La littérature francophone en traduction

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La littérature francophone en traduction
La littérature francophone en traduction
méthodes, pratiques, histoire
jeudi 12/3 – samedi 14/3
Résumés et notices bio-bibliographiques
La littérature francophone en traduction :
méthodes, pratiques et histoire
Jeudi 12 mars, salle C430
13.00
Accueil et inscription
13.30
Paroles de bienvenue
Présidente de session: Katrien Lievois
13.45
Lieven D’hulst,
KU Leuven
Sur les échanges traductifs interfrancophones (Belgique et
Suisse) au XIXème siècle.
14.15
Rainier Grutman,
Université d’Ottawa
Tintin en traduction: voies et voix du bruxellois.
14.45
Discussion
15.15Pause-café
Présidente de session: Ingse Skattum
15.45
Louis Jolicœur,
Université Laval
La traduction de la littérature québécoise en Italie et dans le
monde hispanique
16.15
Elisabeth Bladh,
Université de
Göteborg
Une double consécration – une nécessité pour introduire un
écrivain de langue française en suédois ?
16.45
Discussion
18.30 Visite de la ville
19.30 Dîner au restaurant « Château Beirut »
Vendredi 13 mars, salle C430
Matinée
Présidente de session: Elisabeth Bladh
10.00
10.30
11.00
11.30
Ylva Lindberg,
Université de
Jönköping
Kathryn Batchelor,
Université de
Nottingham
Mattias Aronsson,
Université de
Dalécarnie
En repérage de la honte. Les auteurs francophones rencontrent les critiques suédois.
Oralité, trauma et traduction : une étude de la répétition dans
Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma
Le Ventre de l’Atlantique – entre la mer du Nord et la
mer Baltique. Le premier roman de Fatou Diome en traduction suédoise
Discussion
12.00 – 14.00 déjeuner
après-midi
Présidente de session: Christina Kullberg
14.00
Katrien Lievois,
UAntwerpen
De l’africain francophone en néerlandais par l’anglais ?
Une analyse des flux traductionnels d’une littérature périphérique en une langue périphérique .
14.30
Katja Zakrajšek,
Université de
Ljubljana
Discussion
Texte africain en français sur le chemin du slovène: analyse
topologique de la situation de traduction
15.00
15.30 pause-café
Président de session: Kathryn Batchelor
16.00
Ingse Skattum,
Université d’Oslo
La traduction en norvégien d’un texte doublement métissé :
Soundjata ou l’épopée mandingue
16.30
Claudine Lécrivain,
Université de Cadix
Trois décennies de traduction de la littérature francophone
subsaharienne en Espagne : la permanence des « frontières »
17.00
Discussion
19.30 Dîner au restaurant « Sjömagasinet »
Samedi 14 mars, salle C430
Matinée
Président de session: Lieven D’hulst
10.00
Christina Kullberg,
Université d’Uppsala
Le merveilleux voyage de Frantz Fanon à travers
la Suède: traductions et réceptions (1962-2007)
10.30
Traduction de la littérature maghrébine de langue
française en Espagne.
11.30
Nahed Nadia Nourredine,
The College of
New Rochelle
Ann-Sofie Persson,
Université de Linköping
Discussion
12.00
Clôture du colloque
11.00
Traduire une expérience algérienne: l’exemple de
Maïssa Bey et de Nina Bouraoui
12.30 Départ pour Tjolöholms Slott (déjeuner vers 13.30)
après-midi
Programme touristique : Visite du Tjolöholm Slott
21.00 Dîner en ville au restaurant mexicain « Puta Madre »
Le Ventre de l’Atlantique – entre la mer du Nord et la
mer Baltique. Le premier roman de Fatou Diome en
traduction suédoise.
Mattias Aronsson
Université de Dalécarnie, Suède
La présente intervention porte sur le premier roman de Fatou Diome : Le Ventre de
l’Atlantique (2003) et sa traduction en suédois Atlantens mage (2010). Le roman raconte le parcours de Salie, une jeune femme originaire de l’île sénégalaise de Niodior
mais installée depuis quelque temps en France – et les thèmes abordés incluent l’exil,
l’identité, la xénophobie et les rapports postcoloniaux entre la France et le Sénégal.
En conséquence, l’ouvrage est parfois cité dans le contexte de la littérature francophone moderne.
Nous discuterons les stratégies du traducteur suédois face à la prose de Diome. Y
a-t-il des problématiques spécifiques en ce qui concerne la traduction de ce texte –
étant donné qu’il s’agit d’une représentation d’un milieu géographique et culturel qui
diffère considérablement de la France métropolitaine ? Nous nous demanderons si le
fait que le « lecteur implicite » (voir Iser, 1976) soit francophone ou suédophone entraîne des différences importantes entre texte source et texte cible. Les aspects étudiés
incluent les (éventuelles) pertes et omissions dans le texte traduit. Nous nous intéresserons à l’utilisation de paraphrases explicatives et à la présence de termes non-traduits dans le texte cible – ainsi qu’aux phénomènes de normalisation et de compensation que l’on peut parfois distinguer dans les traductions littéraires.
