la matiere et le son - parolesensetresonance.fr

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L a matière et le son : considérations éthnomusicologiques sur
les classifications instrumentales
D ESJ A C Q U ES A lain
,QWURGXFWLRQ
1&KDTXHFLYLOLVDWLRQFKDTXHFXOWXUHDpODERUpjGLIIpUHQWVQLYHDX[G¶H[SUHVVLRQXQGLVFRXUV
concernant ses propres instruments de musique, ses origines, ses classifications. En Occident,
face à la profusion des instruments de musique dont se dotaient de nombreux musées
HXURSpHQVGHSXLVO¶qUHGHVHPSLUHVFRORQLDX[ODUHFKHUFKHRUJDQRORJLTXHDSURJUHVVLYHPHQW
élaboré, depuis la fin du XIXe et début du XXe siècle, des systèmes taxinomiques dans une
optique comparativiste à visée universaliste, une sorte de classification supérieure globalisante
à vertu encyclopédique, mais aussi en rupture épistémologique avec celles des débuts
tâtonnants et celles qui sont YpKLFXOpHVGDQVOHGLVFRXUVpPLTXHF¶HVWjGLUHSURGXLWSDUOHV
autochtones. Ce courant de recherche a toujours de beaux jours devant lui, bien que de plus en
SOXVRQFRPPHQFHjV¶LQWpUHVVHUVpULHXVHPHQWHQILQDX[GLVFRXUVTXHOHVGLIIpUHQWHVFXOWXUHV
tiennent à ce sujet.
x
1 Voir Degrenne, A. (2005).
2&ODVVHUjTXHOTXHQLYHDXTXHFHVRLWQ¶HVWSDVXQHPLQFHDIIDLUHFHQ¶HVWSDVOHIUXLWG¶XQH
RSpUDWLRQPHQWDOHVLPSOHQDWXUHOOH$XFRQWUDLUHFHWWHRSpUDWLRQHVWLVVXHG¶XQSURFHVVXVTXL
a longuement m€ULGHSXLVOHVGpEXWVGHO¶KXPDQLWpSHXW-être même, dans ses prémices, avant
le début du langage et conditionnant son apparition1. Ce processus a patiemment structuré
O¶HVSULWWRXWG¶DERUGWUqVSUREDEOHPHQWOLpjODVXUYLHGHO¶HVSqFH¬O¶DXEHGHO¶KXPDQLWpHQ
effet, il a pu naître à partir de couples de distinction par oppositions simples, liés sans doute
SURIRQGpPHQWjGHVSXOVLRQVYLWDOHVTXLIRQWVHGLVWLQJXHUOHGDQJHUHX[GHFHTXLQHO¶HVWSas,
OHPDQJHDEOHGXQRQPDQJHDEOHO¶RVGHODFKDLUOHFXLWGXFUXHWFSRXUSURJUHVVLYHPHQW
V¶DIILQHUGpYHORSSHUGHVGpGXFWLRQVGHVLQGXFWLRQVGHVKLpUDUFKLHVGHVGpILQLWLRQVHWVH
déployer dans toute la vie sociale, économique, spirituelle des groupes humains. On peut
remarquer au passage que ces systèmes ne concernent pas seulement des sociétés à écriture,
F¶HVWjGLUHSULYLOpJLDQWODWUDQVPLVVLRQpFULWHGXVDYRLUPDLVTX¶LOVVRQWpODERUpVDXVVLGDQV
GHVVRFLpWpVjWUDQVPLVVLRQRUDOHHWTX¶LOVrelèvent de processus intellectuels de nature
différente.
x
x
2 Durkheim E. et M. Mauss (1903), p. 4.
3 Lot-Falk, E., (1959), p. 18.
3©&ODVVHUOHVFKRVHVQRXVHQVHLJQHQW(PLOH'XUNKHLPHW0DUFHO0DXVVF¶HVWOHVUDQJHUHQ
groupes distincts les uns des autres, séparés par des lignes de démarcation nettement
déterminées »2. Cette conception contemporaine de la classification ne remonterait pas auGHOjG¶$ULVWRWHVHORQOHVDXWHXUV$XWDQWGLUHTXHGXUDQW GHVPLOOpQDLUHVDYDQWG¶DUULYHUj
FHWWHGpILQLWLRQO¶KXPDQLWpDYpFXGDQVXQpWDWG¶LQGLVWLQFWLRQGHFRQIXVLRQGDQVXQPRQGH
où « les barrières, précise Evelyne Lot-Falk, ne sont pas dressées entre le règne animal,
YpJpWDOHWPrPHPLQpUDOLOQ¶\DTXH des aspects différents, des apparences changeantes »3.
/DOLWWpUDWXUHHWKQRORJLTXHSDUH[HPSOHDERQGHGHFHVUpFLWVRO¶KRPPHV¶LPDJLQHrWUHLVVX
G¶XQDQLPDOHWRXIDLWSDUWLHG¶XQHHVSqFHG¶DQLmal. « Les métamorphoses, les transmissions
GHTXDOLWpVOHVVXEVWLWXWLRQVGHSHUVRQQHVG¶kPHVHWGHFRUSVODFUR\DQFHUHODWLYHjOD
PDWpULDOLVDWLRQGHVHVSULWVjODVSLULWXDOLVDWLRQG¶REMHWVPDWpULHOVVRQWGHVpOpPHQWVGHOD
pensée religieuse ou du foONORUHªDMRXWHQW'XUNKHLPHW0DXVV(QFRUHDXMRXUG¶KXLGDQVQRV
sociétés, pourtant avancées dans les domaines de la pensée, de la science, de la technologie,
on peut encore trouver des traces de ces survivances, plus ou moins édulcorées, de cette
mentalité aussi bien au niveau individuel que dans des formes de pensée collective. Ainsi, il y
aurait sans doute beaucoup à dire à la fois sur la naissance des systèmes classificatoires, leur
pYROXWLRQVRXYHQWFRPSOH[HHQSDUWLFXOLHUGDQVO¶RUJDQLVDWLRQVRFLDOH des sociétés, ainsi que
sur leur description minutieuse réalisée surtout par les ethnologues, qui nous renseignent tout
autant sur leur propre méthode structurelle et structurant les informations données par les
informateurs qui suivent une autre logique. Il est manifeste que le concept de classification se
décline à travers différents niveaux de logiques, et participe en cela au processus de cognition
en général.
