Małgorzata Posturzyńska-Bosko Sur la technique du style
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Małgorzata Posturzyńska-Bosko Sur la technique du style
Małgorzata Posturzyńska-Bosko Sur la technique du style des textes politiques de Christine de Pizan Lublin Studies in Modern Languages and Literature 31, 41-51 2007 LUBLIN STUDIES IN MODERN LANGUAGES AND LITERATURE 31, 2007, http ://w w w .lsm ll .u m cs .lublin .pl Małgorzata Posturzyńska-Bosko Maria Curie-Skłodowska University, Lublin, Poland Sur la technique du style des textes politiques de Christine de Pizan L a tech n iq u e de co m p o sitio n des oeu v res de C hristine de P izan doit beau co u p à la com pilation, m éth o d e pro p rem en t m éd iév ale qui re p re n d le s su je ts, le s fo rm es, les id ées déjà exp lo ités dans les oeuvres an térieu res, pas n écessairem en t dan s les siennes, proche du plagiat1. L e s co m p ilatio n s ra sse m b len t sur un su jet les con n aissan ces éparses d an s des o u v rag es a n té rie u rs; d'ordinaire, ce so n t des o u vrages fo rm és de m o rceau x , de d o cu m en ts em p ru n tés à divers au te u rs. C e style est n ettem en t v isib le d ans le ch ap itre X X V de la tro isièm e p artie de L e L iv re d es fa is e t b o n n e s m e u rs du sa g e R o y C harles V; intitulé C y d it c o m m e n t le r o y C h a rles tauxa so n o ffic ie r ch a g e u r à . V. frans. P rem ièrem en t, elle raco nte une h isto ire authentique, celle d'un fils m alh o n n ête qui s'est p assée so u s le règne de C h arles V, et à la fin de cette histo ire, C h ristin e ad resse au lecteu r les m o ts suivants: „C est ju g e m e n t (de C harles) m e ram en to it ce que j e treu v e de .II. hom m es, qui b ailleren t à une fem m e un dep o st (...)”. L 'h isto ire est em pruntée au x F lo re s C h ro n ico ru m de B ern ard G ui, fol. 20v°. C om m e la plupart d es au teu rs de l'époque, C h ristin e cherch e trop v o lo n tiers l ’in spiration 1 Dictionnaire des lettres françaises (1992:281). 42 Małgorza ta Posturzyń ska -Bosko d an s les liv res de ses co n tem p o rain s fran çais et étran g ers et des a u teu rs de l'A n tiq u ité 2, (l'originalité et l'in sp iratio n n'étaien t pas les v e rtu s de cette p é rio d e 3), en g lissan t des rém in isc en c es et exem p les so u s le poid s d esq u els so n style d evient surchargé, lourd, et parfois l ’id ée p rin cip ale au to u r de laq uelle est o rg anisé le tex te est d ifficile à d é g ag er. S e s o eu v res so n t g â ch é es par des p assages dont la longueur et la pro lix ité p eu v en t e n n u y er4. S o n d ésir d 'im iter la stru ctu re des 2 Parmi les ouvrages qui ont servi à Christine de source pour la rédaction d'une seule oeuvre, Le Livre des faits et de bonnes meurs du sage roy Charles V, H. Duchemin (1891) énumère: Les chroniques de Saint-Denis, La Relation latine de la mort de Charles V, De regimine principum de Gilles de Rome, Speculum historiale de Vincent de Beauvais, Commentaire sur la Métaphysique d'Aristote, traduction anonyme des Flores Chronicorum de Bernard Gui, Les Faits de du Guesclin, Manipulus Florum de Thomas Hibernicus, Dante. 3 Christine elle-même est consciente du fait que son ouvrage n'est pas révélateur; quand elle dit dans LFBM, Ile partie, chap. XXI, p. 191: Cest femme-cy ne dit mie de soy ce que elle explique en son livre, ains fait son traittié par procès de ce que autres auteurs ont dit à la lettre»; de laquel chose à ceulz je puis respondre que tout ainsi comme l'ovrier de architecture ou maçonnage n'a mie fait les pierres et les estoffes, dont il bastist et ediffie le chastel ou maison, qu'il tent à perfaire et où il labeure, non obstant assemble les matieres ensemble, chascune où elle doit servir, selon la fin de l'entencion où il tent, aussi les brodeurs, qui font diverses divises, selon la soubtivité de leur ymaginacion, sanz faulte ne firent mie les soyes, l'or, ne les matieres, et ainsi d'aultres ouvrages, tout ainsi vrayement n'ay je mie fait toutes les matieres, de quoy le traittié de ma compilation est composé; il me souffist seulement que les sache appliquer à propos, si que bien puissent servir à la fin de l'ymaginacion, à laquelle je tends à perfaire. 