Vincent Calmel montre quinze ans de portraits très composés

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Vincent Calmel montre quinze ans de portraits très composés
OLIVIER VOGELSANG
Guy Jutard a passé sa vie
avec des marionnettes
Page 32
Cindy Santos sort enfin
son premier album
Page 23
Photographie
Critiques
Vincent Calmel montre quinze
ans de portraits très composés
La Fnac de Rive refera
en visages le parcours
du Genevois dès le
2 novembre. Il ira du
plus simple au
totalement factice
Etienne Dumont
Il est arrivé au Remor son ordinateur sous le bras. C’est là-dessus que
les images se voient aujourd’hui en
primeur. Vincent Calmel est en
pleine exposition à la Fnac de Lausanne. Elle vient ensuite à Genève,
où elle débarque le 2 novembre. Il y
a des ateliers qui vont avec. «C’est
génial! Les places ont été réservées
immédiatement. Il a fallu dupliquer
ces workshops.»
De quoi parle l’exposition? Du
visage humain. Un thème auquel
Vincent était sensible bien avant
l’accident de moto qui lui a coûté le
sien. «Je montre quinze ans de travail. Il y a notamment là des portraits que j’ai faits pour la presse. On
y voit mon évolution, des influences
que j’ai subies jusqu’aux dernières
réalisations en 3D.» De ces assemblages actuels, exigeant jusqu’à 80
images pour aboutir à une illusion
de prise de vue unique, mon interlocuteur parle en salivant.
Marat et Marilyn
C’est le moment d’allumer l’ordinateur. Et sur l’écran, qu’est-ce qu’il y
a? Des images un peu folles, souvent réalisées pour un mensuel
comme Bilan. Numéros luxe, bien
sûr. Le designer Yves Béhar se retrouve ainsi entouré de corbeaux,
tandis que Tippi Hedren crie sur un
moniteur TV. «Yves existe, les corbeaux volants sont empaillés. Les
oiseaux d’Hitchcock passent réellement sur l’écran. Un volatile dressé,
a posé pour tous les corbeaux du
premier plan.» Quinze jours de travail. «On ne s’enrichit pas avec ça,
mais quel plaisir!»
D’autres images défilent. Il y a
Marat, un Marat très tendance,
dans sa baignoire. Une journaliste
romande métamorphosée en Marilyn… «Je ne suis pas Annie Leibowitz. Je me sens toujours très fier
Vincent Calmel: «L’idée de pouvoir réaliser en photo le vrai portrait d’une personne me semble illusoire.» OlIVIER VOGELSANG
Vincent Calmel
Vincent est né le 11 avril 1971 à
Genève. Après une maturité
commerciale, il suit une
formation bancaire. Il a aussi
brièvement enseigné le français,
l’histoire et la géographie. Son
entrée à la Tribune de Genève
comme photographe date de
1995. Il la quittera en 2004 pour
devenir indépendant.
Depuis 2005, Vincent a son
atelier à l’ancienne Usine Kugler,
où il travaille parmi les artistes.
Le 22 mars 2010, il a été victime
d’un très grave accident de
moto. «J’y suis mort et j’en suis
tout de même revenu.» E.D.
qu’un groupe éditorial me fasse
confiance. Je m’occupe de tout.
J’adore la postproduction.» Et Vincent d’éclater du rire qu’on lui connaissait bien quand il travaillait à la
Tribune de Genève. «A l’ordinateur,
avec de la merde, on peut faire un
chef-d’œuvre.»
Un rêve de cinéma
Mais pourquoi Vincent, après une
formation bancaire, est-il au fait
passé à la photo? En rêvant de cinéma, banalement. «Cela a commencé enfant à cause de François
Truffaut. Je suis ensuite passé à Tati,
puis à Hitchcock.» A 12 ans, le Genevois veut devenir scénariste. Le réalisme l’a un temps emporté. «Mais à
l’Ecole de commerce, j’ai pu tâter
de la pellicule et de la technique. J’ai
été intéressé, puis accro…» Vincent
découvre alors que «le cinéma
prend des plombes», alors que la
photo, «c’est tout de suite».
