Pignon sur route

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Pignon sur route
LE TEMPS
MARDI 3 JANVIER 2017
18 Der
«Le cyclisme, c’est un beau sport.
Ça demande beaucoup d’efforts et de discipline et c’est ça qui est attrayant»
PROFIL
1998 Naissance à Genève.
2009 En janvier, premières
courses de ski.
2013 Premières courses de vélo.
2015
En juin, vice-championne
suisse juniors du contre-lamontre.
Août 2015
Vélodrome de Genève, aux Acacias, tout près de la patinoire des
Vernets. La piste s’appelle Tony
Rominger, du nom de l’ancienne
gloire du cyclisme suisse. Longueur: 166 mètres, la plus courte
d’Europe. Les virages sont à
56 degrés, les plus raides d’Europe. On se demande comment
un vélo peut tenir là-haut.
Eléa Schneeberger enchaîne les
tours sur son élégant vélo BMC
profilé, «en aluminium, pas en
carbone», précise-t-elle. Un
échauffement tout en douceur au
début. Puis le coup de pédale
devient plus rapide, mécanique,
souple, parfaitement huilé. Ils sont
nombreux à tourner ce samedi-là,
garçons et filles, venus de toute la
Suisse mais aussi de France et
d’Italie. Genève organise son
omnium, une série de courses
comprenant la vitesse, l’élimination, le scratch, le demi-fond… Eléa
est en plein doute. Une vilaine
mononucléose lui coupe le souffle
et des tests d’allergie ont montré
que les poumons sont enflammés.
«Je fais de l’asthme», dit-elle.
Elle se rassure comme elle peut
en se disant que Roger Federer est
passé par là lui aussi. Ce weekend-là, elle finit 5e au classement
général. Une contre-performance
qu’elle explique par son état physique fragile. Si jeune (18 ans) et
déjà soucieuse pour son avenir de
sportive de haut niveau. Son rêve:
les JO de Tokyo de 2020. Il y a un
an, tous les espoirs étaient permis. La sociétaire du Sporting
Club de Lignon (GE) cumulait les
podiums en juniors: triple championne romande sur piste, du
contre-la-montre et de la course
en ligne, vice-championne suisse
du contre-la-montre, gagnante du
National (exercice solitaire de
14 km) à Thoune avec une minute
d’avance sur toutes les autres.
Autre résultat significatif: aux
(EDDY MOTTAZ)
Première
participation à une grande
compétition avec l’équipe
nationale suisse, aux
Championnats d’Europe.
Championnats d’Europe, elle se
classe 35e en contre-la-montre. Il
y a un mois, elle a raté les mondiaux au Qatar «à cause du
manque d’O2». «Mais les prochaines courses seront plus
réjouissantes, le travail paie toujours», rebondit-elle.
La jeune fille, native de Genève,
est une battante qui se donne les
moyens de ses ambitions. D’une
à quatre heures en selle chaque
jour. L’été, elle monte le Salève, en
hiver elle se rend chaque jour au
vélodrome. Elle roule parfois avec
son entraîneur, Loïc Hugentobler,
le plus souvent seule. A quoi pense
une jeune fille sur les routes genevoises ou haut-savoyardes? «Je
rêve souvent, je me balade aussi
dans ma tête. C’est un beau sport.
Ça demande beaucoup d’efforts
et de discipline et c’est ça qui est
attrayant. J’aime la sensation de
vitesse, le bruit que fait la roue,
qui me rappelle les portes de slalom au ski.»
Un jour, une idée
La vie en «wool»,
tricots tout doux
Pignon
sur route
ELÉA SCHNEEBERGER
La Genevoise, grand espoir
du cyclisme suisse, se bat contre une
mononucléose qui l’essouffle et freine
sa progression. Mais Roger Federer
a souffert du même mal, alors…
CHRISTIAN LECOMTE
t @chrislecdz5
SOPHIE GRECUCCIO
Point mousse, point jersey, point fourrure,
côtes anglaises, torsades ou doubles torsades?
Depuis qu’il n’est plus le domaine secret de nos
grands-mères grâce à la profusion de tutoriels
sur YouTube et à la multiplication d’ouvrages
de do it yourself proposés par des marques
comme Wool and The Gang, Phildar ou We Are
Knitters, le tricot a retrouvé toutes ses lettres
de noblesse.
Il s’est hissé sur les podiums, a pris place dans
les cafés et est même devenu une méthode pour
combattre le stress, qu’on dit plus efficace que
le yoga.
