Chaumet la marque dans l`histoire
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Chaumet la marque dans l`histoire
Encyclopédie PATRICKMATHIEU Recherche & Conseil Chaumet la marque dans l’histoire Joaillier, créé en 1780 par Marie-Étienne Nitot. L’une des plus anciennes maisons de joaillerie française perpétue depuis 1780, au rythme de l’histoire de France, le goût parisien au service de l’unique et du précieux. Plus de deux siècles de création s’écrivent à travers douze générations de maîtres joailliers dont le savoir-faire se transmet sans interruption d’un chef d’atelier à un autre. Une collection de haute joaillerie peut nécessiter jusqu’à deux ans de mise au point, du dessin à l’écrin. Les récentes créations de la maison témoignent de son savoir-faire séculaire et de sa passion pour les pierres. Ainsi, Par Jean Watin-Augouard Historien des marques, rédacteur en chef de la « Revue des Marques ». la collection de haute-joaillerie « Frisson » s’inspire d’un diadème en platine et diamants de 1904, sujet naturaliste de prédilection de Chaumet à la Belle Epoque. Le même souci de qualité et d’originalité s’illustre avec la collection acrostiche « ABC de Chaumet », qui rappelle les bijoux à message offerts par Napoléon aux impératrices Joséphine puis Marie-Louise. Le diadème « Bourbon Parme », commandé à Joseph Chaumet en 1919 par le duc de Doudeauville, pour le mariage de sa fille Hedwige avec le prince Sixte de Bourbon-Parme, est l’emblème de la marque. Au 12, place Vendôme, dans l’hôtel particulier occupé par la maison Chaumet depuis 1907, un tableau peint en 1812 par Robert Lefèvre représente l’impératrice Marie-Louise portant une parure de diamants créée pour elle par MarieEtienne Nitot (1750-1809), fondateur de la maison. Issu d’une famille d’orfèvres rue Saint-Honoré, ce joaillier parvient un jour à stopper un cheval emballé, sauvant son cavalier, un certain Napoléon Bonaparte, alors Premier consul. A l’issue de cette rencontre, Bonaparte choisit Nitot, formé à la meilleure école auprès du joaillier de Marie-Antoinette, comme joaillier attitré. La première commande confiée à Marie-Etienne Nitot est, en 1802, l’épée consulaire surmontée des cent quarante carats du Régent, plus grand diamant de la Couronne de France, exposé aujourd’hui au musée du Louvre. La consécration lui vient en 1804 quand il réalise les joyaux du sacre de Napoléon puis le glaive impérial. Les impératrices Joséphine puis Marie-Louise et toute la cour arborent ses diadèmes, ses parures d’émeraudes, de perles et de diamants les plus somptueuses. Avec son fils, François-Regnault (1779-1853), Nitot devient le joaillier le plus recherché de toute l’Europe. Il s’attache une clientèle fidèle et prestigieuse. Ses bijoux correspondent aux symboles de pouvoir et de faste qu’impose l’Empire. Il s’installe au 15 place Vendôme, dans l’hôtel de Gramont, le futur hôtel Ritz. A la chute de l’Empire en 1815, François-Regnault passe le flambeau à son chef d’atelier, Jean-Baptiste Fossin (17861848), rejoint bientôt par son fils Jules (1808-1869). La monarchie restaurée, les commandes des Bourbons assurent e la pérennité de la maison. Ses bijoux romantiques interprètent les arts de la Renaissance italienne et du xvii siècle français. Ils séduisent l’élite de l’époque incarnée par la duchesse de Berry et toute la famille de Louis-Philippe, roi des Français (1830-1848). Les Fossin excellent dans la joaillerie de style naturaliste qui attire une clientèle composée de peintres, de sculpteurs, d’écrivains et d’artistes de théâtre. Mais leurs plus grands clients sont étrangers, tel Anatole Demidoff, prince russe marié à la princesse Mathilde Bonaparte, nièce de l’Empereur. La révolution de 1848 et ses conséquences commerciales néfastes conduit Fossin à s’établir à Londres, pour démarcher une clientèle étrangère. Il confie l’implantation à son chef d’atelier, Jean-Valentin Morel (1794-1860), qui, assisté de son fils Prosper, séduit une clientèle prestigieuse et devient joaillier de la reine Victoria. Le destin change en 1852, quand Louis-Napoléon Bonaparte ouvre l’ère du second Empire en se proclamant Napoléon III. JeanValentin Morel rentre en France et Prosper Morel succède à Jules Fossin, en 1862. Paris