Mattias Aronsson est maître de conférences et enseigne le français à l’Université de Dalécarnie (Suède). Son domaine de recherche est la littérature contemporaine (XXe et XXIe
siècles) Thèse de doctorat soutenue à l’Université de Göteborg (Suède) : La thématique de
l’eau dans l’œuvre de Marguerite Duras (Acta Universitatis Gothoburgensis, 2008).
Oralité, trauma et traduction : une étude de la répétition
dans Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma.
Kathryn Batchelor
Université de Nottingham, Royaume-Uni
L’emploi d’éléments stylistiques basés sur la répétition est souvent interprété comme
marqueur d’oralité dans l’œuvre d’Ahmadou Kourouma. Mais dans le contexte de
son roman ultime, Allah n’est pas obligé, ces éléments peuvent également être compris comme marqueurs de trauma : la répétition peut par exemple être liée aux stratégies thérapeutiques basées sur la transformation de l’expérience traumatique en
histoire racontée – et ce souvent à plusieurs reprises, ou bien au développement des
schèmes internes compatibles avec les expériences traumatiques. Cet article propose
donc une double lecture d’Allah n’est pas obligé, et tente d’unir les théories littéraires
qui conçoivent la littérature africaine comme ‘traduction’ de l’oralité d’un côté, et les
théories littéraires de ‘traduction’ du trauma de l’autre. Il examine ensuite les conséquences d’une telle lecture pour la traduction inter-linguistique et pour les théories
postcoloniales de la traduction.
Kathryn Batchelor est professeur de traductologie et d’études francophones à l’Université
de Nottingham au Royaume-Uni. Parmi ses publications récentes: Decolonizing Translation: Francophone African Novels in English Translation (2009); Translating Thought/Traduire la pensée (Nottingham French Studies 49.2, 2010, avec Yves Gilonne); Intimate Enemies: Translation in Francophone Contexts (2013, avec Claire Bisdorff). Ses recherches
actuelles portent sur les relations de traduction et d’échange culturel entre la Chine et
l’Afrique (Building Images: Exploring 21st Century Sino-African Dynamics Through
Cultural Exchange and Translation), et sur les traductions des œuvres de Frantz Fanon en
plusieurs langues (Frantz Fanon in and through Translation).
Une double consécration – une nécessité pour introduire
un écrivain de langue française en suédois ?
Elisabeth Bladh
Université de Göteborgs, Suède
Cette intervention s’inscrit dans le courant sociologique de la traduction et prend son
point de départ dans les travaux de Casanova (1999) et Heilbron & Sapiro (2002).
Ces chercheurs ont soulevé que les flux traductionnels diffèrent selon que la littérature à traduire est celle d’une culture dominante ou dominée. Ainsi, la majorité des
traductions se font dans la direction d’une culture dominante vers des cultures dominées. De même, afin de traduire entre deux cultures dominées il faudrait qu’une traduction existe déjà dans une langue dominante. Outre la valeur consécratoire d’une
telle traduction, elle a une fonction pratique dans la mesure où les éditeurs d’une
culture dominée ne maitrisent que très rarement la langue de l’autre culture dominée.
Dans un contexte suédois, Yvonne Lindqvist (2010) a introduit le terme « double
consécration » comme une condition gouvernant la traduction entre les littératures
outre-européennes et la Suède. Selon cette hypothèse, il faudrait qu’un texte francophone passe par deux instances consécratoires : d’abord par une publication de l’original en France et ensuite, à travers une traduction en anglais.
Vu que son étude ne traite qu’un seul cas (l’écrivain caribéen Maryse Condé), nous
nous proposons ici d’appliquer son hypothèse sur un corpus plus large, c’est-à-dire
les écrivains francophones introduits en suédois pendant la période 2000-2009. Dans
un deuxième temps, nous proposons d’appliquer le même test à la littérature française pour la même période. En effet, la littérature française ne tient plus la position
importante sur le marché du livre en Suède qu’elle avait autrefois (depuis les années
2000, il existe par exemple deux maisons d’édition se spécialisant sur la littérature de
langue française). Serait-il donc possible que cette même « contrainte » régisse aussi
bien une littérature « mineure » qu’une littérature « majeure » ?
Éléments biographiques
Casanova, P. (1999) La République mondiale des lettres. Paris : Éditions du Seuil.
Heilbron, J. & G. Sapiro (2002). Traduction : Les échanges littéraires internationaux. Actes de la recherche en science sociale, 144.
Lindqvist, Y. (2010). « Ett globalt perspektiv på nutida svensk översättningskultur.
System- och fältteori i praktiken ». In. Bladh, E. & C. Kullberg (red.), Litteratur i
gränszonen. Transnationella litteraturer i översättning ur ett nordiskt perspektiv.
Falun: Högskolan Dalarna.
Elisabeth Bladh est maître de conférences à l’Université de Göteborg, où elle enseigne la
traduction (français – suédois), la linguistique française et des cours de langue de français.
Après avoir soutenu une thèse sur la traduction de la Bible (2003), elle s’intéresse depuis
2006 à la traduction en suédois de la littérature francophone. Elle détient actuellement un
poste de chercheur académique financé par la Fondation de Knut et Alice Wallenberg.
