Position du Barreau | Projet de loi C-51 intitulé Loi modifiant la Loi

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Position du Barreau | Projet de loi C-51 intitulé Loi modifiant la Loi
 Le 5 avril 2013
L’Honorable Vic Toews
Ministre de la Sécurité publique
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Objet :
Projet de loi C-51 intitulé Loi modifiant la Loi sur le programme de protection
des témoins et une autre loi en conséquence
Monsieur le Ministre,
Le Barreau du Québec a pris connaissance du projet de loi-51 intitulé Loi modifiant la Loi sur
le programme de protection des témoins et une autre loi en conséquence et aimerait vous
soumettre ses commentaires à ce sujet.
Commentaires généraux
Lors du discours de présentation du projet de loi C-51, Madame Candice Bergen affirmait :
« Notre gouvernement propose de rendre le programme fédéral de
protection des témoins plus efficace et plus sécuritaire en faisant en
sorte qu'il réponde mieux aux besoins des autorités policières. Ces
modifications sont nécessaires pour offrir un meilleur soutien aux forces
de l'ordre et renforcer la protection des personnes visées par le
programme fédéral de protection des témoins. Il s'agit notamment de
fournir de meilleurs services aux programmes provinciaux de protection
des témoins et de mieux protéger les gens qui offrent ces services;
d'élargir les dispositions visant l'interdiction de divulguer de l'information
sur ces programmes; d'améliorer les processus d'obtention de pièces
d'identité protégée; et de prolonger la période de protection d'urgence
accordée aux témoins1 ».
(Nos soulignés)
1
Débats de la Chambre des communes, le 11 février 2013, disponible en ligne :
http://parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Pub=Hansard&Doc=208&Parl=41&Ses=1&Language=F&Mode=1#int7881457
…2 L’Honorable Vic Toews
Ministre de la Sécurité publique
Objet : Projet de loi C-51 intitulé Loi modifiant la Loi sur le programme de protection des témoins et
une autre loi en conséquence
Le Barreau soutient les objectifs poursuivis par le projet de loi, mais aimerait vous faire part
de certaines réserves quant aux mesures proposées pour les atteindre.
Commentaires particuliers
Article 9
L’article 9 du projet de loi introduit un nouveau libellé pour l’article 8.1 de la Loi, qui
permettrait au bénéficiaire de demander la fin de la protection qui lui est accordée. En outre,
il confère au Commissaire une importante discrétion afin de décider si cette demande sera
acceptée ou pas, mais aussi afin de déterminer la forme et les modalités appropriées dans les
circonstances, lorsqu’il accorde la fin de la protection.
Étant donné ce libellé large, le Barreau s’interroge sur la portée de cette disposition.
L’objectif est-il de permettre au Commissaire d’avoir un droit de regard sur la décision prise
par le bénéficiaire et d’autoriser le Commissaire à prévoir des modalités contraignantes à
l’endroit du bénéficiaire qui ne souhaite plus bénéficier du programme de protection? Dans
quelles circonstances le Commissaire pourrait-il refuser à une personne la possibilité de
mettre fin à la protection dont il bénéficie? Est-ce qu’un tel pouvoir peut-être validement
exercé sans mettre en péril la liberté et la sécurité de la personne concernée?
À l’inverse, si le projet de loi accorde au Commissaire le pouvoir de déterminer des modalités
pour continuer à assurer la confidentialité de l’identité du bénéficiaire afin de s’assurer que
le bénéficiaire est conscient des conséquences de sa décision et que son choix est libre et
éclairé, le libellé choisi pour cette disposition devrait être plus clair à cet effet.
Articles 12 et 14
La protection de l’identité et des renseignements confidentiels
Par ailleurs, l’article 12 du projet de loi introduit dans la Loi une nouvelle section intitulée
Protection des renseignements. L’article 11 de cette section prévoit notamment une
interdiction générale de communication de toute information qui permettrait potentiellement
de découvrir l’identité d’un bénéficiaire, le lieu où il se trouve, etc. L’article 12 prévoit
également l’interdiction de communication de toute information concernant le bénéficiaire
dont la communication pourrait porter « un préjudice sérieux au bénéficiaire, ou ne s’en
souciant pas » de même que « l’identité et le rôle d’une personne qui fournit de la protection
ou qui, directement ou indirectement, aide à en fournir, sachant que la communication
pourrait entraîner un préjudice sérieux pour tout membre de sa famille ou à tout autre
bénéficiaire, ou ne s’en souciant pas ». En outre, ces interdictions générales de
communication s’appliquent « à toute personne », donc aux avocats.