Pour Nicoletta Forni, graphiste et illustratrice
carougeoise diplômée de l’ECAL, ça a toujours
Avant de monter sur un vélo,
Eléa a dévalé les pentes enneigées
et a fait de la compétition pendant
six années, avec un très bon
niveau romand. Mais la petite
reine pratiquée pour entretenir la
forme a éclipsé le grand cirque
blanc. Elle participe à quelques
courses populaires qui lui
donnent envie d’aller plus loin. Il
n’y a que quatre ou cinq filles au
départ et elle est loin devant. Elle
bénéficie vite du Swiss Talent
Card National, qui atteste qu’un(e)
jeune athlète a intégré le programme de promotion de sa fédération et doit être soutenu(e) par
sa commune, son canton et son
école. Actuellement en troisième
année de l’ECG Madame de Staël
à Carouge, Eléa a rejoint la filière
sport-études. Mais les horaires
normalement aménagés afin de
concilier cours et entraînements
«ne sont pas top» dit-elle. «Je
devrais chaque jour finir à 15h,
mais dans les faits, deux fois par
été une question de passion, de souvenirs tout
doux du temps de l’enfance.
«Dans ma famille, l’amour du tricot a traversé
les générations, de ma grand-mère à ma maman,
et puis moi, tombée dedans dès l’âge de 5 ans,
raconte-t-elle. J’en avais 7 quand j’ai tricoté mon
premier pull, tout blanc avec des torsades et à
manches courtes.»
Alors elle tricote, le soir, après le travail, en
vacances, pour se relaxer. Une écharpe, un gilet,
un snood, un bonnet, un pull, un top, des gants,
des chaussettes, pour elle et ses proches. «Puis
j’ai eu envie de me poser les bonnes questions,
de quitter le monde de la pub où je travaillais
pour créer ma propre marque de tricots.» Cent
pour cent suisse, 100% laine. Et pas n’importe
laquelle! Tous les produits – snoods et écharpes,
semaine, je termine à 17h»,
regrette-t-elle. Ses plans d’entraînement sont en effet serrés: dix
heures sur le vélo par semaine,
deux heures d’entretien de la
machine, cinq heures de préparation physique en salle chez
Sport Quest sur la plaine de Plainpalais, des séances de gainage et
de coaching mental.
Eléa est devenue sa propre
nutritionniste – «Je mesure 1,75 m
pour 60 kilos, j’en ai deux à
perdre» – et concocte ses propres
repas. Pas de gluten, pas de lactose. Le matin, avant l’omnium,
elle a cuisiné des cakes avec des
amandes, des myrtilles, de
l’avoine, des œufs. Elle est lauréate
du Prix Bernard Vifian, ancien
champion suisse décédé en 2012.
Avec la somme perçue, elle a pu
acquérir un capteur de puissance,
indispensable pour ses entraînements. En 2017, elle va changer de
catégorie et rejoindra l’élite
femmes. Courir avec des stars
comme Jolanda Neff l’impressionne et la motive. Son ambition
si ses pépins de santé daignent
l’oublier: prendre de la puissance,
devenir professionnelle, faire partie de l’équipe nationale élite dans
les deux ans, continuer donc à
rêver à ces fameux Jeux olympiques de 2020.
Sa maman, elle-même coach
mentale, son père ébéniste, sa
petite sœur graine de championne en ski la soutiennent. Il y
a aussi les amis, comme le pistard
genevois Loïc Perizzolo, récent
champion d’Europe à Saint-Quentin-en-Yvelines (France) sur la
course à l’élimination. Autre projet: monter à Genève une équipe
de cyclistes filles. Pas le plus
simple car le sport est exigeant et
implique des kilomètres de solitude sur les routes, dans le froid,
le chaud, sous la pluie drue ou un
soleil de plomb. ■
pulls, cardigans, plaids et bonnets – sont tricotés ou crochetés par Nicoletta dans des matières
nobles, de haute qualité, et dans une gamme de
couleurs qui s’étend des tons classiques, pastel,
aux coloris survitaminés.
Pour l’hiver, elle utilise de la laine péruvienne
extra-douce, pour l’été du coton, et pour l’intérieur et les sacs du jersey recyclé. Accro d’Instagram, dont elle s’inspire pour ses collections,
cette militante du slow design crée des modèles
exclusifs, également sur mesure.
Couleur, taille et points de couvertures et
autres coussins peuvent être discutés pour
mieux s’accorder à la décoration de son chezsoi. ■
La Vie en Wool, www.lavieenwool.com