4Ce cadrage préliminaire voudrait ainsi délimiter un espace de réflexion pour étudier plus
pUpFLVpPHQWFHFRQFHSWGHFODVVLILFDWLRQDSSOLTXpDX[LQVWUXPHQWVGHPXVLTXHWHOTX¶LOVH
présente dans différentes cultures et civilisations, en se fondant sur quelques systèmes parmi
OHVSOXVFRQQXVTXHO¶RQUHQFRQWUHHQ&KLQHHQ,QGHDX7LEHWHQ0RQgolie en Mélanésie et
dans le monde occidental.
/HV\VWqPHFKLQRLV
x
4 Voir Desjacques (2001).
5Les sons seraient à la source de la matière dans beaucoup de civilisations, comme le
montrent de nombreux mythes sur les origines4&¶HVW-à-dire que dans ces mythes, à chaque
fois que la naissance du monde est décrite avec précision, un événement acoustique y est
relaté à un moment donné qui donQHO¶H[LVWHQFHDX[rWUHVHWDX[FKRVHV/HVRQJpQLWHXUTXL
provient de cette force créatrice véhicule un pouvoir considérable qui transforme le vide en
monde plein de significations, le non-rWUHHQUpDOLWpSDUODVHXOHWUDFHDFRXVWLTXHGHO¶RQGH
sonore chargée de sens. La dénomination des êtres et des choses va permettre leur existence.
0DLVHQPrPHWHPSVFHWWHH[LVWHQFHGHYHQXHUpDOLWpQ¶HVWSDVLQGpSHQGDQWHGXFRQWH[WH
mythologique qui lui a donné sens. La matière nommée devient elle-même sacrée, parce
TX¶HOOHpPDQHGHODYRORQWpVXSUD-naturelle, et permet aux hommes de trouver dans la nature
OHVPR\HQVG¶pPHWWUHjOHXUWRXUGHVVRQVF¶HVWjGLUHGHUpSRQGUHjO¶DFWHDFRXVWLTXH
FUpDWHXU/HVKRPPHVSDUOHQWpPHWWHQWGHVVRQVGHVFKDQWVF¶HVWXQHSUHuve de leur origine
DFRXVWLTXHHWF¶HVWDXVVLODSUHXYHTXHODVXEVWDQFHUHQIHUPHHQHOOH-même un contenu
DFRXVWLTXH$LQVLWRXWHODGLYHUVLWpG¶pOpPHQWVQDWXUHOVTX¶HOOHVRLWG¶RULJLQHWHOOXULTXH
végétale, animale et humaine, est susceptible de constitXHUOHPDWpULDXOHPR\HQO¶LQVWUXPHQW
avec lequel les hommes restent en contact avec la surnature.
6$LQVLHVWSUREDEOHPHQWQpHFKH]OHV&KLQRLVO¶LGpHGHO¶LQIOXHQFHGHVVRQVVXUODPDWLqUH(Q
effet, en perpétuelle recherche d'harmonie entre les hommes et l'univers, sans doute sous
O¶LQIOXHQFHGXWDRwVPHLOVRQWWHQWpGHWURXYHUGHVFRUUpODWLRQVHQWUHFHWWHKDUPRQLH
universelle, ou sa vibration, et certains sons, afin de s'accorder avec elle ou l'influencer. C'est
pourquoi ils ont notamment cherché à établir tout un système de correspondances entre leurs
différents systèmes de classification, quitte à les regrouper quelquefois pour les faire
FRUUHVSRQGUHjXQFHUWDLQQRPEUHG¶pOpPHQWVIRQGDPHQWDX[TXLSHXYHQWrWUHG¶RUGUH
géomantique, astrologique, astronomique, horoscopique, etc. La musique et ses instruments
Q¶pFKDSSHQWSDVjFHWWHORJLTXHGDQVODUHFKHUFKHG¶XQHKDUPRQLVDWLRQFRQVWDQWHHQWUH
O¶KRPPHHWO¶XQLYHUVOHVSULQFLSHVGX\LQHWGX\DQJODWHUUHHWOHFLHOOHPRQGHYLVLEOHHWOH
monde invisible.
