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Racines262_dec2014_Mise en page 1 19/11/14 17:08 Page46 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire CULTURE | AUTREFOIS (Photo : Moulin Richard de Bas) | Au Moulin Richard de Bas (Puy-de-Dôme), on fabrique toujours le papier de façon artisanale (à base de chiffons de coton). Il était une fois le papier… Si de nos jours l’utilisation d’une feuille de papier paraît tout ce qu’il y a de plus banal, il fut pendant presque deux millénaires un produit rare et convoité. L’ histoire du papier commence bien avant l’ère chrétienne, en Chine vers l’An 200 avant J.C. Une légende veut que ce soit en observant les guêpes que serait venue l’idée du papier. Celles-ci faisaient leurs nids avec des fibres de bambou qu’elles malaxaient pour en faire une pâte qui, en séchant, constituait une matière résistante. Pendant plus de neuf siècles, les Chinois garderont jalousement les secrets de fabrication à base de bambou, de chanvre, de lin ou d’écorce de mûrier. En l’an 712, les musulmans s’emparent de la ville de Samarcande en Asie centrale (aujourd’hui l’Ouzbékistan), étape importante de la “Route de la soie”. Mécontents de cette intrusion, les Chinois engagent une guerre. En 751, des papetiers chinois sont faits prisonniers. Les musulmans vont enfin pouvoir percer ce secret de fabrication qui est aussi, pour eux, le moyen de répandre les paroles du prophète Mahomet. Samarcande devient le premier et le plus grand centre de production de papier du monde musulman. Il faudra attendre 1056 pour que le papier fasse son apparition en Espagne, alors que le pays est déjà depuis plus de trois siècles sous la domination arabe. Il n’entre en France qu’au début du XIVe siècle. On retrouve des moulins à papier d’abord en Languedoc, puis dans le Massif Central. Un peu plus tard, en 1348, une fabrique s’installe à Troyes où les premiers ouvriers sont d’origine italienne. Cela serait vrai aussi pour les moulins à papier de Chamalières, dans le Massif Central, au XVe siècle. Celui de Richard de Bas près d’Ambert, remonte au milieu du XVe siècle. Dans ce lieu devenu musée du Papier, on en fabrique toujours de façon artisanale. Jusqu’à la moitié du XVe siècle l’écriture | 46 | RACINES | Décembre 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Racines262_dec2014_Mise en page 1 20/11/14 08:31 Page47 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire | était faite à la main et feuille après feuille. L’invention de l’imprimerie par Johannes Gensfleisch dit « Gutemberg », vers 1440, va donner au papier toute sa valeur. Il faut moderniser sa fabrication artisanale par l’introduction de piles à maillets qui triturent le chanvre ou le lin pour en faire de la pâte à papier. Ces machines sont pour la plupart entraînées par des moulins hydrauliques, d’où la nécessité d’être en bord de rivière. Le secret des Hollandais Souvent les papetiers sont des adeptes de la religion réformée. Les protestants y trouvent eux aussi un intérêt pour répandre leurs idées. En 1685, la Révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, mettra à mal cette industrie en France. Les professionnels vont émigrer vers la Hollande ou l'Allemagne, emportant avec eux tout un savoir-faire. Les moulins à maillets n’étant pas très rentables, les Hollandais inventèrent une machine à cylindre, plus efficace. Mais eux aussi garderont jalousement leur invention et il faudra attendre le début du XVIIIe siècle pour la retrouver dans le reste de l’Europe. En 1798, l’inventeur français Louis-Nicolas Robert met au point la machine moderne capable de fabriquer de longues bandes, ouvrant la voie à l’industrialisation. La seconde évolution, et non la moindre, est la pâte à papier à base de bois. L’idée n’a rien de révolutionnaire, puisque les Chinois utilisaient, il y a déjà vingt siècles, les fibres du bambou. On sait aussi que dès 1719, le scientifique RenéAntoine Ferchault de Réaumur avait démontré l’intérêt de la cellulose du bois, mais sans trouver écho favorable. À partir de 1885, la pâte mécanique à base de bois devient la matière première essentielle pour la fabrication du papier journal aux États-Unis et au Canada. À la même période, des recherches scientifiques permettent d’obtenir des papiers de plus haute résistance. Parmi ces chercheurs, le chimiste français Anselme Payen (1795-1871) avait déjà démontré que la cellulose du bois a les mêmes propriétés que celle du coton. Les papiers à base de coton ne seront désormais utilisés que pour les éditions de luxe et le papier monnaie. Dès le début du XXe siècle, l’industrie papetière, tirée par une consommation sans cesse croissante, prend du poids. La fabrication de pâte à papier a considérablement évolué dans le sens de la protection de la nature. Les déchets de bois sont mieux valorisés. La Suède aujourd’hui reste le producteur majeur dans cette industrie. René Seigneuret Sources visées par le Musée du papier de Richard de Bas à Ambert www.richarddebas.fr CULTURE | Sur la Sèvre Nantaise Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle qu’est installé le premier moulin de fabrication de papier sur les bords de la Sèvre Nantaise, à la Cendrozière dans la paroisse de La Verrie, puis une trentaine d’années après à Saint-Hilaire-de-Mortagne. D’ailleurs c’est véritablement au XVIIe siècle que l’on développera ces moulins le long de la rivière, de Gorges à Treize-Vents. Ils remplaceront parfois ceux à grains ou à foulons pour les tissus, autre activité de la vallée. L’on sait peu de choses sur l’origine des premiers maîtres papetiers venus s’y installer. Pourtant deux raisons principales expliquent ce développement : la force hydraulique de la Sèvre, due à sa déclivité (2,20 m pour 1 000 m) et la qualité de l’eau qui est douce, car issue principalement de sources granitiques. La vallée de la Sèvre Nantaise a compté jusqu’à 27 moulins à papier(1), c’est dire si c’était une activité importante ! Certains sont devenus de véritables sites industriels. Mais peu à peu, les petits papetiers disparaitront. Finalement peu de papeteries (quatre) verront l’aube du XXe siècle. Puis elles fermeront à leur tour : celles de Tiffauges en 1933, celle d’Antières à Cugand en 1934. La dernière sera celle de la Chagnaie à La Verrie en 1975. Par contre l’industrie cartonnière est toujours présente, notamment à Gétigné (44). Cette activité doit son essor aux emballages des usines de chaussure jusque dans les années 2000. Depuis d’autres clients ont pris le relais, notamment l’industrie agroalimentaire. (1) L’association Pour les arts graphiques en vallée de Clisson a réhabilité le Moulin du Liveau à Gorges (44). Source principale : Moulins à papier, papeteries de la Sèvre Nantaise, de Bernard Raymond, éditions MeMo (carnets d’usines), 2011. La route du papier, toute une histoire… | 47 | RACINES | Décembre 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine