l`enseignement precoce des langues etrangeres - Arca

Transcription

l`enseignement precoce des langues etrangeres - Arca
des langues
Michele Daloiso
L’ENSEIGNEMENT PRECOCE
DES LANGUES ETRANGERES
5
Département des Sciences du langage Université Ca' Foscari, Venise
Documents
didactique
L’enseignement
précoce desde
langues
etrangères
Michele Daloiso
Documents de travail sur la méthodologie de l’enseignement des langues.
Directeur de collection: Prof. Paolo E. Balboni
Une publication du “Laboratorio ITALS – Italiano Lingua Straniera”, Département des
Sciences du Langage, Université Ca’ Foscari. Venise.
Título: L’enseignement précoce des langues étrangères
Auteur: Michele Daloiso
Traduction: Odile Chantelauve
Publicacion No 5 de la série
Année de Publication: 2007
Imprimé par Guerra Edizioni
© Copyright 2007, Guerra Edizioni, Via A. Manna, 25
06132 Perugia
ISBN 978-88-557-0069-6
Finito di stampare nel mese di novembre 2007 da Guerra guru srl - Perugia
L’enseignement précoce des langues etrangères
Table des matieres
Introduction
Carmel Mary Coonan
7
1. Epistémologie de la didactique précoce des langues
1.1 Naissance et évolution de la didactique précoce des
langues
1.2 Délimitation du domaine de recherche
1.3 Un modèle épistémologique
1.4 Synthèse
9
11
14
19
2. La dimension acquisitionnelle
2.1 Le rôle de la neurosensorialité dans le développe
ment de l’enfant
2.2 Plasticité cérébrale, périodes critiques et périodes
sensibles
2.3 Mémoire et langage chez l’enfant
2.4 La latéralisation cérébrale
2.5 Synthèse
21
21
3. La dimension linguistique
3.1 Le développememt lexical
3.2 Le développement phonologique et phonétique
3.3 Le développement morphosyntaxique
3.4 Le développement fonctionnel
3.5 Synthèse
31
32
34
35
36
38
4. La dimension méthodologique
4.1 L’approche formative à la langue étrangère
4.2 La définition des buts et des objectifs dans une
perspective formative
4.3 La sélection des contenus dans une perspective
formative
39
39
41
22
24
27
28
45
Michele Daloiso
4.4 Réaliser l’approche formative à travers la méthodo logie ludique
4.5 Techniques pour l’approche précoce à la langue
étrangère
4.6 L’Unité d’Acquisition: un modèle opérationnel à la
mesure de l’enfant
4.7 Synthèse
48
Références
62
48
53
61
L’enseignement précoce des langues etrangères
Introduction
Le présent volume est une réflexion sur l’intérêt croissant suscité par
l’apprentissage précoce des langues étrangères ou secondes en contexte
formel. Cet intérêt reflète le souci, au niveau national italien et au
niveau international, d’une compétence multilingue et multiculturelle
qui n’ait pas uniquement une valence instrumentale, mais qui soit aussi
formative. Une personne multilingue et multiculturelle non seulement
incarne, idéalement, la tradition multilingue et multiculturelle de
l’Europe, mais elle est aussi mieux à même de répondre aux nombreux
défis que la société globalisée nous présente jour après jour. Une des
solutions avancées pour atteindre l’objectif ambitieux de former des
personnalités multilingues et multiculturelles consiste à anticiper le plus
possible le contact avec une autre langue. Cela implique d’introduire
une langue étrangère dans le curriculum de l’école primaire, et, de plus
en plus souvent, de l’école maternelle.
A la différence d’autres pays européens, l’Italie a été en première ligne
pour affronter ce défi. La loi de 1985 témoigne justement de cela :
elle a introduit l’apprentissage obligatoire des langues étrangères dès
la troisième année d’école primaire. La législation la plus récente en a
anticipé encore l’introduction à la première année.
Des projets importants ont été réalisés – comme le rapporte Daloiso
dans ce volume – pour étudier la nature spécifique de l’apprentissage
précoce des langues étrangères en contexte formel, dont plusieurs ont vu
l’implication de membres du groupe vénitien de didactique des langues,
comme par exemple Janua Linguarum, Bam.Bi, LESI.
Comme en témoignent ces projets de recherche, l’enseignement précoce
des langues étrangères soulève de nombreuses questions fondamentales, toutes liées au fait que le protagoniste de l’apprentissage est un
enfant, et pas un adolescent ou un adulte. Ce n’est qu’en se focalisant
sur l’enfant – sur ses caractéristiques psychologiques, neurologiques
et cognitives, et sur la façon dont se déroule sa maturation – qu’on
peut comprendre comment on apprend précocement une langue, et par
conséquent proposer des solutions didactiques.
Daloiso recourt dans ce but aux neurosciences, aux sciences cognitives, psychologiques, linguistiques et aux sciences de l’éducation, pour
développer un modèle épistémologique interdisciplinaire de l’ensei-
Michele Daloiso
gnement précoce des langues, constitué de trois dimensions reliées
entre elles: les dimensions acquisitionnelle, linguistique et culturelle,
et méthodologique.
A l’intérieur de son modèle à trois dimensions, il met en lumière les
implications pour l’apprentissage précoce des langues de nombreuses
notions et théories appartenant aux sciences sus-citées (par exemple
la latéralisation cérébrale, la plascticité, la motivation, l’attention, la
mémoire) et en ce sens son modèle est un développement des précédents
car il a réussi à incorporer d’importants éléments nouveaux (par exemple
les neurosciences)
Ses réflexions confirment le rôle central de l’enfant, en postulant que
pour que l’apprentissage soit efficace et que le processus lui-même
soit positif, les émotions de l’enfant ainsi que ses sens doivent être
impliqués, et que n’importe quel choix méthodologique doit prendre en
considération ces aspects.
Toutefois le développement des méthodes didactiques et des approches
au cours du XXe siècle ne s’est pas suffisamment concentré sur les jeunes apprenants. D’où le danger de transférer sur les jeunes apprenants
des pratiques existantes pensées pour des apprenants plus âgés. Même
l’approche communicative – le principal paradigme méthodologique
des dernières décennies en Europe – ne peut pas satisfaire les besoins
spécifiques des jeunes apprenants. En accord avec le focus déjà établi
par le groupe vénitien, Daloiso identifie dans l’approche humaniste-affective celle qui semble le mieux convenir à un enseignement efficace
des langues, et il continue en illustrant les stratégies opérationnelles
et les techniques adaptées aux jeunes élèves. Un aspect intéressant
qui apparaît dans la discussion est le rappel de la nécessité de relier
solidement l’enseignement/apprentissage de la langue étrangère au
développement cognitif de l’enfant. En effet l’apprentissage d’une langue étrangère est considéré comme une contribution importante en ce
sens. Il est évident que ces nouvellles perspectives ont des retombées
sur le curriculum, en particulier sur le syllabus et sur la méthodologie
à adopter.
Carmel M. Coonan
L’enseignement précoce des langues etrangères
1. Epistémologie de la didactique précoce des langues
Dans ce chapitre, nous tâcherons d’encadrer le concept de didactique
précoce des langues selon la perspective vénitienne, en définissant ses
limites épistémologiques et les aires de recherches qui par conséquent
y sont impliquées.
1.1 Naissance et évolution de la Didactique précoce des langues
en Italie
Par l’expression “didactique précoce des langues” on se réfère à une
branche de la didactique des langues qui concerne l’étude du processus
d’acquisition des langues (AL) chez l’enfant, afin d’identifier approches,
méthodes et stratégies opérationnelles pour l’enseignement des langues
dès le plus jeune âge.
Les premières publications théoriques et méthodologiques sur la matière remontent au début des années 80, mais elles furent le fruit de
réflexions concernant la didactique des langues élaborées au cours de la
deuxième moitié des années 70, qui donnèrent une impulsion décisive
à des expérimentations scolaires de portée nationale et régionale.
La naissance en Italie d’une ligne de recherche spécifique pour la didactique précoce des langues doit être située dans le contexte historique
et social de l’époque. A l’époque, en effet:
a. il existait déjà dans de nombreuses écoles italiennes une tradition
d’enseignement de l’anglais et du français, qui remontait aux
années 60;
Nous gardons pour l’instant la définifition volontairement générale, réservant au prochain paragraphe la spécification du concept d’acquisition et des catégories de langues
(étrangères, secondes…) qui rentrent dans cette définition.
Il faut rappeler en particulier les projets ILSSE (Insegnamento della Lingua Straniera
nella Scuola Elementare – enseignement de la langue étrangère à l’école primaire) et
Ianua Linguarum, qui furent élaborés respectivement par Renzo Titone et Giovanni
Freddi, pères fondateurs de l’école vénitienne, et qui contribuèrent à l’expérimentation
généralisée de l’anglais à l’école primaire.
10
Michele Daloiso
b. une certaine sensibilité à la question du bilinguisme précoce
s’était répandue, même s’il restait, chez certains psychologues,
enseignants et parents des craintes de répercussions négatives
d’une seconde langue sur le développement général de l’enfant
et sur l’acquisition de la langue maternelle;
c. l’Etat italien avait commencé à évaluer l’hypothèse de l’introduction de la langue étrangère (LE) dans le curriculum de l’école
primaire, hypothèse qui devait se concrétiser dans le curriculun
national de 1985.
Titone, Freddi et leurs élèves, tant de l’école vénitienne de didactique
des langues que dans le reste de l’Italie (rappelons entre autres B.
Cambiaghi, G. Porcelli, G. Mazzotta) se firent donc les interprètes des
besoins éducatifs de l’époque, en commençant une réflexion méthodologique qui fut à l’origine de propositions opérationnelles expérimentées
sur une vaste échelle entre les années 70 et 80. Ces expérimentations
eurent une importance énorme, car:
a. elles contribuèrent à répondre concrètement aux nouveaux besoins
sociaux et éducatifs;
b. elles permirent une introduction graduelle de la LE à l’école
primaire à la lumière d’expériences pilotes et soumises à une
vérification expérimentale;
c. elles créèrent, au niveau scientifique, un lien entre pratique
éducative et recherche en didactique des langues, lien qui devait
être par la suite une des principales caractéristiques de l’école
vénitienne de didactique des langues.
Entre la fin des années 80 et le début des années 90 la recherche dans le
domaine de la didactique précoce des langues eut une impulsion forte à
la lumière de ces expérimentations et des nombreuses publications scientifiques (Freddi 1987, 1988, 1990a, 1990b ; Titone 1978, 1990 ; Porcelli et
Balboni 1992; Porcelli 1993), dans lesquelles on discutait de l’idée d’une
méthodologie ludique pour l’enseignement précoce de la langue (cfr. le
troisième document de la présente série, Caon 2006), la formalisation de
modèles opérationnels spécifiques pour les enfants, la réflexion sur le
rôle de la LE dans le développement général de l’élève.
L’enseignement précoce des langues etrangères
11
Dans la seconde moitié des années 90, toutefois, on observa un ralentissement dans la recherche scientifique, qui se traduisit par une diminution
du nombre des publications marquant des avancées par rapport au passé.
Les raisons de ce ralentissement sont peut-être à rechercher d’une part
dans dans la consolidation de la pratique méthodologique concernant la
LE à l’école primaire, d’autre part dans l’émergence de nouveaux besoins,
extrêmement urgents, auxquels la didactique des langues italienne dut
répondre (enseignement de l’italien aux immigrés, enseignement des
langues aux adultes dans des buts professionnels).
La didactique précoce des langues prit un nouvel élan dans les premières années du nouveau millénaire, quand on commença à entrevoir de
nouveaux besoins linguistiques, liés aussi aux sollicitations du Conseil
de l’Europe sur l’importance d’apprendre les langues dès la première
enfance. D’une part le Progetto Lingue 2000 et de l’autre les expérimentations de la région Trentin Bam.bi e L.E.S.I., guidées par deux
figures importantes du groupe vénitien, Paolo Balboni et Carmel M.
Coonan, avec des chercheurs proches de leurs positions théoriques et
méthodologiques, comme Federica Ricci Garotti. Ces expérimentations
impliquèrent les écoles maternelles, fournissant la base des premières
réflexions systématiques sur la didactique des langues dès la première
enfance.
Ces dernières années on assiste à un regain diffus d’intérêt pour l’enseignement pré-scolaire des langues, et la didactique précoce des langues est donc appelée à répondre aux nouveaux besoins de la société
contemporaine.
1.2 Délimitation du domaine de recherche
Pour une délimitation épistémologique du domaine de recherche de la
Bam.bi est un projet d’éducation bilingue italien-ladin. Réalisé dans les écoles maternelles des vallées du Trentin, alors que LESI (Lingue Europee nelle Scuola dell’Infanzia,
Langues européennes à l’école maternelle) est une expérimentation née à la fin des
années 90 qui a comme objectif l’éveil aux langues étrangères (anglais et allemand)
dans les écoles maternelles du Trentin. Les résultats des deux projets sont présentés
respectivement dans Balboni (1999) et Balboni, Coonan, Ricci Garotti (2001).
12
Michele Daloiso
didactique précoce des langues, il faut partir de son objet d’étude: l’acquisition des langues à un âge précoce. Nous tentons donc une analyse
des composantes de cette expression.
a. Acquisition …
Dans la Second Language Acquisition Theory bien connue de Krashen
l’acquisition linguistique (par opposition à l’apprentissage) est un
processus essentiellement inconscient qui mène à une compétence
linguistique stable au moyen de l’automatisation des processus d’élaboration du langage. A la lumière des hypothèses sur les périodes
critiques et sur la base des connaissances actuelles concernant les
processus neuropsychologiques qui gouvernent l’AL, il est raisonnable
de penser que chez l’enfant l’acquisition de l’input linguistique auquel
il est soumis systématiquement est possible. La didactique précoce des
langues vise donc à favoriser l’intériorisation permanente, inconsciente
et automatique des langues chez l’enfant (les implications de la théorie
de Krashen ont été amplement traitées dans de nombreuses études vénitiennes ; parmi les plus récentes, rappelons Cardona 2001 ; Balboni
2002 ; Coonan 2002).
b. … des langues
L’objet d’étude de la didactique précoce des langues est le processus de
l’AL chez l’enfant; à côté des langues étrangères on doit donc inclure
l’acquisition de la langue maternelle, des langues secondes et ethniques,
dans l’optique plus générale de l’éducation linguistique.
c. ... à un âge précoce
Le terme « précoce » à été pendant de nombreuses années fuyant et
La notion d’éducation linguistique est la plus importante contribution italienne à la
réflexion internationale dans le domaine éducatif. Elle s’affirme dans les années 70
comme résultat de la tradition pédagogique italienne et elle implique que l’enseignement des langues (maternelles, secondes, étrangères, classiques, etc.) n’est pas
finalisé exclusivement à l’atteinte par l’élève d’objectifs didactiques linguistiques,
mais qu’il doit être encadré dans des finalités éducatives plus générales, comme la
culturisation, la socialisation et l’autopromotion ; cela implique que l’enseignement
linguistique contribue au développement général de l’élève (cfr. le premier document
de la présente série).
