Le régime juridique des dommages en matière de services
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Le régime juridique des dommages en matière de services
Université Paul Cézanne Aix-Marseille III Faculté de droit et de science politique Centre de Droit Maritime et des Transports Master II « Droit Maritime et des Transports » Mémoire de Recherche: « Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier » Présenté par M. Jean-Baptiste CHARLES sous la direction de C. SCAPEL – Directeur du CDMT Année Universitaire 2006-2007 A mes maîtres, « Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier » Plate-forme pétrolière assistée de deux navires de services, en Mer du Nord (zone norvégienne). Jean-Baptiste CHARLES. REMERCIEMENTS « La grandeur d’un métier est avant tout d’unir les hommes ; il n’est qu’un luxe véritable et c’est celui des relations humaines ». Antoine de Saint-Exupéry. Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont offert leur aide tout au long de la réalisation de ce travail et sans lesquelles rien n’aurait été possible, parmi ces dernières, ma reconnaissance va tout particulièrement à : - M. Eric AURIOLLE, Juriste – Groupe EYSSAUTIER M. Damien BERTIN, Juriste- BOURBON M. Pierre-Jean BORDAHANDY, Docteur en droit – Lecturer, University of Adelaïde M. Bertil CHAMBON, Directeur d’exploitation, COMPAGNIE MARITIME CHAMBON M. Jean-Paul CHARLES, Ingénieur – Professeur à l’Université de la Méditerranée M. Philippe DELEBECQUE, Docteur en droit - Professeur à l’Université de Paris I Arbitre maritime C.A.M.P. M. Laurent FEDI, Docteur en Droit - Maître de Conférence associé à la Faculté d’Economie Appliquée d’Aix-Marseille III M. Georges FIGUIERE, Capitaine au long cours - Expert maritime, Arbitre maritime C.A.M.P. Mrs Margot GERRITSEN, Assistant Professor, Petroleum Engineering department, Stanford University. Me Luc GRELLET, Avocat à la Cour, BOULOY GODIN GRELLET M. Didier GRIVET, Commercial, EXPEDITORS M. Vincent HUENS DE BROUWER, Juriste, ELTVEDT & O’SULLIVAN Me Gildas ROSTAIN, Docteur en Droit - Avocat à la Cour, CLYDE & Co M. Benjamin ROYER, Juriste, SAIPEM SA M. Bruno SALLAVUARD, Partner, Offshore department, BARRY ROGLIANO SALLES M. Vladimir TAMITEGAMA, Directeur de clientèle, Les ECHOS Me Edward TIERNY, Docteur en Droit - Avocat à la Cour, RBM2L M. Jean-Raphaël TOUZE, Juriste, CMA-CGM M. Benoît TRIDON, Chef de Projet, CALYON CORPORATE & INVESTMENT BANK M. Bertrand VALENTIN, Service Assurance, SAIPEM SA SOMMAIRE INTRODUCTION...................................................................................................................... 1 PREMIERE PARTIE: Notions et statut juridique des éléments en présence ........................... 7 CHAPITRE PREMIER : Définitions et notions des termes de la problématique ................ 8 CHAPITRE SECOND : Qualification juridique.................................................................. 20 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE :.................................................................. 34 SECONDE PARTIE : L’appréhension contractuelle du dommage dans le cadre de la fourniture de services maritimes à l’offshore pétrolier ............................................................ 36 CHAPITRE PREMIER : La prégnance de la liberté contractuelle dans un secteur aux spécificités marquées............................................................................................................ 37 CHAPITRE SECOND : La technique contractuelle et la prise en compte des dommages 43 CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ..................................................................... 73 TROISIEME PARTIE : Les conséquences juridiques de la survenance du dommage .......... 74 CHAPITRE PREMIER : Sinistralité et assurance ............................................................... 75 CHAPITRE SECOND : Application des grandes institutions du droit maritime aux dommages impliquant des navires de services..................................................................... 93 CHAPITRE TROISIEME : Contentieux et cas pratiques.................................................. 111 CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE : .............................................................. 118 CONCLUSION GENERALE ................................................................................................ 