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Les femmes moteurs de la relance économique et du développement: l’autonomisation économique des femmes dans la région du Sahel et son impact sur la sécurité alimentaire Fatima Kyari Mohammed Avril 2013 Ce document de référence a été commandé pour servir d’amorce aux débats de la Conférence de haut niveau sur le leadership des femmes dans le Sahel, qui a eu lieu le 9 Avril 2013 à Bruxelles sous le co-parrainage de l'Union européenne, de l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour le Sahel et ONUFemmes. Les informations et opinions énoncées dans le document sont celles de l'auteur (s) et ne reflètent pas nécessairement l'opinion officielle de l'Union européenne ou des Nations Unies. Ni les institutions de l'Union européenne et les organes des Nations Unies, ni toute personne agissant en leur nom ne peuvent être tenus responsables de l'utilisation qui peut être faite des informations qui y sont contenues. The Sahel region between 12°N and 20°N 40°N 30°N 20°N Mauritania Mali Senegal Niger The Gambia Burkina Faso Nigeria Chad Eritrea Sudan 12°N Djibouti Ethiopia Equator Equator 10°S Climate Zones Humid 20°S Sub-humid Humid Sub-humid Dry Semi-arid 30°S Arid Hyper-arid Source : WMO (2001) © Sahel and West Africa Club / OECD 2010 Figure 1 The Sahel region between 12°N and 20°N We defined the Sahel as the area of Africa lying between 12°N and 20°N. This area shares two climatic characteristics: one rainy season per year and August as the month of highest precipitation. The area covers all or part of 12 countries from the Atlantic coast to the Red Sea: Mauritania, Senegal, The Gambia, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Chad, Sudan, Ethiopia, Eritrea and Djibouti Security Implications of Climate Change in the Sahel Region © SWAC 2010 5 Page | 1 1. Introduction La région du Sahel est une bande de terre semi-aride située entre le désert du Sahara au nord et la savane au sud, caractérisée par une longue saison sèche intense et une courte saison des pluies. Elle s'étend de l'océan Atlantique sur la côte Ouest jusqu'à la mer Rouge sur la côte Est couvrant plusieurs pays du Sénégal à l'Erythrée1. L’économie des pays du Sahel s’est principalement développée par le biais de ses routes commerciales, et plus précisément la route du commerce transsaharien2. Parmi les marchandises transportées vers le sud, on trouve de la soie, du coton, des chevaux, et du sel, tandis que l'or, l'ivoire, le poivre et les esclaves transitaient vers le nord3. La région est principalement rurale et les populations en grande partie nomades ; les moyens de subsistance sont basés sur l’agriculture, l'élevage et le pâturage. La plupart des femmes de la région exercent des activités agricoles notamment l'agriculture de subsistance et quelques activités non agricoles telles que le commerce de petits articles et l'artisanat local (la poterie, le travail du cuir, le tissage des nattes et la vannerie, etc.). Ces dernières années, la région a été frappée par des sécheresses rigoureuses qui ont eu un impact sur l'approvisionnement en eau, affectant gravement l'agriculture et l'élevage, entrainant des niveaux élevés de pauvreté, d'insécurité et d'instabilité. Ceci a poussé la population à migrer vers le sud. Une étude récente menée par le Groupe de travail du Sahel4 a estimé à plus de dix millions de personnes victimes d'une grave crise alimentaire en 2010. Dans de vastes régions du Niger et du Tchad, des centaines de milliers d'hommes ont quitté leurs maisons dans une quête désespérée de nourriture ou de revenus laissant les femmes prendre soin de leurs enfants et des personnes âgées5. Bien que les conditions environnementales particulièrement difficiles aient participé de façon non négligeable à l'extrême pauvreté dans la région, d'autres facteurs tels que le 1 Le Sahel couvre une partie de l'Algérie, du Burkina Faso, du Cap-Vert, du Tchad, de l'Ethiopie, de l'Erythrée, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, de la Somalie et du Soudan. La région du Sahel ne recoupe pas les mêmes réalités selon les écoles. . 2 Anciennes voies commerciales qui reliaient l’Afrique de l'Ouest sub-saharienne à la côte méditerranéenne 3 I. Norman, 2012 4 Le Groupe de travail du Sahel (GTS) est un réseau informel inter-agences consacré principalement au Niger, au Mali et au Burkina Faso. 6 P. Gubbels, (2011). Page | 2 mauvais état des infrastructures, le peu ou le manque d’accès à l'éducation ou aux services de soins de santé ont eu un impact sur le faible développement économique de la région auxquelles s’ajoutent d'autres formes de discrimination, parfois résultant de pratiques culturelles et traditionnelles en particulier envers les femmes. La partie qui suit est consacrée à l'examen des défis et des opportunités de la promotion de l’autonomisation économique des femmes dans la région du Sahel en Afrique de l'Ouest. Un accent particulier est mis sur la sécurité alimentaire comme un secteur essentiel de l'activité économique des femmes. 2. Les femmes et l'autonomisation économique L'autonomisation économique des femmes est reconnue au niveau mondial comme un facteur clé de réduction de la pauvreté et de la croissance économique6. Les femmes en Afrique de l’Ouest en particulier jouent un rôle important dans le secteur informel, contribuant ainsi au développement des économies de leur pays. Or, la plupart du temps, leur impact n'est pas reconnu ou documenté puisque la plus grande partie de leurs activités sont centrées autour du secteur informel7. Selon une étude menée par Africa Partnership Forum, les femmes africaines travaillent principalement dans le secteur agricole; elles représentent 60 à 80% de la main-d'œuvre agricole et sont responsables pour 70 à 80% de la production alimentaire en Afrique. La recherche empirique dans cinq pays africains tend à montrer que la productivité agricole pourrait augmenter de 20% si l'accès des femmes aux ressources telles que la terre, les semences et les engrais était égal à celui des hommes8. a. Structure socio-économique L’Afrique de l'Ouest est une région en évolution sociale et économique rapide. Sa population est passée de 70 à 318 millions de 1950 à 2010, et devrait doubler pour atteindre 650 millions d'ici 2050. La population urbaine est passée de 7 millions en 1950 à 140 millions en 2010. La croissance démographique et urbaine a des