L’enseignement précoce des langues etrangères
13
indéfini, et dans la littérature spécifique on a risqué d’identifier inconsciemment l’AL précoce à l’enseignement des langues aux enfants
à l’école primaire.
Les recherches les plus récentes dans le domaine des neurosciences
permettent au contraire une définition beaucoup plus précise du terme,
à partir de la connaissance des périodes critiques et des périodes
sensibles pour l’AL (parmi les chercheurs italiens, rappelons Aglioti et
Fabbro 2006), déterminées par quelques phénomènes neuro-évolutifs
(myélinisation, réduction de l’activité métabolique, diminution de la
synaptogenèse).
Périodes critiques pour l’AL
Il est potentiellement possible d’acquérir une ou plusieurs langues
étrangères avec des compétences égales à celle d’un natif à l’intérieur
d’une des fenêtres temporelles suivantes (cfr 2.2):
− 0-3 ans: acquisition d’une prononciation parfaite et excellent
développement des habiletés linguistiques;
− 4-8 ans: acquisition d’une prononciation parfaite, excellent développement linguistique, mais l’énergie nécessaire pour activer
les aires cérébrales où les langues sont représentées est plus
grande.
Périodes sensibles pour l’AL
Une fois que ces fenêtres temporelles sont dépassées, il y a une période
sensible (8-22 ans), pendant laquelle l’élève a encore de fortes potentialités neurologiques, qui lui permettent de développer une bonne
compétence linguistique, mais il est de plus en plus difficile que cette
compétence soit comparable à celle d’un natif. L’accent étranger s’insinue
en effet plus ou moins fortement, la compétence morpho-syntaxique
peut encore bien se développer, mais avec plus de peine, alors qu’il n’y
a pas de difficultés particulières à l’acquisition lexicale, mais seulement
celle des mots de classe ouverte.
L’apprentissage des langues tout le long de la vie
Après la période sensible, l’acquisition profonde d’une langue est beaucoup plus difficile, et elle est influencée par des facteurs contextuels
(contexte naturel ou institutionnel, quantité et qualité de l’input,
14
Michele Daloiso
prestige de la langue objet d’étude) et personnels (intelligence, style
d’apprentissage.
À la lumière de ces données on définit “précoce” une didactique des
langues qui s’intéresse à l’AL au cours des dix premières années de
l’enfant. Il faut toutefois distingues l’acquisition au cours de la première enfance (jusqu’à 7-8 ans) lors de la première période critique, et
pendant la deuxième (4-7 ans) et la troisième enfance (8-12 ans, en
correspondance avec la première phase de la période sensible).
1.3 Un modèle épistémologique
Pour répondre aux besoins linguistiques de la société avec des propositions éducatives réellement efficaces, la didactique précoce des langues
doit partir d’un modèle épistémologique fort, qui définisse les critères
théoriques à l’intérieur desquels opère la recherche dans ce domaine.
La didactique précoce des langues étant un domaine particulier à
l’intérieur d’une discipline plus ample, à savoir la didactique générale
des langues, le point de départ doit être le modèle théorique de cette
science. Le modèle que nous utliserons est celui qui a été théorisé et
développé dès les années 70 et 80 (Freddi, Titone, Balboni) et qui est
décrit dans le premier Document de la présente collection. Ce modèle
définit la didactique des langues comme une discipline:
a. de caractère théorico-pratique, qui élabore des théories de l’éducation linguistique pour des fins opérationnelles, et pas pour la
simple connaissance;
b. interdisciplinaire, avec un background constitué de quatre aires disciplinaires (sciences du langage et de la communication, sciences
neuro-psychologiques, sciences de la culture et de la société, sciences
de la formation et de l’éducation) que nous décrirons ci-dessous;
c. fondée sur la médiation, et non sur la simple application des
connaissances provenant des quatre domaines cités.
Donc, on doit definir des principes théoriques et methodologiques
spécifiques pour chaque type de destinataires.
L’enseignement précoce des langues etrangères
15
La complexité de l’objet d’étude rend nécessaire une approche interdisciplinaire au problème, comme nous l’avons dit au point « b » ci-dessus,
qui permet de tenir compte de tous les facteurs potentiels qui interviennent dans le processus d’AL, lequel est par sa nature pluridimensionel,
puisqu’il implique des aspects de type:
a. linguistique et communicatif: l’enseignement linguistique se déroule
à l’intérieur d’un processus communicatif tout à fait particulier entre
enseignant et élèves, puisque la langue est à la fois le moyen et la fin
de la communication. Apprendre une LE signifie en outre apprendre à
utiliser un code verbal qui permette d’entrer en rapport avec d’autres
personnes, dans le cadre de situations communicatives spécifiques,
chacune avec ses propres règles comportementales. La didactique
précoce des langues doit tenir compte de certains aspects linguistiques et communicatifs qui caractérisent l’enfance: la compétence
communicative n’est pas encore pleinement développée, chez l’enfant, qui privilégie certaines fonctions communicatives (entre autres
la fonction imaginative); en outre, selon son âge, il utilise plus ou
moins différentes fonctions communicatives (cfr. 3.4);
b. neuropsychologique et cognitif: l’AL est déterminée par des facteurs
tels que la motivation de l’élève, ses émotions, l’attention, les
processus de mémoire; chacun développe en outre son propre
style cognitif, qui lui permet de mettre en œuvre des stratégies
personnelles d’apprentissage; de plus, la langue se réfère à des
concepts et à des notions, ce qui fait que le développement
linguistique se fait en parallèle avec le développement cognitif.
Dans la didactique précoce des langues ces aspects acquièrent
une spécificité (cfr. 2), selon les diverses phases du développement de l’enfant, qui privilégie certains processus neurologiques,
active des systèmes de mémoire spécifiques pour l’apprentissage
et est poussé à la découverte de la langue par des motivations
très différentes de celles de l’adolescent ou de l’adulte;
c. culturel: langue et culture sont les deux faces de la même médaille;
les concepts qui sont sous-jacents à la langue sont déterminés
culturellement, de même que les formules linguistiques et les
comportements acceptés dans une situation communicative. Dans
ce cas aussi la didactique précoce des langues doit affronter la
16
Michele Daloiso
dimension culturelle de l’AL de manière spécifique, car d’une part
l’enfant ignore l’existence de cultures différentes de la sienne, et
d’autre part les situations de multiculturalisme sont de plus en
plus fréquentes. Objectif primaire le la didactique précoce des
langues est donc l’éducation à la diversité culturelle à travers la
découverte de la multiplicité linguistique (cfr. 4.1);
d. éducatif: l’acquisition d’une langue en contexte naturel et spontané
dépend de facteurs contextuels comme la qualité de l’input reçu,
le degré d’exposition à la langue, les contextes et les possibilités
d’utilisation de la langue; l’acquisition en contexte formel et institutionnel est plus influencée par des facteurs contextuels de type
éducatif comme la méthodologie, les matériels utilisés, le rapport
entre enseignant et élève, les relations à l’intérieur de la classe.
À notre connaissance, il n’y a pas aujourd’hui de réflexions épistémologiques spécifiques pour la didactique précoce des langues, mais nous
pensons que les principes énoncés, suivis depuis des décennies par
l’école vénitienne, permettent de tracer un modèle théorique dans lequel
la didactique précoce des langues contemporaine peut opérer.
Pour reprendre les aspects exposés ci-dessus, dans notre optique la
recherche sur l’enseignement précoce des langues devrait s’orienter
sur trois macro-aires, représentées sur le graphique suivant, et dont
l’interaction et l’intégration peut mener à la définition de modèles
didactiques spécifiques et efficaces.
L’enseignement précoce des langues etrangères
17
1.3.1 La dimension acquisitionnelle
Le premier domaine d’enquête concerne celui qui acquiert et la manière
dont il le fait; le premier pas pour une définition de la didactique précoce des langues est en effet la compréhension des mécanismes qui
sous-tendent chez l’enfant l’acquisition linguistique et le développement
général (cfr.2). Il est donc essentiel de connaître les particularités de
l’enfant, au niveau:
a. neuro-évolutif: périodes critiques et sensibles, degré de maturation
neuro-psychologique, bases neurales du dévelopement, etc.;
b. psycho-évolutif: motivation et émotion, développement de
l’identité, traits de caractère, stratégies d’apprentissage et et
caractéristiques intellectuelles;
c. neuro- et psycholinguistique: importance des données neuropsychologiques pour la compréhension de l’AL chez les jeunes
enfants.
Les domaines disciplinaires auxquels la didactique précoce des langues
peut se référer sont donc les neurosciences évolutives et cognitives,
du développement et de l’apprentissage, la neurolinguistique et la
psycholinguistique.
1.3.2 La dimension linguistique et culturelle
Le deuxième domaine d’intérêt concerne ce qui est acquis (cfr. 3), en
particulier:
a. les caractéristiques typologiques de la langue objet d’étude, ainsi
que ses ressemblances et différences avec la langue maternelle;
b. les étapes de développement linguistique et communicatif entreprises par l’enfant (phonologie, phonétique, morphologie et
syntaxe, fonctions communicatives, pragmatique), afin d’identifier
des parcours conjoints d’acquisition plurilingue;
c. le rapport entre langue et culture chez l’enfant, le développement
de son identité culturelle et la sensibilisation à l’interculture;
18
Michele Daloiso
d. le rôle de l’acquisition linguistique et culturelle dans le cadre du
développement général de l’enfant (socio-relationnel, émotif,
cognitif, moteur, sémiotique), dans le but d’intégrer l’enseignement de la langue dans un parcours éducatif plus vaste finalisé
au développement harmonieux de l’individu;
e. la définition d’un corpus de textes, qui constituent pour l’enfant
un input authentique au point de vue psychologique (comptines,
contes, histoires, etc.).
Les domaines disciplinaires auxquels la didactique précoce des langues
peut se référer sont donc la linguistique (tant typologique qu’acquisitionnelle), les sciences de la culture et en particulier de l’interculture,
la psychologie du développement.
1.3.3 La dimension méthodologique
La troisième aire de recherche concerne la façon d’enseigner précocement les langues (cfr. 4) et elle s’efforce de répondre à des questions
fondamentales, comme, dans l’ordre, les suivantes:
a. la définition des compétences pédagogiques, méthodologiques
et didactiques que l’enseignant de langue, qui est avant tout un
enseignant, doit posséder;
b. le choix d’une approche, c’est-à-dire d’une philosophie de fond
relative à l’acquistion/enseignement précoce des langues, dont
dépendront tous les autres choix didactiques;
c. la définition et la réélaboration de méthodes et méthodologies
cohérentes avec l’approche et en adéquation avec le contexte
spécifique; font partie de cet ensemble tous les problèmes relatifs
à l’opportunité d’une didactique des langues humaniste-affective,
d’une méthodologie constructiviste, de l’apprentissage coopératif;
d. le choix de techniques didactiques cohérentes avec l’approche et
la méthodologie, qui conviennent à l’AL précoce;
e. la gestion de la classe, et en particulier d’une part l’attention aux
dynamiques de groupe qui se créent quand on travaille avec des
L’enseignement précoce des langues etrangères
19
enfants et la mise en oeuvre de stratégies spécifiques pour gérer
des groupes souvent nombreux, d’autre part l’attention à chaque
élève pris individuellement, à ses besoins et à ses spécificités;
f. la sélection des matériels, eux aussi cohérents avec l’approche
et la méthodologie, et en même temps adaptés à l’enfant, au
niveau de:
− l’input linguistique;
− la charge cognitive;
− la pertinence par rapport à son monde.
Sur la base de ces critères on peut décider du mode d’utilisation
des contes et des récits en classe, et du choix des matériels
audio, vidéo ou multimédiaux les plus efficaces pour l’AL chez
les enfants.
Les domaines disciplinaires auxquels la didactique précoce des langues peut se référer dans ce cadre sont certainement les sciences de
la formation et de l’éducation; à la lumière de plus de trente ans de
recherche, toutefois, la didactique des langues a acquis une autonomie
disciplinaire telle qu’elle lui permet d’utiliser les instruments théoriques
et opérationnels qu’elle a élaborés elle-même.
1.4 Synthèse
Dans la carte conceptuelle ci-dessous nous résumons les dimensions
constitutives de la didactique précoce des langues.
20
Michele Daloiso
A la lumière de cette proposition épistémologique nous pensons que
l’élaboration de n’importe quelle approche et de n’importe quelle méthode pour l’éducation linguistique de l’enfant doit naître de l’interaction
et de l’intégration de la dimension de l’acquisition, de la dimension
linguistique et culturelle et de la dimension méthodologique. C’est
pourquoi nous consacrerons un chapitre à chacune de ces trois aires;
étant donné l’impossibilité, pour des raisons de place, d’approfondir de
façon exhaustive tous les aspects qui font partie des trois aires, nous
ne mettrons en évidence que certains aspects que nous considérons
importants, renvoyant à des lectures complémentaires pour un approfondissement.
L’enseignement précoce des langues etrangères
21
2. La dimension acquisitionnelle
Un des principes fondamentaux de l’approche humaniste-affective, à
laquelle se réfère l’école vénitienne, affirme la centralité de l’élève dans
le processus éducatif. Il est donc nécessaire de connaître l’élève, ses
caractéristiques et ses besoins linguistiques, communicatifs, cognitifs,
socio-relationnels, affectifs. Cela vaut en particulier pour l’élaboration
de modèles de didactique des langues qui s’adressent aux enfants. Par
rapport à la complexité de la dimension acquisitionnelle, dans ce chapitre nous concentrerons notre attention sur les précieux apports des
plus récentes recherches neuropsychologiques à la compréhension des
mécanismes qui sous-tendent toute acquisition chez l’enfant, en mettant
en évidence l’apport des recherches italiennes dans ce domaine.
2.1 Le rôle de la neurosensorialité dans le développement de
l’enfant
Au cours des premières années de sa vie, l’acquisition chez l’enfant se
produit grâce l’utilisation intégrée des sens, qui lui permettent d’explorer la réalité qui l’entoure et d’en faire l’expérience. Dès sa naissance
les organes sensoriels de l’enfant fonctionnent tous parfaitement . La
seule exception est constituée par le système visuel, dont la formation
se complète vers les 5 ans, avec l’augmentation du volume du globe
oculaire, qui rend la vision plus aiguë.
