Entretien infirmier CAIRN INFO
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Entretien infirmier CAIRN INFO
L'ENTRETIEN INFIRMIER EN SANTÉ MENTALE, RESSOURCES ET COMPÉTENCES DU PATIENT Christian Rybak et al. Médecine & Hygiène | Thérapie Familiale 2004/3 - Vol. 25 pages 293 à 302 ISSN 0250-4952 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2004-3-page-293.htm Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Rybak Christian et al., « L'entretien infirmier en santé mentale, ressources et compétences du patient », Thérapie Familiale, 2004/3 Vol. 25, p. 293-302. DOI : 10.3917/tf.043.0293 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Médecine & Hygiène. © Médecine & Hygiène. Tous droits réservés pour tous pays. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 293 Thérapie familiale, Genève, 2004, Vol. 25, No 3, pp. 293-302 L’ENTRETIEN INFIRMIER EN SANTÉ MENTALE, RESSOURCES ET COMPÉTENCES DU PATIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Résumé : L’entretien infirmier en santé mentale, ressources et compétence du patient. – Dans notre profession d’infirmier nous sommes amenés à recevoir les usagers et leurs proches en entretien. Un entretien dialogué et compréhensif, individuel ou collectif, joue un rôle déterminant dans la construction de l’alliance thérapeutique et l’élaboration du projet de soins. Pour cela, nous nous intéressons autant à la connaissance de la personne qu’aux éléments pathologiques. Nous recherchons les compétences et les ressources du patient, de sa famille et de son univers social. En effet, reconnaître les problèmes, les symptômes et faire un diagnostic sont loin d’être suffisants pour aider une personne. Il s’agit pour l’infirmier, de déplacer son attention pour repérer les moments même brefs au cours desquels le patient a pu faire en sorte d’aller bien ou d’aller mieux. Nous souhaitons partager avec vous notre expérience positive de l’utilisation de cet outil qui a exigé que nous revoyions théories et pratiques pour y intégrer un apport systémique. Summary : Nurse interview in mental health, patient’s resources and skills. – In our profession, we are often called upon as nurses to conduct interviews of patients and their families. An individual or collective interview that is flexible and based on dialogue, plays a decisive role in constructing a therapeutic alliance and developing a healing project. This is why we are as much interested in knowing the person as in knowing the pathological elements. We are looking for the aptitudes and resources of the patient, his or her family and social environment. Indeed, recognizing problems and symptoms and making a diagnosis are far from sufficient for helping someone. The nurse needs to look elsewhere to recognize those however brief moments when the patient was able to manage to feel better or worse. We should like to share with you our very positive experience using this tool, which required us to revise our theories and practices in order to integrate a systemic apport. Resumen : La conversación enfermera en salud mental, recurso y competencia del paciente. – En nuestra profesión de enfermero, recibemos los usuarios y sus acercanos por reuniones. Una conversación comprensiva e forma de dialogo, individual o colectiva desempeña un papel determinante para construir la alianza terapeútica y elaborar el proyecto de curas. Para eso, nos interesamos a conscer a la persona, como a los elementos de su patología. Estamos en busca de la competencias y recursos del paciente, de su familia y de su esfera social. En efecto, reconocer los problemas, síntomas y elaborar un diagnóstico, es mucho de ser suficiente para ayudar una persona. Debe desplazar su atención el enfermero para situar los momentos, aun que sean breves, durante los cuales era bien o mejor. Deseamos compartir con vosotros nuestra experiencìa muy positiva al utilizaresta herramienta cual requirí para nos otros que re-examinarros teorías y prácticas a fin de integrar en el, una contribución sistémica. * Cadre supérieur de santé, Direction des soins, Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris. ** Directrice adjointe des soins, Secteur Psychiatrique Ouest, Prangins, Suisse. *** Psychologue, Thérapeute familiale, CECCOF, Paris. 