Rhône-Alpes et l`environnement - ARC 3 - Environnement

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Rhône-Alpes et l`environnement - ARC 3 - Environnement
Ouvrage collectif réalisé par
Rhône-Alpes
et l’environnement
100 questions pour la recherche
© Région Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
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CHA PITRE
C
VILLE ET
NAT U RE
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introduction
Urbanisation
et environnement
Nous venons de connaître, en 2007, une inflexion décisive dans l’histoire de
l’anthropisation de la planète. Pour la première fois depuis que l’être humain
a commencé à imprimer sa marque sur Terre, plus de 50 % de la population du
globe, c’est-à-dire plus de 3 milliards de personnes, vivent dans des ensembles
urbains. Il faut bien mesurer l’ampleur de ce phénomène et en appréhender
l’importance pour les sociétés. L’urbanisation est un phénomène global, qui
concerne toutes échelles et provoque une subversion de toutes les logiques
sociétales en simultané. L’économie y est nouvelle, les structures techniques,
sociales et culturelles connaissent des mutations profondes, les temporalités
sont bouleversées, des logiques inédites d’organisation spatiale s’épanouissent
à toutes les échelles. En outre, un état de « nature » spécifique est créé par le
mouvement même d’urbanisation.
La dimension physique et biologique des systèmes urbains doit donc retenir
l’attention. Cette dimension tient d’abord au fait que ni les artefacts construits,
ni les humains n’échappent aux lois de la physique matérielle. Elle tient aussi
au fait que les individus dotés de corps biologiques inscrivent le vivant, dans
l’interaction sociale. Toutefois, au-delà de ces constats élémentaires, l’urbain
est d’abord à considérer, de manière plus globale, comme une fabrique
d’environnements, c’est-à-dire un système organisateur d’un état de nature
spécifique, par insertion permanente des éléments biologiques et
physiques dans l’arrangement spatial des réalités
sociales.
Les exemples sont multiples, comme celui de la riche problématique de l’eau et de son cycle
urbain tout à la fois physique,
chimique, biologique, spatial,
technologique, sémantique, social, économique, politique et
culturel. De l’aquifère au robinet ou à la fontaine, elle passe
ensuite dans les circuits de ses
multiples usages : elle n’est
d’ailleurs alors pas toujours pensée, par ceux qui l’utilisent, en
tant que ressource naturelle.
Rejetée, salie, polluée, elle
n’est presque jamais reliée au
naturel, mais au contraire à
son apparent envers : l’artificiel de l’usage dévastateur
Aménagement urbain au Chambon-Feugerolles (42)
© Région Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
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Place de la mairie
à Saint-Etienne (42)
© Région Rhône-Alpes/
Jean-Luc Rigaux
de l’homme. Elle est dénaturée, flux immonde dans
l’égout, comme elle dénature les rivières où elle se jette
lorsqu’elle n’est pas traitée. Si
on la traite dans une station,
on ne la renature pas pour
autant, comme le montrent
les refus des populations australiennes de consommer des
eaux d’égouts retraitées pour
leur consommation d’eau potable, mais on la réintègre à un circuit d’usages possibles. Le même
litre d’eau aura donc connu de
nombreux états et les opérateurs
auront produit ces états par leurs savoirs, leurs idéologies, leurs imaginaires, leurs
techniques. Pour appréhender cela, il faut mener l’analyse dans des espaces
tous reliés, d’échelles variées : des bassins versants à l’exutoire de l’égout, en
passant par les stations d’épuration, les rivières, les zones urbaines concernées
par ce circuit de l’eau, les logements des utilisateurs, etc. L’eau urbaine est
donc une réalité sociétale totalement hybride, un mélange indissociable de
social et de biophysique.
On pourrait aussi évoquer la présence des nombreuses friches et des vastes
espaces de forêt et d’agriculture au sein des aires urbaines, car elle remet
totalement en question les vieilles analyses de l’impact de la « ville » sur la
« nature » rurale. On serait même tenté de dire que c’est aujourd’hui le système biophysique qui impacte l’évolution urbaine, et ce d’autant plus que
les préoccupations environnementales deviennent de plus en plus sensibles.
Ainsi, des espèces « sauvages »
faunistiques et floristiques apparaissent partout en nombre
dans les organisations urbaines
et posent parfois des problèmes
redoutables, comme ces végétaux invasifs qui prolifèrent, ou
comme certains prédateurs ou
ravageurs. On découvre un autre
des paradoxes constitutifs de l’urbain contemporain. Si celui-ci est
incontestablement marqué par
la prégnance des artefacts matériels et immatériels, et semble
donc manifester la domination
prométhéenne de l’humain, il est
aussi travaillé et organisé par les
dynamiques biophysiques, qui peuvent prendre parfois le tour d’un
« ensauvagement » relatif de certains périmètres, qui progresse souvent selon une logique de rhizome.
Lycée international à Lyon (69)
© Région Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
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Autre exemple : la croissance exponentielle des mobilités des humains, des
marchandises et des flux s’appuie sur des artefacts spécifiques (les automobiles, les autoroutes et leurs aires, les avions, les trains, les gares de toutes sortes, les bus, les métros, les tramways, les navires, etc.) qui constituent autant
des espaces de vie fondamentaux que des instruments de transport. Cette
mobilité suppose et dispose des réseaux techniques multiples souterrains et
aériens qui strient et ponctuent l’espace matériel qui permettent les activités,
notamment parce qu’ils émettent dans l’atmosphère les ondes portant les
informations en nombre infini. L’atmosphère est ainsi pleinement inscrite au
sein du monde urbain, ne serait-ce que parce qu’elle est le milieu biophysique
de déploiement du flux informationnel indispensable à la vie. Ce n’est donc
pas un hasard si, çà et là, elle devient un enjeu politique, comme le montrent
les premières controverses au sujet des effets des ondes électromagnétiques
sur les populations, qui se fixent sur des équipements précis : lignes à hautes
tension, antennes relais de la téléphonie mobile, bornes wifi.
Outre son rôle de support de transit des informations et des données numériques, l’atmosphère est aussi au cœur de toutes les grandes préoccupations
du moment ; elle est la cible d’actions, de projets, de débats, de politiques,
d’interventions, elle fixe des discours, des mythes, des peurs, des fantasmes.
L’atmosphère, ou à tout le moins sa partie basse, au contact de la surface terrestre, est intégralement urbanisée, découpée, spatialisée par le truchement
d’opérations menées par des acteurs sociaux.
On pourrait analyser en ce sens le rôle des îlots de chaleur urbains dans la
manière dont est appréhendé le réchauffement climatique et dans l’évolution
de la réflexion urbanistique et architecturale qui s’ensuit, puisqu’on envisage
de limiter cet îlot par une disposition particulière des emprises végétales au sein
des aires urbaines. On pourrait aussi élaborer une géographie des pollutions
urbaines qui, des grandes catastrophes à la traque actuelle des particules
fines qui flottent partout en suspension dans l’air et des composés volatils
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Réaménagement du
quartier de Chateaucreux
à Saint-Etienne (42)
© Région Rhône-Alpes/
Jean-Luc Rigaux
de la chimie qui s’insinuent au cœur
des logements, montrerait la montée en
puissance du « souci atmosphérique » dans
les sociétés urbanisées, notamment les plus
riches. Souci qui se manifeste aussi, dans un
autre registre, dans l’interdiction de fumer
dans un nombre croissant de lieux publics,
en Europe comme en Amérique du Nord.
On l’aura compris, il est tout à fait judicieux
de s’interroger sur la dimension géo-environnementale des organisations urbaines.
Il s’agit d’une démarche qui préfigure, du
moins l’espère-t-on, les efforts de tous les
chercheurs, quelles que soient leurs disciplines
et leurs orientations méthodologiques et théoriques, pour dépasser les cadres classiques
de l’analyse. L’objectif est de poser les bases
conceptuelles et scientifiques indispensables à
la construction de l’urbanité durable à laquelle
il faut aspirer.
C’est toute la question des interactions entre
l’homme, le milieu urbain et la nature qui est
abordée dans ce chapitre, au travers d’exemples et de problématiques faisant l’objet de travaux scientifiques dans notre région.
Palais des Congrès
à la Cité Internationale de Lyon (69)
© Région Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
EN SAVOIR +
Olivier Marchal et Jean-Marc Stebé (dir.),
Traité sur la ville, Paris, PUF, 2009.
Douglas Farr (ed.), Sustainable Urbanism: Urban
Design With Nature, Hoboken-New Jersey, Wiley, 2007.
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VILLE ET NATURE
La ville propre, une utopie ?
