Téléchargez l`analyse - Orchestre Philharmonique de Strasbourg

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Orchestre dans la ville
Jeudi 18 février 2016 12h30
Strasbourg, Salle de l’Aubette
Vendredi 19 février 2016 20h30
Bischwiller, MAC
Samedi 20 février 2016 20h30
Marlenheim, Salle culturelle Les Roseaux
Julia Jones direction
Mary-Ellen Nesi mezzo-soprano
Ricardo Magnus clavecin
Bijoux du XVIIIème siècle
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Alcina HWV 34
Ouverture
Air de Ruggiero (Acte II, scène 3) : Mi lusinga…
Menuet (Acte I, scène 1) Gavotte 1 et Sarabande (Acte I, scène 2)
Air de Ruggiero (Acte III, scène 3) : Sta nell’Ircana pietrosa tana
Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Symphonie en mi mineur Wq 178
Allegro assai
Andante moderato
Allegro
Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie n°4 en ré majeur Hob 1/4
Presto
Andante
Tempo di Menuetto
20
12'
14'
Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
Orfeo ed Euridice
Air d’Orfeo (Acte III, scène 1): Che farò senza Euridice
4’
Iphigénie en Aulide
Récitatif et air de Clytemnestre (Acte III, scène 6) : Dieux puissants que
j’atteste…Jupiter lance ta foudre
4’
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 27 en sol majeur K. 199/161b
Allegro
Andantino grazioso
Finale
16'
Séduire, surprendre, risquer le tout pour le tout ! Au crépuscule du classicisme, les
compositeurs osent briser les règles. Les harmonies s’affolent, les rythmes se
cassent, les esthétiques sont remises en cause et les passions ne peuvent plus être
contenues. Les œuvres vocales et instrumentales de Haendel, Haydn, CPE Bach,
Gluck, Mozart posent les nouveaux cadres des opéras et des symphonies du
romantisme à venir.
Georg Friedrich Haendel
Alcina HWV 34
Ouverture
Air de Ruggiero (Acte II, scène 3) : Mi lusinga…
Menuet (Acte I, scène 1) Gavotte 1 et Sarabande (Acte I, scène 2)
Air de Ruggiero (Acte III, scène 3) : Sta nell’Ircana pietrosa tana
En peu d’années, Haendel accomplit ce qu’aucun autre musicien n’a réalisé, à
l’exception de Bach : assurer la synthèse de l’art européen. En effet, sa musique
révèle autant la science du contrepoint allemand que l’inspiration mélodique
italienne, la clarté et l’élégance françaises, les ambiguïtés modales et rythmiques
anglaises. Il expérimente de nouvelles sonorités à l’orchestre sans pour autant
révolutionner l’écriture. Mais il valorise la souplesse des basses, introduit le
contrebasson, imagine des thèmes cycliques, ancêtres du leitmotiv.
Haendel est non seulement un compositeur prolixe – bien qu’il ait été accusé à de
nombreuses reprises de plagiat d’œuvres de ses confrères - mais aussi un
fantastique organisateur de la vie musicale anglaise, le porte-flambeau de
l’Académie royale de musique, ce qui lui vaut de devenir sujet britannique en 1727 et
de pouvoir angliciser son nom en George Frideric Handel.
Il aime le combat et se révèle redoutable lorsqu'il lutte contre les intrigues, et défie
ses adversaires par la surenchère de nouvelles productions, d’œuvres
instrumentales toujours plus osées. Des chefs-d'œuvre naissent dans l’urgence de
cette lutte : Giulio Cesare (1723), Tamerlano (1724), Rodelinda (1725), Alessandro
(1726)... Toutefois, le roi finit par se lasser de supporter des intrigues, les cabales et
les jalousies sans fin, de dépenser sans compter,. De 1729 à 1733, Haendel dirige et
assume seul le financement de sa nouvelle académie. Pour engager les chanteurs
destinés à ses opéras, il retourne en Allemagne et en Italie en 1728. Avec sa propre
troupe lyrique, à Covent Garden, il tente d’imposer le style de l'opéra italien. Entre
1735 et 1737, les scènes de Londres présentent Alexander's Feast et le Wedding
Anthem, Giustino, Didone abbandonata, Deborah, Athalie, Ariodante et Alcina.
