Les Affranchis

Transcription

Les Affranchis
– DE RETOUR AU CINÉMA LE 20 AOÛT 2008 –
–
LES AFFRANCHIS –
GOODFELLAS | 1990
Réalisation
Martin Scorsese
Scénario
Nicholas Pileggi, Martin Scorsese (d’après le livre de Nicholas Pileggi Wiseguy )
Photographie
Michael Ballhaus (Technicolor)
Supervision artistique
Kristi Zea
Direction artistique
Maher Ahmad
Décors
Les Bloom
Montage
Thelma Schoonmaker, James Kwei
Format 1:85 | Durée 146 mn | Visa 74397
Avec
Robert De Niro (James Conway), Ray Liotta (Henry Hill), Joe Pesci (Tommy DeVito), Lorraine Bracco
(Karen Hill), Paul Sorvino (Paul Cicero), Frank Sivero (Frankie Carbone), Tony Darrow (Sonny Bunz), Mike
Starr (Frenchy), Frank Vincent (Billy Batts)
Synopsis
Depuis sa plus tendre enfance, Henry Hill, né d'un père irlandais et d'une mère sicilienne, veut devenir gangster et
appartenir à la Mafia. Adolescent dans les années cinquante, il commence par travailler pour le compte de Paul Cicero et
voue une grande admiration pour Jimmy Conway, qui a fait du détournement de camions sa grande spécialité. Lucide et
ambitieux, il contribue au casse des entrepôts de l'aéroport d'Idlewild et épouse Karen, une jeune Juive qu'il trompe
régulièrement. Mais son implication dans le trafic de drogue le fera plonger...
–
LE FILM
–
« C’était très important pour moi de ne pas raconter la énième histoire de gangsters, racontera Scorsese. Il y a déjà eu tellement de bons films de ce genre ces derniers
temps. Le Parrain a déjà été fait et bien fait, quel intérêt d’en faire un autre ? La seule raison de réaliser ce film était de montrer le plus honnêtement possible et avec
beaucoup de détails une sorte de documentaire sur la vie quotidienne de ces gangsters. » Loin de considérer le personnage principal du film comme un homme hors de commun,
un de ces gangsters souvent décrits par le cinéma hollywoodien, de Scarface à La chute d’un caïd, de Bonnie and Clyde à Baby Face Nelson, Scorsese s’attache au contraire en
permanence à recréer autour du personnage de Henry tout le petit monde de la mafia. Henry, Jimmy et Tommy vont ainsi dîner chez la mère de ce dernier qui leur prépare un
bon repas rapide – elle est campée par la propre mère de Scorsese – alors même que leur victime, Billy, est en train d’agoniser dans le coffre de la voiture qu’ils viennent de
garer.
« Ce qui m’a le plus fasciné, reconnaît Scorsese, ce sont les détails de la vie de tous les jours. Ce que les « affranchis » mangent, comment ils s’habillent, les boîtes de nuit
où ils vont, le style de leurs maisons et comment, autour d’eux, la vie s’organise, jour après jour, minute après minute. Leurs femmes, leurs enfants. » A ce titre, l’une des scènes
les plus superbes du film est le moment où Henry, suivi par la caméra, passe avec Karen par l’entrée de service, distribuant de larges pourboires, traverse les cuisines, salue les
uns et les autres et pénètre avec celle qu’il tient à séduire dans la salle proprement dite où on dresse une table pour eux au premier rang, devant la scène.
Tout aussi représentative est la séquence qui suit le mariage, Karen étant présentée à tous les membres, hommes et femmes de la « famille ». Elle constate avec surprise :
« La plupart s’appelaient Peter ou Paul. Il devait y avoir deux douzaines de Peter et de Paul au mariage, et ils avaient tous appelé leur fille Marie. » Ensuite, chacun remet en
cadeau de mariage à Henry et Karen des petits paquets de billets. Karen part après cette distribution danser avec Henry et s’inquiète soudain du sac contenant tous ces
cadeaux. Henry lui répond, non sans humour : « Ne t’inquiète pas à ce propos, personne ne le volera ici ! ».
