Éclairage - Ordre des Experts

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Éclairage - Ordre des Experts
Éclairage
Les 3 consultations annuelles
du CE issues de la loi Rebsamen
La loi sur le dialogue social et l’emploi du 17 août 2015 dite loi « Rebsamen », amène
des modifications substantielles au cadre dans lequel s’exercent les relations sociales
au sein des entreprises. Ces modifications concernent tant le comité d’entreprise que
la négociation au sein de l’entreprise entre la direction et les organisations syndicales.
Parmi elles, l’une des plus importantes prévoit le regroupement des informations et
des consultations récurrentes du comité
d’entreprise en trois « temps forts » d’information et de consultation sur :
• la situation économique et financière de
l’entreprise ;
• les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences ;
• la politique sociale, les conditions de
travail et l’emploi.
Le contenu des trois
informations-consultations
annuelles obligatoires
Le premier temps est centré
sur la situation économique et
financière de l’entreprise.
Il porte à la fois sur les éléments passés
(comptes annuels) et futurs (comptes prévisionnels), sur les éléments financiers (résultats, situation de bilan, financement de
l’entreprise, évolution des moyens mis en
service…), sur les éléments industriels (production, productivité, investissements…)
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et sur les éléments commerciaux (ventes,
parts de marché, nouveaux produits…).
Philippe Gervais,
Expert-comptable,
membre de la
commission
« Secteur non
marchand/comités
d’entreprises » à
l’Ordre des Experts
- Comptables Paris
- Ile de Fance
Cette consultation annuelle sur la situation
économique et financière porte également
sur la politique de recherche et de développement technologique, y compris l’utilisation du crédit d’impôt recherche et sur
l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
La seconde consultation
concerne la politique sociale de
l’entreprise, les conditions de
travail et l’emploi.
Les questions couvertes sont nombreuses :
l’évolution de l’emploi, les qualifications, le
programme pluriannuel de formation, les
actions de prévention et de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les
conditions d’accueil en stage, les conditions
de travail, les congés et l’aménagement du
temps de travail, la durée du travail, l’égalité professionnelle entre les femmes et les
hommes…
Catherine
Ferrière,
Expert-comptable,
membre de la
commission
« Secteur non
marchand/comités
d’entreprises » à
l’Ordre des Experts
- Comptables Paris
- Ile de France
La troisième consultation porte
sur les orientations stratégiques
de l’entreprise et sur leurs
conséquences sur l’activité,
l’emploi, l’évolution des métiers
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et des compétences, l’organisation du travail,
le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à
des contrats temporaires et à des stages.
Cette information-consultation a été instaurée par la
loi de sécurisation de l’emploi en 2013. La loi Rebsamen
l’élargit aux questions relatives à la GPEC et aux orientations de la formation professionnelle. Elle prévoit également la possibilité d’une consultation au niveau du groupe
mais en uniquement en présence d’un accord collectif de
groupe conclu à cet effet.
Le contenu du dialogue social n’est pas transformé radicalement :
Il n’y a pas d’agenda social exemplaire, ni d’agenda social
type : chaque entreprise doit définir son propre agenda
social en tenant compte de ses habitudes historiques
(quand avaient lieu précédemment les consultations ?),
du calendrier de disponibilité des informations, du calendrier de réunion des organes de gouvernance de l’entreprise, etc..
- l’information-consultation sur la situation économique et financière est un prolongement de ce qui était
jusque-là une information sur les comptes annuels et sur
les documents prévisionnels, en fédérant d’autres sujets
économiques. Les comptes annuels et les prévisions économiques resteront dans les faits pour la majorité des entreprises « l’épine dorsale » de cette information-consultation ;
La négociation d’un accord d’entreprise pourra aussi porter sur les règles de transmission des informations au CE,
sur les délais pour donner un avis, sur le nombre de réunions et, plus généralement, sur toutes dispositions relatives à la procédure d’information-consultation du CE,
afin d’adapter ce nouveau cadre à la réalité de chaque
entreprise et aux besoins et sujets prioritaires pour les représentants du personnel.