7(Q&KLQHOHVLQVWUXPHQWVVHGLYLVHQWHQKXLWJURXSHVGpWHUPLQpVG¶DSUqVODPDWLqUH
SULQFLSDOHRXSDUWLFXOLqUHHQWUDQWGDQVODFRPSRVLWLRQGHO¶LQVWUXPHQWODSLHUUHOHPpWDOOD
soie, le bambou, le bois, la peau, la calebasse et la terre cuite. Ce système est probablement le
SOXVDQFLHQTXLVRLWFRQQXSXLVTX¶RQOHIDLWUHPRQWHUDX[DOHQWRXUVGHDY--C. À chaque
JURXSHFRUUHVSRQGXQFHUWDLQQRPEUHG¶LQVWUXPHQWV
8le métal chin (gongs, cloches, cymbales)
9la pierre shih (lithophones, ensembles de carillons de pierre)
10la soie ssu (cordophones)
11le bambou chu (flûtes)
12la calebasse S¶DR(orgue à bouche)
13la terre W¶X(flûte globulaire, flûte de Pan en terre)
14le cuir ko (membranophones)
15le bois mu (tambours de bois rituels, râcles, hautbois)
16'DQVFHWWHFODVVLILFDWLRQVHXOOHJURXSH©FDOHEDVVHªQHFRPSUHQGTX¶XQVHXOLQVWUXPHQW
/HFKLIIUHUHQYRLHDXVVLDX[KXLWGLYLVLRQVGHO¶HVSDFHHQTXDWUHSRLQWVFDUGLQDX[HX[mêmes divisés en deux parties. Ces huit divisions renvoient également aux huit vents qui sont
aussi en rapports étroits avec les huit pouvoirs que sont :
171. La terre
182. les vapeurs, nuages, émanations
19OHIHXODFKDOHXUOHVROHLOODOXPLqUHO¶pFODLU
204. le tonnerre
215. le vent et le bois
226. les eaux, les rivières, lacs et mers
237. les montagnes
248. le ciel
25A côté de cette classification en huit pouvoirs, on en trouve une autre en cinq éléments qui
fait se coïncider les huit précédents en les associant :
261. TERRE
27comprenant 1. La terre et 7. Les montagnes
282. METAL
29comprenant 5.Le vent
303. BOIS
31comprenant 5. Le bois
324. FEU
33comprenant 3 Le feu et 4. Le tonnerre
345. EAU
35FRPSUHQDQW/¶HDX/HVYDSHXUVHW/HFLHO
36Il existe une correspondance entre ce système des cinq éléments et les huit catégories
G¶LQVWUXPHQWVGHPXVLTXHTXHO¶RQUHWURXYHGDQVOHWDEOHDXFL-dessous, très couramment cité
:
Eléments
Instruments de
musique
Terre
Chant,
Classe «
terre »
Métal
Classe «
métal »
Bois
Classe « bois
» et «
bambou »
Feu
Classe « soie
»
Notes
Kong
Fa
Le palais
Shang
Sol
La
délibération
Les
ministres
Ouest
Vénus
Automne
Jiao
La
La corne
Le peuple
Zhi
Do
La
manifestation
Les affaires
Est
Jupiter
Printemps
Sud
Mars
Eté
Nord
Mercure
hiver
Blanc
Nez
Poumons
Vert
Foie
Yeux
Rouge
Coeur
Langue
Noir
Reins
Oreilles
volonté
chanter
affabilité,
tolérance,
sainteté
tristesse
se lamenter
droiture,
justice
colère
appeler
indulgent,
affectueux
joie
rire
altruisme
boeuf
chien
mouton
coq
crainte
gémir
ordre,
sagesse,
respect des
rites
porc
Signification
Représentation
hiérarchique
Direction
planètes
Saison
Couleur
Organes
Organes
sensitifs
Sentiment
Action
Bienfaits
Animal
Le prince
Centre
Saturne
Saison des
pluies
Jaune
Rate
Bouche
Eau
Classe «
pierre », «
cuir » et «
calebasse »
Yu
Ré
Les ailes
Les objets
Les 5 éléments et leurs correspondances
37Ainsi les matériaux qui entrent dans la fabrication des instruments de musique et qui
forment la base de la classification instrumentale ont plus une valeur symbolique en relation
DYHFODSHQVpHGHFHTXHO¶RQSRXUUDLWDSSHOHUODSKLORVRSKLHFKLQRLVHTX¶Xne valeur musicale
reposant sur une différenciation de timbres instrumentaux. Quand aux sons des instruments,
LOVVRQWXWLOLVpVGHSXLVWUqVORQJWHPSVSDUODPpGHFLQHFKLQRLVHSXLVTX¶LOVSHUPHWWUDLHQWG¶DJLU
sur les énergies internes. Des carillons de bambou ou de métal à cinq tubes étaient et sont
HQFRUHXWLOLVpVGHQRVMRXUVGDQVO¶DUWGX)HQJ6KXL fonchouéSRXU©KDUPRQLVHUªO¶pQHUJLH
G¶XQOLHXRXSRXUOHSURWpJHUGHPDXYDLVHVLQIOXHQFHV$LQVLGDQVFHUWDLQHVSUDWLTXHVjEXW
curatif.
/HV\VWqPHLQGLHQ
38Le système indien est particulièrement intéressant car il se détache de conceptions
mythologiques, et du discours métaphysique sur la musique pour se concentrer sur les
propriétés physiques de leurs matériaux constituants qui sous-tendent leur mode de production
sonore. Il précède, en quelque sorte, la réflexion européenne qui repose sur le mode de mise
en vibration. Ainsi quatre classes sont distinguées :
39-les « tendus » (tata vâdya ) pour les instruments à cordes ;
40-les « recouverts( ava) et noués (nah) » (avanaddha vâdya) représentent en quelque sorte les
tambours à membrane ;
41-les « creux » (shûsirâ vâdya ), c'est-à-dire « tubes » pour les instruments à vent ;
42-les« solides » (ghana vâdya ), percussions autres que les tambours.
x
5 Les trois premiers recueils de textes -1800 /-1500 : un recueil de stances forme le
Rig-Veda, un r (...)
43Ces distinctions se trouvent dans le traité encyclopédique du Nâtya shâstra , souvent
considéré comme le 5e Veda5 et qui daterait du Ve siècle avant notre ère. Le système indien
des quatre classes instrumentales est finalement celui qui a donné naissance à la classification
européenne, fin XIXe, début XXe.
/HV\VWqPHWLEpWDLQ
x
6 Ellington, Terry, The m andala of sound : concepts and sounds structures in tibetan
ritual music, P (...)
