Entretien infirmier CAIRN INFO

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Entretien infirmier CAIRN INFO
L'ENTRETIEN INFIRMIER EN SANTÉ MENTALE, RESSOURCES ET
COMPÉTENCES DU PATIENT
Christian Rybak et al.
Médecine & Hygiène | Thérapie Familiale
2004/3 - Vol. 25
pages 293 à 302
ISSN 0250-4952
Article disponible en ligne à l'adresse:
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2004-3-page-293.htm
Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Rybak Christian et al., « L'entretien infirmier en santé mentale, ressources et compétences du patient »,
Thérapie Familiale, 2004/3 Vol. 25, p. 293-302. DOI : 10.3917/tf.043.0293
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Thérapie familiale, Genève, 2004, Vol. 25, No 3, pp. 293-302
L’ENTRETIEN INFIRMIER EN SANTÉ MENTALE,
RESSOURCES ET COMPÉTENCES DU PATIENT
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Résumé : L’entretien infirmier en santé mentale, ressources et compétence du patient. – Dans notre profession d’infirmier nous sommes amenés à recevoir les usagers et leurs proches en entretien. Un entretien
dialogué et compréhensif, individuel ou collectif, joue un rôle déterminant dans la construction de l’alliance
thérapeutique et l’élaboration du projet de soins. Pour cela, nous nous intéressons autant à la connaissance
de la personne qu’aux éléments pathologiques. Nous recherchons les compétences et les ressources du
patient, de sa famille et de son univers social.
En effet, reconnaître les problèmes, les symptômes et faire un diagnostic sont loin d’être suffisants pour
aider une personne. Il s’agit pour l’infirmier, de déplacer son attention pour repérer les moments même
brefs au cours desquels le patient a pu faire en sorte d’aller bien ou d’aller mieux.
Nous souhaitons partager avec vous notre expérience positive de l’utilisation de cet outil qui a exigé que
nous revoyions théories et pratiques pour y intégrer un apport systémique.
Summary : Nurse interview in mental health, patient’s resources and skills. – In our profession, we are
often called upon as nurses to conduct interviews of patients and their families. An individual or collective interview that is flexible and based on dialogue, plays a decisive role in constructing a therapeutic
alliance and developing a healing project. This is why we are as much interested in knowing the person as
in knowing the pathological elements. We are looking for the aptitudes and resources of the patient, his or
her family and social environment. Indeed, recognizing problems and symptoms and making a diagnosis
are far from sufficient for helping someone. The nurse needs to look elsewhere to recognize those however
brief moments when the patient was able to manage to feel better or worse. We should like to share with
you our very positive experience using this tool, which required us to revise our theories and practices in
order to integrate a systemic apport.
Resumen : La conversación enfermera en salud mental, recurso y competencia del paciente. – En nuestra
profesión de enfermero, recibemos los usuarios y sus acercanos por reuniones. Una conversación comprensiva e forma de dialogo, individual o colectiva desempeña un papel determinante para construir la
alianza terapeútica y elaborar el proyecto de curas. Para eso, nos interesamos a conscer a la persona, como
a los elementos de su patología. Estamos en busca de la competencias y recursos del paciente, de su familia y de su esfera social.
En efecto, reconocer los problemas, síntomas y elaborar un diagnóstico, es mucho de ser suficiente para
ayudar una persona. Debe desplazar su atención el enfermero para situar los momentos, aun que sean breves, durante los cuales era bien o mejor.
Deseamos compartir con vosotros nuestra experiencìa muy positiva al utilizaresta herramienta cual requirí
para nos otros que re-examinarros teorías y prácticas a fin de integrar en el, una contribución sistémica.
* Cadre supérieur de santé, Direction des soins, Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris.
** Directrice adjointe des soins, Secteur Psychiatrique Ouest, Prangins, Suisse.
*** Psychologue, Thérapeute familiale, CECCOF, Paris.
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Christian RYBAK*, Nathalie BEAUZÉE** et Annie LELEVRIER-VASSEUR***
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Mots-clés : Santé mentale – Entretien infirmier – Pensée systémique.