Quelques séquences plus tôt, Henry avait lui-même présenté au spectateur les habitués et les consommateurs de chez Sonny, de Freddy No Nose à Jimmy Two Times. « Pour
nous, disait Henry, vivre d’une autre manière était idiot. Pour nous, ceux qui travaillent pour des paies minables et prenaient le métro tous les jours et se faisaient du souci à
propos de leurs factures étaient morts. Je veux dire qu’ils étaient des crétins. Si nous voulions quelque chose, nous le prenions. Si quelqu’un se plaignait deux fois, il était
tellement démoli que –croyez-moi- il ne se plaindrait plus jamais. C’était juste la routine. »
Non sans humour, Scorsese a comparé sa propre ambition à celle de Henry : « Henry dit que, d’autant qu’il puisse se souvenir, il a toujours voulu être un gangster. A partir
du moment où j’ai été à l’école de cinéma de l’université de New York, j’ai su que je voulais être un metteur en scène. En un an, j’avais planifié mon premier film. »
Parallèlement aux scènes montrant chez eux les membres de la mafia, des réunions chez Paulie au mariage de Henry, Scorsese compose quelques inoubliables séquences de
violence. C’est le moment où Henry va corriger son voisin en le frappant du plat de la main sur le nez jusqu’à lui mettre ce dernier en sang. C’est plus tard la séquence où
Johnny tire dans le pied du serveur Spider qu’il juge insolent avant de l’abattre en lui tirant dessus. On comprend dès lors que Johnny, superbement campé par Joe Pesci, est un
véritable psychopathe, aussi dangereux pour ses amis que pour ses ennemis. La mort de Blly Batts, dont il est responsable, est d’ailleurs l’une des raisons des drames futurs car
la victime était elle-même un homme bénéficiant de la protection de la « famille ».
On se souvient ainsi de Paulie disant à Henry « We’re not animals » en l’incitant à reprendre la vie commune avec Karen et de la magnifique séquence dans laquelle on
voit Paulie, Johnny et Vinnie faire la cuisine à la prison de Lewisburg comme s’ils étaient encore dans leur quartier de Little Italy où, là, ce serait sans doute leur épouse qui la
ferait.
Il faut aussi avoir vu le geste de Lorraine Bracco enfouissant dans sa petite culotte son pistolet pour l’y cacher aux yeux des policiers…
À l’image même de la réalisation, l’interprétation est constamment parfaite, de Ray Liotta dans son plus beau rôle à Lorraine Bracco qui était alors l’épouse de Harvey
Keitel, de Joe Pesci à Paul Sorvino, parrain aussi bonhomme que potentiellement redoutable, sans oublier une vaste galerie d’acteurs de second plan. Rappelons enfin pour les
amateurs de curiosités que, selon Jim Sangter, le mot « fuck » et ses dérivés sont utilisés deux cent quarante fois dans le film.
Patrick Brion, Martin Scorsese, 2004, Editions de la Martinière.
Œuvre majeure dans la filmographie de Scorsese. Il aime, on le sait, décrire l’Amérique des perdants, des paumés qui s’accrochent à un espoir dérisoire ou n’ont comme
modèles que d’autres marginaux san scrupules qui étalent une réussite immorale. Comme bien de ses héros, le jeune Henry Hill rêve d’égaler les gangsters qu’il côtoie. Du
Scarface de Hawks au Démon des armes, de Joseph Lewis, Scorsese puise son inspiration aux sources mythiques du film noir, pour en conserver les aspects les plus pessimistes et
les plus violents. Le scénario, limpide et rigoureux, et la mise en scène, superbement maîtrisée, entraînent les protagonistes dans la spirale implacable de la bêtise dangereuse et
de la paranoïa absolus, vers le néant moral et l’absence totale de rachat.
Gérard Camy, Télérama.
Servi par une interprétation irréprochable, le film de Scorsese est fort, violent dans la réalité de son univers, tragi-comique par la noirceur de l’humour dont il fait preuve
à chaque situation. Maîtrisé du début à la fin, on a ici un film qui rejoint le cercle restreint des œuvres qui font référence.