implications 6 Genre, croissance et réduction de la pauvreté, Programme spécial d'aide à l'Afrique, Rapport intérimaire sur la pauvreté pour 1998, Blackden, C. Mark et Chitra Bhanu. Document technique n° 428 de la Banque mondiale, Washington, 1999 7 Les femmes et l'emploi en Afrique: Un cadre d'action, Document de référence commandé par le Ministère danois des Affaires étrangères pour la deuxième Conférence de la Commission pour l'Afrique en novembre 2008. Chen, M. 8 Genre et émancipation économique en Afrique. Document de référence pour la 8ème Réunion du Forum pour le Partenariat avec l’Afrique, Berlin, 2007. Page | 3 importantes en termes de sécurité alimentaire, de marchés régionaux et de revenus des ménages9. Dans la région du Sahel alors que les femmes comptent pour plus de la moitié de la population, elles reçoivent une part très faible de l'investissement public et sont désavantagées par une série de facteurs socioculturels, réglementaires et institutionnels. Même dans le secteur agricole, où les femmes ont tendance à prédominer, le crédit et la propriété foncière ont de tout temps été la chasse gardée de l'homme, le chef de famille au détriment de la femme et, de fait, au détriment du développement agricole en Afrique10. En dépit de cela, dans le secteur informel africain, les femmes réussissent mieux que leurs homologues masculins. Les travaux de Blackden et Canagarajah (2003) indique qu’au Burkina Faso, l'agriculture compte pour 36% du PIB. Les femmes contribuent à hauteur de 29% et les hommes 7% ; au Mali, la répartition est de 26% à 14%11. Malgré les preuves, une récente étude du Forum économique mondial (FEM) montre qu'aucun pays au monde n'a encore réussi à réduire l'écart entre la participation économique de l'homme et de la femme. Même les pays qui enregistrent des niveaux élevés dans l'indice de responsabilisation du FEM obtiennent généralement de meilleurs résultats dans les domaines relatifs au niveau d'instruction, à la santé, au bien-être et à l’autonomisation politique des femmes, plutôt que dans ceux relatifs à leur participation et aux opportunités économiques en leur faveur. Alors que ces différents domaines sont essentiels de leur émancipation en général, ils ne constituent que les pièces d'un puzzle où doit figurer l'autonomisation économique des femmes pour que le tableau soit complet. - Genre et autonomisation économique en Afrique, NEPAD, 2007 Par conséquent, il n’est pas étonnant de constater qu'il existe une différenciation sexospecifique dans la pauvreté et la prospérité économique, et que les femmes en général sont plus mal loties que les hommes. Que ce soit sur le plan historique et socioculturel, la place subalterne de la femme sahélienne dans son foyer et dans la société limite sa capacité à sortir de la pauvreté ou à explorer d’autres options pour améliorer sa situation économique. Certaines réglementations empêchent les femmes d'avoir accès au crédit, à la propriété des biens, au régime foncier et à l'assistance 9 OCDE OCDE (2007) 11 Genre et croissance en Afrique: Evidences et problèmes, par C. Mark Blackden et R. Sudharshan Canagarajah, Banque mondiale, CEA, Réunion des Experts sur la croissance favorable aux pauvres, Kampala, Ouganda, 23-24 juin 2003 10 Page | 4 juridique. Cela entrave davantage leurs droits économiques et constitue une institutionnalisation de fait de la marginalisation sexospecifique dans la région. Les préjugés sexistes qui perdurent sont que les femmes sahéliennes ont un faible niveau d'éducation, moins de compétences et des opportunités limitées pour prendre des décisions cruciales par rapport à leurs homologues masculins. Par conséquence, les femmes restent traditionnellement confinées dans des activités de subsistance dans le secteur non formel. En effet, la moitié de la population active potentielle a été marginalisée et défavorisée. Cela réduit considérablement les perspectives de baisse de la pauvreté, d'amélioration des conditions de vie et de développement économique durable. L'autonomisation des femmes dans les pays du Sahel n'est pas seulement une question d'équité. Il s'agit de libérer l’immense potentiel (mais jusque-là ignoré) de cette portion importante de la population que constitue la main-d'œuvre féminine et d’investir dans des communautés qui sont plus fortes et plus stables. Bien qu'elles aient été traditionnellement marginalisées, ces femmes jouent un rôle central dans l’économie du Sahel. Dans ces communautés, ce sont elles généralement qui assurent de facto la subsistance de la famille ; ce sont des opératrices clés de la production alimentaire et du commerce. Cela est particulièrement vrai ces dernières années où les catastrophes naturelles et les conflits violents ont forcé les femmes à jouer un rôle plus important dans les foyers sahéliens. En outre, un nombre croissant d'études empiriques12 suggère que l'autonomisation des femmes profite à toute la société, pour trois raisons. Premièrement, les recherches ont montré que les entreprises appartenant aux femmes sont relativement plus efficaces dans l'utilisation de l'investissement et des prêts, et leurs taux de remboursement sont plus élevés que ceux des hommes. Deuxièmement, les femmes sont plus enclines que les hommes à explorer et adopter des solutions innovantes dans leurs activités (y compris l'adoption de technologies mobiles, l’utilisation des technologies pour réduire le temps d’exécution de certaines tâches et permettant d’augmenter l’efficacité ainsi que dans les pratiques de gestion). Troisièmement, les femmes prennent des décisions d'investissement plus judicieuses et stratégiques. Elles consacrent une plus grande part de leurs revenus au capital humain, à l'inventaire et l'accumulation d'actifs que leurs homologues masculins. Les arguments en faveur de 12 La littérature est décrite dans Le secteur informel en Afrique francophone, Benjamin Nancy et Mbaye Ahmadou Aly, juin 2012, Banque mondiale Page | 5 l'autonomisation des femmes ne manquent pas. Si elles étaient prises au sérieux, elles constitueraient un véritable atout en termes de réduction de la pauvreté, sécurité humaine, stabilité et sécurité alimentaire durables. Pour que les femmes de cette région puissent tendre vers une véritable autonomisation, elles doivent encore faire face un certain nombre de défis. Il conviendrait de changer les attitudes de la société envers les femmes par une campagne