Mercier, Louis-Sébastien (1740-1814). Timon d`Athènes, en 5 actes

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Mercier, Louis-Sébastien (1740-1814). Timon d`Athènes, en 5 actes
Mercier, Louis-Sébastien (1740-1814). Timon d'Athènes, en 5 actes, en prose, imitation de Shakespeare, par L.-S. Mercier,....
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E N
#
I
N
Q
ACTES.
Ï5 N
CINQ
ACTES
EN
Imitation
de
L. S.
PAR
A
De l'imprimerie
Shakespeare.
MERCIER.
PARIS.
de THÉODORE
rue du Bacq,
L'an
PROSE,
GÉRARD
N° j.|g.
3.<mc de la République.
%
P
R
JE
JF
A
C
E,
situation
trouvé «ans une affligeante
a
de
la
suite
une
tyrannie*,
qui
pesé sur
d'esprit,
par
ses mandataires
les
îa France entière,
en opprimant
et les plus Jk'.èles. Réduit
plus purs, les plus courageux,
à wnô inaction forcée, j'eus recours à'mon auteur favori,
dont je recommençai
la lecture; ainsi j'éprouvai la vérité
de ce qu'avait dit Ciccron , mie les belles Ici/tes nous
au fort de nos adversité*,
h K
consolent
puissamment
m'oOrit une
TIMON
D'AÏ U EN US de Shahespiare
XvX
ÉTANT
foule d'idées et de stntirncns
analogues aux miens, et
jo résolus fidèle à l'art que j'ai toujours chéri, défaite
passer cette pièce sur la scène française. On sr.it com~
bien il est difficile d'assujettir Shakespeare à nos relies
théâtrales , et sur-tout au goût sévère d'un'auditoire
ce que j'ai taché de faire j
parisien. C'est cependant
traduction : j'ai composé
je ne me suis servi d'aucune
et dialogué à ma manière, d après le module que j'avais
choisi. Si l'on trouve
dans mon imitation
quelques
ressemblances
avec le Dissipateur,
c'est que Destau*
çhes avait puisé dans le Poète anglais plusieurs intentions dramatiques,
et comme la langue au&hisc ét.ic
alors presqu'iucounuè
aux ^cus de lettres, Utstouïhcs
n'en avait rien dit.
Timon
hommes.
d'Athènes
était
Ah! si quelqu'un
surnommé
avait.le
le
haïsseur
droit «dlïcux
des
de les
jj
PRÉFACE,
haïr, ce serait peut-être ceîni qui aurait vécu en France
depuis 18 mois, au milieu de tant de scènes de démence
et de fureurs, L'histoire en est si effroyable que si l'oji
ne se hâte d'en rassembler
les témoignages , on la
prendra dans dans cens ans pour un roman calomnieux
de la nature humaine* Baissons la tète d'avance,
eu
et d'humiliation
devant les «races
signe de repentir
futures ! Des hommes de. sang [ t ] et de ténèbres au
nom de la République une et indivisible, [ comme jadis
Jes Théologiens
au nom de la Sainte Trinité, ] Ont
la sainte coléie d'un grand peuple, en
métamorphosé
ont corrompu
fois ,
tout-à-la
rentable
canibalisme,
les lois, la langue et la morale; ont cons1,1 politique,
piré contre toute espèce de falens, ont proscrit jusqu'aux
modération ; [ s ] ont transmots sagesse, humanité,
formé enfui la sublime insnrection du 14. Juillet en s Sep»
tembre , en 31 Mai : car ces journées là sont absolument les mêmes, Où trouver dans les annales du monde
désastreuses p la légisdes époques plus lamentablement
lation viciée p^r ces organes impurs, e<t devenue IVffn»»
et l'horreur de l'curopc: et qu'ont opéré toutes ces loix
[ 1 J Us «'étaient guerci plus de* trento dans l'origine.
f t ] Qui fout pensé qu'on ferait «lu terme modéré une
injure accréditée. Il n'est que trop vrai cependant que le sang
«ppelie le t:ntg ; et que In politique qui OOUMÎIOà le répandre, *cia toujours une politique mspirCe par le crime et oiçléo
par dos scélérats.
PRÉFACE.
draconiennes
puissances
les trônes
iij
et qui
ennemie*?
semblent avoir été dictées par le*
eiies n'ont servi qu'à consolider*
qu'à protéger la cau-e uc-s rois, qu'à
voisins,
reculer pour des sièeles peut-être \i hb.eré européenne,
le nom Franc n';, si enfin la pinie
qu'à déshonorer
gaine de la Nation ne sc'fut .luVéc de signaler et tic*
proscrite les assassins de la Patrie. [ i j
Des holocaustes
humains devant la statue de la liberté.'
la République
et le crime! Monstres, et que ne redressiez-Yous plutôt IMole de Molvcfi Qt c<!îe de IVmVeJîX
'fhcutathcsïLa
disparate eut été moins épouvantable.
de Mablyi
rpvèï les ouvrages de Icuélon,
de Condjrcst,
do Rousseau
de Voltaire, D'hclvctius,
et de tant d'autres puhlicistc» humain?, a t'oti pu prêtée
l'oreille à la doctrine d'un Robespierre [ Q ] qui voulut
Comment
faire de sa politique une religion , et ériger en dogmes
ses conceptions
barbares ; environné
de ses jaunis*
i! ne sut qu'émettre
siires Jacobins,
des équivoques
f i j Ils parlaient ouvertement do la distraction do !.*i
moitié des linoitans do la Franco, pourrit quo l'autre fut l;!<-t\'.
C t 3 Ce tyran sombre»»'|ait d'ailleurs l'ignorance per^int'àéc»
L'ignorance produit la cruauli', et îa annal.» r.-ptwîrit î'i-,!;? >;!c\
Les esprit* IJOHI'Ssont toujours pris «le tomber dan? le*f?:?iv;n"S,
il n'est presque point de sec-!'rat* qui n'ait do s^i nu* i ï *et
supérieure. Tel «tait le Même dictateur , qui , pair j^stî.ic-i.*
PRÉFACE,
îv
rêvo~
liberté, égalité,
c'était là tout votre
lution ; Jongleurs
ensanglantés!
secret, et c'est ainsi que vous avez commandé et exécuté
à la fois tant de massacres inutiles, même aux progrès
éternelles
sur les mots peuple,
de vos absurdes
Ouand
systèmes.
on a vu cette f ;ule de Hérons
législateurs ,
[ et qui n'avaient cependant
point de trottes à pcrdie
ni à défendre. ] Cette phalange de bourreaux obéissans,
ces horribles violations du droit naturel,
civil et poli»
tique, il faut bien aimer les hommes pour les aimer
encore. Je me sens quelques fois soulagé du tourment
de ma sensibilité,
en pensant que le ciel nous doit un
Tacite, qu'il nous l'accordera , sans doute, qu'il naîtra*
qu'il est né peut-être,
qu'il prend la plume, qu'il peinc'est un Jiujfon
dra, mais que dis-je un Tacite,non,
qui doit nous décrire les penchans de ces lèaijlatcurs
qui portent néanmoins la figure humaine; leurs caractères n'appartiennent
qu'à l'histoire naturelle.
Les murs qui m'environnaient,
les murs de ma prison
l'énormité de ses crimes , imagina un jour d'en rendre respousalde l'Etre suprême. Voici quatre vers que l'on a composés
sous son règne,
Des cieax et de la terre, inclélrônable roî j
Nous «s tu retiré la faveur pnlvrucHc ;
L'homme n'aura-t-il pins que la rage pour loi ?
Ne doit-il plus mourir de aa mort naturelle? GAAA,
PRÉFACE,
v
ils m'ont caché, dérobé
.«Vont du moins été favorables,
le spectacle des plus grands forfait?, mêlés aux plus
les villes détruites comme les
hautes extravagances;
à conet ce qui est non moins douloureux
individus,
templer, la stupeur universelle d'un grand peuple armé,
et cependant
percé de mille coups, à qui on avait dit;
Courbez votre tète sous le joug de la terreur,
il n'y a
et qui hélas ! avait courbé silenplus de justice,
cieusement
la tête.
On pense bien qu'affecté de telles idées, le comique
de ma pièce aura du s'en ressentir. Combien il en coûte
! heureusement
à la douce philantropie
pour renoncer
mais j'avoue qu'il y a
que je n'y suis pas parvenu,
de la faiblesse, de
quelque danger a souffrir long-temps
et que les
des hommes,
l'injustice et de la méchanceté
misérable» qui n'ont aucune vertu, nous exposent au
malheur
réel
de perdre
enfin
la nôtre.
P B H S O N N A G E S,
TIMON, ( Grarul Seigneur dÂtluV.es. )
LUCIDES,
j
\ Sénateurs,faux
amis de Timon,
LUCimME,
SEMPHRONIUE , }
AUTRES^FNATF.UBS.
FI.AVII)JAS, Intendant de Timon,
A MAKI LIA, Maîtresse de Timon.
Ai-CIWADK, Gt'.dral Mîimn.
) ",
T1MANPKA,
> Courttsannes,
PHRYNiA,
)
AVÉMENTÉS , Philosophe Cini^ae,
BRUTKMON ,
)
'
.
> Esclaves des créanciers de Ttmoi
KICOMKDOCLK , )
SPONPKAS , versificateur,
PtCTOMANE, Peintre,
J/.frRClPE,
-J
f r ,
.
. -.
EUPRHÊME,
Créanciers de Timon,
>
,,nr...-.«
"NOMMAS ,
(
CfRClDlvS ,
J
AcrRfs CRÉANCIERS.
MYRPHON,
\ Esclaves de Timon,
PÉMOCEDE,
)
Vs Vjrtff.ARD Athénien,
PÉPUTÊSdu sénat d'Athènes.
Un Enfant tous la fi^uro de Cnpidoa,
Pc* N; ai plies.
.VAI.TIPKS, maître de danse.
Pis Musiciens.
P« Soldai».
ACTE
PREMIER,
Le Théâtre représente un vaste sallon magnifiquement
ornés de guirlandes
décorer Des lustres
pendent
nombre de sièges, très ridu plafond.
Un grand
d'une longue table qui occupe
ches, placés autour
derrière laquelle , s'élève un
le fond du Théâtre,
fauteuil couvert d'un Dais, La table est garnie d$
dont les Athéniens se ser~
tous /es meubles précieux
Deux portes dans h
voient dans leurs banquets.
à l'appartement
de
fond de la scène communiquent
Timon. Deux autres sur chaque côté , en indiquent la sortie.
S C E NE
PREMIERE.
A p i ME NT è s
seul.
.( Ç< Cinique entre seul, vêtu d'une ttaffè grossière:
Les reins ceints a*une large ceinture de cuir ,• la te té
• couverte d'un bonnet de peitu d'Ours ; les
jambes nues j
les pieds dans des sandales ; un bâton noueux a la
main. Il considère quelque tems, d'un air hagard, ta
uugiufance du sation , et dit ensuite avec le ion d'un*
humeur brutale.
O
\y
que
UEI.$ apprêt* somptueusement
ridicules ! .....
de richesses corruptrices
étalées avec une folle
A
a
TIMOND'
ATHÈNES,
profusion ! ,.,. et pour qui P ils ne tarderont point à
venir tous ces flatteurs iampai»s aux pieds de Km*
idole : ces artistes qui prostituent letus talcns : ers négoliius qui vendraient
leur âme avec leurs brillantes et
futiles marchandises;
ces magistrats qui, sous la robe
cachent i'ame cupide du plus infâme ususénatoriale,
de Timon ,
rier. Voilà pointant ceux que l'opulence
accueille , dans son imbécile
comme
on
crédulité,
accueillerait
des amis, s'il y en avait encore dans ce
tandis qu'il avale leur fade encens comme
siècle, .,,,.
ces adroits escrocs empochent
une liqueur spiritucuse,
son or, et s'emparent
// se
légalement de ses biens,,,
promène en silence. ., J'ai Go ans. Je ne me souviens
pas d'avoir jamais rij mais je lirai pour la première
lois de ma vie, quand je verrai Timon,
n'a.oir plus
pour io^ement que le tonneau de Diogène ; pour nouret pour couche
riture , que les racines de Pvthagore,
en silence,,,
que le fumier d'Irus., , // se promène
Ca éallon n'est à mes yeux qu'une ménagerie , où un
orgueilleux propriétaire entretient avec fa-te des renards
des
rusés, des singes grimaciers , des chats hypocrites,
serpens tortueux qui l'enlacent et le pressent pour sueçer jusqu'à la dernière goûte de sa substance. ...» Mais
n'emens-je pas ? ,,. Oui, vo;là la foule qui sVv:mce.
s «lion ,
dans ce magnifique
Ce torrent va déborder
et dans leurs basses fl itterieseuconsi-r celui qu'ils feignent
AUom Apémeiués
:
de regarder comme la Divinité.
voici un de tes plus beaux jours ! jouis du seul plaisir dont ton âme soit susceptible , celui de montrer
ne voit que les
à nud des hommes dont Timon
manques.
Il va s'asseoir sur la marche d'une des portes. Il s'appuy$
, fur son bdton, après s'être enveloppé de son manteau*
DRAME,
SCENE
3
U,
Pï C T O M A N E ,
SpOKOÉAS,APKMENTÈS,
F. , S K M p H Q N j D E , et
IUCULIM
LUCIDES,
d'auties personnages
de différons états.
Ils descendent les Marches des portes du sallon, se recon*
naissent,
s'asseyent ou se promènent et forment entre
eux une pantomine
au fond du Théâtre , tandis que^
Spondéas et Pictomane occupent le bord de la Scène;
P i c T o M A N E un tableau sous le bras.
Salut a Spondéas,
Il n'y
croire
l'Homère
de nos jours!
A P É M E N T È S.
croit pas j mais l'autre
est assez vain
pour
y
S P ONr>K AS à Pictomane.
Salut à Pictomane
, le modèle des peintres
la vie aux héros.
lui, qui redonne
A P É M E N TES.
La Grèce est bien
que de ta façon.
à plaindre,
de Grèce,
si elle n'a des tableaux
SPONDÉAS.
Courage Apémentès ! tu n'imites pas mal l'Ours qui,
à l'entrée de sa tanière fait la grimace aux passaus.
'^
APÉME
NTÈ'S.
Sans
les fades
panégyriques
, tu n'aurais"
A
point
2,
ici
TIMON
4
D'ATHÈNES,
Vous le
d'auberge ni de place dans le char de Timon....
fuiriez s'il était pauvre,
comme je vous fuirais si j'étais Timon.
PICTOMANE.
à Spondéas.
Laissons le....
Quand votre Poème
l'univers l'attend...
jour?
parait-il au grand
SPONDÉAS.
Quand
Et votre
on chérit
tableau?
. Vous
la perfection...
entendez;
PICTOMANE.
Il n'est pas fini.
SPONDÉAS.
Difficile à vous même;
admirable.
ce
que j'en
ai vu me paraît
PICTOMANE.
qui vise à l'immortalité
Le peintre
prenez. ...
com-
Vous
SPONDÉAS.
Oui, nous sommes peut-être les seuls qui travaillons
réellement pour les races futures, en véritables amans
de la postérité....
APÉMENTÊS,
Oh I combien
elle sera ingrate
à part.
cette
-
postérité...
PICTOMANE,
lt noui
poursuit
s'éloignant,
ce cynique. . .
.
;.
DRAME.
SPONDÉAS.
Je ne m'arrête
mon
point aux petits détails.;.,
burin toujours
audacieux se donne carrière sur la cire
de mes tablettes......
Ma veine et intarissable , et ma
verve qui, comme l'aigle prend l'essor, vole et s'élève
sans laisser d'autres traces.....
toujours
PICTOMANE.
Que le dépit
des rivaux....
C'est l'encens
du génie.
SPONDÉAS.
Ah ! Vous
venez
le respirez
aussi à votre
PlCTO
Si tout le monde
tour
Con-
M ANE.
avait vos yeux!
1
SPONDÉAS.
Si tout le monde avait comme
vous l'oreille sensible ! ....
Je vais vous confier, ce que j'ai fait pour T. on.
Mais... et vous Pictomane
, epte cachez vous-là? un secret
Ah! c'est une de ces merveilles qui échappour moi...
pent à votre pinceau.
et part.
Comme ils se caressent,
comme ils s'adulent!
!
la main au plat iis se déchireront
APÉMENTÈS,
P i c T o M A N E , à Spondéas , avec une froideur
Vous voulez voir
encore qu'une faible
d'inspiration....
mais
forcée.
Absolument?
Ce n'eu".
....
ébauche,
que dois uw moment
A3
TIMON
6
D'ATHENES,
vivement.
SPONDÉAS,
Voyons,
voyons. Il me tarde déjà de rendre homle tableau.....
Considérant
Oh ! c'cu bien
mage
là que respire le feu de la Peinture!
....
Vous'n'avez
Oui, j'en jure ici par le i ieu des
pa« votre égal
Arts dont vous êtes l'enfant gâté, je ne sais, dans ce
ce qui vaut le mieux,
de l'ensemble
ou du
tableau,'
détail.
A p É M E N T È s,
brusquement.
l'un que l'autre.
Autant
P i e T o M ANE,
avec un orgueil froid.
ne le croiriez peut être pas? eh bien, je vous
D'un
qu«: j'ai fit cet ouvrage d'un trait....
prot-ste
trait ii ne m'a p;is p!us conté.
Von?
A p K M ENTÉS,
Aussi,
vaut-il
encore
brusquement.
ce qu'il t'a conté.
la foule
S P o N » É A S , montrant
à voix basse, dans
des personnages qui s'entretiennent,
les difjérens endroits du sallon.
ces flnîs d»1 courtisans qui
Vous voyez ce concours,
viennent
inonder choqua jour son paîaîs? moi, ctans
mon Poëmc , j'ai peint cet homme , à qui l'univers
bien mérités. La scène est
pr »f! gue des homm^es
un peu.
vaste - s;ûvtz-moi
PICTOMASE,
Je vous
suis.
demi distrait.
DRAME.
7
SPONDÉAS.
Parti du sommet du Parnasse, pour atteindre celui
mon.oeil découvre dans \U\G immensité
de l'Oiiuipe,
dans
un
eue
l'univers, le généreux
unique
profonde,
Timon, qui, comme le soleil répand aussi ces tayons qui
feitdisent les terreius les plus arides.
1
A P É M E NT É S.
Comme toi et lui par exemple....
devant affamé*. ...
Tous
deux
ci-
S P o N D É A s.
Et dont la bénigne
mon plan ? ...
infl lence....
PICTOMANE,
élistrait
Je ne perds
Embrassés
par
vous
ennui.
pas un mot....
SPONDÉAS,
avec chaleur.
les rangs , tous 'es arts , tons les caractères
graves ou frivoles, sérieux ou bouffons s'empressent
à l'envi do venir déposer aux pieds de Timon,
leurs
divers lalens, et vous voyez tous les jours,
que l'or
qu'il répand, attire dans son Palais, jusqu'à la médiocrité. ... li f un s'y trouver....
Depuis le souple fl «tteur,
dont îe vidage lélléchit ceiui de son protecteur,
jusqu'à
aussi devant
ce farouche Apémeutès
qui. génuflexie
Timon , et dont i'orgueii sauvage ne manque- pas d'une
sortj d'adresi*.
Tous
P 1 C X O M A N E.
Hélas ! oui.
8
TIMON
D'ATHENES,
SPONDÉAS.
ï! faut y rencontrer ces gens étrangers
au Licée, depuis le chansonnier....
au portique,
A P É M E N TÉS, faisant
un mouvement pour se lever
élu seuil de la porte, où il est assis.
menteur • je ne sais qui m'empêche que
Impudent
je ne te fasse courber ton dos servile sous cet instructif bâton....
Toi Poète !... Un futile et éternel arrangeur de mots; va tu n'es qu'un usurpateur de ce beau
litre.
SPOKDÊAF;
Abandonnons
cet homme sans goût; que le génie
a à soufhir
dans ce siècle! Redoublez
d'attention.
J'ai peint dans mon Poëme , un trône exhaucé sur
la cime d'une haute
coliîue....
Vous souriez..,,
Un moment!
lion!...
Sur ce trône resplendissant,
la fortune
est assise. La base de la montagne
est
dans, tous
les
eouveitê
de lalens,
par
étage
autour de l'enceinte
qui se déployent
pour
genres,
xi iiver à la fortune. Au mi'îeii de cette, muhitude
dont
de
tous les regards sont fixés sur \\ souveraineté1 \ ;non',(gne, je représente un personnage sous la"figure
de Timon.. La Déesse, de <a main d'Albâtre, kit signe
Il monte yess le trône. La
r.u personnage
d'avancer.
Dé'.s-e vei',e aussiuH sur lui ses dons les plus précieux, et soudain changé toute la fouie de ses rivaux oii
à ses pieds.
esclaves ont rampent
A V FM E N T k S . à Spondéas.
V -iîà le seul trait de veiité qui se trouve dans ton
et je n'en suis pas surpris; tu en as trouvé
Poëme,
le module dans la bassesse de ton Ame,
DRAME
SPONDÉAS,
c>
e\ Pictomane.
Maintenant....
Sans flatterie,
Là....
Ne trouvez-vous
savez, je la déteste....
génie... ?
PICTOMANE,
car, vou3 le
pas ce trait de
ironiquement.
ce perSublime!..
Oui,ce
trône,cette
montagne,
sonnage qui monte sur la colline , cette Déesse, dont
la m in d'albâtre
je vous le répète, sublime ! prodigieux. ...
A P É M E N T É S.
Oh ! qu'ils sont bien faits l'un pour l'autre....
Tous
deux nés sans jugement;
ilè n'aiment que l'emphase, les
de mépriser ce qui est
grands mots, et ils affectent
ordinaire et tbns la nature.
P I C T O M A N E,
Je ne
Sans vouloir vous aduler....
comment
on s'élève à ce degré....
SPONDÉAS,
conçois
pas ,
dans le ravissement.
Vous voulez parler de l'invent on ; ce n'est rien l'invention ; mais je ne vous ai encore rien dit du style
des vers.... J'avoue que j'estime ceux d'Homère, mais de
L-raudi seigneurs dW.hèues , dont j'ai souvent fait lefois proteste
loge dans mes écrits , m'ont quelque
d.uis leurs fastitis, où ils m'invitaient,
que les miens....