Laurent Baulaud, Dictionnaire du cinéma (Dir. Jean Tulard), Editions Robert Laffont.
Peut-être le chef-d’œuvre de Martin Scorsese à ce jour ; cette stupéfiante plongée dans un maelström d’agitation hyperactive et de violence insane est son film le plus
survolté – malgré la révulsion que peuvent inspirer certains personnages, certaines actions représentées – le plus euphorisant.
Bertrand Tavernier, Jean-Pierre Coursodon, 50 ans de cinéma américain, Editions Omnibus, 1995.
–
MARTIN SCORSESE
–
Comment dire le choc que nous fûmes quelques-uns à ressentir, en mai 1974, à la première vision de Mean Streets ? à la première rencontre avec Martin Scorsese ? Le mot
« passion » – au sens le plus fort, liturgique, du terme – s’est tout de suite imposé pour cet écorché vif qui confiat à la pellicule ses hantises fondamentales : la violence et la
souffrance, le péché et la mort. Comme si son salut en dépendait. Comme si chaque film pouvait être un rite de conjuration. Mystique à l’état sauvage, il nous livrait ses
vertiges et ses illuminations avec l’assurance péremptoire d’un jeun Rimbaud. Son avènement ne pouvait se comparer qu’à celui d’un Jean Vigo. Mean Streets était son Zéro de
conduite et son Atalante. Le livre de bord d’un nouveau bateau ivre, à la fois chronique et requiem, tranche de vie et opéra fantasmagorique.
Michael Henry Wilson, Entretiens avec Martin Scorsese, Editions Cahiers du Cinéma/Centre Pompidou, 2005.
L’intensité de l’amour du cinéma – comme toute passion – peut devenir douloureuse. Périodiquement (ainsi après l’échec de New York, New York ou le fiasco du projet
The Last Temptation pour Paramount) Scorsese songe à tout abandonner – du moins l’affirme-t-il. A plusieurs reprises, il a cru qu’un film allait être son dernier. Il déclare à
propose de Raging Bull : « J’ai mis tout ce que je savais, tout ce que je ressentais dans ce film. Je pensais que ce serait la fin de ma carrière. C’est ce que j’appelle le cinéma à
la kamikaze : mettre le paquet, puis tout oublier et trouver un autre mode de vie. » Scorsese est peut-être aussi sincère quand il tient de tels propos que lorqu’il affirme,
contradictoirement : « Je mourrai derrière une caméra. » L’oscillation n’est-elle pas un des principes fondamentaux qui gouvernent sa vie et son œuvre – qu’il s’agisse
d’oscillation entre le doute et la foi, Hollywood et New York ou le documentaire et la fiction ? C’est du va-et-vient entre ces opposés et de la tension qui en résulte que le
cinéma de Scorsese tire une bonne partie de sa stupéfiante énergie. C’est que Scorsese, en cela, comme par bien d’autres traits – sensibilité baudelairienne – embrasse
toujours la double postulation énoncée par le poète.
Bertrand Tavernier, Jean-Pierre Coursodon, 50 ans de cinéma américain, Edtions Nathan, 1991.
Là où le destin est indéchiffrable et trouble, la faute peut, dans un déchirement violent, tracer la voie d’une aventure unique où le sujet prend conscience de lui-même en
essayant désespérément d’échapper à ce qui le lui a permis. Les personnages de Scorsese sont empêtrés dans ce paradoxe au cœur duquel ils se débattent sous l’œil d’une
caméra qui n’en finit jamais de voir et dont le regard ne pacifie aucun des conflits qu’elle révèle. Chacun d’entre eux semble surgir d’un univers passablement glauque, dont il
ne se distingue pas et où recherche passionnément la limite, là où la trangression traverse le prisme d’une réalité opaque pour y inscrire, sous les couleurs rouge et or du péché,
la vie de chair et de sang. La limite les guide comme le seul point d’où leur vie s’anime et sort d’une nuit poisseuse dans laquelle ils peuvent à chaque instant sombrer. La nuit
les précéde et les suit. Et s’arracher de son ombre est une tâche atroce, dont nul ne sort vainqueur. Car, sous le poids de la faute, nul n’échappe, si ce n’est dans l’instant
fulgurant qui précède la sanction en déchirant le ciel d’un blasphème éclatant.