4 L. M. Gay, On the language o f Christine de Pisan (1908-9:446), écrit que le style de Christine a été très influencé par le latin et l'italien, Solente dans l'édition du Livre de la Paix explique cette tendance: More probably Christine was trying to «latinize» her style, less from the influence of the classics (although she must have been influenced to some extent by such translations as Oresme's), than from following the deplorable Latin of the notaries and royal secretaries. This group, it has already been noted, exercised a very great influence on the written language of the period, and since it was to this group that Christine's husband and later her son belonged, and with which she herself Sur la technique du style des textes politiques de Christine de Pizan 43 sen ten ces latin es fait q u 'elle m ultip lie des p ro p o sitio n s su b o rd o n n ées ju s q u 'à les ren d re co m p liq u ées et obscures. E lle utilise très so u v en t les c o n stru ctio n s sy n ta x iq u e s im b riq u ées (q u i se retro u v e n t d 'ailleu rs chez d 'au tres au teu rs de l'é p o q u e ): à l'aide de co m p lém en ts ou de su b o rd o n n é e s conjo n ctives, elle „m et en évid en ce un élém ent th ém atiq u e ou to p icalise la ph rase de façon à ex p liciter d'une façon claire les lien s entre les différen ts n iv eau x du texte, entre to u tes ces c o m p o sa n te s”5. G râce à ces co n structions, l'écriv ain peut rep ren d re un sujet, ajo u te r de n o u v elles clés de lecture, m ettre le texte qu'elle écrit et les citatio n s q u 'elle y intègre su r le m êm e plan. L a citatio n du L iv re de P ru d e n c e qui suit, est un ex em ple de ce procédé: (1) Et que riens ne doiéz doubter tenant justice, comme Dieu soit avec vous, dit David: Dieu serra les bouches des lions (...). [f. 20a]. S o le n te p résen te les d eux e x em p les (parm i plusieurs) d'un procédé d 'o b scu rcissem en t par la m u ltip lica tio n des su b o rd o n n é es dans L e L iv re de la P a ix: (2a) Et que le seigneur meismes, parce qu'ilz sont muables et que tousjours vouldroient nouvellletez, si que dit est, ne soit quelquefois en peril de sa seigneurie perdre (...). (2b) Car si que dit Senecque, cellui est fort qui point ne brise ne part de sa constance de la bonne euvre parfaire qu'il a entreprise pour trouble que lui puist avenir. T rès souvent, C h ristin e utilise des co n stru ctio n s pseudo latin es6, com m e: to u s a y a n s b o n e cause, le s h o m m e s rem em brans. L es parties les p lu s so ig n ées o ffren t une a b o n d an ce de m o ts savants, calqués sur les fo rm es latines. C h ristine utilise très so u v en t des fo rm u le s de n o ta ire , co m m e m oi, C h ristin e, et je, C h ristin e , elle présente des dates exactes, én u m ère so ig n eu sem en t les m em b res de la fam ille ro yale et de la co u r en citan t leurs titres co rrects et com plets, com m e d an s le cas certainly maintained relations, she could scarcely be expected to have escaped its imprint. 5 G. Parussa (1997:538). 6 Dictionnaire Bibliographique des Auteurs (1985:615). 44 Małgorzata Posturzyńska-Bosko de L o u is de G u y en n e qui était a isn é filz du r o y a c te n d a n t la couronne p a r g r a c e de D ieu, d u c de G u ienne e t da u lp h in de V iennoiz (LP, p. 2). U n e au tre p articu larité du sty le de C h ristin e consiste en m anière b ie n co n n u e dans les tex tes m o y en âg eu x de g ro u p er les m ots sy n o n y m iq u es d e u x p a r d e u x (a u g m en te r e t acro istre; la j o i e eue e t en co m m en cié)7. S o len te dans l'in tro d u ctio n au L ivre de la P a ix m ontre les re ssem b lan ces en tre le style de P izan et celui de Je a n G erson, c h an celier de l'U n iv ersité de P aris qui, com m e elle, u tilisait le m êm e p ro céd é d ans ses serm