Alcina est décrit comme un « opera seria » en trois actes. On ne connaît pas le nom
du librettiste. Haendel se serait largement inspiré d’un opéra de Ricardo Brochi :
L’isola Alcina (1728).
L’ouvrage est créé au Théâtre de Covent Garden, à Londres, le 16 avril 1735. Il est
considéré comme l’apothéose scénique du compositeur. En effet, il est destiné à
produire des effets visuels inédits. La machinerie des décors de Covent Garden était
alors capable de restituer le caractère « magique » de l’opéra. Une dimension
d’autant plus « magique » que celui-ci a pour cadre l’ile enchantée de la magicienne
Alcina. Les héros qui s’aventurent dans son palais sont transformés en animaux, en
pierre ou en arbre. Seul le chevalier Ruggiero est épargné car Alcina tombe
amoureuse de lui. Mais, arrivée sur l’ile, la fiancée de Ruggiero brise le sort ainsi que
le pouvoir de la magicienne.
L’œuvre s’ouvre par une ouverture « à la française », puis présente vingt-six arias
reliées entre elles par des récitatifs. Les récitatifs permettaient le déroulement de
l’action, les arias demeurant des passages de musique pure, révélant la musicalité et
la virtuosité des chanteurs. Haendel ajouta diverses parties à son ouvrage et
notamment deux ballets.
Carl Philipp Emanuel Bach
Symphonie en mi mineur Wq 178
Second fils de Jean-Sébastien Bach et de sa première épouse, Maria Barbara, Carl
Philipp Emanuel fut certainement le plus chanceux des quatre enfants musiciens de
l’illustre Cantor, prenant à juste titre l’ascendant sur ses trois frères : Wilhelm
Friedemann (1710-1784), Johann Christoph Friedrich (1732-1795) et Johann
Christian (1735-1782). Carl Philipp Emanuel saisit les occasions qui se présentèrent
tout au long de sa carrière et dont la plus importante fut d’accéder en 1738 au statut
de claveciniste dans l’orchestre du prince héritier de Prusse. Lorsque le prince prit le
titre de Frédéric II, il demanda au jeune musicien de le rejoindre à la cour de
Postdam. Carl Philipp Emanuel fut l’une des personnalités les plus rayonnantes du
règne de ce “despote éclairé”.
Compositeur choyé et, chose rare, édité de son vivant, il fut également nommé
directeur de la musique à Hambourg en 1767, succédant ainsi à Georg Philipp
Telemann.
Son catalogue est imposant. Culminent plusieurs séries d’œuvres pour le clavier qui
marquent leur époque, mais aussi des partitions de musique religieuse, dix
symphonies, une cinquantaine de concertos, de la musique de chambre, etc.
Carl Philipp Emanuel fut à la fois un compositeur et un interprète hors pair, formé par
son père alors en poste à Saint-Thomas, mais également un théoricien de la
musique d’une importance considérable. Son Essai sur la véritable manière de jouer
des instruments à clavier (1753) suscita l’admiration de ses contemporains, tout
autant que ses partitions : Joseph Haydn porta une part de son héritage et Wolfgang
Amadeus Mozart ne cessa de lui vouer une réelle admiration.