Sur les échanges traductifs interfrancophones
(Belgique et Suisse) au XIXe siècle
Lieven D’hulst
KU Leuven, Belgique
Les études littéraires francophones s’attachent en priorité aux œuvres originalement
composées en langue française, reléguant à l’ombre d’autres pratiques discursives
comme les traductions à partir des langues étrangères. Or, tout porte à croire que ces
traductions occupent une place non négligeable dans l’histoire des relations que les
littératures francophones nouent avec d’autres littératures : les littératures en d’autres
langues, bien entendu, mais également la littérature dite française. S’il est loisible de
penser à ce propos que les rapports asymétriques entre la littérature française et les
littératures francophones s’étendent aux traductions en langue française, ces dernières se prêtent moins aisément que des traductions françaises proprement dites aux
démarches bi-relationnelles convenues (deux langues, deux littératures). C’est particulièrement le cas au XIXe siècle, qui voit apparaître des littératures nationales portées par plusieurs langues, celles-ci les obligeant à négocier des relations à plusieurs
échelles (intranationale et transnationale).
Corrélativement, il faut couramment compter alors avec au moins trois types de
traduction produits, édités ou diffusés au sein d’une littérature francophone ou au
sein de littératures francophones limitrophes, telles qu’en l’occurrence les littératures
belge et suisse : des extraductions d’œuvres francophones en d’autres langues (l’allemand, le flamand) ; des intraductions en français d’œuvres composées en ces langues
; la circulation de traductions francophones d’une littérature francophone à l’autre
(on pourrait arguer ici de circulations « interfrancophones »). Les trois types de traduction attestent des enjeux subtils des politiques et poétiques francophones vis-à-vis
des configurations géoculturelles et plurilingues qui caractérisent alors leurs deux
littératures. L’exposé se centrera sur les intraductions et extraductions dans le genre
poétique ainsi que sur la circulation transnationale des traductions poétiques.
Lieven D’hulst est docteur en philologie romane (KU Leuven, 1982) et professeur à la
même Université depuis 2000. Il est comparatiste et historien de la traduction et s’intéresse
de près aux sujets suivants : les littératures francophones des 19e et 20e siècles (singulièrement la Belgique et les Caraïbes) ; l’historiographie de la traduction littéraire de langue
française (France et Belgique) et l’étude des transferts culturels. Il est l’auteur et l’éditeur
d’ouvrages et d’articles sur ces sujets ; par exemple Cent ans de théorie française de la traduction (Presses universitaires de Lille 3, 1990), Les études littéraires francophones, état
des lieux (Presses du Septention, 2003 (en coll.)), Caribbean Interfaces (Rodopi, 2007 (en
coll.)) ; Histoire des traductions en langue française. 19e siècle (Verdier, 2012 (en coll.)),
Essais d’histoire de la traduction. Avatars de Janus. (Classiques Garnier, 2014). Il est
membre du comité éditorial de plusieurs revues internationales, dont Target. International
Journal of Translation Studies, et co-directeur de la collection « Traductologie » d’Artois-Presses-Université. Il siège depuis 2010 au Bureau du Conseil de recherche de la KU
Leuven.
Tintin en traduction : voies et voix du bruxellois
Rainier Grutman
Université d’Ottawa, Canada
Dans cette communication, je me propose de regarder de plus près la façon dont les
traductions d’œuvres francophones (ne) gèrent (pas) la présence de l’altérité linguistique dans les versions originales. Cette altérité est aujourd’hui revendiquée dans bien
des zones de la francophonie, plus particulièrement dans les anciennes colonies et
dans les départements et territoires d’outre-mer, où le français interagit systématiquement avec des langues indigènes ou des créoles, mais de manière beaucoup plus discrète dans les littératures produites par des francophones « de souche » en Belgique,
en Suisse ou au Canada.
Le dossier qui me servira de pierre de touche pour tester un certain nombre d’hypothèses est celui des Aventures de Tintin en traduction anglaise, néerlandaise, espagnole et italienne. Après un aperçu de la fortune et de la trajectoire internationales
des albums des Tintin, je me concentrerai sur la traduction des albums qui ont assez
largement recours au dialecte bruxellois, soit, dans l’ordre chronologique de leur
publication originale : l’Oreille cassée, le Sceptre d’Ottokar, l’Affaire Tournesol et
Tintin chez les Picaros… Le premier de ces albums est doublement intéressant : 1)
parce qu’Hergé y met en scène une figure d’interprète (Ridgewell) et crée dès lors des
scènes de traduction, qu’il s’agit de traduire… 2) parce que la langue des indigènes
arumbaya (qui n’est autre que du bruxellois déguisé) reçoit un traitement tout à fait
particulier dans la traduction britannique, ce qui met cette dernière dans une classe à
part. Or, les mêmes traducteurs britanniques n’avaient vu que du feu dans le Sceptre
d’Ottokar et ne proposeront pas non plus de nouvelle version de cet album, ce qui
nous empêche de parler d’une véritable stratégie…
Rainier Grutman, professeur ordinaire à l’Université d’Ottawa (Canada), a étudié la linguistique et les littératures romanes aux universités de Namur, Louvain (KUL), Madrid et
Montréal. Auteur d’un livre sur le plurilinguisme dans la littérature québécoise (Des langues qui résonnent, Montréal, 1997), il a codirigé un Dictionnaire des termes littéraires
chez Champion (2001) et une volumineuse Histoire de la littérature belge chez Fayard
(2003). Il a publié de nombreux travaux, concernant tantôt la littérature française, tantôt les
littératures francophones, tantôt encore la sociologie de la traduction ou l’autotraduction,
phénomène qui fait l’objet de ses recherches les plus récentes.