Keywords : Mental health – Nurse interview – Systemic throught.
Palabras claves : Salud mental – Conversación enfermera – Pensamiento sistémico.
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Dans cet atelier, nous allons tenter de démontrer comment l’utilisation dans notre
pratique institutionnelle de quelques concepts et outils issus du modèle systémique
nous ont paru utile à la conduite d’un entretien infirmier et un moyen de répondre à la
complexité d’une approche globale bio-médico-psycho-socio-familiale.
I. Les valeurs qui sous tendent cette pratique
Nous partons du principe que la personne soignée doit être reconnue comme une
personne ayant des ressources et des compétences pour faire face à son problème de
santé. Il s’agit pour cela de bien différencier dans un premier temps, ce qui relève de la
pathologie et ce qui relève de la personne, tout en prenant en compte l’environnement
socio-familial, les ressources et compétences dont elle-même dispose ainsi que son
entourage.
Nous sommes en général d’accord pour défendre l’idée que la personne et son
entourage ne doivent pas être « objets » de soins mais plutôt « acteurs » dans l’élaboration et la mise en œuvre du projet de soins. Pour cela, une véritable alliance thérapeutique doit être créée.
Nous savons que la pathologie a comme conséquence la perte ou la diminution de
la faculté de choisir, et par conséquent notre objectif sera de rendre au patient son libre
choix, en faisant émerger les ressources déjà présentes en lui ou dans son entourage. Il
ne s’agit donc pas de faire les choses dans le meilleur intérêt et à la place de la personne, mais de lui permettre de prendre des décisions, de lui redonner la possibilité de
choisir, et d’apprendre au travers des conséquences de ses choix.
Nous ne pouvons pas parler des valeurs qui sous-tendent notre pratique sans
évoquer ces quelques notions applicable à toute relation d’aide.
•
La capacité à ne pas savoir que nous décrirons par la capacité de recevoir un
patient, même bien connu, en ne considérant que la nouvelle situation et sa nouvelle demande. Malgré notre savoir, le patient connaît mieux son problème que
nous. Entre deux hospitalisations, il a vécu et a peut-être changé.
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L’entretien infirmier en santé mentale est un outil relationnel dont la pratique
reste encore récente. Il constitue pourtant un temps fondamental dans la construction de la relation avec le patient et il est utile pour les professionnels travaillant en
équipe pluridisciplinaire. Le soignant doit s’intéresser à la fois à la symptomatologie de la maladie, à la personne et à son entourage, tout en intégrant ces trois dimensions. Il est généralement mal préparé à cette approche, dans la mesure où ses études
l’amènent à se centrer essentiellement sur les éléments de pathologie en négligeant
tout ce qui se rapporte à l’environnement socio-familial, et à la mise en valeur des
compétences et des ressources des personnes.
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•
Quand on sait qu’une des principales attentes du patient qui communique avec une
infirmière est d’être écouté et compris, et que c’est sur cette attente que se bâtit
toute la relation, nous mesurons l’importance de la compréhension empathique
comme processus par lequel une personne est capable, sous un mode imaginaire,
de se placer dans le rôle et la situation d’une autre personne afin de saisir les sentiments, point de vue, attitudes et tendances propres à l’autre dans une situation donnée. En d’autres termes, c’est l’habileté à répondre correctement à la question :
Comment me sentirais-je ou agirais-je dans la situation si j’étais à sa place ?
•
Chaque personne est unique et possède les ressources pour diriger sa vie, elle
possède la capacité de faire des choix. De par son unicité, elle est la seule a pouvoir reconnaître ce qui est bon pour elle. Le respect chaleureux l’amène à
reconsidérer sa conception d’elle-même. Il est important de respecter les choix
du patient. Même s’ils sont devenus une entrave, le soignant peut l’aider à en
faire de nouveaux pour résoudre ses problèmes actuels.