- le temps sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi regroupe de nombreux sujets sociaux déjà
traités jusqu’ici par les CE et constitue sans doute la principale innovation ;
L’existence de ces trois informations-consultations, et le
fait qu’elles soient positionnées chacune à un moment
particulier de l’année, n’exclut bien sûr pas que des informations en relation avec ces thèmes soient communiquées au CE à d’autres périodes de l’année, chaque mois
ou chaque trimestre. La loi prévoit d’ailleurs explicitement la communication d’informations via la base de
données économiques et sociales et la communication
d’informations trimestrielles pour les entreprises d’au
moins 300 salariés. C’est également le cas pour les documents prévisionnels actualisés (seconde itération annuelle). L’objectif de la loi est de « prendre du recul » à
des moments particuliers de l’année sur des sujets importants. Il conviendra de veiller à ce que cela ne se fasse
pas au détriment de l’information régulière du comité
d’entreprise tout au long de l’année. Une information
loyale et actualisée est un outil essentiel pour que le comité d’entreprise exerce ses prérogatives (tout comme
les dirigeants de l’entreprise utilisent leurs tableaux de
bords mensuels)
- la consultation sur la stratégie, que commencent à s’approprier les directions d’entreprises et les représentants
du personnel après sa création en 2013, se trouve confortée. Les réactions que nous observons ces derniers mois
montrent que les choix faits par la loi « Rebsamen », notamment le fait de lui adjoindre la GPEC, vont favoriser
la montée en puissance de ce nouveau droit des comités
d’entreprise comme espace de dialogue et d’action tourné
vers l’avenir.
Notons que lorsqu’une entreprise comprend des comités d’établissement et un comité central d’entreprise, le nouveau cadre légal bénéficie aussi aux comités d’établissement, dans la limite des prérogatives
du chef d’établissement.
Le cadre fixé par la loi laisse une large
place à la négociation des modalités de
mise en œuvre de ces consultations dans
l’entreprise
La loi Rebsamen prévoit que les modalités de ces informations consultations puissent être adaptées par un accord
collectif au sein de l’entreprise. À défaut, les modalités
sont a minima celle prévues par la loi.
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Il est fortement recommandé que la mise en œuvre
du nouveau cadre légal commence par une discussion
entre les partenaires sociaux sur l’agenda social et sur
ce que seront les sujets prioritaires.
L’expression d’un avis par le comité d’entreprise dans le
cadre de ces trois informations-consultations, sur un
champ élargi, est un élément important apporté par la
modification du cadre légal.
Le fait que le CE ait à exprimer formellement un avis nécessite que l’information qui lui est transmise lui permette
non seulement d’être informé, mais aussi d’être en capacité de formuler une opinion et des recommandations sur
tout ce qui est lié à la politique économique, financière et
sociale de l’entreprise, sur les conséquences des choix de
gestion de la direction, ainsi que sur les orientations stratégiques et leurs implications pour les salariés.
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Il est également pertinent de coordonner l’agenda
des 3 informations-consultations du comité d’entreprise avec le calendrier des négociations obligatoires entre la direction de l’entreprise et les
organisations syndicales.
La négociation d’entreprise a, en effet, également été
réformée par la loi Rebsamen et est désormais organisée autour de trois négociations :
• une négociation sur les rémunérations, le temps
de travail et la répartition de la valeur ajoutée (négociation annuelle) ;
• une négociation sur l’égalité professionnelle et la
qualité de vie au travail (négociation annuelle) ;
• une négociation sur la gestion des emplois et des
parcours professionnels (tous les 3 ans dans les entreprises d’au moins 300 salariés).
Par exemple, dans certaines entreprises, les représentants du personnel pourront juger pertinent que
la négociation sur les rémunérations ait lieu après la
consultation sur la politique sociale, qui aura permis
de faire un point précis sur les résultats de la politique
de rémunérations des années précédentes.
Dans d’autres entreprises, il pourra être opportun
d’ouvrir la négociation sur les rémunérations après
la présentation des dernières prévisions de résultats
pour l’année en cours.
Deux de ces trois avis doivent être communiqués aux
organes d’administrations de l’entreprise (CA, conseil de
surveillance….) :
- l’avis relatif à la situation économique et financière ;
- l’avis relatif à la stratégie et ses conséquences. Le conseil
d’administration ou de surveillance est tenu de répondre
à cet avis, et le comité d’entreprise peut se prononcer en
fin de processus sur le retour que lui fait le conseil d’administration ;
- l’avis relatif à la politique sociale est transmis à l’inspection du travail.
Les délais impartis pour donner ces avis sont définis par
accord collectif. À défaut d’accord, les délais règlementaires de consultation du comité d’entreprise sont fixés à :
- un mois si il n’y a pas de désignation d’expert-comptable ;
- deux mois, si le comité d’entreprise fait appel à un expert-comptable.
Ces délais courent à compter de la mise à disposition du
comité d’entreprise des informations correspondantes.