d'éducation et de sensibilisation soutenue. Compte de la nature et la structure de ces sociétés traditionnelles, il faudra veiller à ce que ces efforts ne soient pas mal perçus. Un autre défi concerne les institutions législative, réglementaire et judiciaire de ces pays, qui (dans de nombreux cas) relèguent les femmes directement ou indirectement au rang de citoyens de seconde zone, en particulier les institutions en charge des questions financières et de l'entrepreneuriat. Ces dernières doivent faire l’objet de réforme systématique et ciblée en vue d’élargir l’espace consacré aux entreprises appartenant à des femmes, tout en maintenant les mécanismes traditionnels de protection dont elles bénéficient. Beaucoup de femmes peuvent avoir le désir d’être plus compétentes et économiquement plus productives mais elles n'ont pas la formation et les compétences nécessaires. Il faut développer des projets créatifs et culturellement pertinents pour faciliter le transfert de compétences et de technologie aux femmes dans ce domaine. Par exemple, Blackden et Bhanu (1999) présentent dans leur travail de recherche des projets qui permet de réduire le nombre d'heures travaillées par les femmes agricultrices, mais pas le nombre total d'heures travaillées sur une journée parce que leur «temps libre» est consacré aux travaux domestiques. L’attention portée à des projets disparates plutôt qu’à une réforme plus systémique est un autre défi à relever. L'autonomisation des femmes ne sera pas réalisée par une série de petits projets. Il n’est pas toujours facile de faire monter d’un cran les projets et ces derniers échouent lorsque les financements des donateurs prennent fin. Il faut donc développer une approche systémique qui combine réformes juridiques focalisées, meilleure sensibilité au genre dans le secteur des affaires, renforcement durable des capacités pour les femmes d’affaires et meilleure accessibilité aux intrants (tel que le crédit et la technologie). Page | 6 Étude de cas 1: Burkina Faso «L’or des femmes» - le beurre de karité du Burkina Faso Fatou Ouédraogo, une veuve d’une cinquantaine d’années, vit avec ses six enfants. Avant la mort de son mari, elle faisait des cultures vivrières pour sa famille et vendait le surplus ; elle travaillait également dans la ferme de coton de son mari. Après la mort de ce dernier, le champ a été réclamé par sa belle famille. Selon les lois sur l’héritage au Burkina Faso, les femmes ne peuvent posséder ou hériter de terres. Cela l’a poussée à chercher un travail rémunéré auprès de l'une des sociétés productrices de fruits et légumes destinés à l'exportation. Lorsque la direction de l'entreprise a commencé à menacer et harceler les travailleuses en réponse à leurs plaintes contre les conditions de travail abusives, Fatou a réuni un groupe de 20 femmes pour créer une entreprise des femmes rurales indépendantes, l'Association Songtaab-Yalgré, produisant du beurre de karité, un produit traditionnel pour les femmes au Burkina Faso. L'association s'est impliquée dans des activités économiques visant à générer des revenus aux femmes à travers la transformation et la commercialisation du beurre de karité, et des activités socioculturelles et visant à leur développement personnel (alphabétisation, formation, santé). Le gouvernement, de concert avec d'autres donateurs, a fourni un soutien au groupe sous la forme de prêts, de cours d'alphabétisation et de formation technique. L’association fait maintenant partie d’un réseau national de femmes productrices de karité comprenant plus de 100 entreprises de beurre de karité avec un total de 1.174 membres, en majorité des femmes qui vivent dans des villages en dehors de la capitale, Ouagadougou. Les compétences et les connaissances acquises de même l'accès des femmes aux crédits et aux technologies appropriées ont contribué au succès et à l'augmentation de leurs exportations. La formation qu'elles ont reçue dans l'Association SongtaabeYalgré a également eu un effet multiplicateur, puisque ses membres sont désormais en mesure de former d'autres groupes de femmes productrices de beurre de karité. En conséquence, ces groupes se multiplient à travers le Burkina Faso et dans les pays voisins. Maintenant plusieurs organisations travaillent directement avec des entreprises de femmes productrices de beurre de karité en Afrique de l'Ouest pour promouvoir le développement communautaire et renforcer le pouvoir de négociation des femmes sur le marché mondial. - Sirra Horeja Ndow from NAWE (Network African Women Economists) Page | 7 b. Sécurité alimentaire et développement économique Des sécheresses à répétition, des prix alimentaires en augmentation, des violents conflits au niveau national / transnational et des économies exsangues, sont autant de défis pour plus de 10 millions de personnes vivant au Sahel en proie à l'insécurité alimentaire. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), environ 19 millions de personnes étaient directement en danger de malnutrition en 2012 13 . Au Sahel la sécurité alimentaire relève d’une association complexe d’éléments, couvrant non seulement la disponibilité des denrées alimentaires (approvisionnement de denrées alimentaires cultivées et commercialisées localement), leur accessibilité (particulièrement important sur cette vaste zone aride) et leur accessibilité financière (encore plus complexe lorsque certaines sources de nourriture, comme le gros et le petit bétail, constituent les principaux actifs des ménages), mais également la qualité et la valeur nutritive. A cela s’ajoute la dimension sexospécifique mise en évidence dans un rapport de Food Security Cluster de 2012, qui souligne l'importance de l’approche genre14 pour comprendre ce phénomène. Ainsi, toute analyse sur la sécurité alimentaire dans cette région doit-elle examiner les rapports complexes entre la production, la distribution et le commerce alimentaire, ainsi que le développement économique dans cette région fragile. Les femmes sahéliennes jouent un rôle important dans l’approvisionnement alimentaire de leurs familles et sont les principales concernées par cette question. Des femmes économiquement autonomes seront beaucoup mieux armées pour accroître la production alimentaire et/ou augmenter les achats de denrées alimentaires. Leur autonomisation économique renforcerait également leur statut social et contribuerait à réduire les carences actuelles au niveau la chaîne de distribution alimentaire. 