293 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Christian RYBAK*, Nathalie BEAUZÉE** et Annie LELEVRIER-VASSEUR*** therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 294 Mots-clés : Santé mentale – Entretien infirmier – Pensée systémique. Keywords : Mental health – Nurse interview – Systemic throught. Palabras claves : Salud mental – Conversación enfermera – Pensamiento sistémico. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Dans cet atelier, nous allons tenter de démontrer comment l’utilisation dans notre pratique institutionnelle de quelques concepts et outils issus du modèle systémique nous ont paru utile à la conduite d’un entretien infirmier et un moyen de répondre à la complexité d’une approche globale bio-médico-psycho-socio-familiale. I. Les valeurs qui sous tendent cette pratique Nous partons du principe que la personne soignée doit être reconnue comme une personne ayant des ressources et des compétences pour faire face à son problème de santé. Il s’agit pour cela de bien différencier dans un premier temps, ce qui relève de la pathologie et ce qui relève de la personne, tout en prenant en compte l’environnement socio-familial, les ressources et compétences dont elle-même dispose ainsi que son entourage. Nous sommes en général d’accord pour défendre l’idée que la personne et son entourage ne doivent pas être « objets » de soins mais plutôt « acteurs » dans l’élaboration et la mise en œuvre du projet de soins. Pour cela, une véritable alliance thérapeutique doit être créée. Nous savons que la pathologie a comme conséquence la perte ou la diminution de la faculté de choisir, et par conséquent notre objectif sera de rendre au patient son libre choix, en faisant émerger les ressources déjà présentes en lui ou dans son entourage. Il ne s’agit donc pas de faire les choses dans le meilleur intérêt et à la place de la personne, mais de lui permettre de prendre des décisions, de lui redonner la possibilité de choisir, et d’apprendre au travers des conséquences de ses choix. Nous ne pouvons pas parler des valeurs qui sous-tendent notre pratique sans évoquer ces quelques notions applicable à toute relation d’aide. • La capacité à ne pas savoir que nous décrirons par la capacité de recevoir un patient, même bien connu, en ne considérant que la nouvelle situation et sa nouvelle demande. Malgré notre savoir, le patient connaît mieux son problème que nous. Entre deux hospitalisations, il a vécu et a peut-être changé. 294 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène L’entretien infirmier en santé mentale est un outil relationnel dont la pratique reste encore récente. Il constitue pourtant un temps fondamental dans la construction de la relation avec le patient et il est utile pour les professionnels travaillant en équipe pluridisciplinaire. Le soignant doit s’intéresser à la fois à la symptomatologie de la maladie, à la personne et à son entourage, tout en intégrant ces trois dimensions. Il est généralement mal préparé à cette approche, dans la mesure où ses études l’amènent à se centrer essentiellement sur les éléments de pathologie en négligeant tout ce qui se rapporte à l’environnement socio-familial, et à la mise en valeur des compétences et des ressources des personnes. 09.10.2006 15:25 Page 295 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène • Quand on sait qu’une des principales attentes du patient qui communique avec une infirmière est d’être écouté et compris, et que c’est sur cette attente que se bâtit toute la relation, nous mesurons l’importance de la compréhension empathique comme processus par lequel une personne est capable, sous un mode imaginaire, de se placer dans le rôle et la situation d’une autre personne afin de saisir les sentiments, point de vue, attitudes et tendances propres à l’autre dans une situation donnée. En d’autres termes, c’est l’habileté à répondre correctement à la question : Comment me sentirais-je ou agirais-je dans la situation si j’étais à sa place ? • Chaque personne est unique et possède les ressources pour diriger sa vie, elle possède la capacité de faire des choix. De par son unicité, elle est la seule a pouvoir reconnaître ce qui est bon pour elle. Le respect chaleureux l’amène à reconsidérer sa conception d’elle-même. Il est important de respecter les choix du patient. Même s’ils sont devenus une entrave, le soignant peut l’aider à en faire de nouveaux pour résoudre ses problèmes actuels. • Etre