Quelle est votre connaissance de l`affaire dite du Corbeau et

Transcription

Quelle est votre connaissance de l`affaire dite du Corbeau et
Verbatim La déposition du général Rondot
LeMonde.fr publie l’essentiel de l’audition du général Philippe
Rondot par les juges d’instruction Jean-Marie d’Huy et Henri
Pons, le 28 mars 2006. Le texte ci-dessous est la transcription du
procès-verbal original, établie par la rédaction du Monde.
Quelle est votre connaissance de l’affaire dite du Corbeau et
connaissez-vous Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin, dont les
noms ont été évoqués dans cette affaire ?
Bien sûr que je connais Jean-Louis Gergorin ; je l’ai connu lorsque
ayant quitté le Service de documentation extérieure et de contreespionnage, ancêtre de la DGSE, dans les années 80, j’ai cherché un
point de chute qui a été le Centre d’études de politique étrangère,
dirigé par Thierry de Montbrial. A cette occasion, j’ai rencontré JeanLouis Gergorin, qui dirigeait le centre d’analyse et de prévision du
ministère des affaires étrangères, qui avait pris la suite de Thierry de
Montbrial car il participait souvent aux séances de travail du Centre
d’études de politique étrangère. C’est là que nous avons fait
connaissance. C’était à la fin des années 70, au début des années 80. .
Puis j’ai quitté le Centre d’études de politique étrangère pour rejoindre
le Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie moderne. C’est ce
que l’on peut appeler ma période universitaire où j’ai mis à profit cette
disponibilité pour passer un certain nombre de diplômes
universitaires, jusqu’au doctorat en relations internationales.
C’était une période de guerre au Moyen-Orient, au Liban, en Syrie et
en Irak (guerre avec l’Iran) et Jean-Louis Gergorin a fait appel à moi
en qualité de consultant au centre qu’il dirigeait s’agissant des
problèmes du monde arabe et musulman, ainsi que des organisations
radicales palestiniennes, sujets sur lesquels je travaillais depuis
quelques années. J’ai fait des missions extérieures d’évaluation sur les
conflits en cours en me rendant sur le terrain au Liban, en Syrie et en
Irak et j’ai rédigé des comptes-rendus destinés au Centre d’analyse et
de prévision ainsi qu’à l’état-major particulier à l’Elysée.
Durant cette période, j’ai été approché par la DST pour lui apporter
une coopération opérationnelle à l’étranger, dans le cadre de la lutte
antiterroriste. J’ai ainsi rencontré Raymond Nart, commissaire
divisionnaire à la DST, par l’intermédiaire de Jean-Louis Gergorin .
J’ai ensuite intégré la DST, à la demande du préfet directeur de la
DST de l’époque, M. Bernard Gérard. Cela se passait autour de 1986.
Depuis, je suis resté en contact plus ou moins régulier avec JeanLouis Gergorin . Ma dernière rencontre avec lui remonte à février
2005.
Qu’en est-il de votre connaissance d’Imad Lahoud ?
Imad Lahoud m’a été présenté par Jean-Louis Gergorin en janvier
2003, comme un Libanais frère de Marwan Lahoud, fils d’un officier
des renseignements libanais, comme pouvant présenter un intérêt pour
nous dans le cadre de la lutte antiterroriste. Donc, j’ai reçu Imad
Lahoud pour faire son évaluation. Il m’est apparu qu’il avait des
connaissances intéressantes sur les réseaux de financement radicaux,
particulièrement ceux d’Oussama Ben Laden. N’ayant pas les moyens
de le traiter, je l’ai mis en contact avec la DGSE, qui s’en est occupée
pendant un semestre à peu près. J’étais informé plus ou moins
précisément des résultats de cette opération par le directeur du
renseignement de la DGSE, M. Alain Juillet. Il m’a dit que c’était un
personnage intéressant, qu’il y avait effectivement des ouvertures,
qu’il semblait bien introduit dans les milieux financiers radicaux
islamistes libanais, et qu’il avait peut-être la capacité d’approcher les
réseaux financiers d’Oussama Ben Laden.
Etiez vous informés des ennuis judiciaires de M. Imad Lahoud ?
Quand il m’a été présenté, non. J’en ai eu connaissance quand j’ai fait
faire son criblage, c’est-à-dire une recherche sur ses antécédents aux
fins de déterminer s’il était clair ou non, par la DGSE en février 2003.
Je m’en étais d’ailleurs expliqué avec lui au moment où je l’ai recruté,
ses ennuis judiciaires étant selon lui en voie de règlement.
Je précise que lorsque Imad Lahoud m’a été présenté, j’exerçais les
fonctions de conseiller pour le renseignement et les opérations
spéciales (CROS) auprès du ministre de la défense. J’ai commencé à
exercer ces fonctions en 1991 auprès de M. Joxe, jusqu’à la fin du
gouvernement Bérégovoy, en mars 1993, époque à laquelle j’ai rejoint
la DST, en charge de la lutte antiterroriste et de la traque de Carlos.
J’ai repris ce poste de CROS auprès de M. Alain Richard, ministre de
la défense du gouvernement Jospin, à partir de septembre 1997. J’ai
continué à exercer ces fonctions jusqu’au terme des fonctions de M.
Richard, en mai 2002, et j’ai été reconduit aux mêmes fonctions par
Mme Alliot-Marie, qui lui avait succédé. J’ai cessé d’exercer ces
fonctions le 31 décembre 2005.
Revenons à votre connaissance de l’affaire dite du Corbeau, de
l’élaboration et de la transmission des lettres anonymes et des
listings de comptes Clearstream à M. Van Ruymbeke.
Après la séparation entre Imad Lahoud et la DGSE, intervenue à la fin
du premier semestre 2003, qui trouvait que le personnage ne lui
apportait pas ce qu’elle attendait et qu’il n’était pas facile à traiter ou à
manipuler, Imad Lahoud m’a fait part de sa déception et j’ai continué
à utiliser ses compétences, ses connaissances et ses accès sur les
réseaux financiers et les proches d’Oussama Ben laden, tout
particulièrement sur le demi-frère de celui-ci, Yeslam. Imad Lahoud
m’a fourni des renseignements de manière disparate, irrégulière et de
valeur inégale. Je lui ai demandé en même temps s’il était capable de
travailler sur les réseaux financiers de soutien des criminels de guerre
en Bosnie. Les recherches qu’il a effectuées confirmaient ce que je
savais déjà et son travail ne m’a pas véritablement apporté un plus.
Cela correspond à la période de septembre à novembre 2003, pendant
laquelle je continuais à voir moins fréquemment Jean-Louis Gergorin .
Entre-temps, Imad Lahoud avait un contrat ou trouvé un emploi à
EADS.
Le fait qu’Imad Lahoud ait ainsi pu collaborer à EADS alors qu’il
faisait l’objet d’une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle
il avait été incarcéré, ne vous a-t-il pas paru surprenant, eu égard
à la sensibilité de la société EADS ?