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Le cadre du recours à un
expert-comptable par le CE est modifié
Le Code du travail prévoit que le comité d’entreprise peut
faire appel à un expert-comptable pour chacune des trois
consultations annuelles :
- la mission d’examen annuel des comptes se transforme
et la nouvelle loi prévoit que le comité d’entreprise puisse
recourir à un expert-comptable en vue de chacune des
deux informations -consultations sur la situation économique et financière et sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et de l’emploi ;
- la mission de l’expert-comptable sur les orientations
stratégiques perdure selon le cadre fixé par la LSE de 2013,
le champ de cette consultation étant élargi à la GPEC et
aux orientations de la formation professionnelle.
La (ou les) mission(s) confiées à un expert-comptable
devront s’articuler dans le temps avec le calendrier social
choisi par les partenaires sociaux.
Il n’y a pas d’obligation à ce que le comité d’entreprise
fasse appel au même expert pour chacune des trois missions. Le choix d’un même expert par le comité d’entreprise peut lui permettre, le cas échéant, de faire plus facilement le lien entre l’évolution des données économiques
et financières et l’évolution des indicateurs sociaux. Il
peut également être utile de mettre en relation les performances issues des stratégies passées ou actuelles et
leurs conséquences pour les salariés, avec les projets stratégiques et leurs conséquences prévisibles pour la période
à venir.
Il n’existe pas non plus de délimitation « étanche » en
termes d’accès à l’information par l’expert-comptable
entre les trois missions : ce dernier pourra, par exemple,
solliciter des informations portant sur la période passée
pour mieux apprécier les forces et faiblesses des projets
stratégiques de l’entreprise. De même, l’expert-comptable pourra solliciter des informations sociales dans le
cadre de son diagnostic sur la situation économique et
financière de l’entreprise (impact de l’évolution de l’activité sur le niveau et la structure des effectifs, analyse de la
politique de rémunération pour apprécier l’évolution de la
masse salariale…).
S’agissant d’informations-consultations annuelles obligatoires, il est recommandé que l’expert-comptable soit
mandaté par un vote du comité d’entreprise en amont des
procédures d’information–consultation. En effet, le délai
de consultation court, non pas à partir d’une première
réunion du CE, mais à compter de la date à laquelle l’employeur a informé les membres du CE de la mise à disposition des informations. Cette recommandation vaut particulièrement pour les comités centraux d’entreprise qui ne
se réunissent le plus souvent que deux à quatre fois par an.
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L’objectif de cette réforme est de rendre
plus effectif le droit des représentants
du personnel
C’est le constat d’un dialogue social trop souvent formel,
et éclaté entre de multiples moments d’information et de
consultation, qui a conduit les organisations syndicales représentant les salariés et les organisations d’employeurs à
prévoir ces trois temps d’information-consultation dans le
projet d’accord interprofessionnel de fin 2014. Cet accord
n’a finalement pas été signé, mais l’idée a été reprise par
les pouvoirs publics dans la loi « Rebsamen ».
Cette organisation autour de trois grands rendez-vous annuels vise à favoriser une vision plus globale des enjeux.
À travers la logique d’accords d’entreprises, elle a pour
objectif de mieux adapter le contenu, les priorités et le
calendrier des consultations aux spécificités de chaque
entreprise.
Pour que ces objectifs soient atteints, deux conditions au
moins sont nécessaires :
• bien organiser l’agenda annuel de ces trois consultations, en cohérence avec les priorités des différentes
parties prenantes, et donc pour le comité d‘entreprise,
en fonction de ses priorités en tant que représentant
du personnel ;
• la communication par l’employeur au CE d’informations précises, loyales, exploitables et mises en perspective sur plusieurs exercices, permettant ainsi aux représentants du personnel d’exercer leurs prérogatives.
S’agissant de consultations impliquant la formulation
d’un avis, ce nouveau dispositif sera un levier pour que
les comités d’entreprises et les organisations syndicales
exercent mieux leur rôle et pour que leur implication ait
plus d’effets concrets du point de vue des salariés et sur
les choix de gestion de l’entreprise.
Emettre un avis, ce n’est pas se limiter à voter un « avis
favorable » ou un « avis négatif ». Les représentants du
personnel, par le biais de l’avis, ont l’opportunité d’exprimer une opinion et des propositions argumentées et circonstanciées sur la marche générale de l’entreprise et sur
son avenir. L’objectif est ainsi de créer un dialogue avec les
organes de direction et que les interventions des représentants du personnel aient une utilité effective. Ces derniers
peuvent ainsi devenir plus souvent une composante de la
gouvernance des entreprises. Dans les entreprises dotées
d’administrateurs salariés, ceux-ci pourront contribuer à
porter ce dialogue.
Pour en savoir plus :
Conseil régional de l’Ordre des Experts-Comptables Paris Ile-de-France
www.oec-paris.fr/espace secteur « Comités d’entreprise »
Tél. 01 55 04 31 27
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