retrouve une vie brillante et renoue avec sa réputation internationale de haut lieu du luxe et de la mode, où les joyaux se portent de nouveau le jour ou le soir, avec de somptueuses robes de bal. Un nouveau monde, celui de la haute finance et des entrepreneurs, illustré par le nom de Rothschild, et celui de nombreux étrangers fortunés, porte les bijoux de la maison. Une ère nouvelle s’ouvre quand Joseph Chaumet (1852-1928), chef d’atelier, épouse la fille de Prosper Morel et prend en 1885 la direction de la maison, qui porte depuis son nom. Il s’impose en maître de la Belle Epoque en créant des bijoux à la fois élégants et imposants. Les diadèmes et les aigrettes, emblèmes sociaux et accessoires de mode, constituent une activité importante pour Chaumet, qui réalisera plus de mille cinq cents diadèmes pour les monarchies et les grandes familles aristocratiques. Si les parures à porter le jour trouvent leur inspiration dans la Renaissance, l’art japonais influence aussi le style de la maison. Joseph Chaumet s’attire une clientèle royale et aristocratique, mais aussi celle des banquiers et des millionnaires américains, dans sa boutique située 12 place Vendôme. Initié au métier de joaillier par son père Joseph, Marcel Chaumet (1886-1964) lui succède en 1928 et adapte les créations de la maison aux transformations vestimentaires dictées par la mode : les pendants d’oreilles équilibrent les coiffures aux cheveux courts. Le style des bijoux devient plus géométrique, en harmonie avec le « genre garçon » des années 1920, devenu plus féminin la décennie suivante. Ce style donne naissance à l’art déco, caractérisé par des contrastes de couleurs et de matériaux, et par l’emploi de pierres semi-précieuses. La maison Chaumet s’ouvre à une nouvelle clientèle, composée de vedettes de la scène et de l’écran, de hauts responsables de l’industrie, de la banque et du commerce, tout en conservant celle de la nouvelle génération de la noblesse. Dans le sillage de la Libération et du célèbre New Look de Christian Dior, Chaumet, dirigée par la famille homonyme, se fait l’écho du bon goût de la Parisienne en quête de nouveauté. Sacha Guitry est un client fidèle de la maison, comme Barbara Hutton, Richard Burton, Lauren Bacall, Rex Harrison… Le bijou en or, facile à porter et qui correspond à un premier achat personnel pour les femmes, est proposé à la boutique Arcade, ouverte place Vendôme en 1969. Dans le giron de LVMH depuis 1999, Chaumet s’internationalise et propose des créations toujours en harmonie avec l’art de vivre de son époque, lignes devenues mythiques : Anneau, Liens, les collections d’horlogerie Khésis, Style et Class One, première montre de plongée de luxe alliant diamants et caoutchouc. Autour de l’abeille, symbole napoléonien par excellence, la maison propose en 2007 la collection de joaillerie Attrape- moi... si tu m’aimes, dont la pièce maîtresse est un collier de dentelle de plus de cent cinquante carats, qui réunit deux mille sept cents diamants sertis sur des médailles ajourées, taillés en rose ou en perle et enfilés sur un fil d’or. Invitation au voyage, la collection Croisière se compose de vingt bijoux, cinq pierres, trois ors sertis d’une ronde de diamants. En novembre 2008, l’actrice Sophie Marceau remplace le mannequin Stella Tenant comme égérie de la marque. Une campagne en six visuels intitulée L’Empire des sentiments évoque vingt-quatre heures de la vie sentimentale d’une femme et la rencontre amoureuse : le narcissisme pour la collection de montres Dandy, le jeu de séduction avec la collection de bijoux Attrape-moi… si tu m’aimes, le coup de foudre pour la collection Le Grand Frisson, la conquête (Class One), l’épanouissement (diamants) ou encore l’addiction avec la collection Un amour de liens. Présent au Japon depuis 1985, chez Mitsutkoshi, Chaumet inaugure en 2005 sa vingt-deuxième boutique dans ce pays, et sa première à Osaka, conçue par Jean-Michel Wilmotte. En 2006, avec le même architecte, la maison ouvre sur cinq cents mètres carrés à Central Hong Kong, dans le prestigieux Saint George Building, la plus grande de toutes ses boutiques. Dans la bibliothèque trône le portrait de Bonaparte Premier consul, portant son épée sertie du Régent.