A P j; M EN r È S.
n'a tu pas vu qu'ils étaient
Comment,
et tei d'orgueil ?
ivres de vin.
io
TTM0N
D'ATHÈNES.
On entend des fanfares ; un grand nombre d'esclaves
entrent >it déposent sur la table , des vases , des
des cassolettes pleines fie
corbeilles, des Jlambeaux.
Crc. éic. tous les personnages
se hâtent de
parfums,
se lever, excepté Apémenics, qui dit :
voilà le Soleil à qui, dans le moment
Spondéas,
tu comparais
Timon.
Vois comme sa chaleur fait
remuer ( Il indique les personnages de la Scène. ) tous
ces insectes qui croupissaient
dans la fange....
SCENE
Les mêmes.
TIMON.
III.
Un esclave
de Ventidiaque.
Timon, couvert tle vélemens de la plus grande magnitous ceux qui
air caressant
ficence , salue dun
sont de ce sa lion. Ceux-ci s'inclinent d'un air bassement respectueux. La musique cesse.
TIM
Ce cher Ventidiaque
o N , à l'esclave.
! il est emprisonné
!
L'esclave.
Oui, mon noble Seigneur. Dix talens, forment toute
îa somme de sa dette; mais dans ce moment,
il est
sans la moindre ressource ; ses créanciers sont inexorables. Il ose espérer que votre aminé pour lut voudra
bien s'intéresser
en sa faveur , auprès de ceux qni
ont eu la cruauté de le jetter dans une prison. Sans
il n'a plus d'espoir.
vous, mon généreux seigneur,
DRAME.
TIMON.
Un ami malheureux
ne m'en devient
Il m'aime,je
n'eu doute pas.
L esclave.
ii
que plus cher.
cela , c'est ce dont il me donne cent preuHo!pour
ves par jour. Si vous saviez avec quelle effusion de
coeur il me parle de vous. A part. S'il allait soupçonner que tout ceci n'est qu'une feinte. Haut. D lignez
lui rendre
sa libc té; ce bienfait l'attachera
à A'ous
pour jamais.
donnant une bourse à l'esclave.
TIMON,
Tenez j portez-lui ce faible gage de mon amitié.
/'esclave.
C'est un coeur que vous vous attachez
T i M o N.
pour
jamais.
et nu'il vteiv.ievoir
Qu'il soîtlibre d*m un moment,
lui-même tout le plaisir que j'éprouve. Ku lui rendant ce
qu'il
léger service, je prendrai le moyeu d'empêcher
sort. Ce n'est
ne subisse une seconde fois le'même
pas assez selon moi, de relever l'infortuné qu'un coup
il fuit encore le soutenir
du sort vient de renverser,
après sa chiite, et lui procurer le moyen de n'en plus
faire une semblable.
L'esclave, s inclinant profondément.
Seigneur! croyez que toute sa vie sera consacrée à
la plus vive reconnaissance....
T l M O N*.
!. .. JIÎ l'en dispense. Qu'il
De la îvcconuiîsmice
s'.icquito, qu'il paye , et moi je veux qu'on me di-ive
ni ntre.
de
hàtcz-vous
secourir
votre
partez,
toujours....
TIMON
la.
L'esclave
D'ATHÈNES.
sort. TIMON , s'adressant aux autres personnacontinue.
ges qui l'entourent,
Notre
a fait un chapitre sur les
divin Théophraste
ingrats, il faut qu'il en fasse un sur les bienfaiteurs : sans
doute , il nous prouvera,
et je le sens, mes amis ! que
c'est moins un mérite qu'un devoir, et même un bonheur de l'être.
.Tous les personnages
témoianenf
par leurs gestes ,
Tadmiration qu'ils feignent d avoir pour ce que Timon
vient de dire.
A P É M E N T É s, parodiant
Timon.
Le divin Théophraste a fait un chapitre sur les flatteurs. Il faut qu'il en fasse un sur eeux qui en sont la
Il ne manquera
dupe....
pas , sans doute, de nous
et je le sens, que c'est moins un mérite ,
prouver,
qu'une sotise de l'être.
TIMON,
à Apémentès,
Je vous salue inexorable Apémentès ! les philosophes
combattent contre les vices, ou contre ce qu'il leur plaît
quelque fors de nommer ainsi; s'il était d'usage de
donner à chacun d'eux, comme à nos soldats, un nom
sans qtuirticr.
on appeleiait Apémentès,
caractéristique,
A P. É M E N T K S.
Et Apémentès
nom.
se fera toujurs
gloire
de
mériter
ce
TIMON.
Tu as pris là une humeur
Tu es trop sauv-ige....
ici
!e
bien
Sois
i
l'homme.
sied
ne
cependant
qui
pas
venu.
DRAME.
13
APÉMENTÈS.
Non , je ne veux pas, moi, être le bien venu chez
toi ! je viens pour que tu me chasses ; car je prétens
de toi et de tes courtisans^
me mocquer
aujourd'hui
TIMON.
Je ne sais pas être le maître dans ma maison. Je
t'en conjure,
reste; et que mon diuer me vaille tou
silertce.
APÉMENTÈS.
il m'étouffera avant que je
Je méprise ton diner....
ne te flatte ... O Dieux! qu'elle foule de parasites
Timon , et il ne le voit pas ! je souffre
dévorent
boire le sang
affamées
de voir tant de bouches
d'un seul homme ; et le comble de la folie, c'est qu'il
ne les en caressent que davantage.
TIMON.
On dit, mes amis, que la colère est une courte
est
fureur; mais cet homme ( montrant Apémentès.)
i
.'
toujours en colère....
s inclinant.
^
SPONDÉAS,
Auprès
de vous,
TIMON,
Allons,
je puis tout endurer.
parlant
qu'on lui dresse
a"Apémentès.
une table
pour
lui seul.
TIMON
Î4
D'ATHENES,
S CE
( Les mêmes.
NE
IV.
Un vieillard
Le vieillard
à
Athénien,
)
Timon,
l'autorité
Seigneur! je viens vous supplier d'employer
et vos vertus vous
votre opulence
que votre rang,
dans le sénat, pour qu'il interdise,
sous les
donnent
peines les plus sévères, l'entrée de ma maison à Dulimas.
au vieillard.
TlMON,
Quel
est ce Dulimas
?
Le vieil/are!.
C'est un jeune artiste, dont la fortune Jusqu'à présen*,
le mérite.
Eue ma traité plus
n'a point récompensé
Je suis riche moi, et je ne veux pan
équitablemenf.
le quart d'un
que ce'Dulimas qui n'a pas eu.propriété,
m.< liîîe qui est
talent, veuille malgré moi, épouser
unique, et qui. ...le plus lard que je pourrai cependant,
doit jouir un jour de tout ce que je possède.
AH vieillard.
TIMON,
Ce jeune
artiste
est-il honnête?
Le vieillard.
Oh ! à cet égard, j'en conviens;
l'honnêteté
de ses
moeurs, devrait servir de modèle à tous les gens de
son âge. C'est une justice que je lui rends volontiers,
ainsi qu'aux agrémens
d'une figure qui a «éduit ma
fille; mais que m'importe à moi tout cela? n'est-ce pas
l'argent qui avant tout......
.DRAME.
î$
TIMON.
De la jeunesse! de la figure, du talent et des moeurs....
Votre fille l'aime sans doute?
Le vieillard,
et tout plait à cet âge ; alors on sq
E'ie est jeune,
laisse facilement séduire ; or, c'est à moi d'empêcher
Si elle l'épouse malgré moi, je jure pir le Ciel,
que
que j'irai plutôt chercher un héritier dans la Joule cirante
des mendians,
que de lui laisser mon bien.
TIMON.
Dites-moi : quelle sera la dot de votre
épouse un homme qui lui convienne ?
fille,
si elle
Le vici .'tard.
.mais. ..il faudra bien que je fasse un
Sa dot?.,
effort
Je lui donnerai
cinq talens le jour de ses
noces...
et... tout le reste, il faudra bien aussi qu'il
lui appartienne
un autre jour.
TIMON.
Vous n'avez donc pas d'autres motifs pour refuser
la main de votre fille a cet honnête artiste, à qui elle a
déjà donné son coeur, que le défaut de fortune? hé bien,
je me plais, moi. à venger le mérite des caprices du
coït. Donnez voire fille à Dulîmas. Ce que vous avancerez
pour sa dot, sera la mesure de celle que je donnerai à
son époux. Je tiendrai la balance entre elle et lui.
Le vieillard,
à part.
Je le tiens. Je voulais que ma fille épousât Dulîmas,
mais qu'il fut riche,
!
et il le sera. ( haut. )'Seigneur
i6
TIMON
D'ATHÈNES,
je vois combien vous méritez la réputation d'être l'homme
le plus généreux de la Grèce, et de faire la conquête
votre parole,
de tom les coeurs. Donnez-moi
et je
donne ma jolie enfant à Dulimas.
avec joie.
TIMON,
la voire, et
A^oilà ma main; vieillard, donnez-moi
que leur étreinte soit le garant sacré du serment que
je vous fais de remplir ma promesse ce jour même.
Le vieillard.
La voilà. ..kmaintenant,
il m'en
je vous l'avoue;
coûtait un peu pour séparer ces deux tourtereaux.
Hélas!
depuis quelque tems, ils ne battaient plus que d'une
leurs tendres
aile. Oh ! comme ils vont recommencer
adieu noble Timon!
roucoulements!
je vais trouver
votre intendant. ( Spondéas d'un ton chagrin. ) Toutes
ses paroles sont des dons.
TIMON.
Allez.'('il
unjouailler.
) Voyons...
Le jouailler.
Voici un diamant,
qi»;. ne peut,
le doigt du seigneur Timon.
TIMON.
Ami,
.je veux du rare.. «.
certes,
orner
que
votre bijou a souffert du rabais.
Comment,
Le jouailler.
du rabais?
seigneur?
TIM
Oui, à force d'être
le prix qu'on l'estime,
le prendrai.
ON,
prisé ; si je vous le payais tout
je serais tout à fait ruiné
je
'
SCENE
V
"
DRAME;
SC
EN
E
:
ty
V.
Les mêmes.
SPONDÉAS
à Timon
en lui présentant
des tablettes
de l'astre qui préside à no^re naï«sance>
JLi INFLUENCE
sera-t-elle assez heureuse,
pour que le seigneur Timon
d'un Poème,
que je n'ai
daigne
agréer l'hommage
de plaire à
entrepris,
que dans la glorieuse espérance
au mérite de protéger
les grands
lin homme,
qui,
talertsj joint celui bien plus rare i de savoir les aprécier.
TIMON.
Je vous remercie,
Spondéas ; mais ma reconnaissance
ne se bornera pas à un remerciment
stérile. En attendant que j'aie le loisir de me livrer au plaisir de lire
à la petite fête que je vais
votre ouvrage,
assistez
donner à mes amis. ( Spondéas salue profondément
et
se retire dans le fond du s allô n. )
s adressant
TIMON
Et vous
mon
ami,
que tenez-vous
PICTOMANE,
C'est un tableau,
opulente secourait
à Pictomane.
là ?
s inclinant.
dahs îe quel j'ai feint,
le mérite indigent....
TI M o N,
que la boute
Vous avez, feint!
j'aurai soin que cette fiction
devienne pour vous une réalité. ( A Apemenlès. ) Comment
ttouves-tu
ce portrait,
que je crois reconnaître....
TIMON
i8
.„-!:
D'ATHENES.
APÉ MENTES.
Très bon, car il n'a pas fait de mal lui ! ( Timon
Fais donc aimer la vertu, ne la rends point
souriant.
farouche. ( Apemenlès* ) Il faut qu'elle soit ainsi, et
non autrement,
PICTOMANE
î,e
cynique
animal!
s adressant
à tous les personnages.
Mes amis ! mes dignes amis! qu'il m'est doux de vous
voir ici réunis, pour augmenter le çhaime du banquet!
ci là
( A Saltidès. ) C'est un peu votre faute, vous,
jeune Amarilla dont vous vous étiez chargé de me
chez elle un entretien,
ne s'est p.is rendue
procurer
aux offres que vous m'avez dit lui avoir faite?. Que ne
fe double,
le triple du prix de la comproposieje-vous
plaisance? craigniez-vous d'épuiser ma bourse? et dans
ce cas ne me resterait-il pas celle de mes amis ? je souri*
fois, en pensant,
quelque
que pour être tout à fait
riche, il faudra que je sois ruiné.
. SALTIDKS.
TIMON,
Vous verrez bientôt,
des fautes, j'ai du moins
seigneur, que, si je commets
le talent de les réparer.
saluant
.T IM ON , fait le tour du sallon\
: personnages,
autre,
prenant la main'dun
quelques mots obligeants à un troisième.
TIM
O N ," à
Hé bien, sénateur, la santé?
le conçois; les jours d'orateur,
les discussions bruyantes.
l'un des
adressant
&c. ô*c.
Lucides.
encore .un peu pâte, je
les nuits orageuses...
"*I?
DRAME;
t9
A P É M E N T E S.
Vous le plaignez;
il serait bien fiché de ne pas
vociférer à toit et à travers; ses poumons
font son
ceux qu'il ne peut
il fatigue de paroles
éloquence;
convaincre.
TIMON
, à un autre*
Bon'jour,
grand prêtre; vous, qui avez Créé Jupiter,
eu lui faisant îa grâce de le reconnaître.
A P É M A N T È s.
Grand
que lui,
car nul autre
prêtre! dis grand sacrificateuri
ne chérit d'avantage
l'odeur des victimes.
montrant
TIMON,
Mes amis,
voilà Diogene
ApémentèSi
ressuscité.
APÉMENTÈS.
Soit. Mais aucuns
ma lanterne.
de vous autres,
ne me fera soufflet
T i M o N.
Hé,
que ferais-tu , si tu étais grand
seigneur
?
APÉMENTÈS.
Ce que je fais à présent
de toute mon a me.
j je haïrais un grand seigneur,
TIMON.
Quoi!
toi
même?
APÉMENTÈS.
'diii.
ao
TIMON
D'ATHÈNES,
TIMON.
Pourquoi?
APÉMENTÈS.
Pour
avoir
formé
le sot désir
d'être
un grand
Sei*
gneur.
TIMON.
Apémentès,
pour la seconde
manger avec moi ?
APÉMENTÈS.
Non,
je ue'mange
Je sais que mon
fois,
veux-tu
venir
les grands Seigneurs....
TIMON.
point
banquet
vaut
peu ; mais....
APÉMENTÈS.
Je sais qu'il ne vaut pas une de mes pensées.
S E M P H R O N I D I , ja'tsant
le flatteur.
Athéniens ! nous perdons
ici un tems précieux,
cet
A Apè~
homme
est en tout l'opposé de l'humanité.
mentes. Quoi? sérieusement
tu renonces à la fête que
donne Timon ?
APÉMENTÈS.
Tous mes jours sont des jours de fête, quand je
de vous autres. J'irais là moi, pour
puis me moquer
des fripons , et le vin
y voir les viandes,
gorger
échauffer des insensés ?
Lucunus.
Entrons et prenons notre
C'est un ours intraitable.
moirfans
de
Je
soutiendrai
Timon.
des
part
générosités
DRAME.
toute
la Grèce,
égal au sien.
que
%i
la Bouté
même
n'a pas un coeur
Lu ci us.
Son inépuisable
qui l'environne.
bienfaisance
se répand
L u c u j. h u s.
Il porte l'ame
un mortel.
la plus noble,
sur tout
ce
,
qui jamais
ait inspiré
Lu ci us.
Puisse-t-H
vivre
un siècle dans
TIMON,
la prospérité.
avec modestie.
Mes amis ! épargnez moi des éloges que je mérite
si peu. Songez que je suis bien plus égoïste que vous
à faire piaiâratout
ne croyez,
cherchant
le
puisqu'en
c'est à moi-même
monde,
ijue je cherche à en faire;
Eli ! puis, quelle vertu trouvez vous en moi, quand je
suis un penchant avec lequel je suis né? cessez donc de
faire un mérite à la rose du parfum qu'elle répand,
et
qu'elle ne s'est point donné.
PICTOMANE,
avec emphase.
Athéniens, voilà le sujet du tableau que je veux déposer au lieu le plus apparent du Lycée.
SPONDÉAS.
Athéniens,
écoutez, c'est moi surtout
qui dispense
Ja gloire, celle qui est immortelle.
Mes vers seront
plus durables que la pierre et l'airain ; je grave le nom
du noble Timon,
du temsur la plus haute.colonne
...
ple de l'immortalité.
B ->
%%
TIMON
D'ATHÈNES,
APÉMENTÈS.
Courage! courage, soupîes adulateur» ; dardez tontes
vos flatteries a la fois ; criblez en ce bon et crédule
homme,
qui, dans peu, mais trop tard, sentira vos.
morsures venimeuses,
quand il sortira de la confiance
où il sommeille,
TIM
0 N, avec allégresse.
Mes ami»! vous que mon ceeur appelle de ce nom
sacré, avec un si doux attendrissement
> vous dai\? qui
Allons preje semble jouir d'une nouvelle existence.
nez vos places, et que les plaisirs s'asseyent à vos côtés!
S A L T i D K s, montrant
dit:
le siège le plus décoré du fond,
mettez-vous
à leur tête. Saltidès se
Ycus, Timon,
tournant
ensuit t vc>s le fond du satlon .se frappe dans
la main , ci pendant
on
commence,
qtu- le banquet
entend fcjcècuttpn de quelques Symphonies. Apcniauès
qui s'était levé dans le dialogue précédent, va se t/isseoir
sur la marche dune des paries du satlon, tire de sa.
poche un morceau de pain , un jlacon il eau, et fait
— Tn$on fuit un
son repas dan air farouche,
signe
en se frap*
pour que la musique cesse, et Sattitiïs,
pan! dans la main, la fait çèss'er.'
TIMON,
une coupe à la main.
Allons y-mes*'amis,
que les éan:és que nous allons
ne forment autour de nous, qu'un cerV
nous porier,
C'UÏ tracé par la main da Dieu de la treille et de la
Buvons.
joie....
DRAME.
*3
Des esclaves portent des cruches antiques,
remplissent
les coupes que leur tendent tous les convives,
qui
Vive Timon!...
s'écrient,
qu'il soit honoré et quil
Oit il soit riehe\ et qu'il vive !...
vive !...
Qu'il soit
aimé connue nous l ai nions , et qu'il vive l Tous
tes convives ; à la santé de Timon.
A P E ME K T È s , buvant
un verre d'eau.
Voici pour moi une liqueur dont la faiblesse assure
et amie de U}vcitu,
la saiubre- innocence,,Ivm.pure
tu n'as jamais renversé l'homme dans la fange !(wo/itrant son pain.) Et cet aliment simple, il m'empêche
de perdre
la santé , tandis que l'autre m'interdit
la
son façon,
faculté (montrant
) de perdre la raison.
le» Dieux que l'on oublie dansTappa»
Remercions
festins.
réildes
Les coiîvives, dont on c nfin re de remplir tes couUn bruit confus s^c/eve :
pes, s'échauffent par dêgns.
on n'entend plus que quelques phrases interrompues
par des éclats de rire.
APÉMENT
BS»
Le tumulte qui préside aux banquets fastueux, où
les biens les plus rares do la nature, sont plutôt profanés que sentis, me fera de plus eu plus chéiir li
C'est une fine volupté que la tempérance.
tempérance.
Il se lève, se met à genoux,
et dit; Dieux'.immortels ! je vo:!5 rends grâce* \me seconde, foi* de vos
et sans en désirer de plus grands : je-ne
bienfaits,
vous demande ni dig-thés,
ni richesses; je dédaigne
les unes ^ e? n'ai pas besoin des antres. Âccordoz-moi
seulement
de ne devenir
jamais assez insensé pour
me fier à un homme,
'marne suc son serment;
à i ».
fidélité d'une femme,
marne sur ses larmes, à la ten-
TIMON
«14
D'ATHÈNES,
dresse de ce -qu'on appelle 5des amis, même,
quand
ils auraient besoin de moi, Le crime est pour le riche,
et moi je vis de racines;
mais aussi le pauvre placé
«m bas de la montagne,
à vu plus d'une fois l'opu»
lent du sommet,
renversé
tête en bas et pieds en
haut.,..
Après cette Prière,
Apémentès
rasseoir à lu place qu'il a choisie,
h v c u t Ï ME «
Timon f mec
se lève,
effusion
et va se
feinte.
Ah î seigneur ! si jamais j'étais assez heureux
pour
ta poitrine..,,
// se frappe
vous missiez ce
que,..,
si jamais vous me fournissez î'occa*
coeur a l'épreuve!
de vous
çion que je brûle de trouver,
c'est-à-dire,
dans toute s i force, la tendre,
la vive,ieterT
montrer
«elle amitié que votre méiite
Oui, je
m'inspire!...
de grâces, j'offrirais un Hécatombe,
actions
qu'en
jure,
sur les auteis des Dieux!
S £ M P H a o N i p E , gravement,
Lucullîmo ! je suis fort mécontent
de vous. Car voilà
une pensée que vous mv* volez; j'allais précisément,
d re la même, chose.
*
:
LUCIDES,
plus gravement
encore.
il nous
Consolez v m* Semphronkla,
Cette pensée,
la volée à tous ; Oui, à tous, n*est-t'il pas-'vrai que
nous avions tous la même pensée?
l'il* foute de voix s'élève, au milieu des batcme/is
de mains et des autres signes de ladulatio.ni
C'est
vrai....
Vrai !...
Oh vrai !...
Très
vrai !...
*
DRAME.
Lucun.
iME,
prenant
une coupe qu'il fait
M
remplir.
de
autant
soient
santés
de
nouvelles
Allons,
que
dans ce satlon,
libations répandues
qui > désormais f
sera le"temple
de l'amitié,,,.
LUCIDES,
Et Timon,
en sera la Divinité!
SPONDÉAS,
avec fatuité.
que je
Quoi que je puisse avouer sans orgueil,
\ nu degré assez éminent,
le génie de l'expo?ïeâe
pfc?M m e?. ce pour ne point m'abaisscr jusqu'à emprunter !e ?!yle a juîfui,
je veux bien répéter ici ce que
veuî avez dit; ce sacrifice d? mon amour-propre
e-r dû, je l'avoue,
aux bienfaits dont nous honore
tous l«î généreux
Timon.
P I C T 0 M A N F.