L’œuvre de Carl Philipp Emanuel est impressionnante et encore largement sousestimée. Elle représente l’un des liens majeurs entre le style classique et le
préromantisme. Il fut le plus illustre porte-drapeau de l’Empfindsamkeit Stil –
l’esthétique de la sensibilité – en réaction au rationalisme et dont le développement
ultime ouvre la porte au Sturm und Drang. Cette phrase si sobre et magnifique : « Un
musicien ne peut émouvoir que s’il est ému lui-même » aurait pu être de la bouche
d’un Frédéric Chopin ! Mais, à rebours, dans le contexte de l’univers baroque
empesé et brillant de l’Allemagne du Nord, la citation révèle le souci de la ligne
mélodique, du chant permanent : le récitatif prime sur tout autre considération. La
forme stricte est oubliée et à la galanterie des pièces de jeunesse succède la
profondeur du chant intérieur de la maturité.
De 1740 à 1768, Carl-Philipp Emanuel Bach vit à Berlin puis à Potsdam, au service
de Frédéric II. Durant cette période, il compose neuf symphonies. Il en profite pour
apporter des modifications radicales à la symphonie classique.
Datée de 1756, la Symphonie en mi mineur fut la seule gravée de son vivant. Elle
s’ouvre par un Allegro assai. Effervescence des atmosphères, sonneries de cors,
changements brusques de rythmes, modulations des plus osées… Bach
expérimente tous les alliages possibles et recompose l’architecture de la partition,
qui semble, presque à chaque mesure, se désintégrer. D’une grande finesse
d’écriture, chambriste, le mouvement lent, Andante moderato, favorise avant tout le
cantabile. Le finale, Allegro, joue d’un thème, une sorte de ritournelle, qui multiplie
les occasions de dialogue entre les différents pupitres.
Joseph Haydn
Symphonie n°4 en ré majeur Hob 1/4
Les premières symphonies de Haydn furent composées alors qu’il était directeur de
la musique à la cour du comte Ferdinand Maximiliam Franz Morzin. Dans les années
1750-1760, le petit orchestre l’accompagnait entre ses résidences à Vienne et en
Bohème.
La plupart des symphonies de l’époque sont en trois mouvements – vif / lent / vif – la
tonalité du mouvement lent contrastant avec celle des deux autres. Haydn reconnut
par la suite qu’il avait appris à composer ce type de pièces grâce à son professeur,
Nicola Porpora (1686-1768).
Des symphonies de jeunesse du compositeur, celle en ré majeur est l’une des plus
connues en raison de la beauté de ses thèmes et du parfait équilibre de sa
construction.
La Symphonie s’ouvre par un Presto. Les idées musicales s’enchaînent avec une
vivacité et une énergie stupéfiantes. Une double marche irrigue une écriture savante.
Dans le mouvement lent, Andante, les modulations sont audacieuses et
imprévisibles, jouant des trois types de rythmes qui se croisent.
Le finale, Tempo di menuetto s’inspire des thèmes de l’Andante. Cette fois-ci, ils sont
traités d’une manière virtuose. De petits accents à la fois légers et brillants colorent
chaque phrase.
Christoph Willibald Gluck)
• Orfeo ed Euridice : air d’Orfeo (Acte III, scène 1) Che farò senzao senza
• Iphigénie en Aulide : récitatif et air de Clytemnestre (Acte III, scène 6)
« Dieux puissants que j’atteste… Jupiter lance ta foudre »
Orfeo ed Euridice, dans sa première version en italien, fut créé à Vienne, le 5 octobre
1762. La seconde version, en français, Orphée et Eurydice - également une tragédie
en trois actes, mais reposant sur un livret de Pierre-Louis Moline - fut composée à
Paris, en 1774.
De profondes différences apparaissent entre les deux ouvrages. Différences
imposées par les voix (il n’y avait pas de castrats en France), mais aussi en ce qui
concerne l’instrumentation. Plusieurs airs nouveaux ainsi que des ballets s’ajoutent.
En 1859, Berlioz modifia la partition afin qu’elle corresponde au goût de l’époque.
Chez Gluck, les chœurs et l’orchestre jouent un rôle déterminant : ils soulignent la
psychologie des personnages. L’écriture harmonique savante permet de varier de
manière étonnante les sentiments et de contraster les atmosphères, ce qui fait dire à
nombre de musicologues que la musique de Gluck est préromantique.