Ce qui manque à la naissance et qui ne se développera que grâce à
l’interaction avec l’environnement, c’est l’intégration des différentes
modalités sensorielles et l’attribution d’une signification et d’une
réponse adéquate à l’input de l’environnement. Cela n’est possible qu’à
travers la formation de connexions synaptiques stables: les sens sont
les portes à travers lesquelles pénètrent les informations et il se crée
un mécanisme qui fait qu’à un stimulus est associée une sensation et
une réponse; si la réponse de l’environnement est positive et si elle
se réitère des connexions synaptiques stables se créent. Quand il n’y a
plus stimulus, la connexion, si elle est stabilisée, ne disparaît pas, elle
est seulement défonctionnalisée et elle peut être réactivée quand le
stimulus est de nouveau répété.
22
Michele Daloiso
L’expérience neurosensorielle a donc un rôle fondamental pour l’enfant,
qui instinctivement recherche des stimuli, expérimente et manipule
les objets, et interagit avec son environnement, grâce à sa curiosité
innée pour le monde qui l’entoure. D’une part, donc, l’enfant explore la
réalité en la voyant, en la touchant, en la sentant, en la goûtant et en
l’entendant; d’autre part la réalité elle-même offre à l’enfant des stimuli
sensoriels à élaborer.
La formation de connexions stables, toutefois, demande du temps et
de l’expérience, et la stabilisation de certains canaux se fait grâce à la
réitération des stimuli. Il est en effet facile de faire apprendre quelque
chose à un enfant à court terme, alors qu’il est beaucoup plus complexe
de rendre cette information permanente. Qu’on pense, par exemple, à
l’installation de certaines habitudes au cours des premières années:
l’enfant adopte des techniques de sollicitation du milieu pour renforcer
les informations qui lui arrivent de l’environnement. Les provocations
délibérées face, par exemple, aux interdictions ne sont absolument
pas le signe d’un caractère problématique; il s’agit plus simplement de
tentatives que l’enfant accomplit pour intérioriser des concepts, des
notions ou des règles, qui, du point de vue strictement neurologique ne
sont rien d’autre que des canaux nerveux en voie de formation.
Une didactique précoce des langues respectueuse de l’enfant a par
conséquent le devoir de respecter et de favoriser l’intégration des
informations provenant des différents canaux sensoriels, grâce à des
activités didactiques centrées sur les stimulations neurosensorielles qui
impliquent plusieurs sens à la fois et qui permettent à l’enfant d’associer
la stimulation verbale en LE à des stimuli d’autre nature (cf. 4.4).
L’importance de la sensorialité dans l’AL précoce a été soulignée déjà
par Freddi (1990a, 1990b) et elle constitue aujourd’hui un des pivots
de la méthodologie ludique (cf. le troisième Document de la présente
collection, Caon, 2006). Au niveau neurologique la sensorialité ne
représente un véritable support à l’apprentissage que si elle mène à la
formation de canaux nerveux stables et permanents.
2.2 Plasticité cérébrale, périodes critiques et sensibles
La maturation neurologique de l’enfant est caractérisée par l’interac-
L’enseignement précoce des langues etrangères
23
tion entre les facteurs neuro-évolutifs suivants, qui déterminent la
plasticité cérébrale (Fabbro 2004): la densité neuronale, autrement dit
le nombre de cellules cérébrales; l’augmentation de la longueur des
parties du neurone qui reçoivent des informations d’autres neurones; la
myélinisation, un processus qui rend plus efficace la transmission des
informations; la formation de nouvelles connexions entre les neurones
(synaptogenèse); l’activité métabolique, qui atteint son niveau maximum entre 3 et 4 ans.
Toutes les aires du cerveau, même si c’est à des moments différents,
suivent le même parcours de maturation:
a. un accroissement rapide de la densité neuronale et de la synaptogenèse, qui dépend en partie de facteurs génétiques et en partie
de l’interaction de l’enfant avec la réalité environnante;
b. une lente réorganisation synaptique, qui dépend à la fois de la
fréquence des expositions aux stimuli et des réponses que l’enfant
associe aux stimulations;
c. le complètement de la maturation cérébrale, grâce à la stabilisation
des canaux nerveux, qui se recouvrent de myéline.
Le développement et le fonctionnement complets d’une certaine aire
cérébrale ne se produisent que lorsque la densité neuronale, l’activité
métabolique et la longueur des dendrites ont atteint les niveaux typiques
de l’adulte et que le processus de myélinisation est complété. Etant
donné que chaque aire a son propre rythme de maturation, un enfant
de 3 ou 4 ans a généralement déjà développé des habiletés visuelles et
motrices complexes parce que son système visuel-moteur est mûr, mais
il n’est pas encore capable de réaliser des tâches cognitives complexes,
de planifier ses actions et de contrôler les processus d’attention et de
concentration, puisque l’aire spécialisée dans ces opérations, le lobe
frontal, n’achèvera son développement qu’après 7 ans.
Au niveau de la didactique des langues, cela implique que l’enseignement
de la LE doit être constitué d’une série de brèves séances didactiques (cf.
4.6), se déroulant à des heures stratégiques et basées sur une variété
d’activités qui tiennent en éveil l’attention de l’enfant (cf. 4.5)
Les phénomènes neuro-évolutifs énumérés ci-dessus semblent déterminer des périodes critiques et sensibles pour l’AL (Cf. 1.2), hypothèse
Michele Daloiso
24
confirmée par un certain nombre d’études d’imagerie neurale sur des
sujets bilingues (Fabbro 2004), selon lesquelles si un enfant acquiert
deux langues entre 0 et 8 ans, la représentation des deux langues est
localisée dans les mêmes aires cérébrales. Chez les enfants qui, au
contraire, ont acquis la deuxième langue entre 3 et 8 ans, les deux
langues ne sont représentées que partiellement dans les mêmes aires,
bien que leur compétence dans la deuxième langue soit excellente; on
a observé en outre que la deuxième langue occupe en général une aire
plus étendue, qui nécessite donc plus d’énergie et un plus gros effort
cognitif pour être activée. Enfin, chez les individus qui ont appris une
deuxième langue après 8 ans, celle-ci est représentée dans des régions
du cerveau différentes de la langue maternelle, et plus étendues.
Ces considérations suggèrent l’opportunité d’une didactique précoce des
langues qui au niveau cérébral s’appuie sur la plasticité cérébrale de
l’enfant et sur la potentielle détermination de parcours nerveux stables
associés à la LE (cf. 4.4).
2.3 Mémoire et langage chez l’enfant
Tant dans la première que dans la deuxième enfance, les capacité mnémoniques de l’enfant dépendent de l’interaction entre la maturation des
systèmes de mémoire et le développement des stratégies de mémoire.
Les termes « maturation » et « développement » ne sont pas synonymes: par le premier, on entend l’ensemble des phénomènes physiques,
physiologiques et neurologiques qui déterminent génétiquement la
croissance, alors que par le second nous nous référons à l’ensemble des
changements qui reflètent l’interaction entre maturation et apprentissage
favorisés par l’environnement et les expériences (Sasso, 2004).
Chez l’enfant deux systèmes de mémoire distincts se développent:
a. la mémoire implicite,
b. la mémoire explicite.
Ces deux types de mémoire sont des composantes de la mémoire à long
terme, mais elles se distinguent:
L’enseignement précoce des langues etrangères
25
a. au niveau de la maturation, car elles murissent en des temps
différents et elles intéressent des aires cérébrales distinctes;
b. au niveau du développement, car elles sont liées à des stratégies
mnémoniques et cognitives que l’enfant apprend, utilise et perfectionne à partir de son rapport avec l’environnement.
Bien que les premières formes de mémorisation puissent être observées
déjà dans l’utérus maternel, au niveau de la capacité à reconnaître et
à distinguer certains sons, ces habiletés sont encore très élémentaires
et elles n’intéressent que les structures sous-corticales (Oliviero Ferraris
1990). La mémorisation de séquences et de procédures plus complexes
est possible à partir du huitième mois, quand commence la maturation
de la mémoire implicite, dont les caractéristiques sont:
a. automatisme: les connaissances sont organisées en procédures
et séquences d’actions de plus en plus automatiques;
b. casualité: l’acquisition des connaissances ne se fait pas selon une
séquence d’apprentissage spécifique et préméditée;
c. inconscience: l’enfant ne s’aperçoit pas qu’il apprend, et il n’est
pas en mesure d’expliciter verbalement ce qu’il a acquis;
d. niveaux attentionnels minimes: l’acquistion ne se produit pas grâce
à la focalisation et à des efforts d’attention, mais plutôt “en se
laissant aller”, et “en faisant”;
e. transversalité: il est possible d’engranger inconsciemment de nouvelles connaissances dans un domaine aussi pendant l’exécution
d’activités dans un autre domaine.
Ce type de mémoire est de type procédural, et elle mène à une amélioration des connaissances produite par la pratique et par l’automatisation progressive dans l’engrangement et dans la récupération des
informations.
La mémoire implicite atteint sa pleine maturité vers 36 mois et elle
joue un rôle central dans l’apprentissage chez l’enfant au cours de
la première enfance, et en particulier dans l’AL, puisqu’elle garantit
l’acquisition des aspects phonologiques et morpho-syntaxiques de la
langue sous forme d’automatismes insconscients (Fabbro 1996, 2004;
Aglioti et Fabbro 2006).
26
Michele Daloiso
En activant ces mécanismes de mémoire, l’enfant adopte les stratégies
de mémorisation liées à la pratique, comme par exemple:
a. la décomposition de la procédure à acquérir en actions isolées;
b. la répétition des actions d’abord une par une, puis par blocs et
enfin en une procédure entière automatisée.
Dès sa deuxième année l’enfant commence à développer également des
formes d’apprentissage volontaire et contrôlé; cela est possible grâce
au début de la maturation de la mémoire explicite (qui se complètera
vers sa septième année), dont les caractéristiques peuvent se résumer
ainsi:
a. conscience: l’enfant sait qu’il est est en train d’apprendre et il est
en mesure d’expliciter verbalement le contenu de l’apprentissage;
b. focalisation de l’attention: l’apprentissage se fait grâce à la capacité de concentration sur un input précis, réduisant au minimum
les possibilités de distraction;
c. niveaux attentionnels élevés: la mémoire explicite exige un haut
degré d’attention soutenue, et elle dépend donc de la maturation des aires cérébrales spécialisées dans l’attention et dans la
planification des tâches, qui se trouvent dans le lobe frontal et
qui mûrissent pleinement vers 7 ans;
d. multifonctionnalité: la mémoire explicite permet la mémorisation d’épisodes, d’événements et de scènes grâce à la mémoire
“épisodique”, et de connaissances théoriques, de notions et de
concepts grâce à la mémoire “sémantique”;
e. volonté d’apprentissage: l’enfant n’apprend que s’il décide de le
faire.
Alors que l’apprentissage au cours de la première enfance est garanti
surtout par la mémoire implicite, au cours de la deuxième enfance, qui
correspond à peu près à l’entrée de l’enfant à l’école primaire, ce sont les
processus de mémorisation explicite et le développement de stratégies
pour la mémorisation plus élaborées et plus conscientes qui jouent un
rôle beaucoup plus important.
D’autre part, au cours de la première enfance l’enfant tend à surévaluer
L’enseignement précoce des langues etrangères
27
ses capacités mnémoniques, et il n’est pas très conscient du fonctionnement réel de sa mémoire; par conséquent il active sa mémoire explicite au moyen de stratégies encore imparfaites, comme par exemple
toucher du doigt un objet ou le fixer longuement pour s’en souvenir
(pour un approfondissement, v. Daloiso 2006a). De plus, au cours de ses
premières années l’enfant recourt presque exclusivement à la mémoire
épisodique, en utilisant des techniques visuelles pour la mémorisation
consciente.
Entre la première et la deuxième enfance, au contraire, l’enfant commence à apprendre de nouvelles stratégies de mémorisation explicites,
comme par exemple:
a. la répétition de l’input pour le fixer;
b. la réélaboration de l’input;
c. l’enrichissement par expansions, une technique basée sur la
redondance, qui consiste à associer l’item à apprendre à d’autres
éléments selon différents critères (phonétiques,visuels, sémantiques, etc.).
Ces stratégies impliquent l’activation de la part de l’enfant de la mémoire sémantique, et donc la capacité à mémoriser en s’appuyant sur le
système conceptuel, et pas exclusivement sur le système iconique. Cela
vaut surtout pour l’acquisition du lexique, étant donné que la mémoire
explicite et l’activation de stratégies adéquates au contexte fournissent
à l’enfant les instruments pour acquérir le lexique aussi bien en langue
maternelle qu’en LE (Fabbro 2004, 2006).
2.4 La latéralisation cérébrale
Chez les enfants de 3 à 5 ans ne s’est pas encore complétée la latéralisation cérébrale, un processus qui stabilise les fonctions cognitives dans
des aires spécifiques des émisphères cérébraux et qui permet d’élaborer
les informations globalement et analytiquement. Ce n’est que vers 7 ans
en effet qu’arriveront à maturité:
a. les aires associatives secondaires des lobes, y-compris celles qui
Michele Daloiso
28
sont spécialisées dans l’élaboration linguistique, qui en réalité
entrent en fonction dès 36 mois, mais pas d’une façon stable et
coordonnée;
b. les fibres du faisceau arqué qui relie entre elles les aires du langage;
c. le corps calleux, qui relie les deux émisphères cérébraux, permettant la connexion entre les aires d’élaboration phonologique et
morpho-syntaxique (émisphère gauche) et les aires de stockage
et de récupération du lexique (émisphère droit). Cela explique
que les enfants de moins de 6 ans aient un vocabulaire passif
bien supérieur à leur vocabulaire actif; ce déséquilibre s’explique
en effet par le manque de connexion entre l’aire où sont stockés
les mots et l’aire de Broca, qui permet de les produire verbalement.
Bien que le degré différent de latéralisation entre un enfant de 3 ans et
un de 5 provoque des différences dans la façon d’élaborer les informations, généralement les élèves de cette classe d’âge ne sont pas encore
en mesure d’élaborer des stimuli selon des modalités cérébrales distinctes
(logique et analogique). C’est pourquoi ils recourent de préférence à une
élaboration unique et globale, qui implique simultanément de multiples
structures cérébrales. Le concept de latéralisation a des implications
extrêmement importantes pour la définition de parcours d’apprentissage
des langues pour les enfants et pour le choix d’un modèle opérationnel
qui respecte les caractéristiques cérébrales de l’enfant (cf. 4.6).