44Si les instruments de musique religieuse tibétaine peuvent être classés selon différents
V\VWqPHVHXURSpHQRXLQGLHQLOVVRQWDXVVLO¶REMHWG¶XQHFODVVLILFDWLRQSDUOHVUHOLJLHX[
WLEpWDLQVHX[PrPHVTXLUHSRVHVXUO¶DFWLRQH[HUFpHVXUOHVLQVWUXPHQWVHW aboutit à la division
HQWURLVJURXSHVG¶LQVWUXPHQWVG¶DSUqV(OOLQJVRQ6 :
45-OHVLQVWUXPHQWVTXHO¶RQ©IUDSSHªbrdung ba : tambour rnga , cymbales à bosse centrale
volumineuse rol mo, gongs en bronze mkhar rnga ;
46-OHVLQVWUXPHQWVTXHO¶RQ©VHFRXHªRX©IDLWUpVRQQHUª khrol ba : tambour damaru,
clochette dril bu, cymbale à pommeau sil-snyan ;
47-les instruments dans lesquels on « souffle » bu dpa : qui regroupe les trompes ;
x
7 Cité en bibliographie.
48-les instruments pourvus de cordes rgyud can sont absents de cette classification car
O¶DFWLRQH[HUFpHVXUOHVFRUGHVQ¶HVWSDVPHQWLRQQpHHWLOVHPEOHTX¶LOVQ¶LQWHUYLHQQHQWTXHGH
façon emblématique dans la musique religieuse. Mais ces classifications ne rendent pas
compte de leur place respective dans la pratique musicale des monastères, et M. Helffer
SUpIqUHV¶pFDUWHUGHODSHUVSHFWLYHSXUHPHQWRUJDQRORJLTXHSRXUSULYLOpJLHUXQHDSSURFKHTXL
introduit la portée rituelle et symbolique attachée aux instruments. Ainsi dans son
remarquable ouvrage consacré à ce sujet7O¶DXWHXUSURSRVHXQHFODVVLILFDWLRQHQFLQT
catégories suivantes :
-OHVLQVWUXPHQWVG¶DSSDUDWOLpVjODVROHnnité de manifestations publiques qui se déroulent à
O¶H[WpULHXUGXPRQDVWqUHORQJXHVWURPSHVdung chen et haut bois rgya ling)
-les instruments qui appellent à la réunion de la congrégation monastique : le phonoxyle ou
simandre gansi , le gong khar rnga, le phonolythe rdo ting, la conque dundkar, le
membranophone rnga.
-les instruments sur lesquels repose la structure du temps du texte récité, psalmodié ou chanté
: le tambour rnga et les trois sortes de cymbales (à bulbe, à pommeau et cymbalettes).
-les objets rituels à fonction sonore ou les attributs des dieux : la clochette à main dril bu, le
petit tambour en sablier damaru, la trompe courte en os ou en métal rkang gling. Cette
catégorie respecte ainsi la tradition tibétaine qui veut que ces instruments ne figurent jamais
GDQVOHVGLYHUVHVOLVWHVG¶LQVWUXPHQWVGHPXVLTXHPDLVVRQWGpVLJQpVFRPPHREMHWVGXULWXHO
,OVDSSDUDLVVHQWDLQVLGDQVOHVGLIIpUHQWVW\SHVG¶LFRQRJUDSKLHFRPPHGHVDWWULEXWVGHPDvWUHV
religieux et de divinités.
-les instruments embOpPDWLTXHVFRQFHUQHQWSULQFLSDOHPHQWGHX[LQVWUXPHQWVTXLQ¶RQW
semble-t-il pas joué de rôle effectif dans les musiques bouddhiques mais sont présents dans
OHVWH[WHVHWO¶LFRQRJUDSKLHHWUHSUpVHQWHQWODJUDWLILFDWLRQGHO¶RXwH,OV¶DJLWGXOXWKpi wang et
de la flûte traversière gling bu.
/HV\VWqPHPRQJRO
x
x
8 Sur le terme huur, voir Desjacques (1990), p. 102.
9 Amgalan, cité par Desjacques (1990), p. 102.
49(Q0RQJROLHO¶HQVHPEOHGHVLQVWUXPHQWVGHPXVLTXHXWLOLVpVQ¶DSDVIDLWO¶REMHWVHPEOH-tLOG¶XQHFODVVLILFDWLRQWKpRULTXHJOREDOHGDQVODFXOWXUHWUDGLWLRQQHOOHRUDOH0DLVLOHVWj
remarquer que deux concepts génériques émergent qui correspondent à deux réalités
musicales différentes. '¶XQHSDUWHQHIIHWRQWURXYHOHWHUPHJpQpULTXHGHhuur8 qui renvoie
jXQHFODVVHLQVWUXPHQWDOHSUpFLVHHWG¶DXWUHSDUWOHWHUPHGHtsuur qui renvoie à une forme
musicale à deux voix produite soLWSDUO¶LQVWUXPHQWVRLWSDUOHFKDQW/HWHUPHGHhuur
G¶DERUGGpVLJQHjODIRLVXQLQVWUXPHQWVSpFLILTXHXQHYLqOHjFRUGHVIURWWpHVHWXQ
HQVHPEOHG¶LQVWUXPHQWVGHPXVLTXHFRQVWLWXpGHYLqOHVGRQFjFRUGHVIURWWpHVHWGH
lamellophones à languette pincée : les guimbardes. Le terme de huur, qui provient du mongol
ancien qugur, est à rapprocher du turc ancien qobuz dont un grand nombre de variantes
GpVLJQHQWHQFRUHDXMRXUG¶KXLGHVLQVWUXPHQWVGRQWFRUGRSKRQHVHWODPHOORSKRQHVHQ$VLH
Centrale. Que la guimbarde soit associée à un instrument cordophone ne paraît pas étrange car
FHTXLHVWLFLUHWHQXHVWSUREDEOHPHQWOHSULQFLSHGHPLVHHQYLEUDWLRQG¶XQHFRUGHSRXUO¶XQ
HWG¶XQHODPHOOHSRXUO¶DXWUH/¶RULJLQHGXPRWhuur serait en relation avec le verbe huugih «
siffler » (pour le vent), précise Amgalan9.
