Vendre ou conserver la résidence principale à la retraite

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Vendre ou conserver la résidence principale à la retraite
10 Le journal du
OCTOBRE 2012
www.conseiller.ca
planification
Vendre ou conserver la résidence principale à la retraite ?
Sophie Stival
Les enfants sont partis. La maison
est devenue bien grande. Plusieurs
clients envisagent alors de vendre
leur résidence principale. Mais
depuis l’an 2000, les prix de l’immobilier ont tellement augmenté
que bien des boomers en viennent
au constat que le condo convoité,
bien que plus petit, leur coûtera
aussi cher, sinon plus, que leur
spacieuse maison.
Dans l’optique d’une saine gestion
fiscale et financière, quelles options
s’offrent aux clients qui songent à
vendre leur propriété ? Le journal
du conseiller a soumis un exemple
type à la planificatrice financière
et gestionnaire de portefeuille chez
PWL, Hélène Gagné. Cette analyse
de cas se veut plutôt qualitative, afin
d’orienter la discussion vers différentes avenues de solutions.
Le cas de Diane et de Robert
Diane et Robert ont respectivement 55 ans et 58 ans. Le benjamin
vient de quitter le nid familial, et
la maison est devenue trop vaste.
Le couple est propriétaire d’une
maison située à Brossard. Sa valeur
marchande se chiffre à 350 000 $.
Le couple songe à s’en départir.
Plusieurs questions les tracassent.
Est-il judicieux de vendre leur
propriété ? S’ils en ont les moyens,
Diane et Robert aimeraient vivre
dans un logement plus petit, soit
un condo ou une maison en rangée
à Montréal. Est-il préférable de
louer ou d’acheter ? S’ils optent
pour la location, que feront-ils du
montant résultant de la vente ?
Voici les grandes lignes de
leur situation financière : Ils
n’ont pas de fonds de retraite de
leur employeur. Ils évaluent que
pendant celle-ci, leurs besoins
financiers annuels s’élèveront à
80 000 $. Ils aimeraient cesser leur
vie active dans dix ans. Sans dette à la retraite
En examinant la situation de Diane
et de Robert, M me Gagné émet
un premier constat : ce couple est
encore trop jeune pour vendre
sa résidence. « En considérant le
marché immobilier actuel et la
situation financière du couple, on
peut déduire que le couple court
le risque de se retrouver avec une
hypothèque plus grande qu’auparavant », remarque-t-elle.
« La génération des boomers,
dont je fais partie, est habituée à un
certain confort et à de l’espace »,
explique M me Gagné. Les clients
ne sont souvent pas prêts à faire des
compromis en matière d’espace et
de qualité des matériaux. Ils choisiront un condo plus grand, auquel
s’ajouteront des extras. En fin de
compte, ils devront emprunter à
la banque.
« Je trouve ahurissant qu’à
l’orée de la retraite, des clients
qui n’avaient pas d’hypothèque en contractent une, affirme
M me Gagné. On se dit que les taux
sont très bas, pourquoi ne pas en
profiter ? Mais les taux finiront par
augmenter », ajoute-t-elle.
« Les clients devraient tous se
fixer comme objectif d’arriver à la
retraite sans dette aucune », croit
Mme Gagné. Elle travaille toujours
avec eux dans ce sens. De moins
en moins de Québécois peuvent
compter sur un fonds de retraite
à prestations déterminées. Ceux
qui n’ont pas accès à un fonds de
retraite de leur employeur, comme
les professionnels et les travailleurs
autonomes, sont particulièrement
vulnérables. C’est le cas de Diane
et de Robert. Ils dépendront des
maigres revenus des régimes
gouvernementaux et, dans une plus
large mesure, de leur propre épargne, si tout se passe bien.
Coût du logement et marge
de manœuvre
Les baisses boursières, conjuguées
au boom immobilier de la dernière
décennie, ont peut-être envoyé un
message erroné à la population,
croit la planificatrice financière.
