Dans les lacets des Alpes d`Azur
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Dans les lacets des Alpes d`Azur
A R T D E V I V R E / E S C A P A D E S LES DÉPARTEMENTALES DU BONHEUR DE TOUËT-SUR-VAR À TOURNEFORT Dans les lacets des Alpes d’Azur Au cœur des Alpes-Maritimes serpente une des plus jolies routes de France, qui est une invitation à prendre de la hauteur. Panoramas imprenables et frissons gastronomiques garantis. Dans les gorges du Cians. La D28, une route exaltée, et un relief si défoncé qu’il donne parfois l’impression de sortir du tambour d’une machine à laver. PAR FRANÇOIS SIMON (TEXTE) ET ÉRIC MARTIN POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS ) 88 • LE FIGARO MAGAZINE - 26 JUILLET 2008 26 JUILLET 2008 - LE FIGARO MAGAZINE • 89 A R T D E V I V R E / E S C A P A D E S ColdelaCouillole Valberg D épartementale du bonheur ? Vous allez rire. Jaune. Lorsque vous allez vous retrouver dans les gorges du Cians, il y aura bien un moment où vous allez nous maudire. Comment cela ? Nous entraîner dans une baston de montagnes, une peignée de pics et d’arêtes, une bagarre de RER ? C’est clair, il y a eu du grabuge. Une rivière (le Var) a fait le ménage. Vocable poétique car ce tor- oR ubion Beuil D 30 D 28 Valberg Ouh ! la ! la civilisation est passée par là. Elle a embarqué le village dans l’allégresse bétonnée. Cependant, au pied de la station, tournant judicieusement son dos, l’hôtel de la Vallée Blanche dispose d’un sacré panorama et d’un bain nordique sur la terrasse (1, chemin du Ciai ; 04.93.02.64.28 ; www.hotel-lavalleeblanche.com ; à partir de 48 ¤). A noter également les chambres et table d’hôtes Le Chant du Mèlé, tenues par Patricia et Patrick Guichard (06.81.98.53.90 ; demi-pension, 60 ¤ par personne, ou chambre pour deux avec petit déjeuner, 78 ¤). Simples et jolies chambres tout en bois. Une oie, un jars caractériel, des marmottes et un potager. A Valberg, les amateurs de golf peuvent se frotter les mains : parcours à 1 700 mètres d’altitude avec panorama grandiose sur le massif de l’Argentera et les sommets du Mercantour. rent teigneux a défoncé, évidé et percuté du relief, dont on a l’impression qu’il sort du tambour d’une machine à laver. Bien connu des services de police géologique, le Var appartient à la racaille du genre : « C’est un vilain torrent », dit de lui Horace de Saussure (1740-1799). Autre témoin à charge, un siècle plus tôt, Vauban percute lui aussi frontalement : « Ce gueux, ce fou... » Le dossier est chargé : excès de vitesse à répétition. Alors que la Seine se prélasse dans des inclinaisons de 0,60 mètre par kilomètre, le Var, ce courtaud (111 kilomètres) est un saignant : 16 mètres par kilomètre. Autre relevé à l’éthylotest, son débit peut passer de 18 mètres cubes par seconde à 3 000 mètres cubes lors de colères telluriques. Et vous voilà, sur la départementale 28, à vous demander ce que vous faites sur cette route exaltée. Elle ne ferait de vous qu’une bouchée. Ses parois ••• G orges du C ia n s Clue ns LeiC a iR gaud LeVar 90 • LE FIGARO MAGAZINE - 26 JUILLET 2008 - ar oT ut-srV t-surV - ar LeVar CARTE : OLIVIER CAILLEAU D 28 Beuil Adorable village avec la chapelle et sa fraîcheur recueillie, points de vue balisés, petit hôtel idéal pour les asthmatiques, interdisant fumeurs et chiens – mais pas les clients –, ne cuisinant que les aliments sans colorants ni conservateurs… Le Relais de Bellevue (04.93.02.30.04 ; à partir de 45 ¤). Le bon plan pour le piquenique, c’est