Cela ne m’a pas étonné car c’était quelqu’un de connu de Jean-Louis
Gergorin . Il y avait par ailleurs des liens entre Jean-Louis Gergorin et
Marwan Lahoud, frère d’Imad Lahoud. En effet, ML avait un poste de
directeur dans une entreprise liée à l’aéronautique et c’était aussi un
interlocuteur de Gergorin. Pour autant, lorsque Imad Lahoud a fait
l’objet d’une procédure d’habilitation « confidentiel défense » par le
secrétariat général de la défense nationale, quelque temps plus tard,
sans que je puisse être plus précis à ce sujet, j’ai fait part au général
Barrot, chef de la Direction de la protection et de la sécurité et de la
défense, de mises en garde orales quant au risque que présentait une
telle habilitation d’Imad Lahoud. En effet, il ne correspondait pas aux
critères d’habilitation, eu égard à son passé judiciaire. Je pense donc
que la DPSD a du émettre un avis défavorable pour cette habilitation
de même que probablement la DST, que j’avais également mise en
garde à ce sujet en la personne de M. Jean-François Clair, directeuradjoint de la DST à l’époque. Je ne sais pas si Imad Lahoud a
effectivement obtenu cette habilitation « confidentiel défense » dont je
vous précise qu’elle est décidée par le secrétaire général de la défense
nationale en personne, mais si tel était le cas, cela me paraîtrait
anormal et la marque d’une intervention pour décider d’une telle
habilitation en dépit des risques encourus. Cela signifierait que le ou
les décisionnaires de cette habilitation auraient pensé que ces risques
valaient le coup d’être pris, compte tenu de l’apport d’Imad Lahoud à
l’entreprise EADS. Quand je parle de « risques », je parle de risques
d’image pour la société EADS en cas de condamnation de Lahoud,
mais également du risque de renouvellement de faits délictueux par
l’intéressé au sein même de la société EADS.
Début novembre 2003, il y a eu une sorte de bruit, de rumeur qui se
répand selon laquelle certains ont connaissance d’une liste de
personnalités et de fonctionnaires ayant pu bénéficier de rétrocommissions dans l’affaire des frégates qui circule. A ce moment-là,
au cours d’une conversation avec Jean-Louis Gergorin , le sujet est
évoqué et Jean-Louis Gergorin , avec lequel j’avais auparavant
échangé sur certaines rumeurs selon lesquelles la mort de M.
Lagardère père aurait eu pour origine la criminalité organisée russe,
m’a confirmé l’existence de cette rumeur.
Lors de cet entretien, M. Gergorin m’a remis un listing informatisé
comportant des numéros de comptes, des noms, la mention d’entrées
et de sorties de fonds, de mouvements, ce listing faisant deux ou trois
pages. Je ne crois pas que ce listing portait la mention de Clearstream.
Cet entretien et cette remise de documents ont eu lieu dans mon
bureau, situé 16, rue Saint-Dominique au ministère de la défense.
Ayant ce document en main et regardant les noms inscrits, je me suis
étonné la présence d’hommes politiques de droite et de gauche
messieurs Rocard, Strauss-Kahn, Fabius ainsi que Madelin. Je ne suis
pas sûr que le nom de Sarkozy était présent sur cette première liste
mais peut-être figurait-il sous les autres patronymes de Bocsa et Nagy.
Mais ce ne sont pas les hommes politiques qui m’ont le plus surpris,
ce sont plutôt les noms de fonctionnaires et militaires appartenant à
nos services : le général Heinrich, ancien directeur du Renseignement
militaire, M. Martini, chargé de la défense du patrimoine à la DST, M.
Squarcini, numéro 2 des Renseignements généraux, M. Gilbert Flam,
magistrat en détachement à la DGSE, M. Alain Chouet, responsable
du contre-espionnage à la DGSE et supérieur de M. Gilbert Flam, le
colonel Klebnikoff, ancien du SGDN puis responsable de Thomson
our les Etats-Unis, avant d’exercer à l’époque des faits la direction
d’une ONG s’occupant de la reconstruction d’un village en Chine. La
liste comprenait également les noms de Gomez, Delmas et Martinez,
ainsi que les vedettes du show-biz Alizée et Laetitia Casta.
Il y avait également Jean-Pierre Joulin, qui est journaliste me semblet-il, ainsi que des Russes, un suisse dirigeant une société de sécurité
dont le nom m’échappe, deux ou trois personnes italiennes. En tout
cas, il devait y avoir une centaine de noms.
[NDLR : Aucune de ces personnalités n’a en définitive été convaincue
de détenir le moindre compte à l’étranger via la société Clearstream]
Le nom de Clearstream n’apparaissait pas sur ce listing, mais
Gergorin m’avait dit que les comptes dont il était question sur ce
listing étaient des comptes ouverts chez Clearstream, qui était une
chambre de compensation, d’après ce que m’en avait dit Gergorin.
Celui-ci m’avait également précisé que Clearstream était installé au
Luxembourg. Le nom de Clearstream me disait quelque chose à
travers la publicité qui en avait été faite lors des procès ayant opposé
Clearstream au journaliste Denis Robert. Je précise que sur ce listing
apparaissait une liste de mouvements financiers venant créditer et
débiter des comptes ouverts chez Clearstream au nom de Gomez et
principalement de Delmas.
Il comportait les mentions suivantes, de gauche à droite : un numéro
de six chiffres, correspondant soit à un numéro de compte soit à un
ordre de virement ; avant ou après ce numéro, une date d’opération ; le
nom et le prénom du titulaire du compte ; la somme en dollars et le
numéro du compte à créditer, ainsi que la banque où était ouvert ce
compte. Ce listing était en fait une liste de mouvements de fonds
créditant les deux comptes au nom de Gomez et Delmas et débitant
ces deux comptes. Les virements au débit de ces deux comptes
créditaient divers comptes ouverts au nom de personnalités que je
vous ai citées plus haut, dans différentes banques : une française, en
l’occurrence le Crédit Lyonnais, s’agissant du compte ouvert en
France au nom de Martini, et d’autres banques étrangères, suisses et
italiennes notamment.
J’indique également que figuraient parmi les noms des titulaires des
comptes mentionnés sur ce listing des noms de sociétés étrangères,
principalement de Russie et d’Italie.
Dès le lendemain de cet entretien, soit vers le 15 novembre 2003, j’ai
rendu compte à M. Philippe Marland, directeur de cabinet de Mme la
ministre de la défense, de la teneur de l’entretien avec M. Gergorin et
des documents que celui-ci m’avait remis. J’ai proposé à M. Marland
d’entamer des recherches pour vérifier si les personnels relevant du
ministère de la défense, plus M. Martini, qui appartenait à la DST,
possédaient réellement un compte chez Clearstream. M. Marland m’a
donné son feu vert pour mener mes investigations en me disant de
limiter mes recherches aux personnels relevant des services, et que si
cela prenait de la consistance, de lui faire un compte-rendu qui serait
porté à la connaissance du ministre le moment venu. Jusqu’à Noël
2003, j’ai évalué comment j’allais m’y prendre, j’ai vérifié quelles
fonctions occupaient à ce moment les personnes qui étaient citées sur
ces listings.
J’ai pris conscience que cela devait être important car entre-temps, j’ai
été convoqué par Dominique de Villepin, alors ministre des affaires
étrangères, par l’intermédiaire de son secrétariat et par téléphone.
Cette convocation a dû intervenir le 4 ou le 5, pour une réunion qui
s’est tenue, ainsi que cela apparaît dans les notes que vous avez saisies
à mon domicile, le 9 janvier 2004 dans le bureau de M. de Villepin au
ministère des affaires étrangères. J’ignorais l’objet de cette
convocation mais je me doutais qu’elle pouvait avoir un rapport avec
les listings informatisés que m’avait remis Gergorin. En effet, M. de
Villepin connaît depuis longtemps Jean-Louis Gergorin pour avoir
travaillé sous les ordres de celui-ci au sein du Centre d’analyse et de
prévision du ministère des affaires étrangères, en qualité de spécialiste
des affaires africaines. J’explique cette convocation de M. de Villepin
de participer à cette réunion par plusieurs raisons.