authentique et congruent, c’est être vrai et digne de la confiance de la personne que l’on a devant soi. Par respect pour le patient comme par respect pour lui-même, l’infirmier se doit d’être authentique dans ses propos et dans ses comportements. • Utiliser la reformulation, c’est faire l’effort de compréhension pur et simple de ce que l’autre veut exprimer, c’est reformuler ce qui vous est dit de façon à obtenir l’accord de l’autre, c’est valider auprès du patient si ce que l’on a compris est conforme au message qu’il voulait faire passer. C’est aussi encourager le patient à se livrer davantage et à explorer ce qui lui arrive. II. L’entretien infirmier : une définition L’entretien infirmier est une technique de soins relationnels permettant de répondre au besoin d’information du patient, de l’aider à formuler ses demandes, et de recueillir des données de qualité pour élaborer ensemble un projet de soins. C’est un moment privilégié d’échange où il peut exprimer ses difficultés. C’est aussi un temps d’accompagnement pour l’aider à exprimer son vécu. L’entretien serait une conversation entre deux ou plusieurs personnes au cours de laquelle l’une d’elles ou deux d’entre elles, essaient de comprendre ce que l’autre attend. C’est un processus circulaire où chacun interagit avec l’autre. Cette relation professionnelle nécessite l’élaboration d’objectifs communs et une collaboration mutuelle afin de résoudre au mieux les difficultés rencontrées par le patient et son entourage. Notre recherche d’information devra surtout se centrer sur les ressources du patient et de son entourage. Il est nécessaire que cette information soit utile pour lui. « Pour moi, circulariser l’information, c’est aller chercher dans la famille ou chez le patient l’information pertinente. Et je définirai cette information pertinente comme celle qui vient du système et qui va y retourner pour informer le système sur son propre fonctionnement. En d’autres termes, je dirais que les familles savent, mais qu’elles ne savent pas ce qu’elles savent. Ces considérations impliquent de modifier le rôle de l’intervenant » (Ausloos, 1995) 295 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène therapie_3_rybak.qxd therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 296 Les informations pertinentes sont toujours apportées par le patient, il suffit de les lui demander : « Dites-moi ce que vous pensez que j’ai besoin de savoir pour pouvoir vous aider ». L’entretien infirmier va nous permettre de construire une relation thérapeutique où le patient aura un rôle d’acteur et d’expert dans sa prise en charge, celui d’une personne disposant des compétences et des ressources pour résoudre son problème de santé. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Avant d’aborder la situation d’entretien, nous souhaitons évoquer certains préliminaires qui nous semblent nécessaires pour mettre le patient en confiance. Il est important de définir le lieu de l’entretien à l’avance. Un bureau réservé à ce soin nous semble idéal et permet à notre avis de lui donner un cadre légitime. Il est également important de se montrer disponible pour le patient, s’assurer de ne pas être dérangé par divers appels téléphoniques ou autres demandes. Ceci implique bien évidemment que l’équipe pluridisciplinaire reconnaisse la pratique de l’entretien infirmier. Pouvoir se rendre disponible donne au patient le sentiment qu’il est attendu et il est plus confortable pour le soignant de savoir qu’il ne sera pas dérangé durant l’entretien. 1. Obtenir un mandat Après s’être assuré que ces préliminaires soient respectés, l’entretien pourra avoir lieu dans de bonnes conditions. L’entretien consistera donc à évaluer la demande et les objectifs du patient, mais le plus important à notre avis est de rendre au patient la compétence qu’il croit avoir perdue et de faire émerger les ressources qu’il pense ne plus avoir. Tout au long de l’entretien, le soignant s’attachera à mettre le patient en confiance. La construction de la relation dépend de ce que Minuchin a appelé l’affiliation. Le processus d’affiliation est un processus grâce auquel le soignant tisse un lien indispensable à la création de la relation. Nous nous appuierons pour construire cette relation de confiance sur quelques notions que nous avons déjà citées comme valeurs qui sous-tendent notre pratique : – Etre empathique. – Etre respectueux. – Etre capable de ne pas savoir. – Se demander ce que le patient attend de nous. – Etre authentique. – Souligner les aspects positifs. – Ne pas dire ce qu’on ne pense pas. – Se plier aux règles familiales. 