Les portraits de d’Irving Penn ou
de Richard Avedon achèvent d’imprimer sur Vincent leur marque. «Je
ne sais pas si vous êtes comme moi
mais dans la rue, la première chose
que je regarde chez quelqu’un, c’est
le visage. Cela veut dire que la physionomie m’intéresse.» Il s’agit de la
refléter. Sans trop d’illusions. «On
ne fait jamais de portraits qui ressemblent vraiment aux gens. D’où
la difficulté, d’ailleurs, à photographier des proches.» Alors, ne parlons pas des lointains, rencontrés
dix minutes! «Ce genre de relation
demeure tout à fait illusoire.»
Vincent voit-il différemment les
gens depuis que son visage à lui a dû
se voir reconstruit? «Je me vois en
tout cas différemment. Et pas uniquement à cause de tout le métal
que j’ai dans la tronche. Cela a vraiment changé la vision que j’avais de
la vie.» Avec ses interrogations. Le
premier travail que Vincent ait entrepris pendant sa convalescence, a
été de construire des portraits («que
j’aimerais tirer en immense») en utilisant pour chaque tête cinq ou six
modèles féminins différents, couturés ensuite. «J’avais mal. C’était pénible. Mais j’opérais mon réapprentissage du monde.»
Vincent Calmel, Fnac de Rive, du 2
au 30 novembre, vernissage le 4.
Workhops les 17 et 19 novembre.
Site www.vincentcalmel.com
Robert Lamoureux quitte définitivement la scène à 91 ans
Théâtre
Chansonnier devenu
comédien, puis auteur de
pièces à succès, l’homme
avait dû se retirer en 2000
Il a commencé par nous parler de
Papa, maman, la bonne et moi. Il y
avait encore du personnel de maison à l’époque. Nous étions alors en
1950. Robert Lamoureux fêtait ses
30 ans. «Grand prix du disque» (encore en 78 tours!), ce sketch fit
beaucoup pour la gloire du fantaisiste. Quatre ans plus tard, JeanPaul Le Chanois en tira un film,
avec son interprète d’origine, qui
doit encore traîner dans un coin de
cinémathèque. La bande connut à
Contrôle qualité
MICHEL PERRET
Culture21
Tribune de Genève | Lundi 31 octobre 2011
l’époque un succès tel qu’il y eut,
en 1955, Papa, maman, ma femme
et moi.
Robert Lamoureux est mort samedi à 91 ans. L’homme souffrait
d’un cancer depuis de nombreuses
années. Il avait ainsi dû cesser de se
produire sur scène en 2000. «Son
décès n’est cependant pas lié à ce
mélanome», a précisé sa fille. Le
comédien est entré dans le coma
jeudi. Il en est brièvement sorti,
«mais il a replongé».
Disparu quelques jours à peine
après son cadet Jean Amadou, Robert Lamoureux représentait une
forme de spectacle aujourd’hui défunte. Il était né le 4 janvier 1920
dans une famille modeste. A 14 ans,
l’adolescent avait quitté l’école. Il
passait d’un petit boulot à l’autre,
travaillant tout en observant. Le Parisien avait, comme toute sa génération, connu le malheur d’avoir
20 ans en 1940. Il était allé à la Libération en Algérie, où il avait réussi à
devenir comptable.
C’était compter sans son goût du
spectacle. Pour l’assouvir, il lui fallait bien sûr regagner Paris. Lamoureux commence par y écrire des
chansons, notamment pour Yves
Montand. Comme on n’est jamais
aussi bien servi que par soi-même,
le débutant s’écrit vite des sketches.
Il les débite dès 1949 sur la scène de
cabarets aujourd’hui tous fermés.
Le public apprécie son humour,
toujours gentil, et sa gouaille.
Après le succès des deux Papa,
maman, Robert Lamoureux croit
tenir une grande carrière d’acteur
de cinéma. Ce sera aussi le tort de
Philippe Clay ou de Félix Marten.