L’ambition de construire des villes sans perturber leur environnement est très ancienne et a
été moquée par des humoristes qui préconisaient, pour y répondre, de construire les villes à la
campagne. Pourtant, l’idée de développer une ville durable, qui s’inscrive de façon ouverte
dans son environnement naturel, fait actuellement son chemin et se décline à toutes les échelles
spatiales : celle du bâtiment, du quartier, de la ville ou de la région. Les résultats obtenus par les
chercheurs de la région Rhône-Alpes contribuent largement aux avancées dans des domaines
extrêmement variés et à chacune de ces échelles : nouveaux matériaux, nouveaux procédés
constructifs, systèmes innovants de gestion de l’eau, de l’énergie ou des déchets, transports, etc.
La ville : un écosystème particulier créé par l’homme
Comme nombre d’espèces, les humains ne
peuvent exister sans aménager leur environnement en fonction de leurs besoins propres. Les
villes constituent ainsi des environnements privilégiés par nombre de sociétés humaines, devenus
dominants depuis à peine un siècle. Sur le plan
pratique, il s’agit d’espaces organisés, ordonnés,
propres, climatisés, éclairés et où il est facile de
circuler, répondant à des critères de confort et
de sécurité.
Le deuxième principe de la thermodynamique,
un principe physique qui s’impose à tous, nous
enseigne que cette mise en ordre locale s’accompagne nécessairement d’un désordre accru à
l’extérieur. Pour se construire et fonctionner, la ville
a ainsi besoin de prélever des matières premières
et de l’énergie sur son « environnement extérieur »
et d’y exporter ses déchets.
Si l’on considère la ville comme un système
fermé, échangeant de façon linéaire avec
cet environnement extérieur, il devient difficile
d’envisager une ville réellement durable, car
en perturbant son environnement, elle sape les
bases sur lesquelles elle repose.
La solution consiste à raisonner sur un système
ouvert et à concevoir la ville comme élément
à part entière d’un environnement conçu de
façon plus large, et qui inclut à la fois la ville et
les espaces extérieurs dont elle a besoin pour
vivre. Cette approche permet de réfléchir non
à la durabilité de la ville seule, mais à celle
de la totalité du système. L’objectif n’est plus
de minimiser les flux d’énergie et de matière
qui traversent la ville, mais d’organiser leurs
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bouclages et leur recyclage à l’intérieur du
système étudié.
Ceci n’est possible que si le concept de durabilité
est décliné dans toutes ses dimensions, non
seulement techniques et environnementales,
mais aussi économiques et sociales.
Le Pavillon Rhône-Alpes à l’Exposition Universelle 2010
à Shanghai - © Région Rhône-Alpes/Ilex Paysages
Une ville durable nécessite des innovations à toutes les échelles
Outre la réflexion conceptuelle sous-jacente
sur l’organisation générale, imaginer une ville
durable suppose de développer des recherches dans de multiples directions mobilisant
la communauté scientifique bien au delà du
champ de l’environnement.
Les chercheurs de la région contribuent largement aux avancées dans des domaines extrêmement variés. À titre d’exemple :
Mise au point de nouveaux matériaux de
construction plus efficaces et respectant mieux
l’environnement (matériaux nécessitant moins
d’énergie et utilisant des matières premières
secondaires) ;
Mise au point de dispositifs permettant de
construire des bâtiments économes en énergie ;
Développement de nouveaux procédés de
traitement et de valorisation des déchets ;
Développement de nouvelles stratégies et
de nouvelles technologies de gestion des eaux
urbaines ;
Analyse et compréhension de la gouvernance
des sociétés contemporaines et des questions
relatives au changement qu’introduit la pression
environnementale ;
Analyse de l’effectivité du changement social
sous la pression environnementale (nouveaux
comportements ou au contraire résistance au
changement, etc.) ;
Analyse et compréhension des choix techniques, notamment en ce qui concerne la réalité
du lien entre les choix techniques et les problèmes
environnementaux auxquels sont confrontées les
villes contemporaines ;
Analyse et compréhension des questions relatives au risque (naturel et industriel), etc.
Le lycée Carnot-Sampaix à Roanne (42),
premier lycée en Rhône-Alpes a avoir obtenu, suite à
des travaux de restructuration, la certification HQE
© Région Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
Plusieurs des clusters de recherche de la
région ont contribué de façon significative
aux progrès des connaissances sur la ville :
énergie, environnement, matériaux…
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VILLE ET NATURE
Se déplacer propre
Les impacts environnementaux des transports se traduisent par une pollution chimique, sonore
ou visuelle. Le cas des grandes agglomérations est particulièrement sensible puisque celles-ci
concentrent une part croissante de la population. Peut-on aider le pouvoir politique à prendre
les meilleures décisions possibles à partir d’une approche scientifique prédictive des impacts
environnementaux des modes de transports existants ou futurs ? L’intégration de solutions
technologiques innovantes, la modélisation multi-échelles, les interactions entre développement
de modalités de transports et développement urbain sont autant de questions abordées par les
chercheurs du Cluster de recherche Rhône-Alpes « Transports, Territoires et Société ».
Peut-on prédire et limiter l’impact négatif
des transports sur l’environnement ?
La question fondamentale est de développer de
nouvelles stratégies pour limiter les effets négatifs des transports sur l’environnement urbain. Un
tel objectif mobilise un grand nombre de disciplines scientifiques. Ainsi, à côté des améliorations technologiques susceptibles de réduire les
nuisances associées aux différentes modalités
de transport se retrouvent la modélisation des
sources de pollution atmosphérique, sonore ou
même visuelle aux différentes échelles pertinentes, ainsi que la mesure de l’impact réel sur
la population par des indicateurs sociologiques
fiables, l’intégration de ces indicateurs et des
modèles dans les outils d’aide à la décision et le
rôle de ces derniers dans l’élaboration de politiques de transports durables.
Dans la région Rhône-Alpes, le Cluster Transports, Territoires et Société (TTS) a consacré l’un
de ses trois axes de recherche à la question des
Transports et du développement durable. Cette
thématique regroupe une centaine de chercheurs répartis dans 15 laboratoires de plusieurs
institutions : INRETS, ENTPE, École Centrale de
Lyon, INSA, Université Lyon 1, CNRS, Université
Lyon 2, Grenoble INP, Université de Saint-Étienne,
Université Pierre Mendès-France de Grenoble,
ENS Lyon. La caractéristique principale de ce
groupement est sa pluridisciplinarité, puisqu’à
des laboratoires des sciences pour l’ingénieur
sont associés des laboratoires de sciences
humaines, politiques et d’économie.
Des avancées dans tous les domaines
Pollution sonore
À l’échelle du véhicule, les progrès récents ont
porté sur la caractérisation des sources acoustiques et sur la séparation des différentes origines
de bruit (mécanique et combustion). À l’échelle
de la rue, il a pu être démontré que la prédiction
du bruit de trafic urbain, actuellement fondée sur
une estimation moyenne statique du trafic, était
très significativement améliorée par une simulation dynamique du trafic automobile incluant la
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régulation des feux. Les nuisances aéroportuaires
ont également été abordées, à l’échelle du
moteur d’avion, grâce à la simulation numérique
de l’aéroacoustique des jets de réacteurs et, à
l’échelle de l’aéroport, par une étude sur l’optimisation mathématique des trajectoires d’approche des avions pour en diminuer l’impact
acoustique sur les riverains.
Pollution atmosphérique
Deux moyens principaux permettent de réduire
l’impact atmosphérique des véhicules : l’optimisation énergétique des moteurs à combustion
et le développement de solutions électriques
ou hybrides. Pour les moteurs à explosion, les
recherches ont porté sur la caractérisation de
l’injection des carburants (mise au point d’une
méthode optique de suivi de l’évaporation
Les nouveaux instruments
de la gouvernance
des politiques durables
des transports
Les nouveaux instruments que porte
le développement durable (indicateurs, cartographies, démarche
participative,
nouveaux
modes
de transport, etc.) ont des conséquences fortes sur les modes de
gouvernement. Ces outils d’aide à
la décision ont en effet pour fonction
de traduire des réalités complexes
en problématiques que les décideurs
peuvent appréhender et transformer
en décisions « éclairées ». Deux questions ont été traitées :
Le développement d’indicateurs pertinents
dans une démarche multidisciplinaire intégrant les modèles aux différentes échelles (par
exemple, comment qualifier une nuisance
sonore, comment est-elle réellement ressentie,
peut-on prédire ces indicateurs à partir d’un
scénario d’aménagement urbain ?) ;
des gouttelettes) et sur une technique prometteuse de captage in situ du CO2 au niveau de
l’échappement par un procédé membranaire.
La propulsion électrique a été abordée à travers
deux aspects : la compatibilité électromagnétique, problème majeur pour les grosses puissances électriques embarquées, et la durabilité
des batteries.
Tramway à Lyon (69)
© Région Rhône-Alpes/Frédéric
de La Mure (MAE)
La réflexion sur le rôle que ces nouveaux outils
jouent sur la modification des modes de gouvernance traditionnelle et la transformation des
politiques publiques de transports, notamment
urbains.