296 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène III. Méthode et outils therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 297 – Adopter les habitudes verbales du patient. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène C’est par cette affiliation que le soignant pourra obtenir le mandat du patient : être mandaté est indispensable pour travailler avec le patient. Il est nécessaire qu’il nous désigne comme pouvant travailler avec lui sur sa demande d’aide, qu’il nous désigne comme compétent pour l’aider. Ensuite, le soignant devra établir une circularité des mandats. En effet, lorsque que le patient arrive, il nous désigne comme compétent et lui comme incompétent. Dans un premier temps, il est important que le soignant accepte cette position haute et la relation complémentaire qui est mise en place. Dans un second temps, il l’utilisera pour faire valoir la compétence du patient pour lui-même : c’est ce que nous appelons la circularité du mandat. Le patient nous mandate pour l’aider, nous le mandatons pour nous aider à l’aider. Si nous sommes experts en thérapie, le patient est expert pour sa thérapie. C’est dans cette circularité des mandats que se développe une relation de coopération. Pour établir une circularité des mandats, il est plus pertinent d’identifier les ressources et les compétences du patient que de rester uniquement centré sur le problème. 2. Comment identifier les ressources et les compétences du patient ? • Définition du terme ressource : – « Ce qu’on emploie dans une situation fâcheuse pour se tirer d’embarras ». – « Ce qui peut fournir de quoi satisfaire un besoin, améliorer une situation ». – « Personnes de ressources = personnes capables de fournir des solutions à quelque chose ». – « Moyens dont on dispose, possibilités d’action ». • Définition du terme compétence : – « Aptitude d’une personne à décider, capacité reconnue en telle ou telle matière. » Les ressources seraient donc les moyens dont une personne dispose pour résoudre les difficultés auxquelles elle est confrontée et les compétences, les aptitudes à utiliser ces ressources. Pour la construction d’une relation thérapeutique avec un patient nous distinguons les ressources d’ordre général et les ressources plus directement en lien avec les problèmes à résoudre. Les ressources d’ordre général correspondent à toutes les valeurs, qualités et compétences qu’utilise une personne dans sa vie. Les identifier nous permet de mieux la comprendre, de la respecter et facilite l’établissement d’une relation de coopération. Elles peuvent également s’avérer utiles à l’égard du problème, notamment si elles peuvent être transférées dans le contexte dans lequel le problème se produit. Il arrive que des personnes développent des compétences dans certains contextes et ne les utilisent pas forcément ailleurs. 297 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène – Reformuler pour souligner les aspects positifs d’une caractéristique ou d’une relation décrite de façon négative. therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 298 Voici quelques questions standards permettant de nous guider dans notre recherche : – Qu’est-ce qui est important pour cette personne ? – Quelles sont ses qualités, ses acquisitions, sa capacité à apprendre, sa créativité ? – A quels systèmes appartient-elle ? – Quelles en sont les valeurs, les règles de fonctionnement ? – Quels sont les liens qu’elle a su tisser et garder ? – Quelles sont les personnes ressources de son entourage ? Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Les ressources plus directement en lien avec les problèmes à résoudre peuvent être découvertes lorsque nous examinons les difficultés actuelles que rencontre le patient. Ce sont en fait les solutions partielles dont il dispose déjà et sur lesquelles il pourra s’appuyer pour aller de l’avant. Nous les découvrons en modifiant notre regard, en nous intéressant à la fin des séquences symptomatiques, en recherchant les exceptions au problème, et les changements survenus avant la première consultation. Repérer les ressources et les compétences suppose de modifier le focus de notre regard. Changer ce regard-là suppose de déplacer notre attention pour repérer les moments même brefs au cours desquels le patient a pu faire en sorte d’aller bien ou d’aller mieux. C’est là que nous découvrirons des champs entiers de solutions plus ou moins développées que le patient possède déjà et dont il suffira de poursuivre la culture. Lors d’une nouvelle hospitalisation, le patient est souvent dans un contexte de rechute. En général, le soignant s’intéresse surtout aux causes de cette rechute et à la façon dont il n’a pas pu l’empêcher. Pourquoi être fasciné par les problèmes au point d’oublier d’exploiter toutes les ressources mises en œuvre dans les périodes où le symptôme ne se produit pas, et où le patient peut contrôler la situation ? Il nous paraît aidant pour le patient de s’intéresser en priorité au moment où le symptôme ne s’est pas produit et à ce qui a permis cela. Voici quelques questions que nous avons en tête lorsque nous recevons un patient alcoolique qui est réhospitalisé suite à une rechute : – Comment a-t-il fait pour être abstinent durant ce temps ? – Comment a-t-il fait face à ses envies ? – Qu’a-t-il fait au lieu de boire ? – Comment a-t-il occupé son temps ? – Est-il arrivé à trouver des activités qui le détendaient, lui faisait plaisir au moins un peu ? – Comment cela a-t-il modifié ses relations avec ses proches ? De la même manière nous avons tendance à laisser de côté le moment ou le patient a décidé de se soigner. Voilà pourtant un moment clé pour son traitement. 298 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène – Comment a-t-elle pu venir à bout de difficultés antérieures, seule ou avec l’aide de son entourage, même si ces difficultés n’ont pas de lien avec les problèmes actuels ? therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 299 – Comment avez-vous pris la décision ? – Quelles étaient vos motivations ? – Qu’est-ce qui vous avait aidé lors de vos précédents séjours ? Toutes ces questions montrent au patient que nous comprenons l’importance des difficultés auxquelles il est confronté ; que nous mesurons l’intensité des efforts qu’il fait. Cela contribue à augmenter l’estime que le patient a de lui-même et facilite la construction d’une relation de coopération avec nous. 3. Quelques outils pour repérer les ressources et les compétences du patient Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Nous considérons que la thérapie commence lorsque le patient décide de passer à l’action. Il est important de poser les questions qui mettent en lumière tout changement ayant précédé la première séance. Souvent les patients ont apporté des changements avant de se rendre au premier rendez-vous (exemple : le patient alcoolique qui a commencé à diminuer de lui-même sa consommation d’alcool). Nous pouvons lui demander : – « Depuis que vous avez pris rendez-vous, qu’avez-vous réussi à améliorer, même si c’est juste un peu ? » Rechercher les exceptions aux problèmes S’intéresser à ce qui va bien et non pas uniquement à ce qui va mal. Mettre en valeur les réussites présentes et passées. Les exceptions aux problèmes correspondent aux moments où le problème ne se produit pas ou se produit moins. Lorsque les patients viennent demander de l’aide, ils sont submergés par leurs difficultés. Ils ont le sentiment qu’elles envahissent leur vie et cela toujours avec le maximum d’intensité. Il est donc important d’explorer les exceptions, les moments où le symptôme ne se produit pas, ce qui nous mènera aux ressources dont le patient dispose. Il est plus facile de faire en sorte que quelque chose qui se produit déjà puisse se reproduire et augmenter. Il s’agit comme le dit Insoo Kim Berg de « faire plus de ce qui marche ». Certaines questions peuvent aider à trouver ces exceptions : – « Pour mieux comprendre ce qui vous arrive, cela m’aiderait que vous me décriviez en détail ce qui s’est passé au cours de ces derniers jours ; commençons par lundi dernier, qu’avez-vous fait ce jour-là ? » Comme le décrit Insoo Kim Berg, il faut ensuite faciliter la description de chaque journée, en détail, à la recherche de petites différences. Dès que le patient a pu décrire une exception, nous devons l’aider à la contextualiser en lui demandant de nombreuses précisions. Il peut ainsi « revivre » cette exception qui devient de plus en plus tangible, et de plus en plus actuelle. Cela permet également d’évaluer la reproductibilité de ces exceptions. 