50$LQVLWRXWHXQHIDPLOOHG¶LQVWUXPHQWVFRUGRSKRQHVGpULYHGXPRWhuur, selon des
particularité de leur forme ou selon leur particularité de facture. Parmi eux :
51La vièle huur appelée aussi ehel(ih hel, ikel ) huur soulignant son statut musical comme «
ODQJXHVXSpULHXUHªjODODQJXHKXPDLQH/HPDQFKHGHO¶LQVWUXPHQWSHXWUHFHYRLUDX-dessus
GXFKHYLOOLHUXQHVFXOSWXUHGHODWrWHG¶XQDQLPDO/DYLqOHjWrWHGHFKHYDOmorin huur est
sans conteste la plus connue, caUHOOHUHSUpVHQWHO¶LQVWUXPHQWQDWLRQDO0DLVFRH[LVWHQWGHV
instruments à tête de crocodile ou de dragon matar huur ; ou à tête de lion arslan huur ; ou à
tête de cygne hun huur «
52La vièle à caisse demi-ronde shanagan huur.
53La vièle dont la caisse de résonance est fabriquée dans une vessie de bovin suuh huur.
54La vièle à archet emprisonné hiil huur , se rencontre sous divers noms, selon les régions :
hyagalsan huur, aralt huur, jastuu hoor, dörvön chiht huur.
55Et plus récemment, la morin huur contrebasse ih huurO¶DFFRUGpRQbayan huur et le piano
tögöldör huur.
56Pour les lamellophones :
57-la guimbarde aman huur ;
58-la guimbarde en métal tömör huur ;
59-la guimbarde en laiton guulin huur ;
60-la guimbarde en os yasan huur ;
61-la guimbarde en corne ever huur ;
62-la guimbarde en bois modon huur ;
63-la guimbarde en bambou hulsan huur.
64Le concept de tsuur , qui désigne un instrument aérophone à embouchure terminale de
O¶RXHVWGHOD0RQJROLHHVWUHSULVSRXUIRUPHUWURLVFDWpJRULHVGHSURGXFWLRQVPXVicales
LQVWUXPHQWDOHVRXYRFDOHVTXHO¶RQUHQFRQWUHHQ0RQJROLH,QWpULHXUHTXLUHSRVHVXUOD
SRO\SKRQLHjGHX[YRL[IRUPpHVG¶XQERXUGRQHWG¶XQHOLJQHPpORGLTXH
651. modon tsuur ou « tsuur en bois », peut désigner à la fois la flûte à embouchure terminale
HWODPXVLTXHSURGXLWHSDUFHWLQVWUXPHQWFRQVWLWXpHG¶XQERXUGRQYRFDOpPLVGHODJRUJHSDU
O¶LQVWUXPHQWLVWHVXUOHTXHOV¶DMRXWHOHMHXLQVWUXPHQWDO
662. shiren tsuur ou « tsuur en peau », regroupe les instruments à deux cordes, dont la caisse
de UpVRQDQFHHVWUHFRXYHUWHG¶XQHSHDX2QUHQFRQWUHSDUIRLVOHWHUPHGHhyalgasan tsuur qui
PHWO¶DFFHQWVXUOHVFRUGHV/HVFRUGHVIURWWpHVVLPXOWDQpPHQWSDUIRLVHQERXUGRQGLVFRQWLQX
SDUO¶DUFKHWSURGXLVHQWDXVVLXQHPXVLTXHjGHX[YRL[
673. holoin tsuur ou « tsuur GHJRUJHªHVWXQHIRUPHYRFDOHSURGXLWHSDUGHX[FKDQWHXUVO¶XQ
SURGXLVDQWXQERXUGRQYRFDOGHO¶DUULqUHJRUJHO¶DXWUHGpYHORSSDQWXQFKDQWPpORGLTXH
ornementé. Cette forme de chant se rencontre principalement en Mongolie Intérieure.
x
10 Dictionnaire français de la langue chinoise, Institut Ricci/Kuangchi Press, 1976.
68Bien que le terme de tsuur QHFRQVWLWXHTX¶XQHYDULDQWHG¶XQWHUPHJpQpULTXHSOXVODUJH
DX[UpDOLVDWLRQVSKRQpWLTXHVYDULDEOHVG¶XQSHXSOHjO¶DXWUHHQ$VLH&HQWUDOHshoor chez les
Touvins, tsoor FKH]OHV.LUJKL]VHWFODSUR[LPLWpGHOD&KLQHHWO¶LPSRUWDQFHGHVD
civilisation nous permet de considérer deux termes proches phonétiquement qui pourraient
avoir une relation avec tsuur ,OV¶DJLWGHWV¶VRN¶RX : « avancer les lèvres en les arrondissant
comme pour siffler »10 et de [LƗR qui désigne une flûte droite à encoche.
69,OH[LVWHELHQG¶DXWUHVLQVWUXPHQWVHQ0RQJROLHPDLVDXFXQQHGpFRXOHG¶XQHUacine
OH[LFDOHFRPPXQHDYHFDXWDQWGHYDULDQWHV&HTX¶LOHVWLQWpUHVVDQWGHVRXOLJQHUGDQVFHWWH
classification partielle en huur et tsuur, F¶HVWOHIDLWTX¶HOOHQHUHSRVHSDVVXUODPDWLqUH
comme principe fondateur de la catégorie ni sur la fonction symbolique des instruments.
/¶LGpHSULQFLSDOHTXLpPHUJHHVWFHOOHG¶XQSULQFLSHPXVLFDOFHOXLGHODPLVHHQYLEUDWLRQGH
la matière pour huur HWFHOXLG¶XQHIRUPHPXVLFDOHSRXUtsuur .