o n s8, et elle d éfin it le style de C h ristin e com m e clerg ia l, n éan m o in s elle com pare certains p assages au sty le de F ro issa rt9. В. C o m b ettes, an aly san t la n arratio n et la descrip tio n ch ez C. de P izan dit que l'oeuvre de C. de Pisan, et, en particulier, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, ne peut évidemment être étiquetée comme oeuvre purement narrative; sans doute, bon nombre de passages ressemblent-ils quant à leur technique de rédaction - à des extraits de romans d'aventures, de romans de chevalerie; mais d'autres parties, tout aussi longues, correspondent en fait à ce que l'on pourrait appeler «arrière-plan plongé».10 7 Ch. Bruneau (1955:107). 8 D'après Solente (1936-40:21), L. Mourin (1952:432). 9 Solente, ibidem, p. 22, finit l'analyse du langage et du style de Christine, après avoir montré leurs imperfections, par juger certains passages de ses oeuvres dignes de la plume de Froissart: All these traits, of course, make certain pages of the Livre de la Paix difficult to read. It is only when Christine forgets from time to time the «style clergial», as she does when describing the chevauchée of Charles V or the emotions aroused by the Cabochien uprising, that she shows herself capable of writing a vigorous and direct prose which is as colorful as certain page of Froissart. These passages make one regret that Fortune, to whom she addressed so many other complaints, did not permit her to live at a time when the general standard of literary expression as higher or when she might have been encouraged to write in the clearer and more natural manner of which she showed herself capable in her Livre des trois vertus. 10 В. Combettes (1982:53). Sur la technique du style des textes politiques de Christine de Pizan 45 Il o b serv e que la relatio n p re m ie r p la n - a rriè re -p la n , où le prem ier p lan em b rasse l'en ch aîn em en t des événem ents, le d éro u lem en t des a c tio n s d ans le tem ps, et l'arrière-plan, su g g é ra n t qu'il s'ag it de « p a ssa g e s» re la tiv e m e n t brefs qui v ien n e n t s'in sére r dans la narratio n (su bordonnées, incises, descriptions, com m entaires), ne se v érifie pas p lein em en t d ans les tex tes de C h ristin e; bien qu'il existe des p assages o ù il y a cette o p p o sitio n p r e m ie r p la n - a rrière-p la n , C o m bettes co n state que le « co m m en taire» o p posé à la n arratio n ne s'en ferm e pas d an s ce schém a: il ex iste de v érita b les descriptions, au to n o m es et co m p lètes, qui ne s'in sèren t pas, com m e le ferait le seco n d plan, dans un e n arratio n de p rem ier plan11. Il so u lig n e au ssi la présence des constru ctio n s ob jet/verb e en début de phrase ch ez C hristine: les exem p les de co m p lém en ts essentiels a n té p o sé s so n t d 'o rd in aire isolés et le g ro u p e déplacé a une v aleu r n ettem en t th ém atiq u e; il sert de lien avec le contexte, po u r rappeler, p ar exem ple, u n sy n tag m e déjà cité: (3) Adonc l'empereur, meu de compassion de tant de sang humain espandre fist cesser l'occision. De cestui empereur est escript que principaulment entre les autres vertus, pour la grant charité et compassion (...). LFBM I, p. 92 ou (4) Tost après que Bertran de Clequin, comme dist est, fu connestable de france, gaires ne sejourna, ains à belle compagnie de gens d'armes se parti de Paris et ala après Robert Canole et Thomas de Grançon et sa compaignie, que il attaigny une route d'Anglois d'ycellui Robert Canole, d'environ .viiic. lances; à celle gent assembla le connestable et tant fist lui et sa gent qu'en la finfurent Anglois desconfis, lesquelz estoient gens d'eslite, et moult vaillament se deffendirent; si fut pris Thomas de Grançon et jusques à .iiixx. autres gros prisonniers et le surplus mors ou fuitis. Celle gracieuse victoire ot messire Bertran en premiere estreine de sa conestablie (...). LFBM I, pp. 195-6 11 Combettes (1982:53), comme exemple, cite les passages suivants du LFBM I,: „En celle meismes