299 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène S’intéresser aux changements survenus avant la première séance therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 300 La question miracle Il s’agit de projeter le patient vers un état futur, lorsque le problème est résolu. Amener le patient à se projeter dans l’avenir. – « Maintenant, je veux vous poser une question un peu différente. Vous devrez pour cela utiliser votre imagination. Imaginez que vous rentrez chez vous après la séance d’aujourd’hui et que vous allez vous coucher ce soir. Pendant que vous dormez, un miracle se produit et le problème qui vous a amené ici est résolu. Etant donné que vous dormez, vous ne savez pas que ce miracle se produit. D’après vous, quel sera demain matin le premier signe qui vous fera dire qu’un miracle s’est produit dans la nuit et que votre problème est résolu ? ». Ce qui est étonnant c’est que le patient utilise souvent des images réalistes, détaillées et réalisables dans le contexte de sa vie. Comme avec les exceptions aux problèmes, l’accomplissement du miracle relève de la compétence du patient. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Elles peuvent être utilisées dans beaucoup de situation et elles permettent aux patients qui ont du mal à verbaliser d’exprimer leurs objectifs. Ces questions permettent de visualiser et de travailler sur l’intervalle déjà existant et l’intervalle à projeter dans l’avenir. Il s’agit d’un outil subjectif que nous proposons au patient afin de l’aider à se repérer dans sa propre évolution. L’évaluation faite correspond à la perception par le patient de sa réalité ce jour-là. Il ne s’agit en aucun cas d’un outil scientifique de mesure. Il existe des échelles appelées échelles de motivation ou d’espoir qui permettent de s’intéresser également aux valeurs des personnes, à ce qui est important pour elles : – « Sur une échelle de 0 à 10, si à 0 vous n’avez aucun espoir que les choses s’arrangent pour vous et si à 10 vous êtes sûr que les choses vont s’arranger, où en est votre espoir aujourd’hui ? » Nous pouvons également utiliser toutes ces échelles de façon relationnelle. Si le patient est seul, nous pouvons faire intervenir au travers de l’échelle d’autres membres de la famille : – « Sur une échelle de 0 à 10, si 0 correspond au moment où vous avez pris rendezvous et si 10 correspond au moment où vous n’aurez plus besoin de venir, où estce que votre mère dirait que les choses en sont pour vous ? » Dans le cas où la famille est présente à l’entretien, nous pouvons demander à chacun son évaluation puis leur proposer de discuter ensemble des différences. Nous pouvons reprendre ces échelles à différents entretiens pour évaluer l’évolution. Le recadrage Nous avons insisté sur la nécessité de changer notre regard pour découvrir les ressources des personnes, mais cela ne suffit pas. Il est également nécessaire de faire 300 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Les questions à échelle therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 301 en sorte que le patient puisse aussi changer le sien afin de disposer d’un choix sémantique. Pour ce faire le recadrage s’avère une technique très précieuse. Pour effectuer un recadrage, il faut d’abord nous imprégner de la vision du monde de l’autre. L’influence exercée par le recadrage est directement liée à la qualité de la relation que nous établissons. Cela suppose qu’il y a une bonne affiliation et une coopération. Un bon recadrage doit à la fois étonner l’autre et lui donner envie de s’en saisir pour changer. Si nous ne sommes pas affiliés au patient il le rejettera. Un recadrage peut être fait à trois niveaux différents : celui de la perception, celui du sens et celui du comportement. Au niveau de la perception, il s’agit d’un recadrage de point de vue. En centrant notre regard et notre questionnement sur les compétences du patient, sur ses ressources, sur les solutions qu’il a déjà développées, nous l’amenons à le faire. Plus nous l’interrogeons en détails sur sa façon de faire, sur les contextes dans lesquels cela se produit, plus nous le complimentons, plus cette perception de lui-même prend corps. Cela n’annule pas les difficultés qu’il rencontre, cela le rend plus