EN SAVOIR +
www.cluster-transports.com
Cycliste à Grenoble (38)
© Région Rhône-Alpes/
Jean-Luc Rigaux
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VILLE ET NATURE
L’eau du robinet
coule de source
L’obtention d’une eau potable en ouvrant le robinet, cela « coule de source ». On ignore
souvent que cette ressource est précieuse et pourrait devenir rare si un ensemble d’acteurs
n’intervenait au quotidien pour en assurer la pleine et continue jouissance.
En Rhône-Alpes, la géologie, la topographie et la répartition des habitats impactent sur la
nature des ressources et leur accessibilité, mais l’essentiel des captages pour l’alimentation
en eau potable est assuré dans des nappes d’eau souterraine. Il n’existe pas de problème
majeur relatif à la disponibilité de l’eau (aspect quantitatif). Une préoccupation constante
porte davantage sur l’atteinte et la préservation du niveau qualitatif des eaux, en particulier
souterraines, ressources qui sont affectées par des effets à long terme. Les gestionnaires et les
chercheurs de Rhône-Alpes œuvrent pour la surveillance, la préservation et l’amélioration de la
qualité des ressources en eau.
Captage d’eau potable,
Chambéry métropole, site Puits
des Isles (73) - © GRAIE
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Situation de l’alimentation en eau potable,
acteurs et enjeux en Rhône-Alpes
La région Rhône-Alpes compte 5 725 captages (le
département de la Savoie avec 1188 captages
détient le record national), dont 97,6 % sont
alimentés par une nappe d’eau souterraine
et 2,4 % puisent de l’eau superficielle (eau des
fleuves et rivières, lacs, barrages...).
Ces captages produisent 1,7 million de m3
d’eau par jour. La géologie, la topographie et
la répartition des habitats impactent la nature
des aquifères et réserves superficielles disponibles, et la situation d’un département à l’autre
est variable : la totalité de l’eau du robinet dans
la Loire vient d’eaux superficielles, alors que dans
l’Ain et la Drôme, toute l’eau est d’origine souterraine. Souvent, une minorité des captages de
grande capacité assure une part importante de
la production. Par exemple, pour le département
du Rhône, la Communauté de Communes du
Grand Lyon (1 300 000 habitants, soit 80 % de la
population du département du Rhône) obtient
95 % de son eau potable grâce au
champ captant de CrépieuxCharmy, au nord-est de l’agglomération, par le biais de 114 puits
ou forages. Ce champ captant
de 275 hectares est le plus vaste
d’Europe classé « réserve naturelle volontaire ». Il illustre également l’étroite relation entre eau
souterraine et eau de surface,
en particulier dans les milieux
alluvionnaires1 ; l’eau prélevée
provient de couches de sédiments récemment déposés
au fond du Rhône, ces alluvions assurant une bonne
filtration de l’eau à partir du
fleuve. Le temps de transfert du Rhône au champ
captant est très court et
estimé à moins d’une
dizaine d’heures.
Toute eau pompée va subir un traitement en
sortie de captage. Il s’agira d’un simple ajout
de chlore pour prévenir toute altération bactériologique au cours de son transport dans les
canalisations pour les eaux les plus pures, ou de
traitements beaucoup plus lourds, en fonction
de la nature des paramètres qui ne respectent
pas les limites de qualité des eaux destinées à la
consommation humaine2.
Les nombreux facteurs dont dépend la qualité
de l’eau sont surveillés par l’Agence Régionale
de la Santé dans le cadre du contrôle sanitaire
de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Là encore, la situation est variable
d’un département à l’autre. Ainsi, l’arboriculture
des plaines de la Drôme exerce un impact sur la
qualité des eaux et est à l’origine de la contamination de captages d’eaux souterraines par les
produits phytosanitaires ou les nitrates.
CNRS Photothèque / EUZEN Agathe
1. Les milieux alluvionnaires sont des sols constitués par des sédiments qui ont été transportés
parfois sur de grandes distances par des cours d’eau ou des glaciers.
2. Décret n°2001-1220 du 20/12/01 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine,
à l’exclusion des eaux minérales naturelles
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© CNRS Photothèque / EUZEN Agathe
À l’opposé, les « petits » captages des
zones de montagne sont souvent très
sensibles aux pollutions microbiologiques.
Le fond géochimique3 peut également
être responsable d’une teneur élevée de
certains captages en métaux, mais cela
reste relativement rare (par exemple, 8
captages en Ardèche font l’objet d’un
suivi renforcé du baryum).
Au jour le jour, la problématique majeure
pour les acteurs assurant la distribution de
l’eau porte sur sa conformité vis-à-vis des
pollutions microbiologiques. Qu’il s’agisse
d’eaux superficielles ou souterraines, les
impacts de ces pollutions restent réversibles et d’extension généralement
limitée. Le renforcement de la mise
en place des périmètres de protection4 et l’amélioration des systèmes de
gestion des eaux usées (mise en place
des SPANC5) contribuent à assurer le
maintien d’une bonne qualité biologique. En revanche, les enjeux les plus
forts portent essentiellement sur la
protection des eaux souterraines, la
pollution d’une ressource souterraine
constituant une atteinte à longue
échéance, peu ou non réversible.
Les Agences de l’Eau Rhône-Méditerranée et Loire-Bretagne, par la
mise en place des schémas directeurs d’aménagement et de gestion
des eaux, et la DREAL Rhône-Alpes,
contribuent activement au maintien
et à l’amélioration des ressources.
Les enjeux de demain pour Rhône-Alpes
En plus des organismes publics (Agence Régionale de Santé, Agence de l’Eau, Direction
Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement...), le suivi de la qualité
des eaux souterraines et de surface en région
Rhône-Alpes mobilise un très grand nombre de
chercheurs appartenant à des structures variées
(établissements publics de recherche, École
des Mines, laboratoires universitaires…) et des
compétences diverses : hydrogéologie, hydrologie, biologie, écologue, physique des transferts, modélisation, chimie, etc.
La présence du GRAIE (Groupe de Recherche
Rhône-Alpes sur les Infrastructures et l’Eau), de
l’OTHU (Observatoire de Terrain en Hydrologie
Urbaine), de la ZABR (Zone Atelier Bassin du
Rhône) ou encore d’une plateforme technologique comme EEDEMS (Évaluation Environne-
3. Le fond géochimique correspond à la teneur naturelle des sols en éléments divers (en particulier en métaux)
4. En 2008 en Rhône-Alpes, 58 % des captages, représentant 80 % du débit, disposaient d’un périmètre de protection. La responsabilité de la mise
en place de ces périmètres de protection relève des collectivités (commune, syndicat, EPCI : Établissements Publics de Coopération Intercommunale)
propriétaires des points de captage en eau potable.
5. SPANC : Service Public d’Assainissement Non Collectif
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mentale des Déchets, Matériaux et Sols Pollués)
constituent autant d’opportunités de collaboration pour ces chercheurs.
En effet, en Rhône-Alpes, les défis sont encore
nombreux. Les besoins sont importants en termes
de compréhension des mécanismes de transfert, transformation, dégradation de certains
polluants, en particulier des pans entiers de
recherche et développement sont à mener visà-vis des polluants émergents6. Si des travaux
sont déjà en cours dans le domaine des eaux
de surface, les eaux souterraines ne sont que très
peu étudiées.
Enfin, une réflexion mériterait d’être menée sur
les usages de cette eau potable qui, à peine
sortie du robinet, devient un déchet, une eau
usée, qui va être orientée vers une station d’épuration. En effet, au-delà de son utilisation comme
eau de boisson ou pour l’hygiène corporelle,
l’eau du robinet sert à un ensemble d’activités
humaines : lessive, chasse d’eau, arrosage du
jardin… N’existe-t-il pas des pistes à développer
pour la remplacer par d’autres ressources moins
précieuses quand la potabilité n’est pas indispensable ?
EN SAVOIR +
www.ars.rhonealpes.sante.fr/ www.eaurmc.fr www.rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr
www.graie.org
www.eedems.com
La région Rhône-Alpes présente un environnement particulièrement favorable
aux échanges entre gestionnaires de
l’eau et chercheurs. Les différents observatoires, plateformes et groupes
de recherche, constituent des supports concrets à la mutualisation des
compétences et à l’expression des besoins.
6. Terme générique qui regroupe les polluants d’origine chimique ou biologique, généralement sans statut réglementaire. Il s’agit bien souvent
de molécules pas nécessairement d’usage récent mais nouvellement recherchées et pour lesquelles les données (éco)toxicologiques et
environnementales sont rares. Sont notamment concernés certains stéroïdes, des médicaments à usage humain ou vétérinaire, les produits
de dégradation de détergents non ioniques, des pesticides, des désinfectants, des phtalates, des retardateurs de flamme, des antioxydants,
les nanoparticules, etc.
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VILLE ET NATURE
La pluie en ville
salit-elle les nappes ?