Moi, je déclare que je me sépare do vos parole?,
afin du transmettre à
mais pour employer mes pinceaux,
la dernière postérité,
le tableau de 1a noble fera iju«
nous'donne
celui qui en est le héros ... Crjyonl
un jour devant les miens;
d'Appelles ! vous tomberez
et c'est à Timon , que je devrai mou triomphe !
APÉMENTÈS,
A part.
Le malheureux
il prête une oreille indulTimon!
Il oublie que quand un
gente à C-5 flagorneurs,...
intérêt mercenaire
nous a fait prostituer la louange,
c'est une -tache inélïiçible
qui flétrit la gloire et le
charma des beaux ans....
Eu vérité,
plus j'observe
ici , pins je vois que presque lor.te la race humaine
n'est qu'une troupe dit singes dressés aux grimaces ,
m ces singes deviennent
des tigrts.
%6
TIMON:'D'ATHÈNES,
S E M P R o N i p E , dun
air pénétré.
Mon cher Timon !,., Je souhaite du fond de Varna
des
( et j'en jure par Minerve ! ) la continuation
que vous méritez si bien,
prospérité»,
par l'usage
Je vous
tmbiimc que vous cil faites Cependant....
avouerai :,.,
Que je me suis quelque fois surpris le
désir secret d'en voir le cours suspendu , pour que
vous, 'limon ! qui connaissez l'autorité suprême que
le Sénat croit ne. pouvoir pas me refuser,
vous vissiez alors avec quel dévouement
p issionné , avec quel
zèle bi filant, j'eniploirais
celte autorité à vous faire
sur le trône de la bienfaisance,
remonter
que vous
et dont un caprice du sort
occupez si dignement,
vous aurait fait descendre,
si,,,.
T i M o N , avec la plus
affectueuse
sensibilité.
Q mes bons,
nus sincères amis ! Ah!ne doutez
pas que \p> Dieux n'ayènt eux mêmes réservé dans
l'avenir un jour,
où j'aurai,besoin
de votre secours.
Tlh ! pourquoi
entre mille
vous auraient-ils choisis,
si vous n'étiez p*ts nés pour appartenir de plus
autres,
près a ce, coeur qui vous aime ?... Oui; je me suis
si nous
dit souvent : qu'aurions nous! besoin d'amis,
Jie devions jamais avoir besoin d'eux ! que seraientils de plus, que des instrumens
suspendus ou enferjués dans lent étui, et qui, pleins de sons mélodieux,
restent muets, quand on attend d'eux l'accord le plu $
parfait ? Oui, oui, mes digues amis , j'ai aussi, moi,
ïormé quelque fois le voeu secret de perdre les richesses
et supposant
l'événement
que je dois à la fortune,
arrivé , je m'écriais,
dans la. joie de mon coeur.....
Aon, je n'ai rien perdu. Car 'quelles richesses sont
plus à moi qu'à mes amis ?.. .Douce ! douce illusion ,
DRAME.
vj
avant même
dont mon coeur éprouve tout le charme,
que l'occasion du bienfait soit née! Ah ! voyez les larfait couler,...
mes que mon attendrissement
APÉMENTÈS.
tes larmes
Timon!
Timon!
Et ton or va les suivre.,.
Un esclave
entre,
coulent;
ton vin aussi.
et dit à Timon,
un brillant cortège déjeunes beautés dans
Seigneur,
à
le coutume des Nymphes,
demande a contribuer
la fête que vous donnez.
»
>
TIM ON} interrompant
vivement lesclave,
D<?s Nymphes! des Nymphes ! hâte-toi, cours, vole,
Ah ! qu'elles entrent !.,, Aux conqu'elles entrent..,.
nous
mes amis,, Cornus et Bachus,
vives. Allons,
ont tenu compagnie jusqu'à ce moment.
Vénus noua
A Apémentès. C'est la Divinité qui conmanquait....
sole tous les êtres; elle répand encore son heaume
sur la vieillesse ; son souffle adoucit toutes, les amertumes de la vie.
. ,
A p É ME N T È S , à
Timon.
En effet, sans Venus, la troupe des'vices ici réunis,
Bien ! A part. Vil Saltidêi ,
n'eut pas été compleite.
qui ne corje te reconnais*...
Quel homme.respire,
,.
rompe ou ue soit corrompu,
SALTIDKS,
à part.
Bon ! voyons maintenant
si Aiiiarilla et ses. dignes
eu Nymphes,
compagnes,
<jue j\ii méramorplioîées
bien mon attente.
rempliront
TIMON
a8
D'ATHÈNES,
SC
Les mêmes.
EN
Un enfant
E
V I.
costumé
en Cupidon,
L'enfant.
UAlUTa
toi Timon ! un courrier arrivé ce matin à
nous a appris que" tu donnais aujourd'hui
Cythère,
une fête à tes amis ; ma mère â cru que sa présence
l'embellirait.
Elle se rend ici avec sa cour.
o N, vivement.
On lui fera le plus gracieux accueil,
TIM
L'enfant,
arrêtant
bel enfant!..;
Timon,
La voilé,
Entre un grouppe de courtisannes
habillées en NymVÉNUS , dont elle a
phes, Une dettes représente
/es attributs,
reconnaissant
Amqrilla,
TIMON,
Dieux! c'est elle! c'est Amarilla dont la rigueur inflexible , a refusé l'entretien que je lui demandais,
que
je souhaitais si vivement. A Saltidès. Je reconnais bien
votre amitié dans cette apparition imprévue ! La mienne
saura récompenser....
Vous me faisiez hier l'éloge de
C2 diamant : je veux qu'il soit un faible gage de la
Timon présente une bague à Salreconnaissance....
tidès , qui feint de la refuser,
avec une fausse dignité.
Seigneur Timon , j'ai cru devoir amener
à notre fête;.elle
recevra d'elles son plus
SALTIDÈS,
Arrêtez,
les Grâces
DRAME
%9
et sans leur présence,
bel ornement,
je crois, à moitié si brillante.
elle n'eut pas été
TIMON,
Belles Nymphes ! les fruits les plus rafraîchissais
dans la salle voisine ; daignez choisie
vous attendent
ce qui vous fera plaisir....
Ordonnez
vous-mêmes
ici.
et
SALTIDÈS,
accepte la bague,
fait un signe,
des instruments
de musique exécutent lair dun ballet voluptueux,
mais décent, à la fin duquel,
Ci/piVÉNUS , qui détache sa couronne
don couronne
pour la placer sur la tête de Timon, dont les Nymde feuillages.
phes entourent le siège de guirlandes,
Tous les convives applaudirent.
LUCIDES.
C'est le droit
rateurs.
de la beauté
de couronner
ses ado-
APÉMENTÈS.
Et de les ruiner.
TIMON
et dit:
se lève,
tire un écrin
de sa
poche,
Touvre
Belle Amarilla ! je n'ai point refusé votre don. //
montre la couronne qu'il tient à la main. Vous sentez
que sans ingratitude , vous ne pouvez refuser le mien.
AMARILLA,
s'il
Seigneur,
vices, l'ingratitude
acceptant
récrin.
fallait qu'un jour j'eusse quelques
serait sûrement
le dernier.
30
TIMON
D'ATHENESj
TIMON,
« Amarilla.
Saltidès du soin de témoigner
à vos
je chargerai
la reconnaissance
charmantes
compagnes,
que je leur
vous
dois du plaisir qu'elles m'ont procuré, lorsqu'on
dans ce sallou * elles en ont fait le temintroduisant
ple de Cythêre.
APÉMENTÈS.
Crains,
toi l'antre
Timon,
qu'il lie devienne
aride du repentir!
dars
peu
pour
à Timon.
LUCIDES,
Ouand Jupiter se trouva avec Alcméne, vous savez
son cours,
que la nuit prolongea
pour favoriser les
feux de ces illustres amans; vous méritez bien qu'elle
ait pour vous cette complaisance.
Quant â nous, graves sénateurs,
( et je parle au nom de mes collègues, )
la dignité de noue rang* la décence même, veut que
nous immollions
nos plaisirs à nos devoirs,
qui ,•
an sénat, où l'exécudemain matin,
nous appellent
tion des loix, et le bien de la patrie ont besoin de
au sein de
nos lumières.
Elles pourraient
s'obscurcir
tant de voluptés ; il e6t prudent de les redouter.
Permettez donc,
qUe nous retirant....
TIMON,
aux
sénateurs.
C'est malgré moi que j'y consens;
mais j'aime à
vous voir" dignes des postes honorables
que la nation
vous à confiés. Vous nous devez de sages loix ; je me
ferais un crime d'interrompre
votre importante
création.
A ses esclaves. Allons, vous autres. Mes chevaux, des
flambeaux.
DRAME,
3Î
APÉMENTÈS.
Des flambeaux î... Comme s'il craignait qu'Athènes
ne fut pas HSSC-Z
éclairée sur ses folies !,,,
Les sénateurs et autres convives sortent, en faisant
à
Timon les salutations
les plus profondes, Amarilla
sort aussi avec ses Nymphes, après que celles-ci ont
fait à Timon quelques caresses agaçantes.
•. SALTIDÈS,
de Timon.
en,partant
Enflammons ses désirs, en éloignant le moment cfo'
Id satisfaire. Haut à Timon qu'il tient à l écart. Seivient de me prévenir,
votre Amarilla
gneur,
que
de ses compagnes,
voulant éviter la vive jalousie
sur la préférence que vous lui avez témoignée,
elle
croit ne pouvoir vous en manifester sa reconnaissance,
que demain, ( à voix basse . dans votre jolie niaison de campagne,
où l'amour
la conduira
cachée
sou's le voile du mystère qui doit en augmenter
les
plaisirs.
TIMON.
bien que cette jolie maison
Ah!Saltidès!assure-lui
est désormais la sienne. Dis lui que je m'y rendrai
dont cette jeune perau lever de l'aurore
demain,
sonne a tout l'éclat ; et toi, vas trouver mon intendant, règle avec lui* le petit détail des présens' que
et dis à ce vieild'Amatilla,
je dois aux compagnes
est avare, que
lard qui se croit économe
pareequ'il
je veux que lés choses se fassent noblement.
SALTIDÈS,.
sort en s'inclinant.
TÎMON
32,
D'ATHÈNES,
SCENE
VIL
se lève du
APÉMENTÈS,
qui
de la porte*
TIMON,
seuil
TIMON.
I »T
toi
éprouverais
si tu n'étais si bourru,
Apémentès,
mes bornés.
aussi ce qu'ils appellent
tu
APÉMENTÈS.
ïe
ne veux
rien
de toi.
TIMON.
Pourquoi
?
APÉMENTÈS.
C'est que j'ai un regard qui anéantit ïa magnifidfs riches...
cence , la pompe et le triomphe
Moi,
à
de
condamne
t'énivrer
molcsse , de luxe et
te
je
de plaisirs,
TIMON.
Soit;
APÉMENTÈS.
Tu seras leur esclave
serai toujours libre.
C'est
moi
qui
suis
et
TIMON.
On
voit partout
des personnes
libres.
APÉMENTÈS
DRAME
33
APÉMENTÈS.
ainsi
J'appelle
ni crainte.
qui ne connaît
celui
ni espérance
,
TIMON.
Un tel homme
n'existe
pas....
APÉMENTÈS.
Il existe en moi;
nel censeur.
car tu y rencontreras
ton
éter-
N.
T.IMO
dur ! ame de fer,
où le sentiment
Homme
de
ne germa jamais ! Tu ne connais pas
la bienfaisance
à donner,
le charme que l'on éprouve
à surprendre
un ami....
APÉMENTÈS.
sont des amis, et tu prodigues
Ainsi, des Parasites
tes richesses pour de Vaines et perfides grimaces! Oh!
si ouverte à
est-il possible
que l'oreille des hommes
aux avis salutaires ! Brusquela flaterie , soit sourde
reviendrai
sans ma
ment, Adieu. ...Je
, pareeque
de tes sotises
, le nombre
présence
augmenterait
encore.
TIMON
La nature
s,
eîle t'a refusé
FlN
par
une porte.
.
un coeur.
t'a refusé
Aï> È MENTE
A toi,
, sortant
sortant
une
par
une autre.
tête.
DU PREMIER
j
\
ACTI.
c
34
TIMON
A
D^AiTHÊNES,
C
SCENE
Le théâtre
T
E
PRE
représenté
IL
M 1ÈRE.
une des salles
de Timon.
de l'appartement
FLAVIDUS
seul. // s'avance sur le
bord de ta scène y en examinant en
silence plusieurs hiihis qu'il tire dan
t porte feuille, et du emyuc -.
^V 01 LA prés de dix ans que je suis son intendant,
et voilà près de dix ans que je lui vois toujours tenir
la même conduite ! il ignore que sa bourse se viudc à
Il se promené
mesure que celle des antres se remplit
en silence.: Qui,, le pactole roulerait l'or dans son vaste
parc y qui! %vie/idrait encore à bout d'en épuiser les
si prodigieusement
excédent
richesses. Ses',promesses
sa fortuite,
que tout ce qu'il promet est une 'nouvelle
et «sans qu'il s'en apperçoive.
dette qu'il contracte,
lui donne lin créancier de plus. ( il se
Chaque-parole
Non, jamais
promené en silence. ) Plus j'y réfléchis.....
le rendre
la nature ne fit un homme aussi bonjour
aussi peu inquiet sur l'avenir j si j'avais'1'élotpience
do
notre Demosthènts,
je réussirais sans doute à lui persuader
il devrait bien
que dans la situation où il se trouve,
cle rassembler, les,, débris, de son
prendre Tei moyens
mais quoique je dise, il ne pourra jamais
opulence;
se maintenir ni résister au penchant," qui l'entraîne »ms
Il ne sentira son déplorable
cesse adonner...^.
état,
d'y remédier..
que lorsqu'il se verra dan3 l'impuissance
.>'^\r.
BRAME.
35
parlons 'lui 'àveb toute la force que doit
N'importe,
Il faut que. je, lui/parje,
sans
iri'intj>ïr<îr' sa-situation,
détona, à l'heure' même, où «iLva revenir cle,là .chasse.
Car 1 je suis décidé à- lui montrer.,enfin,
l'épouvantable
liste des créanciers*<qui le poursuivent/../.
>QJ>! qui,
viennent
me
les voila, qui, selon leur coutume,
^
\
harceler....
'
:
s CE
N E
'.-.'.';
11.
'
FL A V î D1 AS , B RUT EM 0 N, D U L C 1MADE ,
N i e o M È D 6 c i. E ,*G A PU i s, et un grand nombre
it'esctavès ) envoyés fiât'leurs\pattoiis,
créanciers
de
'
' :
'-'
;
Tiinon.
V
J'r•-( •
B R U T E M o N, a ses-camarades.'.j
.
Ôli! vous avez beau' 4ire! par Hercule! nous verrons
si cette fois-çi je jie me' fais' pas pâyêir j'eP savez*vous
vous autres! C'est que si mon maître ^ à
pourquoi,
,nê reçoit
pas, je'reçois-,
moi,
qui 'Timon .doit,
cent coups de bâtori/ôf
je Veux cpie Timon paye sa
dette, et que mon muîjre/Jie me, paye pas la sienne.
! *: • ~"v
avec dbùCèûn
L1ULCIMA.DE,
Ecoutez, Brutemon.. Je n?ai-pas toujours servi sous
J'étais libre autre fois, et j'ai toujours vu
un. maître.
dans mon état de citoyen,
que c'est avec une douce
politesse, que l'on gagne dés coeurs....
•
<
t
'•''.
.«
«,'"'•'B R U T t. M o N, vivement.
Et des coups
de bâton,...*
,u
'
C
ai
36
TIMON
D'ATHENES,
NlCOMEDOCLE.
m'a prévenu qu'il ne me
mon
à
moi,
patron
Quant
payera les gages qu'il me doit depuis long-tems, qu'avec
l'argent que je lui ferai recevoir de Timon. Et certes,
bien plus que.»..
cette menace m'épouyante
CAPHIS.
Moi, mon patron m'a dit : mettez, votre manteau,
„ et courez chez le seigneur Timon ; priez-le, mais jusqu'à
de me donner de l'aigent. Et qu'un léger
l'importunité
refus ne vous ferme pas la bonche....
Dites-lui que
mes billets crient après moi, et que c'est a mon tour
: tous les jours de
à me servir de ce qui m'appartient
délais et de grâce sont expirés; on m'a toujours remis
et par trop de confiance à ses paroles,
au lendemain,
j'ai altéré mon crédit. J'aime et j'honnore Timon ; mais
je ne dois pas me noyer pour l'empêcher de se mouiller
et il faut
le pied. J'ai besoin d'argent tout-à-1'hcure,
Partez, esclave ; offrez-lut
que j'en aye tout-à-l'heure....
tin visage qui demande,
qui demande inflexiblement*
Car je crains bien que le seigneur Timon , qui brille
ne soit bientôt nud comme le
comme un phénix,
Geay de la fable, quand chacun l'aura dépouillé.
F L A VID I A S , à part.
Vous ne contenez que trop
Terribles, paroles!...
la vérité....
( haut ) Mes amis vous serez payés....
de gracé....
t
de la modération....
de chasse qui en sonnent
On entend des instrumens
le retour.
FLAVIDIAS,
de retour
Timon
Voilà
l'entendrez....
Rangez-vous.
à part.
de la chasse!...
Vous
/•;' v
DRAME.
SCENE
37
III.
de
en habits
Les mêmes. TIMON,
ALCIBIADE,
d'une suite nombreuse,
chasseurs et accompagnés,
dans le même costume.
aux chasseurs.
TIMON,
Non, mes braves amis, ie ne souffrirai point que vous
épuisiez le reste de vos forces, en contribuant
plus
long-tems à me3 plaisirs. Après les roui ses que nous
dans les forêts, sur
venons de faire dans les champs,
les montagnes, vous avez besoin tous de repos.... Demain
après le petit festin , auquel je vous invite, nous noua
remettrons
en campagne.
vous êtes l'homme unique; mais
Général Alcibiade,
là ne sont pas celles
je sais bien que ces campagnes
C'est l'amitié
qui plaisent le plus au coeur d'un héros;...
dont vous m'hônnorez
qui vous a fait....
ALCIBIADE.
Ces campagnes,
pourquoi
pas ? Dès que nous
le gibier comme notre ennemi. Eli bien !
regardons
le vaincre nous offre du moins l'image des victoires,
et la victoire est toujours belle sous qiiclqu'emblêmc
ou quelque forme qu'elle se présente....
Adieu Timon;
quand il fjudra combattre sous le* enseignes de Diane,
de Beilonne ou de Vénus,
croyez qti Alcibiade sera
toujours à vos côtéi. Vous le savez, j'aime à rivaliser
dans tous les genres, parceque je me pique, moi, je
ne m'en cache point, dette fidèle an culte de toute»
les Déesses, soit qu'elles habkent l'Olympe,
les camps
TIMON
38
D'ATHENES,
otrfer
Bosquets. -A- demain après- diner •,- nous-nous
et le dard toujours levé
remettrons en campagne,
Les chasseurs
avec Alcibiade,
se retirent
et
-i s'avance sur le bord de iaMscène.
NE
S CE
Les mêmes. TIMON,
qui t attendent,
>-^
k
Timon
IV.
voyant la foule des créanciers
leurs billets à la main,,
TIMON...
^UE
signifie tout cela? Eh! que me demande donc
tout ce monde ? Ces honnêtes gens ont ilsbesoin.de
moi ? quel est le service que je peux leur rendre ?
D U L c i M A D E, s''inclinant
ainsi que tpus les créanciers.
mon noble sMgneur. Et voilà
Celui de nous payer,
la liberté de
vos billets que nos patrons
prennent
vous envoyer^ pour vous supplier de les acquitter.
CAPHIS.
Votre intendant m'a toujours renvoyé,
or
seigneur,
les Oidres de mon patron portent de m'adresser direct
tement à vous.
BRUT
EM ON.
Il faut aussi me payer; le terme est échu , seigneur,
Vous ne devez
depuis depuis plus de six semaines.....
pas l'ignorer.
,;•
:
•'
-DRAME,*
\
'
39
TIMON
Vous payer,
dites-vous, mes amis? mais cela me
semble fort judicieux; mon intendant va vous satisfaire....
Elavidias! vous couuûssez mes moyens, vous savez mes
ou demain,
intentions, remplissez les donc sur-le-champ,
quand cesbrives
gens le voudront ; mais pour qu'ils
se plaindre de moi, et de ce léger
ii'ayent point'à
retard , je ne veux pas qu'ils retournent
mécontens chez
et sans avoir bû à ma santé. ( 1/sort
leurs'maître;,
vous laisse ce soin. U est
après avoir dit, / Flavidias,je
étonnant que je me sois vu assailli par des créanciers,
de demandes,
de billets
qui viennent ici m'étourdir
pourquoi tous ce*
manques, de payemens différés;...
affronts à-mon
honneur;
qu'ils soient promptement
mes- bons amis,
Adieu,
réparés ; je vous l'ordonne.
divertissez vous bien....
adieu.,.,
-Tous les créanciers
s'inclinehti
SCENE
Les mêmes.
'
y.
•
*
.
;
/
•
! ,
D U L C I M A D E.
T
J. -u vois bien, Brutemon ! quand je te cl?sais que
c'est avec iine ingénieuse
politesse , qu'on gagne les
ceux de cette espèce s'entend.
débiteurs,
'BRUTEMON.
Tu as raison, c-t je commence
recevrai point de coups de'bâton....
à voir que
je
ne
4o
TIMON
Et moi,
D'ATHENES,
NlCOMÉDOCLE.
que je toucherai mes gages.
Tous les créanciers
entourent
flavidiis.
à part.
FLAVIDIAS,
aux créanciers
hésitant....
Que leur dirai-je•*....
Etouuz , mes cnfans....
Vous avez mal
Écoutez....
sur-tout....
pris votre tems, en venant....
aujourd'hui
Timon
pour recevoir ce qu'on doit à vos patrons....
dans ce moment est.. ..est embarrassé....
très embarrassé même....
Mais cela ne peut pas durer, vous le
concevez
attendez
bien; allez vous serez satisfaits,
car je vois arriver celui....
quelques jours seulement,
où...
vous serez tous dans le cas de ne plus venir
Tout sera fini entre vous et lui...
impôt tuner Timon
NlCOMÉDOCLE.