Tragédie en trois actes, Iphigénie en Aulide s’inspire de la pièce Iphigénie de Racine.
Le livret de l’opéra est de Leblanc. La partition fut composée à Vienne et achevée au
cours de l’été 1772. La création eut lieu à Paris, le 19 avril 1774.
Le premier opéra en français de Gluck reçut le soutien de la reine Marie-Antoinette,
qui avait pris des cours de chant avec le musicien. Le succès fut tel – face à la
puissance de l’opéra italien – que Jean-Jacques Rousseau écrivit à Gluck pour faire
amende honorable et estimer que « la langue française est aussi susceptible qu’une
autre d’une musique forte, touchante et sensible ». À la tragédie du livret s’ajoutent
des intermèdes dansés et une fin heureuse, ce que l’opéra français imposait alors.
L’orchestration est particulièrement riche, utilisant, pour caractériser les rôles, ce que
l’on nomme des leitmotive et que Wagner admira au point qu’il se permit, en 1847,
de modifier la partition de Gluck afin de la « mettre au goût du jour ».
Wolfgang Amadeus Mozart
Symphonie n° 27 en sol majeur K. 199/161b
La date de composition de cette symphonie demeure une énigme : sur le manuscrit
appartenant à une collection viennoise, on croit lire “avril 1774”. Les musicologues
avouent leur perplexité car rien dans cette œuvre de vingt minutes ne laisse penser
qu’elle puisse appartenir à la grande série des ouvrages symphoniques de cette
date, comme la Symphonie en ré majeur (n°30), d’une tout autre envergure. Il est
probable que l’œuvre soit antérieure d’au moins une année.
Ce point de détail pourrait prêter à sourire… Toutefois, dans le cas de Mozart,
l’évolution de l’écriture est permanente, si rapide et puissante que les changements
se révèlent remarquables d’un semestre à l’autre. Ainsi, cette symphonie fait-elle
songer davantage au style italianisant de la période de Salzbourg : vivacité des
thèmes, contrastes rythmiques et dynamiques abrupts, multiplication des idées
aussitôt abandonnées après leur unique développement, emploi restreint des
instruments à vent, etc. Ce sont autant d’indices qui suggèrent une œuvre de
transition.
Le premier mouvement, Allegro, se développe avec une belle énergie, précis comme
un délicat mouvement d’horlogerie. L’Andantino grazioso qui suit inspire au plus haut
point le caractère italien et chantant de la partition. Par contraste, le finale nous
paraît un hommage non déguisé à Haydn. Sa carrure est impressionnante dans le
traitement rythmique et le goût pour la variation.
La diversité des styles qui composent la Symphonie n°27 en fait une œuvre
charnière entre deux époques.
Discographie conseillée
Haendel, Alcina
• Orchestre symphonique baroque de Londres, dir. Richard Hickox (Warner Classics)
• Les Arts Florissants, dir. William Christie (Erato)
• Il Complesso Barocco, dir. Alan Curtis (Archiv Produktion)
C.P.E Bach, Symphonie
• Akademie für Alte Musik (Harmonia Mundi)
Haydn, Symphonie n°4
• Academy of Ancient Music, dir. Christopher Hogwood (L’Oiseau-Lyre)
• The Hanover Band, dir. Roy Goodman (Hyperion)
Gluck, Orphée et Eurydice
• English Baroque Soloists, dir. John Eliot Gardiner (Philips)
• Freiburger Barock Orchester, dir. René Jacobs (Harmonia Mundi)
Gluck, Iphigénie en Aulide
• Orchestre de l’Opéra de Lyon, English Baroque Solists, dir. John Eliot Gardiner
(Erato)
Mozart, Symphonie n°27
• Academy of Ancient Music, dir. Christopher Hogwood (L’Oiseau-Lyre)
• Academy of St Martin in the Fields, dir. Neville Marriner (Philips)

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