2.5 Synthèse
Dans ce chapitre nous avons essayé de mettre en évidence certains
aspects neuropsychologiques potentiellement intéressants pour la
didactique précoce des langues. Les neurosciences peuvent en effet
fournir un grand nombre d’informations sur les mécanismes activés par
l’élève pendant n’importe quel type d’acquisition. Nous avons mis en
évidence que:
a. la neurosensorialité, c’est-à-dire l’utilisation intégrée des sens,
L’enseignement précoce des langues etrangères
29
a un rôle central pendant n’importe quel apprentissage, et donc
aussi dans l’AL (cf. 2.1);
b. il existe des fenêtres temporelles précises et des phénomènes liés
à la plasticité cérébrale qui fournissent des indications sur l’âge
optimal pour l’acquisition de plusieurs langues (cf. 2.2) ;
c. l’enfant acquiert les langues en activant des systèmes de mémoire qui ne correspondent pas tout à fait à ceux de l’adulte (cf.
2.3);
d. l’élaboration cérébrale du langage chez l’enfant diffère de celle
de l’adulte à cause d’une série de facteurs neuro-évolutifs, dont
le plus important est la latéralisation cérébrale (cf. 2.4).
Les neurosciences offrent des modèles descriptifs du fonctionnement du
cerveau qui ne sont pas directement applicables à la pratique didactique.
Il est donc nécessaire de préciser les implications en didactique des
langues de ces connaissances. Au fil du chapitre l’exposition de chaque
aspect neuropsychologique a été accompagnée de brèves réflexions de
didactique des langues; celles-ci seront reprises plus systématiquement
dans le chapitre consacré à la dimension méthodologique de la didactique précoce des langues (cf. 4).
30
Michele Daloiso
L’enseignement précoce des langues etrangères
31
3. La dimension linguistique
On ne peut pas définir des approches et des méthodologies de didactique
des langues spécifiques pour l’enfance sans connaître l’objet d’étude,
à savoir:
a. la langue;
b. la culture qui y est associée;
c. les phases de l’AL par l’enfant.
Étant donné que le présent Document affronte la didactique précoce
des langues en termes généraux, nous nous concentrerons sur le troisième point, c’est-à-dire sur les phases de l’AL traversées par l’enfant,
afin d’évaluer les compétences linguistiques acquises par l’élève dans
sa langue maternelle. Nous affronterons en particulier l’AL pendant les
deux premières périodes critiques, en rappelant les connaissances qui
proviennent de quelques importantes recherches italiennes dans ce
domaine.
Malgré le choix que nous avons fait de limiter notre attention au point
“c”, nous reconnaissons l’importance pour la didactique précoce des
langues des études de linguistique typologique, qui offrent des descriptions précises des mécanismes de fonctionnement des différentes
langues du monde, et de linguistique textuelle, qui fournissent des
analyses détaillées des particularités linguistiques aussi bien des textes
pour enfants que de la langue des enfants.
Lorsque nous parlons d’AL, nous nous référons en réalité à un ensemble
d’habiletés et de répertoires divers, en partie indépendants et en partie
complémentaires : les compétences lexicale, phonologique, morpho-syntaxique, et fonctionnelle. Nous décrirons donc les principales étapes d’AL
dans chacun de ces domaines, tout en reconnaissant que ce que nous
dirons n’aura pas une valeur absolue, car il n’est pas toujours possible
de généraliser l’AL, en raison de la diversité typologique évidente des
langues du monde. L’objectif de ce chapitre est de mettre en évidence
les compétences que l’enfant possède dans sa langue maternelle au
moment de son entrée à l’école maternelle, et d’en tirer les premières
implications pour les premiers contacts avec la LE, qui seront reprises
plus systématiquement dans le prochain chapitre.
32
Michele Daloiso
3.1 Le développement lexical
Comme le démontrent de nombreuses études de linguistique acquisitionnelle, après les dix-huit mois on assiste à une véritable explosion
du vocabulaire:
a. réceptif: même s’il est extrêmement difficile d’enregistrer les
compétences lexicales réceptives d’un enfant de 2 ans, on estime
qu’il comprend plus de mille mots;
b. productif: il y a une forte variabilité du répertoire lexical au niveau
quantitatif; certains enfants à l’âge de 3 ans ont un bagage lexical
d’une centaine de mots, d’autres en possèdent plus de 700.
La variabilité du développement lexical est seulement de type quantitatif. Les différences au niveau typologique sont minimes : cela signifie
qu’il n’y a pas de différences entre les classes de mots qui composent
le vocabulaire de l’enfant. En particulier, au moment de leur entréeà
l’école maternelle, en général autour de trois ans, presque tous les
enfants possèdent un répertoire lexical qui comprend:
a. des expressions de rituels sociaux: salutations, permissions, interdictions, demandes, formules de politesse;
b. noms de persone;
c. des noms concrets, relatifs aux objets d’usage quotidien: lexique
de la maison, des jeux et des jouets; s’il a déjà fréquenté une
crèche, il est probable que l’enfant a déjà acquis des compétences
lexicales relatives à l’environnement scolaire (par exemple les
noms des objets de la section-classe);
d.des jeux de dénomination: onomatopées, utilisées à la place du
La plupart des données proposées ici sont le fruit d’importantes recherches italiennes de linguistique acquisitionelle, basées sur l’utilisation du MacArthur Comunicative
Development Inventory, un instrument (dont la version italienne est due à Caselli et
Casadio 1990), qui enregistre le développement des compétences lexicales et morphosyntaxiques d’un échantillon d’enfants, grâce à la collaboration des parents. Il s’agit
d’un questionnaire qui, rien qu’en Italie, a déjà été administré à plus de 500 parents
d’enfants d’un âge compris entre 8 et 30 mois.
L’enseignement précoce des langues etrangères
33
vrai nom de l’objet (par exemple, voiture devient toto, chat devient
miaou, chien devient wouaou-wouaou);
e. des mots de classe fermée: articles, prépositions et pronoms;
f. des verbes de sens concret et relié à des actions et états de la vie
quotidienne (par exemple, des verbes psychologiques et des verbes qui expriment des actions quotidiennes en famille, à l’école,
pendant les jeux avec des camarades);
g. des noms et des verbes abstraits, surtout à partir de 4-5 ans.
C’est pourquoi, tout en tenant compte des différences individuelles, on
peut considérer qu’à son entrée à l’école maternelle, l’enfant possède
déjà un bagage lexical bien précis, caractérisé aussi bien par des mots
de classe ouverte, le plus souvent liés au quotidien, que des mots de
classe fermée, comme les articles, les pronoms et les prépositions.
Il convient de remarquer également le rapport entre le lexique verbal
et le lexique gestuel: les enfants avec un vocabulaire actif très limité
suppléent à cette carence avec une utilisation abondante de la gestualité; ceux qui au contraire ont un vocabulaire très riche tendent
à ne pas produire de gestes nouveaux, et à diminuer la fréquence de
leur utilisation. Le rapport entre lexique et gestes doit donc être considéré comme inversement proportionnel. Il faut souligner cependant
que le manque de vocabulaire actif en langue maternelle n’est pas un
obstacle à la communication pour l’enfant qui arrive quand même à
atteindre ses buts pragmatiques et à communiquer avec ses pairs et
avec les adultes, en compensant ses carences lexicales avec le langage
mimico-gestuel.
En didactique précoce des langues, la connaissance des compétences
lexicales en langue maternelle peut favoriser la sélection d’un corpus
lexical en LE qui se réfère à des notions déjà acquises par l’enfant et
qui soit concret et significatif (cf. 4.3.1). Selon certaines recherches
psychologiques sur la représentation mentale bilingue, l’enfant aurait
ainsi la possibilité de former deux systèmes lexicaux distincts pour les
deux langues, mais tous les deux reliés directement à un seul système
conceptuel (v. le modèle présenté par Job dans Freddi 1987, qui tente
une synthèse de recherches internationales précédentes).
34
Michele Daloiso
3.2 Le développement phonologique et phonétique
Potentiellement à sa naissance l’enfant est en mesure de distinguer
les sons de toutes les langues, même s’il fait preuve d’une attention
préférentielle envers les sons de sa langue maternelle, à laquelle il a
été exposé déjà dans le ventre de sa mère. Ces capacités décroissent
dès la première année.
Pendant sa deuxième année, l’enfant a déjà développé un vaste répertoire, non encore stabilisé, de sons de sa langue maternelle, souvent
produits avec tous leurs traits phonétiques.
Une étape importante du développement phonologique consiste dans le
changement de l’unité d’acquisition phonétique: pendant ses premiers
mois, l’unité d’acquisition est le son isolé (qu’on pense à la période
du jeu vocal, aux alentours de 5 mois, et aux lallations qui suivent),
puis, de 12 à 18 mois c’est le mot entier, et seulement après ce sera
la syllabe. Il est probable que ce soit l’explosion du vocabulaire qui
pousse l’enfant à changer de stratégie d’acquisition, en adoptant un
critère phonétique, lié à la syllabe.
La période qui va de 2 à 5 ans est très délicate pour le développement
phonologique, car c’est au cours de cette phase que l’enfant affine sa
capacité à distinguer les phonèmes et que se stabilise définitivement
son inventaire phonétique. La stabilisation phonétique se situe dans le
cadre d’un processus évolutif plus ample, qui consiste en la création d’un
réseau de connexions entre sons, mots et concepts relatifs à sa langue
maternelle ; ce processus se produirait identique pendant l’exposition
précoce à une LE (Job, dans Freddi 1987).
Les signaux les plus évidents de la progressive stabilisation phonétique
sont justement les erreurs que l’enfant commence à commettre: il ne
s’agit pas principalement de prononciation fautive, mais d’erreurs liées
à la restructuration syllabique, duplication d’une syllabe, effacement de
syllabes non accentuées, réduction de groupes consonantiques (Bortolini, dans Sabbadini 1995).
Ces erreurs démontrent que l’acquistion phonologique ne concerne pas
seulement la prononciation correcte de sons isolés, mais surtout la
production de sons dans des contextes syllabiques. C’est pourquoi la
stabilisation phonétique ne se réalise pleinement que lorsque l’enfant
sera en mesure de prononcer correctement les sons avec tous leurs
L’enseignement précoce des langues etrangères
35
traits phonétiques et dans n’importe quel contexte phonétique de sa
langue maternelle.
La première conséquence didactique de ces connaissances concerne
l’importance de la dimension phonologique et phonétique dans l’acquisition d’une LE. Pendant cette phase de stabilisation, l’enfant a encore
la possibilité d’acquérir des sons qui n’appartiennent pas au système
phonologique de sa langue maternelle. Mais, pour que cela se produise,
l’input de LE doit être qualitativement élevé, afin que ne se fossilisent
pas des formes phonétiques fautives (cf. 4.3.2).
3.3 Le développement morpho-syntaxique
Au niveau de la compréhension l’enfant fait preuve dès ses premiers
mois d’une sensibilité à l’ordre syntaxique des mots et une préférence
attentionnelle pour les constructions phrasales qui s’accordent avec une
image qui leur est montrée. Au niveau de la production, une certain
nombre d’études italiennes (v. Chilosi et Cipriani 1993; De Vescovi et
Pizzuto, dans Sabbadini 1995) montrent que:
a. l’enfant commence à produire des énoncés constitués d’au moins
deux mots, dont le sens change selon l’intonation ou la position
syntaxique;
b. dès avant sa troisième année les phrases produites, qui gardent
un ordre syntaxique linéaire, s’enrichissent toutefois souvent du
verbe et de tous les compléments obligatoires. Les mots de classe
fermée, au contraire, sont omis systématiquement;
c. au cours de la troisième année, le nombre de phrases sans verbe
diminue de façon remarquable, et on enregistre une augmentation
progressive du nombre de phrases simples complètes, avec tous
les compléments obligatoires et quelques-uns facultatifs;
d. au cours de cette période sont aussi introduits les premiers mots
de classe fermée et l’enfant commence aussi à produire des phrases plus complexes, coordonnées et subordonnées, explicites et
implicites, même si ces dernières ne sont pas toujours complètes
ou grammaticalement correctes;
e. ce n’est qu’entre 4 et 6 ans qu’on assiste à l’acquisition des rè-
36
Michele Daloiso
gles de flexion nominale, adjectivale et verbale, et à l’utilisation
correcte des temps verbaux autres que le présent de l’indicatif.
De même que pour le développement lexical, pour le développement
de la morphosyntaxe on observe des différences individuelles de nature
quantitative, liées à la longueur moyenne des énoncés produits; ces
différences concernent toutefois les temps d’apprentissages, qui sont
variables selon les enfants, mais non les étapes de développement
morphosyntaxique, qui sont au contraire à peu près constants.
Au niveau didactique, le développement morphosyntaxique en LE suivra
les étapes parcourues en langue maternelle, et il pourra être consolidé
en présentant des chunks linguistiques à l’intérieur de situations avec
un haut degré de répétitivité, que l’enfant acquerra d’abord comme s’il
s’agissait d’un seul mot, pour en un deuxième temps les décomposer, en
découvrant la variation morphosyntaxique de la langue (cf. 4.3.3).
3.4 La dimension fonctionnelle
La langue que l’enfant apprend n’est pas uniquement un système formel,
constitué de règles de combinaison lexicale, phonologique et morphosyntaxique; c’est aussi un système fonctionnel, composé de règles sémantiques qui assurent l’association entre structures cognitives, formes
linguistiques et règles pragmatiques relatives à l’usage de la langue.
Avant encore de développer des compétences pragmalinguistiques spécifiques, l’enfant possède déjà des compétences pragmatiques, car:
a. il sait exprimer l’intentionalité communicative;
b. il se réfère à des personnes et à des objets en utilisant des signes
conventionnels, que ce soit des sons ou des gestes;
c. il sait distinguer l’information nouvelle de l’information connue;
d. il adopte des stratégies communicatives diversifiées pour obtenir
des résultats différents (Camaioni 1980).
La Longueur Moyenne de l’Enoncé est un indice de développement morphosyntaxique
au niveau quantitatif; il est calculé avec des procédures spécifiques (v. Brown 1973 et
Volterra 1986). Pour mesurer la LME, il faut disposer d’échantillons amples de langage
spontané (au moins une centaine d’énoncés), en divisant le nombre de mots (ou de
morphèmes) par le nombre total des énoncés.
L’enseignement précoce des langues etrangères
37
L’enfant pourra s’appuyer sur ces préconnaissances pragmatiques lors
du passage de la communication prélinguistique à la communication
linguistique.