« On oublie que le prix des maisons
a stagné dans les années 1990 et
qu’il y a aussi eu du rattrapage. Il
s’agit d’être contraint de vendre
pour comprendre combien l’immobilier est un actif peu liquide
qui peut nous faire perdre de l’argent », ajoute-t-elle.
Le coût du logement demeure
une donnée importante dans le
budget des retraités, même pour
les ménages dont le revenu familial atteint 130 000 $, comme Diane
et Robert. Selon Mme Gagné, le
couple devrait avoir comme objectif premier d’éliminer sa marge de
crédit et son emprunt hypothécaire. « À une dizaine d’années de la
retraite, il faut être en phase d’épargne maximum », rappelle-t-elle.
Le couple devrait donc retarder
de quelques années la vente de sa
propriété, à moins qu’il ne soit prêt
à vivre dans un logement beaucoup
plus petit et surtout, moins cher, ce
qui est rarement le cas des boomers.
La résidence principale est
un actif souvent important qui
s’ajoute au portefeuille des clients.
« Mais on oublie qu’il ne permet
pas de toucher mensuellement
Informations stratégiques pour conseillers
des revenus à la retraite », souligne M me Gagné. D’où la priorité
pour ces personnes de maximiser leurs contributions au REER
pendant leur vie active. Pour ceux
qui dépassent les seuils admissibles, les comptes non enregistrés
et les CELI sont là pour combler
la différence.
Il faut aussi songer aux imprévus. Que surviendra-t-il si Robert
tombe malade et doit devancer sa
retraite de cinq ans ? Si le couple
se sépare, qu’arrivera-t-il à leur
plan de retraite ? Il est important d’avoir une certaine marge
de manœuvre financière.
Louer ou acheter ?
Louer une résidence peut s’avérer un choix judicieux dans le cas
d’un client qui n’est pas propriétaire. Ces personnes font face à un
marché où les prix sont élevés, et
ils n’ont rien à offrir en échange.
Mieux vaut alors considérer la
location, reconnaît M me Gagné.
« On présume que la personne
épargne le montant qu’elle économise entre le coût de la location
et l’hypothèque d’une nouvelle
habitation », ajoute-t-elle. Sinon,
la plus-value qui sera générée sur
la propriété au fil des ans ne sera
jamais équivalente pour le locataire. L’effort demeure semblable
pour les deux options.
Dans le cas de Diane et de
Robert, après le remboursement
de leurs dettes, on présume qu’ils
encaisseront près de 300 000 $,
puisque la vente d’une résidence
principale est exempte d’impôt.
Comment investir ce capital
si on choisit de louer ? « On ne
devra pas miser sur des placements de croissance, puisque
les conjoints auront besoin de
ce revenu mensuel pour payer
leur loyer. Mieux vaut songer à
l’achat d’obligations, de CPG et
peut-être, d’une portion d’actions
privilégiées qui procurent entre
4,50 % et 4,75 % de dividendes
par an, sans garanties. Si on réussit à générer 4 % annuellement,
les revenus s’élèveront à 12 000 $,
auxquels on doit soustraire l’impôt
sur les revenus d’intérêt et le gain
en capital. Ces revenus de placement seront sûrement insuffisants
pour payer leur loyer. Ils devront
donc se résoudre à gruger du
capital, ce qui serait regrettable,
compte tenu de leur âge », explique M me Gagné. « Dans la mesure
où les gens sont en bonne santé,
liquider l’équité de sa maison
serait plus sensé quand on a plus
de 70 ans », déclare-t-elle.
Diane et Robert devraient
avoir pour priorité d’acquitter
leurs dettes hypothécaires. À
deux, ils épargnent 10 000 $ par
année, ce qui n’est pas beaucoup,
étant donné l’absence de fonds de
retraite de leur employeur. « Ils
devraient faire un plus grand
effort pour augmenter leur épargne-retraite », affirme M me Gagné.