•
Etre authentique et congruent, c’est être vrai et digne de la confiance de la
personne que l’on a devant soi. Par respect pour le patient comme par respect
pour lui-même, l’infirmier se doit d’être authentique dans ses propos et dans ses
comportements.
•
Utiliser la reformulation, c’est faire l’effort de compréhension pur et simple de
ce que l’autre veut exprimer, c’est reformuler ce qui vous est dit de façon à obtenir l’accord de l’autre, c’est valider auprès du patient si ce que l’on a compris est
conforme au message qu’il voulait faire passer. C’est aussi encourager le patient
à se livrer davantage et à explorer ce qui lui arrive.
II. L’entretien infirmier : une définition
L’entretien infirmier est une technique de soins relationnels permettant de répondre
au besoin d’information du patient, de l’aider à formuler ses demandes, et de recueillir
des données de qualité pour élaborer ensemble un projet de soins. C’est un moment
privilégié d’échange où il peut exprimer ses difficultés. C’est aussi un temps d’accompagnement pour l’aider à exprimer son vécu.
L’entretien serait une conversation entre deux ou plusieurs personnes au cours
de laquelle l’une d’elles ou deux d’entre elles, essaient de comprendre ce que l’autre
attend.
C’est un processus circulaire où chacun interagit avec l’autre. Cette relation professionnelle nécessite l’élaboration d’objectifs communs et une collaboration mutuelle
afin de résoudre au mieux les difficultés rencontrées par le patient et son entourage.
Notre recherche d’information devra surtout se centrer sur les ressources du patient et
de son entourage. Il est nécessaire que cette information soit utile pour lui.
« Pour moi, circulariser l’information, c’est aller chercher dans la famille ou chez le
patient l’information pertinente.
Et je définirai cette information pertinente comme celle qui vient du système et qui va y
retourner pour informer le système sur son propre fonctionnement. En d’autres termes,
je dirais que les familles savent, mais qu’elles ne savent pas ce qu’elles savent. Ces
considérations impliquent de modifier le rôle de l’intervenant » (Ausloos, 1995)
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Les informations pertinentes sont toujours apportées par le patient, il suffit de les
lui demander : « Dites-moi ce que vous pensez que j’ai besoin de savoir pour pouvoir
vous aider ».
L’entretien infirmier va nous permettre de construire une relation thérapeutique
où le patient aura un rôle d’acteur et d’expert dans sa prise en charge, celui d’une
personne disposant des compétences et des ressources pour résoudre son problème
de santé.
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Avant d’aborder la situation d’entretien, nous souhaitons évoquer certains préliminaires qui nous semblent nécessaires pour mettre le patient en confiance. Il est
important de définir le lieu de l’entretien à l’avance. Un bureau réservé à ce soin
nous semble idéal et permet à notre avis de lui donner un cadre légitime. Il est également important de se montrer disponible pour le patient, s’assurer de ne pas être
dérangé par divers appels téléphoniques ou autres demandes. Ceci implique bien
évidemment que l’équipe pluridisciplinaire reconnaisse la pratique de l’entretien
infirmier. Pouvoir se rendre disponible donne au patient le sentiment qu’il est attendu
et il est plus confortable pour le soignant de savoir qu’il ne sera pas dérangé durant
l’entretien.
1. Obtenir un mandat
Après s’être assuré que ces préliminaires soient respectés, l’entretien pourra avoir
lieu dans de bonnes conditions. L’entretien consistera donc à évaluer la demande et
les objectifs du patient, mais le plus important à notre avis est de rendre au patient la
compétence qu’il croit avoir perdue et de faire émerger les ressources qu’il pense ne
plus avoir.
Tout au long de l’entretien, le soignant s’attachera à mettre le patient en
confiance. La construction de la relation dépend de ce que Minuchin a appelé l’affiliation. Le processus d’affiliation est un processus grâce auquel le soignant tisse un
lien indispensable à la création de la relation. Nous nous appuierons pour construire
cette relation de confiance sur quelques notions que nous avons déjà citées comme
valeurs qui sous-tendent notre pratique :
– Etre empathique.