la boulangerie. Allez-y avant 10 heures, car c’est à ce moment que Christian déclenche le pétrin. Vous pourrez alors commander des pains spéciaux (olives, figues, noix : 2,50 ¤) ou encore pan bagnat, campaiou (petits pains au levain de seigle), ou alors, passez un coup de fil : 04.93.03.26.02. Pensez également au miel chez Solange et Pascal Thiery (04.93.02.36.89), et plus particulièrement au miel de ronce. Ils font un très bon pain d’épice et du nougat. Pascal finit de construire une jolie miellerie tout en rondins de bois pour accueillir ses clients au lieu-dit Les Launes. 26 JUILLET 2008 - LE FIGARO MAGAZINE • 91 A R T D E V I V R E / E S C A P A D E S Roubion La Fripounière constitue notre adresse coup de cœur. Tenu par Anne-Claude et Patrick Caron (ex-directeur au Royal d’Evian et au Palais de la Méditerranée de Nice), ce gîte de montagne délivre une ambiance simple et chaleureuse, épaulée par une cuisine et des vins de montagne de première qualité (à la commande : gigot de Pierlas, 16 ¤ ; pintade fermière caramélisée au miel d’épices, 16 ¤). Quatorze chambrettes cosy et feu de cheminée, paysages à tomber par terre. Col de la Couillole, Roubion (04.93.02.02.60 ; www.lafripouniere.com ; demi-pension : 41 ¤ par personne). Sur le chemin, on se recueillera à la petite chapelle rurale de Saint-Sébastien (construite en 1513), sous le village de Roubion, en redescendant vers Saint-Sauveur-de-Tinée. Pour voir les fresques qui recouvrent tous les murs et la voûte, demander la clé à la mairie de Roubion. Sur les murs sont peints, à gauche, le vice et, à droite, la vertu ; sur la voûte, saint Sébastien, attaché à un poteau, est battu à mort et son corps, jeté dans une latrine. Coldel Couillole Rou ion Beuil Rou e D 30 S int-S uveu su T- ine D 28 La beauté, celle qui nous assujettit ••• verticales s’effritent en un éternuement. Verticales ? Voire. Parfois, la montagne vient manger la route, la surplombe. Cette route est terrible. Elle vous avalerait tout cru. Le bonheur, non, mais la beauté, celle qui vous renverse la nuque et vous assujettit, ce genre de beauté vertueuse, dressée, de déesse. Parfois, on s’incline devant tant de terreur pierreuse. Tout le monde a les chocottes : les maisons se resserrent (elles passent de la pierre au bois), les noms s’étroitisent (Touët, Beuil, Cians, Clue, Tiecs...). Il nous reste alors à contempler une route admirablement construite. Regardez-la de près, elle est superbe dans son asphalte manucuré, bordurée de 92 • LE FIGARO MAGAZINE - 26 JUILLET 2008 rondins bigrement boulonnés. Même les flancs de la route sont ripolinés d’ocre. C’est une des plus belles routes de France, mais on aspire à prendre de la hauteur. Question hauteur, vous allez être servi aussi. Inutile de vérifier par la portière, c’est à hululer de frayeur ! Mais, diable ! que le paysage s’amuse. C’est bien simple, il joue tout seul, délivre des villages de paix : Beuil, Roure, Roubion, des noms plein de grâce (Marie). Vous chancelez entre extase mystique, soulagement, mais il vous manque la récompense. Ce pourrait être au détour d’un lacet, en se haussant le col. Celui-ci s’appelle Couillole. Pourquoi ? On de- ••• Roure Au bout d’une petite route vertigineuse, un village dans sa fierté et son authenticité avec, notamment, l’église Saint-Laurent et son retable de François Bréa de 1560. Egalement au-dessus du village, un arboretum. Tous les dimanches, un boulanger fait le pain dans le four à bois communal. C’est Eugène (71 ans) qui s’active aux aurores et délivre viennoiseries, pain à l’ancienne, pissaladière, tourte aux blettes. Séjour idéal dans une auberge toute simple, l’auberge Le Robur à Roure (04.93.02.03.57 ; chambre en demi-pension à partir de 59 ¤) avec, surtout, vue étourdissante sur la vallée de la Tinée. Les salles de bains viennent d’être refaites. Restaurant plaisant, avec une salade d’artichauts maison, jambon de pays du papa éleveur, roquette, copeaux de betterave et dentelle croustillante de parmesan. En quittant le village, banc admirablement situé au-dessus du paysage (balise 243, itinéraire pédestre) à l’embranchement de la route menant au hameau des Tiecs. A R T D E V I V R E / E S C A P A D E S Ici, on devient ivre de soi ••• mande, on cherche. Pas de réponse, juste des demi-sourires. La réponse est plutôt dans l’air, la netteté des paysages, le jeu des monts et des collines. On sent que la montagne vient s’amuser ici, qu’elle se dénoue, qu’elle rentre sa colère. Un homme vous accueille. Il pourrait ne rien dire, faire l’impasse sur ses whiskys de collection (direct de chez Milroy’s, à Soho), son admirable coteaux-dulayon frais. Il pourrait étendre le bras et indiquer la table d’hôte qui vous attend au-dehors. La poêlée de pommes de terre et mousserons qui accompagne un gigot d’agneau au curcuma et au saté. On se dit alors qu’on ne l’a pas volé. L’après-midi, la route est terrible dans ses bleus, ses exagéra- Le village de Bairols, au col de la Couillole, qui suit la ligne de crête. Saint-Sauveursur-Tine Marie D 2205 Bairo s tions de panoramas. Elle parle toute seule. Il y a, dans ses vallées foudroyantes, des beautés fulgurantes : on devient ivre de soi : « Je suis comte de Beuil, déclamait un héros local, je fais ce que je veux. » ■ FRANÇOIS SIMON RECTIFICATIF Une malencontreuse erreur nous a fait écrire, dans l’article sur la départementale qui relie Saint-Malo à Cancale (notre numéro du 11 juillet), que la malouinière du Lupin était ouverte à la visite. Le Lupin est une propriété privée qui ne se visite pas. En revanche, la malouinière de la Ville-Bague, à Saint-Coulomb, qui correspondait à la photo publiée, se visite bien. 94 • LE FIGARO MAGAZINE - 26 JUILLET 2008 Tournefort Bairols C’est Jacques Gantié (Le Guide Gantié de la Provence-Côte d’Azur, Rom Editions, 800 adresses, 22 ¤ ; incontestablement le meilleur guide de la région) qui nous a donné cette adresse gourmande. Elle se gagne par une succession de lacets, mais lorsque vous arrivez dans cet adorable village, vous ne résistez plus au menu à 35 ¤ (tourte de cèpes et pommes de terre, œuf de caille et crème de truffe blanche d’Alba, jarret de veau au miel, panna cotta). Stefania et Roberto Truffo animent cette table sentimentale, et il est difficile de résister à Roberto lorsqu’il vous raconte, voix à la Paolo Conte, les gnocchis au gorgonzola, le lapin aux pignons et olives de Taggia ou le risotto au barolo. Cela s’appelle l’Auberge du Moulin (04.93.02.92.93). Deux chambres à l’auberge, six gîtes ruraux, à moins que vous ne souhaitiez redescendre à la verticale. Le lendemain, on peut constituer son panier de pique-nique en appelant Régis (06.77.04.55.80), jeune producteur maraîcher, réputé pour ses fraises (mara des bois), salades (sucrine), simianes rouges, courgettes de Nice, aubergines, framboises. Vente directe. On confectionne son panier sur place, au milieu des cultures en terrasses avec vue plongeante sur la vallée de la Tinée (de 7 à 35 ¤).