Voilà qui est clair. Allons annoncer
cette bonne
nouvelle a nos patrons.
Les créanciers se disposent à sortir, Nicornédocle les arrête.
Eh mais! attendez donc, attendez
santé du seigneur Timon, qui veut
à la sienne, pour que la notre se porte
donc ça, vous autres?.
oubliez-vous
mémoire que vous....
Et cette
donc!....
que nous buvions
mieux? comment,
.. Ah! j'ai plus de
// tend son bonnet à Flavidias,
qui y jette quelques
pièces de mon noie, et il ajoute par réflexion.
N03 patrons?...
qurm 1 ils sauront
et Tiiiion.
Oh! comme ils vont être joyeux»
que tout sera bientôt fini entl'eux
// sort avtc tous la autres crlancurt.
DRAME.
41
VI.
SCENE
FLAVIDIAS
seul.
IVJLE sera-t-il
enfin permis de saisir le moment oh
et qui l'assiège,
loin de la foule intéressée
Timon,
voudra bien jetter lés yeux sur le tableau que j'ai à
lui présenter ? L'infortuné ! il ignore la chiite de sa
maison. Son coffre est vuide, ses domaines sonthypotéqués, son crédit se perd; or voyons «1 je ne pourrai
point l'engager à sauver les restes de cette immense
fortune, qu'il croit encore posséder. Le voici: Dieux!
soyez-moi propices !
SCENE
T I M ON
,
VIL
FLAVIDIAS.
T I M O N , vêtu manifiquemcnt,
s'adresse à quelques
esclaves dans le fond du théâtre.
LLEZ, que chacun de mes présents soient distribué»
dans l'ordre que je vous ai prescrit....
A propos: ave/
soin de redoubler
le 1101 bre des flacons de vin que
Toi, Eupolisv rends-toi
j'ai destinés aux musiciens....
dans le moment
même chez Chariticlc-s. Tu placeras
dans son écurie, quatre de mes chevaux hlancs~dc-lait,
et tu lui renouvelleras
mes remerciement
sur les chien*
dont il a bien voulu me faire présent quand, ce nnthi
à la chasic, j'admirais
leur fine intelligence.
Je sais
TIMON
4*
DJ
ATHÈNES
„
il leur était attaché. C'est un sacrifice qu'il
combien
avait à me faire, je le sens bien, il ne s'y est cependant'
oh! ce cher Charitidès!
il m'aime! j'en
pas refusé!
suis convaincu
..,
», ,..,
S avançant
versFlavidias.
|
J'ai vu à la
Flavidias,....
trçs content de vous....
joie qui brillait sirrl visage dçs gens qui. Vous quittent,
que vous les renvoyez satisfaits ..eux et leurs patrons.
Ils ont reçu sans doute les sommes que je leur devais....
car ce sont vos afia ires à
je ne sais tro'p. comment,.,,
vous;...
et cela va resserrer les tiens de
Bien, bien....
l'amitié qu'ils m'ont toujours témoignée;
mon bonheur
s'en augmentera....
On dit qu'un tyran souhaitait que
toute une République
n'eut qu'une tête, pour avoir le
plaisir de la couper. Moi, je voudrais aussi que toute
la Grèce n'eut qu'une tête., mais ce serait pour la
couvrir , s'il était possible,
de dons inépuisables
levé les mains vers le ciel en soupirant.
( Flavidias
)
Honnête
tant par tes voeux
Flavidias! tu secondes
que par tes soins, celui que je forme et que j'ai toujours
formé depuis que je méconnais;
Cette conformité avec
mes ser.timens , augmente l'e^irne que j'ai toujours eue
Voici que
pour toi. Mais j'ai pensé à une chose....
tu as pâ<sé ta jeunesse au service de mes"paréns
ef au
mien. Ta b:.rhe qui blanchit annonce qu'il est teins
que tu jouisses de l'état heureux qui t'est si légitiment
à l'administradû depuis que tu veilles laborieusement
tion de nos affaires. Eh bien ! je veux que descendant
la placé
de l'emploi de mon intendant'pour'occuper
de mort ami, tu me cherche» un homme qui, en te
ait ta confiance, et a qui je puisse laisser lé
remplaçant,
Tu
soin de gérer le gouvernement
de ma maison....
.•:::
KIDRAMK/;«:
A;""'
43
pleures, Hon Flavidias! te fais-jesie l» peine enform^nt
; ~.-:i.:.;%
-..
.
u
ce projet?—
' '-'
!:
Ai.
tristement.
]*'LXVIDIKS,
non ! mais. ...*<.cet
mon 'généreux^
rnaîtré^
Non,
vous n'en aurez bientôt
autre, ce nouvel intendant....
.-..v.u:
: i :
plus besoin.
TIMON.
t'en
Comment?*".'* plus besoin! mai*nsî^comme:je
te
veux
du!
je
que
que
repos
yi dois^:
pfie,^tu
jouis
' d'administet
:
la
ne
alors
par
procurer y qui éprendra
•
••
'••'
'*>
*'-^
»" •
."*•-' mes biens ?
:
..
F h A v i A s , plus tristement. encore
..;«.•»«<;
Hélas !. ^. ceux à qui maintenant
ils appartiennent.
'
'
;
;l
;
[f
t.
TI M o N gaièttïent:
'"''l''.
v"'-\
vous avez
. nuse vieillard !.... je ^ons vois venir,!...,..
toujours censuré le plaisir intime ; que j'eprpuye,
lorsque
des coeurs de tous:.ceux
je. fais la conquête
qui.'m!en*
sur eux•-l.es biens que je;
vjro.ime.nf,. eu répandant
tiens de la fortune
mon ami, ce
Mus, dis-moi,
chêne,
qui borne mou avenue et que je t'ai vu si
souvent aclmhër, mériterait-il ta .vénération,
si, du vaste
de ses nombreux
il ne couvrait
feuiiiage
rameaux,
clan À li saison, tons cenîc que les ardeurs Imitantes
de l'r.té forcent à y venir respirer sous son ombrage?
à croire,
J'aime
Flavidias,
que je suis cet arbre
.,
bienfaisant.....
<. . F LAVIDIAS,Tïélas! qu'on vient de couper au pied !... mou cher
maître! depuis long-tems,
vous le saveur j jo n'ai o^é
TIMON
44
U'ATHENES,
ma foible voix, pour vous prier
vous faire entendre
de faire attention à l'énormité des dépenses qui font
que vo? dettes grossissent
chaque jour. Mais depuis
moi, la liste fatale de vos
long-tems,
j'ai commencé
créanciers de tous genres, avec le montant des sommes....*
TIMON
distrait.
A propos.—Il
faut, mon vieux ami, que tu donnes
tes ordres, pour qu'on prépare ce saîlon, où ce soir,
Un jeune artiste doit y faire
je donne un concert.
exécuter quelques morceaux de sa composition,
qu'il
a eu la complaisance
de me dédier. C'est une occasion
de jouir,
en faisant de plus connaître
son talent au
vous savez que je ne les
public, et ces occasions-là,
J'avais bien pensé à transporter
manque jamais....
tout ce spectacle et les spectateurs
chez ma fantasque
Amarilla, mais je me suis dit. ce serait une augmentation
de dépenses,
et mon grave intend «nt viendrait à son
ordinaire, me faire de longues remontrances....
Allons,
de l'économie!
de l'économie!
Vous voyez bien,
Flavidias,
que je ne suis pas tout à fait rebelle à vos
d'en faire un jour
même,
leçons. Je me propose
mon profit....
FLAVIDIAS
Hélas!...
, tristement.
il n'est plus tems.
TIM
Vos dettes
accumulées.,
ON légèrement.
Mes dettes! Eh bien, que l'on vende quelques unes
de mes terres, pour les acquitter. Cela est bien simple
Mes dettes! et mes domaines
je crois, bien aisé....
donc ! vous dis-je !
DRAME»
45
FLAVIDIAS.
Une partie en est déjà vendue,
l'autre
Ce qui reste de vôtre fortune » n'est pas
les créances
beaucoup prés, pour remplir
chaque jour en amène une foule d'autres qui
est engagée.
suffisant', à
échues,* et
vont échoir»
TIMON.
Tu ne songes donc pas , ami,
s'étendent
jusqu'à Lacédémone?
avec
FLAVIDIAS,
Ah! mon ftrop
étendues jusqu'au
voix....
que mes
un peu
possessions
de chaleur.
maître!
elles
généreux
Nil, que .... la douleur
se seraient
étouffe ma
'TIMON.
Vous m'étonnez
fort! je savais bien que ma dépense
mais je ne me
pouvait avoir anticipé sur mes revenus,
ce point...
ne
.pourquoi
croyais pas arriéré jusqu'à
su pro*
m'en avez vous pas averti plutôt....
j'aurais
mes dépenses
tems....
pour un certain
portionner
FLAVIDIAS.
voulu m'entendre,
Vous n'avez jamais
je vous ai
présenté plusieurs fois mes comptes; je les ai mis sous
vous les avez toujours
en disant
vos yeux;
rejettes,
sur mon honnêteté.
que vous vous reposiez entièrement
TIMON.
Sans doute....je
m'en repentir.
n'ai,
et je n'aurai
jamais
lieu de
4<T
TIMO£\DAAT(HENES,FO-^WilDI
AS,
-tjNcQti?..; mats .c'est mo.bqui mé, ripent d'avoir obéi...•
Ah!?quOiqo'd soit.bien^arjd
aujour/d'hui dern'écopter,
mon c;her< m^tre$ieiv:voifitf-ppur|AUt
Je,mqme,nt j. ,k.
^ppiemsi; qnç; fouine VjQftoiirhgsses np. suffiraient, pas
pour payer la moitié de vos créanciers....
TIM
La moitié !... tu me
tout'à-coup cet orage?
6 N.
dirais._ la
FLAVID'IAS;
vente ! . d ou
*
vient
•
Si vous avez le moindre soupçon siiir' mon "administration et sur ma fidélité; citez-moi devant leVjûges les
plus sévères, et faites-moi rendre un compte rigoureux,'.:,
'''<• - r-.i
soumets,...
je m'y
•
• TTlMO^.
-.-.
::
: : .;.- •.-;,".., , , - .
<ii.~y
,:LèvesTtoi.
lierre
sur la scène tout'peàjsif.
Ah! combien de fois, loin de la joie tumultueuse
de vos spltndidts
festins *, ne iiiêsuis-je
pas retiré, la
coeur.navre ^ d.\!is.ja^J^u^ei.idj(pit
isol^sçlitaire
,,pour y
défijoier le f un^é.uftjgejn
tië^Voiis/aîsiëz^de vos'nchésses cnjesjyrqdiguamia
y^^^
vous
Doucement, mon vieux'âmi*. /.. doucement!....
vous féchauffe? pour; yqîre âge : ce ) l'est jjoint là votre
ton ordinaire. Cela pourrait vous liuïre. Spngézy.
('
,
DRAME*
47
F L A;v 1D i A s> «ire. expansion.
sentiment
homme
pardon!
que je
égaré, parmi
si
a
dont
l'abus
souvent fut
mais
déplorable
respecte,
homme
couler mes larmes!..
indignement
...pardon!
trompé par des adulateurs qu'il croit ses amis, pa.reequ'jl
sent dans, la
les
vertus
dan*
leurs
qu'il
âmes,
suppose
sienne! par des traîtres qui sourient sous leur masque,
même que vos, mains libérale? s'ouvrent;
au moment
au moment
meiri^
pour rassasier leur avare cupidité,
ou -leur sourire
perfide que vo> esclaves, apperçoïveu^
l'avaient osé...vous
et dont •..s'ils
avec indignation,
seriez vengé
sévèrement.
TIHOil%ttih
Flavidias !;'... je né souffrirai point qu'égaré à votre
vous vous permettiez
tour, par une injuste défimeè,
de la sincérité
de* mes amis,de douter uiv moment
Et moi aussi je vous dis.- homme trompé
( avec feu.
vous^qui, à tout antre
par une vieillesse soupçonneuse,
des trahisons,
quâ moi, feriez* croire qu'il ne suppose
dans lame des autres,' que pareequ'il
en trouve dana
la sienne !....
Mais je sens que je m'échauffe
ainsi, et
du conseil que je te donnais
je veux profiter moi-même
tout-à-Vheur<?...
calmons nous l'un et l'autre.
.Allons,
Tu connaîtras
bientôt combien
tu t'es mépris sur l'état
de mes affaires....
riche en amis9
Vas, je suis du'moins
et je pins disposer aussi librement
de leur fortuné,
que
se promène àvè'c agitation.
je disposais de la mienne.(Jt
)
0 mes amis? mes dignesâniis!
enfin,
mon .voeu est
exaucé! il brille ce jour,'qûTsçra
le tïio'mph'éxteTamîtié,
de la recourt ûssance, eu de toutes'les'vertus
généreuses!
Dieux immortels!
vous avez voulu
je vous remercie!
une fois dans nu vie, le plus délicieux
que j'éprouvasse
des seniimens,
de ceux à qui*
qelui de tout recevoir
TIMON
48
D'ATHÈNES,
et
( A Flavidias,
j'ai tout donné!
qu'il embrasse,
qui s'essuyeles yeux.) Bon et honnête vieiîlird ! combien
tu vas te repentir de tes injurieux soupçons ! nul bienfait
honteux
n'a déshonnoré
ma main...je
n'ai point à
avec imprurougir de mes dons; j'ai r)u les prodiguer
dence il est vrai, mais je ne les ai jamais prostitués
avec aveuglement,..,
Songes que je vais r ouvrir en un
clin d'ceil les réservoir^
où mon amitié a versé ses
bienfaits.
( vers le fond du sallon, ) Holà ! ho ! vous
autres ! holà quelqu un
Ah ! que n'ont-ils les ailes
de Mercure l
Des esclaves paraissent.
toi chez
toi chez Lucullime,
Toi, vas chez Lucides,
toi chezSemphronide,toi
Par
Ventidiaque,
chez...,(
C'est assez, oh oui-, c'est assez! le secours
réflexion.)
de ces quatre amis me suffira ; ( Aux esclaves.)
dites
à chacun d'eux que je suis fier de trouver l'occasion
leurs services pour quelques sommes dont
d'employer
demandez
leur soixante et quinze talcn>,
j'ai besoin;
plus ou moins, mais approchant.
Un esclave.
Vos
ordres
seront
remplis,
seigneur.
TlMOK
vous irez trouver de ma part
S'ils étaient absens,
tous m'ont
un de ces sénateurs...n'importe
lequel;
ce quYs
quelque obligation ; dites leur de m'envoyer
auront de superflu ; voilà mon nom et mon seing....
les services que j'ai rendus' à eux, et à la
Partez;
République....
Les esclaves
Oh!
comme
sortent..
leurs coeurs
vont
palpiter
de
joie!
j'envie
*
DRAME.
49
j'envie le moment
glorieux où ils vont set trouver!,..
Vous Fhvidia$,
sitôt que mes esclaves seront de retour,
recevez les sommes qu'ils apporteront,
distribuez
les
à mes créanciers,
et souvenez-vous
que la perte de
Ja fortune n'est rien,
de se faire
quand on a mérité
des amis qui possèdent
encore la leur. ( // sort, revient
et dit.) Moucher
intendant,
qui allez cesser de Jetre,
mou meilleur
souvenez-vous
au
pour devenir
ami,
milieu de tout ceci, de mon concert:
j'ai îo-uurqué
n'était pas nssez ornée,
hier,
que la salle du banquet
assez éclairés ; ayez soin de redoubler
le 'nombre des
lustres. Renouveliez
le* parfums
de vos cassolettes,
et sur-tout>
que les Heurs de vos guirlandes-'soient
mieux nouées tt plus fraîchement
écloses.v.â
tantôt!
( // sort. )
FLAVIDIAS,
seul.
Des parfums!
des fleurs! on en met aussi sur la
tombe des morts !.., hélas. V. hélas! ces amis! j'ai bien,
tous et d'une Ivoix unanime ,
peur qu'ils ne répondent
qu'ils n'ont point de fonds ^ qu'ils ne peuvent faire ce
en sont sffiigés,
qu'ils désireraient,
désolés,
qu'ils
Il me semblé' les voir ( Puissè-je
les
désespérés....
connaître
mal. ) secouer îa tête ou la détourner,
user
de phrases
ou de demi-révérences,
et
entre-coupées
accueillir de cette manière les demandes de mon pauvre
maître
S'il en arrive ainsi, résistera-t-il
à ce coup
la chimère qui faisait lacharme
terrible?.,
.détrompéliir
de sa vie, il ne pourra pardonner à une telle ingratitude....
il en mourra,
où ce que-je
ne crains
je ie connais,
Allons cependant
pas moins, il en perdra la raison....
exécuter
ses ordre*, qui seront sans doute en ce genre,
les derniers
me donnera....
Ah! mon pauvre
qu'il
••
.
D
50
TIMON
maître ! mon
yeux. )
D'ATHÈNES,
pauvre
Fin
maître!
ou
SECOND
les
ACTI.
III.
ACTE
SCENE
( // sort en s'essuyant
PREMIÈRE.
Le théâtre représente une rue d'Athènes,
dans laquelle
on distingue
la belle maison de Timon.
EUPOIIS,
seul.
,1 J UCULIIME
n'est pas chez lui • mais voici l'heure
où nos sénateurs les plus tardifs, se rendent à l'Aréopage,
et sans doute, il passera par cette rue. Qu'il serait ingrat
à qui mon maître vient de faire présent
ce Lucullime,
d'une belle métairie, s'il allait, dans un moment comme
celui-ci, refuser de lui prêter la somme qu'il lui demande!
une pareille
mais comment
idée peut-elle
me venir
dans la tête!....
Allons , Eupoiis,
tu n*es qu'un
en supposant un tel vice dans l'aine d'un
misérable,
homme qui, par la noblesie de son rang, est fait pour
à nous autres,
nous donner,
l'exemple de toutes les ^
vertus. On voit bien que tu tiens à la bassesse de ta
condition...
il
que pour être vertueux,
ignores-tu,
lie suffit pas d'être homme,
qu'il faut encore être noble?
ainsi l'a voulu non la nature, mais le préjugé....
Mais...
cependant....
je sens là.., dans le fond de mon ame, que
se présentait
si l'occasion
de rendre service à mon
maître,. ..j'aurais dans la servitude, l'ambition d'imiter la
DRAME.
noblesse,
notre....
%i
dont le sang dit-on est bien plus pur que le
Voilà Lucullime.
SCENE
EUPOLIS,
II,
un athénien.
LUCULLIME,
LUCULLIME
« part,
dans
le fond.
JD o N ! voici un des esclaves de Timon !..,, c'est
Je n'ai pas sans doute, dans
quelque présent,je gage....
de nos bonnes
mes songes, la croyance superstitieuse
femmes dans les leurs ; mais je ne peux m'empêcher
de me sourire à moi même,
quand je me rappelle,
que cette nuit, je n'ai rêvé qu'aux bassins d'argent,
vases
qu'aux aiguières de vermeil,
qu'aux
superbes
la table de Timon,
de cristal qui décoraient
dms le
Il se pourrait faire que
banquet qu'il nous a donné....
d'après ma muette admiration , il m'envoyât....
L'athénien,
qu'un
motif de curiosité
porte
à écouter.
Timon ! je le connais ; voilà la porte de sa maison.
il est bon par fois d'être curieux. Le hazard
Ecoutons;
et nous apprend souvent
nous sert quand on l'interroge,
des choses dont on peut tirer grand parti.
LUCULLIME
s'avance*
Honnête Eupolis, c'est avec plaisir que je te rencontre
dans cette rue. Si tu étais chez moi, je te ferais donner
coups de bon vin, pour te témoigner....
quelques
se porte le plus respectable,
Or ça, dis-moi, comment
D a
it
TIMON
D'ATHENES,
Je plus accompli des, citoyens d'Athènes,
cet homme
si noble, si magnifique, ton digue seigneur, ton généreux
maître, pour qui tout le monde connaît mon parfait
dévouement ?
EUPOLIS
dtun ton triste.
la santé de Timon eu fort bonne, mais
Seigneur,
sa situation est fort.....
dans ce moment-ci,
LUCULLIME
, avec un feint transport.
ravi de le savoir en
Oh! combien je suis pénétré,
bonne santé ! si tu pouvais deviner quel vif intérêt j'y
Mais dis-moi $ que portes-tu là sous ton
prends !....
-A
manteau?
EUPOLIS.
rien qu'une cassette vuide.
D'honneur,
LUCULLIME.
Vuide! ( à part. ) Dieux!
"
*
EUPOLIS.
Et je viens, au nom de mon maître, prier votre grandeur de la remplir. Il me charge de vous dire qu'il se
dans une circonstance
dts plus
trouve inopinément
sérieuses, et qu'il attend que votre amitié veuille bien
l'en tirer, en lui prêtant une somme, dont il a le plus
pressant besoin. Il ne doute pas même de l'empresset .
ment avec le quel.....
d'un ton grave.
LUCULLIME,
Il ne doute pas !... il ne doute pas !... hélas ! le brave
seigneur! c'est bien le plus honnête homme, et je l'ai
dit....
entre
mais, mon cher
Eupolis....
toujours
il tient un trop grand état de maison ; les gens
nous....
Cent fois j'ai diné chez lr.i,»ct
censés en murmurent.
l'amitié
pareeque
je lui ai dit la dessus ma pensée,
DRAME.
53
m*en faisait uu devoir. Je suis même retourné souper
plusieurs jours chez lui, tout exprès pour l'engager à
diminuer sa dépense;
mais il n'a jaunis von'u suivre
mes conseils. Chaque homme a son début ; et le sien
est un excès de bonté, à qui l'on pourrait donner un
autre nom, si l'on ne devait pis toujours du respect
à un uni qui devient malheureux.
Ce défaut là devait le
hé bien, voilà m^
perdre un jour; je le lui ai prédit;
prédiction accomplie! que puis-je faire maintenant pour
en empêcher l'effet? Eupolis a trop de sens, trop de
raison, pour ne point voir que me rendre à la prière
de son maître, ce serait lui fournir de nouveaux" moyens
de propager ce défaut, dont j'ai voulu le corriger. Toi,
Eupolis,
je t'ai toujours regardé comme un homme
sage, un homme prudent.
EUPOLIS.
Votre grandeur veut sans doute plaisanter....
