la répartition provisionnée : le cas agirc-arrco
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la répartition provisionnée : le cas agirc-arrco
Retraite / institutions LA RÉPARTITION PROVISIONNÉE : LE CAS AGIRC-ARRCO Cette année, les négociations à l’AGIRC-ARRCO ne sont pas faciles : la crise réduit les rentrées de cotisations. Pour éviter d’amputer le pouvoir d’achat du point (et donc des retraités), va-t-on puiser dans les réserves ? Cela serait conforme au rôle de stabilisateur automatique (1) que les économistes reconnaissent aux institutions de protection sociale. Mais ces réserves, investies pour partie en valeurs mobilières, ont souffert de la baisse des cours de bourse : faut-il ajouter des ponctions aux moins-values ? Tel est le problème qui se pose aux régimes qui associent un peu de capitalisation à beaucoup de répartition. La répartition provisionnée L’expression s’applique à une très vaste gamme de régimes : ■ A une extrémité se situe le régime de retraite additionnel de la fonction publique, que la loi retraites de 2003 définit comme étant “par répartition provisionnée”, et dont le conseil d’administration a mission de veiller à ce que les engagements soient entièrement couverts par la réserve, ce qui caractérise un régime par capitalisation. ■ A l’autre extrémité se trouve l’assurance vieillesse du régime général : le Fonds de réserve pour les retraites gère un portefeuille dont la valeur au 31 décembre 2008 s’élevait à 27,7 milliards (ou MMd€), soit 32,4 % des dépenses vieillesse du régime général pour l’année 2008. La réserve permettrait donc de payer moins de quatre mois de dépenses, et encore sans rembourser les dettes engendrées par les récents déficits. ■ Les régimes complémentaires se positionnent entre ces deux extrêmes. Certains régimes de professions libérales, par exemple la CAVEC (caisse des experts comptables), ont en portefeuille l’équivalent d’une dizaine d’années de prestations (761 M€ pour la CAVEC au 31 décembre 2007, qu’il faut comparer à 78,6 M€ de pensions versées). Pour l’ARRCO et l’AGIRC, le provisionnement est nettement plus modeste. Les réserves des régimes ARRCO et AGIRC En première approximation, l’ARRCO dispose de réserves de 59 MMd€, dont 42 pour la réserve technique dite “de financement à long et moyen terme”, et 17 pour une réserve dite “de fonds de roulement”. L’AGIRC a en réserve environ 19 MMd€, dont 10,5 pour le long et moyen terme (LMT) et 8,4 pour le fonds de roulement. L’ARRCO versant environ 32 MMd€ de pensions, ses réserves couvrent à peu près 22 mois de dépenses ; pour l’AGIRC, qui débourse environ 17 MMd€ en pensions, on est plus près d’une année de réserves. Les portefeuilles correspondant au LMT, investis à peu près pour 30 % en actions et 70 % en obligations et titres semblables, ont évidemment pâti de la chute des bourses, et leur valeur de marché est à ce jour quelque peu inférieure aux chiffres au 31 décembre 2007 mentionnés ci-dessus. La gestion de ces importants placements n’est pas centralisée ; chacune des “institutions” (elles sont quelques dizaines) qui adhèrent aux deux régimes complémentaires des salariés du privé gère son propre portefeuille. Certes, ces institutions reçoivent des consignes en provenance des instances dirigeantes des régimes, et subissent un contrôle de leur part, mais il reste que les actifs sont répartis entre plusieurs dizaines de portefeuilles. 1. Les organismes publics réduisent l’ampleur des fluctuations économiques en dépensant plus (ou en évitant de dépenser moins) en cas de dépression, et en limitant leurs dépenses en cas de surchauffe. La protection sociale a normalement un effet stabilisateur : quand l’économie chute, elle la soutient en distribuant des revenus au delà de ses recettes, et quand l’activité caracole, elle la tempère en récoltant plus d’argent qu’elle n’en verse, ce qui lui permet de rembourser ses emprunts ou de reconstituer ses réserves. Cet effet se produit automatiquement, sauf si les pouvoirs publics profitent des périodes fastes pour accroître les dépenses sociales, au lieu de laisser les organismes sociaux assainir leur situation financière, se préparant ainsi à affronter les années de vaches maigres qui finissent toujours par succéder aux vaches grasses. Des réserves suffisantes pour “lisser” les fluctuations conjoncturelles L’ARRCO et l’AGIRC, à la différence de purs régimes par capitalisation, ne pourraient pas tenir leurs engagements si elles se mettaient en extinction, cessant d’encaisser de nouvelles cotisations, et donc de distribuer de nouveaux points aux adhérents. Dans ce sens, ce sont bien des régimes par répartition. En revanche, leurs portefeuilles leur permettraient parfaitement, sans augmenter les taux de cotisation, de maintenir la distribution pendant une, deux ou trois années de vaches maigres, en puisant dans leurs réserves. Cette ponction pourrait être concentrée sur les fonds de roulement et les obligations, pour éviter de vendre des actions à un moment peu opportun. Agir de la sorte suppose que ces régimes ne se laissent pas contaminer par la conception rigide et formaliste des ratios de solvabilité qui a joué un rôle si désastreux durant la crise financière. Pourquoi constituer et entretenir des réserves confortables lorsque la conjoncture est favorable, si ce n’est pour avoir les moyens de traverser les zones de turbulence en protégeant ses adhérents, c’està-dire en maintenant leurs revenus, sans mettre la pression sur les cotisants ? Il existe deux erreurs de gestion aux conséquences dramatiques : ne pas remplir ses citernes quand il pleut, et refuser d’en extraire la moindre goutte d’eau aux époques de grande sécheresse. La répartition provisionnée a sur la répartition pure un sérieux avantage si les gestionnaires du régime comprennent qu’il faut se comporter en fourmi quand tout va bien, afin d’être à même de puiser dans ses réserves « quand la bise fut venue ». Aujourd’hui la bise souffle. L’ARRCO et l’AGIRC peuvent regretter de ne pas avoir épargné davantage à l’époque où cela eût été facile : qu’elles en tirent des leçons pour le jour où la croissance sera de nouveau là, mais qu’en attendant elles ne se crispent pas sur leur cassette ! ■ Jacques BICHOT Economiste, professeur émérite à l’Université Lyon 3 R.F.C. 420 Avril 2009 27