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une autre loi en conséquence
À son tour, l’article 14 introduit un nouveau libellé pour l’article 13 dans la Loi. En effet, alors
que l’article 13 actuel offre une protection au bénéficiaire qui soutient que « sa nouvelle
identité est et a toujours été sa seule identité », l’article 13 amendé va encore plus loin.
« La personne qui soutient que la nouvelle identité d’une personne protégée,
acquise dans le cadre du Programme ou d’un programme désigné, est et a
toujours été sa seule identité n’encourt aucune sanction de ce fait ».
(Nos soulignés)
Le libellé de cette disposition ne distingue pas les circonstances dans lesquelles toute
personne peut soutenir qu’une personne protégée a toujours eu une seule identité. La
disposition, tant dans sa version actuelle que celle proposée par le projet de loi ne semble pas
exclure le témoignage sous serment. Il nous semble que cette disposition devrait indiquer
clairement les cas où une personne n’est pas tenue de dire la vérité et que le témoignage sous
serment devrait être exclu.
D’ailleurs, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a présenté, en 2009, les
Bonnes pratiques de protection des témoins dans les procédures pénales afférentes à la
criminalité organisée2, dans lesquelles il fixe certains paramètres dans l’application des règles
de protection des témoins, particulièrement en ce qui concerne la transmission de
renseignements confidentiels et les limites de la protection de l’identité des bénéficiaires :
« Le fait de cacher à la défense et au public des détails de l’identité d’un
témoin peut être efficace pour le protéger dans les rares cas où le fond de son
témoignage ne le désigne pas à la défense et où ce témoignage est corroboré
par d’autres éléments. Cette mesure est généralement accordée par le tribunal
à la demande du témoin et la décision, généralement susceptible d’appel, est
révocable.
[…]
Lorsqu’un anonymat partiel ou limité est accordé, le témoin peut être contreinterrogé à l’audience par la défense, mais n’est pas obligé de décliner son
identité ou des détails tels que son adresse, sa profession ou son lieu de travail.
Cette mesure est particulièrement utile lors de l’audition d’agents infiltrés et
d’agents de surveillance, qui seraient en danger si leur identité réelle venait à
être connue du public. À l’audience, ces témoins déposent généralement sous
le nom d’emprunt par lequel ils étaient connus pendant l’opération, mais
indiquent leur véritable fonction (policier, enquêteur, etc.).
2
New York, 2009, disponible en ligne : http://www.unodc.org/documents/organized-crime/09-80620_F_ebook.pdf
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une autre loi en conséquence
Lorsqu’un anonymat total ou complet est accordé, toutes les informations
relatives à l’identité du témoin restent secrètes. Le témoin comparaît, mais
dépose derrière un écran, déguisé ou en voix brouillée. Dans la pratique, cette
mesure n’est utile que lorsque les témoins sont des passants innocents qui ont
assisté à l’infraction; elle est rarement utilisée contre des chefs de bande, qui
ordonnent généralement à d’autres de mener les actions violentes. Si le
défendeur connaît le témoin, il ne sert à rien d’utiliser l’anonymat complet,
car le défendeur peut facilement identifier le témoin par son témoignage ou
par le contexte des renseignements fournis.
L’anonymat total est une mesure exceptionnelle qui peut avoir de graves
incidences sur les droits du défendeur (procès équitable et transparent,
confrontation et contre-interrogatoire d’un témoin). Il limite le droit de
contester l’authenticité, l’exactitude et la sincérité du témoignage. La
défense, dans ce cas, peut ne pas pouvoir vérifier :
a) L’existence, avec le défendeur, d’une relation qui peut être cause de
préjugés ;
b) L’origine des faits avancés ;
c) Tout antécédent personnel susceptible de nuire à la crédibilité du témoin
(trouble mental, casier judiciaire, habitude de mensonge, etc.).