Dans les prochaines années, le
couple devrait maximiser ses
contributions au REER tout en
remboursant le plus rapidement
possible ses emprunts. Ces deux
démarches peuvent se faire en
même temps grâce, par exemple,
à l’économie d’impôt. Et plutôt
que de vendre sa résidence tout de
suite, le couple pourrait envisager
de retarder ce projet de cinq ans, le
temps de liquider ses dettes.
Revenus de remplacement
La règle voulant que les retraités aient besoin de 70 % de leurs
revenus annuels à la retraite n’est
pas immuable. « Par exemple, en
éliminant les dettes le plus tôt
possible, la pression sur le niveau
de revenus à la retraite est moindre », souligne M me Gagné. Dans
le cas de Diane et de Robert, on
évalue ces sommes à 80 000 $
avant impôt.
« Ce taux de remplacement de
62 % peut être réaliste », croit-elle.
Si le couple envisage une retraite
tranquille à jardiner, à fréquenter
des amis ou à faire du bénévolat,
leurs dépenses seront plus faibles
et tolérables que s’ils voyagent tous
les ans, illustre la gestionnaire de
portefeuille. Pour d’autres ménages qui sont endettés, se séparent
à la veille de leur retraite ou
vivent dans une famille reconstituée, ce taux de remplacement
pourrait se révéler insuffisant,
remarque-t-elle.
À la retraite, Diane et Robert
ne pourront compter que sur les
revenus générés par leur REER
auxquels s’ajouteront les sommes
des régimes publics. Selon les
règles en vigueur avant l’élection
du gouvernement minoritaire
péquiste, la Régie des rentes
du Québec devrait leur verser
environ 12 000 $ avant impôt
(en dollars d’aujourd’hui). On
présume également qu’ils ont
cotisé au maximum durant leur
vie active. Si Robert retarde sa
demande de prestation à 68 ans, sa
rente sera bonifiée d’un peu plus
de 3 000 $ et s’élèvera à 15 300 $.
Quant à la Sécurité de la
vieillesse, Diane et Robert pourront compter sur un versement de
6 500 $ chacun. Le changement
d’admissibilité ne touche pas
Diane, puisqu’elle est née avant
le 31 mars 1958. Sommairement,
le couple empocherait en date
d’aujourd’hui des revenus des
régimes publics d’environ 40 000 $
avant impôt, soit la moitié du
revenu cible à la retraite. « La
différence devra provenir de leur
épargne personnelle, soit des
REER ou d’ailleurs », confirme
M me Gagné.
Marge hypothécaire et
rente viagère
Quand on possède un condo ou
une maison libre d’hypothèques,
on peut, dans l’éventualité où
nos revenus de retraite ne sont
pas aussi élevés qu’on le souhaiterait, contracter une marge
de crédit hypothécaire sur la
propriété. Cet emprunt permettra aux retraités de rembourser
uniquement les intérêts tout en
s’assurant un certain revenu.
« Lorsqu’on décidera plus tard
de vendre la propriété, l’emprunt
réduira simplement une portion
de l’avoir qui aura été utilisé
pendant la période plus active de
la retraite », explique M me Gagné.
Les clients plus âgés qui désirent aller en résidence peuvent, en
vendant leur maison, utiliser une
portion du produit de la vente pour
acheter une rente viagère, l’objectif
étant d’assurer un niveau de revenus constant et convenable pour le
couple. « On pourra opter pour une
rente pour monsieur et une rente
pour madame, avec des options de
réversibilité dans le cas où l’un d’eux
viendrait à décéder. Cela permet
d’assurer qu’une portion du capital
ne sera jamais épuisé, en contrecarrant le risque de longévité », précise
Mme Gagné.
Condos :
la transparence
des frais
Vivre dans un condominium
peut sembler coûteux par
rapport aux frais engagés
dans une précédente
propriété. Cela n’est peutêtre pas si vrai, croit
Hélène Gagné. On oublie
souvent les chèques que l’on
signe année après année au
déneigeur, au paysagiste, à
ceux qui ouvrent ou ferment
la piscine, qui font diverses
réparations, etc. Dans une
copropriété, les dépenses
sont plus prévisibles et
transparentes, rappelle- t-elle.