Dans beaucoup de villes de la région Rhône-Alpes, les eaux pluviales sont infiltrées dans le sol et
contribuent ainsi à réalimenter les nappes d’eau souterraines. Cette solution diminue les risques
d’inondation par débordement de réseaux d’assainissement dans les villes ainsi que les apports
de polluants dans les eaux de surface. Les eaux de ruissellement étant chargées en polluants
divers, le risque de contamination du sol et des nappes doit cependant être pris en considération.
Les recherches menées depuis une quinzaine d’années ont permis de montrer que le risque de
contamination des sols était généralement limité aux 50 premiers centimètres sous l’ouvrage
d’infiltration et de préciser les conditions permettant de le maîtriser. Les chercheurs de la région
Rhône-Alpes, regroupés autour du dispositif OTHU, ont joué un rôle important dans ces progrès
récents.
Pourquoi infiltrer les eaux pluviales urbaines ?
Traditionnellement, dans les villes européennes et
depuis 150 ans, les eaux pluviales sont recueillies
dans un réseau de collecte et d’évacuation, soit
identique à celui utilisé pour les eaux usées (réseau
unitaire), soit spécifique (réseau séparatif).
Ce type de solution conduit souvent à des
dysfonctionnements parfois graves : inondations par débordement de réseau, pollution des
milieux récepteurs. La prise en considération de
ces menaces s’est concrétisée dès le début des
années 1980 par la mise en place de techniques
dites alternatives qui consistent à stocker provisoirement l’eau de pluie ou à l’infiltrer.
Les ouvrages utilisés pour infiltrer les eaux
pluviales sont multiples et peuvent être installés
à l’échelle d’une parcelle (puits ou tranchées
d’infiltration) ou à l’aval d’un réseau collectif de
collecte (bassins d’infiltration). Ils sont généralement économiques et faciles à intégrer dans
les aménagements. Dans un grand nombre de
villes de la région Rhône-Alpes, les sols d’origine
fluvio-glaciaire sont très favorables à l’infiltration
et cette technique est donc largement utilisée.
Les eaux de ruissellement pluvial sont cependant
polluées par de multiples substances : hydrocarbures, plomb, caoutchouc, oxydes d’azote,
métaux divers, sels de déverglaçage, dépôts
atmosphériques divers, déchets solides multiples,
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déjections animales, produits d’érosion des sols
ou des matériaux de construction, résidus du traitement de la végétation, etc.
Le risque de polluer les sols sous les ouvrages
d’infiltration, voire de polluer durablement les
nappes d’eau souterraines qui constituent
souvent des ressources importantes en eau
potable, est donc réel.
Tranchée d’infiltration, lotissement
à Villefontaine (38) - © GRAIE
L’infiltration, technique peu risquée
Ces dispositifs sont étudiés depuis une vingtaine
d’années et leur fonctionnement est maintenant
beaucoup mieux connu. Les recherches ont
confirmé que la plupart des polluants sont fixés
sur des particules et se décantent en surface,
en étant filtrés par les premiers centimètres du
sol. Elles ont également montré que les mécanismes de transfert des polluants dans la zone
non saturée1, qu’ils soient particulaires ou dissous,
étaient non seulement de nature physico-chimique, mais également de nature biologique,
avec un rôle important des bactéries. Les études
de géologie et de sédimentologie ont montré que
la façon dont le sol s’est constitué au moment de
la fonte des glaciers conditionne la profondeur
que les polluants peuvent atteindre. Des progrès
significatifs ont également été réalisés dans la
compréhension du fonctionnement de la zone
saturée1. Les recherches actuelles visent essentiellement à améliorer la compréhension du rôle
de la végétation (système racinaire) et de la
micro- et macrofaune (bactéries, vers).
Noues, Drôme-Rovaltain (26) – © GRAIE
Ces résultats conduisent à penser que l’utilisation
des dispositifs d’infiltration est une solution très
intéressante et peu risquée dans de nombreuses
situations, à condition de concevoir, de construire
et d’exploiter les ouvrages en suivant des règles
simples qui sont maintenant bien connues.
1. La zone non saturée est la partie du sol dans laquelle coexistent de
l’air, des grains de sol et de l’eau ; dans la zone saturée, l’air est absent
(on parle également de nappe phréatique).
EN SAVOIR +
www.graie.org/othu/
L’étude des ouvrages d’infiltration constitue l’un des objectifs importants
de l’Observatoire de Terrain en Hydrologie Urbaine (OTHU) et deux des
principaux sites de l’observatoire sont justement des ouvrages d’infiltration. Les résultats obtenus sur
ces sites ont significativement contribué à établir les résultats précédents. Soutenues par le Cluster
Environnement, ces recherches ont été valorisées sous la forme d’un guide de conception et
d’exploitation des bassins d’infiltration, accessible en ligne sur le site de l’OTHU, et qui fait l’objet de
plusieurs milliers de téléchargements par mois.
Bassin d’infiltration, site Minerve Lyon/Porte
des Alpes (69) – © OTHU-UCBL-HBES
91
31
VILLE ET NATURE
Sortir la pluie des égouts ?
Depuis plus de 150 ans, les eaux usées et les eaux pluviales urbaines sont gérées dans de vastes
réseaux dont la fonction essentielle consiste à évacuer les flux le plus vite et le plus loin possible
de la ville. Fondée sur des principes hygiénistes, cette stratégie a permis de régler deux des
problèmes majeurs des villes : la boue et les excréments. Le confort et la santé des citadins
ont ainsi été grandement améliorés. Pourtant, ce type de solution atteint ses limites et ne
permet pas seul de gérer les eaux pluviales urbaines de façon durable. De nouvelles solutions
dites « alternatives » permettent, pour des coûts moindres, de mieux gérer ces eaux en les
valorisant au plus près de leur lieu de production. Les chercheurs de la région Rhône-Alpes sont
particulièrement en pointe dans la conception de ces nouvelles solutions et dans l’approche
globale de la gestion des eaux pluviales urbaines.
Qu’est qu’une technique alternative de gestion
des eaux pluviales ?
Si les grands systèmes collectifs d’assainissement
ont largement contribué à faire pratiquement
disparaître les risques de maladies hydriques1
en France, ils sont loin d’avoir réglé tous les
problèmes. En particulier, en période de pluie,
les risques d’inondation par débordement de
réseaux et de pollution des milieux récepteurs se
sont accrus. De plus, ces systèmes reposent sur
le principe paradoxal selon lequel l’eau de pluie,
par ailleurs considérée comme une des ressources
les plus précieuses du XXIe siècle, devient dès son
contact avec le sol une menace ou un déchet
dont il faut se débarrasser au plus vite.
Bassin en eau, parc Kaplan – Lyon (69)
Bassin en eau, site Lyon/Porte des Alpes (69) – GRAIE
Aujourd’hui, beaucoup des acteurs de
l’aménagement et de la gestion de l’eau ont
conscience qu’une stratégie durable consiste
à se rapprocher au plus près du cycle naturel
de l’eau : déconcentrer les eaux, les gérer au
plus près de la source, ralentir le ruissellement,
restituer les eaux aux milieux naturels, réalimenter
les nappes phréatiques, le tout en l’intégrant au
mieux à l’aménagement et au fonctionnement
de la ville.
Ainsi, les techniques alternatives visent à valoriser
les eaux pluviales sous toutes leurs formes :
récupération pour des usages domestiques
(arrosage des jardins, utilisation dans les chasses
d’eau…) ou collectifs (lavage des voiries,
1. Les maladies hydriques sont des maladies dues à la consommation ou au contact avec de l’eau souillée.
92
arrosage des espaces verts) ; création de
paysages (bassins de retenue en eau, jardins
d’eau, noues…) ; utilisation bioclimatique (toitures
végétalisées stockantes…) ; développement
de la biodiversité urbaine (réalimentation des
nappes souterraines, irrigation de la végétation
urbaine, création d’espaces aquatiques…).
Si certaines agglomérations, par exemple la
Communauté Urbaine de Lyon ou la ville nouvelle
de l’Isle d’Abeau, utilisent ces solutions de façon
systématique, c’est encore loin d’être le cas
sur tout le territoire. Progressivement, les règles
d’urbanisme, les études d’impacts et la culture
« eau » des aménageurs, architectes et services
techniques évoluent vers une meilleure prise en
compte de l’eau dans l’aménagement, tant au
niveau des espaces publics que privés.
Bassin en eau, site Lyon/Porte des Alpes (69) – GRAIE
Le progrès des connaissances permet
d’optimiser le choix de la solution à utiliser
Les principaux résultats obtenus ces dernières
années portent essentiellement sur trois volets :
une meilleure compréhension des mécanismes
de rétention des polluants dans les ouvrages, ce
qui permet l’optimisation de leur conception et
de leur exploitation ;
le développement de méthodes d’aide à la
décision intégrant les dimensions techniques,
sociales et écologiques, ce qui permet de choisir
la solution la mieux adaptée en fonction du
contexte ;
une meilleure prise en compte des freins divers,
essentiellement d’origine socio-économique, qui
limitent actuellement le développement de ces
solutions.
