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5 Gruyère La Gruyère / Mardi 24 décembre 2013 / www.lagruyere.ch Cadeaux de Noël, l’histoire d’une invention récente FÊTE. A l’heure de la frénésie des derniers achats, retour sur l’histoire sociale du cadeau de Noël. SOPHIE MURITH Le cadeau doit-il être utile ou inutile? Le niveau de vie et le genre pèsent fortement sur la nature des cadeaux. ARCH - C. HAYMOZ leur remise, autrefois mérités, deviennent progressivement un dû et même un droit. Comme le montre Martyne Perrot, l’échange des cadeaux est étroitement lié aux évolutions du commerce et au développement des grands magasins. D’alimentaires, les présents se font plus durables. Différentes innovations, qui perdurent de nos jours, sont alors lancées: catalogues qui soulignent les tendances, affiches publicitaires avec les premiers personnages incarnant Noël, empaquetage systématique avec papier cadeau. Se développent aussi les cadeaux typiques de la petite fille et du petit garçon. Quant aux adultes, ils sont aussi gâtés, même si les règles de don et de contre-don fonctionnent sur un registre différent. Le cadeau aux enfants se fait sans contrepartie. Entre adultes, par contre, l’échange doit se faire dans les deux sens pour correspondre aux attentes des deux parties. Mais encore faut-il savoir offrir le bon cadeau. Doit-il être utile ou inutile? Le niveau de vie et le genre pèsent fortement sur la nature des cadeaux. Comme le rappelle Martyne Perrot, il y a tout un jeu de bienséance et de règles implicites qui font qu’offrir un cadeau ne s’improvise pas. ■ PHOTOS CHLOÉ LAMBERT Bons d’achat, argent liquide ou coffrets cadeaux. Les présents de Noël ne cessent d’évoluer. On n’hésite plus à offrir des cadeaux d’occasion ou à les revendre sur internet lorsqu’ils ne plaisent pas. Mais, si les pratiques changent, le rituel demeure. Un rituel qui garde son efficacité puisqu’il parvient encore à enchanter les plus jeunes. Et, parfois, les moins jeunes. Martyne Perrot, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), consacre son dernier ouvrage – Le cadeau de Noël. Histoire d’une invention – à retracer le parcours des petits présents de la Nativité, sur un mode sociologique. Si l’échange de cadeaux tel qu’on le connaît est une pratique relativement récente, ses racines prennent naissance dans les fêtes des calendes de janvier de la Rome antique. Ces cérémonies étaient liées au culte de la déesse de la santé Strenia, nom à l’origine du terme étrenne. Une pratique qui a notamment perduré pour remercier les subalternes. Le cadeau de Noël est, quant à lui, réservé, dès le XVIIIe siècle, à un cercle plus restreint et intime. La fête de Noël devient alors la fête de la famille. On y célèbre ses valeurs, autour des générations qui la composent. La version moderne de la fête de Noël émerge progressivement à partir du XIXe siècle. Elle est de plus en plus centrée sur l’enfant. Les cadeaux et la cérémonie de Emballages personnalisés Noël, c’était à la Saint-Nicolas Une pensée, une fois l’an De l’utile et de l’épargne Joëlle, 19 ans, doit fouiller dans ses souvenirs pour retrouver les cadeaux des Noëls de son enfance. Le trio de tête? «Une parure de lit Barbie, une tête pour faire des coiffures, une grande peluche lion, comme mon signe astrologique. Je l’ai reçue quand j’avais un an et je l’ai toujours.» Désormais, on lui offre des bijoux, des piercings. La jeune fille n’a pas encore réuni tous les présents pour ses proches. «Je peux passer des semaines à choisir un cadeau.» Elle tend l’oreille, pose des questions pour tomber juste. «J’aime offrir et je mets un soin particulier pour les emballages. Je ne les fais jamais dans les magasins, je les personnalise.» SM Angèle a 74 ans et elle est pressée. Des cadeaux à acheter? Pas du tout. «Je dois aller mettre de la monnaie dans le parcomètre», répond-elle en avalant rapidement son thé. D’ailleurs, elle n’offre plus de présents. «On ne sait plus que leur donner», s’exclame-t-elle. Pour ne pas se tromper, la maman, grand-maman également, préfère remettre de l’argent liquide à ses proches. «L’année passée, comme je déménageais, on m’a aussi offert de l’argent.» Dans son enfance, Angèle recevait ses cadeaux à la St-Nicolas plutôt qu’à Noël. «Nous étions une famille nombreuse, alors une orange, une mandarine ou des cacahuètes, c’était déjà un joli cadeau.» SM Arthur, 65 ans, a un bel accent anglais et l’humour caustique qui va de pair. «Ce que je recevais à Noël quand j’étais petit? Des baffes!» Revenu à de meilleures intentions, il raconte: «Des petites voitures et des trains. Le matin du 25, quand je me levais, ils étaient là, je ne sais pas comment.» Pour ce Noël, il a déjà une petite idée du présent qu’il va recevoir. «Quelqu’un va venir laver ma voiture.» Et ce n’est pas rien. «C’est la seule voiture où il faut s’essuyer les pieds en sortant.» Comme il peint, il recevra aussi des encadrements pour ses toiles. «J’aime bien les cadeaux de Noël, cela montre qu’on pense à moi, au moins une fois par année.» SM Olivier, 36 ans, répond aux questions appuyé contre le petit chalet qu’il occupe sur le marché de Noël, à Bulle. Est-ce qu’il a déjà offert un cadeau à quelqu’un qui n’en avait pas pour lui en retour? «Non, mais même si cela devait arriver, ça ne me dérangerait pas.» D’ailleurs, il confirme l’adage selon lequel c’est l’intention qui compte. «Ce n’est pas la valeur financière du cadeau qui importe. Ce n’est souvent pas les présents les plus chers qui touchent le plus.» Pour ses proches, il privilégie les cadeaux utiles ou leur donne de l’argent. «Je vais offrir des jeux ou des habits à mon filleul. Et puis, je lui ai ouvert un carnet d’épargne.» SM