année, aprés, vint à Paris, où à grant joye et feste de tous fu receus, comme droit et raison le devoit” (p. 162), „Par lui fu conseilliez et fait l'assemblement du roy adès vivant et de la royne Ysabel, fille du duc de Baviere, lequel lignage d'ancienneté est de grant noblece.” (p. 146), qui appartiennent au second plan. Małgorzata Posturzyńska-Bosko 46 Il est d ifficile m ain te n an t de dire si C h ristin e in tro d u isait m aintes d ig ressio n s afin d ’in stru ire so n p u blic ou plutôt po u r p résen ter la larg esse de so n éd u catio n et de so n sa v o ir; n éan m o in s elle am o in d rit p ar cette p ro céd u re la v a leu r littéraire de ses oeuvres. O n peut d iscuter si v ra im e n t les q u alités a rtistiq u es d o iv en t prév alo ir dans la littérature d id actiq u e ou p olém ique, dont C h ristin e est dev en u e une p ro clam atrice chaleu reu se; d ’une part, on atten d la clarté et la facilité de co m p réh en sio n d'une o euvre d id actique où le style n ’est pas le facteu r le plus im portant; d ’autre part, le style lo u rd fait effacer un peu l ’id ée p rin cip ale de l ’oeuvre. C h ristin e de P iz a n ex ploite une certaine m atrice thém atiq u e au to u r de laq u elle elle co n stru it son u n iv e rs littéraire, m ais cette co m p ilatio n est créatrice, ce qui co n stitue un p arad o x e: il lui arrive de rép é ter les m êm es p h rases et d'in troduire, en m êm e tem ps, un certain nom bre d ’idées n eu v es et d ’ob serv atio n s subtiles. L 'étu d e de l'oeuvre de C h ristin e m o n tre que com piler, c'est rec ré er et créer. E lle transform e le m até ria u étran g er p our l'am alg am er au tex te en train de se faire. G a b rie lla P a ru ssa p arle de q u elq u es ph én o m èn es ling u istiq u es qui p o u rraien t réso u d re les p roblèm es de sen s et d 'ex p ressio n qui se p o sen t so u v en t au x lecteurs des tex tes de C hristine de P izan. Parussa, se co n cen tre plus su r u n e o p tiq u e de coh éren ce tex tu elle que sur des cau ses ex térieu res ou p sy ch o lo g iq u es ad o p tée s par l'au teu r pour p réciser la lib erté de celui-ci, v is-à-v is des contrain tes du sy stèm e de la langue. P a ru ssa a relev é que les oeuvres de C hristine fo iso n n en t de constructions à double objet ou à double dépendante substantive, ou mixtes, se ressemblent et témoignent de la même nécessité de donner la premeière place, dans l'énoncé, à l'élément thématique, sur lequel après on établit une comparaison, ou que l'on va expliquer plus clairement12. P a ru ssa ju g e ces c o n stru ctio n s im p o ssib les au jourd'hui, et elle ajoute q u 'elles so n t p arfo is o ccu ltées par les éd iteurs qui, „au m o y en de la p o n ctu atio n , élim in e la co n jo n ctiv e an tép o sée (avec verb e au subjonctif) en la re lia n t à la pro p o sitio n qui p ré c è d e ”13. E lle présente 12 G. Parussa (1997:580). 13 Ibidem, p. 581. Sur la technique du style des textes politiques de Christine de Pizan 47 un ex em p le (parm i les n o m b reu x relevés) dans L e L ivre du co rp s de P olicie, où la p ro p o sitio n co n jo n ctiv e est co o rd o n n ée par l'éd iteu r à u n e co n jo n ctiv e qui la p récède - m êm e si le m ode v erb al n'est pas le m êm e - et le v erb e dire, dont elle dép en d en effet, est d isjo in t de sa su b o rd o n n ée et p lacé en début de proposition: (5) Si croy que quant ilz sont grans ilz n'en valent mie pir, et que gentilz hommes ainsi nourris soient plus habiles en fait de guerre et plus prenables que les bien mignos et delicatifz. Dit Vegece, de Chevalerie, ceulx sont propices aux armes qui aont acoustumé a traveiller. LP, p. 105. A so n avis, il au rait fallu m ettre un point ap rès p ir, et en lev er la p au se forte ap rès delicatifz. E n a n aly san t la sy n tax e de C h ristin e de Pizan, elle o b serv e qu'il serait n écessaire de g lo ser ces phrases pour q u 'elles aien t u n sen s accom pli. B ien que l'analyse du style de C h ristin e de P izan co n cerne l'E p istre O