La traduction de la littérature québécoise en Italie et
dans le monde hispanique
Louis Jolicoeur
Université Laval, Canada
La communication proposée vise à explorer le rôle des traducteurs littéraires dans
la diffusion de la culture littéraire québécoise à l’étranger. L’hypothèse de travail est
que non seulement les techniques de traduction utilisées, mais aussi les modes de
sélection des œuvres à traduire, dépendent au premier chef des orientations idéologiques, du poids des cultures les unes par rapport aux autres, des décisions d’ordre
éditorial et politique, et enfin des stéréotypes entretenus entre les cultures. La traduction, outre son objectif premier de préserver et de rendre compte des richesses et de
l’attrait d’une œuvre en l’adaptant à un nouveau contexte culturel, est sans contredit
politique : elle peut être source d’affrontements, de manipulation, voire de subversion, mais elle peut aussi contribuer à la diffusion de la culture entre les peuples. La
traduction représente donc un facteur nullement négligeable dans la grande question
de la diversité culturelle, en particulier pour la francophonie, dont la diffusion internationale peut également se faire par le biais de la traduction. La communication
consiste entre autres en la mise en évidence de cette équation, à partir d’un état des
lieux de la traduction de la littérature québécoise en Italie et dans le monde hispanique.
Louis Jolicœur est écrivain, traducteur, interprète et professeur de traduction à l’Université
Laval. Il a écrit un essai sur la traduction littéraire (La sirène et le pendule), un récit sur la
ville de Grenade (Le Siège du Maure), le roman Le masque étrusque, des recueils de nouvelles, dont Saisir l’absence, qui a été finaliste au Prix du gouverneur général en 1995. Ce
recueil ainsi que d’autres ouvrages ont été traduits au Mexique et en Espagne. Il a en outre
publié une dizaine de traductions, surtout de l’espagnol. Il a écrit des articles et donné des
conférences en différents endroits, en particulier sur la traduction littéraire et la littérature
québécoise.
http://www.lli.ulaval.ca/le-departement/personnel/professeurs/jolicoeur-louis/
Le merveilleux voyage de Frantz Fanon à travers la
Suède : traductions et receptions (1962-2007)
Christina Kullberg
Université d’Uppsala, Suède
Dans cette communication nous allons examiner la réception et les traductions
des textes de Frantz Fanon en Scandinavie, et plus particulièrement la Suède. Vu le
nombre de traductions et l’impact de l’œuvre dans divers milieux intellectuels les cinquante dernières années, il faut constater que Fanon constitue un cas particulier dans
l’histoire de la traduction francophone en Suède. D’après nous, on peut identifier
deux phases de la réception suédoise de cet auteur. La première correspond à la traduction des Damnés de la terre dans les années soixante dans les cercles de la gauche
radicale tandis que la deuxième coïncide avec la montée des études postcoloniales à
la suite de l’importation de la «French Theory» vers la fin du millénium et tourne autour de la traduction de Peau noire, masques blancs. Nous proposons d’identifier les
canaux centraux à sa réception et d’en analyser les enjeux, dans le but d’offrir, à travers l’exemple de Fanon, une étude au niveau micro de la circulation et de l’ancrage
d’une œuvre au sein d’un système littéraire périphérique.
Christina Kullberg est maître de conférences et chercheur à l’Université d’Uppsala où elle
travaille sur un projet portant sur la relation de voyage missionnaire aux Antilles du début
de la colonisation française (1635-1667). Kullberg est spécialiste en littératures francophones antillaises et son dernier livre The Poetics of ethnography in Martinican Narratives
: Exploring the Self and the Environment a été publié chez University of Virginia Press en
2013. Elle a traduit des ouvrages du français au suédois et espère pouvoir lancer un nouveau projet sur la traduction des pièces de théâtre françaises en Suède pendant la deuxième
moitié du dix-huitième siècle.
Trois décennies de traduction de la littérature francophone subsaharienne en Espagne : la permanence des
« frontières »
Claudine Lécrivain
Université de Cádiz, Espagne
Dans cette communication, je me propose d’examiner la circulation et réception de
la littérature francophone subsaharienne en traduction espagnole dans la péninsule
ibérique. Je présenterai un bilan couvrant les 35 dernières années, au cours duquel je
m’intéresserai aux idéologies mises en place lors la présentation de cette littérature
pour un public non spécialisé, et plus particulièrement aux discours des maisons
d’édition qui prennent en charge la publication de ces traductions et aux modalités de leur insertion dans les catalogues éditoriaux. Sur le marché mondial actuel
d’échanges des biens symboliques, l’édition est l’un des principaux vecteurs de circulation internationale et les échanges transnationaux contribuent à configurer un
espace où vont poindre certains enjeux, situés en grande partie hors du champ strict
de l’écriture. Dans ce marché des biens symboliques émergent des hiérarchisations,
des rapports de concurrence et de rivalité où la médiation éditoriale exprime certains
conflits de pouvoirs d’une communauté littéraire, ses dilemmes et ses aspirations.