Le développement pragmalinguistique de l’enfant consiste en un usage
de la langue de plus en plus adéquat au contexte communicatif, et,
surtout, en la capacité de se servir de la langue pour exprimer des
fonctions différentes. En croisant les données provenant de différentes
recherches dans le cadre de la linguistique fonctionnelle, il est possible
de faire l’hypothèse que très tôt l’enfant a développeé des compétences
dans les différentes fonctions communcatives. En particulier, selon le
modèle de Halliday proposé par Freddi (1990a) et Scaglioso (1990), à
l’âge de trois ans l’enfant apprend déjà les fonctions:
a. régulative-instrumentale, autrement dit la langue pour satisfaire
un besoin matériel et établir des règles du jeu; c’est la fonction
du “je veux” et du “faisons comme je dis”;
b. personnelle, qui permet à l’enfant de parler de lui-même et de
son monde; c’est la fonction du “me voilà”;
c. interpersonnelle, c’est-à-dire la langue pour interagir avec les
autres; c’est la fonction du “toi et moi”.
À partir de la quatrième année apparaissent les fonctions:
a. imaginative, qui permet à l’enfant de partager avec avec autrui
rêves, fantaisies et jeux symboliques; c’est la fonction du “faisons
semblant que”;
b. heuristique, c’est-à-dire la langue pour explorer l’environnement;
c’est la fonction du “dis-moi pourquoi”.
Ce n’est que plus tard qu’apparaît enfin la fonction métalinguistique,
liée à la capacité de réflexion sur le langage dans toutes ses dimensions
(communicative, phonologique, lexicale, morphosyntaxique).
Il existe plusieurs propositions de dénomination des différentes typologies de fonctions; nous nous référons ici à la classification proposée par Freddi (1990a), qui dérive
d’une intégration des modèles de Bülher, Halliday et Jakobson.
38
Michele Daloiso
En réalité une véritable hiérarchisation des fonctions communicatives
paraît impossible, et cela semble trouver une confirmation dans les résultats discordants des recherches sur ce sujet. La proposition de Halliday,
toutefois, peut être considérée acceptable dans ses grandes lignes, même
si nous considérons que le développement pragmalinguistique dépend
fortement de l’environnement de l’enfant, et en particulier du rapport
avec les figures éducatives et avec ses pairs; il est probable en effet
que le développement progressif des diverses fonctions communicatives
change selon le type de réactions et d’équilibres psycho-sociaux que
l’enfant instaure avec les autres.
Dans la didactique précoce des langues ces considérations impliquent que
la compétence socio-pragmatique de l’enfant doit être développée à partir
des fonctions communicatives qu’il utilise le plus, et qui varient selon son
âge et les phases de développement qu’il est en train de traverser. Les
différentes fonctions doivent en outre être introduites, exercées et fixées
à l’intérieur de textes qui présentent la langue associée aux fonctions dans
des contextes authentiques au niveau pragmatique (cf. 4.2). En cela la
contribution de la linguistique textuelle se révèle d’un grand secours.
3.5 Synthèse
Dans ce chapitre, qui pour des raisons d’espace s’est limité à l’exploration d’une partie de la vaste dimension linguistique, nous avons mis en
évidence la façon dont la linguistique acquisitionnelle peut contribuer
à la didactique précoce des langues:
a. en indiquant des étapes précises de développement de la compétence linguistique et communicative chez l’enfant;
b. en offrant des pistes d’implication didactique pour ce qui est de
la sélection des contenus linguistiques en LE, c’est-à-dire de la
définition d’un corpus d’éléments lexicaux, de formes phonétiques
et de structures morphosyntaxiques sur lequel fonder l’enseignement précoce des langues.
Dans le prochain chapitre, nous approfondirons les implications de cette
section, en les situant à l’intérieur d’une approche didactique pour
l’enseignement précoce de la LE.
L’enseignement précoce des langues etrangères
39
4. La dimension méthodologique
La connaissance des dimensions acquisitionnelle et linguistique permet
à la didactique précoce des langues de tirer quelques implications méthodologiques, qui contribuent à la définition d’approches, de méthodes
et de techniques efficaces et fondées scientifiquement.
4.1 L’approche formative à la langue étrangère
L’approche que nous allons proposer naît d’une vision de l’AL non comme processus autonome, totalement indépendant du développement
général de l’enfant, mais comme processus résultant de l’interaction de
différents facteurs évolutifs (cf. 2). Au cours des premières années de
sa vie, en effet, l’enfant atteint une maîtrise progressive de la langue
(ou des langues) à laquelle il est exposé, l’intégrant en même temps
avec d’autres modes d’expression (gestuelle, mimique, corporelle); il
apprend en outre à analyser les stimulations de son environnement,
en leur attribuant une sifgnification et en leur donnant une réponse
appropriée, et il active des stratégies cognitives de plus en plus complexes pour l’apprentissage.
Ces habiletés sont soutenues par la maturation des structures cérébrales
dédiées aux fonctions cognitives supérieures. L’AL est en effet conditionnée et permise par la maturation d’aires cérébrales spécifiques. Par
exemple l’acquisition lexicale ne peut avoir lieu que si la maturation
de la mémoire explicite a commencé (cf. 2.3). De même les capacités
attentionnelles et le développement qui s’ensuit de stratégies pour le
maintien ou le déplacement de l’attention ne peuvent se consolider
que vers 7 ans, au moment de la maturation des régions préfrontales
(cf. 2.2).
De plus l’AL est conditionnée par le dévelopement cognitif, qui dépend à
son tour de la maturation cérébrale. Par exemple, pour pouvoir attribuer
une signification aux expressions faciales, l’enfant doit avoir développé
des stratégies cognitives de reconnaissance des visages, qui dépendent
à leur tour de la maturation de l’aire temporale-occipitale; dans cette
aire se forment des neurones spécialisés, qui ne s’activent que pendant
la vision d’un visage. Cela signifie que l’enfant ne pourra acquérir, par
40
Michele Daloiso
exemple, l’adjectif « heureux », en l’associant à un visage qu’après
avoir développé des stratégies cognitives spécifiques, qui à leur tour,
dépendent de certains aspects de la maturation cérébrale. L’AL chez un
enfant de 3 à 5 ans est donc en rapport étroit avec la dimension cognitive: d’une part en effet la langue s’acquiert grâce au support de la
cognition et de la pensée, et de l’autre la langue elle-même contribue
au développement cognitif de l’individu.
Par conséquent, selon Freddi (1987, 1990a, 1990b, 1999), la didactique précoce des langues doit être considérée à l’intérieur de ce rapport
d’interdépendance entre langue et cognition. Selon lui, en outre, la LE
contribue à la formation générale de l’enfant aussi aux niveaux:
a. culturel et interculturel, car la langue est le miroir et le véhicule
de la culture du peuple qui la parle, et elle offre donc à l’enfant la
possibilité de connaître l’existence d’autres cultures et en même
temps d’apprendre à apprécier sa culture d’origine;
b. relationnel, puisque la langue permet à l’enfant d’entrer en rapport
avec le monde, d’interagir et de coopérer avec ses camarades,
développant des compétences socio-pragmatiques;
c. sémiotique, car le langage verbal n’est qu’un des codes expressifs
que l’enfant a à sa disposition et qu’il doit apprendre à l’intégrer
de manière consciente.
L’approche formative, de matrice vénitienne, naît justement de cette
vision de la LE, et de la langue en général, vue comme fortement interdépendante du développement général de l’enfant.
En didactique des langues s’est imposée depuis quelques années l’approche communicative, basée sur une conception de la langue comme
instrument de communication où la correction socio-pragmatique
précède la correction formelle. La « méthode naturelle » de Krashen se
rattache à cette approche, mais la dimension psychologique et affective
de l’AL y a une grande importance.
Tout en reconnaissant à l’approche communicative le mérite d’avoir
rendu à la langue sa valence pragmatique – contrairement à la vision
structuraliste – la didactique italienne des langues a souligné, dans
des études désormais classiques (Freddi, Titone, Perini, Cambiaghi,
Porcelli) que la fonction instrumentale n’est pas la la seule remplie par
L’enseignement précoce des langues etrangères
41
la langue dans l’éducation ; elle a en effet également un rôle formatif,
car elle offre à l’élève un instrument supplémentaire, la LE, pour son
développement cognitif, culturel, relationnel, sémiotique.
La dimension formative de la langue est d’autant plus importante qu’on
opère avec des enfants de 3 à 5 ans, qui traversent encore les phases
initiales de leur développement cognitif, psychologique et social, et qui
ont donc à leur disposition des instruments, des stratégies, des connaissances sur le monde encore incomplets (cf.3). A 4 ans, par exemple,
souvent les enfants n’ont pas encore conceptualisé les couleurs dans
leur langue maternelle. Comment faire pour leur enseigner les noms
des couleurs en LE si auparavant on ne les aide pas à développer de
concept de couleur? De plus, les enfants de 4 ans connaissent approximativement le contraste chaud/froid, mais il leur manque l’expérience
pour distinguer bouillant/glacé, tiède/frais. Comment enseigner ces
mots à l’enfant s’il n’a qu’une expérience, et donc une conceptualisation
sommaire du chaud et du froid?
Sur la base de ces considérations, on conclut à la nécessité d’une approche formative pour l’enseignement précoce de la LE, qui (Daloiso
2005):
a. naît de la constatation que l’AL à un âge précoce ne peut pas se
concevoir indépendamment du développement général de l’enfant ;
b. propose en conséquence un raccord entre enseignement de la LE
et éducation générale;
c. tient grand compte de la dimension affective de l’apprentissage;
d. sauvegarde toutefois aussi la vision instrumentale de la LE, en
respectant l’inclinaison de l’enfant à satisfaire ses besoins pragmatiques, c’est-à-dire jouer, communiquer, faire l’expérience de
soi, d’autrui et du monde, y-compris au moyen de la langue.
4.2 La définition de buts et objectifs didactiques dans une
perspective formative
Selon l’approche formative, l’apprentissage précoce de la LE doit se fixer
avant tout des buts éducatifs généraux, comme:
42
Michele Daloiso
a. l’autoréalisation, c’est-à-dire éprouver de la satisfaction à utiliser
la LE, comme instrument supplémentaire pour jouer, parler et faire
des expériences significatives;
b. la croissance cognitive, c’est-à-dire utiliser la LE comme environnement d’apprentissage, comme instrument supplémentaire
pour l’exploration, la manipulation et la conceptualisation de la
réalité;
c. la croissance culturelle: découvrir l’existence d’autres cultures et en
même temps prendre conscience de sa culture d’appartenance;
d. le développement socio-relationnel: utiliser la LE pour s’exprimer
et pour communiquer avec les autres, en développant des compétences sociales,
Aux buts éducatifs généraux s’ajoutent les buts didactiques spécifiques
de la LE pour les enfants, buts liés à la dimension linguistique et communicative de la langue.
Les buts traditionnellement reconnus à la didactique des langues (Balboni 1998) concernent:
a. la compétence communicative et métacommunicative;
b. la compétence mathétique linguistique, c’est-à-dire la capacité
d’apprendre une langue.
Pour ce qui concerne la compétence communicative et métacommunicative, pour les enfants qui sont dans les deux premières périodes
critiques (cf. 2.2):
a. les habiletés à développer sont de nature orale et elles concernent
aussi bien la dimension réceptive, c’est-à-dire savoir écouter et
comprendre, que la dimension productive, c’est-à-dire savoir parler
(monologue et dialogue);
b. la compétence socio-pragmatique doit être développée à partir des
fonctions communicatives les plus proches du monde de l’enfant
(cf. 3.4); les fonctions les plus importantes pour l’enfant sont
donc les fonctions:
− personnelle, qui permet à l’enfant de parler de lui-même;
− interpersonnelle, qui contribue à la socialisation;
L’enseignement précoce des langues etrangères
43
− imaginative, qui permet de partager des rêves, des situations
imaginaires, des jeux symboliques;
− régulatrice, qui permet à l’enfant d’établir et de formuler les
règles des jeux.
La fonction métalinguistique au contraire, sera développée
implicitement: l’introduction de la LE fera prendre conscience
à l’enfant qu’à un même signifié peuvent correspondre des
signifiants différents dans des langues différentes et que la
structure phrasale change d’une langue à l’autre;
c. les fonctions communicatives se réalisent dans des situations
proches de la réalité de l’enfant, comme les routines scolaires,
les situations structurées où la langue a un rôle significatif, ou
bien le jeu, où la langue est essentielle aussi bien pour établir
les règles que pour le réaliser;
d. le développement des habiletés linguistiques liées aux fonctions
communicatives doit se faire en rapport étroit avec le développement de la compétence textuelle. Pour chaque fonction de la
langue on peut trouver des genres textuels proches des intérêts
et des besoins de l’enfant:
− fonction personnelle: confidence (exprimer son état d’âme et
son état physique, ses émotions, ses préférences);
− fonction interpersonnelle: les phases de régulation interpersonnelle dans une conversation;
− fonction imaginative: comptines, contes, récits fantastiques;
− fonction régulatrice: modes d’emploi de jouets, recettes de
cuisine, règles d’un jeu.
À côté des buts didactiques, on doit établir également des buts mathétiques, c’est-à-dire liés à la conscience du processus d’AL. La compétence
mathétique pour ce qui concerne une LE comprend :
a. une compétence métacognitive, qui permet de mettre en oeuvre
consciemment et volontairement des stratégies cognitives efficaces pour apprendre contenus et habiletés;
b. une compétence métamnémonique, qui permet d’avoir conscience
des stratégies pour stocker, fixer et récupérer des informations,
et de contrôler les processus qui influencent les opérations mné-
44
Michele Daloiso
moniques (concentration, autocontrôle, inhibition de stimuli non
pertinents);
c. une compétence méta-émotionnelle, qui consiste à savoir contrôler émotions et sentiments qui peuvent influencer négativement
l’apprentissage linguistique.
Si nous prenons par exemple le point “b”, nous avons déjà vu que tout
petit l’enfant développe non seulement des systèmes de mémoire spécifiques, mais aussi des stratégies de mémorisation qui y sont liées,
dont il est partiellement conscient (cf. 2.3). Dans l’élaboration du
curriculum, on peut par conséquent prévoir aussi des buts de caractère mathétique qui concernent par exemple la dimension métamnémonique de l’AL, en particulier: reconnaître l’existence de stratégies
mnémoniques explicites qui favorisent le souvenir conscient; savoir
reconnaître certaines des stratégies mnémoniques mises en œuvre
pendant les activités; savoir que l’oubli existe; avoir conscience que
l’apprentissage peut être influencé par des facteurs extérieurs, comme
la fatigue et la distraction.