LUCULLIME.
tu sais priser ce qui est
Non, je te rends justice...
et
raisonnable...
tu ne blâmeras point ma prudence;
tiens:
pour te prouver combien j'estime toncanactéie,
// lui offre quelques pièces de monnoiè.
à part.
EUPOLIS,
L'infâme! il flatte jusqu'à un misérable esclave, dont
il prévoit avoir besoin. ( haut ) Ma prudence !....
ma sagesse !.... certes, seigneur Lucullime, vous voulez
L'embarras
sans cloute vous égayer à mes dépens....
où se trouve mon maître....
LUCULLIME.
Je te l'ai déjà dit,Eupolis!
tu as un jugement droit,
et tu sais conséquemeut
que nous ne sommes plus
*> 3
j4
TIMON
D'ATHENES,
dan> le tenis où l'on prétait de l'argent sur une simple
parole . .*. aujourd'hui sois discret, ici mes les yeux sur
dis à ton maure, que tu ne m'as pas vu : que
moi,.,.
où des ufuuts
par*i précipitamment
pour Corimhe,
tu comprens,,..
m'appuient....
EUPOLIS
indigné.
Quoi! vous icfusez de secourir votre amï, et vous
osez me proposer de le trahir? ( Il jette fa bourse. )
Voilà votre argent ; je le maudis, et je vous méprise
roalgié la dignité dont vous êtes revêtu. Votre robe
sénatoriale n'en impose plus au grossier vêtement qui
n\e couvre. L'ingrat! il porte encore dans son enomach
Ks nn*ts qu'il a engloutis à la table de mon maître ,
Puissent
et lorsque celui ci implore son secours!...
ces alimens se changer pour vous, eu poisons!...
Voilà le voeu que forme contre un perfide ami, un
bon nie que le malheur de sa naissance, et l'injustice
de *a socié é, ont rendu esclave, mai» que ses scntime^.s
rendent digne d* la libeité.
LUCULLIME.
Ah! je vois maintenant
que tu n'es qu'un
bien digue de seivir ton maître. ( Jï sort. )
sot,
et
EUPOLIS.
Il lui manquait la lâcheté d'outrager
Timon,
après
avoir contribué à le ruiner. Dieux ! je^ressens d'avance
tonte l'indignation
de mon maître.
Comment
lui
annoncer f...
entrons.
pupolis
entre chez Timon,
DRAME.
L'Athénien
$$
seul. Il sort de l'endroit
pour écouter,
où il s'élai* f ichè
Quo» 9 cet athénien dont jVi souvent entendu comparer
au soleil qui répand par tout ses
la brillante fortune,
rayons, est donc éclipsé! voilà donc le fameux Timon
mais je n'en suis pas
ruiné !,., Je ne sais pourquoi,
Oh! quel bruit cette nouvelle ne fera-tells
trop fâché....
pas dans Athènes.
III,
SCENE
LUCIDES.
L'ATHEKIEN,
LUCIDES
qui
à écouté,
à l'athénien.
TX i M o N ruiné!
l'ami, qui peut vous avoir
ou plutôt cet odieux
étrange nouvelle,
savez vous qu'il y a des risques à courir
et qu'en
qui débitent d'atroces calomnies,
de sénateur, je pouirais dans le moment
faire repentir d'oser ainsi flétrir la réputation
de mes amis.
L'athénien
allarmé.
Seigneur!...
est votre ami..,.
ê?re écouté de
m'avait d'abord
mes yeux vient
je n'ignore point que Timon
pardon!...
encore une fois pardon, si ne croyant
personne,
j'ai pjrlé du malheur qu'on
appris et qu'un fait qui s'est passé sous
de me confirmer.'
LUCIDES
Un fait,
appris cetfe
mensonge ?
pour ceux
ma qualité
même vous
du meilleur
dites-vous,
inquiet.
qui vient de vous confirmer?.;..
S6
TIMON
D'ATHÈNES,
C'Xpliquer-vous....
expliquez-vous
voas m'eftVayez à un point....
donc!...
c'est que
L'athénien,
Dans le moment même, à l'endroit où je vous parle,
à
un esclave de Timon vient d'annoncer
seigneur,
la ruine totale de son maître,
et de le
Lucullime,
conjurer même de lui prêter, dans la terrible situation
où il se trouve, quelques secours que Lucullime lui
a refusés.
LUCIDES
une feinte colère.
Lucullime!...
lui a refusé....
refuser un ami qui
reclame dam'sa détresse un témoignage d'amitié!.,
.et
Lucullime
n'est pas mort de honte!...
Combien
je
rougis d'avoir ce sénateur pour collègue. Ah l pourquoi
ne s'esf-il pas adressé à moi? pourquoi
douuçr une
aussi honorable préférence à Lucullime. Timon! Timon !
avec quelle amertume mon coeur, trop délicat peut-être
dans son extrême sensibilité,
regrette l'heureuse occasion que vous venez de lui faire perdre!...
Mais.. ..
serait-ii donc bien vrai que Timon
fut totalement
Je vais prendre des mesures pour m'instruire
ruiné!...
Mais je reconnais l'un de ses esclaves
par moi môme....
nous allons savoir....
qui me parait bien échauffé!
et vous verrez
Laissez-moi l'inteiroger,
( A l'athénien.)
que vous avez mal compris les discours de Lucu'lime.
dans
DRAME
57
SCENE
LUCIDES,
I V.
M v R P ir o N hors d'haleine,
L'Athénien.
tenant une cassette sous le bras.
M v R P il o N.
u F !,., heureusement,
vous voilà, Lucides !,.. J'ai
tant couru dans les différem endroits où l'on m'indiquait
que je pourrais vous trouver,
que je suis tout..,,
comme vous voyez. ( Il s'essuyé le front.) Très honoré
ouf!
seigneur!.,,
LUCIDES.
Allons,
allons , rcprens
haleine.
M Y R p H o N.
Très honoré
seigneur!
ce petit coffre....
LUCIDES
mon
maître
vous
envoyé
avec transport.
Il m'envoye ! mon cher Myrphon ! il m'envoye !.. ;
Oh ! je le reconnais bien la !... ( A l'athénien. ) Vous
voyez bien, l'ami, que vous aviez mal comprit; sans moi
vous alliez faire courir le bruit... .Ep. dis-moi
cependant,
cet homme pour qui le
Myrphon,
que m'envoye-t-il
sacrifice de ma fortune serait bien peu de chose?
M Y R l» il o N.
Il vous offre par mes mains,
un service de la plus extrême
le moyen de lui rendre
un évcneimportance;
18
TIMON
D'ATHÈNES,
ment qu'il n'a pas prévu, le met dans la nécessité d«
vous emprunter
une somme que votre amitié pour
lui se hâtera sans doute de....
LUCIDES
gaiement.
Que j'aime mon bon ami Timon, dans les plaisanteries
est
que son esprit lui inspire! celle-ci par exemple,
de l'argent....
excellente .... feindre de m'emprunter
Pour la rendre compîette,
de lui
j'aurais presqu'envie
«en prêter, cela ferait une scène vraiment
conrque;
et qui sait, si quelque Aristophane,
ne s'en saisirait
pas pour la mettre sur le théâtre? qu'en penses-tu loi,
Myrphon?
MYRPHON.
rien n'est plus sérieux-...
Son embarras
D'honneur
est extrême.
si je ne partage pas
Pardon,
seigneur,
la gaieté qui vous anime ; c'est que l'état dép'orable
où se trouve mon maure,
ne me permet pas de rire.
LUCIDES
gaiement
encore.
Comment
donc ? mais voilà un talent que je ne te
connaissais
pas. Tu remplis bien le rôle dont tu r'es
chargé. Or ça, remettons à un autre jour, le dénouement
de cette comédie.
M Y RP H o N très sérieusement.
de cette prétendue
Je crains bien que le dénouement
ne soit funeste à mon maître ! Seigneur,me
comédie,
croirez vous, si j'en jure p »r tous les Dieux,
qnar.d
je vous dirai que l'opulent Timon penche vers l'abîme,
«t qu'il y tombe si vous ne lui tendez pas la main.
DRAME,
L'athénien
Vous
compris
5?
à Lucides
qui
réfléchit.
voyez bien pourtant,
que je n'avais pas si mal
et que..;.
les discours de Lucullime',
LUCIDES
avec humeur.
vous auriez mieux f M de passer votre
Taisez-vous,
chemin, que de vous arrêter dans la rue pour espionner;
sans vous, j'aurai; appris p us tard le désastre do mon
ami, et c'eut toujours été autant de teins pris sur la
Je
douteux qu'il me Un éprouver!...
(A Myrphon.)
dans une si
de m eire dégarni,
suis bien iruîhcunriix
belle orc.tsion qui s'offrait pour montrer toute l'honnêteté
de mes sentmeu» ! quel étourdi je suis, d'avoir été jttter
mon argent pi*ur acquérir nue malheureuse
petite terve
le plus
il y a dfux jours,
et de perdre aujourd'hui
moi!
cotise
à
de ma vie....
beau moment
Quelle
à
demander
même
moi
envoyer
quelqn'argent
j'allais
la somme que j'ai à donner
Timon pour comp'.ctter
aquUinon ; mais pour tout ce
pour cette malheureuse
Athènes,
je ne voudru*
qu'il y a de richesses-dans
pas à présent l'avoir fait. Recofhm mde-moi à ton maître
Je me fl-ute que
dans les termes les plus tendres....
je ne perdrai rien de sou estime, lorsqu'il verra finidis lui de
absolue
où je suis de l'obliger;
possibî'iie
ïiv* t*art, que je mets au nombre de mes plus giands
celui de ne pouvoir lui être utile, comme
malheurs,
me fera» tu
Me le prouKU-iii,
je le désirerais....
l'amitié de répéter à Timon mes propres paroles.
M Y R P n o x.
Oui seigneur.je
serai l'écho fidèle de vos expressions....
€o
TIMON
D'ATHENES,
LUCIDES.
La reconnaissance!
oh?
Myrphon, la reconnaissance!
c'est le devoir le plus sacré d'un homme juste! c'est
le charme le plus délicieux d'un homme sensible !
( Il sort d'un
côté et l'athénien
SCENE
MYRPHON
de fautre.
)
V.
seul.
!. ;. le chien
JLi A reconnaissance
! la reconnaissance
de mon maître en a plus que lui; et ce chien n'est
pourtant qu'un animal !... Quand je pense que Timon
à long-tems servi de père à ce Lucides,
qu'il a rétabli
sa fortune par ses libéralités,
qu'il
que le logement
les vêtemens qu'il porte,
les esclaves qui le
occupe,
et jusqu'à l'argent avec lequel il entretient
servent,
mie courtisanne,
sont tous des dons qu'il doit à la
en
et qu'il l'abandonne
générosité de mon maître ....
Je ne conçois
se jouant des mots les plus sacrés....
plus rien à la nature humaine.
// entre
chez
Timon.
61
DRAME.
VI.
SCENE
SEMPHRONÏDE
et DÉMO
ensemble.
CÈDE,
arrivant
avec humeur.
SEMPHRONÏDE
T pourquoi
m'importuner,
tous autres? ne pouvait-il pas
à
â Ventidiaque?
Lucullime,
et
qu'il a délivré de la prison,
voilà trois hommes
d'enrichir?
tout ce qu'ils possèdent.
à
moi, par préférence
s'adresser à Lucides,
à
ce. Ventidiaque
sur-tout
qu'une succession vient
qui doivent à ton maître
DEMOÇÈDÎ.
il s'est adressé
à tous
Hélas! seigneur,
tous trois l'ont éconduit....
Prières nulles....
viai.
fait malheureusement
SEMP
trois, et
C'est un-
H MON I DE.
comme
J'entends.
Ses amis,
autant
de médecins
qu'il appelle l'un après l'autre , l'ont tous abandonné»
Et il faut que ce soit moi", qUe l'on charge :de cette
cure désespérée?
j'ai lieu d'être surpris d'un tel procédé!
n'était-ce pas moi qu'il devait implorer le premier
dans
le besoin qu'il éprouve ? devait-il me reculer assez loin
dans son souvenir,pour
que je ne fusse plus que le
dernier à le secourir?
non, Democf de, non, il a tort,
ma délicatesse.
Une
il a outragé
conduite
pareille
en moi ! et comment
marque trop peu de confiance
n'a-t-il pas senti qu'il n'en fallait pas davantage
pour
me rendre un objet de mépris dans tout Athènes, et
6%
TIMÔN
D'ATHÈNES,
me faire passer,
parmi nos plus illustres citoyens, pouf
sans principes,
un homme sans sensibilité,
moi, qui
de mes sentimens , suis connu .j'ose lé
pour l'honneur
et a
dire, jusqu'aux extrémités de la Gièce. Retourne,
la froide, réponse de ses amis, ajoute cille«ci; que ne
Timon
sache
s'étant pas adressé à moi le premier,
avec la tourbe qui
que je ne veux pas être "confondu
hantait son palais. ( H sort. )
V II.
SCENE
' DÉMO
CÈDE
seul,
reste
comme ébahi.
merveille ! mon honneur ! ma délicatesse ! me9
il
sa
de
vertu
noms
de
pare
profonde
quels
principes!
qu'il ressemble
paliciquelle hypocrisie!
perversité!
sous le voile d'un patriotisme
à ceux qui;
tement
mettent tout un pays en feu; tel est donc le
ardent,
insidieusement
vendu
de cet ami politique
caractère
C'était pourtant sur lui que mon maître
à l'intérêt....
formait sa plus solide espérance ; tous ont, déserté, et
de ses lu gesses....
Maïs
voilà le fruit qu'il recueille
?... C'est la horde infernale de ses créanqu'entens-je
ses amis,
ils ne
ciers. Ils ne sont pas comme
eux,
l'abandonnent
point.
Il entre
chez
Timon.
DRAME.
SCENE
VIII
MERCIDE,
EUPIIREME,
NOLIMAS,
ClRCIDKS,
et un grand nombre dautres
créanciers de Timon,
de différens côtés.
arrivent
j-y.
M E R c i D E à part.
foule!...
Tous ces
*^,uELLE
bien la mine
m'ont
allongée,
Dissimulons.
(Haut.)
Bonjour,
liazard nous trouvons nous à la
gens là, à leur figure
d'être mes confrères.
Euphrême;
par quel
porte de Timon ?
EUPHRÊME.
Je pense,
Mercide,
que le même objet nous y
Je viens ici, à ne vous rien taire, pour
rassemble.
'
me faire payer.
N o L i M A S.
En ce cas, mon cher, nous allons donc former une
car (Montrant
lesautrescréanciets.)
société;
je pense
que le même sujet nous y amené tous / c'est aussi de
et je suis pressé.
l'argent que je viens chercher,
à part.
MERCIDE
J'aurais
Sauraient-ils
déjà la ruine de Timon?...
en venant ici de meilleure
heure!
dû les devancer,
tout ce monde là.
Timon ne pourra jamais contenter
Circidès,
quelle heure croyèz( Haut. ) Dites-moi,
vous qu'il soit?
CIRCIDÈS.
Mais....
je crois qu'il
est près
de dix heures.
64
TIMON
D'ATHÈNES,
NÔLIMAS.
si cela est, ne tardons pins à entrer
Camarades,
chez le seigneur Timon. Il doit être visible. Il a coutume,
comme le soleil, de se lever de grand matin.
dun ton mysétrieux.
EUPHRÊME,
Comme le soleil, soit; mais si la course de l'homme
comme ceile du Soleil, elle
est radieuse,
prodigue,
ne se renouvelle
point chaque jour' dans le même
éclat.-...
'
NOLIMAS.
Qu'est-ce donc qu'il"veut
sa course du Soleil.
EUPHRÊME,
nous faire entendre
avec
du même ton.
'?
de
crains
le
flambeau
ses beaux jours
que
je
Que
ne soit bientôt obscurci; que cette journée-ci ne soit
et pour lui et pour nous; et que
bien nébuleuse,
Timon enfin, naguéreé couronné de fleurs priiitanières,
jie voie plus autour de lui, que l'aridité et les glaces
de l'hyver.
NOMMAS.
bien . Euphrême , vous expliquer de
Voudriez-vous
manière à vous faire encore mieux comprendre?
et nous
dire ce que vous entendez par votre printtms et voue
hyver?
i/u même ton.
EUPHRÊME,
Ce que je voudrais
me cacher
à moi même.
CIRCIDÈS.
Non, il faut tout nous dire; il parait, camarades,
qu Euphrême a plus souvent lu les livres de nos Poêles,
que
-
DRAME.
6%
que ses livres de comptoir : mon confrère en Aritheméselon vous, est
la:sscz-!à vos énigmes;
Timon,
tique,
donc ruiné!...
EUPIUÊME,,
Voilà
le mot
décisif
Tous
ensemble.
Oh ! Ciel ! Ci»U
Ruiné !...
Ruiné !,..
Ruiné !....
qui l'eut dit?..i
Qui l'eut cru?
EUPHRÊME,
vous dis-je. Ses amis l'annoncent}
Archi....
ruiné,
à tout le monde. Tous tes biens sont dissipés;
son,
et le Sénat l'abandonne.
crédit est perdu,
avec
Tousensemble.,
Entrons
Entrons!...
!...
des cris.
.Entrons!..
Entrons!..
4
NOLIMAS.
Mon
billet à moi est de trois mille éçus. Et le votteg
C IRC IDES.
.De cinq
mille.
NOMMAS.
Cela crie vengeance....
N'est-ce point là son intende son manteau....
dant? il médite de s'enfuir enveloppé
Saisissons le, et puis entrons de force.
Tous
Oui,
oui,
forçons
avec
des cris.
les verrous
et entrons.
E
:
'*&
TIM
O N-D.f
ATlHrÈ
SCENE
Les
NES,
IX.
EUPOLIS
à la porte de Timon, et.
./ f
empêchant les créanciers (Centrer.
mêmes.
EVPO
Lis.
donc ! arrêtez donc\
RRETEZ
où voulez-vous
£\.
aller avec vos cris de Bachanaîes ?.. .Mon m.iître depuis
la trahison de ceux qu'il croyait sef amis, n'est pas en
sa tête est bouleversée
£tat de parler.à personne;
; sa
santé est déwnàSéé. Il veut garder sa maison.
' MERCIDEiî
Ji ,
; i,i->:
donc Ma sotise de n'avoir pas su garde'r
Comment
le droit de garder invisison, al-gent, lui. donnçrt-elle
a ses
blement sa maison? elle appartient présentement,
créanciers. Par Jupiter, il fa«&a bien que là, ou ailleurs,
Je veux l'interroger....
i[paraisse, pour npus^ payer!...
^
".•;•;;;::
il
.
Jè'veuVié-Vbîri?.^'^^
EtJPHREME/
Je
Dieu
point
gages
à la statue au
moi,
que semblable
déclare,
Thern-.e,
que j'ai /dans mon jardin, je ne quitte
la porte de ton maître, que je n'en aye rtçu les
des srommes. qu'il me doit..
;';'
Tous
ensemble,
Ni moi! Ni moi! Ni moi!
les fêtes de Miiicive..,.
avec des criV.
Ni moi!...
J'attendrai
ici
BRAME.
6%
EyppLis.
Vous tous qui voulez ressembler
au Dieu Therme,
imitez donc son silence. Aussi bien tous vos cri» sont
inutiles. Je vous ai déjà dit que mon maître est d >.ns
un étrange abattement,
que sa santé est très altérée,
et qu'il est obligé de garder la chambre.
ClRC
iDès.
Malade! malade !... C'est justement pourquoi il faut
qu'il nous paye. S'il aiiait mourir pour se tirer d'embarrasi
MER
c IDE.
. \ j i ; -. !t v
C'est nous tons alors: qui nous y trouverions;
non,
de par, tous les Dieux ! non, il me faut mon argent, et
*_
\ „,,\ .
tout-à l'heure.
*
Tous ensemble.
Moi le mien ! Moi le mien ! Moi le mien !
On entend
:'<- (l
des voix confuses sortir
r
.Timon.
Au éècoùrs!...
Mon
maître!...
*
de la maison
Au secours! Au secours !...
pauvre maître.
de
O mon
MERCIDE,
. Est-ce que le feu prend à- la maison
nous manquerait
plus que cela !
de Timon!
É
»
il n§
68
TIMON
U'ÂTIÎENES,
SC
ENE
X.
Les mêmes. TIMON,
dans une espèce de délire, ses
vêtemens en désordre, parait à la porte de son appartement , entré Ses esclaves effrayés et Havidias qui
fait de vains efforts pour l'empêcher de s'élancer. Le
peuple se rassemble.
•-.-:•;:
:.
• TlMQN.
- tj
JLi A 1 s SEZ-moi!...
vous dis-je!...
Laissezrmo!,
Mes portes se ferment-elles aussi devant moi, comme
lecoeur de nies faux amis ? ma maison est-elle devenue
la prison funeste de sonmaître? (Il s'avance après s'être
dégagé des bras de Flavidias. ) Les monstres !... commp
ils ont trahi les devoirs les plus sacrés de l'amitié dont
Avec quelle iudiqnité ils
je les croyais les modèles!...
ont repoussé la main suppliante de celui' qui n'ouvrait
jamais les siennes, que pour les combler de hienfiifs!...
cruelle de ce coeur déchiré, est derré
ÀH! la doiïîetrriaplus
forcé d'avouer
Douce
qu'ils en étaient indignes!...
chimère de l'amitié ! vas donc te perdre dans l'ombre
et toi, noir specîre deTingra^
des êtres phântastiques;
à mes yeux !... Sois une
viens la remplacer
îttude,
des Euménictes , sorMe des. enfers, pour s'attacher à
du reste de ma vie !
mes pas, et faire le tourment
{A un de ses esclaves. ) Qui sont tous ces gens là,
dont les regards sinistres me lancent des flammes?..,
Tu te tais!...
( Le prenant'à la gorge. ) Parleras-tu ?...
L'esclave
Seigneur!...
tremblant..
ce sont vos créanciers
....
qui, sur le
DRAME,
69
.bruit que vos amis font courir, de votre ruine,
eu foule, pour....