La première était que quand M. de Villepin était secrétaire général de
l’Elysée auprès de M. Chirac, président de la République, j’avais été
missionné officiellement et directement par M. Chirac en présence de
Dominique de Villepin et à la connaissance d’Alain Richard, ministre
de la défense de l’époque, pour démêler ce qu’on appelle « l’affaire
japonaise ». Cette affaire n’est pas secrète puisque la presse s’en était
fait l’écho début 2002 et que Franz-Olivier Giesbert la rapporte dans
son dernier livre sur le président Chirac en reprenant les propos du
président à mon endroit. Cette affaire était la suivante : un officier de
la DGSE avait dénoncé au début de l’année 2002, environ trois mois
avant l’élection présidentielle, l’existence d’une supposée machination
animée au sein de la DGSE par une petite équipe dont Gilbert Flam
serait l’animateur. A partir de renseignements recueillis soit par
Gilbert Flam, soit par ses collaborateurs, le but était de mettre en
cause le président à travers l’existence d’un compte bancaire que le
président possédait dans une banque japonaise. Ce compte était
alimenté par le versement régulier d’une somme très importante, dont
je n’ai pas le montant précis en tête, provenant d’une fondation
culturelle dont M. Chirac était membre du conseil d’administration.
(…) A ma connaissance, ce compte avait été ouvert en 1992. J ‘étais
chargé de vérifier si les fonctionnaires de la DGSE, n’avaient pas
essayé, hors de leur hiérarchie, de monter un dossier contre le
président, en révélant le compte de celui-ci au Japon.
Cette enquête interne au sein de la DGSE a été diligentée par le
général Champtiaux, qui avait été désigné pour y procéder par M.
Cousserand, alors directeur général de la DGSE. Pour ma part, je
devais suivre les développements de cette enquête interne sous l’égide
du président de la République et du ministre de la défense, mais je n’ai
par la suite rendu compte qu’au ministre de la défense puisque je n’ai
plus jamais revu M. Chirac à ce sujet, les comptes-rendu lui ayant été
faits par M. Richard en personne.
Ma conclusion suite aux vérifications internes à la DGSE que j’ai
suivies était que cette affaire était assez trouble et qu’il y avait
probablement un fond de vérité. D’ailleurs, les gens impliqués dans ce
dossier avaient été écartés de leurs fonctions, notamment M.
Cousserand puis M. Gilbert Flam, à l’initiative du successeur de M.
Cousserand, M. Pierre Brochand, actuel directeur général de la DGSE
et frère de Bernard Brochand. Pour autant, j’ai considéré que l’action
de M. Gilbert Flam s’inscrivait dans le cadre normal de ses
compétences au sein de la DGSE.
La deuxième cause qui me paraissait justifier cette convocation auprès
de M. de Villepin était que je connaissais celui-ci depuis longtemps,
pour avoir travaillé avec lui au Centre d’analyse et de prévision à
l’époque dirigé par Jean-Louis Gergorin .
La troisième était que je connaissais M. Gergorin, tout comme M. de
Villepin.
Lors de cette réunion, je suis arrivé le premier dans le bureau de M.
de Villepin, et une ou deux minutes après, M. Gergorin s’est
également présenté dans le bureau de M. de Villepin. J’étais assez
surpris de le voir arriver. M. Gergorin a sorti de la poche intérieure de
sa veste un papier : c’était le même listing, comportant des noms et
des numéros de comptes, qu’il m’avait remis à la mi-novembre 2003.
M. de Villepin a pris la parole le premier, a parlé de cette entreprise
assez énorme mettant en cause les hauts fonctionnaires, des ministres
et personnalités politiques, et M. Gergorin a dit qu’il s’agissait de la
liste de comptes Clearstream. Dans mon souvenir, M. de Villepin n’a
pas parlé le premier de Clearstream. M. de Villepin m’a alors fait part
des instructions qu’il avait reçues au sujet de cette affaire des listings
de comptes Clearstream de la part de M. Chirac, président de la
République. Ces instructions étaient les suivantes : il s’agissait de
vérifier la validité de cette liste de comptes pour savoir si oui ou non
les personnalités qui étaient citées possèdaient un compte Clearstream
ainsi que cela était mentionné sur ces listings.
Lors de cette réunion, M. de Villepin n’a pas découvert cette affaire
de listings de comptes Clearstream, puisqu’il avait reçu à ce sujet des
instructions du président de la République. Je présume que le
président de la République avait été informé de cette affaire à la fin de
l’année 2003, ou tout au début de l’année 2004 par l’intermédiaire de
M. de Villepin, lui même informé par M. Gergorin. Bien sûr, M. de
Villepin était informé de cette affaire par M. Gergorin et compte tenu
de l’énormité de ce qu’on nous présentait, je présume qu’il en a rendu
compte à M. Chirac.
La consigne du président de la République était également d’agir avec
précaution, discernement et discrétion car l’affaire était grave, que les
mises en cause soient fondées ou pas, et qu’elle pouvait donc avoir
des conséquences politiques.
Parmi les personnes citées comme titulaires de comptes Clearstream,
le nom de M. Sarkozy a été évoqué lors de cette réunion, mais il n’y a
pas eu de fixation particulière à ce sujet. Je vous précise à ce propos
que dès que j’avais examiné la liste de comptes que m’avait remise M.
Gergorin à la mi-novembre 2003, j’avais fait un rapprochement entre
la personne de M. Sarkozy et les deux patronymes Bocsa et Nagy
figurant sur ces listings, en faisant des vérifications sur le Who’s who.
M. de Villepin m’a demandé de travailler sur cette affaire comme je le
fais d’habitude c’est-à-dire en solitaire, avec mes moyens pour valider
ou non les renseignements figurant sur ces listings. Je vous précise
que bien que j’aie une relation très amicale avec Dominique de
Villepin, je n’avais jamais été convoqué par lui dans ces conditions,
sauf le précédent de l’affaire japonaise, lorsqu’il était secrétaire
général de l’Elysée. J’ai donc commencé mon travail de recherches et
de vérifications.
(Mention : à la demande de M. Rondot, l’audition est supendue à
18h14. Reprise à 18h30)
J’ai alors repris la liste que m’avait remise M. Gergorin, je me suis
intéressé en priorité au cas de M. Jean-Jacques Martini et ce pour
plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est un ami que je connais bien pour
l’avoir côtoyé à la DST et je ne pouvais l’imaginer inscrit sur une telle
liste. J’avais un a priori favorable à son endroit, j’ai donc fait une
vérification technique le concernant. Comme sur le listing que m’avait
remis Gergorin il y avait un élément technique que je pouvais vérifier
tout de suite, j’ai procédé à cette vérification. En effet, il était indiqué
sur le listing que Jean-Jacques Martini avait bénéficié d’un virement
de fonds émis par M. Delmas au crédit de son compte Crédit Lyonnais
en France. Comme je suis moi-même titulaire d’un compte au Crédit
Lyonnais, j’ai essayé de procéder à un virement à partir de mon propre
compte et au crédit du compte qui était indiqué comme celui de M.
Martini, à partir d’un guichet automatique. Mais cela n’a pas marché,
car le numéro de compte de M. Martini apparaissait incorrect et ne
permettait pas de réaliser l’opération. J’ai fait valider cette première
constatation en demandant à une personne dont je ne me souviens plus
le nom, ni le service pour lequel elle travaille, de prendre contact
auprès du Crédit lyonnais pour vérifier la validité du compte qui serait
celui de M. Martini et le nom du titulaire. Cette personne m’a alors dit
qu’elle connaissait elle-même une autre personne travaillant au Crédit
lyonnais lui permettant d’effectuer une telle opération. Elle m’a alors
parlé de M. Wack, en me disant qu’il s’agissait d’un ancien policier
qui travaillait au Crédit lyonnais et qui était chargé de la sécurité.