Si l’enseignement de la LE s’adresse à des enfants de l’école primaire,
on devra projeter un curriculum qui tienne compte tant de la dimension
opérationnelle de la langue, soutenue par la mémoire implicite, que la
dimension métalinguistique, soutenue par la mémoire explicite, c’està-dire la « mémoire du savoir ». L’enseignant pourra se fixer des buts
métamnémoniques, comme: savoir réfléchir sur les stratégies mises en
œuvre pendant les activités; savoir juger de l’efficacité et de l’utilité
d’une stratégie; savoir activer consciemment une attention soutenue;
savoir organiser le matériel à apprendre de façon à en faciliter la mémorisation (par exemple, en subdivisant le matériel en petites parties
à mémoriser, en utilisant des couleurs pour mettre en évidence, en
s’appuyant sur des éléments extralinguistiques).
Les buts formatifs et didactiques doivent ensuite être traduits en objectifs
didactiques. Il n’est pas possible ici de spécifier tous les objectifs possibles,
car cela signifierait énumérer les contenus fonctionnels, lexicaux, morphosyntaxiques qui composent la compétence linguistique et communicative,
ainsi que les processus nécessaires pour réaliser les différentes habiletés.
Nous pouvons cependant indiquer les types d’objectifs à poursuivre. Il
faut en effet distinguer:
L’enseignement précoce des langues etrangères
45
a. les objectifs formatifs, de type cognitif, relationnel, culturel et
interculturel, et sémiotique;
b. les objectifs linguistiques et communicatifs, à préciser en termes
d’habiletés et de contenus (fonctions, lexique, morphosyntaxe,
genres textuels, etc.).
Dans une optique formative de la LE, les objectifs de type “a” sont
prioritaires par rapport à ceux du type “b”, dans le sens que ces derniers
doivent être sélectionnés dans la langue réellement nécessaire à l’enfant
pour expérimenter, manipuler et conceptualiser la réalité, autrement
dit pour sa formation.
4.3 La sélection des contenus linguistiques dans une optique
formative
L’approche formative implique aussi que les contenus linguistiques aux
niveaux lexical, phonétique, morphosyntaxique soient sélectionnés sur
la base de la connaissance des phases de développement que l’enfant
a déjà dépassées dans sa langue maternelle (cf. 3). Le principe qui
gouverne la sélection des contenus est double:
a. toutes les dimensions de la langue doivent être développées harmonieusement, de la phonologie à la morphosyntaxe, du lexique
aux fonctions communicatives;
b. à l’intérieur de ces dimensions il y a des aspects qui sont prioritaires par rapport à d’autres, car les caractéristiques neuropsychologiques de l’élève en favorisent l’acquisition précoce (pour un
approfondissement, v. Daloiso 2006b).
4.3.1 La dimension lexicale
Le lexique à proposer en LE doit être choisi selon au moins deux critères: il doit être:
a. concret;
b. significatif: il faut tenir compte du degré d’utilité et de familiarité
de certains domaines lexicaux pour l’enfant.
46
Michele Daloiso
Il faut donc préférer les aires lexicales comme la description personnelle, le contexte familial, le milieu scolaire, les animaux, les jeux et
l’imaginaire, la nature, l’alimentation. Il s’agit de domaines lexicaux
qu’un enfant de trois ans connaît déjà, indépendamment de l’étendue
de son répertoire lexical dans sa langue maternelle (cf. 3.1).
L’acquisition des rituels sociaux, des pronoms personnels et des adjectifs
possessifs en LE est également importante, car ce sont des formes dont
l’enfant sent le besoin à cet âge, pour construire son identité et pour se
situer dans le contexte social où il se trouve (Molinari 2004). Au niveau
linguistique, en outre, les pronoms font partie des mots à classe fermée,
de même que, par exemple, les articles et les prépositions qui suivent des
règles morphosyntaxiques et d’usage différentes d’une langue à l’autre, et
qui sont plus difficiles à acquérir plus tard. Les données des neurosciences
nous poussent à croire qu’il est donc préférable de consacrer une attention
particulière à l’acquisition des mots de classe fermée dès le plus jeune âge
(cf. 1.2 et 2.2); il semble au contraire que pour l’acquisition des mots de
classe ouverte il n’y ait pas de période critique, et que par conséquent le
lexique puisse s’enrichir sans problèmes plus tard.
4.3.2 La dimension phonétique et phonologique
Au niveau phonologique, l’enfant qui va à la crèche ou à l’école maternelle vit une phase de stabilisation progressive de l’inventaire phonétique et d’affinement des stratégies de discrimination phonétique et de
production orale dans sa langue maternelle (cf. 3.2). C’est une phase
très délicate, qui exige de la responsabilité de la part des enseignants,
en particulier de celui de langues.
La rencontre avec une LE peut se révéler une occasion pour enrichir un
inventaire phonétique non encore stabilisé avec des sons caractéristiques de cette langue. Pendant sa première enfance, l’enfant n’est pas
encore fortement conditionné par les « filtres culturels » dérivés de la
phonétique et de la graphie de sa langue maternelle. Alors qu’un adulte
est désormais habitué à des sons et à des combinaisons phonétiques
particulières, qui ne lui font percevoir la pertinence que de certaines différences, et qui pour cette raison tend à interpréter les sons étrangers selon
la prononciation la plus proche de sa langue maternelle, l’enfant possède
L’enseignement précoce des langues etrangères
47
une plasticité phonologique suffisante pour apprendre de nouveaux sons
avec tous leurs traits phonétiques (Cigada, en Porcelli 1993).
Développer la dimension phonologique en LE est donc fondamental, aussi
parce que, une fois la deuxième période critique passée, c’est-à-dire
vers les 8 ans, l’accent étranger commence à s’installer, et il devient
extrêmement difficile d’acquérir une prononciation proche de celle d’un
natif (cf. 1.2 et 2.2).
Cela nous mène à réfléchir sur la nécessité pour l’enseignant d’améliorer
constamment ses compétences phonétiques en LE, pour offrir un input
de haute qualité au niveau phonétique. Un enseignant qui a des difficultés en ce sens devra compenser ses carences en utilisant du matériel
phonétiquement authentique (enregistrements audio-visuels, cassettes,
CD-Rom), pour ne pas proposer un modèle linguistique contenant des
formes phonétiques incorrectes, qui, une fois apprises, sont difficiles
à éradiquer chez l’enfant.
4.3.3 La dimension morphosyntaxique
De l’analyse du développement morphosyntaxique en langue maternelle
(cf. 3.3) découle la nécessité que la LE soit présentée dans le cadre de
situations familières à l’enfant, et avec un haut degré de répétitivité : ce
sont là les « formats » de la théorie pédagogique de Bruner, c’est-à-dire
des formes d’interaction sociale structurées par l’adulte, qui permettent
à l’enfant d’effectuer des séquences d’actions coordonnées, d’abord
en reconnaissant et en associant la langue aux situations, ensuite en
opérant et en réfléchissant sur celle-ci.
Généralement les structures éducatives pour les enfants offrent une
variété de situations répétitives qui se prêtent bien à être associées à
des routines linguistiques en LE. Cette association a aussi l’avantage
d’insérer la langue dans une situation communicative spécifique, en
offrant des structures linguistiques généralement simples et en tout
cas compréhensibles grâce au contexte (cf. 4.2).
La modalité opérationnelle pour introduire la LE dans les routines suit
souvent la logique de la Réponse Physique Totale (TPR): on donne des
ordres aux enfants en les accompagnant de gestes et de mimiques.
Etant donné qu’il s’agit de situations très familières, l’enfant pourra se
48
Michele Daloiso
concentrer sur le message linguistique et exécuter les actions répétitives
en les associant à des énoncés en LE.
4.4 Réaliser l’approche formative au moyen de la méthodologie
ludique
L’approche formative doit se concrétiser en une méthode, autrement dit
un ensemble cohérent de principes méthodologiques et didactiques qui
la traduisent en modèles opérationnels, en matériels et en indications
didactiques (Balboni 2006). Pour la didactique précoce des langues, on
parle souvent de méthodologie ludique, bien que parfois on la confonde
avec la simple présentation de jeux. En réalité, cette méthodologie
attribue au jeu et à la langue une valeur stratégique pour le développement d’habiletés linguistiques, mais aussi cognitives, relationnelles et
culturelles (Freddi 1990b, Caon et Rutka 2004, Caon 2006), répondant
ainsi à une vision complexe du développement de l’enfant, qui se réalise
à travers des objectifs linguistiques et formatifs.
Cette méthodologie constitue une réalisation valable de l’approche
formative, à condition qu’elle respecte et qu’elle seconde les mécanismes naturels d’AL chez l’enfant. Le contact précoce avec les langues à
travers la méthodologie ludique devra en effet:
a. s’appuyer sur les stratégies d’acquisition implicite de la langue que l’enfant a déjà adoptées pour acquérir sa langue maternelle (cf. 2.3);
b. proposer par conséquent des parcours d’acquisition implicite, où
la LE fasse partie intégrante d’un environnement d’apprentissage
dans lequel les enfants puissent s’en servir pour vivre des expériences significatives pour leur croissance, en créant en même temps
par la pratique des automatismes linguistiques;
c. donner sa place à la dimension opérationnelle de la langue, c’està-dire à l’utilisation de la langue “pour faire des choses”, par
exemple construire les matériels d’un jeu, inventer une chanson
ou une comptine, réaliser des activités d’exploration et de conceptualisation aussi en LE;
d. promouvoir le développement neurosensoriel de l’enfant, en favorisant la stabilisation des connexions synaptiques, au moyen
L’enseignement précoce des langues etrangères
49
d’activités linguistiques impliquant simultanément différentes
modalités sensorielles (cf. 2.3) et offrant des inputs:
− constants, de façon que la réitération des stimuli favorise
la formation et la stabilisation de canaux nerveux précis et
garantisse la fixation des informations dans les structures de
la mémoire implicite (cf. 2.3);
− graduels, c’est-à-dire adaptés au degré de maturation que
l’enfant a atteint au moment où l’input est proposé;
− ordonnés et cohérents, pour éviter que la confusion des informations rende difficile leur intégration au niveau nerveux et
ralentisse donc les processus d’apprentissage.
À la lumière de ces considérations, adopter une méthodologie ludique à
l’école maternelle ne sera neurologiquement fondé, et donc respectueux
des modalités d’apprentissage de l’enfant que si elle a les caractéristiques décrites.
4.5 Techniques pour le contact précoce avec la langue
Pour réaliser l’approche formative, la méthodologie ludique (cf. 4.4)
propose une série de techniques didactiques fondées sur le jeu. En
partant des plus importantes classifications proposées dans le cadre de
la recherche italienne (Freddi 1990b; Caon et Rutka 2004; Caon 2006),
nous proposons quelques réflexions sur les techniques qui se prêtent
le mieux à un contact précoce avec la LE.
4.5.1 Jeux fonctionnels, symboliques et jeux de règles
Les jeux ont un rôle privilégié dans la méthodologie ludique, car ils
font déjà partie du monde de l’enfant en-dehors du contexte scolaire.
Le contact avec la LE au cours de la première enfance pourra s’appuyer
surtout sur:
Michele Daloiso
50
Type de jeu
Caractéristiques
Fonctionnels
Ils sont bien connus de l’enfant,
car c’est à travers eux que dès ses
premiers mois il a commencé à
acquérir la langue et à explorer la
réalité.
Symboliques
Jeux de règles
Activités didactiques
Répétitions
Compositions et
décompositions
linguistiques
Jeux d’encastrements
Chaînes
Jeux sur les ensembles
Ils apparaissent dès la deuxième
Activités expressives,
année, ils sont liés à l’intelligence
rythmiques et musicales
représentative (capacité de
Comptines
représenter un objet absent),
Exercices de
à la capacité imitative et au
transcodification
développement sémiotique.
Jeux de mémoire
Dramatisation
Simulation
Jeu de rôle
Ils pourront être introduits à partir Jeux de schéma (Serpents
de 5 ans, puisqu’ils requièrent
et escaliers, Bingo, Bataille
la collaboration et le respect de
navale, Tris, associés à des
règles. La difficulté à proposer ce
exercvices de langue)
genre de jeux à des enfants de
Jeux d’extérieur (cache3 ou 4 ans est due au fait qu’ils
cache, colin-maillard,
exigent l’activation de l’intelligence mouchoir, associés à des
réfle-xive, qui ne mûrit que vers 7
exercices de langue)
ans, et des compétences sociales
et relationnelles, que les enfants
commencent à maîtriser vers 5 ans.
4.5.2 Les activités basées sur la Réponse Physique Totale (TPR)
Peuvent être considérées ludiques aussi les activités basées sur la
méthode de la TPR, qui relève de l’approche communicative humanisteaffective et considère l’AL un processus lent, basé essentiellement sur
des expériences réceptives, facilement bloqué par des événements frustrants et anxiogènes, et basé sur l’implication de toutes les modalités
expériencielles de l’individu. A la base de la méthode TPR, qui consiste
à fournir aux apprenants un input verbal constitué d’ordres, auquel ils
doivent répondre en les exécutant, il y a la conviction que les habiletés
L’enseignement précoce des langues etrangères
51
de compréhension orale sont centrales dans l’enseignement d’une langue,
surtout au début du parcours d’apprentissage: au cours de cette phase
de l’AL, en effet, l’enfant, tout en commençant à comprendre la nouvelle
langue à laquelle il est exposé, ne se sent pas encore en mesure de
l’utiliser. Dans l’optique de la méthodologie ludique élaborée par l’école
vénitienne, les activités TPR:
a. respectent la psychologie de l’enfant, en ne forçant pas les élèves
à la production s’ils ne sont pas encore prêts à parler;
b. respectent la neurosensorialité de l’enfant, car elles sont basées
sur l’input linguistique, accompagné et intégré de la gestualité,
de la mimique, du langage des objets (cf. 2.1 et 4.4);
c. considèrent le rapport entre langue et gestualité essentiel dans le
développement langagier de l’enfant (cf. 3.1);
d. offrent à l’enseignant un feedback immédiat sur la compréhension
du message, ce qui lui permet d’adapter continuellement l’input
sur la base des rythmes effectifs d’apprentissage des élèves;
e. peuvent être échelonnées, et présenter ainsi un input de complexité progressive, à partir d’ordres simples comme “ouvre la
fenêtre”, pour arriver à de longues séquences d’actions.