Mon analyse prétend ainsi observer les modes de révélation ou d’occultation de l’altérité et de l’identité, les traces des constructions identitaires autour du ‘local’ et de
l’’universel’.
Claudine Lécrivain est maître de conférences à l’Université de Cadix (Espagne), où elle
enseigne la traduction générale et spécialisée (français – espagnol), ainsi que le français
sur objectifs spécifiques. Ses recherches s’articulent autour de trois axes: 1. traductions des
textes littéraires francophones (Maupassant, Breton, Péret, Desnos, Eluard, Césaire, Scutenaire…) 2. aspects culturels de la traduction (proverbes, adaptation culturelle) 3. histoire de
la traduction (réception en Espagne des écrits littéraires francophones (Goncourt, Mallarmé,
écrivains de l’Afrique subsaharienne). Elle s’intéresse également au phénomène des migrations dans la littérature francophone marocaine. Elle appartient au groupe de recherche
Literatura, Imagen, Traducción de l’Université de Cadix.
De l’africain francophone en néerlandais par l’anglais ?
Une analyse des flux traductionnels d’une littérature
périphérique en une langue périphérique
Katrien Lievois
Université d’Anvers (UAntwerpen), Belgique
Un des apports importants du tournant de la sociologie de la traduction a été de
montrer combien la traduction participe (et renforce) les rapports de force – inégaux
– entre différentes langues et cultures. Heilbron, Sapiro et Casanova ont ainsi mis en
évidence que les transferts culturels par les traductions se feraient avant tout dans la
direction allant des littératures centrales vers les littératures périphériques. Dans leur
définition des littératures et des langues (hyper)-centrales, ils insistent également sur
le fait que fréquemment, on ne traduit vers une langue périphérique que lorsque les
ouvrages ont déjà été traduits dans une langue centrale. Ainsi, ils affirment
Plus une langue est centrale, plus elle a la capacité de fonctionner comme langue intermédiaire ou véhiculaire. La traduction anglaise ou française d’un ouvrage norvégien ou coréen est aussitôt annoncée par son éditeur, qui sait que la traduction dans
une langue centrale sera immédiatement suivie d’une vague plus ou moins grande de
traductions dans d’autres langues. (Heilbron et Sapiro, 2007, pp. 3-4)
À partir du corpus des quelque 50 traductions néerlandaises de romans africains
écrits en français (datant d’entre 1956 et 2011), j’aimerais évaluer et nuancer cette
affirmation.
Les analyses proposées dans la cadre de la sociologie de la traduction partent en effet
presque toujours de l’hypothèse de la relation biunivoque entre langues, littératures
et pays. Sauf quelques exceptions, les langues transnationales, des pays multiculturels
et les littératures postcoloniales ne sont généralement pas repris dans les cas de figure
proposés et analysés. La littérature francophone africaine, même si elle est écrite dans
une langue centrale, est à ce jour toujours largement considérée comme périphérique.
La langue-cible de mon corpus, le néerlandais, est le plus souvent classée parmi les
langues semi-périphériques.
Mon intervention aura donc pour but d’articuler les données de mon corpus aux traductions anglaises des romans africains francophones, en me basant essentiellement
sur les apports dans ce cadre de Kathryn Batchelor (2009).
Éléments bibliographiques
Batchelor, Kathryn (2009). Decolonizing translation. Manchester, St. Jerome Publishing.
Heilbron, Johan, & Gisèle Sapiro (2007). Pour une sociologie de la traduction: bilan
et perspectives CNRS-Centre de sociologie européenne.
Katrien Lievois est chargée de cours dans le Département des Traducteurs et Interprètes
de la Universiteit Antwerpen (Université d’Anvers, Belgique). Elle y enseigne des cours de
langue et de civilisation françaises et anime l’axe « Littérature et/en Traduction » au sein du
groupe de recherche TricS - Translation, interpreting and intercultural Studies. Ses travaux
portent sur la pseudo-traduction, la traduction du texte postcolonial, ainsi que sur la traduction de l’ironie et de la satire dans la littérature française et francophone. Elle est rédacteur
en chef de la revue Linguistica Antverpiensia NS – Themes in Translation Studies (lans-tts.
uantwerpen.be) et membre du comité de lecture de plusieurs revues (traductologiques).
En repérage de la honte. Les auteurs francophones
rencontrent les critiques suédois.
Ylva Lindberg
Université de Jönköping, Suède
Cette étude fait partie du projet French Culture beyond National Borders. Transmission and Reception of French and Francophone Literature in Sweden – 1995-2015,
en collaboration avec M. Cedergren (SU). Elle a comme point de départ le regard des
critiques suédois sur la littérature francophone et subsaharienne traduite en suédois
entre 1995 et 2014. Dans une étude pilote nous avons observé une oscillation dans la
manière de situer certains auteurs, nés après 1965, qui tantôt sont ramenés vers une
sphère culturelle du Sud, tantôt vers le Nord (Lindberg 2014). Cette ambiguïté est
contrebalancée par une interprétation unanime du contenu. En effet, la honte surgit
systématiquement dans les commentaires de la presse, tel un champ sémantique incontournable.
