Désert_blanc.

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Désert_blanc.
Le Désert blanc
Souvent la question revient : le désert blanc où est-ce ? Pourquoi cette destination ?
La réponse vient, pour deux groupes, en octobre et novembre 2006.
L’arrivée au Caire se situe lors d’une après-midi d’octobre. Donc tout le monde a
compris que le désert blanc se situe en Egypte, dans le Sud Ouest, à la latitude d’Assouan
près de la frontière libyenne.
Le premier groupe se trouve confronté aux rigueurs du Ramadam, mais l’hôtel est
confortable et pour les européens, il n’y a pas de problème de nourriture mais la nuit est
assez bruyante compte tenu des festivités nocturnes. Ce sera bien pire pour le groupe2 car
c’est le jour de la fête de la fin du Ramadam (Aïd el Fithr), là, festivités, musique, tambourins
sont de rigueur toute la nuit et ce sera une nuit très difficile car même les enfants font la fête
toute la nuit.
Au matin, un peu vaseux, nous retrouvons nos véhicules 4x4, il y en a 4 en tout , dont 1
pour la cuisine. Nous rencontrons nos chauffeurs et nous nous répartissons dans les
véhicules après avoir chargé nos bagages. Nous sommes à proximité des pyramides et nous
allons en profiter pour les saluer pour certains ce sont des retrouvailles avec ces vieilles
pierres. Le contact est une découverte pour quelques uns qui voient pour la première fois
ces 3 imposantes formes sur le plateau de Guizeh. En arrière plan, dans une brume de
chaleur et de pollution, une des plus importantes villes du monde de 15 à 18 millions
d’habitants : LE CAIRE
Nous rendons aussi une visite de courtoisie au Sphinx qui se dégrade de plus en plus
car il a perdu sa barbe postiche et on va avoir du mal à le sauver car les infiltrations par la
base dans le calcaire poreux sapent les composants. Pour le voir mieux nous rentrons dans
le temple funéraire qui se trouve aux pieds.
Par contre nous visitons, sur le plateau, aux pieds de la pyramide de Kephren deux
tombes nouvellement découvertes qui ont renfermé les sépultures de deux hauts
fonctionnaires. Et nous retrouvons toute la mythologie égyptienne et les rites funéraires de la
fin de la seconde époque.
Les offrandes faites aux dieux représentées sur les murs nous appontent beaucoup
d’éléments sur la vie de cette époque.
Nous quittons Le Caire pour les oasis du Fayoum en prenant la route du Sud Ouest.
Dans un premier temps nous longeons les lacs Karoum. Premier problème, ils au
dessous du niveau des mers actuelles (- 45 m) mais contiennent une eau légèrement
saumâtre ; sont-ils des lacs résiduels de l’ancienne mer Tethys, il y a 40 millions d’années ?
Sont-ils dus à l’infiltration des eaux de la Méditerranée. Le lac Qarum est le plus grand lac
naturel du pays, il a permis le développement de villages de vacances grâce à ses plages.
Ce lac était trop salé pour les poissons d’eau douce, mais des espèces marines : anguille,
mulet, crevette ont été introduites dans les années 70 et permettent maintenant la pêche.
La dépression du Wadi Rayan comprend deux lacs reliés par un cours d’eau avec une
chute remarquable de plus de trois mètres de dénivelé. Ces lacs sont peuplés d’une grande
variété d’oiseaux. Le lac Fayoum (200 km2) est aussi un lac salé.
Mais un canal (24 km de long) venant du Nil permet de faire de la région une riche
zone agricole. Il s’y ajoute l’eau de drainage du Birket Qeroum.
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Cette région produit des figues, du raisin et des olives, le lac Birket Qeroum abonde de
poissons (carpes du Nil). Ce lac est le reste du lac Moeris des égyptiens antiques.
Ce réseau aquatique a permis l’implantation d’un tissu urbain dont Medinet el Fayoum
(300.000 h) est la capitale.
C’est la plus ancienne région agricole d’Egypte (Moyen Empire et période
ptolemaÏque), c’était le grenier à blé du monde antique. Les habitants de Fayoum
embaumaient leurs morts et les momifiaient en plaçant un portrait au dessus de la momie.
Le milieu désertique a protégé ces portraits et cela nous a fourni de précieux
renseignements sur la population et la société antique composée d’égyptiens, de grecs, de
romains, de syriens et de libyens, il y a 2000 ans. Puis le secteur cultivable s’est rétréci et
beaucoup d’implantations humaines ont été abandonnées.
Nous rentrons dans le Wadi Hittan ; c’est un ancien fond marin exhumé, maintenant
surface désertique et érodée par le vent.. Il y a 40 millions d’années, cette mer antique
appelée Tethys couvrait la partie nord de l’Egypte actuelle. Elle était peu profonde
permettant la vie d’une faune aquatique aujourd’hui disparue. On va y trouver les restes
d’une mangrove fossilisée mais surtout une abondance de squelettes de baleines qui ont
donné le nom à cette vallée : vallée des baleines.