Cette personne a dû aller voir M. Wack ou lui téléphoner. La réponse
était que le compte imputé à Martini sur le listing de Gergorin
n’existait pas dans les livres du Crédit lyonnais.
J’ai également procédé à des vérifications humaines. C’est ainsi que
j’ai rencontré certaines personnes citées comme bénéficiaires de
virements sur les listings de M. Gergorin. J‘ai ainsi rencontré M.
Martini, M. Klebnikoff, le général Heinrich, ainsi que Philippe
Delmas. Je ne leur ai pas parlé des comptes lors de ces rencontres,
mais j’ai essayé de sentir l’ambiance. S’agissant du général Heinrich,
il était conseiller-président de la société Geos, société d’intelligence
économique. Je savais par ailleurs que M. Delmas recherchait un
responsable de la sécurité chez Airbus, pour remplacer un ancien
commissaire de la DST (…) J’ai fait part de cette opportunité à M.
Heinrich et celui-ci m’a répondu qu’il ne connaissait pas M. Delmas,
mais qu’il était intéressé par le poste et à sa demande, je lui ai donné
les coordonnées de M. Delmas. Cette réponse de M. Heinrich, selon
laquelle il ne connaissait pas M. Delmas, m’a fait penser que le fait
qu’il ait reçu de l’argent de M. Delmas, ainsi que cela était mentionné
sur le listing de Gergorin ne collait pas avec le personnage.
S’agissant de M. Klebnikoff, j’ai fait le tour du personnage. Lorsque
je l’ai rencontré, il m’a retracé son itinéraire auprès de M. Gomez. Il
m’a dit qu’à la suite d’une mésentente avec celui-c i en 1994, il avait
quitté Thomson et s’était installé en Suisse, où il avait une activité de
consultant dans le domaine de l’intelligence économique, d’abord à
titre indépendant, ensuite au profit d’un riche homme d’affaire
helvétique dont le nom m’échappe. Le fait que M. Klebnikoff était en
contact avec M. Gomez, lequel apparaissait également sur le listing de
M. Gergorin, m’a fait avoir des doutes quant au fait que M.
Klebnikoff ait pu bénéficier des virements mentionnés sur ledit listing.
Mais la preuve déterminante dans mes investigations m’a été
rapportée dans le cadre d’investigations auxquelles j’ai fait procéder
en Suisse. Nous étions alors vers la mi-juillet 2004, l’article du Point
venait de sortir pour révéler l’affaire du corbeau. J’indique qu’à cette
époque et tout au long de mes investigations, je tenais au courant M.
Marland de l’état d’avancement de mes vérifications, au cours de
réunions hebdomadaires en sa seule présence. Il était évident que
Mme la ministre devait être informée de la teneur de ces réunions par
son directeur de cabinet.
Je me suis donc rendu à Berne, vers la mi-juillet 2004, en utilisant un
avion de liaison ministériel, un DBM 700, faisant partie de la flotte du
GAEL, ex-Glam. J’étais seul lors de ce voyage, il y avait deux pilotes.
Je me suis rendu à Berne, où se trouve la Sûreté d’Etat suisse, c’est à
dire les services spéciaux suisses. J’ai rencontré deux fonctionnaires
que je connaissais bien et de manière officieuse et sur leur insistance,
je leur ai remis des numéros de comptes accompagnés de noms de
banques, mais sans préciser l’identité des titulaires de ces comptes. Il
s’agissait là de numéros et de noms de banques suisses qui se
trouvaient sur le listing Gergorin.
Les titulaires de ces comptes tels qu’ils étaient mentionnés sur le
listing Gergorin étaient M. Marchiani, des ressortissants suisses, le
patron d’une société de sécurité suisse dont le nom m’échappe tout
comme celui de ce ressortissant. Dans les deux jours, j’ai eu une
réponse par téléphone de mes contacts en Suisse. Il m’a été indiqué
par ceux-ci que les banques suisses dans les livres desquels ces trois
comptes étaient censés être ouverts avaient répondu que la
présentation et les numéros de ces comptes n’étaient pas conformes.
En fait, j’avais donné le nom de deux banques : la banque zurichoise
et la banque de Crédit de Berne, ainsi que le nom de la personnalité
suisse dont je vous ai parlé plus haut. Mes contacts m’ont confirmé
que cette personnalité était connue en suisse. J’ai également demandé
dans le même temps et pendant cette période, de janvier à juin 2004, à
Jean-Louis Gergorin d’affiner ses recherches.
A ce moment de mon exposé, je dois vous faire part d’un incident. En
mars 2004, Imad Lahoud a été interpellé par un policier dans le cadre
de l’une de ses affaires judiciaires. Il a fait l’objet d’une fouille à corps
qui a permis de trouver dans une de ses poches un document
manuscrit consistant en une demande de Jean-Louis Gergorin a entête
d’EADS adressée à M. Sava, directeur d’EADS et qui devait être le
chef d’Imad Lahoud, selon laquelle Imad Lahoud était investi d’une
mission dans le cadre de la lutte antiterroriste à mon profit et que l’on
devait donc le laisser travailler à ce sujet à EADS. Le policier qui
avait interpellé M. Lahoud m’a contacté au téléphone, puisque mon
nom et ma qualité, ainsi ,que le nom du ministère de la défense,
étaient clairement indiqués sur ce document de Gergorin trouvé sur M.
Lahoud. Ce policier m’a dit ce qui s’était passé, à savoir qu’il avait
trouvé le document dont je viens de vous parler dans le portedocuments de M. Lahoud. J’ai rendu compte de ces faits à M.
Marland, qui a décidé avec moi de transmettre ma mise au point écrite
à M. Sava sous ma signature. C’est ainsi que j’ai indiqué par écrit à
M. Sava qu’en aucun cas Imad Lahoud n’était missionné par moi au
titre du ministère de la défense, s’agissant de lutte antiterroriste. Dans
le même temps, j’ai appelé Jean-Louis Gergorin pour lui faire part de
mon mécontentement et je lui ai demandé ce qu’il s’était passé. Il était
confus et s’est excusé.
Dominique de Villepin, certainement averti de ces faits par Jean-Louis
Gergorin , m’a téléphoné quelques minutes après que j’aie moi-même
informé Jean-Louis Gergorin de l’arrestation de Lahoud. En effet,
Dominique de Villepin n’ignorait pas qui était Imad Lahoud. Il m’a
demandé de sortir Imad Lahoud de là, c’est à dire de le faire libérer. Je
n’ai pas eu le temps d’intervenir auprès du policier car celui-ci m’a
rappelé une demi-heure après, en me précisant qu’Imad Lahoud venait
d’être libéré. A ma demande, il m’a brossé un portrait de l’intéressé
qui n’avait rien de très reluisant ; selon lui, Imad Lahoud était
impliqué dans une affaire de dettes non réglées avec l’un de ses
associés. Je m’en suis tout de suite expliqué avec Imad Lahoud en le
faisant venir le lendemain à mon bureau, en lui demandant de me
remettre son laisser-passer, ce qui a été fait, et en lui demandant des
détails sur son affaire. Ce qu’il m’a dit venait confirmer ce que
m’avait précédemment dit le policier.
Comment Dominique de Villepin connaissait-il Imad Lahoud et
pourquoi vous a-t-il donné des instructions pour le faire libérer
dans le cadre d’une procédure judiciaire ?