4.5.3 Techniques pour la compréhension orale
Le développement de la compréhension en LE doit se faire dans le
cadre de situations et de contextes familiers à l’enfant (cf. 4.2), et
donc aussi à partir des genres textuels qu’il préfère, comme le conte.
Il n’est toutefois pas pensable que l’enseignant se limite à la lecture
en LE d’un conte, qui du reste aurait peu de chances dêtre compris par
les enfants puisque la langue utilisée dans les récits pour enfants est
souvent difficile d’accès pour les étrangers, à cause de la fréquence des
diminutifs et des formes péjoratives, de l’abondance des adjectifs et des
formules typiques de ce genre textuel. Le texte doit donc être présenté
à l’intérieur d’un parcours de compréhension qui inclue:
a. une phase de pré-écoute, réalisée au moyen d’activités didactiques
qui introduiront les noms des personnages en LE et les mots-clés
52
Michele Daloiso
de l’histoire; sont donc utiles les activités d’appariement motimage sous forme orale, ou les exercices vrai-faux, où l’enseignant
de LE fait voir aux enfants l’image d’un personnage et dit “C’est
…”; les enfants devront répondre seulement oui/non, montrant
ainsi s’ils ont compris le nom du personnage;
b. une phase d’écoute d’une version simplifiée du conte, qui en un
premier temps pourrait n’être constituée que de brèves phrases
en LE qui résument l’histoire, accompagnées des images relatives.
Au fur et à mesure que la compétence des élèves augmente, il est
possible de rendre le texte du conte plus articulé, en introduisant
par exemple, le dialogue entre les personnages;
c. une phase après-écoute, au cours de laquelle on peut proposer des
activités pour la vérification de la compréhension; l’enseignant
pourrait par exemple relire certaines phrases de l’histoire en changeant un ou plusieurs mots, de façon à modifier complètement le
sens; les enfants devront reconnaître s’ils sont justes ou faux, et
éventuellement les corriger. On peut proposer aussi des activités
de remise en ordre des séquences de l’histoire à partir des images.
Si la compétence productive des enfants le permet, il est possible
de réaliser des activités qui vont de la dramatisation au jeu de
rôle, où les élèves produisent de façon autonome des dialogues
plus ou moins brefs et peuvent aussi bouleverser les contenus et
la fin du conte. Il faut dire qu’en général les contes traditionnels,
sous leur forme narrative, se prêtent mal à la dramatisation, car
ils présentent un nombre limité de personnages, ce qui exclurait beaucoup des enfants de la classe. Il faut donc adopter des
solutions stratégiques pour faire participer toute la classe, par
exemple en enrichissant la trame avec d’autres personnages, ou
en faisant en sorte que le même personnage soit interprété par
des enfants différents à des moments différents de l’histoire.
4.5.4 Les activités pour les “expériences éducatives”
Dans les écoles maternelles la croissance de l’enfant est favorisée
par une série de parcours d’apprentissage, pendant lesquels l’enfant
expérimente la réalité, en la découvrant, en la manipulant, et enfin
L’enseignement précoce des langues etrangères
53
en la conceptualisant. Sont donc des expériences éducatives les parcours d’apprentissage finalisés, par exemple, à la conceptualisation
des couleurs et des formes géométriques, à la découverte du son et
du rythme, de son propre corps et du mileu environnant, à l’intériorisation d’aspects culturels (la conception du temps, la nourriture et
la cuisine nationale et étrangère).
Même si elle ne fait pas expressément partie de la tradition didactique,
l’organisation d’expériences éducatives, en accord avec les collègues,
peut être utile aussi pour l’enseignant de LE. En effet, dans une optique
formative, et pas seulement instrumentale, de la LE, attribuer un rôle à
la LE dans le développement général de l’enfant signifie aussi projeter
avec les autres enseignants des expériences éducatives communes, qui
permettent d’atteindre des objectifs formatifs à travers des activités tant
en langue maternelle qu’en LE, à condition que cette dernière soit utile
au déroulement de ces activités et constitue le véhicule pour atteindre
les objectifs formatifs (cf. 4.1 et 4.2). Sur le plan de l’organisation,
cela signifie que l’intervention de l’enseignant de LE n’interrompt pas le
parcours éducatif en cours, mais s’y insère et l’intègre naturellement ;
la condition pour que cela se réalise est une programmation éducative
commune entre tous les enseignants, indispensable pour une approche
formative à la didactique précoce des langues.
4.6 L’Unité d’Acquisition comme modèle opérationnel à la mesure
de l’enfant
De nombreux modèles opérationnels offerts par la didatique des langues
contemporaine se basent sur la vision de l’AL comme processus qui
implique le cerveau dans sa totalité, activant d’abord l’émisphère droit
pour l’élaboration globale du message, ensuite l’émisphère gauche pour
l’élaboration analytique, enfin les deux à la fois pour la réélaboration
synthétique de la langue (Danesi 1998; 1998).
Plus précisément l’émisphère gauche s’active pour la compréhension et l’élaboration
du langage littéral, au niveau phonétique et syntaxique, alors que l’émisphère droit
élabore les aspects lexicaux et le contenu émotionnel du message.
54
Michele Daloiso
Cette conception reflète les modalités de l’AL chez l’adolescent et
l’adulte, mais pas chez l’enfant, car l’alternance entre élaboration globale
et analytique du message n’est possible qu’après la latéralisation cérébrale, qui mène à la spécialisation des aires cérébrales pour différentes
fonctions cognitives et à la possibilité d’élaborer les informations de
façon globale et analytique (cf. 1.2 et 2.2).
À cause de la latéralisation incomplète, au lieu d’élaborer les stimuli
selon des modalités cérébrales distinctes, au cours de la première enfance l’enfant privilégie une élaboration unique et globale, qui implique
simultanément de multiples structures cérébrales. Les capacités analytiques de l’enfant augmentent au fur et à mesure que la latéralisation
progresse, ce qui fait que l’élaboration cérébrale n’est pas la même à 3
ans et à 5 ans. C’est pourquoi à des enfants de 3 ans on ne peut présenter
que des activités qui les impliquent globalement, sans interrompre leur
expérience du monde pour les faire réfléchir sur celle-ci: aux enfants
de 5 ans, il sera possible de proposer de brefs moments de réflexion,
qui toutefois devront être vus comme le résultat naturel de l’expérience
accomplie personnellement par l’enfant.
La tradition en didactique des langues offre deux modèles distincts par
leur finalité et leur structuration (Balboni 2002):
a. le module, né des besoins de formation continue de la société
contemporaine, qui n’est pas adapté à la didactique précoce des
langues, car il met l’accent sur le produit acquis, au moyen d’un
système de certification et de crédits, alors que la didactique
précoce des langues se focalise sur le processus d’acquisition
des langues, et sur les retombées positives qu’une expérience
de contact précoce avec la LE peut avoir sur le développement
général des élèves;
b. l’unité didactique, qui a ses racines dans la théorie de la Gestalt
des années 30 du XXe siècle et qui propose une vision de la perception humaine rythmée par trois moments distincts: globalité,
analyse, synthèse. À partir des années 60 et 70 ce modèle a été
proposé aussi pour l’enseignement des langues, et sa validité
pour l’élève adolescent et adulte fut confirmée par la suite par
plusieurs études neurophysiologiques. L’Unité Didactique prévoit
l’organisation de parcours longs, d’une durée qui peut arriver à 6-8
L’enseignement précoce des langues etrangères
55
heures, et très structurés. La séquence traditionnelle de l’Unité
Didactique se révèle inapplicable avec des enfants de moins de
7-8 ans; en effet:
− au niveau neurologique, elle demanderait d’activer de manière
alternée et distincte des modalités d’élaboraion cérébrale logiques et analogiques, typiques du cerveau adulte latéralisé;
− au niveau psychologique la structure rigide de l’Unité Didactique
est en contraste avec la souplesse didactique nécessaire dans
l’éducation de l’enfant.
L’inadaptation des modèles traditionnels impose de penser à un modèle
opérationnel à la mesure de l’enfant, qui propose des parcours acquisitionnels:
a. brefs, d’une durée maximale de deux heures;
b. souples, pour qu’ils puissent s’intégrer aux parcours éducatifs
généraux (cf. 4.5.4) et s’adapter aux nécessités contingentes qui
caractérisent l’éducation des jeunes enfants;
c. qui respectent la séquence naturelle d’AL (cf. 3);
d. qui respectent la dimension neuropsychologique de l’acquisition
chez les enfants (cf. 2).
Ces dernières années la notion d’Unité d’Apprentissage (Balboni 2002,
2006; Mezzadri 2003) élaborée par l’école vénitienne a suscité beucoup
d’intérêt. Par cette notion, on se réfère à un réseau de brefs parcours
de découverte, fixation et intériorisation d’un ou de plusieurs éléments
linguistiques, communicatifs ou culturels, qui reprennent les phases de
l’Unité Didactique. L’ensemble des Unités d’Apprentissage constitue la
traditionnelle Unité Didactique.
Cette nouvelle notion semble convenir à la didactique précoce des langues, puisqu’elle propose des parcours plus brefs que l’Unité Didactique
et donc plus faciles à gérer par l’enseignant, qui peut les modfier selon
le rythme d’apprentissage et les styles cognitifs des élèves. Par ailleurs,
les séquences traditionnelles d’acquisition (globalité, analyse, synthèse)
doivent être partiellement revues et adaptées à la psychologie et à la
neurologie du jeune enfant. Si elle est pensée expressément pour des
enfants de moins de 8 ans, l’Unité d’apprentissage devient en réalité
56
Michele Daloiso
une Unité d’Acquistion, étant donné que les destinataires traversent la
deuxième période critique d’AL (cf. 1.2 et 2.2), et que pour la LE aussi
ils peuvent encore activer les stratégies implicites mises en œuvre pour
acquérir leur langue maternelle (cf. 2.3).
La connaissance des processus neurologiques qui gouvernent l’AL chez les
enfants permet d’adapter la succession des phases de l’Unité Didactique,
en amplifiant les phases qui respetent les modalités d’apprentissage
de l’enfant et en repensant celles qui impliquent des modalités que le
jeune enfant ne maîtrise pas. Après une phase de motivation, qu’on
imagine plutôt rapide, étant donné la motivation intrinsèque qui attire
l’enfant vers le phénomène langue et la motivation que certains genres
textuels (chansons, contes, comptines), suscitent chez l’enfant l’Unité
d’Acquisition sera structurée de la façon suivante:
a. Première approche
l’enfant est guidé à la compréhension globale du texte, aussi au moyen
de stimuli multisensoriels (par exemple images et objets à voir, à toucher, à sentir, etc.). Voici quelques techniques utiles, à utiliser surtout
sous fornme orale:
− l’appariement langue-image, qui guide la compréhension globale à
travers un travail sur les mots-clés ou sur les éléments significatifs
d’un texte, sans demander de production;
− l’appariement langue-objet, une variante de la technique précédente,
aux avantages de laquelle s’ajoute le fait que l’objet relié au mot
est présent en classe et peut être exploré par les enfants; le mot
qui y est associé a donc plus de chances d’être mémorisé, car il est
associé à plusieurs stimulations neurosensorielles (cf. 2.1);
− la mise en ordre d’images, qui fait partie des techniques d’encastrement et qui permet de vérifier si l’élève a compris l’ordre dans
lequel sont racontés dans le texte les événements et les actions;
− les questions oui/non ou vrai/faux, où l’enseignant peut reprendre
certains mots-clés, ou points importants, ou les noms des personnages, et en vérifier la compréhension; cette technique est
plus efficace si on recourt, selon les questions, à la mimique
ou à des objets; elle est aussi plus motivante si les enfants sont
divisés en petites équipes. Un avantage de cette technique est
lié au fait que la production demandée est minimale;
L’enseignement précoce des langues etrangères
57
− les jeux d’ensembles, qui comprennent les jeux d’exclusion, d’inclusion et de sériation.
Plusieurs des techniques citées permettent la mise en œuvre de stratégies cognitives liées à la mémoire explicite, qui est en cours de développement pendant les premières années de la vie (cf. 2.3). Les jeux
d’ensemble (sériation, inclusion, exclusion), par exemple, demandent de
se concentrer sur des groupes de mots et de réfléchir sur leurs caractéristiques formelles ou sémantiques; ce type de techniques peut convenir
même pour l’enfant de l’école maternelle, si on remplace les mots écrits
par des images et des objets. De même, les techniques d’appariement
demandent d’associer explicitement un élément linguistique à un non
linguistique, en activant des stratégies de mémorisation liées à l’analyse
perceptive (pour un approfondissement, v. Daloiso 2006a).
En outre, dans une optique formative, la phase de la première approche
peut s’entendre également comme découverte d’un phénomène de la
réalité qui est déjà l’objet d’activités éducatives en langue maternelle;
l’enseignant de LE peut organiser avec ses collègues une expérience
éducative qui, en suivant les phases de l’Unité d’Acquisition, contribue
avec des activités en LE à la découverte et à la conceptualisation de
la réalité (cf. 4.5.4).
b. Focalisation
même s’il n’est pas possible de prétendre des élèves une élaboration
analytique du texte proposé, ni une réflexion consciente sur la langue
qu’ils sont en train d’apprendre, l’enseignant pourra sélectionner certaines
structures du texte (lexicales, syntaxiques, fonctionnelles) et proposer des
activités pour les fixer. Dans une optique formative, cette phase peut être
consacrée à la fixation du lexique et des structures dont les enfants ont
besoin pour conceptualiser aussi en LE un certain phénomène.
Si les enfants sont prêts à produire en LE, on pourra choisir des tecniques comme:
− le dialogue en chaîne, où un élève commence un mini-dialogue
auquel son voisin répond, relançant ensuite la question à un autre
et ainsi de suite;
− des chansons, comptines et poésies, qui au cours de cette phase
peuvent être répétées par les enfants strophe par strophe; pui-
58
Michele Daloiso
sque dans ces genres textuels souvent les mots et les structures
se répètent, leur fixation est facilitée;
− les exercices phonétiques, comme la répétition régressive ou
segmentée et la technique “ti-ti-ta-ti”, qui focalisent l’attention sur des aspects phonétiques et intonatifs de la langue; ils
ne demandent pas de production autonome, mais seulement la
fixation de schémas intonatifs à travers la répétition;
− les jeux fonctionnels et, pour les plus grands, la structuration d’interviews; ces activités permettent de fixer structures et lexique,
et demandent aussi une production guidée;
− les jeux de mémoire, utiles pour la fixation du lexique présent
dans le texte.