– Etre respectueux.
– Etre capable de ne pas savoir.
– Se demander ce que le patient attend de nous.
– Etre authentique.
– Souligner les aspects positifs.
– Ne pas dire ce qu’on ne pense pas.
– Se plier aux règles familiales.
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III. Méthode et outils
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– Adopter les habitudes verbales du patient.
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C’est par cette affiliation que le soignant pourra obtenir le mandat du patient :
être mandaté est indispensable pour travailler avec le patient. Il est nécessaire qu’il
nous désigne comme pouvant travailler avec lui sur sa demande d’aide, qu’il nous
désigne comme compétent pour l’aider. Ensuite, le soignant devra établir une circularité des mandats. En effet, lorsque que le patient arrive, il nous désigne comme
compétent et lui comme incompétent. Dans un premier temps, il est important que le
soignant accepte cette position haute et la relation complémentaire qui est mise en
place. Dans un second temps, il l’utilisera pour faire valoir la compétence du patient
pour lui-même : c’est ce que nous appelons la circularité du mandat. Le patient nous
mandate pour l’aider, nous le mandatons pour nous aider à l’aider. Si nous sommes
experts en thérapie, le patient est expert pour sa thérapie. C’est dans cette circularité
des mandats que se développe une relation de coopération. Pour établir une circularité des mandats, il est plus pertinent d’identifier les ressources et les compétences
du patient que de rester uniquement centré sur le problème.
2. Comment identifier les ressources et les compétences du patient ?
•
Définition du terme ressource :
– « Ce qu’on emploie dans une situation fâcheuse pour se tirer d’embarras ».
– « Ce qui peut fournir de quoi satisfaire un besoin, améliorer une situation ».
– « Personnes de ressources = personnes capables de fournir des solutions à
quelque chose ».
– « Moyens dont on dispose, possibilités d’action ».
•
Définition du terme compétence :
– « Aptitude d’une personne à décider, capacité reconnue en telle ou telle
matière. »
Les ressources seraient donc les moyens dont une personne dispose pour résoudre
les difficultés auxquelles elle est confrontée et les compétences, les aptitudes à utiliser ces ressources. Pour la construction d’une relation thérapeutique avec un patient
nous distinguons les ressources d’ordre général et les ressources plus directement en
lien avec les problèmes à résoudre. Les ressources d’ordre général correspondent à
toutes les valeurs, qualités et compétences qu’utilise une personne dans sa vie. Les
identifier nous permet de mieux la comprendre, de la respecter et facilite l’établissement d’une relation de coopération. Elles peuvent également s’avérer utiles à l’égard
du problème, notamment si elles peuvent être transférées dans le contexte dans
lequel le problème se produit. Il arrive que des personnes développent des compétences dans certains contextes et ne les utilisent pas forcément ailleurs.
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– Reformuler pour souligner les aspects positifs d’une caractéristique ou d’une
relation décrite de façon négative.
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Voici quelques questions standards permettant de nous guider dans notre recherche :
– Qu’est-ce qui est important pour cette personne ?
– Quelles sont ses qualités, ses acquisitions, sa capacité à apprendre, sa créativité ?
– A quels systèmes appartient-elle ?
– Quelles en sont les valeurs, les règles de fonctionnement ?
– Quels sont les liens qu’elle a su tisser et garder ?
– Quelles sont les personnes ressources de son entourage ?
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Les ressources plus directement en lien avec les problèmes à résoudre peuvent être
découvertes lorsque nous examinons les difficultés actuelles que rencontre le patient.
Ce sont en fait les solutions partielles dont il dispose déjà et sur lesquelles il pourra
s’appuyer pour aller de l’avant. Nous les découvrons en modifiant notre regard, en
nous intéressant à la fin des séquences symptomatiques, en recherchant les exceptions
au problème, et les changements survenus avant la première consultation. Repérer les
ressources et les compétences suppose de modifier le focus de notre regard. Changer
ce regard-là suppose de déplacer notre attention pour repérer les moments même brefs
au cours desquels le patient a pu faire en sorte d’aller bien ou d’aller mieux. C’est là
que nous découvrirons des champs entiers de solutions plus ou moins développées
que le patient possède déjà et dont il suffira de poursuivre la culture.