TIMON
troublé.
accourent
. Mes créanciers!...
dis-tu ?... Je ne
M$s créanciers,
croyais pas en avoir/ et mon coeur se croyait celui de
tous ceux que j'aimais! Ah! la foudre en tombant à
mes pieds me fait ouvrir les yeux !... Après un silence
Oui, je veux aller les trouver ces traîtres,
farouche....
ces ingrats ; fussentrils cachés de honte dans le sein de
la terre,
ils ne soutiendront
ils
point mes regards;
fuiront à mou aspect; le remord les poursuivra,
et je
un mouvement pour
serai Yengé. Marchons. ( Il jail
s'éloigner. ) Lès créanciers s y opposent.
NoLiMASa
leur tête.
Vous ne vous éloignerez pas, de par tous les Dieux!
nous vous tenons; nous ne vous lâcherons po:nt....
lïous vous garderons à vue, et vigoureusement....
Payez
nous! ( Cfioeur des créanciers. ) payez nous!...
Nous
Nous sommes las d'attendre.
attendons....
vivement aux créanciers.
FLAVIDIAS,
osez-vous humilier
ainsi 9 et dans
Misérables!
endroit public, un homme dont le rang....
CIKC
Nous
a trompés
IDES.
!
FLAVIDIAS.
Dont
i
l'opulence....
Non
r Nous a ruinés!
un
M A §.
'
" "
-
Jï
3
•
70
TIMON
D'ATWENES,
FLAV
1 D 1 AS.
Dont le crédit....
EUPHRÉME.
E?t entièrement perdu. ( A Timon avec amertume. ).
Noble et puissant seigneur! vous, qui dans vos accès
de folles prodigalités,
donniez tout à ceux à qui vous
ne deviez lien, ne donnerez-vous
rien a ceux à qui
Vous devez tout? voilà mon billet;
No LIMA
S.
kVoici le mien.
Un autre.
Et le mien,
seigneur.
CAPHI^S.
Et les nôtres,
seigneur?
TlMONj
;
Voyez....
Voyez.
avec violence.
Eh bien ! couprz ce corps qui me reste, monoyez-le
et payez vous!
avec ironie.
CIRCIDÈS,
Le mien" est de cinquante
mille
>
écus.
la main sur la poitrine.
de
mille
ce
et
coeur,
cinq
que
goûtes
Poignardez
dons une sorte
marche
vous
a
servent
//
(
payer.
sang
déchirez-moi,
d égarement. ) T«;nrz,
j'y
prenez-moi,
clameurs.
et finissez vos importunes
couses,
ME K C 1 DE, aux créanciers.
TIMON,
Mes compagnpm!
écoutez.
Vous
voyez
bien
que
s*iî était extraviguant quand il était riche, il est encore plus
fou depuis qu'il est pauvre j mais j'en jure par Hercule!
de sa folie. Voulez-vous
je ne serai pas la dupe
suivre mon conseil? Formons un cortège,
et rendoin»
nous tous ensemble chez les juges, pour qu'ils rendent
a lui, son bon sens, et à nous, notre argent.
. . -v
NOL1MA5.
Mercide a raison. Moi je ne veux pas quç la justice
laisse même un chenet dans ses beaux appaitcmens;
Nous verrons quand il sera réduit au pain et a l'eau, sur
la paille de sa' prison,
s'il ne trouvera
point,
pour
avoir de l'argent,
les moyens
qn*il a trouvés pour
s'emparer du notre. Allons partons. Au revoir, seigneur
Timon!
des salusortent en faisant
( Les créanciers
tations ironiques à Timon.
XI.
SCENE
T 1 M o N absorbé.
F L A V I D I A S , les esclaves de\ Timon.
aux esclaves.
FLAVIDIAS,
ENTREZ,
vous autres. Je Vous dirai tantôt,
lé
dans ^"bouleverseparti que voua avez a prendre
ment subit. IAS esclaves sortent. ( A Timon, qui sort
d'une espèce de rêverie sombre. ) Mon cher maîtie!...
TIMON,
sens
voir Flavidias.
Ils m'ont mis hors de moi, les misérables...k
Des
créanciers!
des 'furies.'. .'. Leurs aCcens odieux retentissent 'encore à mon oreille..
C'est un supplice. Ali t
TIMON
7*
D'ATHÈNES,
si j'apprenais
à les congédier,
à les éloigner....
Si je
savais.....
Si je prenais ce parti;
Pourquoi
pas?.*.
il est digne d'eux,
s'il n'est digne de moi....-(//
marche avec agitation.
il faut....
) Oui, oui....
FLAVIDIAS
Mon
bon
qui le suit.
maître.
TIMOK;
en marchant.
toujours
Oui... c'est le vrai moyeu de leur arracher à tous
de le
1e irw?que,
eh présence les uns des autres,
Monstres!
ler:r jetter àr la tête, et de leur crier....
connaissez vous tous, comme enfin je vous connais!..•
comme ils doivent l'être. Alors
Alors, je îe-t punis,.et
ceUc vuiçeaiïct; sera le dernier, p'aisir de ma vie!...
li faut" que je le goûte, puis'qn'i's
ont versé dans
mon â\r.e de pareils tourrnéns.' Qu'on appelle mon
intendant. Holà! quelqu'un!...
N'ai-je donc là personne?
FLAVIDIAS,à
Quel
égarement!
TIMos,
Ah! c'est toi!...
mon cher Flavidias
va trouver Lucides
autres convives de
( Haut.
part.
) Me voici,
seigneur.
paraissant
plus calme.
J'ai hien.de
la joie de te voir,
!... Ecoute; va trouver Luculiime,
et les
, Semphroiiide,
Ventidiaque,
mon dernier banquet.
FLAVIDIAS.
Eux!
( A part.
) La douleur
trouble
ses esprits.
TIMON.
Oui, eux.;
se surpasse^...
mon cuisinier,
préviens
qu'il songe à
Nous saurons pourvoir a tour te db-jûi
DR4ME.
'
73
on propres
ne diffère, point, va et dis-leur
termes,
Que je
que je le! invite à se trouver ici ce soir....
veux rire avec enx*de3 allarmes qu'à pu leur donner
le bruit que j'ai fait courir moi même, mais par pur amude la chute subite de ma fortune. Dis-leur
sement,
de leur part ,
que j'ai regardé comme une plaisanterie
le refus qu'ils ont paru faire de me secourir dans ma
des
dans
le
tems
détresse.
Nous
sommes
prétendue
en donner
et j'ai voulu, à ma manière,
fêtes publiques;
en
une petite à mes concitoyens,
pour me réjouir,
Avec un
Toi même,(
me moquant de leur crédulité!
rire forcé. ) Flavidias,
ne trouves-tU pas mon invention très jovial*?...
à pari.
FLAVIDIAS,
de plus en plus! (Haut.')
Mon
Sa tête se dérange
*C
maître!...
pensez-donc
que dans ce moment-ci,
d'après la scène cjui vient de se passer dans cette rue,
même
vous ne trouveriez
pas le moyen de donner,
le repas le plus frugal : hélas! aprè* l'éclat scandaleux
de
cohue
de vos créanciers
vient
que la bruyante
faire...,
TIMON.
Et toi aussi, mon cher Flavidias !... Quoi ! voudrais-tu
que je t'inscrivisse sur la liste de ces amis, qui, revêtus
ma vie, nie refuseraient
de mes dépouilles,
pendant
le lutct-uil qui doitm'ensevelir.Net'inquiétc
à.mamort,
Je me repose sur toi du soin d'exécuter
la
pas....
commission
que je te denue. Je vais de mon coté,
ton absence,
avec mes esclaves,
pendant
préparer
le projet qui me rit,...
les moyens de remplir
mais
beaucoup.
FLAVIDIAS.
Mais,....
TIMON
74
D'ATHENES,
TIMON,
affectant
de lajoie.
^
J'ai des ressources .... qui te sont inconnues. Console
toi, bon vieillard....
Ecoute; depuis lor.g-tems j'avais
enfoui un trésor au pied d'un arbre. Ainsi, j'ai voulu
enchaîner de loin, la capricieuse
Déesse, parce que
Lis sur mon
je connaissais ce qu'on apeîlé la fortune.......
la tranquillité de
iront le fruit heureux de ma provoyance,
mon
Tu
seras tén.oiii
de ma nouvelle
âme....
Va. ( Il lui parle à t oreille, ) Hâte-toi.
opulence,...
FLAVIDIAS.
Ce calme!...
Cette sérénité!...
.Est-H redevenu
en
eflet ce qu'il était..... Dieux! J'auriez-vous favorisé?...
Ah! vous lui devez ce miracle, s'il n'est pas encore
accompli. Allons, et remplissons sa volonté quelque
étrange qu'elle nous paraisse.
ACT H.
FlK DU TROISIÈME
ACTE
SCEKE
I
V.
P R E M 1ER
E.
Le Théâtre représente un des salions de Timàn. Dans
le fond est une table préparée pour faire un festin.
SEMPHKOSTIDE
Cl,
LUCULIME,
Luci,DÊs,
muets . qui,, par leurs.,
autres sénateurs
plusieurs
gestes applaudissent à ce que disent les interlocuteurs.
LUCULI.
IME.
'
'.'
ï
,| E vous salue, Lucides. Hé bien ! la nouvelle qui
«Uarmait si vivement tous les amis de Timon ?!
•
DRAME.
y±
LUCIDES.
1
Est fausse, absolument
fausse. J'en suis sûr, car
son Intendant
m'a dit que la fortune de son maître
ne fût jamais mieux affermie. Et n'est-ce point là, 11reflet
xion que je f.lisais en vous abordant» seigneur Lucullime; je vous jure que je n'ai jainiïs pu croire un
moment que Timon fut dans une situation aussi déplorable que celle dont ses adroits esclaves nom faisaient
la source
la pathétique
Depuis
quand
description.
d'un fleuve,
tarit-elle en un moment ?
abondante
L u c u L L i M Z.
Quant à moi, j'ai toujours pensé» que Timon avait
eu la petite malice de ce donner un plaisir tout nouveau, en essayant de nous rendre
dupes de sa feinte
\ je vous avoue , que j'ai été
catastrophe.
Cependant
désolé de m'être trouvé dénué de fonds, quand jl ;i
dit avoir besoin de mon secours....
Combien il m'eut
été doux de lui prouver mon dévouement
! PoUr moi
l'amitié est un culte!...
Mais je m'appatçois
que j'allais faire î'é'ogé de mon coeur, et qui de vous ne le
connaît pas?
SEMPHKONIDE
Malgré le bruit public, j'ai coutume, moi, da ne jwçer
que parles faits; et le nouveau festin que Timon nous
donne est une preuve....
LUCIDES.
en doute. J'avais aussi une
Qu'on ne peut révoquer
idée confine,
qu'il y avait dans tout cela une plaisante erreur.
76
TIM
ON
D'AT
H EN
ES,
HOMMABanMiiianN
SCENE
Les mêmes.
II.
à la porte du sallon.
TIMON,paraissant
TIM
O N, à part.
JLJ E S voilà donc !...
Qui ne croirait à leurs phisioà leurs airs affectueux ! •.. Et qui ne tromnomies,
peraient-ils
pas? Ah! calmons les flots que la fureur
soulève du fond de ce coeur outragé ! // s'avance vers
les sénateurs avec les nwuvemens dune sérénité feinte.
( Haut. ) Dignes Sénateurs ! le sentiment que j'éprouve,
en vous voyant ici....
Comment
vous portez vousv
L u c u L L i M E , gaiement.
à merveille,
Toujours
vous jouissez aussi dune
TlMON,
quand nous apprenons
heureuse santé
souriant
dun
que
air forcé.
En effet....
Et c'est à vous, mes
Oui, ma santé....
où elle
dignes amis, que je dois le retour heureux,
se tiouve maintenant....
( A part. ) O tourment !.. #
LUCIDES,
à part.
, Quel est donc ce nouveau ton de voix! Timon semble- avoir le visage couvert d'un voile !... ( Haut. ) Je
me flatte, Seigneur,
que vou3 n'avez aucun ressentivotre mesment de ce que j'ai été forcé de renvoyer
sager, les mains vuides* si vous me l'eussiez adressé
deux heures plutôt, c'eut été un bonheur de pouvoir....
DRAMB.
TIMON,
d'un
77
air
contraint.
Ah ! ne songez-donc
plus à 'cela. N'avez-vous
pas
deviné
dabord
que c'était un jeu de ma part ?
( Bas. ) Ah! que je souffre!...
( Haut. ) Çon jour,
en venant me voir....
Vous m'obligez
Semphronide/
me manque pour vous dire....
Et l'expression
SEMPRONIDE.
confus de m'être trouvé si pauvre,
Je suis vraiment
l'autre jour chez moi.
lorsque vous envoyâtes
TIMON,
toujours contraint.
Et Croyez
Hé ! oubliez donc cela,Semphronide....
et que je vous rends toute la.
que je vous connais,
justice que vous méritez.
SlMPHROKlDE.
a dû vous dire que la»
votre Démocêde
Seigneur!
de mon amitié s'est offamsée, de ce que
délicatesse
feignant d'avoir besoin de vos amis, vous ne vous soyez
adressé à moi, qu'après
vous être adressé à tous les
m'a humiCette préférence,
autres.
je vous l'avoue,
lié. Hé bien, qu'en est-il résulté? J'ai pris le parti d'enla petite
trer daii3 vos vues et de jouer un rôle,dans
comédie dont vous vous régaliez. J'ai feint à mon tour,
mon personnage,
un refus.
pour bien remplir
V
TIMON.
Ah ! Ah ! Bon ! Vous avez vu tout cela. ...Je
ne
pouvais attraper tout le monde. Je vous prie, mes amis,
que ce souvenir ne vous empêche point de vous livrer
à des idées agréables. Le moment
vous y invite!, et
vous savez que le meilleur festin est nul si la gaieté
A ses esclaves.)
n'y piéjide.(
Apportez tout ù la fois,
?a
TIMON
D]ATHÈNES,
les mets que. j'ai commandés
afin qu'il
moi-même,
le banquet
soit distingué,
que j'offre, que je donne
à mes bons, fidèles, sensibles amis....
«.*«.-'. %:k'.'-.
Les esclaves placent sur la table , les plats que Timon
leur a fait préparer.
'
• *••'
Ï
LUCIDES*
Je deviné.
Quoi ! tous les plats sont couverts!...
C'est iii;e suiprise agréable que Timon veut nous pré" r*' ' '
• ' ;; '•
;
'.''''"
parer.', l.
SEMPHRONIDE.
Festin splendide ! j'en fépohdsj
: .'
nous surprendra
plus.
mais dé Sa part rien ne
'
*
LUCULLIMI.
Tout ce que l'argent et^ la saison peuvent procurer,
Je le reconnais à ce goût, à cette
nous en goûterons....
' '• • .
'
.
magnificence!...
SEMPHIlONipE.
, v. is
!... Le patron est toujours ce qu'il
Délicieux
repas
' a:
•*?-.*.
:.': ''•"'.
'•;'
était:'""1f •'<
TIMON.
• *"
• ... '
'
[ - -f , Allons; que chacun prenne place. VOUÎ serez également bien servis, quelque soit celle que tvous occuquelque préféperez. D'ailleurs, pourquoi dqnnerais-je
rence à quelques uns de vous autres ? l\e sais-jc pas
bien, que vous valez tous, autant les uns que les amies?
: -i
Lu c uLLIM
E,-,-auxsénateurs.
=f
à jouir des délices d'un banquet où
Préparons-nous
la générosité du noble Timon ne le cède qu'à, la grâce"
DRAME.
I
avec laquelle
pour charmer
r
79
il reçoit ses convives....'Tout
ici est fait
le coeur et les yeux....
également l'appétit,
Les convives
TIMON
s'asseyent.
, debout.
nos voeux au Ciel.....
Adressons
d'abord
Dieux
L'homme est né trop ingrat pour sentir yos
immortels!
bienfaits. Gardez vous 5, malgré vos présens multipliés,
ne les répanrien de leur reconnaissance;
d'attendre
dez pas tous à la fois, si vous ne voulez pas que vos autels
soient déserts. Car si vous étiez réduits à emprunter
clts hommes , les hommes renonceraient
bientôt au çulta
<
qu'ils vous rendent....
à Lucuïlime.
LvcwÈSybas
Quel est donc ce ton mystérieux du Seigneur Timon£ •
un air tout différent. ;;;'
Je lui trouve aujourd'hui,
LucuLLiMi,'
<J'ai fait la même
TIMON,
bas à Lucides.
J
observation.
toujours,
debout.
bons !1ne faîtes pas que le festin soit plu*
I pieux
Ni que la gourmandise
aimé 'queTiiote
qui le donne.
Vous lise* dans les coetirsj
prenne l'accent de l'amitié...
abaissez vos regards sur tons mes ami* qui sorit idl
! Soyez
et. soyez, 6 puissances
rassemblés;
Suprêmes
^ponr eux ce qu'ils sont tous pour moi ! et qtië vos dbhs
le fe>tîn auquel ils sont
à leur égard soient comme
// fait signe
à ses eeclâves. Découvrez.
invités !...
Les esclaves découvrent
les plats.
.
,o î
TI
8<>
MO
N
©
'
A T H Ë N E S /
SEMPURONIDI.
Que
veut dire ceci?Tous
TIMON,
je3 plats sont vuides!..,
avec chaleur.
Qui, vuides, comme vos âmes, vo3 âmes cadavéreuses , que vous disiez remplies pour moi, de tous
les sentimens de l'amitié. Dévorez maintenant,
dévorez, troupe affamée ! Beau cercle d'amis de bouche ,
vils amans de la fortune et de la bonne chère, vains
phantômes sans solidité,' loups affables, ours caressants;
pûissiez-vous n'assister jamais à d'autres fêtes que celle
que vous donne aujourd'hui Timon ; qui vous méprisé.,'
vous hait et vous maudit. Où sont donc présentement
vos
louanges, vos flatteries, vos lâches et dégoutuns mensonvo3 langues ne peuvent plus
ges; rien dans l'estomacli.
restez muets, étonnés....
Vous fuyez....
aller.,...;Vous
( Tous les convives se lèvent en tumulte. ) Où allezvous donc, mes bons, mes sincères amis? Attendez,
attendez, je veux encore vous prêter de l'argent et non
vous en emprunter.
Quoi! tous en alSarmcs et stupéfaits devant le néjnt des plats. Hé bien vous tous,
soyez accablés de mes libéralités. ( // fait un geste ,
et ses esclaves lèvent toits les plats et menacent de les
Lucuilime,
jttler à la tête des convives. )...'Honnête
Et toi aussi, tendre
Lucides!.,
.ht
prens ta pari!...
El vous tous, bas
toi aussi,généreux
Semphronide....
au genou prosterné,
ridiesclaves à la tête inclinée,
au Palais
du riche. . . •
cules automates , attachés
ou mes valets vous assomment.
Fuyez....
LUCIDES,
II est devenu
troublé
et cherchant
fou !.. « Mon manteau....
à s enfuir.
Où l'ai-je mis ?
LUCULLIM&
#
DRÂlviË
fe
de mêine.
LUCULLIME,
Poùvëz-vous
expliquer
qu'elle est^ cette
Navez-vous
pas vu ma Toque ?
fureur?.i
»
S S M P H R o NI D E , de même.
Elle est inconcevable!...
ture ?
Les Sénateurs
en se rencontrant,
se heurtent
contre les autres.
i.er Sénateur,
Et,mon
de sortir
pas là ma cein-
N'avaïs-jc
froissé
Prenez
écharpe?
d'ici.
par
les uns,
un autre.
donc garde ! Hâtons-nous
3.c Sénateur.
Voulez-vous
Que ne suis-je loin....
Qu'il est lourd!...
3.e Sénateur.
me renverser?,
Beau repas !...
Ma jambe.
m'estropiez
Aie !...
Aie !...
Holà,
donc , vous
!.. \
4.e Sénateur.
Mon
bras.
5.e Sénateur.
Ma tête !...
6.e Sénateur.
Mon
épaule !...
à ses esclaves:
TIMON,
cette meute heurtante,'
Chassez,chassez
Il n'y a plus ici de proye pour elle.
Les esclaves chassent
le$ Sénateurs
dévorante.
et sortent avec eux,
F
8i
TIMON
D'ATHÈNES,
avant de sortir.
LUCULLIME,
Suivez-moi : rendons-nous
au sénat ; il vengera
front fait à ses plus illustres membres.
l'af-
WWM .tMMM)Mn
SC
E N E
I I I-
TIMON,
— __. y seul.
—„
ces sénateu
périsse ce sénat discordant,
toujours prêts à'trahir ou a mentir! Que font-ils? fis
et tuent l'homme
absolvent
l'homicide,
probe. Ah!
doit être dangereuse
pour l'état.
que leur ivresse,
Mes vins ne les enflammeront
plus; lis iront ailleurs
fomenter leurs détestables factions. Les voilà ces audacieux hypocrites
qui de la liberté ont fait une tête de
Méduse. Tous ont fait le mal, ou l'ont souffert lâche// s'arrête un moment : et dit ensuite. Tu
ment.
Ah ! tu sens
pleures , Timon ! Tu pleures !...
que la vengauce que tu implores ne te rendra poii.t
la douce illusion du sentiment qui fakoït le charme
de ta vie ! L'idole que tu adorais est tombée de l'autel ! // se promène en silence, et dit ensuite. IMon ;...
La honte d'avoir été trompé par des fljitenrs dont
n'humilie
mon
amour
ridicule
le
point
jouet,
j'étais
ne.soupçonpropre! hélas ! ma crédule inexpérience
nait pas dans l'âme des autres, une dureté que je ne
trouvais pas dans la miennef Non, l'édifice de ma fortune en s'écroulant, n'ébranle point la feimeté de mon
caractère. L'indigence ne m'épouvante
pas. Je n'aimais
dans cette fortune, que l'heureux pouvoir de la répanle besoin d'aidre sur ceux qui m'ont fait éprouver
me voir condam*
mer. Mais , cruellement
détrompé,
u'iL
DRAME,
83
'
lié au tourment de ne plus rien aimef !...
disQue
je? je sens que la douleur, étouffint dans mon coeur,
tous les germes d'une passion que j'idolâtrais, va désormais y faire circuler tous les poisons de la haine ; je
sens avec effroi que ie suis prêt de l'étendre sur tout
H^ïr ! haïr! cela est affreux....
le genre humain....
C'est le seul hélas, qui m'attaMais ce sen&nent,...
che encore à la terre ! oui, ne pouvant plus aimer ,
il faut que je haïsse....