Cependant, le réseau d’assainissement constitue
un patrimoine précieux qu’il convient d’entretenir ;
les solutions recherchées doivent donc viser une
complémentarité entre les systèmes existants et
les nouvelles technologies.
L’étude des ouvrages alternatifs de gestion des eaux pluviales constitue
l’un des objectifs importants du Cluster Environnement.
L’Observatoire de Terrain en Hydrologie Urbaine (OTHU) est l’un des trois
observatoires français en hydrologie urbaine.
EN SAVOIR
Au-delà de sa participation au progrès des connaissances, en
particulier au travers de l’OTHU, la communauté scientifique et
www.graie.org/novatech/
technique de la région Rhône-Alpes joue un rôle très important
dans la valorisation et la diffusion des informations.
L’exemple le plus visible est l’organisation à Lyon, tous les 3 ans et avec le
soutien de la Région Rhône-Alpes et de la Communauté Urbaine de Lyon,
des conférences Novatech, qui constituent le plus grand rassemblement
mondial sur ce sujet.
+
93
32
VILLE ET NATURE
Dois-je récupérer
l’eau de pluie ?
La collecte individuelle des eaux de pluie est en général présentée comme une solution à la
fois bonne pour la planète et positive pour les finances des particuliers. Encouragée par les
pouvoirs publics, en particulier par la mise en place de mesures fiscales incitatives, cette solution
se développe rapidement. Pourtant, l’intérêt financier pour les familles est loin d’être évident
et le bénéfice environnemental n’est réel que dans les lieux où la ressource en eau est rare.
D’autres solutions existent pour économiser la ressource et les chercheurs de la région RhôneAlpes étudient des solutions différentes souvent beaucoup plus efficaces que l’utilisation de
citernes individuelles.
Pourquoi la collecte individuelle de l’eau de pluie
n’est-elle pas toujours une bonne solution ?
Depuis une dizaine d’années, la récupération
des eaux pluviales dans des citernes individuelles
est à la mode en France. Cette ressource est en
apparence gratuite et facilement disponible.
Sa collecte sur le toit permet théoriquement
de la distribuer directement dans les maisons
ou les immeubles par gravité, c’est-à-dire sans
consommer d’énergie. Elle a été encouragée
par le label HQE (Haute Qualité Environnementale) qui en fait l’une de ses priorités. Depuis 2008,
les lois fiscales prévoient une déduction d’impôt
pour les particuliers qui s’équipent. Les modalités
d’utilisation de l’eau de pluie sont maintenant
explicitées dans un arrêté ministériel et le marché
se développe de façon très rapide. Récupérer
les eaux de pluie apparaît donc comme un
geste bien encadré, à forte valeur écologique et
permettant de faire des économies.
Cette solution n’est cependant pas toujours
idéale et de nombreux problèmes existent :
Les apports sont intermittents et nécessitent un
stockage d’autant plus important que la variabilité des précipitations est grande. De plus, il est
généralement peu pratique de stocker l’eau sur
le toit, ce qui impose le plus souvent l’utilisation
de pompes pour distribuer l’eau à l’intérieur de
la maison.
94
Les usages sont réglementés, ce qui impose un
branchement sur le réseau public et un double
réseau de distribution.
La conservation de l’eau sur des durées longues
conduit potentiellement à une altération de sa
qualité physico-chimique et bactériologique.
Ce risque, même s’il est assez faible, impose des
contraintes.
Les risques de réinjection d’eau potentiellement
polluée dans le réseau public sont réels dès lors
que la séparation stricte entre le réseau public et le
réseau de distribution de l’eau de pluie collectée
ne peut être garantie chez les particuliers.
Avec le mode de facturation actuel qui ne tient
pas compte de la prépondérance des coûts fixes
d’infrastructures, le développement de la collecte
risque de conduire à une dérégulation économique des systèmes de gestion urbaine de l’eau.
Les particuliers payent leur redevance assainissement en fonction de l’eau potable qu’ils
consomment, et la part assainissement représente environ 45 % du montant de la facture
d’eau. Cette approche est justifiée par le fait
que les volumes rejetés sont voisins des volumes
consommés, plus faciles à mesurer. Si la part de
l’eau collectée augmente dans les rejets, ce
mode de facturation devient inéquitable.
D’autres solutions existent-elles ?
Si l’installation d’une citerne au pied de sa gouttière pour récupérer les eaux de toitures et arroser
son jardin ne pose aucune difficulté, le développement de cette pratique à l’intérieur des bâtiments est plus discutable. L’intérêt réel de cette
collecte de l’eau pour un usage domestique
est en effet très dépendant du contexte et en
particulier de l’éventuelle disponibilité d’autres
ressources. Elle ne devrait être encouragée que là
où le manque de ressources le nécessite. Ailleurs,
de nombreuses autres solutions pourraient être
privilégiées.
Ces solutions reposent :
soit sur l’infiltration de l’eau, ce qui permet de
réalimenter les nappes phréatiques, et donc les
réserves d’eau souterraines et les sources, de
lutter contre le dessèchement des sols urbains,
qui devient un véritable problème, et d’alimenter
la végétation urbaine en eau en été, ce qui joue
un rôle climatique extrêmement bénéfique ;
soit sur son maintien en surface, ce qui permet
de créer des ambiances et des paysages urbains
agréables, de favoriser la biodiversité et également de climatiser la ville.
© Stock.XCHNG/
Ach. Fran Marie I. Flores
MURDEAU®,
système de récupération
des eaux pluviales installé à l’INSA
de Lyon - © Ali LIMAM/LGCIE
EN SAVOIR +
www.graie.org/
L’étude des solutions alternatives de
gestion des eaux de pluie en ville
constitue l’un des objectifs importants du Cluster Environnement
et de l’Observatoire de Terrain en Hydrologie Urbaine (OTHU).
Au-delà de la construction de connaissances nouvelles, les chercheurs de la région développent des outils d’aide à la décision
permettant aux élus locaux et à leurs conseillers de choisir les
solutions les mieux adaptées en fonction du contexte.
95
33
VILLE ET NATURE
Grandes villes
et petits ruisseaux
Le développement des grandes villes à leur périphérie se traduit par une augmentation des surfaces
imperméabilisées, qui accroît et accélère le ruissellement des eaux de pluies. Ce ruissellement
contribue à saturer les collecteurs d’assainissement anciens situés en aval. Afin d’éviter le
débordement en ville, la stratégie actuelle consiste à déverser brutalement l’excès d’eau dans les
axes naturels d’écoulement les plus proches. Il s’agit bien souvent de petits cours d’eau qui subissent
ainsi localement des dégradations importantes. La conséquence la plus visible de ce phénomène
est l’intensification des crues, et donc des inondations, dans les zones urbaines denses connexes du
milieu périurbain. Cependant, il ne s’agit que d’une conséquence parmi beaucoup d’autres….
Quels sont les impacts de l’urbanisation
sur les petits cours d’eau ?
Le mouvement migratoire vers les aires urbaines
pose la question de la gestion durable de la
ressource en eau et des risques associés pour les
populations. La Directive Cadre Européenne sur
l’Eau1 considère les petits cours d’eau pérennes
ou intermittents (ruisseaux qui peuvent s’assécher
complètement en été) comme une masse d’eau2
à part entière qu’il faut protéger pour préserver
les rivières plus importantes qu’ils alimentent.
Leur faible taille les rend particulièrement sensibles au ruissellement urbain, source de débits
plus fréquents et intenses que ceux qui y circulent dans leur état naturel. En Rhône-Alpes, l’aire
urbaine de Lyon accueille aujourd’hui environ 1/3
de la population de la région. D’après l’INSEE,
cette population devrait croître de 200 000 habitants d’ici 2030, principalement dans la couronne
urbaine où cette augmentation devrait entraîner
le développement de l’habitat pavillonnaire.
L’ouest lyonnais, drainé par des petits ruisseaux,
est particulièrement concerné par cette problématique et ses cours d’eau font l’objet depuis plus
de 30 ans de nombreuses recherches. Le tableau
suivant résume les principales conséquences identifiées et les mesures préconisées pour y faire face.
La figure illustre l’une de ces conséquences.
Causes identifiées
Risques associés
• Augmentation des crues urbaines
• Apport de polluants organiques et toxiques
• Débordement des cours d’eau
• Affaiblissement et destruction d’ouvrages
• Contamination des nappes
• Mauvaise qualité écologique
Effets constatés,
mesurés et cartographiés
• Incision des fonds et berge des cours d’eau
• Encombrement par dépôts en aval
• Accumulation des polluants dans le substrat
• Réduction de la fonction auto-épuratoire
• Dégradation de la qualité écologique
• Tarissement accéléré des nappes
Solutions étudiées
• Rétention ou infiltration du ruissellement
• Stimulation de la capacité auto-épuratoire
• Déconnexion des eaux pluviales/usées
• « Étanchéification » des réseaux anciens
• Surverses en des secteurs à forte capacité
auto-épuratoire
1. La directive Cadre sur l’Eau (DCE) impose aux États membres, dont la France,
de faire en sorte que les milieux aquatiques aient retrouvé en 2015 un bon état chimique et écologique.