Dans la présente étude nous cherchons à mettre en lumière les différents embranchements du thème de la honte, tout en tentant une analyse de la conception de la
culture que laissent entendre les écrits journalistiques. La critique dans la presse,
notamment dans SvD et DN, mais aussi dans certaines revues, sera l’objet de l’analyse (Espagne 1999). Le thème de la honte sera analysé en parallèle avec les critères
suivants : 1) présentation de l’auteur, 2) présentation du contexte de l’œuvre, 3)
commentaires sur la langue et la traduction, 4) marqueurs de l’exotisme. De plus,
si la précédente étude mettait au centre six femmes écrivains francophones, issues
du continent africain, celle-ci inclut également les auteurs masculins, afin de repérer
des variations dans l’évaluation de ces deux groupes (De Meyer & Kortenaar 2009 ;
Helgesson 2011).
La méthode est en partie ancrée dans le cadre théorique et philosophique autour de
la honte élaboré et testé par Z. Filipovic (2014), mais essentiellement fondé sur la
définition de la littérature francophone de J.-M. Moura (1999). En outre, d’autres
commentateurs de la francophonie littéraire interviennent pour cerner la perception
suédoise du corpus, tels que Viart (2011) et Bladh & Kullberg (2011), de même que
les auteurs publiés dans la collection « Francopolyphonies » chez Rodopi. La théorie embrasse également plusieurs analyses de la culture : nationale, globale, hybride
et transculturelles (Acheraïou 2011 ; Bhabha 1994 ; Boli & Lechner 2005 ; Chirila
2012 ; Hebouche 2012).
Les résultats offriront une compréhension approfondie du thème de la honte, ainsi
qu’une image des transformations de la littérature française, engendrées par les traductions et la critique au-delà des frontières françaises ou francophones (Broomans
& Jiresch 2011). Enfin, ils mettront en évidence la nécessité d’une mise en garde dans
l’application des théories postcoloniales.
Elements bibliographiques
Acheraïou, Amar, Questioning hybridity, postcolonialism and globalization. Houndmills, Basingstoke, Hampshire: Palgrave Macmillan, 2011.
Babha, H. K., The location of culture, London: Routledge, 1994.
Bladh, E. & Kullberg, K (red.), Litteratur i gränszonen: Transnationella litteraturer i
översättning ur ett nordiskt perspektiv, Falun: Högskolan Dalarna, 2011.
Boli, J. & Lechner, F., J., World Culture: Origins and Consequences, Oxford:
Blackwell, 2005.
Broomans, P. & Jiresch, E. (red) The Invasion of Books in Peripheral Literary Fields:
Transmitting Preferences and Images in Media, Networks and Translation, Groningen: Barkhuis, 2011.
Chirila, I. D., La République inventée : Littératures transculturelles dans la France
contemporaine, Duke: Duke University Press, 2012.
De Meyer, Bernard & Kortenaar, Neil ten (eds.), The Changing Face of African Literature/Les Nouveaux visages de la littérature africaine, Rodopi, Amsterdam/New
York, 2009.
Espagne, Michel, Les Transferts culturels franco-allemands, PUF, Paris, 1999.
Filipovic, Zlatan, “Ashamed of Who I Am: Levinas and Diasporic Subjectivity in
Salman Rushdie’s Shame”, Ethics and Poetics: Ethical Recognitions and Social
Reconfigurations in Modern Narratives, Eds. Margrét G. Champion and Irina R.
Goloubeva, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, 2014.
Hebouche, N., L’individu et l’identité nationale: L’Echec de l’utopie collectiviste
dans le roman francophone contemporain, State University of New York: Buffalo,
2012.
Helgesson, Stefan, Exit: Endings and New Beginnings in Literature and Life [Elektronic resource], 2011.
Lindberg, Ylva, « Regard suédois sur les femmes écrivains de la francophonie », Médiations
interculturelles, Université de Stockholm, 2014. (in print)
Moura, Jean-Marc, Littératures francophones et théorie postcoloniale, PUF, Paris,
1999.
Ylva Lindberg est maître de conférences en littérature, habilitée à la recherche à l’université de Jönköping en Suède. Elle enseigne le français, la littérature comparée, la communication interculturelle et la didactique du suédois. Ses recherches littéraires se résument par
un intérêt aussi bien pour des paramètres immanents du texte, que pour des paramètres externes, par exemple le contexte de l’œuvre et la réception. Dans le premier cas des théories
structuralistes entre jeu, et dans le dernier, le post colonialisme et la théorie du genre.
Traduction de la littérature maghrébine de langue
française en Espagne.
Nahed Nadia Noureddine
The College of New Rochelle, États-Unis
La théorie du polysystème, développée par l’École de tel Aviv, ne considère pas la
traduction comme la confrontation de deux textes isolés, le texte de départ et le texte
d’arrivée, mais étudie la culture dans laquelle s’inscrit le texte traduit, celle qui lui
permet d’avoir une place, même secondaire, dans son champ littéraire. Le texte d’arrivée est le résultat de stratégies textuelles fortement liées à une tradition littéraire
et à des normes d’acceptation imposées par la culture réceptrice. Ces normes, qui
forment le polysystème, ne s’arrêtent pas aux aspects littéraires du texte traduit mais
englobent les aspects politiques, économiques et idéologiques. La traduction est donc
considérée comme partie intégrante de la culture réceptrice ; elle n’est pas une simple
reproduction linguistique d’un texte écrit dans une langue étrangère.