/HV\VWqPH$Up$Up
70Les Aré Aré forment une population insulaire vivant dans l'archipel des Salomon en
Mélanésie. Leur culture musicale particulièrement riche a été révélée principalement par
Hugo Zemp qui y a consacré plusieurs ouvrages et a réalisé plusieurs films à ce sujet. En ce
qui concerne le principe de classification de leurs instruments de musique, il est fonction des
W\SHVGHPXVLTXHTXLVRQWUHJURXSpVHQTXDWUHFDWpJRULHVG¶LQpJDOHLPSRUWDQFH
711. La musique des instruments de bambou
72-qui peuvent être soufflés en ensemble de flûtes de Pan (fêtes) ou en solo à la flûte
traversière, la flûte de pan en faisceau ou en radeau ;
73-TXLSHXYHQWrWUHIUDSSpVHQHQVHPEOHGHWX\DX[SLORQQDQWRXHQVRORjO¶DUFPXVLFDO
742. Les rythmes des tambours de bois frappés en ensemble ou en solo.
75/HVMHX[VRQRUHVGDQVO¶HDXIUDSSHPHQWVHQHQVHPEOHVXUO¶HDX
76/HVFKDQWVG¶KRPPHVGRQWFHUWDLQVVRQWDFFRPSDJQpVGHEDPERXVIUDSSpVRX
accompagnent des activités de pilonnage et les chants de femmes (lamentation funèbres,
EHUFHXVHFKDQWG¶DPRXURXFRPSODLQWH
77'DQVFHWWHFODVVLILFDWLRQO¶DXWHXUVRXOLJQHO¶LPSRUWDQFHGXWHUPHµDX« bambou » à la base,
qui peut signifier selon le cas :
78-instrument de musique (en bambou) ;
79-flûte de Pan ;
80-ensemble de flûte de Pan (les instruments et les musiciens) ;
81-PrPHUDGLRRXPDJQpWRSKRQHHWGRQFSDUXQWUDQVIHUWGHO¶REMHWYHUVOHSURGXLWVRQRUH
cela peut aussi vouloir dire :
82-musique de flûtes de Pan ;
83-PXVLTXH/¶H[SUHVVLRQOH[LFDOHFRPSRVpHPDQLµDX « pièce de bambou », désigne une
pièce de musique et SDXQLµDX « tête de bambou », est le nom donné à la voix principale.
84Ainsi soixante dix termes techniques et expressions lexicales plus ou moins figées
correspondent au lexème µDX et couvrent tous les domaines de la musique : intervalles,
segmentation mélodique, polyphonie, technique de jeu, fabrication des instruments, noms des
instruments et de genres musicaux, etc.
/HVV\VWqPHVHXURSpHQV
x
11 Cf. bibliographie.
85/¶pWXGHGHODFODVVLILFDWLRQGHVLQVWUXPHQWVFRQVWLWXHXQGHVGRPDLQHVG¶LQYHVWLJDWLRQGHOD
PXVLFRORJLHDSSHOpHO¶RUJDQRORJLHHQJUHForganon signifie instrument). Son but est
G¶pWXGLHUO¶LQVWUXPHQWGHPXVLTue sous des angles divers afin de le comprendre dans une
globalité de savoirs concernant sa facture, son histoire et sa diffusion, son étymologie et ses
variantes terminologiques, son sens symbolique, sa fonctionnalité, ses techniques de jeu, ses
caractéristiques acoustiques sens et symbolique, sa transmission, etc. Les systèmes de
FODVVLILFDWLRQYLVHQWjV\VWpPDWLVHUO¶HQVHPEOHGHVLQVWUXPHQWVGHPXVLTXHGXPRQGHHQWLHU
souvent à les hiérarchiser selon un instrument ou une classe-« racine » au-delà des limites
FXOWXUHOOHVTXLRXYUHODYRLHjGHVpWXGHVFRPSDUDWLYHV/¶KLVWRLUHGpWDLOOpHGHVpODERUDWLRQV
GHVV\VWqPHVFODVVLILFDWRLUHVHXURSpHQVPpULWHUDLWVDQVGRXWHG¶rWUHDSSURIRQGLHPrPHVL
Margaret Kartomi11 nous en dresse un inventaire exhaustif. Parmi les systèmes
incontournables :
L a classification M ahillon
86En 1893 Victor-Charles Mahillon, fondateur et premier conservateur du musée instrumental
du conservatoire royal de musique de Bruxelles, qui souhaitait proposer un nouveau système
SRXUFODVVHUOHVFROOHFWLRQVG¶LQVWUXPHQWVTX¶RQDSSHODLW©H[RWLTXHVªjO¶pSRTXHV¶HVWUHQGX
compte que la classification occidentale en cours dans les orchestres occidentaux (division en
ERLVFXLYUHVFRUGHVYHQW«QHFRQYHQDLWSDVUpHOOHPHQWSRXUUHQGUHFRPSWHGHODGLYHUVLWp
GHVLQVWUXPHQWVGXPRQGH,OV¶LQVSLUHDORUVGXPRGqOHGHODFODVVLILFDWLRQWUDGLWLRQQHOOH
indienne pour élaborer un système quadripartite reposant sur une question fondamentale : «
quelle est la matière vibrante qui produit le son ? ». Il distingue donc :
87-les instruments autophones ;
88-les instruments à membrane(s) ;
89-les instruments à corde(s) ;
90-les instruments à vent.
L a classification organologique Sachs/Hornbostel
91Les Allemands Curt Sachs (1881-1959) et Erich von Hornbostel (1877-1935) reprennent en
1914 la taxinomie de Mahillon TX¶LOVDIILQHQW&HWWHFODVVLILFDWLRQWRXMRXUVXWLOLVpHGHQRV
MRXUVV¶DSSOLTXHDXWDQWDX[LQVWUXPHQWVFODVVLTXHVRFFLGHQWDX[GXPRLQVFHX[IRQFWLRQQDQW
VXUOHPRGHDFRXVWLTXHTX¶jFHX[GHVDXWUHVFXOWXUHVHWFLYLOLVDWLRQV(OOHGLYLVHOHV
instruments GHPXVLTXHHQTXDWUHIDPLOOHVUHSRVDQWVXUODTXHVWLRQGHO¶pOpPHQWYLEUDQW
producteur du son, comme dans le système précédent de Mahillon. Les termes génériques se «
scientifisent » pour devenir les concepts de cordophone, membranophone, aérophone et
idiophone.