13 FAO’s Response to the 2012 Sahel Crisis, Food and Agricultural Organization, FAO, Rome, 2012 Sécurité alimentaire et question du genre – La crise alimentaire au Sahel, Food Security Cluster, 2012, IASC Food Security Cluster 14 Page | 8 Étude de cas 1: Burkina Faso «L’or des femmes» - le beurre de karité du Burkina Faso Fatou Ouédraogo, une veuve d’une cinquantaine d’années, vit avec ses six enfants. Avant la mort de son mari, elle faisait de la culture vivrière pour sa famille et vendait le surplus ; elle travaillait également dans la ferme de coton de son mari. Après la mort de ce dernier, le champ a été réclamé par sa belle-famille. Selon les lois sur l’héritage au Burkina Faso, les femmes ne peuvent posséder ou hériter de terres. Cela l’a poussée à chercher un travail rémunéré auprès de l'une des sociétés productrices de fruits et légumes destinés à l'exportation. Lorsque la direction de l'entreprise a commencé à menacer et harceler les travailleuses en réponse à leurs plaintes contre les conditions de travail abusives, Fatou a réuni un groupe de 20 femmes pour créer une entreprise de femmes rurales indépendantes, l'Association Songtaab-Yalgré, produisant du beurre de karité, un produit traditionnel pour les femmes au Burkina Faso. L'association s'est impliquée dans des activités économiques visant à générer des revenus aux femmes à travers la transformation et la commercialisation du beurre de karité, et des activités socioculturelles ainsi qu’à leur développement personnel (alphabétisation, formation, santé). Le gouvernement, de concert avec d'autres donateurs, a fourni un soutien au groupe sous la forme de prêts, de cours d'alphabétisation et de formation technique. L’association fait maintenant partie d’un réseau national de femmes productrices de karité comprenant plus de 100 entreprises de beurre de karité avec un total de 1.174 membres, en majorité des femmes qui vivent dans des villages en dehors de la capitale, Ouagadougou. Les compétences et les connaissances acquises de même que l'accès des femmes aux crédits et aux technologies appropriés ont contribué au succès et à l'augmentation de leurs exportations. La formation qu'elles ont reçue dans l'Association Songtaabe-Yalgré a également eu un effet multiplicateur, puisque ses membres sont désormais en mesure de former d'autres groupes de femmes productrices de beurre de karité. En conséquence, ces groupes se multiplient à travers le Burkina Faso et dans les pays voisins. Maintenant plusieurs organisations travaillent directement avec des entreprises de femmes productrices de beurre de karité en Afrique de l'Ouest pour promouvoir le développement communautaire et renforcer le pouvoir de négociation des femmes sur le marché mondial. - Sirra Horeja Ndow from NAWE (Network African Women Economists) Page | 9 La disponibilité de denrées alimentaires dépend de la production et des importations. Dans le Sahel, la production alimentaire est affectée par des causes naturelles (par exemple, la sécheresse ou les inondations) des causes humaines (par exemple, les mauvaises pratiques agricoles ou les conflits violents) ou une combinaison des deux. Les données disponibles indiquent une forte baisse (de près de 25% entre 2011 et 2012) de la production alimentaire dans la région15. Cela a réduit la disponibilité des denrées de première nécessité et exercé une pression à la hausse sur les prix. Les mécanismes d'alerte précoce mis en place pour cette région ont signalé cette tendance et ont demandé une aide humanitaire importante pour cette «région affectée par la crise alimentaire». Malheureusement, les événements récents en Afrique du Nord, au Mali et en République Centrafricaine ont rendu difficile l’accès de l'aide alimentaire humanitaire aux communautés les plus touchées. L'instabilité et l'insécurité ont entrainé la perturbation de voies d'approvisionnement et la fermeture des frontières. Les entraves au commerce transfrontalier, la contrainte de livraisons et la limitation du pâturage disponible pour bétail au sein des groupes pastoraux contribuent à la baisse des denrées alimentaires disponibles. Les pénuries qui en résultent et les hausses des prix aggravent la crise alimentaire et dépouillent systématiquement les ménages/communautés de leurs actifs financiers. Les familles sont obligées de vendre leurs des bijoux et leur bétail, et convertir également leurs réserves en devises fortes pour acheter de la nourriture. Tout cela a un impact négatif sur les niveaux de vie et les perspectives économiques. Même lorsque les problèmes de disponibilité alimentaire sont réglés par le commerce ou l'aide humanitaire, les ménages vulnérables (notamment les foyers qui ont à leur tête des femmes comme chefs de famille) rencontrent des difficultés pour accéder aux denrées alimentaires. Dans certains cas, l'accès à ces denrées devient très politique et contrôlé par les chefs de groupe qui établissent les règles. Dans ce contexte, les femmes dans une position subalterne sont désavantagées. Dans d'autres cas, les centres de distribution/d’échanges commerciaux peuvent se situer à une distance considérable des villages. Les femmes (qui ont la responsabilité supplémentaire des travaux domestiques) ont du mal à s’y rendre autant que nécessaire. En outre, la plupart 15 Crise alimentaire au Sahel: une course contre la montre, Action contre la faim, 2012 Page | 10 des femmes sont pauvres et ne peuvent pas se payer les frais de transport et/ou simplement d’acheter les denrées. Tous ces problèmes contribuent également à l'insécurité alimentaire et à une tension alimentaire. Étude de cas 2: Niger La restauration des terres dégradées aide les femmes au Sahel À l’instar de nombreuses femmes au Niger, Salmou Boureima ne peut pas être propriétaire de ses terres. Elle a pourtant la responsabilité de nourrir sa famille et d’aider son mari sur sa ferme de mil sans compter qu’elle doit moudre le grain tous les jours, ramasser le bois et puiser de l’eau. Avec les fréquentes sécheresses et la faible pluviométrie annuelle, les familles n’ont pas suffisamment à manger. En 2007, elle est devenue membre d’une association de femmes pour apprendre comment augmenter la productivité des terres dégradées du village grâce à un système mis au point par l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT), qui utilise des technologies endogènes