Dominique de Villepin connaît Imad Lahoud de nom, sinon de
contact, à travers la présentation qu’avait dû lui faire Jean-Louis
Gergorin dans le cadre de ses travaux Clearstream au départ de
l’affaire. En réalité, à l’origine de la démarche de Jean-Louis Gergorin
en novembre 2003, celui-ci a fait état auprès de moi de la pénétration
du système informatique de Clearstream par Imad Lahoud et du fait
que le listing qui m’avait été remis provenait de cette pénétration.
Je vous confirme que Dominique de Villepin m’a demandé de faire
libérer Imad Lahoud, ainsi que je l’ai relaté dans une note adressée au
directeur de cabinet du ministère de la défense, en date du 29 mars
2004 – note que vous avez saisie à mon domicile (scellé numéro
Rondot-Meudon 11). Cette démarche peut paraître surprenante de la
part d’un ministre, mais elle s’explique parce que Dominique de
Villepin suivait l’évolution de cette affaire Clearstream et Imad
Lahoud était au piano, si je peux dire. Dominique de Villepin craignait
peut-être qu’Imad Lahoud parle de cette affaire.
Lors de la réunion qui s’est tenue au ministère des affaires
étrangères le 9 janvier 2004, dans le bureau de M. de Villepin en
présence de celui-ci et de M. Gergorin, a-t-il été fait état par l’un
des participants du fait que le listing objet de cette réunion
provenait de la pénétration du système informatique Clearstream
par Imad Lahoud ?
Je n’ai pas le souvenir que le nom d’Imad Lahoud ait été prononcé
mais il était dans la tête de chacun des participants. Par contre, il a
bien été indiqué lors de cette réunion que le listing sur lequel M. de
Villepin me demandait d’investiguer sur instruction expresse du
président de la République provenait de la pénétration du système
informatique Clearstream.
A votre connaissance et au vu de la teneur des propos de MM. de
Villepin et Gergorin lors de cette réunion, le président de la
République avait-il lui même connaissance de l’origine de ce
listing ?
M. de Villepin avait parlé de ce listing au président de la République,
puisque je recevais ce jour-là des instructions de sa part pour
investiguer sur le listing. Mais j’ignore ce que M. de Villepin avait
exactement dit à M. Chirac des moyens mis en œuvre pour obtenir
ledit listing.
Au cours de cette même réunion, qui s’est tenue le 9 janvier 2004
dans le bureau de M. de Villepin, a-t-il été évoqué une répartition
des rôles dans les recherches à effectuer entre vous-même et
Gergorin ou étiez-vous seul mandaté pour effectuer ces
recherches, comme cela ressort de vos précédentes déclarations ?
Oui. J’étais seul mandaté pour effectuer les recherches sur le listing. Je
devais vérifier si cela tenait, c’est-à-dire si les flux financiers indiqués
sur ce listing étaient réels, tant dans leurs montants, l’origine des
fonds, les bénéficiaires des virements ainsi que pour les établissements
bancaires mentionnés. Deux ou trois jours après, peut-être même le
lendemain de la réunion du 9 janvier, j’ai demandé à M. Gergorin de
poursuivre la pénétration du système informatique de Clearstream
entreprise par Imad Lahoud et de continuer à collationner les
informations qu’elle permettait de recueillir. Pour vérifier ses
capacités de pénétration, j’ai demandé à M. Gergorin d’actionner Imad
Lahoud pour qu’ils poursuivent ces recherches sur l’ensemble des
noms du listing, qu’il continue à suivre les flux financiers en temps
réel. Imad Lahoud m’apportait tout ce matériel, c’est-à-dire de
nouveaux listings, à mon bureau et cela m’a permis de constater que
les mouvements financiers continuaient. J’ai trouvé que sa production
allait vite et il me paraissait doué. Je lui ai demandé de tester devant
moi le système de pénétration dans Clearstream. Ça s’est fait en deux
temps :
Dans un premier temps, que je situe au début du mois d’avril 2004,
j’ai récupéré Imad Lahoud avec ma voiture de service dans une rue à
proximité du ministère et nous sommes allés dans la nature, c’est-àdire dans le parc de l’observatoire de Meudon. Nous nous sommes
arrêtés dans une contre-allée du par cet ça s’est passé dans ma voiture.
Imad Lahoud travaillait avec son téléphone portable et son ordinateur.
Il a appelé un numéro de téléphone et pianoté les touches de son
ordinateur. Je l’ai vu mettre les codes et j’ai vu une liste apparaître sur
l’écran. Je précise qu’il a eu des problèmes techniques de liaison parce
que selon Imad Lahoud cet ordinateur n’était pas assez puissant.
Cependant, j’ai vu apparaître un listing qui défilait avec des noms qui
étaient déjà apparus dans les listings précédents, comme ceux de
Philippe Delmas, Gomez, des Russes et des personnalités politiques
telles que Jean-Pierre Chevènement. Ça a été très bref. Pour moi, ça
n’a pas été concluant.
Dans un deuxième temps, qui s’est passé le même jour, c’est-à-dire
immédiatement après, je l’ai accompagné à son bureau à EADS sur le
site de Suresnes, où il a effectué les mêmes manipulations avec son
téléphone portable, mais en utilisant cette fois son ordinateur de
bureau. J’étais derrière lui, je l’ai vu entrer des codes. Après plusieurs
tentatives infructueuses, les mêmes listes de comptes que celles que
j’avais vues deux heures auparavant à Meudon sont apparues. Je suis
reparti convaincu de la capacité d’Imad Lahoud à pénétrer un système
informatique et je me suis dit que ce qui était produit était peut-être
vrai, mais il y avait tellement d’incohérences dans la présentation des
listings, des noms qui apparaissaient puis qui disparaissaient, de
nombreux virements qui intervenaient le même jour puis toute une
période sans rien, que j’avais des doutes.
J’ai exposé mes doutes à M. Gergorin et à M. Lahoud et j’en ai rendu
compte au directeur de cabinet en lui disant qu’il fallait s’interroger
sur la crédibilité à accorder à ces listings. J’ai également fait part de
mes doutes à Dominique de Villepin autour d’avril 2004 à l’occasion
d’un retour de mission. Je lui ai dit qu’il fallait être extrêmement
prudent car j’avais le sentiment d’être instrumentalisé et que lui-même
risquait de l’être. Et là, sa réponse a été très nette : on ne sait pas si
c’est bon ou pas, mais si tout ça est un montage, non seulement on
arrête mais en plus, on réagit. Tels ont été les propos de M. de
Villepin ce jour-là.
Pour sa part, à la même période, Gergorin était persuadé que tout cela
était bon, qu’il fallait accorder du crédit à ces listings obtenus par
Lahoud. Quelques temps après, à la mi-mai 2004, j’ai vu le préfet
Marland pour lui dire que tout cela me paraissait de mois en moins
crédible et qu’il fallait en tirer les conséquences pratiques, compte
tenu des répercussions politiques que cela pouvait entraîner. Toujours
au mois de mai, j’ai eu un entretien oral avec le ministre, au cours
duquel je lui ai fait part de mes recherches. C’était une réunion de
bilan, où je lui ai indiqué qu’il n’y avait aucun élément probant, que je
n’avais pas été convaincu par la démonstration technique et que
j’avais constaté une certaine aberrance dans la production. J’ai dit à
Mme Alliot-Marie qu’il fallait faire attention car on pouvait faire
l’objet d’une manipulation grossière dont je ne m’expliquais pas les
motivations ni l’origine, car à cette époque, pour avoir vu Imad
Lahoud travailler et produire, il me semblait compétent. Je n’avais pas
de doute sur sa capacité de pénétrer le réseau Clearstream ; en
revanche, je commençais à me demander s’il n’avait pas été lui-même
intoxiqué, autrement dit si le système Clearstream qu’il avait pénétré
n’avait pas mis en place un système de désinformation en l’alimentant
avec de faux listings ou s’il n’avait pas lui-même fabriqué cette
production.