thea, G. P aru ssa présen te ses re c h e rch e s su r le sty le de C h ristin e issues des a u tres ouvrages, ce qui lui a perm is de co n stater que le style de l'au teu r n 'av ait pas évolué tout sim p lem en t au fil des années, g râce à l'ex ercice de l'écriture, m ais au ssi en fo n ctio n du type de te x te 14. E galem en t, C h. M arch ello -N izia et M . L e m ie u x 15 n o ten t un fo n ctio n n em en t d ifféren t de la sy ntaxe du su jet ch ez C h ristin e de P izan, dans u n tex te en prose et dans un tex te en vers: po u r fonder cette co n statatio n , elles co m p aren t L e L iv re du co rp s de P o licie et L e L iv re de M u ta tio n de F ortune, tex te en vers. L es au te u rs co nstatent que C h ristin e an tép o se rarem en t l'o b jet no m in al dans les énoncés d éclaratifs et d an s la m ajo rité des cas l'o b jet an tép o sé est le pronom 14 En parlant des exemples de constructions syntaxiques, Parussa (1997:582) observe une forte fréquence d'usage des tournures imbriquées dans le Livre du corps de Policie et le Livre de Prudence, tandis qu'on les voit rarement apparaître dans les textes narratifs ou descriptifs, tels que le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V. 15 M. Lemieux et Ch. Marchello-Nizia (1997:533). 48 Małgorzata Posturzyńska-Bosko ce: il s'ag it d 'én o n cés du type de «E t ce n o u s afferm e V alere (...)»16. S elo n C h. M a rch ello -N izia et M . L e m ie u x 17 les co n stru ctio n s avec l'o b jet n o m in a l an tép o sé (à l'ex cep tio n du cas où l'o b jet an tép o sé est le p ro n o m ce) telles que, p ar ex em ple ce fragm ent: (6) Icelles pensees le bon prince aura en son ceur qui le deffendront contre l'elevacion d'orgueil et de descognoysance, mais non pourtant toutesfoys puisaue Dieu l'a eslu a la charge de l'office de seignourie il couvient qu'il se y maintient mondainement par discrecion morale. LPC, p. 17 (7) Toutes teles choses doit deffendre le bon prince, car elles sont contraires et reprouvables a la religion Christienne et peuent estre cause de l'ire de Dieu et de la submersion des royaumes et contrees ou elles regnent (...). LPC, p. 22 n 'é ta ie n t atte sté e s n i d ans R o la n d , ni dans la Q u ê te . D an s les tex tes en vers, l'an tép o sitio n de l'objet est plus fréquente que dans les tex tes en p ro se 18. Ch. M arch ello -N izia et M . L em ieu x n o ten t ég alem en t les cas où le su jet p o stposé su it l'o b jet nom inal, com m e d an s l'ex em p le suivant: (8) Item, aussi raconte grande vertu, ycellui Valere, entre les aultres princes Rommains d'ung vaillant homme consul nommé Fabricius (...). LPC, p. 38 Il sem b le que la stru ctu re objet n o m in a l + v erb e + sujet n o m inal a p p araît p lu s fréq u em m en t que L em ieu x et M arch ello -N izia ne le constaten t: il y a p lu s d 'ex em p les de cette stru ctu re dan s L C P. C itons quelq u es-u n s: 16 Lemieux et Marchello-Nizia (1997), sur un total de 55 objets nominaux exprimés dans un échantillon étudié (soit un extrait d'environ 800 verbes conjugués), ne trouvent que deux cas d'objets nominaux antéposés. 17 M. Lemieux et Ch. Marchello-Nizia (1997:533). 18 Ibidem, p. 534. Sur un total de 64 objets nominaux réalisés dans un échantillon comparable à celui du Livre du corps de Policie, 22 exemples comprennent l'ordre OnV: Chacun veult sanz droit corriger (Il veut corriger chacun), Si maine par leens tel noise Qu'il semble que trestout y voise Droitement ce dessoubs desseure, (...). Sur la technique du style des textes politiques de Christine de Pizan 49 (9) Mais tele paix ne voult mie consentir le vaillant homme, se Pirus ne delaissoit tout ce qu'il avoit conquis sur les Rommains et leur domaine. LPC, p. 38 (10a) Ceste parole conferme le dit acteur Vegece ou premier livre de chevalerie et dit ainsi en autres choses se on erre se peut corriger l'erreur ou faulte (...). LPC, p. 126 (10b) Ceste hystoire traictent pluseurs acteurs, et mesmes Titus Livius. LPC, p. 158 L e s au te u rs tro u v en t p rém aturé