de récolte de l'eau pour améliorer la nutrition ainsi que le statut et le revenu des femmes qui cultivent les terres dégradées. Les femmes cultivent le gombo, l'hibiscus et le sésame, le Moringa et la pomme du Sahel. Chacune des 30 membres reçoit environ 800 dollars par an, soit trois fois le revenu moyen au Niger. «Cela signifie que je peux habiller et éduquer mes enfants. J'ai mon propre téléphone portable et j’ai aussi acheté quelques moutons. Je peux affirmer que le statut de toutes les femmes de notre association a changé. Nous sommes moins dépendantes de nos maris et ils nous respectent davantage car nous contribuons aux dépenses familiales». L'intensification En plus de la culture des légumes et des fruits à haute valeur ajoutée, l'ICRISAT a commencé à introduire des plantations de bois de chauffage pour l’énergie renouvelable. Au Niger, 45 villages et plus de 350 femmes utilisent déjà cette technologie. En 2011, un projet de l'USAID géré par l'ONG CLUSA a commencé à étendre le système à 50 autres sites au Niger et prochainement au Sénégal. - The New Agriculturist (WRENmedia), (2011) Il est évident qu’au Sahel, la sécurité alimentaire et le développement économique se renforcent mutuellement et doivent être traités de façon concomitante si l’on veut voir un progrès significatif ou durable. La sécurité alimentaire est une composante essentielle du développement économique du Sahel parce que les denrées alimentaires représentent une part importante du budget des ménages ; l'insécurité alimentaire Page | 11 contraint les populations à migrer et est source de conflit. Elle exacerbe les tensions au niveau du foncier notamment les droits liés à l’accès aux pâturages. Les groupes vulnérables (les femmes et les ménages ayant des femmes chefs de famille) sont particulièrement en danger. c. Les femmes et le commerce transfrontalier La libre circulation des personnes et des biens relève du mandat de la fois de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de l’Union économique et monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA). Les deux organisations régionales ont élaboré un plan d'action commun sur la libéralisation des échanges et la convergence des politiques macroéconomiques. Plusieurs projets ont été entrepris pour faciliter la circulation des biens, des services et des personnes, y compris l'abolition de l'obligation de visa pour les voyages entre tous les pays de la sous-région. Ils sont également convenus des règles d'origine communes pour améliorer le commerce. Par exemple, le Schéma de Libéralisation des Echanges de la CEDEAO (SLEC) exonère des droits de douane le commerce transfrontalier des denrées alimentaires16, un secteur clé où les commerçantes sont actives. La CEDEAO reconnaît également comme une force économique en Afrique de l'Ouest les commerçantes qui exercent leurs activités au niveau transfrontalier. Elles jouent un rôle déterminant sur des questions clés comme la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la création d'emplois et la diversification des marchés/produits, la circulation des denrées alimentaires de base et autres produits dont dépendent les populations de la région17. En dépit de ces dispositions, le commerce intra-régional au sein de l'espace CEDEAO reste limité. La région est constamment confrontée aux obstacles persistants vis-à-vis du commerce par manque d'information et de sensibilisation sur la question du commerce régional et des protocoles d'immigration ; des agents des douanes et d'immigration qui ne respectent pas les dispositions ; les contraintes de transport ; le manque d'accès aux financements et aux réseaux commerciaux ; les viols et autres 16 Interventions régionales pour améliorer le commerce transfrontalier et la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, Plunkett, D. & Stryker, J. USAID, 2002 17 LIFI (2012) Page | 12 formes de violence sexuelle dont sont victimes les commerçantes, ainsi que le racket en tout genre18. Une récente étude 19 du Centre de la CEDEAO pour le Développement du Genre (CCDG) révèle que plus de 50% voire 75% des commerçants transfrontaliers sont des femmes, soulignant que : « En dépit de leur rôle central dans les échanges intracommunautaires, les femmes éprouvent des difficultés à consolider et à renforcer leurs activités commerciales transfrontalières en raison des nombreux obstacles et des difficultés qu'elles rencontrent ». Cependant, il apparaît que cet aspect du commerce informel transfrontalier est moins développé que dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest. Sur un plan global, les commerçantes transfrontalières sont des agents économiques actives qui contribuent positivement au commerce et à l'intégration au niveau régional, tout en générant des revenus essentiels pour leur famille. Malgré les difficultés décrites ci-dessus, elles continuent d’être une force qui ne peut être ignorée et doit être soutenue par des actions efficaces, qui leur permettent de franchir les obstacles, notamment en termes de droits de douane illégaux et de harcèlement. d. Les femmes et la sécurité alimentaire Avec l'adoption de la Politique Agricole de la CEDEAO (ECOWAP) et la Politique Agricole de l’Union (PAU) de l’UEMOA, ces deux institutions ont élaboré des politiques visant à assurer la sécurité alimentaire et améliorer les moyens de subsistance des populations de la région. Les cadres généraux de ces politiques agricoles font de la sécurité alimentaire un objectif fondamental permettant d'assurer le développement du potentiel agricole de la région et la réduction de la dépendance vis-à-vis des importations. Les initiatives liées à ces politiques identifient et apprécient à sa juste valeur le rôle clé des femmes dans l'agriculture, notamment la production, la transformation et la commercialisation des produits. Malgré cela, le rôle des femmes n’est pas toujours bien 18 Women and Cross Border Trade Project in Nigeria, (Femmes et projet de commerce transfrontalier au Nigeria) LIFI, 2012 19 Libéralisation commerciale et commerce transfrontalier: les expériences des commerçantes et des femmes entrepreneurs, CEDEAO, Part 1, 2007 ; Part 2, 2009 Page | 13 pris en compte dans l'élaboration des politiques qui les concernent, et dans les stratégies de modernisation de l'agriculture. Les femmes sont encore faiblement représentées dans les diverses organisations de même que lors des consultations