Le plus connu est le squelette de la Basilosaurus. C’est un cétacé qui vivait il y a 40
millions d’années mais elle est en même temps un reptile (d’où saurus). Il mesurait autour de
18 m de long, le nom de zeglodon lui a été donné en raison des doubles dents enracinées,
typiques des mammifères marins. Il a des vertèbres de taille inégales (élongation), plus étroit
q’une baleine il n’a cependant pas été un serpent. Les vertèbres thoraciques, lombaires,
sacrées et caudales montrent qu’il devait se déplacer selon un mode anguilliforme horizontal
(très différents des cétacés connus). L’anatomie de la queue reconstituée montre qu’elle
pouvait faciliter le mouvement vertical. Selon les reconstructions on note un aileron dorsal
(comme un orqual) ou un arête dorsale. Le plus étonnant réside dans les membres de
derrière qui ne pouvaient faciliter la locomotion mais semblent être un vestige d’une forme
ancienne de cétacé. Les vertèbres semblent avoir été creusées et remplies d’un fluide et ne
permettaient qu’un fonctionnement bidimensionnel (et non tridimensionnel comme les
cétacés actuels). La tête est différente des baleines actuelles et le cerveau trop petit, fait
penser que le cétacé n’a pas eu de possibilités sociales. Par contre il devait s’alimenter
comme les crocodiles par une chasse sous l’eau.
On est donc ici face à l’évolution d’une espèce qui est l’ancêtre des cétacés actuels et
des sauriens, les modifications structurales se sont faites en fonction de l’habitant aquatique
et de ses modifications. Les changements de membres se produisent à mesure que le milieu
naturel se modifie (attention ceci sur de très longues périodes qui se chiffrent en millions
d’années). On part d’un fossile marin, mais qui peut quitter le milieu aquatique pour marcher
sur la terre ferme et peu à peu en s’adaptant nous passons aux sauriens qui s’adaptent au
nouveau milieu (le dernier crocodile connu dans le Sahara est mort en 1923), une autre
branche donnera les cétacés qui disparaîtront, ici, avec la disparition de la mer, un ancêtre
éloigné a peut être donné la branche otarie, phoques, lions de mer et éléphants de mer. Il
faudra encore beaucoup de recherche dans ce Wadi Hittan, désormais préservé pour
reconstituer l’évolution de l’espèce à travers les fossiles qu’on pourra reconstituer.
Le jour suivant nous atteignons l’oasis de Barhariya, marquée par une nécropole de
plus de 200 momies bien conservées et richement recouvertes d’or, découvertes en 1999.
La nécropole date de l’époque gréco-romaine (330 Av JC à 400 Apr JC). On a retrouvé
4 tombes contenant une cinquantaine de momies chacune empilées et alignées les unes
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contre les autres. C’étaient certainement de hauts (et riches) dignitaires comme le prouvent
la qualité de l’embaumement et l’or les recouvrant. Certaines portent des masques dorés et
ont un torse décoré des représentations des anciennes divinités égyptiennes
Il y a aussi des sarcophages en terre cuite avec la figure du défunt dessinée dessus.
Les chercheurs estiment que cette oasis renferme certainement plusieurs milliers de
dépouilles mortelles, voire peut-être une dizaine de milliers.
Ce n’est pas la seule découverte d’importance, car il y a aussi un pressoir qui révèle
que Bahariya était un grand et célèbre centre de production de vin.
Dans les tombes on a aussi retrouvé des poteries à l’effigie de Bès, divinité difforme qui
éloignait les mauvais esprits et divertissait les fidèles par ses grimaces et ses danses.
Des statuettes de pleureuses (employées dans les processions funèbres pour pleurer à
la place de la famille), des amulettes et des pièces de jeux pour divertir le défunt dans l’audelà montrent les rites funéraires de l’époque.
On peut visiter aussi 2 tombes : celles de Bannetu el Djed Amun inf Ankh et celle de
Bawité. Il faut descendre d’une dizaine de mètres dans une excavation en forme de puit, par
une température élevée, pour accéder aux chambre funéraires. Mais là, loin de la foule des
rives du Nil, nous pouvons étudier calmement les rites de l’antiquité égyptienne. Cela n’a pas
la majesté de la vallée des rois, mais nous avons l’impression d’être dans l’intimité des rites
funéraires et nous pouvons nous projeter des dizaines de siècles en arrière sous la 23ème
dynastie. Décodons le hiéroglyphe Amun Inf Ank nom du mort veut dire « Amon a dit qu’il
vive ».
Au fond se trouve une stèle à coté de laquelle la femme du défunt , Deeskipeu,
« prie » ; à gauche le fils du défunt fait face à une table d’offrande entre des colonnes de
papyrus. Le cortège funéraire est suivi par le fils d’Horus : Anubis destiné à piloter les morts
(ici qebesenonf) et un double d’Horus. Derrière toute une série d’officiants réalisant une
procession d’offrandes.
