. Les patients inclus dans l’étude avaient des antécédents de coronaropathie (angine stable avec coronaropathie pluritronculaire documentée, angioplastie coronarienne antérieure dans de multiples vaisseaux ou pontage aorto-coronarien ou antécédents d’IM), présentaient une atteinte cérébro-vasculaire (ICT ou AVC documentés), une atteinte artérielle périphérique (claudification intermittente avec un indice cheville-bras (ICB) < 0,85 ou antécédents de chirurgie vasculaire ou d’angioplastie des vaisseaux périphériques) ou ils étaient asymptomatiques, mais étaient exposés à un risque élevé en présence de facteurs de risque multiples d’athérothrombose. Les critères d’admission à haut risque étaient la présence de 2 facteurs de risque majeurs ou de 3 facteurs de Cardiologie Actualités scientifiques Incidence cumulative du paramètre primaire composé (%) Figure 2 : L’incidence cumulative du paramètre primaire (première apparition du décès de cause CV, de l’IM ou de l’AVC) dans l’étude CHARISMA Figure 3 : Résultats d’efficacité primaire par catégorie de groupe préspécifiée dans l’étude CHARISMA Critères d’admission dans l’étude de coronaropathie, de MCV, d’AAP N = 12 153 10 Probabilité IC à 95 % Valeur p 0,88 (0,77-0,99) 0,046 1,20 (0,91 -1,59) 0,20 0,93 (0,83 -1,05) 0,22 8 Facteurs de risque multiples N = 3284 Placebo 7,3 % 6 Clopidogrel 6,8 % 4 2 Total N = 15 603 RR: 7,1 %; 95 % CI, -4,5 % à 17,5 %; p=0,22 OU 0,4 0,6 0,8 1,0 En faveur du clopidogrel 0 0 6 12 18 24 30 1,2 1,4 1,6 En faveur du placebo AAP = atteinte des artères périphériques Mois risque mineurs ou de 1 facteur de risque majeur et de 2 facteurs de risque mineurs. Les principaux facteurs de risque majeurs incluaient : • Diabète (types 1 et 2) • Néphropathie diabétique • ICB < 0,9 • Sténose asymptomatique de la carotide, au moins 1 plaque dans une artère carotide Les facteurs de risque mineurs incluaient : • Tension artérielle systolique > 150 mm Hg • Hypercholestérolémie primitive • Tabagisme actuel > 15 cigarettes/jour • Âge ≥ 65 ans pour les hommes, ≥ 70 ans pour les femmes L’étude CHARISMA a assigné au hasard 15 603 patients provenant de 32 pays au clopidogrel 75 mg par jour ou à un placebo, en plus de l’aspirine 75-163 mg par jour. L’atteinte vasculaire documentée était le critère de recrutement utilisé chez 78 % des patients et la présence de facteurs de risque multiples chez 21 %. Les données démographiques sur les patients étaient relativement similaires à celles observées dans le registre REACH examiné antérieurement. Les patients étaient légèrement plus jeunes (64,9 ans), 70 % étaient des hommes, 76 % étaient obèses ou en surpoids, 35 % avaient des antécédents d’IM, 25 % avaient subi un AVC et 23 % présentaient une atteinte artérielle périphérique. Des antécédents de revascularisation étaient fréquents : 23 % avaient subi une intervention coronarienne percutanée (ICP) ; 20 % avaient subi un pontage aorto-coronarien (PAC) ; 5,3 % avaient subi une endartériectomie carotidienne et 11,1 % avaient subi une chirurgie ou une angioplastie vasculaire périphérique. L’adhérence aux traitements assurant une protection vasculaire était très élevée chez les patients à haut risque pendant l’étude (99 % utilisaient de l’aspirine ; 56 % des bêta-bloquants ; 61 % des IECA ; 26 % des ARA ; 77 % des statines et 42 % des médicaments anti-diabétiques). Résultats de l’étude CHARISMA Les principaux résultats de l’étude CHARISMA ont été présentés et publiés récemment9. Après une période moyenne de suivi de 28 mois, le paramètre primaire incluant le décès de cause CV, l’IM non mortel ou mortel ou l’AVC a été atteint dans une proportion similaire parmi les patients recevant un traitement actif et ceux recevant un placebo (figure 2). Le paramètre secondaire principal qui incluait le décès de cause CV, l’IM non mortel ou mortel ou l’AVC, ou l’hospitalisation pour ICT ou l’angine instable ou la revascularisation, était réduit chez les patients recevant le clopidogrel [clopidogrel 16,7 %, placebo 17,8 %, réduction du risque (RR) 7,7 %, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,5 à 14,4, P = 0,04]. Parmi les composantes individuelles du paramètre primaire et du paramètre secondaire principal, seuls l’AVC [probabilité 0,8 ; IC à 95 %, 0,65-0,997, p = 0,05] et l’hospitalisation (probabilité 0,90 ; IC à 95 %, 0,82-0,98, p = 0,02) ont été significativement réduits. On a noté une tendance à un taux plus élevé d’hémorragie majeure ou sévère selon les critères GUSTO (clopidogrel 1,7 %, placebo 1,3 %, probabilité 1,25 ; IC à 95 %, 0,97-1,61, p = 0,09) et le taux modéré d’hémorragie était significativement accru par le clopidogrel (clopidogrel 2,1 %, placebo 1,3 %, probabilité 1,62 ; IC à 95 %, 1,27-2,10). Lorsque les sous-groupes préspécifiés à l’admission dans l’étude ont été examinés individuellement, différents paramètres d’efficacité ont été observés chez les patients présentant une