Lors d’une nouvelle hospitalisation, le patient est souvent dans un contexte de
rechute. En général, le soignant s’intéresse surtout aux causes de cette rechute et à la
façon dont il n’a pas pu l’empêcher. Pourquoi être fasciné par les problèmes au
point d’oublier d’exploiter toutes les ressources mises en œuvre dans les périodes
où le symptôme ne se produit pas, et où le patient peut contrôler la situation ? Il nous
paraît aidant pour le patient de s’intéresser en priorité au moment où le symptôme
ne s’est pas produit et à ce qui a permis cela. Voici quelques questions que nous
avons en tête lorsque nous recevons un patient alcoolique qui est réhospitalisé suite
à une rechute :
– Comment a-t-il fait pour être abstinent durant ce temps ?
– Comment a-t-il fait face à ses envies ?
– Qu’a-t-il fait au lieu de boire ?
– Comment a-t-il occupé son temps ?
– Est-il arrivé à trouver des activités qui le détendaient, lui faisait plaisir au moins
un peu ?
– Comment cela a-t-il modifié ses relations avec ses proches ?
De la même manière nous avons tendance à laisser de côté le moment ou le
patient a décidé de se soigner. Voilà pourtant un moment clé pour son traitement.
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– Comment a-t-elle pu venir à bout de difficultés antérieures, seule ou avec l’aide
de son entourage, même si ces difficultés n’ont pas de lien avec les problèmes
actuels ?
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– Comment avez-vous pris la décision ?
– Quelles étaient vos motivations ?
– Qu’est-ce qui vous avait aidé lors de vos précédents séjours ?
Toutes ces questions montrent au patient que nous comprenons l’importance des
difficultés auxquelles il est confronté ; que nous mesurons l’intensité des efforts
qu’il fait. Cela contribue à augmenter l’estime que le patient a de lui-même et facilite la construction d’une relation de coopération avec nous.
3. Quelques outils pour repérer les ressources et les compétences du patient
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Nous considérons que la thérapie commence lorsque le patient décide de passer
à l’action. Il est important de poser les questions qui mettent en lumière tout changement ayant précédé la première séance. Souvent les patients ont apporté des changements avant de se rendre au premier rendez-vous (exemple : le patient alcoolique
qui a commencé à diminuer de lui-même sa consommation d’alcool). Nous pouvons
lui demander :
– « Depuis que vous avez pris rendez-vous, qu’avez-vous réussi à améliorer, même
si c’est juste un peu ? »
Rechercher les exceptions aux problèmes
S’intéresser à ce qui va bien et non pas uniquement à ce qui va mal. Mettre en
valeur les réussites présentes et passées. Les exceptions aux problèmes correspondent aux moments où le problème ne se produit pas ou se produit moins. Lorsque les
patients viennent demander de l’aide, ils sont submergés par leurs difficultés. Ils ont
le sentiment qu’elles envahissent leur vie et cela toujours avec le maximum d’intensité. Il est donc important d’explorer les exceptions, les moments où le symptôme ne
se produit pas, ce qui nous mènera aux ressources dont le patient dispose. Il est plus
facile de faire en sorte que quelque chose qui se produit déjà puisse se reproduire et
augmenter. Il s’agit comme le dit Insoo Kim Berg de « faire plus de ce qui marche ».
Certaines questions peuvent aider à trouver ces exceptions :
– « Pour mieux comprendre ce qui vous arrive, cela m’aiderait que vous me décriviez en détail ce qui s’est passé au cours de ces derniers jours ; commençons par
lundi dernier, qu’avez-vous fait ce jour-là ? »
Comme le décrit Insoo Kim Berg, il faut ensuite faciliter la description de
chaque journée, en détail, à la recherche de petites différences. Dès que le patient a
pu décrire une exception, nous devons l’aider à la contextualiser en lui demandant
de nombreuses précisions. Il peut ainsi « revivre » cette exception qui devient de
plus en plus tangible, et de plus en plus actuelle. Cela permet également d’évaluer la
reproductibilité de ces exceptions.