Combien d’entretiens avez-vous eu avec M. de Villepin au cours
desquels cette affaire-là a été évoquée ?
Il me semble qu’il y en a eu cinq ou six.
Il ressort des fiches saisies à votre domicile (scellé RondotMeudon 6) qu’entre le 9 janvier 2004 et le 18 février 2005, vous
avez eu 9 réunions portant sur ce thème avec M. de Villepin, un
courrier ayant été envoyé à celui-ci par vos soins, en date du 12
janvier 2004. confirmez-vous une telle chronologie de contacts
avec M. de Villepin, étant précisé que les réunions postérieures au
9 janvier 2004 ont eu lieu, selon vos propres indications
manuscrites, au ministère de l’intérieur après la nomination de M.
de Villepin en qualité de ministre de l’intérieur ?
Vous me montrez cette fiche bristol, objet du scellé Rondot-Meudon
6, sur laquelle apparaît la mention de toutes ces réunions. Je confirme
la tenue de ces réunions avec M. de Villepin. J’indique qu’elles n’ont
pas porté spécifiquement sur cette affaire mais que nous avons abordé
également d’autres sujets au cours de celles-ci.
Vous avez déclaré que lors de la réunion que vous avez eue le 9
janvier 2004 avec M. de Villepin et M. Gergorin dans le bureau de
M. de Villepin au ministère des affaires étrangères, le nom de M.
Sarkozy avait été évoqué parmi ceux des personnes citées sur le
listing que vous avez remis M. Gergorin comme bénéficiaire de
virements de fonds. Cette déclaration se trouve confirmée par vos
propres notes prises à l’issue de cette réunion, pour laquelle vous
mentionnez (scellé Rondot-Meudon) :
- L’enjeu politique ---) Nicolas Sarkozy
Fixation sur N. Sarkozy, ref : conflit Chirac-Sarkozy.
Or dans une note datée du 21 juin 2005 ayant pour objet Imad
Lahoud et que vous avez adressée à Mme la ministre de la
défense, vous avez indiqué (scellé Rondot-Meudon 6) : « J’attire
votre attention sur le fait que, à la défense, nous nous sommes
seulement employés à vérifier la compromission supposée de
certains de nos fonctionnaires dont les noms figuraient sur les
listes incriminées. Nous ne nous sommes jamais intéressés aux
hommes politiques cités, et particulièrement à Nicolas Sarkozy,
dont le nom n’a été évoqué qu’une fois mon enquête close. »
Il apparaît ainsi que vous avez sciemment menti dans cette note
adressée à votre ministre, puisque dès le début de vos
investigations sur ce listing, qui vous ont été confiées par le
président de la République par l’intermédiaire de M. de Villepin,
le nom de M. Sarkozy était cité, parmi les personnes supposées
être bénéficiaires de flux financiers via Clearstream, en
particulier lors de la réunion tenue le 9 janvier 2004 dans le
bureau de M. de Villepin, au cours de laquelle celui-ci vous a fait
part du mandat que le président de la République vous confiait
aux fins d’investiguer et de valider les informations contenues
dans ce listing.
Par ailleurs, vous avez également reconnu avoir demandé à M.
Gergorin, postérieurement à cette réunion du 9 janvier 2004, de
poursuivre l’infiltration du système informatique de Clearstream
par l’intermédiaire de M. Lahoud, aux fins de vérifier si les
personnes citées sur ce listing initialement remis par Gergorin,
dont M. Sarkozy, continuaient à bénéficier de flux financiers à
partir de la chambre de compensation Clearstream.
Le nom de M. Sarkozy, comme personnalité politique citée sur le
listing Cleastream ne vous était donc pas inconnu et ce, dès le
moment où vous avez commencé à investiguer sur cette affaire.
Pour quelles raisons, dans ces conditions, avez-vous menti à votre
ministre en affirmant le contraire dans cette note précitée, du 21
juin 2005 ?
Je reconnais avoir menti mais je ne m’explique pas aujourd’hui les
raisons qui m’ont poussé à le faire. J’ai rendu compte à M. Marland,
directeur de cabinet du ministre de la défense, tant de la remise du
listing que de son contenu et de l’avancée de mes investigations sur ce
sujet, j’ai alerté les autorités politiques, à savoir M. de Villepin et
Mme Alliot-Marie, en les mettant en garde sur les risques que faisait
courir cette affaire et malgré tout, tout s’est poursuivi, c’est-à-dire que
certains ont continué à y croire ; il n’y a pas eu de stop mis à cette
affaire, qui a continué à se développer avec les lettres de dénonciation
notamment, sans que quelqu’un ait le courage politique de dire stop,
arrêtons le jeu de massacre. J’ai donc écrit un tel mensonge pour nous
mettre à l’abri et protéger mon ministre et moi-même de l’accusation
d’avoir participé à une opération douteuse au détriment de M.
Sarkozy.
Je tiens à vous informer formellement que tant Mme Alliot-Marie que
M. de Villepin ainsi que M. Marland ont été d’une rigueur totale dans
la gestion de cette affaire car je n’ai jamais reçu d’instructions de leur
part de favoriser cette opération-là de déstabilisation de M. Sarkozy.
Dès le mois de mai 2004, j’ai senti que cette affaire de listings était un
montage et je l’ai dit à mon ministre, Mme Alliot-Marie. J’ignore si
elle a pris son téléphone pour en informer alors M. Sarkozy. Si elle ne
l’a pas fait, je le regrette.
J’ai aussi un second regret : Nicolas Sarkozy a eu connaissance de
mon enquête et de ses résultats, selon lesquels la probabilité d’un
montage dans cette affaire était très grande, très tôt, dès l’été 2004, par
un journaliste. Jamais M. Sarkozy ni son directeur de cabinet M.
Guéant, qui me connaît, n’ont cherché à me convoquer pour obtenir
mes explications sur cette affaire. Si tel avait été le cas, je me serais
rendu à cette convocation, avec l’accord que, je pense, mon ministre
m’aurait donné. On m’a jeté dans cette affaire pourrie et on m’a dit :
« Débrouillez-vous. »
(Mention : nous su pendons la présente audition pendant dix minutes
à 23 heures et reprenons l’audition à 23h13.)
Veuillez poursuivre sur le déroulement des faits.
Au milieu de, l’été 2004, j’ai cessé tout contact avec Imad Lahoud
parce que j’avais rendu mes conclusions et que je ne voyais pas
l’utilité de poursuivre cette opération par les recherches qu’il
entreprenait ; donc, je ne l’ai pas revu depuis cette date. S’agissant de
Jean-Louis Gergorin , à partir de la même période, j’ai de plus en plus
espacé mes contacts avec lui car c’est à ce moment-là que son nom
est apparu comme étant le possible corbeau. Le dernier entretien que
j’aie eu avec lui se situe en février 2005. C’est lui qui avait pris
l’initiative de ce contact, sans doute pour me relancer. Il est venu
comme toujours à mon bureau et la rencontre a pu se prolonger par un
dîner dans un restaurant voisin. Je lui ai dit que cette affaire prenait
une dimension qui me déplaisait et que mon sentiment était que c’était
un montage. Je lui ai indiqué que je ne voulais plus en entendre parler
et en cela je respectais les recommandations que m’avait faites
Philippe Marland dès le mois de février 2005 alors que Gergorin avait
appelé plusieurs fois mon bureau pour prendre rendez-vous avec moi.