2. Dans le cadre de la DCE, une masse d’eau peut correspondre à n’importe quel milieu aquatique
considéré comme homogène (un lac, une portion de rivière, un estuaire, une nappe d’eau souterraine, etc.).
96
Quels sont les principaux
résultats obtenus et quelle est leur portée ?
Les recherches développées depuis 30 ans au
niveau mondial sur l’effet du développement
périurbain sur l’écologie des cours d’eau ont
permis de comprendre les mécanismes physiques,
chimiques et biologiques en cause, de construire
des modèles pour les prévoir et de préconiser des
mesures pour les limiter. Il est aujourd’hui possible
de développer l’urbanisation en limitant son
impact négatif sur ces petits cours d’eau, voire en
contribuant à les valoriser.
EN SAVOIR +
www.graie.org/othu/
L’apport des chercheurs de la région et du Cluster Environnement :
Dès 1999, la Région Rhône-Alpes a soutenu l’équipement initial de l’Observatoire de Terrain en Hydrologie Urbaine (OTHU) et participe à son renouvellement récurrent via le Cluster Environnement en
complément de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse et du Grand Lyon. La plateforme
d’observation a servi depuis sa création au montage de nombreux projets de recherche européens,
nationaux et régionaux. Ces travaux sont développés en coordination avec les besoins des gestionnaires du bassin représentés par le contrat de rivière « Yzeron Vif » et le Grand Lyon. Ils ont été valorisés
par un ouvrage international de l’UNESCO sur l’intégration des processus aquatiques dans la gestion
durable des eaux urbaines (Wagner et al., 2008)3.
3. Wagner I., Marsalek J., Breil P. (2008). Aquatic habitats in integrated urban water management. Taylor & Francis group. P 230.
Incision en aval d’un village périurbain (une érosion rapide
du cours d’eau se traduisant par un enfoncement brutal de celui-ci)
Laurent SCHMITT/UMR 5600
97
34
VILLE ET NATURE
Chats des villes
ou rats des champs
La biodiversité animale et végétale investit la ville, et de nombreuses espèces ont colonisé celleci avec succès. Cet environnement n’est en aucun cas définitivement hostile à la vie sauvage.
La présence de cette biodiversité en ville soulève des questions, non seulement en matière de
conservation, mais également de risques via la propagation de maladies infectieuses. Cette
biodiversité doit donc être gérée et reconnectée avec l’environnement immédiat de la ville,
dont elle n’est pas isolée.
Différents visages de la biodiversité urbaine
La végétation en ville est plus ou moins « domestiquée », depuis les arbres plantés le long des
boulevards ou dans les parcs et jardins publics
dans un souci esthétique ou de loisirs, jusqu’aux
friches et terrains vagues où le développement
des espèces est peu contrôlé.
À côté de cette nature végétale existe toute
une biodiversité animale domestique. Ainsi, la
France héberge un grand nombre d’animaux
de compagnie : 56,8 millions en 2006. Sur 8,8
millions de chiens et 9,7 millions de chats, un
tiers vit en milieu urbain aux côtés de nouvelles
espèces plus exotiques de reptiles, poissons,
insectes, araignées, mammifères, etc., appelées
collectivement NAC (Nouveaux Animaux de
Compagnie).
Certains de ces animaux de compagnie peuvent
s’échapper ou sont relâchés délibérément.
À Lyon comme ailleurs, des tortues de Floride,
devenues trop encombrantes, ont été relâchées
dans de nombreux points d’eau, comme en
atteste la colonie du Parc de la Tête d’Or. On peut
citer également l’exemple bien documenté des
tamias de Sibérie1, abandonnés dans les forêts
alentours où se sont établies des populations
participant à la propagation de certaines infections transmissibles entre l’animal et l’homme, ou
zoonoses, comme la maladie de Lyme.
La ville n’est pas un milieu hostile pour toutes
les espèces sauvages indigènes. Certaines
espèces inattendues, habituellement rencontrées en milieu rural, trouvent d’elles-mêmes
de nouveaux habitats dans le milieu urbain :
à Lyon, il s’agit particulièrement de rapaces
tant nocturnes (comme la chouette hulotte)
que diurnes (faucons crécerelle et pèlerin), ainsi
que de mammifères comme les chauves-souris
(pipistrelle et sérotine commune par exemple)
ou encore la fouine et le renard, qui peuvent
également être vecteurs de pathogènes pour
l’homme comme la rage. Les voies de chemins
de fer et la végétation qui les bordent facilitent
l’arrivée en ville des mulots et des hérissons.
1. Le tamia de Sibérie, aussi appelé écureuil de Corée est un petit écureuil à rayures qui a été très à la mode il y a quelques années dans les animaleries et dont de nombreux exemplaires ont été relâchés dans la nature.
98
L’animal et son façonnement en ville
à travers deux exemples emblématiques
Les animaux peuvent s’adapter à la ville
sous de multiples formes. Cette capacité est
particulièrement bien illustrée dans le contexte
lyonnais par l’exemple du chat errant qui montre
une grande variabilité de comportements
lui ayant permis d’investir divers types de
milieux. Pour le chat errant, le milieu urbain
est fragmenté en termes de répartition des
ressources alimentaires et des abris. Ces derniers
sont cruciaux pour l’élevage des jeunes, qui sont
vulnérables durant les tous premiers mois. De
ce point de vue, la ville est un vaste désert au
sein duquel se répartissent quelques oasis très
favorables : jardins publics, cimetières ou parcs
tels celui de l’hôpital de la Croix-Rousse... autant
de rendez-vous de nourrisseurs dont dépendent
fortement les chats des villes.
Autrefois, le chat errant représentait un auxiliaire
important pour la gestion des populations de
rongeurs en ville, dont le rat, resté dans l’imaginaire
collectif un facteur de famine et un vecteur de
fléaux telle la peste. Cette perception de l’utilité
du chat a aujourd’hui été remplacée dans les
esprits par la lutte chimique (raticides). Pour
certains citoyens, seules les nuisances liées à sa
présence (manifestations sonores, déjections...)
subsistent, alors qu’il est toujours utile pour la lutte
contre les rats.
Du point de vue comportemental, le chat
possède une grande capacité d’adaptation,
ce qui lui a permis de coloniser avec succès des
milieux très différents. Territorial dans le milieu
rural où un seul mâle dominant s’impose par
la force, il devient social en ville, contraint de
partager avec ses congénères des ressources
concentrées en quelques sites favorables.
L’autre animal emblématique de la ville est
le pigeon, qui pose les mêmes problèmes de
gestion du fait de sa surpopulation présumée
et des dégâts qu’il occasionne au niveau des
bâtiments publics.
EN SAVOIR +
Des chats et des Hommes. Le Journal du CNRS.
www2.cnrs.fr/journal/3567.htm
Des chercheurs lyonnais ont mené une
étude à long terme sur les chats, qu’ils soient
errants ou domestiques, et le comportement des humains à leur égard, dans le quartier de la CroixRousse et son hôpital. Ces recherches permettent d’élaborer des protocoles de gestion concertés des
chats en milieu urbain.
Chats errants de ville
© CNRS Photothèque/
PONTIER Dominique
99
35
VILLE ET NATURE
Favoriser la nature en ville
La biodiversité en ville est un aspect peu connu de la question plus générale
de la biodiversité ordinaire, car très souvent les naturalistes et chercheurs n’y
consacrent que peu de temps d’observation, d’expérimentation et de suivi.
Avec le soutien du Ministère en charge de l’écologie, la ville de Grenoble
a été choisie pour tester des méthodes de suivi de la biodiversité (oiseaux,
papillons de jour) dans des quartiers présentant des densités variables
d’espaces verts.
Observer oiseaux et papillons dans nos jardins
En 2007, le Grenelle de l’Environnement a initié la
mise en place de la « trame bleue et verte », un
réseau d’échange pour la biodiversité animale
et végétale à l’échelle du territoire national.
Il s’agit de reconstituer un réseau écologique
cohérent qui permette aux différentes espèces
de circuler et d’interagir.
Dans le cadre des Schémas de Cohérence
Territoriale et des Plans Locaux d’Urbanisme, la
plupart des communes et métropoles de RhôneAlpes sont concernées par le Schéma Régional
de Cohérence Ecologique, qui impacte l’aménagement du territoire et les actions de protection des ressources naturelles.