Compte tenu des incidences qu’il a sur les droits du défendeur, il faut que le
témoignage anonyme soit strictement encadré par la loi de manière à mettre
en balance le besoin de protection et le droit du défendeur à un procès
équitable3. Dans les pays qui recourent à l’anonymat total :
a) Une condamnation doit être corroborée par d’autres preuves matérielles et
ne peut se fonder uniquement ou dans une mesure décisive sur le
témoignage anonyme;
b) À l’audience, le défendeur doit être autorisé à interroger le témoin
directement ou par l’intermédiaire de son avocat, par écrit ou autrement;
c) Les motifs du maintien du secret de l’identité du témoin doivent être revus
aux différents stades de la procédure pénale et à l’issue de celle-ci ;
3
On notera, à cet égard, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle l’anonymat du témoin ne
porte pas atteinte à l’article 6 (Droit à un procès équitable) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales si le handicap de la défense est suffisamment contrebalancé par la procédure que suit l’autorité
judiciaire (par exemple, interrogatoire, en présence d’un avocat, du témoin anonyme par un juge d’instruction qui connaît son
identité, même si la défense ne la connaît pas) (voir Doorson c. Pays-Bas, jugement du 26 mars 1996, requête n° 20524/92,
rapports 1996- II, par. 72 et 73).
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une autre loi en conséquence
d) L’autorité judiciaire (juge d’instruction, tribunal, etc.) doit vérifier qu’il
existe un témoin et rechercher les éléments qui pourraient compromettre la
fiabilité de son témoignage (trouble mental, biais, etc.).
Le traitement des données des témoins anonymes par le tribunal revêt une
importance particulière. Les procédures, les preuves et les informations sont
généralement gérées par plusieurs personnes. Le personnel chargé de garder et
d’archiver ces informations doit être soigneusement sélectionné.
[…]
L’admission à un programme de protection des témoins représente un nouveau
départ dans la vie et crée, entre l’autorité de protection et le témoin, une
relation protecteur protégé [sic] fondée sur un ensemble d’obligations
convenues qui peuvent varier d’un pays à l’autre, mais comprennent au
minimum:
b) Pour le témoin:
[…]
iv) La divulgation intégrale de ses antécédents pénaux et de ses obligations
financières et légales ;
v) L’obligation de donner un témoignage sincère;
vi) Le respect des restrictions imposées à la divulgation d’informations sur
l’instruction de l’affaire qui le concerne.
Parfois, des témoins protégés qui ont déjà reçu un nouveau nom doivent
apparaître en public sous leur véritable identité, par exemple pour témoigner
ou contester des infractions qu’ils auraient commises avant d’être admis au
programme. Pour ce faire, ils doivent comparaître sous leur ancienne identité.
Si la relation entre le défendeur et le témoin est bien connue, l’audience peut
se tenir à huis clos de façon que la justice puisse être rendue dans un cadre
sécurisé. Le recours, cependant, à l’Internet pour rendre publique l’identité
d’un témoin est une nouvelle tendance dont il faudra tenir compte ».
(Nos soulignés)
On comprend des Bonnes pratiques que la protection de l’identité du bénéficiaire, lorsqu’il
est appelé à témoigner, est fort encadrée et que cette protection est limitée par le droit à un
procès juste et équitable de l’accusé, qui est protégé par la Charte canadienne des droits et
5 L’Honorable Vic Toews
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une autre loi en conséquence
libertés4. L’actuel article 13 de la Loi est déjà bien plus permissif en matière de protection de
l’identité du témoin que ce qui est considéré comme étant une bonne pratique par les Nations
Unies. Les modifications proposées iraient au-delà de ce qui est prévu actuellement dans la
Loi.
À notre avis, la question de la divulgation et communication des renseignements confidentiels
ayant un lien avec le bénéficiaire est abordée très largement dans le projet de loi et va bien
au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer son entière protection. Il y aurait lieu de
s’assurer que les règles en la matière telles que modifiées par C-51 soient conformes aux
enseignements de la Cour suprême dans R c. Barros :
« 38. […] La défense a le droit de faire tout ce qu’elle peut pour affaiblir la
thèse de la poursuite pourvu que les méthodes qu’elle utilise soient par
ailleurs licites. Tout accusé a le droit de recueillir n’importe quel
renseignement susceptible de soulever un doute raisonnable quant à sa
culpabilité, et ce même si les conditions à remplir pour que s’applique
l’exception relative à la « démonstration de l’innocence de l’accusé » ne sont
pas réunies. Cette exception a trait à la divulgation par l’État de l’identité de
l’indicateur et non pas aux renseignements obtenus par la défense grâce à ses
propres moyens.