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S’intéresser aux changements survenus avant la première séance
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La question miracle
Il s’agit de projeter le patient vers un état futur, lorsque le problème est résolu.
Amener le patient à se projeter dans l’avenir.
– « Maintenant, je veux vous poser une question un peu différente. Vous devrez
pour cela utiliser votre imagination. Imaginez que vous rentrez chez vous après
la séance d’aujourd’hui et que vous allez vous coucher ce soir. Pendant que vous
dormez, un miracle se produit et le problème qui vous a amené ici est résolu.
Etant donné que vous dormez, vous ne savez pas que ce miracle se produit.
D’après vous, quel sera demain matin le premier signe qui vous fera dire qu’un
miracle s’est produit dans la nuit et que votre problème est résolu ? ».
Ce qui est étonnant c’est que le patient utilise souvent des images réalistes,
détaillées et réalisables dans le contexte de sa vie. Comme avec les exceptions aux
problèmes, l’accomplissement du miracle relève de la compétence du patient.
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Elles peuvent être utilisées dans beaucoup de situation et elles permettent aux
patients qui ont du mal à verbaliser d’exprimer leurs objectifs. Ces questions permettent de visualiser et de travailler sur l’intervalle déjà existant et l’intervalle à
projeter dans l’avenir. Il s’agit d’un outil subjectif que nous proposons au patient
afin de l’aider à se repérer dans sa propre évolution. L’évaluation faite correspond à
la perception par le patient de sa réalité ce jour-là. Il ne s’agit en aucun cas d’un
outil scientifique de mesure. Il existe des échelles appelées échelles de motivation
ou d’espoir qui permettent de s’intéresser également aux valeurs des personnes, à ce
qui est important pour elles :
– « Sur une échelle de 0 à 10, si à 0 vous n’avez aucun espoir que les choses
s’arrangent pour vous et si à 10 vous êtes sûr que les choses vont s’arranger, où
en est votre espoir aujourd’hui ? »
Nous pouvons également utiliser toutes ces échelles de façon relationnelle. Si le
patient est seul, nous pouvons faire intervenir au travers de l’échelle d’autres membres de la famille :
– « Sur une échelle de 0 à 10, si 0 correspond au moment où vous avez pris rendezvous et si 10 correspond au moment où vous n’aurez plus besoin de venir, où estce que votre mère dirait que les choses en sont pour vous ? »
Dans le cas où la famille est présente à l’entretien, nous pouvons demander à
chacun son évaluation puis leur proposer de discuter ensemble des différences.
Nous pouvons reprendre ces échelles à différents entretiens pour évaluer l’évolution.
Le recadrage
Nous avons insisté sur la nécessité de changer notre regard pour découvrir les
ressources des personnes, mais cela ne suffit pas. Il est également nécessaire de faire
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Les questions à échelle
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en sorte que le patient puisse aussi changer le sien afin de disposer d’un choix
sémantique. Pour ce faire le recadrage s’avère une technique très précieuse.
Pour effectuer un recadrage, il faut d’abord nous imprégner de la vision du
monde de l’autre. L’influence exercée par le recadrage est directement liée à la qualité de la relation que nous établissons. Cela suppose qu’il y a une bonne affiliation et
une coopération. Un bon recadrage doit à la fois étonner l’autre et lui donner envie de
s’en saisir pour changer. Si nous ne sommes pas affiliés au patient il le rejettera.
Un recadrage peut être fait à trois niveaux différents : celui de la perception,
celui du sens et celui du comportement.