de parler de ch an g em en ts sig n ific a tifs p o u r une époque en se lim itant à quelq u es tex tes et su rto u t si les sch ém as O n V so n t attrib u ab les à la langue du tex te plutôt q u 'à u n c h an g em en t sig n ific a tif dans l'ordre des m o ts19. L a langue de C h ristin e de P izan est celle de la C our (elle a v écu p resq u e to u te sa v ie d an s ce m ilieu), m ais les m o ts sav a n ts y sont fréquents. E lle a ffectio n n e les dim in u tifs dont elle sait faire un usage s u b til: de se s o eu v res lyriques, certain es p eu vent co n stitu er un trait « p o p u la risa n t» v e n u d 'an cien n es chan so n s de fem m es, à côté d'autres m a rq u e s de sty le sim ple, tan d is qu'elle reco u rt au reg istre le plus relev é de l'am o u r co u rto is. D a n s se s oeu v res en prose, elle use du style sav an t, et ses p h rases lo n g u es et co m p lex es sont so u v en t obscures, com m e elle-m êm e l'ap erço it dans l'Avision: Adonc me pris a forgier choses jolies, a mon commencement plus legieres, et tout ainsi comme l'ouvrier qui de plus en plus en son oeuvre s'asoubtille comme plus il la fréquente, ainsi tousjours estudiant diverses matieres, mon sens de plus en plus s'imbuait de choses estranges, amendant mon stille en plus grant soubtilleté et plus haulte matiere. Bibliographie Ouvrages de Christine de Pizan analysés 19 Ibidem, pp. 544-5, la question que les auteurs se posent, est de déterminer dans quelle mesure la syntaxe particulière de l'objet telle que révélée par des fréquences d'utilisation dans quelques textes est significative d'une évolution qui peut être rattachée à la perte de V2. Elles se posent aussi la question s'il y a des étapes intermédiares dans la perte de l'ordre V2 et si oui, comment l'évaluer du point de vue théorique et du point de vue quantitatif. 50 Małgorzata Posturzyńska-Bosko Le Livre des fais et bonnes meurs du sage Roy Charles V, (1936-40), éd. Suzanne Solente, Paris, Champion (SHF), 2 volumes. The 'Livre de la Paix' of Christine de Pisan, (1958), éd. Charity Cannon Willard, 'SGravenhage, Mouton. Le Livre du corps de Policie, (1967), éd. Robert H. Lucas, Génève, Droz (TLF, 145). Le Livre de Prudence Oeuvres poétiques, 3 volumes, (1886), éd. M. Roy, Paris, Firmin-Didot. Sur la technique du style des textes politiques de Christine de Pizan 51 Dictionnaires Dictionnaire Bibliographique des Auteurs de tous les temps et de tous les pays, (1985), sous la rédaction de Bompani Laffont, vol. I, Bouquins, Paris, Robert Laffont. Dictionnaire des lettres françaises. Le Moyen Age, (1992) sous la direction du cardinal Georges Grente, préparé par R. Bossuat, L. Pichard et G. Raynaud de Lage, édition entièrement revue et mise à jour sous la direction de G. Hasenohr et M. Zink, Paris, Fayard. Ouvrages et articles Bruneau Ch., (1955), Petite Histoire de la langue française, Paris, Colin. Combettes B., (1982), Une notion stylistique et ses rapports avec la syntaxe: narration et description chez Christine de Pizan, [in] Le Génie de la forme, mélanges de langue et littérature offerts à J. Mourot, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, pp. 51-58. Gay L. M., (1908-9), On the language of Christine de Pisan, phonétique et morphologie, [in] Modern Philology, VI, pp. 441-458. Lemieux M. et Marchello-Nizia Ch., (1997), L'analyse quantitative en diachronie, [in] Le Moyen Français. Philologie et linguistique. Approches du texte et du discours. Actes du VIIIe Colloque International sur le moyen français publiés par B. Combettes et S. Monsonégo, Paris, Didier, pp. 530-571. Mourin L., (1952), Jean Gerson, prédicateur français, Bruges, Université de Gand, Faculté des Lettres, 113, pp. 385-426. Parussa G., (1997), Rimoier et exposer. Quelques remarques sur la syntaxe de Christine de Pizan, [in ] Le moyen français. Philologie et linguistique. Approches du texte et du discours. Actes du VIIIe Colloque International sur le moyen français, publiés par B. Combettes et S. Monsonégo, Didier Érudition, Paris, pp. 573-593.