39. […] Le ministère public ne devrait pas pouvoir invoquer l’interdiction faite
à l’État de divulguer des renseignements prétendument protégés afin
d’empêcher la défense de mener une enquête indépendante susceptible de lui
fournir des renseignements qui mèneraient au rejet de la revendication du
privilège ».
De plus, lors du discours de présentation du projet de loi, Madame Bergen s’est référée au
Rapport final de la Commission d'enquête relative aux mesures d'investigation prises à la
suite de l'attentat à la bombe commis contre le vol 182 d'Air India afin d’expliquer les
modifications apportées à la section concernant la communication des renseignements
confidentiels en relation avec le bénéficiaire.
« Dans son rapport, le juge Major a reconnu qu'en raison des limites du
programme de protection des témoins, il avait été incapable d'offrir aux
personnes concernées la protection qui aurait été nécessaire pour pouvoir
entreprendre des poursuites dans le dossier du vol d'Air India5 ».
Or, dans ce Rapport, le juge Major s’est bien avisé de souligner les limites des stratégies
visant à relever les défis que pose la nécessité de divulguer des renseignements secrets dans
les poursuites pénales :
4
5
Article 11
Débats de la Chambre des communes, le 11 février 2013, disponible en ligne :
http://parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Pub=Hansard&Doc=208&Parl=41&Ses=1&Language=F&Mode=1#int-7881457
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« Même s’il faut élaborer des stratégies de première ligne en vue d’accroître la
production du renseignement dans les poursuites pénales, il est également
nécessaire de concevoir des stratégies de deuxième ligne pouvant empêcher la
divulgation d’informations qui, si elles étaient divulguées, causeraient un
préjudice grave, tout en respectant également le droit de l’accusé à un procès
équitable et à une défense pleine et entière. Pour réaliser ces réformes de
deuxième ligne, on dispose de deux grandes stratégies.
La première vise à délimiter précisément la portée des obligations légitimes de
divulgation qui incombent au ministère public. Plusieurs poursuites pour
terrorisme qui sont examinées dans la présente étude, notamment les affaires
Kevork, Parmar et Khela, ont été intentées avant que la Cour suprême ait
rendu l’arrêt décisif Stinchcombe. Conformément à cette décision, il faut
divulguer les informations pertinentes pour respecter la Charte. [...] Les
informations confidentielles, notamment celles protégées par le privilège
relatif aux indicateurs de police, ne sont généralement pas assujetties aux
exigences de divulgation. La divulgation peut être retardée pour des motifs
légitimes en rapport avec la sécurité des témoins et des sources. Enfin, les
tribunaux ont établi une distinction entre les atteintes au droit à la divulgation
et celles, plus grave, du droit à une défense pleine et entière6 ».
(Nos soulignés)
Les balises identifiées par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et les
préoccupations soulevées par le juge Major sont conséquentes avec les enseignements de la
Cour suprême dans l’arrêt Barros.
La divulgation des renseignements confidentiels par le Commissaire
Également à l’article 12, le projet de loi prévoit que le Commissaire pourra divulguer des
renseignements confidentiels si le bénéficiaire y consent ou a déjà fait une telle
communication ou l’a provoquée par ses actes. De plus, le Commissaire pourra divulguer ces
renseignements confidentiels s’il a des motifs raisonnables de croire que la communication est
essentielle pour l’administration de la justice; cela peut survenir dans le cadre d’une enquête
sur une infraction grave, lorsqu’il y a des raisons de croire que la personne protégée a été
mêlée à la perpétration de l’infraction ou qu’elle peut fournir des renseignements ou des
éléments de preuve importants à cet égard ou encore, pour prévenir la perpétration d’une
infraction grave ou finalement, afin d’établir l’innocence d’une personne dans le cadre d’une
poursuite criminelle. Le Commissaire pourra également divulguer cette information s’il a des
motifs raisonnables de croire que la communication est essentielle pour la sécurité ou la
défense nationale.
6
Rapport final de la Commission d'enquête relative aux mesures d'investigation prises à la suite de l'attentat à la bombe commis
contre le vol 182 d'Air India, Volume 4 - Particularités des poursuites pour terrorisme : Vers une meilleure conciliation du
renseignement de sécurité et de la preuve, sous la rubrique Conclusion, pp. 290 et ss. Disponible en ligne :
http://epe.lac-bac.gc.ca/100/206/301/pco-bcp/commissions/air_india/20100723/www.majorcomm.ca/fr/reports/finalreport/researchstudies/volume4/vol4-conclusions.pdf
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Le Barreau du Québec est conscient que la décision de divulguer de l’information permettant
d’identifier un bénéficiaire peut s’avérer très lourde de conséquences. Dans certaines
circonstances, une telle divulgation peut placer le Commissaire dans une situation de conflit
d’intérêts.