fort pour les régler. Dans le recadrage de comportement, nous partons de l’hypothèse que ce dernier est une réponse adaptative au contexte où il se produit et que tout comportement recèle une intention positive ou remplit une fonction utile qui doit être révélée et préservée de façon à ce qu’un changement devienne possible (exemple de la personne qui signe la demande d’hospitalisation sous contrainte : recadrer ce comportement comme témoignant d’une inquiétude pour le patient alors que ce dernier le vit comme une punition). Les petits recadrages faits tout au long de l’entretien : ils servent à introduire des nuances dans le discours du patient. Le patient nous dit : « Je suis toujours déprimé », nous recadrons en reprenant : « En ce moment vous vous sentez déprimé. » Ils nous permettent également de tester la réaction du patient à nos propositions. Le recadrage global donné dans la conclusion de l’entretien à partir duquel est construite la stratégie thérapeutique. Le génogramme solutionniste Toute famille possède des ressources et trouve des solutions aux divers problèmes qu’elle rencontre dans son parcours existentiel même si de prime abord, ces solutions ne paraissent pas les mieux adaptées. C’est en tout cas ce qui a été transmis. • L’objectif de cette orientation du génogramme : – Aider le patient à mettre en évidence toutes les ressources que sa famille a déjà pu utiliser pour dépasser les difficultés existentielles, voire les solutions les plus dramatiques. – Insister sur les valeurs positives dont il a hérité du passé familial et qu’il peut alors modéliser pour son propre compte dans le futur. 301 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Le recadrage conceptuel propose d’autres interprétations à partir des mêmes faits perçus. therapie_3_rybak.qxd 09.10.2006 15:25 Page 302 – Introduire l’idée que l’on n’est pas forcément la « victime » passive d’une situation, mais qu’on peut développer ses capacités d’en sortir en recourant à la sémantique de la « survie ». – Instaurer une dynamique de changement en sensibilisant le patient à ses multiples possibilités de choix de solution. • Les différentes étapes de la construction du génogramme : – Mettre en relief avec le patient toutes les solutions que la famille et chacun de ses membres ont pu apporter aux problèmes qu’ils ont réussi à résoudre. De plus, il existe des limitations insurmontables que la famille ou certains de ses membres ont malgré tout réussi à dépasser. – Proposer au patient de rechercher quelles sont les valeurs qui caractérisent sa famille et dans lesquelles il peut puiser l’énergie nécessaire pour lever les obstacles qu’il rencontre sur son chemin (anecdotes, légendes familiales, etc.). La découverte des compétences et des ressources sont à notre avis les grands axes de l’entretien infirmier en santé mentale ; il est important de penser d’emblée que le patient est compétent et possède les ressources pour aller mieux. Notre objectif sera alors de l’aider à les trouver ou les retrouver. Le but essentiel de l’entretien infirmier n’est donc pas de recueillir le plus d’information possible, mais bien de construire avec le patient une relation de confiance qui se révèlera thérapeutique. Nous souhaitons également insister sur la nécessité d’intégrer l’entretien infirmier à une pratique d’équipe pluridisciplinaire. Dans la prise en charge globale du patient, il ne peut prendre son sens que s’il est complémentaire aux autres interventions, et notamment à l’entretien médical. Christian Rybak Centre Hospitalier Sainte-Anne 1, rue Cabanis F-75674 Paris Cedex 14 [email protected] BIBLIOGRAPHIE 1. Ausloos G. (1995) : La compétence des familles, Erès, Toulouse. 2. Beauzée N., Cabié M.-C., Lelevrier-Vasseur A., Rybak C. (2002) : L’entretien infirmier en santé mentale, Erès, Toulouse. 3. Berg I. (1996) : Services axés sur les familles, Bruxelles, Satas. 4. Blanchette L. (sous la direction de) (1999) :, L’approche systémique en santé mentale, Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal. 5. Isebaert L., Cabié M.-C. (1997) : Pour une thérapie brève, Erès, Toulouse. 6. Minuchin S. (1979) : Familles en thérapie, Delarge, Paris. 302 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène – Au travers de ce génogramme il s’agit d’évoquer les transmissions générationnelles des ressources et des méthodes de survie.