Dans ce contexte, il est important d’évaluer l’influence d’une trame verte et d’un réseau d’espaces verts, incluant espaces publics et jardins
privés, sur la biodiversité ordinaire. De grands
programmes nationaux de suivi, tel que le Suivi
Temporel des Oiseaux Communs (STOC) et, pour
les papillons, le Suivi Temporel des Rhopalocères
de France (STERF), sont en place depuis plusieurs
années. Plus récemment, le programme Vigie
Nature associe les citoyens à des suivis naturalistes (observatoire de papillons des jardins, suivi
d’insectes pollinisateurs, etc.).
Petit sylvain à Saint-Égrève (38)
© Océane Doledec/Cemagref
Des programmes nationaux
à l’action locale :
la biodiversité à la loupe
Il est indispensable d’effectuer des suivis et
d’obtenir des données en milieu urbain, afin de
mettre en évidence l’importance de la « gestion
différenciée » des espaces verts publics, et ainsi
inciter les collectivités à évoluer vers une gestion
durable et raisonnée, notamment par le passage
à un entretien sans pesticides à Lyon et Grenoble.
Ces études devraient également permettre de
montrer l’utilité des connexions entre espaces
verts par un maillage diffus de jardins particuliers,
qui permettent à la biodiversité d’être omniprésente et de circuler.
Le travail engagé par les chercheurs rhônalpins vise à adapter les protocoles STOC et
100
STERF au milieu urbain dans une ville
comme Grenoble, qui ne présente pas,
à grande échelle, un découpage net
entre constructions et espaces verts, mais
un mélange de quartiers plus ou moins
denses en termes d’urbanisme. Le Cemagref de Grenoble a bénéficié de l’appui
du Muséum National d’Histoire Naturelle et
de la Ligue pour la Protection des Oiseaux
Isère pour l’élaboration et la formation aux
protocoles.
Ce programme s’inscrit également dans la
démarche de concertation engagée sur le
territoire de Grenoble autour de la création
d’un futur observatoire de la biodiversité,
initiée dans le cadre de l’opération « 2010,
Année Internationale de la Biodiversité ».
Moineau en ville
© Océane Doledec/Cemagref
Des espèces plus ou moins présentes
selon les milieux observés
Cette étude a débuté en avril 2010 et les premiers
résultats sont particulièrement intéressants :
Le suivi des oiseaux présents en juin sur 63 sites a
permis d’identifier 52 espèces1 au total, dont le
merle noir dans 97 % des sites, suivi de la corneille
noire, du martinet noir, de la fauvette à tête
noire et du moineau domestique (86 % des sites).
Cette biodiversité est cependant hétérogène
au sein de l’agglomération. Ainsi, les secteurs de
ripisylve abritent 34 espèces, contre seulement
11 dans les secteurs d’habitat collectif dense, où
la végétation est relictuelle.
Les papillons sont très peu présents en cœur de
ville (l’année 2010 étant peu favorable globalement du point de vue climatique). Il est cependant intéressant de noter que dans les parcs
urbains de centre ville, les parties non gérées (une
seule fauche tardive) présentent une richesse
plus importante. Ainsi, des modes de gestion plus
extensifs seraient à privilégier.
EN SAVOIR +
www2.mnhn.fr/vigie-nature/
Les recherches qui débuwww.legrenelle-environnement.gouv.fr/-Biodiversite,101-.html
tent ont montré la nécessité
d’adapter les protocoles
standards à la ville et à la pratique par des naturalistes débutants (étudiants
de master). Elles ont aussi montré l’intérêt des citoyens pour mieux connaître
la biodiversité proche de chez eux. En effet, pour pénétrer dans les jardins
privatifs, des autorisations ont été demandées aux propriétaires par courrier,
et le taux de retour favorable a été assez important.
À terme, ces travaux doivent permettre d’instaurer une cohérence entre les
documents d’urbanisme et la mise en place d’une trame verte et bleue dans
l’espace urbain.
1. Pour une année complète et avec une pression d’observation bien plus importante, la LPO Isère identifie 156 espèces sur la commune de Grenoble.
101
36
VILLE ET NATURE
Des particules
dans l’air des villes
La pollution atmosphérique urbaine affecte directement la qualité de l’air que nous respirons et
induit une dégradation des écosystèmes et du climat. De plus, elle exerce des conséquences
négatives sur la santé publique. Les sources de pollution atmosphérique sont sans frontières : une
grande partie est locale (trafic, industrie, chauffage), mais l’apport de polluants des contrées plus
éloignées, à l’échelle nationale, continentale (Europe) et intercontinentale (Afrique, Amérique) n’est
pas négligeable. Dans la région Rhône-Alpes, plusieurs équipes de recherche sont impliquées dans
l’étude de ces questions et développent une recherche de pointe en coopération avec l’autorité
régionale de surveillance de la qualité de l’Air, Atmo Rhône-Alpes.
Il n’y a pas que les gaz à effet de serre
Quelle est l’évolution de la qualité de l’air dans
notre région, en particulier dans les villes comme
Lyon et Grenoble, et quelles sont les sources de
cette pollution ? Cette interrogation est importante
pour la région Rhône-Alpes car son activité industrielle est forte, son trafic routier est dense et ses
habitants sont souvent concentrés dans des zones
proches des sources de pollution. Cette situation n’est pas spécifique à la région Rhône-Alpes
et elle implique l’ensemble de la communauté
internationale des chercheurs et des décideurs
économiques, sociaux et politiques. La question
récurrente et connue du grand public concerne
le gaz carbonique (CO2) et les autres gaz à effet
de serre qui affectent le climat et provoquent le
réchauffement global de notre planète.
La communauté scientifique porte également son
intérêt sur les aérosols, et notamment sur les particules fines qui ont des conséquences plus locales.
La taille de ces particules et leur complexité
chimique (sulfate, organique, nitrate, suie) ont
en effet un impact sanitaire avéré, mais pas
encore parfaitement quantifié. Leur activité
dans la dégradation de la qualité de l’air est ainsi
source de nombreuses interrogations fondamentales. Cette recherche est réalisée dans le cadre
d’une forte coopération avec les instances de
surveillance de la qualité de l’air et les autorités
sanitaires de la région.
Le LiDAR, instrument de télédétection
et d’analyse par laser des particules atmosphériques
© Eric Le Roux/Communication/UCBL
102
Des progrès significatifs en métrologie et en modélisation
Les recherches récentes ont permis la mise au
point d’équipements de haute technologie
permettant une analyse extrêmement sensible et
précise de la composition chimique et particulaire
de l’atmosphère : chromatographie, spectrométrie de masse, LiDAR. Les progrès réalisés en modélisation, associés au développement des moyens
de calculs, permettent aujourd’hui de réaliser
des simulations numériques de haute résolution
spatio-temporelle pour représenter la dispersion
des particules dans l’atmosphère urbaine.
Ces résultats importants conduisent à une
meilleure évaluation de l’impact de nouveaux
polluants sur la qualité de l’air et de l’exposition
des populations.
Dans la région Rhône-Alpes, les recherches se
sont surtout portées sur les particules (aérosols)
émises par le trafic routier et la combustion de
bois de chauffage. Plusieurs aspects de la dispersion des polluants dans l’atmosphère ont été
abordés :
le lien entre les sources d’émission de particules
et leur concentration dans les couches de l’atmosphère,
le rôle du relief sur les processus de mélange
des polluants dans l’atmosphère.
5
10
5
4
Altitude (km)
0
3
Mesure de la teneur en particules réalisée
au dessus de Lyon en avril 2010 par le LASIM,
département de physique de l’Université Lyon 1,
à l’occasion d’une éruption volcanique en
Islande. Le code couleur indique la concentration
relative des particules dans l’atmosphère.
Les particules volcaniques se situent au dessus
de 1500 m d’altitude.
© Patrick Rairoux/Station LIDAR-LASIM-UCBL
2
1
0
0h
12h
17 avril 2010
0h
12h
18 avril 2010
Six laboratoires de recherche lyonnais et grenoblois sont impliqués dans cette thématique (LMFA,
LASIM, IRCELYON, LCME, LGGE, LEGI) depuis plus d’une décennie. Ces équipes ont bénéficié du
soutien du Cluster Environnement et ont développé leurs recherches en s’appuyant sur un plateau
scientifique partagé portant sur l’analyse et la métrologie de l’atmosphère (ANAMEA) et sur l’observatoire PIMPUS consacré à la collecte des données nécessaires à la compréhension sur le long terme
du lien entre qualité de l’air en zone urbaine et santé des populations.