et négociations. Étude de cas 3: Mali 1 Les coopératives : autonomiser les femmes paysannes et améliorer la sécurité alimentaire L'expérience des membres de la petite coopérative des femmes productrices d’échalotes de Benkadi dans la région de Ségou au Mali est intéressante : les membres éprouvaient des difficultés à vendre à bon prix leurs produits et, par conséquent n'étaient pas en mesure d'investir et de développer leur production. En s’associant avec 21 autres petites organisations de productrices d’échalotes, elles ont réussi à intégrer une plus grande coopérative des agriculteurs, Faso Jigi. La coopérative a investi dans 19 installations de stockage d'échalote et commercialisé les produits là où les prix étaient plus avantageux, offrant aux femmes un meilleur revenu et la possibilité d'investir dans leur entreprise et d’accroître leur production. Actuellement, 920 des 4 200 membres de Faso Jigi sont des femmes productrices d'échalotes dont les besoins et les préoccupations sont prises en compte dans les opérations de la coopérative. - Insight, FAO, 2012 3. Acteurs et initiatives au niveau régional Un certain nombre d'initiatives ont été prises aux niveaux régional, sous-régional et national en vue de l'élaboration, l'adoption et la mise en œuvre de politiques et de programmes visant à rendre les femmes plus autonomes économiquement. Plusieurs initiatives ont également été entreprises au niveau communautaire notamment à travers le partenariat avec les acteurs extérieurs pour réduire l'insécurité alimentaire. La région du Sahel en Afrique de l'Ouest se situe dans l'espace de deux organisations régionales avec des mandats se chevauchant sans compter la multitude d'institutions de développement spécialisées, de nombreux réseaux, politiques et programmes régionaux. Page | 14 La CEDEAO est l'organisation intergouvernementale régionale qui couvre quinze Etats de l'Afrique de l'Ouest20. Elle a été officiellement créée en mai 1975 par le Traité de la CEDEAO, avec l'objectif de promouvoir l'intégration économique régionale en Afrique de l'Ouest. L'article 63 du Traité révisé de la CEDEAO (1993) appelle « les États membres à formuler, harmoniser, coordonner et mettre en œuvre les politiques et mécanismes appropriés pour améliorer les conditions économiques, sociales et culturelles des femmes.» Depuis lors, la Commission de la CEDEAO a mis en place un cadre institutionnel pour la promotion de l'égalité des genres. Les Etats membres de la CEDEAO sont signataires de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) de 1979 qui oblige les signataires à assurer que les lois relatives à l'économie et au régime commercial n’aient pas d'impact négatif sur les femmes. D’autres cadres institutionnels et de politique sur le genre comprennent : 1975 Traité Révisé de la CEDEAO portant sur « Femmes et Développement » (1975) 1987 Création de l'Association des femmes d’Afrique de l’Ouest (AFAO) 2003 Création du Centre de la CEDEAO pour le Développement du genre21 2004 Adoption de la politique du Genre de la CEDEAO par le Conseil des Ministres 2005 Adoption du système de gestion des questions sexospécifiques 2007 Création du Commissariat chargé du Développement Humain et du Genre 2008 Composante « Femme, paix et sécurité » du Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (CPCC) L’autre institution régionale, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est une organisation regroupant huit des quinze Etats d’Afrique de l’Ouest, essentiellement francophones, à l'exception de la Guinée-Bissau. L'Union a été créée par le Traité de Dakar du 10 janvier 1994. Ces dernières années, la Commission de l'UEMOA a accordé une attention particulière aux questions de genre à travers la recommandation n° 03/99/CM/UEMOA du 21 20 Les membres actuels sont : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo. 21 L’EGDC a appuyé la création et la coordination de trois réseaux régionaux; élaboré des outils de formation pour le transfert de connaissance et le renforcement des capacités sur les questions de genre et de développement. Il œuvre à réaliser l’égalité des genres par des programmes de santé d’éducation, d’autonomisation économique et d’appui technique qui ciblent des femmes notamment une étude sur « le projet de libéralisation commercial et le commerce transfrontalier de la CEDEAO: les expériences des commerçantes et des femmes entrepreneurs ». Page | 15 décembre 1999 relative à la mise en œuvre d'actions communes pour promouvoir et renforcer le rôle des femmes dans l'UEMOA, définit le cadre. La Commission a mené des activités avec les États membres afin d'assurer l'intégration des questions du genre dans tous les secteurs de l'économie. Autres initiatives pertinentes /réseaux de femmes dans la sous-région Seuls certains acteurs et initiatives pertinents sont mentionnés ci-dessous. Cette liste n'est pas exhaustive et ne saisit que quelques initiatives qui ont une perspective régionale. CILSS (Comité permanent inter-Etats de lutte contre la Sécheresse dans le Sahel)22 Créée en 1975, l'organisation a été mise en place pour lutter contre les effets de la sécheresse et de la désertification dans la zone du Sahel. Son mandat est d'investir dans la recherche visant à la sécurité alimentaire et la lutte contre les effets de la sécheresse et de la désertification en vue d’un nouvel équilibre écologique au Sahel23. Ces dernières années, le CILSS a pris des mesures spécifiques pour le renforcement du genre. Il s'agit notamment du recrutement d'un expert en questions sexospécifiques en 1994; le lancement du Réseau de femmes sahéliennes (REFESA) grâce à l'initiative Sahel 21 en 1997 ; l'élaboration, l'adoption et la mise en œuvre du Programme d'action de Ouagadougou (PAO) sur la population et le développement durable au Sahel; l’élaboration d'une Stratégie Genre en 2002; l'organisation de programmes de renforcement des capacités des représentants du CILSS. ROPPA24 – WILDAF25 Le projet «Femmes et paysans ouest-africains contre la pauvreté» initié par WILDAF et ROPPA, lancé le 17 juillet 2012 à Ouagadougou pour une période de cinq ans a pour 22 Les membres du ClLSS: Burkina Faso, Cape Vert, Tchad, Gambie, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal. http://www.cilss.bf Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest créé en juillet 2000. C’est le principal groupe d’agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest. Avec un réseau d’organisations issues de 10 pays ouest-africains, son objectif est de promouvoir et de défendre les valeurs d’une agriculture efficace et durable en faveur des fermes familiales et des producteurs agricoles (www.roppa.org). 