L’œuvre de Scorsese a la vertu ascétique des actes de foi, indissociables de son credo, fidèle a ses valeurs étroites et déterminées jusque dans le souci de dénoncer sa propre
malhonnêteté, quand la facilité l’emporte, non pas malgré lui, mais avec lui, dans la pleine consciense se trahir lui-même. […]. Dans la poétique de Scorsese, le cinéma exclut
toute forme d’innocence. Il est à la fois le paradis perdu et le pays du péché originel. Il est l’école du crime, tout entier versé du côté de la transgression. Le récit ne paraît
jamais tout à fait capable de maîtriser les passions qu’il déchaîne, comme si l’entrée dans la fiction conduisait à une dépossession complète des armes du narrateur, mené par le
sens au-delà de ce qu’il aurait souhaité dire. […].
L’ascèse de Scorsese est bien profondément imbriquée dans celle de Robert de Niro, dont le jeu est passion, souffrance et transiguration. Infiniment éloigné de l’Actor’s
Studio et de tous les fondements psychologiques du revivre, le rôle est pour lui l’enjeu d’une aventure unique dans laquelle il s’engage tout entier, conscient d’y parier son
identité et de devoir ressortir de l’épreuve transformé. D’un rôle à l’autre, De Niro se ressemble si peu que l’on se demande parfois s’il s’agit bien du même acteur. Mais
changer ne lui suffit pas, car il n’est pas un acteur de composition exhibant les attributs du rôle comme la panoplie de l’ajustement psychologique. Il lui faut mourir et renaître,
c’est-à-dire se renier, s’absenter complétment de lui-même pour entrer dans la peau de celui dont l’image va fonder l’altérité jusqu’à la limite qui, par le jeu, le conduira à
s’absenter pour une nouvelle épreuve. Avec Scorsese, cette aventure singulière prend tout son sens et fonde, dans la continuité de l’oeuvre du metteur en scène, une autre
continuité, qui ne s’y résume pas, mais en relance, de l’intérieur, la nécessité.
Olivier-René Veillon, Le cinéma américain, les années quatre-vingt, Editions Du Seuil, 1988.
Filmographie
1969 : Who's that knocking at my door ? | 1973 : Bertha Boxcar (Boxcar Bertha) | 1973 : Mean Streets | 1974 : Alice n'est plus ici (Alice Doesn't Live Here Anymore) | 1976 : Taxi Driver, (Palme d'or au
festival de Cannes) | 1977 : New York, New York | 1978 : La Dernière valse (The Last Waltz) | 1978 : American Boy : A profile of Steven Prince | 1980 : Raging Bull | 1983 : La Valse des pantins (The King of
Comedy) | 1985 : After Hours | 1986 : La Couleur de l'argent (The Color of Money) | 1988 : La Dernière Tentation du Christ (The Last Temptation of Christ) | 1989 : New York Stories (segment "Life Lessons")
| 1990 : Les Affranchis (Goodfellas) | 1991 : Les Nerfs à vif (Cape Fear) | 1993 : Le Temps de l'innocence (The Age of Innocence) | 1995 : Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain (A
Personal Journey with Martin Scorsese through American Movies) | 1995 : Casino | 1997 : Kundun | 1999 : Il dolce cinema - prima partie | 1999 : À tombeau ouvert (Bringing Out the Dead) | 2002 : Gangs of
New York | 2003 : Feel Like Going Home (2003), Série Martin Scorsese Presents the Blues - A Musical Journey | 2003 : Mon voyage en Italie (My Voyage to Italy) | 2003 : Aviator (The Aviator) | 2005 : No
Direction Home : Bob Dylan (2005), documentaire2006 : Les Infiltrés (The Departed)2008 : Shine a Light | 2008 : The Rise of Theodore Roosevelt (annoncé) |2008 : Silence (annoncé)
› DISTRIBUTION Théâtre du temple 4 rue Lanneau 75005 Paris 01.43.26.70.40 | [email protected]

Documents pareils