92La famille des cordophones correspond aux instruments pourvus de corde(s) dont la mise
en vibration par quelque moyen que ce soit (pincement, frappement, frottement, voire par le
fait de souffler) produit un son. La façon dont les éléments structurants sont agencés
détermine ensuite les sous-ensembles : arc musical ; pluriarc ; harpe ; cithare ; luth ; vièle ;
lyre.
93/DIDPLOOHGHVPHPEUDQRSKRQHVUHJURXSHOHVLQVWUXPHQWVPXQLVG¶XQHRXGHX[
membrane(s) mise(s) en vibration : par frappement, direct ou indirect ± ce qui correspond à la
PDMRULWpGHFHTXHO¶RQDSSHOOHOHV©WDPERXUVªRXSDUIURWWHPHQWTXHO¶RQSHXWTXDOLILHUGH
IULFWLRQG¶RO¶H[SUHVVLRQ©WDPERXUjIULFWLRQª
94La famille des aérophones comprend tout instrument fonctionnant DYHFGHO¶DLUQRQSDV
WDQWTXHO¶RQ\VRXIIOHFRPPHF¶HVWOHFDVODSOXSDUWGXWHPSVPDLVELHQSDUFHTXHODPDWLqUH
VRQRUHYLEUDQWHHVWO¶DLU&¶HVWSDUODIDoRQGRQWFHWWHPDWLqUHVRQRUHHVWPLVHHQYLEUDWLRQ
JUkFHjO¶HQYRLG¶XQMHWG¶DLUVXUXQELVHDXG¶XQWXEHXQHDQFKH«SDUWRXUQRLHPHQWG¶XQ
REMHWGDQVO¶DLUDpURSKRQHjDLUDPELDQWFRPPHOHUKRPEHTXHO¶RQGpWHUPLQHOHVVRXVfamilles. On trouve ainsi une grande famille de flûtes (à embouchure simple, biseautée, à
HQFRFKHjFRQGXLW«XQHIDPLOOHG¶LQVWUXPHQWVjDQFKHDQFKHVLPSOHFODULQHWWHDQFKH
double (hautbois), anche libre (orgue à bouche) ; une famille de trompes définie par la mise en
YLEUDWLRQGHVOqYUHVGHO¶LQVWUXPHQWLVWH
95La dernière famille enfin, celle des idiophones, rassemble tous les autres instruments qui ne
sont ni à corde/s, ni à membrane/s, ni à vent. Ils sont composés de matières rigides (végétales,
animales ou minérales : bois, bambou, corne, métal, pierre, plastique, verre...) par opposition
aux matières dites VRXSOHVRXpODVWLTXHVTXHUHSUpVHQWHQWOHVFRUGHVOHVPHPEUDQHVHWO¶DLU
/HVLGLRSKRQHVVHVXEGLYLVHQWVHORQOHXUPRGHG¶pEUDQOHPHQW2QUHOqYHFLQTPRGHVGHPLVH
HQYLEUDWLRQOHIUDSSHPHQWH[[\ORSKRQHO¶HQWUHFKRFH[FDVWDJQHWWHVF\PEDOHVOe
pilonnement (ex. bâtons pilonnés) ; le secouement (ex. hochet) ; le pincement (ex. guimbarde)
; le raclement (ex. crécelle) ; et le frottement (ex. verres en cristal).
96Il est important de souligner que cette nomenclature est particulièrement adaptée en
PXVpRJUDSKLHSRXUODTXHOOHHOOHDpWppODERUpHjO¶RULJLQH(VVHQWLHOOHPHQWPRUSKRORJLTXH
HOOHHVWIRQGpHVXUODQDWXUHVRQRUHGHVPDWpULDX[HQODLVVDQWDXVHFRQGSODQG¶DXWUHVW\SHVGH
GRQQpHVFXOWXUHOOHVHWPXVLFDOHVTXLQHVRQWG¶DLOOHXUVSDVWRXMRurs connues. Du monde des
PXVpHVFHWWHWD[LQRPLHHVWUHSULVHSDUOHVFRPSRVLWHXUVTXLO¶XWLOLVHQWGDQVODSUpVHQWDWLRQGH
OHXUV°XYUHVSDUH[HPSOHSRXU([RWLFDGH0DXULFLR.DJHOHQ-71.
L a classification Schaeffner
97Élaborée dans le premier quart du 20e siècle, la classification Sachs/Hornbostel a ouvert la
YRLHjG¶DXWUHVV\VWqPHVTXLRQWUHQFRQWUpVDQVGRXWHXQVXFFqVPRLQGUHPDLVVRQWSRXUWDQW
ORLQG¶rWUHLQLQWpUHVVDQWHVFRPPHODPpWKRGHG¶$QGUp6FKDHIIQHU-1980), élaborée en
1932 puis revisitée en 1936 qui propose une classification bipartite.
98'¶XQF{WpRQD
991. les instruments à corps solide vibrant, subdivisés en :
100-non susceptibles de tension (ce sont les idiophones) ;
101-flexibles ou susceptibles de tension (cordophones et membranophones).
102'HO¶DXWUHF{WpRQD
1032. les instruments à air vibrant (aérophones), subdivisés en :
104-DLUDPELDQWUKRPEHHWLQVWUXPHQWVSDUFRXUDQWVG¶DLUVDFFDGp
105-cavité libre (tambour-de-terre, pot-tambour, tube frappé) ;
106-instruments dits à vent (flûtes, anches).