Horrible volupté ! Dieux! Ce
n'est qu'en devenant
à l'exempte
de tous
monstre,
ceux qui m'entourent,
que je deviendrai , je crois
moins misérable. // tombe anéanti.
SCENE
7
IV.
TIMON,
ALCIB1ADE.
AtciBiADE
, fortement
agité.
Moi dont ce bouclier les a si
EXILER!...
défendus
souvent
contre les javelots de l'ennemi !
Les ingrats!Ils
ont banni Phocion.
M'exiler!...
C'éil leur pardonna.
tait un philosophe;
Alcibiade n'ambitionne point cet effort d'une vertu sublime. Non.
Combattre , voilà son plaisir. Vaincre, voilà sa gloire.
ef je le remplirai.' Leur
Se venger, voilà son devoir....
injuste décret manquait à ma gloire : Oui, j'en jure par
ce glaive. Je détruirai la caverne que le peuple trompé
appclla si long-tems le temple de la Justice ; La d;3
brigands affamés d'or, de sang et de domination, pilceux de leur concitoyens
lent, égorgent ou'flétrissent
dont ils redoutent
les venus,
ou dont ils convoitent
F %
$4
TIMOND'A^^HÈNES,
D'un ton plus calme. Mais dans l'indiles richesses.
gnation qui me trouble, j'oublie que je suis chez Timon.
dont on public par-tout
... Le voilà le malheureux,
le désastre ! // s'avance. Timon, je vous plains bien
et je désire que mon amitié
sincèrement,
T i M o N , se levant très vite.
encor
mortel
ose
L'amitié\...
en
prononcer
Quel
ma présence ce mot qui fait sur moi, l'effet que produit le blasphème,
sur une oreille pieuse....
ALCIBIÀDE.
la voix d'Alcibiàde.
reconnaissez
Instruit
Timon,
de votre malheur , je suis venu vous apprendre
le
avant de me rendre
mien ; et voUs faire mes adieux,
au lieu où le sénat vient de m'éxiler.
TIMON.
Le Sénat vous exile !... Quoi ! le héros de la Grèce !
Celui dont les trophées ornent les colonnes du temple
de Mars*, celui qui couvre Athènes des rayons de sa
gloire ! celui
ALCIBIÀDE.
Mais puisque je vais vivre loin d'eux, ce n'est pas
cet aHront est fait pour alluun malheur. D'ailleurs,
et pousser mon bras à
mer toute mon ^indignation
frapper ses coups sur Athènes. Je vais ranimer le couet gagner leur coeurs.
rage de mes troupes mécontentes,
de nombreux
I) y a de la gloire à combattre
ennemis; et les guerriers ne doivent pas plus que les Dieux,
souffrir qu'on les offense impunément.
T i M o N.
Dieux
immortels
! faites qu'il précipite
sa vengeance
DRAME.
8f
la tête de ces homme pervers, qui craignent le
regard de tous ceux qui ne leur\ressemblent
pas*
sur
ALCIBIÀDE.
Ma vengeance
ne tardera point;
ont choisi mon
que les immortels
l'instrument
terrible.
TIMON.
douce et
Quelle harmonie
oreille! ... Alcibiàde,
tu es
descendu
des cieux
justice,
timent de mes vils et cruels
\
e\ j'aime
â croire
bris, pour en être
\
\
nouvelle ptentit à mon
pour moi je génie de la
pour m'amouc&r le châennemis. /
I
ALCIBIÀDE.
Les malheureux
Athéniens
plongés dns un abîme/
de maux tourneront
les yeux vers Alcibkle.
Ti-M ON, vivement.
Sans doute, joli garçon ! corrige ces irensés d'athéniens, tu es 'né pour châtier Athènes;
letsprits y sont
facttux qui veuctans le délire; punis ces misérables
lent usurper la puissance. Voilà tout ce ue je désire.
me flatter ..'. écoute,
Alais toi, Alcibiàde,-viendrais-tu
l'adversité m'a éclairé; elle-m'a appris à i.i|fairedépéridre que de moi seul toutes mes espaces.
ALCIBIÀDE.
Je suis ton ami et te plains....
/
/
T I M O N.
/
\
ne
me
Tu
ne
sais
doÊ
je
diî-tu!...
que
pas
Que
veux plu? avoû- d'amis.,*.
Des amis îi n'y en a jamais
être
eu....
laisse-moi
car
scul^
Va,
j
j'aimeraisiVnieux
j s éloigne.
F 3
I
/
/
86
TIMON
D;
A THÉ
NE
S,
ALCIBIÀDE.
Le poids de Vinfcn tune qui pèse sur sa tête a troublé sa raison. N'ïgravons
point ses maux ; et courons
étouffer ce foyc' de discordes où sous le faux nom
de
ennemis
d'amis du peur/e 9 sont les plus grands
la îibeité publque.
Alcibiàde se rfirc en faisant
quelques gestes de comun
Timon
va
dans
ci
s'asseoir
,
fauteuil,
passion
la tête pencée dans ses mains.
SCENE
V.
TIMON.
FLAVIDIAS,
enveloppé dans son manteau.
Lis tbciavi de Timon le suivent dans différentes
attitudes duloureuses. Il se fait un moment de silence.
L' jour ceimence à baisser. La lumière du sailort
s affaiblit jer degrés.
FLA
IDIAS,
tristement
aux
esclaves.
\ VA ES «f.fcts, je vous l'ai dt\id-t : Retirez Vous; votre
lïe
le souvenir
doubsut que lui rappeler
préocnc'
do n-it briilailt qui n'existe, plus pour lui.
lourei*
yOUr le voyez ,ieut le monde l'abandonne.
£ U P O L 1 S.
\
•
le ^pnde entier aurait ciû Timon si près
dsm
Qui
de sa îiîfiiût' tôt e<t-il peidu,
Ne rtstcdésespéré?
t-il rien ?
FLA VIDI AS.
Dans-la
sîfuatio» déplorable
eu il se trouve,, il ne
peut pas même pyer le reste de vos gages.
DRAME.
MYRPHO
87
N.
Une pareille maison renversée!...
Un si "éuéreux
maître,
précipité dans la misère! et nas un seul de ses
amis qui tende les mains à son infortune!
FLAVIDIAS.
\
De même que nous tournons le do\à notre camarade dès qu'il est jetfé dans la fosse, a\i«i ses amis en
s'écharaetit tous loin
voyant son opulence disparaître,
1
de lui....
D E M 0 c i D E.
\
Mai3 nous avons encore
tout ce qu'il nus * donné.
1
M Y R P H o N.
Sans
doute.
DEMOCÈDE,
\
Eh bien , nous pouvons reconnaître
lebonfés qu'il
a toujours enii^ pour nous ; notre tour es/enu d'éfre
aussi bons que lui, du moins autant que [>us le pouvons.
|
M Y RP II ON.
\
Je fais une réflexion ; peut-être
de
qu'il/Wiraît
recevoir quelque chose de ses esclaves. Ipvdia;, vous
qui aviez la garde de sou trésor, vous piiyee ^ndre
d'y avoic trouve l'argent que nous allons pus remôr^
D É M o c k D E.
\
Bien dit. Qu'il ne sache pa3 mêmejue cela vient
de nous. ( // présent* une bourse à Flattas.. ) Teue^
rassemble
ÏP»S
là
dedans
c'est
nous
,
que
prenez,
depuis douze an*....
Ç8
TIMON
D'ATHÈNES,
Fx A VID l A S , ému
et refusant,
Ames honnêtes f braves amis ! après tout ce que
j'ai vu ici, votre procédé me touche infiniment ; mais
•je dirai qu'il m'^oune , et qu'il étonnera beaucoup le
jiialheureux
Tir/ou.
MYRP'HON.
y
a voulu que nous fussi la fortune
Et pourquo/?
une classe avilie, eu revanche la
sions lé'égué^'dans
nature a voul) que nous nous relevassions à notre gré,
On voit tant de nobles penser
par nos sentons.
des esclaves ne pencomme des ketoves, pourquoi
seraient-ils
pfe aussi comme des nobles ?
FLAVIDIAS.
Mes honcables
amis, encore une fois , je vous en
co'.jure , rerez vous. Je vous appuierai quand je croidevant lui.
rai que \ck pouvez vous présenter
SCENE
j X\M O N,
V I.
FLAVIDIAS.
Vf, A v i D I A s,
à lui-même.
Ce n'est rien encore ;
J5 A fortune t renversée....
comment lui aVioncer une plus terrible nouvelle i1 quel
moyeu prendri-je
, que le sénat
pour lui apprendre
par le c teret iiiunant qu'il vient de lancer contre lui,
à ia soilicitationde
ceux qu'il aimait- le plus. ...
'
DRAME
TIMON,
«e levant
?9
de son fauteuil,
awère.
dit avec une joie
Flavidias ! félicite moi. Je souris maintenant
avec
dédain sur tous les maux qui m'arrivent. Je me réjouis,
en pensant qu'il n'est plus au pouvoir du soit, d'eu
le nombre.
un plaisir qui m'était
augmenter
J'éprouve
avec
en bravant sa rigueur,
eu U défunt
inconnu,
fierté, de me porter de nouveaux coups. Je retrouve
tout dans le néant de tout. ( // se promène avec un
air de satisfaction,
)
FLAVIDIAS.
en lui montrant l'affreuse vérifé,
Eerai-je évanouir,
mais
la chimère qui, dans ce moment,
le tronme,
le console?
lui arracherai-je
le funeste et dernier plaisir dont il croit jouir ? non, jamais je n'aurai ce courage. ( Il s'éloigne. )
T i M o N.
Ou vas-tu Flavidias? ... Hélas! tu crains la contaA lui-même.
et tu fais bien....
gion de mon malheur,
Ma tête a donc le pouvoir de celle de Méduse?elle
pétrifie ceux que je regarde ! V i, Fiavidi;is, va , je* ne
regrette point ma prospérité,. puisque je uc serai pins
environné de vaines peintures, telles que mes faux amis.
les larmes aux yeux. A part.
FX.AVIDIAS,
Ah ! s'ils n'avaient été que faux !..,
Faut-il donc que
ce soit ma main qui lui arrache le bandeau qui lui
cache le plus grand de tous ses malheurs !
TlMO
N'.
pii'as-tu ? je te l'ai dit, nue je me trouvais "ni dessus
des coups du sort. Que je non av«is plus rien à craindre.
90
TIMON
Hélas ! vous
D'ATHÈNES;
FLAVIDIAS,
vous trompez î
TIMON.
Je me trompe!et
quel est ce nouveau revers?
... Me voilà déjà fait au malheur. .1 Achève.
Fi. AVIDIAS.
Le sénat vient de rendre un décret
d'Athènes.
TIMON.
Moi ! et sur quel prétexte ?
parle,
qui vous chasse
F L A v 1 D 1 A s.
Sur ce que votre grande opulence à donné l'exemsur ce (pie vous avez hâté les
ple d'un luxe nouveau,
tandis que votre
publique,
progrès de la corruption
plus grand crime est d'avoir trop enrichi d'artistes ,
trop fait de bien. Ici Timon tombe dans une espèce
de stupeur) et Ftavitiias continue. J'ai vu LuculUme,
Lucides,
s'empresser à faite prononcer
Semphronide,
ce décret flétrissant. le lès ai vus étincelans d'une joie
remettre dans les mains de v»;s avides créanbarbare,
ciers , le pouvoir du se saisir du dernier de vos meubles. Leur cohorte
va assiéger votre maison et déjà
le peuple assemblé applaudit à leur insolent triomphe.
TIMON,
la bonté
être
osera
désormais
bon,
puisque
Qui
tant d'ingrats.
qui fait les Dieux,
engendre
F L A V I D I A S.
Au milieu de ces cri? tumultueux,
j'ai traversé la
et je viens, ô mon
foule, couvert de mou manteau,
Tu;:ître , vous demander....
DRAMK.
T1 M o N , d'un ton eut me,
91
mats sombre.
Dans la fierté d une âme droite et pure, je fuis pour
jamais cette ville odieuse, repaire de nus monsHheux
amis.,.,
Des racines,
des racines..,.
Un désert....
Une bêche et un noyau,,,.
Justes Dieux! voilà tout
ce qu'il me faut,.,,
La mture de l'homme est per*
verse; tout est oblique et faux dut» le coeur humain*
Maudites soient les fêtes, les sociétés et les assemblées
des hommes.,,.
Ils se réunissent
pour se pervertir.
Timon
huit
et
son
et
se
haie luisemblable,
méprise
'
même.
F L A V I D l A S.
Ah ! j'accompagnerai
vos pas, mon cher et honoré"
maître....
Je vous servirai toujours avec le plus foudre
Je veux vous suivre....
dévouement....
TIMON.
P.ts un seul
Non....
Tu es né de la femme....
Jjj ne puis plus rien aimer. Si tu crains
mot de plus...,
Ne fréquente jamais les
mes malédictions....
Fuis..,,
Oh ! que l'eset que j J ne te voye plu»,...
hommes,
pèce humaine est vile !
FIN
DU QUA T*RI £ M Ej A CJ I.
j%
TIMON
A
S CE
D'ATHÈNES,
C
N E
T
E
V.
P li E M I E 11 E.
Le théâtre représenta une épaisse foret. On y voit une
dt Inquelle se trouve
caverne obscure , à t\ntrêe
une grosse \nerrc et les habits d'un esclave.
T i MO N seul.
AcHÉ dans le fond ténébreux
de cette caverne,
vous échapper,
c'est là que je pmurai
monstres
à
idce humaine,
plus redoutables
pour moi, que les
bêtes féroces, dont les sourds rurlsscmens se prolongent
dans l'épaisseur de cette foret: habits de la pauvreté,
je ne vous quitterai plus. O nuit! accours ; cache moi
le genre humain ; cache moi l'homme , cet être hideux;
cache moi ses crimes...,(//
creuse la terre. ) O terre?
cède à mon travail jomiuiier
UUG grossière nourriture.
Et que l'homme-qui
te demande
quelque chose de
Non,
plus, reçoive de toi, les plus violens poisons..,.
une grande fortune,
l'homme ne peut supporter
sans
méconnaître
sa nature ; c'est ici que je retrouve toute
ma dignité, et que je me sens le droit de mépriser,
de haïr l'espèce humaine ; c'est d'ici que j'apperçois
le torrent des iniquités rouler ses flots impurs dans le
sein d'Athènes ; ville abominable î ne perds point tes
v;ces ; que la femme adultère
la
y brave toujours
le crime, .'•ous les yeux'même
pudeur, en commettant
sors du coeur des jeunes
de ÎOU époux;
chasteté,
filles; obéissance,
péris dans le coeur des enfans.
amour des Dieux,
Crainte,'
puix, jujtic£y
respect,
DRAME.
93
bonne foi, subordination
domestique , tranquille repos
des nuits, union tics concitoyens,
éducation,
moeurs»
vous êtes disparus,
vous êtes anéantis
et
religion;
par tous les crimes et les désordres conremplacés
traires,.,,
Dépositaiies infidèles, plutôt que de rendre
et coupez la gorge à
tirez vos poignards,
l'argent,
des compté?. Serviteurs,
ceux qui vous demandent
volez avec adresse ; vos graves
maîtres
sont des
à la large main,
qui pillent au nom des
brigands
loix. Jeune fiîs débauché,
pour jouir dit trésor de
arrache de ses mains,
ton père trop lent à mourir,
et d'un coup parricide,
sa béquille veloutée,
brise sa
tète chauve. Athènes est mûre pour la ruine; Dieux!
. Que du moins je sois
voici l'instaut de la frapper..
loin de toi, cité détestable,
peuple d'êtres
toujours
L'haleine des'Athéniens
insensibles ou féroces..,.
est
mortelle
pour moi; je sens qu'elle me tucrair, ( Il
creuse la terre. ) Que vois-je , de l'or ! O métal
funeste poison des vertus, tu m'as rendu
coirupteur,
Voilà
pour te chercher encore....
trop malheureux,
de quoi faire condamner
l'innocent,
justifier le coules crimes,
et faire calomnier
pable , commander
les vertus....
Rentre qn terre, et restes-y caché pour
Quels
jamais, ( // marche. ) M lis qu'euteus-je?...
dans ces lieux sauvaqes!. .. Oui vient
sons nouveaux
encore me tourmenter
jusque» dans ie creux de cet
antre désert ? ,..
TIMON
94
D'ATHENES,
II
SCENE
VHHYNIA,
TIMON,
TIMANDRA,
des soldais
en habit de guerrier,
militaires f accompagnent,
instrumens
AICIBI
ADE
ALC'IBIAPE
et des
armés,
à sa troupe.
sous l'ombre de
XV E P o s o N S nous un moment
cette foret, ( Aux* tambours. ) Yens,
cessez d'épouvanter les échos de te lieu solitaire. ( I!s'avance'. ) Encore
tu me verras dans les murs, insolente cité;
im jour,
aux cent tores; j'arrête
les
j'y terrafse le monstre
proscriptions ; le peuple resphe hbre ii'im joug sanglant,
limon. ) Qui c-t ce mortel' dont les
( // apperçoil
la pins ufircuso misère? K>t-ce
annoncent
vétemens
aux verges des tyrans de la
un esclave r'chappé
C'est Timon!
l'aréopage?
T 1 M ANDR A.
Il n'est
pas rccoiinaiss.'ibîe.
1*Il R V N I A.
Est-ce là cet Adonis d'Athènes,
échos répétaient les louanges?
T i M A N D n A.
Quelle
homme,
métamorphose
certainement.
tous
fes
! non ce n'est plus le même
PllRYNJA.
Non,
dont
DRAME
9S
T 1 M 0 N.
Je suis toujours le même; mais je n'ai plus d'or, T.;
Ou ne m'ùmen
plus; c'est ce que je veux, et ce que
sur-tout
de von?.,
, Un peu de haine
je désire,
vous
même, pour prix des vérités que je pourrais
dire,,.,
T 1 M A N D a A.
ours !.,.
Ouel
^
Puavs'i
A.
Mas
il fait peur;
il faudra
l'enchaîner.
TIMON.
Le plaisir et la vanité ; voilà vos deux idoles ; c'est
à leurs pieds que vous enchaînez et que vous détruisez
et jusqu'à la brachaque jour U vérité, l'honneur,
caractère , que celui
voure. ... Vous n'avez d'autre
de vos passions changeantes,
que vous empruntez
Voilà mon dernier
mais toujours funestes à la vertu,...
mot,...
A D E.
AlClBl
ses revers ont égaré
Pardonne lui, cher Timawlra;
J'ai appris avec donlenr
sa raison. ( A Timon,
comment l'ingrate Athènes oubliant ton mérite et tes
grands exploits,...
T 1 M O N.
Tu fais donc
la guerre
aux Athéniens?
AlCIBlADE.
Oui,
Timo n , et j'en ai sujet....
T i M o N.
Que
les Dieux
les punissent
Tu
par
le sais,
ton
épée
vie-
o6
T î M ON
D'ATHÈNES,
Les lâches! que n'ont-ils pas enduré î Va,
torituse.,..
que ton gîaive n'en épargne pas un seul. Si tes soldats
frappent un vieillard malgré ;es cheveux blancs, crois
que c'est un infâme usurier. Si le fer atteint la matrone,
rien n'est bonnee
en elle que ses
point de remord,
sou coeur est prostitué.
vêtemens,
A«lorts, suis tes
sur-tout ne te etpare p is de ces trompeuses
tambours;
beautés;
par tout, je te le certifie, elles seront plu*
fatales que ton épée.
P II Jl Y N 1 A,
Ecartons
nous
de cet homme
odieux.
T 1 M A K D R A.
Comment
révolution ?
a-t-il
pu
éprouver
une
aussi
étrange
ALCHUADE.
Nous ne faisons ici que l'aigrir.. ,. Partons, îîattoz,
Marchons, vers
tambours,
préludez à mes victoires..,.
et que toute
Adieu ,
Athènes-,
cesse,...
tyrannie
Timon; si je prospère à mon gré, je reviendrai te revoir*
TIMON
.Te Ven dispense;
châtie, châtie seulement,
avilie dans nos murs,
corrompue,
humaine,
voudrais,
moi, eue l'exterminateur.
l'espèce
dont je
A.LC 1 B ! A DE.
le bruit
Aux armes! soldats; sonnez, trompettes!que
éclatant de vos sons, en se répandant sur notre route,
de ceux qui vont avec
le nombre
tallie, augmente
L'immortelle
cause de la
moi, 'seivir ma vengeance.
si long-tems outragée par les plus injustes
République,
et
,
DRAME.
97
des hommes,.,,
«t les plus méprisables
Vengeance !
avec toute ta
c'est elle qui doit nous reconcilier
Grèce et l'univers, ( Il sort avec ses courtisannes.
On
dont les sons diminuent à
entend une marche militaire,
mesure qu'Atcibiade
s'éloigne avec ses troupes. )
SCENE
TIMON
seul,
après
III.
un moment
de silence.
,J E respire plus facilement à mesure que ces humains
s'éloignent de mou asyle.( Il se promène, ) O nature ! toi
dont le sein fécond,
enfante et nourrit tout, toi qui,
de la même substance dont tu formes le plus odieux
de tes enfuis,,,.
la couleuvre
l'homme.,..
engendres
le Serpent
le Tigre carnacier,
bleuâtre,
venimeux,
n'as tu pas mis sur le front des pervers,
le
pourquoi
signe dont tu empreins tes créatures les plus abhorrées?
il, voit paraître
{Pendant
qu'il marche,
Spondéas et
il s'écrie; ) Eucore des hommes!, quand
Pictomane,
finira la mee humaine? Malédiction sur eux, maUJiction
Ce sont des artistes qui me poursuivent.
sur.moi!
Dieux ! je deviens étranger à moi même; déjà j'éprouve
un sentiment
à la haine,
et là bain©
qui ressemble
n'était pas faite pour mon coeur. ( Il s'éloigne.
)
TIMON
VS
D'ATHENES,
SCENE
I V.
SPONDÉAS.
PICTOMANE,
TIMON,
A s.
S PONDE
J E vous le certifie, camarade; ainsi que sa banqueroute
la fidélité de. ses,
n'était qu'un artifice pour-éprouver
dan»
amis, de même son infortune n'est qu'apparente
une aussi affreuse solitude ; il y a rencontré des trésors.
PICTOMANE;
Des trésors!
serahvil possible?