Jacques Becker, au sommet de sa
réputation depuis Casque d’or, en
fait certes son Arsène Lupin. N’empêche que l’homme de scène se
montre vite déçu par le septième
art. Il parle de tout arrêter dès 1961.
Il n’en fera bien sûr rien. «Entre
les cabarets, le music-hall et le théâtre, je suis monté sur scène environ
16 000 fois», racontera en 1998 ce
bourreau de travail. C’est vite le
théâtre qui l’emportera. Il y a là une
place à prendre. Sacha Guitry est
mort en 1957. Lamoureux reprend
ses rôles, mais ce n’est pas vraiment
ça. Mieux vaut se fier à sa plume.
Lamoureux écrira plusieurs pièces,
comme La brune que voilà, Diable
d’homme, La soupière ou Si je peux
me permettre. Elles dépasseront
toutes le cap des 2000 représentations. Des records, même si leur
registre résolument léger les écarte
à tout jamais du répertoire des scènes subventionnées, où un ennui
de qualité reste de bon ton.
Lamoureux avait renoué triomphalement avec l’écran dans les années 70. Situé pendant la débâcle
de 1940, Mais où est donc passée la
7e compagnie (1973) se verra suivi
d’On a retrouvé la septième compagnie en 1975 et de La 7e compagnie
au clair de lune en 1977. L’art y a
certainement moins gagné que les
producteurs. Etienne Dumont
Sylvie
Bonier
VVVVV
«Le procès de
Michel Servet»
Que faut-il pour sortir l’opéra
contemporain de sa confidentialité? Un sujet, un(e) héro(ïne) et
une musique puissants et
fédérateurs. Rien de nouveau
sous le soleil, en somme. Sauf
que lorsque de grandes figures
historiques occupent le devant
de la scène lyrique, il faut aussi
un sacré tempérament musical
et théâtral pour sublimer les
grandes affaires du passé.
Jeanne d’Arc inspira Verdi et
Honegger, chacun à sa manière,
de façon marquante. A Genève,
un autre «hérétique», Michel
Servet, est porté à la scène, de
façon moins bouleversante.
Le Procès de Michel Servet, de
Shauna Beesley pour la
musique et Jean-Claude
Humbert pour le livret entend
raviver la mémoire collective. Il
veut aussi s’inscrire dans
l’universel. Honorable tâche
que de célébrer ce grand
théologien, scientifique et
humaniste brûlé à Genève le
27 octobre 1553. Mais si la
partition, très conventionnelle,
s’avère travaillée en détail, le
texte abondant, descriptif et
linéaire ainsi que le thème,
ramené à sa simple narration,
ne dégagent que peu d’émotion
et de puissance. Austérité,
rigueur et sérieux ne suffisent
pas à hisser un ouvrage, entre
opéra de chambre, monodrame
et oratorio, au sommet du
genre lyrique. Ramenées à une
dimension plus modeste, les
2 heures 40 paraîtraient moins
longues. La mise en scène
frontale et rigide de Michèle
Cart, les décors simplistes de
Paul March et les costumes
«historisants» de Linda
Greenwood n’aident pas à faire
passer le discours, que
l’ensemble de chanteurs et de
musiciens, dirigé par Jonathan
Haskell, ne parvient pas
toujours à sortir de ses
ornières.
Salle Centrale Madeleine
les 3 et 5 novembre.
L’île de Pâques
à Yverdon
Exposition
La Maison d’ailleurs
confronte jusqu’en janvier
objets authentiques et livres
fantasmés. Magnifique!
Vaste bibliothèque ancienne, l’espace Jules Verne d’Yverdon conduit jusqu’au 8 janvier le visiteur à
l’île de Pâques. De superbes objets, sortis de collections suisses
par Charles-Edouard Duflon, côtoient les livres d’aventure ou les
BD retenus par Marc Atallah. Ce
choc des civilisations se révèle magnifique. A visiter d’urgence! E.D.
L’article détaillé sur
l’exposition d’Yverdon
wwww.tdg.ch/culture

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