atteinte vasculaire documentée comparativement à ceux présentant uniquement de multiples facteurs de risque (figure 3). Les patients présentant une atteinte vasculaire documentée et traités avec le clopidogrel ont obtenu une réduction légère, mais statistiquement significative, du paramètre primaire combiné. Des avantages similaires (bien que non statistiquement significatifs) ont été observés chez les patients qui souffraient lors de leur admission dans l’étude de coronaropathie, d’atteinte cérébro-vasculaire et d’atteinte vasculaire périphérique. Par opposition, les patients qui présentaient lors de leur admission uniquement de multiples facteurs de risque n’ont pas obtenu d’avantages significatifs du traitement avec le clopidogrel. On a observé une tendance à un taux accru d’hémorragie chez les patients traités avec le clopidogrel dans les deux sous-groupes. Dans le groupe de patients présentant de multiples facteurs de risque, on a noté un taux accru de décès de cause CV chez les patients traités avec le clopidogrel (clopidogrel 3,9 %, placebo 2,2 %, p = 0,01). Discussion L’analyse de ces sous-groupes doit être interprétée avec une extrême prudence, en particulier lorsque le paramètre primaire n’était pas positif et que l’interaction entre le statut à l’admission et le traitement n’était que marginalement significative. De plus, certains des patients dans le groupe exposé à de multiples facteurs de risque présentaient probablement une atteinte vasculaire établie, mais ne répondaient pas aux critères d’admission dans le groupe à risque élevé présentant une atteinte établie (IM il y a plus de 5 ans ou absence de coronaropathie pluritronculaire). Néanmoins, ces données appuient Cardiologie Actualités scientifiques l’hypothèse qu’un traitement à long terme avec une bithérapie antiplaquettaire comprenant l’association aspirine-clopidogrel pourrait offrir des avantages aux patients atteints d’une MCV établie. Il faut espérer que cette observation encouragera la réalisation d’une autre étude visant à déterminer si la prévention secondaire avec une bithérapie antiplaquettaire offre des avantages chez les patients à haut risque, atteints de MCV établie. Pourquoi une bithérapie antiplaquettaire avec le clopidogrel et l’aspirine n’a pas montré d’avantages au-delà de celui offert par l’usage de l’aspirine seule dans cette étude ? Il est possible que l’effet bénéfique d’une bithérapie antiplaquettaire ne soit maximal que chez les patients ayant subi récemment des événements vasculaires aigus. Dans l’étude CHARISMA, le temps moyen écoulé de l’IM les rendant admissibles à participer à l’étude à la randomisation était de 23,3 mois, alors que le temps moyen écoulé de l’AVC et de l’ICT les rendant admissibles à participer à l’étude à la randomisation n’était que de 3,5 et 2,7 mois, respectivement. Cela peut expliquer, en partie, pourquoi la bithérapie antiplaquettaire n’a réduit que les AVC. De plus, on peut peut-être utiliser une explication similaire chez les patients du groupe présentant de multiples facteurs de risque qui n’avaient pas d’antécédents d’événements vasculaires ou avaient subi des événements vasculaires il y a de nombreuses années. Les données à l’appui de l’utilisation d’un traitement antiplaquettaire pour la prévention primaire des événements cardiovasculaires sont moins fondées que celles portant sur les patients présentant une atteinte établie. L’étude récemment publiée intitulée Women’s Health Study10 n’a pas montré que l’aspirine offrait un avantage global dans une grande cohorte de femmes n’ayant pas d’antécédents de MCV. Une étude récente11 indique que l’aspirine offre un avantage réduit pour la prévention primaire de la MCV chez les patients diabétiques comparativement aux sujets exposés à d’autres facteurs de risque. Il est possible que les effets antiplaquettaires de l’aspirine chez les patients diabétiques soient neutralisés par des mécanismes d’activation des plaquettes et de formation de thrombus insensibles à l’aspirine, rendant ainsi défavorable l’équilibre entre les effets bénéfiques et les effets défavorables de l’aspirine. Il est possible d’utiliser des arguments semblables pour les effets antiplaquettaires du clopidogrel utilisé en prévention primaire chez les patients diabétiques. Il semblerait que la bithérapie antiplaquettaire avec l’aspirine et le clopidogrel offre un avantage le long du continuum de la MCV. Cet avantage varie de maximal dans l’atteinte vasculaire aiguë à moindre dans l’atteinte sub-aiguë et chronique et minime, sinon nul, pour la prévention primaire. après une angioplastie coronarienne et la pose de stents intracoronariens. Il est important que la couverture médiatique négative sur l’usage du clopidogrel depuis la publication des résultats de l’étude CHARISMA soit contrecarrée par une campagne d’éducation du public et des professionnels, telle que les déclarations faites par l’American Heart Association, l’ACC et la Société européenne de cardiologie exhortant les médecins à s’assurer que les patients appropriés chez qui le clopidogrel pourrait avoir des effets bénéfiques ne soient pas privés de ce traitement salvateur. Le Dr Fitchett déclare qu’il a été membre du Conseil consultatif Plavix pour sanofi-aventis et qu’il a assuré l’EMC pour Bristol-Myers Squibb. Références 1. Gent M. The CAPRIE trial: culmination of the preregistration program for clopidogrel. Clopidogrel versus aspirin in patients at risk of ischaemic events. Clopidogrel versus aspirin in patients at risk of ischaemic events. Semin Thromb Hemost1999;25 Suppl 2:1-2. 