107Cependant de nombreux chercheurs ont compris les limites de classifications qui ne
UHSRVHQWTXHVXUGHVFDUDFWqUHVPRUSKRORJLTXHVTXLQHUHQGHQWSDVFRPSWHGHO¶LQVWUXPHQW
GDQVVRQFRQWH[WHFXOWXUHOHWG¶XVDJHG¶RODQpFHVVLWpG¶LQWURGXLUHG¶DXWUHVYDULDbles, comme
OHVTXDOLWpVDFRXVWLTXHVO¶pFKHOOHGHVRQVODGLIIXVLRQJpRJUDSKLTXHV\VWqPHGH
Norlind/Ikowitz en 1935), les données anthropologiques et socioculturelles autour de
O¶LQVWUXPHQW5DPH\HQODSURGXFWLRQPXVLFDOHTXLHQGpFRXOHPRQRGLque,
SRO\SKRQLTXHV\VWqPH5HLQKDUGHQHWFTXLSHUPHWWHQWG¶DERXWLUjXQHFRQQDLVVDQFH
SOXVG\QDPLTXHGHO¶LQVWUXPHQWHQUHODWLRQDYHFVRQFRQWH[WHFXOWXUHOTXLOXLGRQQHVHQV2Q
SRXUUDLWFLWHUpJDOHPHQWOHVQRPEUHXVHVWHQWDWLYHVG¶DQDO\VHVSDURUGLQDWHXUG¶XQJUDQG
nombre de variables pour les études comparatives (Sakurai en1981, Lysloff/Matson en 1985)
etc. mais qui ne font pas, semble-t-LOO¶XQDQLPLWpGDQVODFRPPXQDXWpVFLHQWLILTXH2QYRLW
bien ici la pierre angulaire sur laquelle évolue une sorte de contradiction entre un système qui,
SDUFHTX¶LOHVWXQRXWLOWKpRULTXHGXVDYRLUYHXWjODIRLVVLPSOLILHUSRXU©UpGXLUHªHQ
quelque sorte les données afin de les comparer dans un système-cadre et, en même temps,
réintroduire le plus grand nombre de variables possibles liées aux réalités sonores, musicales
HWFXOWXUHOOHVGHO¶XWLOLVDWLRQGHO¶LQVWUXPHQWTXLYLHQQHQWFRPSOLTXHUODGLVWLQFWLRQDXSRLQW
TXHjO¶H[WUrPHOHULVTXHHVWG¶pODERUHUXQVFKpPDWKpRULTXHFRPSOH[HQHFRUUHVSRQGDQW
TX¶jXn instrument à la fois imaginaire et bien réel (on pense ici aux organogrammes de
Mantle Hood en 1971), dont on se demande à partir de quelles variables pourrait être pensée
O¶DQDO\VHFRPSDUDWLYHRXELHQV¶LOIDXWWRXWVLPSOHPHQW\UHQRQFHU
108Tous ces s\VWqPHVGHFODVVLILFDWLRQVHWELHQG¶DXWUHVIXUHQWO¶REMHWG¶XQHpWXGHGpWDLOOpH
SDU0DUJDUHWK.DUWRPLHQHWIDLWRIILFHGHUpIpUHQFHGDQVO¶pWXGHRUJDQRORJLTXH,OHQ
ressort que la classification organologique européenne qui, certes, a une visée universaliste, ne
SHXWUHQGUHWRWDOHPHQWFRPSWHGHO¶LQVWUXPHQWGDQVVDIRQFWLRQPXVLFDOHGDQVODUHODWLRQDX
FRUSVGHO¶LQVWUXPHQWLVWHQLVHVXEVWLWXHUDX[FDWpJRULHVLQGLJqQHVTX¶HOOHLJQRUH,ODSSDUDvW
certain que pour comprendre un instrument de musique, les superpositions taxinomiques
V¶LPSRVHQWPDLVDXVVLOHGLVFRXUVGHVPXVLFLHQVHX[-mêmes sur leur instrument, les
FODVVLILFDWLRQVOHVP\WKHV«HWFHWUDYDLO-là ne peut se faire que par la recherche
HWKQRPXVLFRORJLTXHHWOLQJXLVWLTXHVXUOHWHUUDLQ/¶universalisme a ses limites. Même si
FODVVLILHUDSSDUDvWELHQFRPPHXQWUDLWIRQGDPHQWDOGHO¶HVSULWKXPDLQFDUFRPPHOHVRXOLJQH
Claude Levi-Strauss, « toute classification est supérieure au chaos », il faut se garder de
O¶H[FqVLQYHUVHG¶XQHFODVVLILFDWLRQWRWDOLVDQWHG¶XQHWHQWDWLRQGHIDLUHUpJQHUXQRUGUHTXLQH
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Notes
1 Voir Degrenne, A. (2005).
2 Durkheim E. et M. Mauss (1903), p. 4.
3 Lot-Falk, E., (1959), p. 18.
4 Voir Desjacques (2001).
5 Les trois premiers recueils de textes -1800 /-1500 : un recueil de stances forme le Rig-Veda,
un recueil de chants rituels le Sama-Veda, une collection de formules sacrificielles le YajurVeda. Une famille de brahmanes nommée Atharva donne son nom à l'Atharva-D۪JLUDV, livre
de magie blanche et noire, qui est accepté comme constituant du « Quadruple-Véda », sous le
nom de Atharva-Veda , après une longue période de controverses. Ce 5e Veda, sorte de traité
de base pour la danse et le théâtre indien, composé par Muni Bharata expose les codifications
pour le théâtre, le jeu dramatique, la poésie, la danse, le chant et la musique. Louis Frédéric,
Dictionnaire de la civilisation indienne, Robert Laffont, 1987.
6 Ellington, Terry, The m andala of sound : concepts and sounds structures in tibetan ritual
music, Ph. D. Diss., University of Madison-Wisconsin, 1979, p. 107 ; 551 à 575. Cité par
Kartomi M. J. (1990), p. 78-79.
7 Cité en bibliographie.
8 Sur le terme huur , voir Desjacques (1990), p. 102.
9 Amgalan, cité par Desjacques (1990), p. 102.
10 Dictionnaire français de la langue chinoise, Institut Ricci/Kuangchi Press, 1976.
11 Cf. bibliographie.

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