Dans la tombe de Bannetu, dans la 1ère salle à piliers on voit les emblèmes de
Oupouaout, d’Horus, d’Apis, de Ré-Harakhti et de Khonsou ainsi que de Nefetoum (2
triades). A côté Isis et sa sœur Nephtys protègent de leurs ailes la miniature de Nefertoum.
Osiris et Harsiesis (Horus) regardent la momification. La momie est allongée sur un lit aux
pieds et tête de lion, surveillée par Béhedetty et Anubis. Le ba (âme) vole au dessus du
défunt et les 4 vases canopes sont sous le lit mortuaire. La tête d’Anubis est blanche en
signe de deuil.
On peut suivre les étapes du trajet du mort dans l’au-delà et en particulier la pesée de
l’âme, ou le cœur doit être plus léger que la plume de maât, sinon le monstre va dévorer
l’âme qui ne pourra jamais plus trouver son chemin dans l’au-delà.
Nous continuons notre trajet, en quittant l’oasis à travers le désert cette fois, avec de
grandes dunes de sable. Nous campons près de l’une d’elles.
Le lendemain, un peu de trek à travers les dunes nous conduit jusqu’à la route qui se
dirige jusqu’à un lieu dont le nom est peu en accord avec le site égyptien : Magic spring.
C’est une source d’eau chaude sulfurée qui jaillit des entrailles de la terre dans une piscine
dans laquelle une partie du groupe se plonge, dans un bain relaxant mais odorant.
Notre campement va s’établir à nouveau dans un paysage dunaire
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Le jour suivant, c’est une marche à proximité de la montagne de cristal et de la
montagne noire au milieu d’éboulis rocheux de grès métamorphosés et de scories de
volcans ; leur présence explique les sources sulfureuses rencontrées la veille.
Dans une vaste dépression, une source alimente un mini oasis formée de 3 palmiers,
vestiges d’une époque plus propice à la végétation.
Au sommet d’un autre promontoire sous une dalle deux restes de cadavres en partie
momifiés montrent les traces de l’occupation humaine. Leur origine est mal connue, riches
potentats autochtones, soldats romains ?
Le soir nous arrivons aux portes du désert blanc pour y établir notre campement. Déjà
nous pouvons rêver de formes fantasmagoriques.
Nous pourrons les jours suivants nous promener tout à loisir dans ce paysage fait de
sculptures de craies pilonnées par le sable éolien.
Le vent et la température élevés ont attaqué violemment cette roche friable. La
déflation éolienne va sculpter des formes fantastiques comme figées (mais pas pour
l’éternité car l’érosion va peu à peu faire disparaître ce qu’elle a créé comme si elle voulait
détruire des sculptures qui ne la satisfont pas). Par endroit le calcaire balayé par le vent a
donné des formes semblables aux vagues d’une mer minérale, ailleurs ce sont des citadelles
somptueuses, des cathédrales de calcaire blanc ; en d’autres endroits ce sont des
champignons d’un blanc immaculé sur un socle noir, puis ce sont des animaux fantastiques
qui se détachent en blanc sur un ciel idéalement bleu. Ici le monde est minéral et même les
fennecs en quête de nourriture n’arrivent pas à troubler le calme hiératique de ce site parmi
le plus grand du Sahara (voir site Envol 31 pour les images)
Au retour nous passons par un lieu curieux à Farafa : le musée Badr. En plein désert,
un artiste de talent a constitué un musée retraçant les scènes de la vie bédouine, les décors
des oasis et le désert. Ses peintures et ses sculptures sont d’un réalisme saisissant et le
musée ici, au milieu de nulle part, est une curiosité à ne pas manquer.
Nous remontons ensuite vers Le Caire, en passant par deux curiosités géologiques :
- le désert noir formé de pointements de basalte et de déjections volcaniques.
- le désert montagne de cristal constitué d’énormes blocs de quartz et d’aragonite.
Ces formations d’un type très particulier sont dues à un volcanisme très ancien lié aux
mouvements tectoniques de l’énorme socle africain qui écrase le nord du continent contre la
péninsule arabique et l’Asie.
Nous faisons un petit détour pour voir les restes d’une forêt pétrifiée. Des arbres d’une
forêt très anciennes sont tombés au fond d’une mer ou d’un lac et peu à peu les cristaux de
silice ont remplacé la lignite, fossilisant ainsi l’arbre en ne laissant que l’empreinte cristalline.
Nous retrouvons Le Caire et après 8 jours passés dans le calme du désert, la
circulation trépidante, les klaxons, les bouchons nous donnent quelque peu le vertige.
Si vous voulez profiter de beaux décors, de découvertes enrichissantes dans un calme
parfait, partez pour le désert blanc d’Egypte.
Michel Marty
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