2. Bhatt DL, Marso SP, Hirsch AT, et al. Amplified benefit of clopidogrel versus aspirin in patients with diabetes mellitus. Am J Cardiol 2002;90:625-628. 3. Bhatt DL, Chew DP, Hirsch AT, et al. Superiority of clopidogrel versus aspirin in patients with prior cardiac surgery. Circulation 2001;103:363-368. 4. CURE Study Investigators. The Clopidogrel in Unstable angina to prevent Recurrent Events (CURE) trial programme. Rationale, design and baseline characteristics including a meta-analysis of the effect of thienopyridines in vascular disease. Eur Heart J 2000;21:2033-2041. 5. The Clopidogrel in Unstable Angina to Prevent recurrent Events Trial Investigators. Effects of clopidogrel in addition to ASA in patients with acute coronay syndromes without ST segment elevation. N Engl J Med 2001;345:494-502. 6. Chen ZM, Jiang LX, Chen YP, et al. Addition of clopidogrel to aspirin in 45,852 patients with acute myocardial infarction: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2005;1607-1621. 7. Steinhubl SR, Mann JT III, et al. Early and sustained dual oral antiplatelet therapy following percutaneous coronary intervention: a randomized controlled trial. JAMA 2002;288:2411-2420. 8. Diener HC, Bogousslavsky J, Brass LM, et al. Aspirin and clopidogrel compared with clopidogrel alone after recent ischaemic stroke or transient ischaemic attack in high-risk patients (MATCH): randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2004;364:331-337. 9. Bhatt DL, Fox KA, Hacke W, et al. Clopidogrel and aspirin versus aspirin alone for the prevention of atherothrombotic events. N Engl J Med 2006;354:17061717. 10. Ridker PM, Cook NR, Lee IM, et al. A randomized trial of low-dose aspirin in the primary prevention of cardiovascular disease in women. N Engl J Med 2005;352:1293-1304. 11. Sacco M, Pellegrini F, Roncaglioni MC, et al. Primary prevention of cardiovascular events with low-dose aspirin and vitamin E in type 2 diabetic patients: results of the Primary Prevention Project (PPP) trial. Diabetes Care 2003;26: 3264-3272. Quel est l’impact de l’étude CHARISMA sur la pratique clinique ? L’étude CURE menée auprès de patients atteints de syndromes coronariens aigus a montré que la bithérapie antiplaquettaire avec l’aspirine et le clopidobrel a entraîné une réduction absolue hautement significative de 2 % des décès, de l’IM et de l’AVC. Par opposition, l’étude CHARISMA menée auprès de patients présentant une atteinte vasculaire stable chronique a révélé que l’association clopidogrelaspirine entraîne une réduction plus modeste de 1 % et non significative du même paramètre primaire. Les résultats de l’étude CHARISMA ne devraient pas causer de changements dans l’usage actuel de la bithérapie antiplaquettaire avec le clopidogrel et l’aspirine dans le traitement des patients atteints de syndromes coronariens aigus ou SNELL Communication Médicale reconnaît qu’elle a reçu une subvention à l’éducation sans restrictions de sanofi-aventis/Bristol-Myers Squibb pour la publication de ce numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques. L’octroi de cette subvention était fonction de l’acceptation par le commanditaire de la politique établie par la Division de cardiologie et par SNELL Communication Médicale garantissant le but éducatif de la publication. Cette politique garantit que l’auteur et le rédacteur jouissent en tout temps d’une indépendance scientifique rigoureuse totale sans l’interférence de toute autre partie. La version française a été révisée par le Dr George Honos, Montréal. © 2006, Division de Cardiologie, Hôpital St. Michael, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Éditeur : SNELL Communication Médicale Inc. en collaboration avec la Division de Cardiologie, Hôpital St. Michael, Université de Toronto. MC Cardiologie – Actualités scientifiques est une marque de commerce de SNELL Communication Médicale Inc. Tous droits réservés. L’administration des traitements décrits ou mentionnés dans Cardiologie – Actualités scientifiques doit toujours être conforme aux renseignements thérapeutiques approuvés au Canada. SNELL Communication Médicale Inc. se consacre à l’avancement de la formation médicale continue de niveau supérieur. CHD03604E Publications Post #40032303 SNELL 202-072F