25 Femmes, Droit et Développement en Afrique (WILDAF) est un réseau régional regroupant des ONG et parties prenantes pour promouvoir et protéger les droits des femmes. Créé en 1990 à Harare au Zimbabwe, ce réseau regroupe actuellement 31 pays, plus de 500 organisations et de 1200 membres individuels. Le bureau sous-régional est situé à Lomé au Togo et couvre 8 réseaux comprenant: Ghana, Benin, Burkina Faso, Guinée-Conakry, Mali, Nigeria, Sénégal et Togo. 23 24 Page | 16 objectif de réduire les difficultés rencontrées par les agricultrices de l’Afrique de l'Ouest tant sur un plan socioculturel que par rapport à sa capacité d’accès au foncier, au crédit et à la technologie par le biais du renforcement des capacités et du plaidoyer pour l'égalité des genres. Association des femmes de l’Afrique de l’Ouest (WAWA / AFAO) A l’origine, l’AFAO a été créée en 1987 comme une institution spécialisée de la CEDEAO, suite à la reconnaissance du rôle important joué par les femmes dans l'intégration et le développement au niveau régional par les Chefs d'État (mai 1983). En 2003, une décision a été prise par la CEDEAO de créer le Centre de la CEDEAO pour le développement du genre. Par conséquent, l’AFAO est devenue une organisation de la société civile ayant ainsi la possibilité de devenir plus visible en tant qu'organe indépendant. Depuis 2005, l’AFAO est devenue une organisation de la société civile régionale reconnue qui met l'accent sur le développement rural en Afrique de l'Ouest. Elle œuvre pour le renforcement économique des femmes dans la sous-région en aidant les groupes de femmes existants à tirer parti de leur formation en techniques de transformation agricole et en gestion des entreprises, entre autres, pour s’aventurer dans des activités viables, génératrices de revenus. Elle compte actuellement 13 antennes nationales. Son siège social se situe à Dakar. RESPOPE - UEMOA Le réseau a été mis en place en 2006, avec son siège à Ouagadougou (Burkina Faso) et des antennes nationales dans presque tous les États membres. Il met l'accent sur la promotion des entreprises appartenant aux femmes ainsi que ce qu’elles produisent dans le but de renforcer la compétitivité. Le réseau vise également à rechercher des fonds pour permettre aux femmes de développer leurs produits et leurs entreprises, promouvoir la création de réseaux pour la concertation et le dialogue entre les femmes d'affaires de la zone UEMOA. En mars 2012, il a organisé sa première foire commerciale pour les femmes d'affaires des pays membres de l'UEMOA à Bamako, au Mali. Le Réseau des Femmes Sahéliennes (REFESA) Le REFESA a été créé en 1997 dans le cadre de l’initiative Sahel 21 du CILSS dans le but de renforcer les réseaux nationaux de femmes dans chacun des pays membres du Page | 17 CILSS. En dépit de son potentiel évident, le REFESA fait face à des défis tels que le manque de ressources financières et un faible réseau de communication entre les membres aux niveaux national et régional. Étude de cas 4: Sénégal Les associations de femmes rurales et l'agriculture durable en Casamance Un certain nombre d’associations d'agricultrices de certaines parties de Casamance reçoivent une formation en pratiques agro-écologiques par l’Association Sénégalaise de Producteurs de Semences Paysannes (ASPSP) qui regroupe 15 organisations paysannes régionales comprenant 63.000 membres, dont la majorité sont des femmes. Les principales activités d’ASPSP sont de recueillir et de repérer les variétés de semences locales, créer des jardins de production de semences, former des femmes dans la création de banques de semences traditionnelles et, surtout, organiser chaque année une foire des semences au cours de laquelle les agriculteurs sénégalais échangent et empruntent des semences. Cette foire semencière agricole régionale a lieu tous les deux ans ; les participants venant du Sénégal, du Mali, du Bénin, du Togo, du Niger, de Gambie, de Guinée Bissau et de France. L’expérience et les connexions qu’ASPSP apporte aux groupes de femmes de Casamance leur permettent de renforcer leurs connaissances agricoles empiriques et leur autonomie en matière de production alimentaire et d’échanger des techniques avec d'autres groupes pour améliorer leurs rendements. - New Field Foundation, 2010 Page | 18 3. Conclusions et recommandations Les pays de la région du Sahel ont fait des progrès dans l'allocation des ressources en faveur de l'égalité des genres, l'autonomisation économique des femmes et la sécurité alimentaire, notamment ces dix dernières années. Les pays membres, à travers diverses déclarations, cadres politiques et structures, ont développé l'allocation de ressources en faveur de l'égalité des genres, l'autonomisation économique des femmes et la sécurité alimentaire. Cependant, malgré ces efforts, le niveau de mise en œuvre de ces politiques reste faible, particulièrement au niveau national et la région du Sahel demeure l'une des plus pauvres du continent. Il n’y aura de véritable développement du Sahel seulement si les femmes reçoivent l’appui nécessaire à tous les niveaux et sont impliquées dans les processus décisionnels. Des initiatives doivent être prises pour apporter de vraies réponses aux questions cruciales relatives aux femmes et à la pauvreté, notamment des femmes des zones rurales. Bien qu'il ne soit pas possible de couvrir l’ensemble des initiatives dans le cadre de ce document, les quelques initiatives régionales présentées, les acteurs et les études de cas mentionnés donnent néanmoins un aperçu du type d'actions ayant lieu dans la région et qui ont un impact. Il y a beaucoup de leçons à tirer de ces différentes expériences réussies. Aussi conviendrait-il de les adapter, reproduire et soutenir. Page | 19 Recommandations sur l'autonomisation économique des femmes dans le Sahel Les recommandations suivantes ne sont que des suggestions et ne sont pas exhaustives: 1. Egalité des genres et intégration des questions sexospécifiques a. Intégrer l'égalité des genres dans les politiques économiques et les processus de prise de décision, notamment par des mesures telles que la préparation de budget prenant en compte les questions