En nous basant sur la théorie du polysystème, nous voudrions étudier la place qu’occupe la littérature maghrébine de langue française dans le champ littéraire espagnol.
Étant périphérique ou « n’ayant pas encore atteint le même niveau de canonisation
que la littérature française », la littérature maghrébine de langue française ne semble
pas avoir les assises nécessaires pour s’intégrer dans de nouveaux champs littéraires
grâce à la traduction. Convaincue du fait que l’analyse du corpus en traductologie
doit prendre en compte non seulement les textes d’origine et les textes traduits, mais
aussi les conditions institutionnelles de la traduction et les éléments idéologiques qui
s’imposent au traducteur, nous voudrions étudier tous les facteurs qui peuvent influencer la diffusion et la réception des textes maghrébins de langue française traduits
en espagnol et publiés en Espagne.
Afin d’étudier cette question, nous commencerons notre étude par la compilation de
tous les ouvrages maghrébins de langue française traduits en espagnol. Cet inventaire
nous permettra de dégager les données nécessaires pour comprendre comment et
quelle littérature maghrébine de langue française est présentée au lecteur espagnol.
Les données compilées nous permettraient donc de jeter un œil critique sur les genres
choisis, les auteurs traduits, les traducteurs et les maisons d’édition qui prennent en
charge la publication des textes maghrébins de langue française en Espagne.
Nahed Noureddine est professeure de français et d’espagnol au College de New Rochelle,
à New York. Elle s’intéresse à la traduction de la littérature maghrébine de langue française
en Occident. Elle a soutenu une thèse de doctorat à l’Université Laval, à Québec, intitulée
Traduction et réception de la littérature maghrébine de langue française en Espagne. Elle
a publié quelques articles dans ce champ de recherche comme « Étude lexicale de la traduction du roman Les yeux baissés de Tahar Ben Jelloun » publié dans l’ouvrage collectif
Traduire, interpréter.
Traduire une expérience algérienne : l’exemple de Maïssa Bey
et de Nina Bouraoui
Ann-Sofie Persson
Université de Linköping, Suède
La communication envisagée pour ce colloque propose de se pencher sur deux auteures de
langue française qui entretiennent un rapport privilégié avec l’Algérie. Étant donné l’histoire
conflictuelle partagée par la France et l’Algérie, le rapport d’un écrivain d’origine algérienne
à la langue française et arabe respectivement n’est jamais neutre. Dans certains cas le choix
de la langue française s’impose faute de connaissances suffisantes en arabe, dans d’autres cas
il s’avère inévitable pour des raisons politiques. Toujours est-il que l’expérience algérienne,
qu’elle soit bi-lingue ou uni-lingue, se trouve marquée par la présence de ces deux langues.
La traduction est pour ainsi dire une condition sine qua none de l’écriture, qu’elle s’opère
lors de la rédaction du texte en français quand il s’agit de traduire une expérience vécue en
arabe en français, ou qu’elle se place au niveau même du vécu grâce à l’intégration des mots
et expressions d’une langue dans l’autre afin de désigner ce qui est autre.
Maïssa Bey (née en 1950) et Nina Bouraoui (née en 1967) écrivent en français et leur œuvre
est (du moins partiellement) traduite en suédois. Alors que l’arabe est la langue maternelle
de Bey, Bouraoui ne maîtrise pas suffisamment la langue de son père pour en faire sa langue
d’écrivaine. En fait, elle dit ne pas la parler du tout. Cependant, l’arabe est présent dans
l’écriture de Bouraoui de manières diverses. La communication proposée vise à élucider si et
comment ces rapports différents vis-à-vis de l’arabe et du français au sein de textes écrits en
français se traduisent dans un contexte suédois. Il s’agira de se plonger aussi bien dans les
stratégies de traduction employées dans des cas précis que dans la réception des traductions
de ces auteures en Suède.
Ann-Sofie Persson est maître de conférences à l’Université de Linköping où elle enseigne la littérature française et francophone ainsi que la littérature comparée. Elle a soutenu sa thèse de doctorat
en français à l’Université de Ohio State en 2001. Ses recherches portent essentiellement sur l’écriture autobiographique de Maryse Condé, Marie Cardinal, Leïla Sebbar, Nancy Huston, Nina Bouraoui, Gisèle Pineau, Yanick Lahens et Dany Laferrière.
La traduction en norvégien d’un texte doublement métissé :
Soundjata ou l’épopée mandingue
Ingse Skattum
Université d’Oslo, Norvège
Un récit oral couché par écrit et, par la même occasion, traduit dans une langue étrangère,
sera doublement métissé. C’est le cas de la littérature orale africaine publiée dans les langues
des anciens colonisateurs. Je réfléchirai ici sur ma traduction dans une troisième langue, le
norvégien, de la célèbre épopée de Soundjata, fondateur de l’Empire du Mali (XIIIe siècle).
Transposée des traditions orales mandingues en français par Djibril Tamsir Niane (1960),
elle a paru en norvégien sous le titre Sundjata. Manding-folkets epos (2014).