Par la suite, nos échanges se sont limités à l’envoi d’une carte de
vœux réciproque.
Nous vous présentons les documents saisis à votre domicile de
Meudon et placés sous scellés Rondot-Meudon 1 à RondotMeudon 33 et scellé fermé Rondot-Meudon 1. Confirmez-vous
avoir détenu de tels documents et pour quelles raisons les avezvous ainsi conservés à votre domicile ?
Vous venez de me montrer chacune des pièces placées sous scellés
numérotés 1 à 33 que vous avez cités dans votre question. J’ai
attentivement examiné ces documents. Je reconnais les avoir détenus à
mon domicile. Ils se trouvaient d’ailleurs pour la plupart dans le
placard fermé par une porte blindée que vous avez dû faire ouvrir par
un serrurier, mesure que je comprends parfaitement, faute d’avoir pu
répondre à votre appel à temps pour vous indiquer où se trouvait la clé
de ladite porte. Je vous précise que si j’avais été présent, j’aurais bien
évidemment ouvert cette porte spontanément pour vous permettre d’y
consulter et saisir tous les documents utiles à votre enquête. Je vous
indique à cet égard que la clé de ce placard était cachée dans le fer à
repasser qui se trouvait sur une étagère en bois dans ma chambre.
Ayant quitté mes fonctions le 31 décembre 2005, ayant pris des
dispositions depuis plusieurs mois déjà afin de faire transférer après
leur tri ces documents, soit reliés soit placés dans des boîtes, au
service historique de l’armée de terre de Vincennes, où j’avais fait
ouvrir un fond privé destiné à les accueillir (les correspondances
afférentes à ce transfert se trouvaient dans un dossier gris placé à
l’intérieur du placard blindé) car n’ayant pas de successeur à mon
bureau, qui a été fermé, et ayant pris quelques jours de vacances au
Vietnam, je n’ai pas eu le temps de transférer ces pièces au service
historique de l’armée de terre, dont l’amiral-directeur m’avait fait
savoir qu’il attendait de les recevoir. Si vous aviez effectué cette
perquisition à mon bureau avant que je ne quitte mes fonctions (…)
après archivage de ces pièces, vous auriez trouvé les mêmes
documents.
Nous vous présentons les documents saisis dans votre résidence
secondaire, à Chanot-à-Flety et placés sous scellés Rondot-Chanot
1 à Rondot-Chanot 21. Confirmez-vous avoir détenu de tels
documents et pour quelle raison les avez-vous ainsi conservés à
votre domicile ?
Vous venez de me montrer ces pièces que vous citez dans votre
question. Je n’ai pas besoin de les regarder, je les connais. Je sais
qu’elles se trouvaient dans ma résidence secondaire, sise à Flety, dans
l’attente d’être triées et transférées ensuite.
Il apparaît dans les divers documents que vous avez rédigés à
propos de cette affaire que cette opération est dénommée
« Opération Reflux », certaines notes faisant état d’une opération
Reflux 1 et Reflux 2. Que signifie cette terminologie et qui en est
l’auteur ?
Je suis l’auteur de cette terminologie. J’ai appelé cette opération
« Reflux » car elle faisait des vagues. Il s’agit d’une terminologie qui
m’est propre, qui n’a pas été reprise par les services. Je vous précise
que dans mes notes, je mentionne Imad Lahoud sous le pseudonyme
de « Mahdi ». Quant au fait qu’il y ait une opération Reflux 1 et
Reflux 2, il s’agit d’une distinction de phases, de calendrier. Je suis
ainsi passé à reflux 2 à partir de juillet 2004, date de la fin de mes
propres investigations sur ce dossier, que je continuais pour autant à
suivre sous cette appellation. Je le suivais cette fois par la presse, car
je n’ai plus rien demandé à Lahoud ni à Gergorin.
Nous vous présentons un courrier manuscrit adressé à la ministre
de la défense par le directeur de cabinet, en date du 24/04, année
non précisée, contenue dans le scellé Rondot-Meudon 11. Ce
courrier indique : « Madame la ministre, j’ai demandé au général
Rondot de vous faire cette note malgré l’embarras dans lequel l’ont
mis les instructions du président de la République de ne se référer
qu’à lui-même dans cette ténébreuse affaire. Il me semble
nécessaire que vous le receviez personnellement pour qu’il précise
l’état de ses recherches. Il ressort de ce qu’il m’en a dit que l’affaire
est de toute façon inquiétante, soit que les faits allégués soient
avérées, soit que, ne l’étant pas, ils traduisent une opération de
manipulation et d’intoxication visant le plus haut niveau de l’Etat. »
Ce courrier se réfère à une note, or nous constatons que dans le
scellé constitué à votre domicile se trouve immédiatement à la
suite de ce courrier une note de trois pages, en date du 21 avril
2004, signée Ph.R., à l’attention de Madame la ministre de la
défense et ayant pour objet : « Existence d’une vaste entreprise de
corruption et de déstabilisation ? »
Etes-vous l’auteur de la note du 21 avril 2004 que nous vous
présentons ? Le courrier du directeur de cabinet précité fait-il
référence à cette note ? Pouvez-vous préciser à qui et dans quelles
conditions vous avez rendu compte de votre intervention dans
cette opération ?
Vous me montrez les pièces issues de ce scellé. Je suis bien l’auteur et
le signataire de la note du 21 avril 2004. Le courrier du directeur fait
bien référence à cette note, qui a été établie le 24 avril 2004, même si
l’année n’est pas mentionnée dessus. La note du 21 avril est la
première que j’aie établie à l’attention de Mme la ministre. Je la lui ai
transmise par l’intermédiaire de M. Marland et deux ou trois jours
après, elle m’a reçu en entretien direct et en tête-à-tête. Je lui ai alors
résumé l’affaire, attirés son attention sur son importance et fait part de
mes interrogations et du résultat de mes premières investigations. Je
l’ai mise en garde sur les effets politiques qui pouvaient résulter de
cette affaire.
Je précise que je n’ai jamais rencontré le président de la République ni
l’un de ses proches collaborateurs qui aurait pu être chargé de ce
dossier. En rendant compte de mes travaux sur cette affaire à M. de
Villepin ainsi que je l’ai fait, je rendais compte indirectement au
président de la République.
Dans le même scellé figure une page sur laquelle apparaissent des
photocopies réduites de feuillets manuscrits portant les références
« Reflux 03/13 », « Reflux 03/14 », ainsi que la reproduction d’un
tableau informatique portant les références « Reflux 03/15 »,
documents que nous annexons en copie au présent procès-verbal.
Pouvez-vous nous indiquer à quoi correspondent les différentes
mentions figurant sur ce document ?
Les trois documents dont vous parlez dans votre question et que vous
me montrez m’ont été donnés par Gergorin le 5 novembre 2003. Cela
correspond à la première remise de documents. Il s’agissait d’une
entrée en matière. L’écriture manuscrite figurant sur les fiches
numérotées 9/11 et 10/11 n’est pas la mienne et ne ressemble pas à
celle de M. Gergorin. Je ne sais pas si cette écriture ressemble à celle
de M. Lahoud, car il ne m’a jamais écrit.
La fiche 10/11 mentionne comme titre : « Synthèse contre les deux
fondateurs ». Ces deux fondateurs peuvent correspondre à MM.