EN SAVOIR +
LMFA : http://lmfa.ec-lyon.fr/fluco/
LASIM : www-lasim.univ-lyon1.fr/spip.php?rubrique61
IRCELYON : www.ircelyon.univ-lyon1.fr/la_recherche/
equipes_de_recherche/(syrcel_identifier)/AIR
LGGE : www-lgge.ujf-grenoble.fr/axes/equipes-chang.shtml
LEGI : www.legi.grenoble-inp.fr/web/spip.php?rubrique79
LCME : www.lcme.univ-savoie.fr
103
37
VILLE ET NATURE
Villes et usines :
une cohabitation à risque
Les risques industriels sont des réalités. Le moindre incident peut avoir des conséquences
importantes sur la population et l’environnement. Il est donc essentiel de les maîtriser et de
les gérer. Les équipes de recherche de Rhône-Alpes travaillent principalement dans deux
directions : les méthodes d’analyse de risques qui permettent d’anticiper ceux-ci dès la
conception des installations, et l’analyse des plans de secours proposés qui permet de tester
leur fiabilité avant que leur utilisation ne soit nécessaire. Ces travaux ont été essentiellement
menés par des laboratoires de l’INP Grenoble et de l’École des Mines de Saint-Étienne).
Les résultats ont été présentés sous forme de cadres méthodologiques qui ont été validés sur
des exemples industriels. Leur principal atout réside dans la prise en compte simultanée des
aspects techniques, humains et organisationnels.
Le risque industriel est-il important
dans la région Rhône-Alpes ?
La région Rhône-Alpes compte un nombre
important de sites chimiques et pétrochimiques
à risques, résultat d’une longue histoire industrielle. Par ailleurs, la situation géographique
particulière et le développement économique
ont conduit à une forte urbanisation autour de
ces sites. Ce risque industriel peut se manifester
sous la forme d’un incendie, d’une explosion ou
de la dispersion de produits toxiques dans l’air
ou l’eau, suite à une situation accidentelle. Il est
donc primordial de maîtriser les risques industriels
pour les gérer efficacement.
Les industriels et les pouvoirs publics ont très tôt
pris conscience de l’importance d’une gestion
efficace de ces risques, notamment après la
grave catastrophe de Feyzin en 1966. La réglementation nationale impose des obligations aux
sites à risques, comme par exemple la réalisation
d’analyses de risques pour identifier a priori ces
derniers, la réduction des risques à la source par
des technologies et des procédures adaptées,
l’information des populations et la mise en place
de plans de secours pour gérer les situations
accidentelles.
La protection des populations et de l’environnement va dépendre de la connaissance, de
la pertinence et de l’application des mesures
prévues dans les conditions prévues.
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Couloir de la chimie,
Feyzin (69) – © Région RhôneAlpes/Jean-Luc Rigaux
Complexe pétrochimique
de Saint-Clair-du-Rhône (38) – © Région
Rhône-Alpes/Jean-Luc Rigaux
Comment être certain que les risques seront maîtrisés ?
Deux axes de recherche ont été particulièrement
développés : les méthodes d’analyse a priori des
risques permettant de définir les aspects techniques et organisationnels adaptés et la gestion des
plans de secours pour leur réalisation efficace.
En ce qui concerne les méthodes d’analyse de
risques, les méthodologies proposées permettent d’améliorer l’exhaustivité et d’adopter une
approche globale prenant en compte simultanément les aspects techniques, humains et
organisationnels afin d’assurer la maîtrise et la
gestion des aléas liés à l’activité industrielle ou
à l’aménagement du territoire. Dans ce cadre,
les travaux s’appuient généralement sur une
analyse systémique des organisations étudiées.
Le cas des PME a été particulièrement analysé.
Ces recherches permettent de caractériser la
vulnérabilité d’un territoire industriel par des indicateurs spatiaux et temporels et assurent ainsi un
développement durable du territoire.
La démarche d’analyse de risques a été structurée, tout comme la capitalisation de la connaissance nécessaire, dans une méthode basée sur
une modélisation itérative de l’installation industrielle. Cette méthode a été concrétisée par un
logiciel (Xrisk) qui guide et facilite la démarche.
Un effort important a également réalisé dans la
validation des plans de secours. Il est en effet indispensable de s’assurer de leur faisabilité et d’analyser leur robustesse pour s’assurer qu’ils peuvent
être mis en œuvre. Un cadre méthodologique
a ainsi été proposé pour réaliser une analyse a
priori de la faisabilité du plan. Cette démarche
s’est concrétisée par la réalisation d’un guide
pour l’identification des défaillances possibles
dans l’exécution d’un plan de secours, fondé en
particulier sur l’analyse de retours d’expérience.
Ce guide propose une boîte à outils permettant
l’évaluation des plans existants et la création de
nouveaux plans de secours industriels.
EN SAVOIR +
Le Cluster Environnement a soutenu les recherches sur les
développements méthodologiques concernant l’analyse de la robustesse des plans de secours industriels.
www.xrisk.fr/IndustrialEmergencyPlan
www.cluster-gospi.fr
En complément, le Cluster GOSPI (Gestion et Organisation des Systèmes de Production et de l’Innovation)
a soutenu des recherches sur la gestion des substances dangereuses dans la production et les produits,
ainsi que par la structuration et la capture des informations industrielles dans les systèmes adaptés.
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38
VILLE ET NATURE
Risques industriels : quand l’erreur
n’est pas seulement technique…
Dans la région Rhône-Alpes, il existe 81 entreprises classées SEVESO Seuil Haut, contrôlées
par les services de l’Etat (DREAL) qui, en lien avec les industriels, vont chercher à améliorer
la prévention du Risque Industriel Majeur (risque pouvant entraîner des dommages importants
dans l’entreprise et son environnement) en installant des dispositifs de nature essentiellement
technique. Les grands accidents technologiques survenus notamment en France, comme celui
d’AZF à Toulouse en 2001 ou celui de Feyzin en 1966, ont amené experts, industriels et chercheurs à
s’interroger sur leurs causes probables. Sont alors évoqués, au-delà des défaillances techniques,
des facteurs humains et organisationnels sur lesquels travaille une équipe interdisciplinaire
composée d’ingénieurs et de chercheurs en sciences sociales.
Les causes des accidents
ne sont pas seulement techniques
Les entreprises SEVESO Seuil Haut sont
nombreuses en Rhône-Alpes en raison de sa
longue tradition industrielle. À titre d’exemple,
on peut citer le couloir de la chimie au Sud
de Lyon, les plates-formes pétrochimiques de
Feyzin ou le complexe chimique de Pont-deClaix près de Grenoble.
Tenter de prévenir les risques d’accident et
augmenter la fiabilité de ces installations
implique la participation de plusieurs acteurs.
Ce sont d’abord les industriels qui conçoivent
des dispositifs techniques, des procédures
et des règles pour tenter de maîtriser les
accidents, ensuite les ouvriers et techniciens
qui travaillent des matières dangereuses au
cours de processus de production sensibles.
C’est aussi l’État qui contrôle ces installations
afin que le risque d’accident reste faible, alors
que leur gravité serait élevée.
Si l’accent a été jusqu’à présent mis sur les
dispositifs techniques, les facteurs humains
(rôle des hommes au poste de travail) et
organisationnels (rôle des choix opérés pour
organiser la production et de la qualité
des interactions tout au long de la chaîne
hiérarchique) sont de plus en plus étudiés dans
la survenue de ces accidents.
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Site industriel de Roussillon
© Sébastien Gominet/Photothèque IRMa
Le rôle des hommes et des
organisations est souvent central
Si les entreprises à risque industriel majeur ont été
à l’origine de nombreuses investigations suite aux
grands accidents technologiques, notamment
aux États-Unis dès les années 1980, les recherches
en sciences sociales menées en France au sein
d’installations classées ont été peu nombreuses.
Pourtant, les facteurs humains et organisationnels qui peuvent être à l’origine d’accidents ou
au contraire contribuer à les contenir, méritent
une grande attention.
Les recherches menées au cours des dernières
années ont ainsi montré le rôle et l’importance
de différents facteurs :
la qualité du couplage hommes/dispositifs
techniques,
la manière dont sont conçues, puis mises en
œuvre les règles et procédures de sécurité,
la manière dont s’opèrent les arbitrages entre
sécurité, productivité et qualité,
le rôle de la qualité des relations (ou interactions) au sein des équipes depuis les cadres
jusqu’aux opérateurs,
l’organisation des apprentissages à tous les
niveaux suite aux incidents et accidents afin de
comprendre les forces et faiblesses des modes d’organisation et d’éviter les répétitions d’accidents.
Les facteurs humains et organisationnels sont au cœur du travail de recherche réalisé au sein du
programme ATHOS (soutenu par l’État et l’Institut pour une Culture de Sécurité Industrielle de Toulouse),
qui nécessite une approche interdisciplinaire de la sécurité, mobilisant en particulier ingénieurs et
sociologues (Centre Max Weber, ISH-Lyon). Des études de terrain ont été réalisées dans le secteur de
la chimie. Ces recherches vont être valorisées par un guide en cours de réalisation.
EN SAVOIR +
www.modys.fr/modules/news/article.php?storyid=90
www.prim.net/citoyen/definition_risque_majeur/introindustriel.htm
www.ineris.fr/index.php?module=cms&action=getContent&id_heading_object=1052
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