La focalisation linguistique peut se faire même lorsque les élèves traversent ce qu’on appelle la « phase du silence », au moyen d’activités
ciblées sur certaines structures qui n’exigent pas de production. L’enfant
reçoit ainsi un input ciblé et il concentre son attention sur une structure linguistique. Sont utiles dans ce cas des techniques qui suivent la
logique de la TPR, comme:
− les exercices de transcodification, comme faire mimer ou dessiner
par les enfants des séquences du texte contenant les structures
qu’on veut leur faire focaliser;
− les activités du type “écoute et indique”, “écoute et mime”,
“écoute et relie”, “écoute et fais”, proposées par l’enseignant, si
possible sans, ou avec un miminum d’aide de la mimique et de
la gestualité, pour éviter que l’activité ne se transforme en un
exercice de compréhension globale;
− les exercices de mémoire pour la fixation du lexique réceptif
(memory des images ou bingo des images), où c’est l’enseignant
qui nomme les images, pendant que l’élève qui possède l’image
correspondante doit seulement la retourner.
Les techniques qui peuvent rentrer dans cette phase font appel principalement à la mémoire explicite, en demandant à l’élève de centrer
son attention sur un aspect de la langue sélectionné par l’enseignant
(cf. 2.3). Par exemple les jeux fonctionnels (répétitions, compositions et décompositions linguistiques, encastrements) exigent une
concentration sur les caractéristiques surtout phonologiques et morphosyntaxiques de l’input, alors que les jeux de mémoire s’appuient
L’enseignement précoce des langues etrangères
59
sur le canal visuel pour développer des stratégies de mémorisation
visuo-spatiale.
c. Réemploi
on demande à l’enfant de réemployer la structure fixée au moyen d’activités d’abord guidées, puis progressivement plus autonomes. Dans une
optique formative de la LE, au cours de cette phase on peut prévoir
des activités qui enrichissent l’expérience éducative en cours et qui
permettent en même temps aux enfants de réemployer le lexique et les
structures fixées.
Les techniques de didactique des langues qui se révèlent utiles au cours
de cette phase sont:
− la dramatisation, qui consiste à jouer les dialogues présents dans
le texte; c’est une technique qui est bien acceptée par les enfants,
même si elle ne leur laisse pas de liberté; à l’école maternelle,
cette activité de simulation et d’autres doivent être calibrées en
fonction des capacités de mémorisation des enfants, puisqu’on
ne peut pas compter sur un support graphique;
− les différentes variantes de jeux de rôle; − la composition de chansons et comptines à partir des textes et
des structures affrontés pendant l’Unité d’Acquisition;
− les jeux symboliques, comme la construction d’une histoire à partir de quelques éléments linguistiques déjà fixés au cours de la
phase précédente de l’Unité d’Acquisition; les histoires construites
peuvent ensuite devenir le point de départ pour des activités de
dramatisatiion et de simulation plus autonomes;
− les jeux communicatifs, basés sur l’échange d’informations mancantes; en découpant et en collant des images de magazines et
de journaux, les élèves peuvent créer une nouvelle image liée
au thème affronté dans l’Unité d’Acquisition (par exemple, si on
a affronté le thème relatif aux objets de la maison, les enfants
peuvent “meubler” leur chambre en construisant l’image d’une
chambre avec les objets qu’ils préfèrent); ensuite, en tamdem,
les élèves devront réemployer les structures affrontées pour poser
des questions à leur voisin et deviner ainsi le dessin qu’il avait
construit;
− jeux de schéma, comme le jeu de l’oie, Serpents et escaliers, qui
60
Michele Daloiso
doivent être proposés surtout à partir de 5 ans (cf. 4.5.1); ils devront être construits sur la base d’une grille graphique contenant
des images; pour chaque case est prévue une épreuve que les
enfants, subdivisés en équipes, devront surmonter. Les épreuves
devront viser le réemploi des structures acquises, demandant par
exemple de donner des instructions à leurs coéquipiers, qui devront les exécuter dans la logique TPR, de répéter une comptine
qui faisait partie de l’Unité d’Acquisition, de nommer et de décrire
des objets qui rappellent le lexique appris, de deviner l’action,
l’objet, l’animal mimé par un camarade.
Les techniques de cette phase stimulent surtout la mémoire implicite,
étant donné qu’elles sont basées sur la dimension opérationnelle de
la langue, en particulier sur l’idée d’associer la LE à des activités,
des expériences, des jeux, que l’enfant réalise habituellement dans
sa langue maternelle. Le principal objectif pour l’élève sera de mener
à terme le jeu, alors que l’acquisition des formes linguistiques qui y
sont liées se produit transversalement et implicitement. Par exemple,
les jeux symboliques (construction d’histoires et de récits en images
à partir d’un nombre limité de mots/images), mettent en œuvre surtout l’imagination, la créativité et la capacité à coopérer de l’enfant,
qui est disposé à accepter la LE comme règle du jeu, et à l’utiliser
dans un autre but, c’est-à-dire pour le plaisir de recourir à la fantaisie et à l’imagination. De même, le jeu de rôle, qui exige pourtant
une certaine concentration sur la langue pour produire des énoncés
grammaticalement corrects et pragmatiquement efficaces, l’attention
à la langue est toujours subordonnée au désir de faire un jeu avec les
camarades, à inventer un rôle, à changer d’identité, à construire des
matériels pour la scène.
Ce parcours d’acquisition doit être compris de façon souple, car le temps
fixé pour chaque phase dépendra de l’âge des enfants; il est probable
qu’avec des enfants de 5 ans il sera possible de prolonger la phase de
focalisation et d’introduire dans celle de rémploi des activités de réflexion métalinguistique.
L’enseignement précoce des langues etrangères
61
4.7. Synthèse
Dans ce chapitre nous avons affronté quelques-unes des questions
relatives à la dimension méthodologique de la didactique précoce des
langues, cherchant à mettre en évidence la façon dont la connaissance
des dimensions acquisitionnelle (cf. 2) a des retombées dans la définition des parcours d’acquisition précoce d’une LE. Nous avons en
particulier:
a. défini une approche qui part d’une vision de l’AL reliée au développement général de l’élève et qui précise la contribution de la LE
dans l’éducation cognitive, culturelle, relationnelle et sémiotique
de l’enfant (cf. 4.1);
b. établi un certain nombre de critères pour la définition des buts
éducatifs et didactiques et pour la sélection des contenus linguistiques pour le contact précoce avec la LE, mettant en évidence
le fait que ces décisions doivent être prises à partir de la connaissance des caractéristiques neuropsychologiques de l’élève et
des compétences qu’il a acquises dans sa langue maternelle (cf.
4.2 et 4.3);
c. discuté de l’opportunité d’une méthodologie ludique fondée sur
le respect de la neuropsychologie de l’enfant à travers la stimulation neurosensorielle, l’opérativité et l’acquisition implicite (cf.
4.4);
d. fait un certain nombre de considérations sur les techniques didactiques qui se prêtent le mieux à un enseignement précoce de la
LE, évoquant aussi le fait que certaines techniques communément
utilisées peuvent promouvoir des systèmes de mémoire distincts
(cf. 4.5 et 4.6);
e. proposé un modèle opérationnel, l’Unité d’Acquisition, qui répond
aux limites et aux potentialités neurologiques de l’élève à travers
un parcours qui se fixe des objectifs tant linguistiques que formatifs et qui par conséquent conduit au développement simultané
des habiletés linguistiques en LE et des habiletés cognitives (cf.
4.6).
62
Michele Daloiso
Références
Ce “Document” est destiné aux experts du domaine. C’est pourquoi nous
n’avons pas jugé nécessaire de citer les oeuvres de Chomsky, Bruner,
Krashen, qui sont aujourd’hui connues dans le monde entier.
Cette bibliogaphie est subdivisée en deux sections: d’un côté nous
avons réuni les œuvres résultant de, ou en collaboration avec, l’école
vénitienne de didactique des langues, de façon à offrir des lectures
d’approfondissement sur le thème pour ceux que cela intéresserait; de
l’autre nous avons indiqué les œuvres italiennes de neurolinguistique et
de linguistique acquisitionelle qui ont constitué un des fondements du
présent volume, de façon à mettre en évidence la contribution italienne
à la recherche internationale dans ces domaines scientifiques.
a. Méthodologie de l’enseignement des langues
Balboni P.E., 2006, La nature épistémologique de la Méthodologie de l’Enseignement des Langues, Perugia, Guerra Edizioni.
Balboni P.E., 2002, Le sfide di Babele. Insegnare le lingue nelle società complesse
(Les défis de Babel. Enseigner les langues dans les sociétés complexes),
Torino, Utet Libreria.
Balboni P.E., Coonan C.M., Ricci Garotti F. (éd.), 2001, Lingue straniere nella scuola dell’infanzia (Langues étrangères à l’école maternelle), Perugia, Guerra.
Balboni P.E. (éd.), 1999, Educazione bilingue (Education bilingue), Perugia,
Guerra.
Balboni P.E., 1998, Tecniche didattiche per l’educazione linguistica (Techniques
didactiques pour l’éducation linguistique), Torino, Utet Libreria.
Caon F., Rutka S., 2004, La lingua in gioco (La langue en jeu), Perugia,
Guerra.
Caon F., 2006, Le plaisir dans l’apprentissage et dans l’enseignement des langues,
Perugia, Guerra.
Cardona M., 2001, Il ruolo della memoria nell’apprendimento delle lingue (Le rôle
de la mémoire dans l’apprentissage des langues) Torino, Utet Libreria.
Coonan C.M., 2002, La lingua straniera veicolare (La langue étrangère véhiculaire), Torino, Utet Libreria.
L’enseignement précoce des langues etrangères
63
Daloiso M., 2005, “L’approccio formativo alla lingua straniera nella scuola dell’infanzia” (“L’approche formative à la langue étrangère à l’école maternelle”),
Scuola e Lingue Moderne, XLIII, 8-9, pp. 52-56.
Daloiso M., 2006a, “Lingua straniera e sviluppo dei processi di memoria nel
bambino” (“Langue étrangère et développement des processus de mémoire
chez l’enfant”), Rassegna Italiana di Linguistica Applicata, 2-3.
Daloiso M., 2006b, “La selezione dei contenuti linguistici per l’accostamento
precoce all’italiano LS” (“La sélection des contenus linguistiques pour
l’approche précoce à l’italien LE”), ITALS, IV, 12, pp. 25-45.
Danesi M., 1988, Neurolinguistica e Glottodidattica (Neurolinguistique et Didactique des Langues), Torino, Petrini.
Danesi M., 1998, Il cervello in aula. Neurolinguistica e didattica delle lingue (Le
cerveau en classe. Neurolinguistique et didactique des langues), Perugia, Guerra.
Freddi G. (éd.), 1987, Lingue straniere per la scuola elementare (Langues étrangères pour l’école élémentaire), Torino, Petrini.
Freddi G. (éd.), 1988, Lingue straniere e istruzione primaria in Italia e in Europa
(Langues étrangères et instruction primaire en Italie et en Europe), Torino,
Petrini.
Freddi G.,1990a, Il bambino e la lingua. Psicolinguistica e Glottodidattica (L’enfant et la langue. Psycholinguistique et didactique des langues), Torino,
Petrini.
Freddi G.,1990b, Azione, gioco, lingua. Fondamenti di una glottodidattica per
bambini (Action, jeu, langue. Fondements d’une didactqiue des langues pour
enfants), Torino, Petrini.
Freddi G.,1999, Psicolinguistica, Sociolinguistica, Glottodidattica. (Psycholinguistique, Sociolinguistique, Didactique des Langues, Torino, Utet Libreria.
Mezzadri M., 2003, I ferri del mestiere. Auto-formazione dell’insegnante di
lingue (Les outils du métier. Auto-formation de l’enseignant de langues),
Perugia, Guerra.
Porcelli G. (éd.), 1993, L’insegnante di lingue nella scuola elementare (L’enseignant de langues à l’école élémentaire), Brescia, La Scuola.
Porcelli G., Balboni P.E., 1992, L’insegnamento delle lingue straniere nella scuola
elementare (L’enseignement des langues à l’école élémentaire), Brescia, La
Scuola.
Scaglioso C., 1990, Educazione linguistica e funzioni della lingua (Education
linguistique et fonctions la langue), Brescia, La Scuola.
64
Michele Daloiso
Titone R., 2000, Problemi di psicopedagogia del linguaggio(Problèmes de
psychopédagogie du langage), Perugia, Guerra.
Titone R., 1990, La lingua straniera nella scuola elementare. (La langue étrangère
à l’école élémentaire), Roma, Armando.
Titone R., 1978, Progetto speciale per l’introduzione dell’insegnamento delle
lingue straniere nelle scuole elementari (Projet spécial pour l’introduction
de l’enseignement des LE à l’école élémentaire), Firenze, Le Monnier.
b. Neuropsychologie et Linguistique Acquisitionnelle
AA. VV. Introduzione alla psicologia dello sviluppo (Introduction à la psychologie
du développement), Bari, Laterza.
Aglioti S.M., Fabbro F., 2006, Neuropsicologia del linguaggio (Neuropsychologie
du langage), Bologna, Il Mulino.
Camaioni L., 1980, La prima infanzia (La première enfance), Bologna, Il
Mulino.
Caselli M.C., Casadio P., 1990, Il vocabolario del bambino: gesti e parole, parole
e frasi. Lo sviluppo comunicativo nella prima infanzia (Le vocabulaire de
l’enfant: gestes, mots et phrases. Le développement communicatif au cours
de la première enfance), Roma, Fondazione MacArthur, I.P. CNR.
Cipriani P., Chilosi A. M., Bottari P., Pfanner L., 1993, L’acquisizione della morfosintassi in italiano: fasi e processi (L’acquisition de la morphosyntaxe en
italien: phases et processus), Padova, Unipress.
Fabbro F., 1996, Il cervello bilingue. Neurolinguistica e poliglossia (Le cerveau
bilingue. Neurolinguistique et polyglossie), Roma, Astrolabio.
Fabbro F., 2004, Neuropedagogia delle lingue. Come insegnare le lingue ai
bambini (Neuropédagogie des langues. Comment enseigner les langues aux
enfants), Roma, Astrolabio.
Molinari L., 2004, Psicologia dello sviluppo sociale (Psychologie du développement social), Bologna, Il Mulino.
Oliviero Ferraris A., et al., 1990, “Risposte del neonato alle mimiche del volto
umano”(“Réponses du nouveau-né aux mimiques du visage humain”). In
Giornale di neuropsichiatria dell’età evolutiva, 10, 2, pp. 147-152.
Sabbadini G., 1995, Neuropsicologia dell’età evolutiva (Neuropsychologie de l’âge
évolutif), Bologna, Zanichelli.

Documents pareils