Le livre fait partie de la collection ‘Textes sacrés du monde’ (Verdens Hellige Skrifter), destinée au grand public. La maison d’édition recommande un choix lexical respectueux de
l’époque et du contexte culturel et demande une introduction sur le fond culturel, tout en
exigeant une syntaxe norvégienne fluide plutôt qu’une traduction fidèle au texte source.
Soundjata existe en de nombreuses versions écrites, mais aucune qui ne soit monolingue en
mandingue (codifié en 1967 seulement, le mandingue est encore peu écrit). Niane écrit en
français mais utilise un grand nombre de termes mandingues, explicités par des notes ou des
« coussins » dans le texte. L’un des défis de la traduction a consisté à transposer en norvégien ces termes, de les « décoloniser » de l’orthographe fortement francisée (qui fait obstacle
au lecteur norvégien) en adoptant l’orthographe officielle (proche de la prononciation). Il a
aussi fallu adapter les notes au public norvégien, moins au fait des réalités africaines que les
lecteurs d’un pays au passé colonial. Le style est, de plus, marqué par l’oralité, déjà difficilement transposable à l’écrit en français, et plus encore en traduction norvégienne « fluide ».
Si j’ai profité de mes connaissances de la langue et de la culture mandingue ainsi que de
mes études sur le passage de l’oral à l’écrit, l’approche cibliste de l’éditeur comme aussi de
l’«auteur» n’a pas permis une traduction sourcière telle que prônée par les théories postcoloniales.
Ingse Skattum est professeure émérite en études francophones et ancienne responsable des études
africaines à l’Université d’Oslo. Ses recherches portent sur le passage de l’oral à l’écrit en général
et plus particulièrement sur la littérature orale d’Afrique et la littérature africaine écrite d’expression française. Linguiste de formation et munie d’un certificat d’études mandingues, elle a dirigé
un projet sur l’enseignement bilingue au Mali (1995-2007) et aussi un projet sur le français oral en
Afrique (2007-2011). Elle a traduit deux textes métissés (français/mandingue) en norvégien : Les
Soleils des indépendences d’Ahmadou Kourouma et Soundjata ou l’épopée mandingue, couchée
par écrit et traduite en français par Djibril Tamsir Niane.
Texte africain en français sur le chemin du slovène :
analyse topologique de la situation de traduction
Katja Zakrajšek
Université de Ljubljana, Slovénie
Les tournants culturel et postcolonial en traductologie ont vu se développer une réflexion fructueuse sur des thèmes comme l’altérité, l’asymétrie de pouvoir, les usages
de la traduction dans la culture cible etc.; parallèlement, au sein des études francophones, l’on s’est penché sur la position des écrivains francophones vis-à-vis le français et sur les stratégies d’écriture qui en découlent, ainsi que sur la position structurelle (périphérique) de leurs productions littéraires au sein du système francophone
supranational. Ce qui paraît avoir été moins étudié, c’est la traduction de ce type de
littératures « périphériques » dans une grande langue (en l’occurrence, le français)
vers des langues cibles elles aussi périphériques.
Je propose donc d’analyser la configuration qui comprend a) une langue source de
grande diffusion, notamment le français; b) une position littéraire source périphérique au sein du système littéraire de la langue source; et c) une langue cible de status
périphérique. Cette situation sera étudiée à partir d’un cas précis, celui de la traduction de romans africains francophones vers le slovène et les usages qu’en peuvent
faire les lecteurs cible. Une attention particulière sera accordée au rôle de la traduction littéraire au sein de la littérature cible et à ses implications pour la pratique et la
théorie de traduction dans ce contexte, afin d’éclairer les possibles et les contraintes
spécifiques de la traduction de romans africains francophones (avec leurs stratégies
linguistiques et culturelles) vers le slovène. En effet, dans cette situation structurelle,
le traducteur se trouve devant deux exigences apparemment contradictoires, toutes
les deux justifiées par la politique de résistance aux effets centripètes de langues et
cultures dominantes qu’épouse la traductologie postcoloniale: traduction non assimilatrice du texte source francophone; résistance du texte cible vis-à-vis la langue
source (le français). Il est pourtant souvent possible de trouver un équilibre pratique
entre les deux, en soumettant les différentes composantes linguistiques du texte aux
traitements différents.
Puisque, d’une part, une partie importante de la production littéraire contemporaine
est produite à partir de positions (semi-)périphériques dans des grandes langues internationales, et que, d’autre part, nombre de petites langues connaissent une activité
vigoureuse de traduction littéraire en leur direction, de telles situations de traduction
sont loin d’être une curiosité traductologique. Les pratiques de traduction qui s’y élaborent méritent attention comme un facteur important dans la circulation internationale de littératures francophones au-delà de leur(s) lectorat(s) en français.
Katja Zakrajsek est doctorante en littérature comparée à l’Université de Ljubljana et traductrice indépendante. Elle a traduit en slovène, entre autres, Allah n’est pas obligé de A.
Kourouma, Soundjata de Dj. T. Niane et Riwan ou le chemin de sable de Ken Bugul, et publié plusieurs articles sur la traduction de textes francophones (« Traduire le roman africain
francophone en slovène », Alternative Francophone vol. 1, 3(2010) ; « Texte postcolonial et
sa traduction », Discours et écritures dans les sociétés en mutation. Itinéraires et contacts
de cultures 39 (2007)).