Cette question a été abordée dans le cadre du Rapport du Comité permanent de la sécurité
publique et nationale dans le cadre de l’Examen du programme de protection des témoins7 :
« Selon l'avocat aux Services juridiques de la GRC, David Bird, l'article 11 de la
LPPT impose un « lourd fardeau » au Commissaire qui doit déterminer s'il est
dans l'intérêt public de divulguer de l'information. Il a ajouté :
[l]e Commissaire ne peut déléguer cette décision [.] Manifestement, le
Parlement tenait à ce que cette décision soit prise par l'échelon supérieur de
la GRC.
De l'avis de Barry Swadron, cette décision ne devrait pas relever du
Commissaire. Il a noté lors de sa comparution :
Je ne crois pas que le Commissaire doive décider ce qui sert le mieux l'intérêt
public; je crois que c'est le rôle des membres élus du Parlement ou des
ministres du cabinet. Le Commissaire ne décidera pas nécessairement ce qui
servira le mieux l'intérêt public; il décidera ce qui sert le mieux les corps
policiers parce qu'il doit être conséquent avec lui-même.
Le Comité reconnaît l'importance de cette question, mais considère ne pas
avoir colligé assez d'information pour être en mesure de prendre une décision
éclairée. Cette décision devrait peut-être relever de la responsabilité d'une
équipe multidisciplinaire qualifiée, plutôt que du Commissaire de la GRC. Le
Comité suggère que cette question soit étudiée et débattue lors de la
prochaine réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsable
[sic] de la justice et de la sécurité publique ».
(Nos soulignés)
Dans le cadre de son rapport final, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale
avait recommandé la création d’un organisme indépendant chargé d’administrer et de gérer le
programme fédéral de protection des témoins8 (ci-après, PFPT).
7
8
Mars 2008, 39e LÉGISLATURE, 2e SESSION, (p. 14), disponible en ligne :
http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3345059&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=2
Recommandation 1 du rapport :
8 L’Honorable Vic Toews
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De plus, dans le Rapport Air India, la Commission a recommandé la création d’un organisme
indépendant, le coordonnateur de la protection des témoins pour la sécurité nationale, qui
serait chargé de superviser le PFPT. Plus particulièrement :
« Le coordonnateur de la protection des témoins pour la sécurité nationale
devrait être indépendant de la police et de la poursuite. Il devrait avoir la
confiance du public et détenir une expérience en matière de justice pénale, de
sécurité nationale et de protection des témoins9 ».
Ainsi, la Commission et le Comité sénatorial estimaient tous deux qu’il ne convenait pas que
l’organisme de maintien de l’ordre, chargé d’inciter les témoins à témoigner, soit également
celui qui décide de leur admission au programme fédéral.
Le Barreau du Québec estime qu’il y aurait lieu de modifier le projet de loi en lien avec ces
recommandations.
Conclusion
En conclusion, le Barreau estime que le projet de loi C-51, tel que rédigé, soulève plusieurs
interrogations quant à la conformité des modifications qu’il prévoit par rapport à la Charte
canadienne des droits et libertés. Ces interrogations portent particulièrement sur les
modalités de la levée de la protection accordée aux bénéficiaires, les circonstances qui
permettent à une personne de soutenir qu’elle ou une autre personne ont toujours eu la
même identité et la divulgation et la communication de renseignements confidentiels en
relation avec le bénéficiaire avec le droit de l’accusé à une défense pleine et entière,
conformément à la Charte canadienne des droits et libertés10.
En espérant le tout utile à votre réflexion, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos
meilleures salutations.
Le bâtonnier du Québec,
Nicolas Plourde
NP/AVA/vs
Réf. 202
9
Commission Air India (2010), vol. 3, recommandation no 24, disponible en ligne :
http://epe.lac-bac.gc.ca/100/206/301/pco-bcp/commissions/air_india/2010-0723/www.majorcomm.ca/fr/reports/finalreport/volume3/vol3-chapt10.pdf
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