S PONDE
AS.
C'est un fait certain.
PICT
Quelqu'avare
voleurs....
o M AU E9 à Spondéas,
peut-être.,
qui,
que
craignant
les
S P O N D É A s.
Vous le verrez encore fleurir dans Athènes, et briller
des
Tableaux....
les
Payer
plus
opulens....
parmi
PICTOMANE.
Il ne sera
Et des vers. ;.. Le voici...,
propos d'aller lui offrir nos hommages.
SPONDÉAS.
Sans
doute..,.
Et de ce pas,..,
pas mal à
a
DRAME.
$>9
11$ abordent
Timon,
N'avais'je pas raison de dire que les Dieux n'aban*
donneraient
et vertueux Timon. Eh!
jamais l'honnête
mon cher convive,
le plus beau,
le plus
bonjour,
des humains!
le plus charmant
aimable,
TIMON.
Ah!
bonjour,
le plus
vorace
des Vautours.
S P o N D É A s,
Il est toujours le même,plaisant,
facétieux, toujours
avec moi une chan*
l'homme aux bons mots, J'apporte
et toute nouvelle.
son à boire,
mélodieuse
TIMON
à part.
Les misérables ont sans,doute cru que j'avais retrouvé
de l'or,,..
C'est à coup sûr ce Spondéas
qui aura fait
ce vers de tragédie ; qu'il esi bon en péril d'abdiquer
la vertu!
SPONDÉAS.
ce que j'ai appris ? C'est que le peup'e
Savez-vous
et les Magistrats assemblés,
allaient vous redemander,
les honneurs qui vous sont dûs f
pour vous accorder
honneurs tardifs sans doute ; et voici le projet de Décret
que j'ai rédigé en votre faveur : vu que Timon à toujours
bien mérité de la Patrie,
qu'il a toujours
remporté
et en un même jour, les prix de tous les exercices,
dans
les jeux olympiques.,..
TIMON.
Fort
comme
bien!
je
spectateur.
ne
m'y
suis jamais
même
trouvé,
G
%
ico
TIMON
D'ATHENES,
SPONDÉAS.
Eh! qu'importe?
n'étiez-vous pas alors, et n'êtes-vous
pas encore maître d'y aller quand il vous plaira ?
le détail de vos belles actions?
laissez-moi continuer
et personne ne nie contredira,
je les connais,
s
TiMONr/
part,
Oh!
les infâmes! très certainement,
de beaucoup d'or.
possesseur
ils me croyent
SPONDÉAS
Vit quel aiuiée dernière dans la guerre du Péloponèse, '•
il a fait des prodiges de valeur, et passé au fil de Cépée
de Spartiates^ ...
deux bataillons
TIMON.
\
Comment cela peut-il se faire?je n'avais point d'armes,
m'emôîer
avec,
alors, et je n'ai'.pu, en conséquence,
'
les autres,
;
P 1 C T O M A N E.
d'être modeste sous les laurier*,
Il est beau, Timon,
seraient coupables
niais vos concitoyens
d'ingratitude,
s'ils différaient; de
envers
vous et en vers la Patrie,
buriner tant de glorieux exploits.
à part.
TIMON,
Je ne connais pas deux mortels d'un aussi mépri-,
» Qu'ils sont bien accouplés!. ..L'un
sable caractère...
le dernier des peintres,
l'autre étoufferait
immolerait
son rival, son plus malheureux
confrère.
P 1 CT OMANE,
J'ai déjà tracé le dessin du tableau
qui sera placé à
dans la Citadelle. Votre
côté de celui de Minerve,
de votre
main droite portera un foudre,
symbole
valeur et de votre éloquence victorieuse.
Votre tète
sera décorée de rayons éclataus, et de sept couronnes,.,.
TIMON.
Oh! je n'y puis plus tenir;
flateurs,
ennuyeux
fourbes, hypocrites , lâches , et non moins orgueilleux,
vous sentirez toute la pesanteur de mon hoyau.(Illes
frappe.)
SPONDÉAS.
. O crime! ô tyrannie! ô liberté! comment
tu oses
sur un Poëte fameux,
porter la main sur un Citoyen,
qui fait chanter tout Athènes; moi i'ame des fêtes
va, va, tout mon parti criera avec ma
publiques;
et le complice
Muse,
que tu es un conspirateur,
soudoyé des ennemis de l'Etat. Nous te verrons bientôt
conduire à la potence..,.
Scélérat, qui as mis dernièrement le feu à la Citadelle.
T I M O N.
Mon ami, ta calomnie
est bien
Citadelle n'a point été brûlée.
P 1 G T O M A N E.
Insigne
public....
voleur,
tu t'es enrichi
mal-adroite.
en pillant
La
le trésor
T î M o j*.
Il n'a point été pillé.
P 1 G T O M A N E.
Il le sera au premier jour par tes conseils, et je
dirai qu'on trouvera chez toi tout ce qu'il contenait.
iô2
TIMON
U'ATHËNES,
TIMON
en fureur.
Vil couple de coquins ! Eh bien ! prenez ceci d'avanctf
pour votre bonne découverte.
( Il prend un bâton et
les chasse. )
SPONDÉAS.
O Dieux ! dans un pays libre ! Il ma cassé l'épaule.
Va, va j tu liras la satyre que je prépare contre toi... •
Mon
te punira....
La postérité
style impétueux
apprendra....
Pi CTO M ANE.
Je suis blessé à là main, moi, le successeur d'Apelles,
l'immortaliseur
des glorieux martyrs delà patrie; mais de
ferai ton portrait au naturel....
Hideux
celle-ci
je
comme toi...
TIMON.
Scélérats!
vous n'abandonnerez
pas mon désert,
sans être chargés de mes dons....
voilà ce
Tenez,
f
est
//
vous
dû.
Us
)
qui
(
frappe.
SCENE
TIMON
seul,
V,
jet tant
son bâton.
JL U I S S E la réception que je leur ai faite , se savoir
sans doute leurs
dans tout Athènes. Elle empêchera
Aucun d'eux, je
devenir
semblables,
m'importunîr.
dont
crois, n'en sera tenté, pas même cet Apémentés,
des
d'un ton brutal,
la vertu farouche me donnait,
leçons dont j'aurais dû profiter. Eh ! qu'il me fuie aussi
Dieux! Dieux!
lui, cimme je fuis le genre humain;
le voilà ! je ne puis l'éviter. ( // se met â travailler. )
DRAME.
S C E N E
TIMON,
13
VI.
APEMENTÈS,
APÊMENTÈS,
considérant
Timon,
\j
EST Timon
qui laboure ici près d'un champr
pierreux, Quel cortège! qu'il est différent de l'ancien.
Je vois à ses côtés la pauvreté,
le travail, la force,
la sagesse, la vigueur et la troupe des vertus, enfans
du besoin. J'y ai vu le faste, l'arrogance,
la sote
la folie, la mollesse,
la fourberie
et mille
vanité,
autres compagnes de cette espèce, qui s'emparaient
du coeur et de l'esprit du prodigue. Avec elles il ne fesait
que des fautes. Il estimait tout ce qui est méprisable :
il recherchait tout ce qui étoit dangereux pour lui ; il
donnait tête baissée dans tous les travers, et les
Parasytes ont déjà oublié s'il exista jamais un Timon.
TIMON.
Tu viens ici m'étaler ton
parler. Tu ne méprisais pas
enviais. Va, si j'ai renoncé
sais-tu pourquoi ? C'est que
orgueil. C'est lui qui te fait
mes richesses, mais tu les
à la société des hommes,
je les ai trop chéris,
APÊMENTÈS.
On m*a rapporté que tu voulais m'imiter, mais cela
n'est pas naturel en toi. Qu'est-ce que ta misantropie
toute nouvelle? elle est née du changement subit de
ta fortune : mais qu'elle renaisse demain, tes ridicules
et ta folie renaîtront;
or, pour la ressusciter prompte^
.104
TI
M Ô N. D'ATH
EN
E S,
ment, sers-toi des moyens dont on s'est servi pour
la faire perdre.
T 1 M O N.
t©
Comment?
APÊMENTÈS.
Deviens à ton tour, faux, fourbe,
flagorneur-, traître
Retourne
dans ta superbe Athènes; après
et rampant.
sois leur
avoir été la dupe de ce troupeau d'adulateurs,
cela est facile. Il est
.modèle : que dis-je, surpasse-les?
encore des Timon dans Athènes. Le nombre des fous y
un Apêmentès.
abonde. Mais* vainement y chercherais-tu
La nature ne recomrr-unce
point un caractère comme
le mien. Ne t'avise donc pas de vouloir me-contrefaire
Si tu n'avais
ici, comme le singe contrefait l'homme.
haillons que tu portes, que pour
pris les grossiers
humilier le sot orgueil de tes pareils, je t'approuverais
mais songe que ce n'est que par désespoir
peut-être;
moi
choisi
le
tu
as
endossé
vêlement
par
que
j'ai
.que
ce'qwe je fais
goût; tu ne fais enfin que par humeur,
par principe. ÏM'importe; j'ai n v à te voir comme tues,
et je sens que je te méprise moins dans l'état où tu
es tombé.
TIMON.
Écoute, Apêmentès?
je n'examine point si tu flattes
ici à ta manière, jusqu'à l'homme dont tu n'as plus rien à
craindre ni à espérer : mais sache qu'il y a une grande
distance entre nos caractères. Tu es né dur, intraitable;
en portant
tu as profané les liviées de la sagesse,
tout à l'excès. Dans ta férocité misantropique
, tu n'as
né
dans
de
eu
sacrifices
à
faire,
que
parce
jamais
l'extrême
tu as souffert tous les maux de
indigence,
avec une docilité
la nature et ceux de la société,
'
'
CRAME.
;
t
105
rampante ; mais si, comme moi, dès ton berceau, tti
avais été pressé dans les' bras caressahs de la fortune ,
tu n'aurais jamais souri à ses dons, que pour en faire
le plus coupable usage ; tu aurais joui avec orgueil ,
avec insolence : tu n'aurais pas aimé
avec hauteur,
comme moi à donner à tous, à réconcilier les frères»
divisés, à rétablir h bonne intelligence entre les époux:
j'ai regardé l'amitié comme le premier de tous les biens j
au?si, ma bienveillance s'étendait-eile à tout le monde,
et il suffisait d'être homme pour intéresser mou coeur.
Toi, tu n'as connu aucune de ces douces faisons qui
marient les âmes sensibles.. .. L'aprelé n'est point la
franchise du caractère; la licence, n'est point la cou->
C'est le refuge de tes
rageuse liberté du philosophe.
aurais-tu été trompé , trahi, toi
pareils. Et comment
qui, étranger à la société, as constamment
repoussé
tous les humains ?
APÊMENTÈS.
Eh ! voilà mon titre de gloire.
T I M O N.
tes admirateurs,
G.irde-le.
ou
Qui te disputerait
Je suis dépouillé
de tout,
il est
tes prosélytes.
vrai, mais je le suis sans remord. Me voilà malheureux,
mais il me reste le souvenir de ne l'avoir point toujours
d'avoir
de le
été, et sur-tout
empêché
plusieurs
devenir....
APÊMENTÈS.
Tu fais encore
le fier.
T1 M o N.
Certes, oui, de n'être pas toi. Je n'ai plus besoin
de lés leçons. Mi chute m'en a plus dit en un instant,
166
TIMON
D'ATHÈNES,
que 'tu [ne pourrais m'en
-. l'instruire à mon tour.
dire.
C'est moi
qui pui»
APÊMENTÈS.
!
toi
leur
éternel
!
des
hommes!
toi
censeur
dupe
Qui!
Eh! tu n'es encore qu'à l'entrée de la longue canière
de maux,
de mépris, de douleurs et
d'opprobres,
d'humiliations
de toute espèce, qui va s'ouvrir devant
toi ! bientôt
t'offrir son coeur ,
Amarilla viendra
Saltidés ses danses, ton cuisinier ses festins, ton intendant
ses avances, tes créanciers, leurs bourses, tous tes amis
leur éternelle amitié. Les pierres de cette caverne ne
te garantiront point des traits qu'ils vont lancer contre
ta crédulité. Entends-tu
d'ici, tous les sarcasmes qui
Je vais te les répéter.
circulent dans Athènes....
TIMON.
Tu le peux. Je suis au dessus de ces traits, au
dessus de tout. Je me sens le courage de vivre seul.
Chassé de ma patrie, que d'autres versent des larmes
Sur ses malheurs ; et qui n'irait pas s'enfoncer dans les
forêts, pour éviter l'aspect hideux de tant d'hommes
aussi froidement cruel?. Vois-tu le creux de ce rochei ?
voilà mon dernier asyle; il deviendra mon tombeau.
Mon aversion pour la perfide cruauté est grande , mais
en même tems, celui qui n'a rien aimé soulève également mon âme.
APÊMENTÈS.
Moi, chérir quelqu'un dans la République d'Athènesqui est devenue un repaire de bêtes féroces?...
TIMON.
Et pourquoi
donc en es-tu sorti,
Apêmentès
?
DRAME
io7
APÊMENTÈS
Adieu,
je te liais.
TIMON.
il ne restera plus qua
Quand de tous les athéniens,
toi de vivant, viens me l'annoncer....
alors tu seras
le bien venu.
SCENE
TiMON,
VIL
les Députés du Sénat d Athènes,
d'un nombreux cortège.
escortés
T 1 M O N.
JLVESPIRONS.
les Députés.)
(Appercevant
encore des visages humains !
aux autres.
i." Sénateur,
S'il l'on m'a bien
pas être loin d'ici.
indiqué
sa retraite,
QuoH
elle ne doit
Ils savancent.
T i M o N, de loin.
Retirez-vous,
n'approchez-pas,
ou craignez...
; ;
a.e Sénateur.
Je le reconnais
au son de sa voix : avançons.
TIMON.
N'avancez-pas!
c'est
ici mon
tombeau;
et qui ose
$ÀB
D ? ATHÈNES
ON
TIM
,
les tombeaux?
( A Ventrée de sa caverne )
profaner
de
là
lé
voile
mort qui
lèvera
main
sacrilège,
Quelle
*s
déjà me couvre....
3.e Sénateur.
Seigneur,
Daignez....
Hélas!
dans quel
état nous
vous
trouvons
?...
i.*r Sénateur.
nous vous plaignons.
TlMp
N.
Me plaindre !, je suis bien....
vous et de votre ville.
car je suis loin de
3.c Sénateur.
Seigneur,
le Sénat
vous salue par notre
voix.
T i M o N.
Le
Sénat !...
Que
me veut-il ?
3.e Sénateur.
une
Reconnaissant
l'erreur qui lui a fait commettre
tl nous envoyé vers vous
injustice qu'il veut réparer,
pour vous conjurer de revenir à Athènes. Oubliez une
«injure dont nous mêmes nous sommes tiés affligés.
Le peuple qui, rarement revient de ses préventions,
les abjure,
sent, avec le besoin qu'il a du secours
de Timon,
il implore
l'indignité de son procédé;
votre assistance. Tous confessent que leui ingratitude
et poussée trop loin.
divers
vous fut trop grande,
Mais à force d'honneurs accumulés sur votre personne,
à ce qu'il espère.*.*
il^cffacera,
'
* .'
DRAME.
"
TIMON.
i
.''/
'>•''•
io9t
'
s
Je souffre.a
Des honneurs!...
votre..vue»
Pestesîï
vous, auteurs-de tant de maux! Oui! je lie.,
publiques,
le déguise pas, je» souffre ici pour toute la Gièce.
.,. \\.
•'
i.cr
Sénateur.
..:'.'.',',.'
bien que
Seigneur, je crains
sarîté altérée. ..1 ''-'
T i MON.
dans ce déjert
votre5
; =?
*.-,;:>-
Oui ! je suis malade de dégoïît , de dégoût de ce
monde d'où vous avez banni le règne de la justice,
mais bientôt je guéris....
des moeurs et des loix....
Il me tarde de voir arriver le jour où je jouirai d'une
éternelle santé.
\\l
f
'
tu
i" Sénateur.
Ne refusés point dé revenir parmi nous? Athènes
menace'de
vous
détruire,
que l'armée d'Aléibiade
appelle,
seigneur, pour la défendre contre les .armes,?
de ce rebelle furieux. Vous pouvez tout sur Alcibiade.
Serez-vous sourd à la voix de yi»tr.e' Pairie qui implore
votre secours ?
l
^
Ti MON.
Ma Patrie....
elle me fut chère, je m'en sonviens.
Mais je irai plus de Patrie, je suie mort à i'univ»rs.;
«£
a.e Sénateur
Vos concitoyens, vont périr,
si; votre vojx toute
du crue]
point lès attaques
puissante ne repousse
Alcibiade.
:
Ti MON. ...
x Us
vont périr soiis ses coups! Que me font Ieurt*
iio
TIMON
D'ATHÈNES,
désastres?
quels désastres pourront jamais expier les
des
forfaits
athéniens, et de vous autres, suf-tout,
longs
Sénateurs? Qui pourrait s'empêcher dé vouer dans son
coeur une haine légitime, une aversion sans bornes .
aux auteurs de tant de barbaries ; d'ailleurs l'athénien
ne fait pas plus d'attention à son bienfaiteur,
qu'à de
vieilles épitaphes brisées ou effacées par le tems. Qui
était plus dévoré que moi de l'amour du bien public?
de la fraternité la
qui manifestait mieux l'expression
plus franche?.
.
i.M Sénateur
Il est vrai.
Ti MON.
Enfin, quel homme a porté plus
la bienfaisance et la générosité ?
Q.e Sénateur.
' Nous n'avons
pas tous été cruels..,.
encore?
TIMON*
loin
que
moi,
Soyez généreux
Non ! je me suis endurci,
puis qu'ils l'ont
dut bien enfin leur ressembler.
voulu. Il
3.e Sénateur
Nous n'avons
miséricorde.
pas tous été vos ennemis.
Écoutez
la
TIMON,
Les scélérats! ifs
Ils en ont banni jusqu'au nom!...
craignent aujourd'hui les plus justes représailles. Allez, je
neveux pas quitter ma solitude. Je reste seul ici avec ma.
bêche et mon hoyau,
pleurant sur vos crimes, et
retournant la terre, notre mère commune ; mais satisfait,
lit
/
.
-,,
dans mon désert, de ne plus être témoin de la prospérité
des médians, dont la vue afflige l'homme de bien,
DRAME.
i.CT Sénateur.
1 nous ne
sur ce coeur ulcéré?.. •
rien
gagnerons
Quoi
La guerre va rougir de sang les pavés de notre malheureuse ville.
TIMON.
Eh bien! c'est la suite de tout ce que vous avez
vos lobe civiles, toutes ne
fait; vos loix politiques,
sont-elles pas cruelles?, que doit donc être la guerre?
Q.e Sénateur.
Vos compatriotes
éplorés
vous supplient.
TIMON.
sont ils-encore
Mes compatriotes
des hommes,
Impassibles témoins de
après leur lâche indifférence....
mais soit; je leur donnerai un
vos nombreux attentats....
secret qui les sauvera tous, oui tous, s'ils le veulent,
des fureurs d'Alcibiade.
i.er Sénateur.
Y
Oh ! il s'appaise.
a.* Sénateur,
Ceci me plaît assez.....
J'espère.
3.e Sénateur.
Il te rendra....
Écoutons....
J'espère
aussi.
TIMON.
Dites-donc
aux Athéniens,
et de préférence
si jaloux de conserver leur existence,
Sénateurs,
aux
qu'il
TIMON
ii»'
D'ATHENES,
fort comy a dans cette forêt, de très beaux arbres,
modes pour ceuxjd'entr'eux
qui, ëïi se faisant justice,
voudront y finir leur destinée : voilà l'offre du dernier
service que je peux et que je veux leur rendre.
$.er Sénateur.
Sortons.
Q.e Sénateur.
. Nous le verrions
• ;^
' ^
Toute
notre
•*
toujours le même.
3.e Sénateur.
eii lui est donc éteinte?
espérance
;
i.er Sénateur.
y
et tentons quelqu autre moyen
Retournons,
l'affreux danger qui nous menace.
'=
3,e Sénateur.
V
Ce. danger^ demande
un prompt
TIMON,
remède;
d'écarter;
-*s
V
seul.
Soleil ! cache tes rayons ! Dieux !•( Regardant au loin. )
cet astre si beau ! cette terre si magnifique!
et l'homme
où sont vos
si affreux dans ce beau mondé!/Dieux!
tonnerres?
eh! pourquoi
ne les voit-on plus lancer
leurs flammes vengeresses
contre lés coupables?
qui
pourra désormais les retenir? eh! que ne feront point
le crime insolent,et l'audace effrénée, lorsqu'ils seront
assurés dé l'impunité?
Dieux! dans ces épouvantables
jours, donnez du moins une marque de votre puissance;
l'homme
n'est plus fait à votre image.
Que je. ne
vdyc plus lés moeurs cruelles dès athéniens, la mtiltitude
des délateurs, la horde des brigands, la foule des assassins,
DRAME,
83
et ces nombreux
forfaits tous commis,
pour comble
d'horreurs, au nom sacré de la Patrie. Dieux! délivrez-moi
de cette cité si froidement
criminelle....
Cette terre
me -reste, elle ne saurait m'être
enlevée ; et parmi
son sein, j'y trouverai les
les végétaux qui couvrent
et que mon .désespoir
poisons qu'elle y tait croître,
Oui, vous permettrez,
justes Dieux,
implore.
que
ces plantes
( Il cherche parmi
parmi
sauvages....
celles qui environnent sa caverne. ) Je connais la vertu
libératrice
de celle-ci. ( Il l'arrache. ) O joie! nature,
jeté pardonne de m'avoir fait naître, puisque tu aviaccordé
la faculté de ne plus exister. ( Il suce m?a»
dément les fruits attachés à la plante. ) C'en est fait;
mon destin est rempli. Je sens de la volupté à mourir.
J'ai besoin de ne plus voir Athènes et la lumière. Oui!
bientôt je ne serai plus témoin des crimes qu'elle a
soufferts dans son sein. ( Il s'enveloppe la tête de son
s'assied sur la pierre de sa caverne. ) La
manteau,
mort vient, je la sens, ou plutôt je la savoure. Puisse
mon dernier soupir, être celui de tous les médians!...
FIN
DV CINQUIÈME
ET DERNIER
ACTE.