de genre afin de démontrer l'impact sur les droits et les compétences des femmes. Il est nécessaire que la traduction des politiques régionales dans les structures nationales soit soutenue par des plans d'action nationaux en matière d'égalité des genres dans le domaine économique. Il faut les élaborer avec des indicateurs clairs, des mécanismes de suivi et d'évaluation, des budgets spécifiques et adéquats, et/ou une revue par les pairs en guise de suivi. b. Documenter, notamment à l’aide de statistiques, la contribution des femmes au développement économique dans tous les secteurs, en particulier leur participation au secteur informel. Mettre en place des mécanismes pour mesurer l'impact des politiques économiques sur les différents niveaux des activités commerciales des femmes mais plus spécifiquement au niveau communautaire. Cette recherche doit également mesurer l’impact des revenus des femmes sur le bien-être familial et la stabilité au sein de la communauté. c. Faire la liste des organisations institutionnelles et commerciales et des réseaux qui existent pour appuyer le commerce et le développement économique ; évaluer leur accessibilité par les femmes qui sont économiquement actives ; offrir une formation et un soutien à ces organisations pour les encourager à inclure des femmes parmi leurs membres et bénéficiaires tout en contribuant à l’autonomisation des femmes entrepreneurs afin qu’elles puissent y participer effectivement. d. Mettre en évidence systématiquement les inégalités sexospécifiques sousjacentes. Cela n’est possible qu'à travers une sensibilisation continue sur les aspects sexospécifiques en matière de développement économique aussi bien aux niveaux des populations rurales qu’au niveau politique, avec la participation Page | 20 des femmes elles-mêmes, des chefs traditionnels et d'autres acteurs économiques et politiques clés. 2. Autonomisation économique des femmes a. Mettre en place des fonds pour financer les activités économiques des femmes afin de les pourvoir de ressources financières et autres ressources qui contribuent à leur autonomisation économique. Les fonds pourraient être utilisés au financement de programmes de micros, petites et moyennes entreprises afin d’aider les femmes à investir dans le développement de nouveaux produits, accéder à de nouveaux marchés et crédits voire à participer à la création d’emplois en particulier au niveau communautaire. Les fonds pourraient également servir à appuyer la création de coopératives qui, comme cela a été démontré, ont rencontré un certain succès dans nombre de communautés. Cela permet à des communautés entières de disposer d’un cadre rassurant, et dans une certaine mesure permettant d’évoluer et qui appuie le développement communautaire. b. Renforcer le droit des femmes à la propriété foncière et leur contrôle sur les actifs immobiliers, notamment la terre et de tous autres actifs qui réduisent la vulnérabilité aux chocs économiques, environnementaux et autres. c. Renforcer l'accès des femmes au crédit entrepreneurial par une révision des conditions de nantissement et de systèmes de gestion des prêts, notamment grâce à l'expansion de la microfinance. d. Développer les organismes nationaux de soutien aux entreprises et améliorer leur action en faveur des femmes en veillant à ce que les agents de vulgarisation agricole collaborent avec les agricultrices, mais aussi que les services d’appui aux entreprises tels que les services de formation, les systèmes de crédit et les services d'octroi de permis d’exploitation incluent les femmes productrices. e. Mettre en place des filets de sécurité pour la protection et la promotion des moyens de subsistance par le biais des initiatives génératrices de revenus et des programmes de services sociaux qui sont facilement et spécifiquement accessibles aux femmes et aux jeunes filles, leur permettant de passer des activités de subsistance non durables à celles de création d'une richesse durable. Page | 21 f. Investir dans le renforcement des capacités par le biais de l'éducation ; les interventions doivent cibler à la fois les femmes et les jeunes filles en leur assurant une éducation formelle et informelle pour acquérir des compétences en matière de gestion de leur vie personnelle, de connaissances financières, d’éducation sanitaire, etc. g. Mettre en œuvre une approche adaptée pour les leçons apprises: reproduire les initiatives qui ont réussi dans d'autres communautés ou pays ; intégrer et mettre en évidence l'analyse des questions sexospécifiques. Bibliographie - Africa Human Development Report - Towards a Food Secure Future, UNDP (2012) - Bridges Across the Sahara: Social, Economic and Cultural Impact of the TransSahara Trade during the 19th and 20th Centuries, Ali Abdullatif Ahmida (2011) - Food Security for Africa: An Urgent Global Challenge, Albert Sasson (2012) - Gender and Economic Empowerment in Africa, Background document for the 8th Meeting of the Africa Partnership Forum; Berlin, Germany Africa Partnership Forum (2007) - Gender, Growth, and Poverty Reduction, Special Program of Assistance for Africa 1998 Status Report on Poverty, World Bank Technical Paper No. 428, Washington D.C., Blackden, C. Mark and Chitra Bhanu, (1999) - Genre et Commerce Transfrontalier dans la CEDEAO, GESTES / UGB Saint-Louis (2012) - L’analyse de la situation du genre au CILSS, Zenab Toure (2008) - Promoting Women’s Economic Empowerment in Africa, Africa Partnership Forum (2007) - Study on the ECOWAS Trade Liberalisation Scheme and Cross-Border Trade: Experiences of Women Traders and Entrepreneurs (2012) - The Sahel – A Brief History of it’s Empires and Peoples, Ian Norman (2012) - The Social Dimension of Regional Integration in ECOWAS, Rene Robert (2004) - Towards local-level food security in West Africa: “Zero Hunger in West Africa”, Le Hub Rural (2012) - Women and Cross Border Trade Project in Nigeria- Life Impact Foundation International – LIFI (2012) Page | 22 - Women and Employment in Africa: A Framework for Action, Background Document commissioned by the Danish Foreign Ministry for the Second Conference of the Africa Commission in November, Chen (2008) - Women’s Business Links: A Preliminary Assessment of Women Cross Border Traders in West Africa, USAID/WARP - WIDTECH (2000) - Women’s Economic Empowerment and Inclusive Growth: Labour Markets and Enterprise Development, Naila Kabeer (2012) Page | 23