Au niveau de la perception, il s’agit d’un recadrage de point de vue. En centrant
notre regard et notre questionnement sur les compétences du patient, sur ses ressources, sur les solutions qu’il a déjà développées, nous l’amenons à le faire. Plus nous
l’interrogeons en détails sur sa façon de faire, sur les contextes dans lesquels cela se
produit, plus nous le complimentons, plus cette perception de lui-même prend corps.
Cela n’annule pas les difficultés qu’il rencontre, cela le rend plus fort pour les régler.
Dans le recadrage de comportement, nous partons de l’hypothèse que ce dernier est une réponse adaptative au contexte où il se produit et que tout comportement recèle une intention positive ou remplit une fonction utile qui doit être révélée
et préservée de façon à ce qu’un changement devienne possible (exemple de la personne qui signe la demande d’hospitalisation sous contrainte : recadrer ce comportement comme témoignant d’une inquiétude pour le patient alors que ce dernier le vit
comme une punition).
Les petits recadrages faits tout au long de l’entretien : ils servent à introduire des
nuances dans le discours du patient. Le patient nous dit : « Je suis toujours déprimé »,
nous recadrons en reprenant : « En ce moment vous vous sentez déprimé. » Ils nous
permettent également de tester la réaction du patient à nos propositions.
Le recadrage global donné dans la conclusion de l’entretien à partir duquel est
construite la stratégie thérapeutique.
Le génogramme solutionniste
Toute famille possède des ressources et trouve des solutions aux divers problèmes qu’elle rencontre dans son parcours existentiel même si de prime abord, ces
solutions ne paraissent pas les mieux adaptées. C’est en tout cas ce qui a été transmis.
•
L’objectif de cette orientation du génogramme :
– Aider le patient à mettre en évidence toutes les ressources que sa famille a
déjà pu utiliser pour dépasser les difficultés existentielles, voire les solutions
les plus dramatiques.
– Insister sur les valeurs positives dont il a hérité du passé familial et qu’il peut
alors modéliser pour son propre compte dans le futur.
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Le recadrage conceptuel propose d’autres interprétations à partir des mêmes
faits perçus.
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– Introduire l’idée que l’on n’est pas forcément la « victime » passive d’une
situation, mais qu’on peut développer ses capacités d’en sortir en recourant à
la sémantique de la « survie ».
– Instaurer une dynamique de changement en sensibilisant le patient à ses multiples possibilités de choix de solution.
•
Les différentes étapes de la construction du génogramme :
– Mettre en relief avec le patient toutes les solutions que la famille et chacun de
ses membres ont pu apporter aux problèmes qu’ils ont réussi à résoudre. De
plus, il existe des limitations insurmontables que la famille ou certains de ses
membres ont malgré tout réussi à dépasser.
– Proposer au patient de rechercher quelles sont les valeurs qui caractérisent sa
famille et dans lesquelles il peut puiser l’énergie nécessaire pour lever les obstacles qu’il rencontre sur son chemin (anecdotes, légendes familiales, etc.).
La découverte des compétences et des ressources sont à notre avis les grands
axes de l’entretien infirmier en santé mentale ; il est important de penser d’emblée
que le patient est compétent et possède les ressources pour aller mieux. Notre objectif sera alors de l’aider à les trouver ou les retrouver. Le but essentiel de l’entretien
infirmier n’est donc pas de recueillir le plus d’information possible, mais bien de
construire avec le patient une relation de confiance qui se révèlera thérapeutique.
Nous souhaitons également insister sur la nécessité d’intégrer l’entretien infirmier à une pratique d’équipe pluridisciplinaire. Dans la prise en charge globale du
patient, il ne peut prendre son sens que s’il est complémentaire aux autres interventions, et notamment à l’entretien médical.
Christian Rybak
Centre Hospitalier Sainte-Anne
1, rue Cabanis
F-75674 Paris Cedex 14
[email protected]
BIBLIOGRAPHIE
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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.106.196.119 - 12/03/2014 17h02. © Médecine & Hygiène
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– Au travers de ce génogramme il s’agit d’évoquer les transmissions générationnelles des ressources et des méthodes de survie.