Gomez et Delmas. On retrouve en effet ces deux personnes dans la
fiche manuscrite référencée 9/11 sous le nom d’initiateurs. Ces deux
fiches accompagnaient le listing de comptes numéroté 11/11. La fiche
10/11 décrit les différentes catégories de personnes impliquées et à
titre d’exemple, la fiche 9/11 reprend le nom des initiateurs Philippe
Delmas et Alain Gomez et le nom des personnes bénéficiaires de
paiements effectués par ces deux personnes avec des dates qui, je
suppose, sont celles des versements. Je constate avec vous que sont
cités parmi ces personnes :
[NDLR : suivent les noms de 14 personnes, qui n’ont aucunement été
mises en cause par l’enquête judiciaire, et que Le Monde a, par
conséquent, décidé de ne pas publier.]
En consultant les pièces contenues dans le scellé Rondot-meudon 11,
je constate que les deux pages qui précèdent sont les photocopies des
fiches numérotées 1/11, 2/11, 3/11, 4/11, 5/11, 6/11, 7/11, 8/11, qui
correspondent aux documents qui m’ont été remis par M. Gergorin
lors d’une deuxième remise, intervenue le 23 novembre 2003. Je
confirme que j’ai rendu compte de ces remises de documents à M.
Marland dès qu’elles sont intervenues et je lui ai montré à cette
occasion lesdits documents.
Nous vous présentons la photocopie d’un carnet à spirale et d’une
partie de feuillet comportant des mentions manuscrites, contenue
dans le scellé Rondot-Meudon 12, document que nous annexons en
copie au présent procès-verbal. Pouvez-vous nous indiquer à quoi
correspondent les diverses mentions figurant sur ces photocopies ?
Dans le compte rendu de la réunion du 9 janvier 2004, j’ai écrit :
« 9 janvier 2004, 17h30, entretien D. de Villepin
- à son bureau + JL Gergorin
Ops Reflux
Jean-Louis Gergorin lui avait transmis une note. (…) Il ne me
l’avait pas dit alors qu’il avait été convenu de ne rien écrire à ce
sujet.
Instructions du président de la République, auquel Dominique de
Villepin avait rendu compte :
- Traitement direct avec le président de la République, prudence
cadre secret
- Tenir compte des manipulations politiques.
Les connexions selon Dominique de Villepin + Jean-Louis
Gergorin : des réseaux tangentiels à explorer Fabius, Pasqua, DSK,
Jean-C. Marchiani, Squarcini.
L’enjeu politique : Nicolas Sarkozy.
Fixation Nicolas Sarkozy, référence conflit Chirac-Sarkozy.
Compromission P. Ol. - Michèle Alliot-Marie
- Irak, Libye, Syrie. Dominique de
Villepin ne le sent pas.
- Ne rien communiquer au ministère de la
défense.
Rôle des américains - soutien apporté à Nicolas Sarkozy.
(…) L’action de la mafia russe ; 1 milliard de dollars sortis -
Clearstream
Message du président de la République à Poutine. Jean-Louis
Gergorin le rédigera. Couper le réseau du soutien mafieux russe.
Tolérance du pouvoir russe - demander des criblages à la DGSE.
Peter Atanazov. Voir fiche remise par Mahdi le 02/12/03
Connecter à Alain Gomez.
(…)
Les liens Sarkozy-Dassault - Le Figaro
La connexion Pasqua-Marchiani
Compte couplé N. Sarkozy, Stéphane Bocza, à préciser.
Cité par Dominique de Villepin, Michel Roussin, pro-Nicolas Sarkozy
(…)
Aucun système branché sur le président de la République.
(…)
Dominique de Villepin insiste sur le croisement des réseaux en dehors
des clivages politiques.
Dominique de Villepin demande de démonter le système et d’explorer
la nature des relations pour comprendre les opérations qui sont
énumérées - travail historique à faire.
Dominique de Villepin revient sur le voyage de Nicolas Sarkozy en
Chine - intérêt financier ?
Jean-Louis Gergorin demande que je m’occupe de la sécurité de
Mahdi.
Mon impression : doute persistant. Belle construction intellectuelle
montée par Jean-Louis Gergorin et qui accroche Dominique de
Villepin - la théorie du complot ?
Ne pas avancer sans preuves concrêtes.
Le cas Martini. Le cas Marchiani. Squarcini.
[NDLR : Le Monde s’abstient de publier plusieurs noms de
personnalités citées dans le document, mais qui apparaissent mises en
cause sans lien direct avec l’affaire Clearstream]
Ces mentions ont la signification suivante.
La note dont je fais état au début de mon compte rendu est une note
écrite au sujet de cette affaire de listing par Jean-Louis Gergorin et
qui a été remise par celui-ci au début de la réunion. J’en ai demandé
une copie à M. Gergorin, qui me l’a remise ultérieurement, dans les
jours qui ont suivi. Je ne sais pas où se trouve cette note.
Les instructions du président de la République : je fais référence aux
instructions du président de la République que m’a transmises
Dominique de Villepin, qui apparaît dans mon compte rendu sous les
initiales DDV.
Les initiales P. Ol renvoient à M. Patrick Ollier, compagnon de Mme
Alliot-Marie, ministre de la défense. (…)
La mention « RM » signifie « remarque » ; « Ops », « Opération » et
« OP », « orthographe phonétique ».
(…)
Nous vous présentons une fiche manuscrite intitulée « Contacts
DST 2006 », objet du scellé Rondot-Meudon 25. Y est mentionné
sous le nom de Clearstream : « plainte de NS – Péchenard » que
signifient ces deux mentions ?
La première correspond à la plainte déposée par Nicolas Sarkozy dans
l’affaire dite du corbeau. Je ne connais pas M. Péchenard ; son nom
m’a été donné par M. Jean-François Clair, directeur-adjoint de la DST,
dont je peux supposer qu’il est en contact avec lui dans le cadre de
l’affaire Clearstream. Il m’a donné cette information au cours d’un
entretien que j’ai eu avec lui à son bureau à la DST le 8 mars 2006.
A votre connaissance, Imad Lahoud a-t-il été en contact avec le
journaliste Denis Robert et a-t-il obtenu de celui-ci des documents
papier ou informatiques ou numériques se rapportant à l’affaire
Clearstream ?
Je sais qu’Imad Lahoud a été en contact avec Denis Robert car il me
l’a dit lui-même. C’était au tout début de l’affaire, vers novembre
2003. D’après ce que m’avait dit lahoud, il avait profité d’un moment
d’inattention de Denis Robert, alors qu’il se trouvait chez celui-ci,
pour lui vider son ordinateur. Je sais par Lahoud que Denis robert lui
avait également donné des CD-roms sur lesquels il avait des listings
de comptes Clearstream. Pour ma part, je n’ai pas vu ces CD-roms.
J’ai su que dernièrement, Denis Robert aurait écrit à Imad Lahoud en
le mettant en cause pour lui avoir demandé de lui fournir des noms
ayant alimenté les listings Clearstream. Cette lettre vous aurait été
transmise par Imad Lahoud. J’ai appris cela par Alain Juillet, qui le
tenait lui-même d’Imad Lahoud, avec lequel il est en relations
professionnelles, à l’occasion de réunions portant sur le thème de
l’intelligence économique et de la sécurité informatique, dont
s’occupe Alain Juillet.
Avez-vous subi des pressions ou avez-vous fait l’objet de menaces
dans le cadre de cette affaire, depuis son commencement ?
Non, je n’en ai pas reçu.
Aujourd’hui, à l’issue de cette audition et des perquisitions qui
ont été effectuées au sein de vos domiciles principaux et
secondaires, craignez-vous pour votre intégrité physique ?
Je refuse de répondre à cette question.
(Mention : annexons au présent procès-verbal copies des pièces
issues du scellé numéro Rondot-Meudon 11 et scellé Rondot-Meudon
12)
Terminé, lecture faite, le témoin persiste et signe.

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