119 LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES.............................................................. 122 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 123 ANNEXE N°1: « SUPPLYTIME 2005 » : ........................................................................ 126 ANNEXE N°2: « SUPPLYTIME 1989 » : ........................................................................ 142 TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 154 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier INTRODUCTION « All industrial activities present safety problems, but the offshore petroleum industry does so more than most others1 ». On le mesure à cette citation d’un des plus grands spécialistes des questions relatives à l’industrie parapétrolière, la prudence est de rigueur pour les acteurs économiques dont les intérêts sont engagés sur des sites pétroliers offshore. C’est donc logiquement que les entreprises qui contractent et collaborent dans ce domaine s’entourent des plus grandes précautions afin de se prémunir contre un éventuel dommage pouvant nuire à leur réputation commerciale et affecter leurs actifs. Les conditions très rudes d’extraction du pétrole en mer ainsi que les pressions financières gigantesques qui s’exercent sur ce secteur clé de l’économie mondiale font de l’offshore pétrolier un sujet d’étude tout à fait à part. Nous avons choisi d’aborder cette spécificité sous l’angle des services maritimes que requiert la mise en œuvre de l’exploitation d’un site pétrolifère en mer. Plus précisément, il s’agira d’examiner quel est le régime juridique des dommages survenant au cours de la fourniture de tels services. Il convient avant tout de procéder à une étude liminaire de l’intérêt que représente ce sujet (A), avant de délimiter les contours de l’étude que nous en proposons (B). 1 KAASEN K., « Safety Regulation of Offshore Petroleum Activities: a Study of the Legal Framework on the Norwegian Continental Shelf », Université d’Oslo, 1984. 1 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier A- Intérêt d’une telle problématique : ● Intérêt juridique : Pour le grand maritimiste RODIERE, « […] le juriste doit être à l’affût de ce qui se passe autour de lui et sans cesse s’informer du concret2». Le droit maritime, matière vaste comme la mer, est sous bien des angles que nous aborderons dans le corps de ce travail un droit original. Que l’on en juge ainsi de la propension que possède la matière de faire la part belle aux armateurs à travers la limitation de responsabilité ou encore les fameux cas d’exonération de la responsabilité du transporteur maritime. L’offshore pétrolier est un des domaines maritimes qui présente le plus de particularismes tant au niveau économique que juridique. Par sa dangerosité d’abord pour les personnes et les actifs engagés au sein des projets, mais plus encore parce qu’il se trouve au centre des stratégiques énergétiques. Enfin c’est l’industrie légale la plus rémunératrice de la planète. Une telle originalité est certainement source de richesse intellectuelle pour un juriste. Il convient de pousser plus au-delà les raisonnements juridiques qui sont propres au droit maritime et de les appliquer à ce secteur industriel spécifique. C’est d’ailleurs en ce sens que s’exprime Guy FAGE de la Direction Risques Assurances de Total3 : « […] le développement récent des activités d’exploration-production dans les grands fonds marins a donné naissance à des contrats de types nouveaux, ou à tout le moins à des adaptations de contrats anciens, sources en tout état de cause pour les juristes maritimistes de problèmes nouveaux et intéressants, qu’ils mettent toute leur ingéniosité et leur pragmatisme à résoudre ». Une étude juridique du régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier présente surtout des avantages de visibilité et de sécurité juridique pour les intérêts en relation au sein de telles opérations. D’une part, pour les compagnies pétrolières qui font, sauf très rares exceptions, systématiquement appel à des fournisseurs de services maritimes au cours des différentes phases de la vie d’un projet. Pour les opérateurs et armateurs des navires de service ensuite, qui se trouvent souvent en déséquilibre face à la puissance financière des grands groupes pétroliers. 2 RODIERE R., Préface de la thèse de M. REMOND-GOUILLOU, « L’exploitation pétrolière en mer et le droit », Editions Technip, 1970. 3 FAGE G., « Les contrats pétroliers », DMF 1998.580. 2 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier ● Intérêt pratique : L’offshore pétrolier et par ce biais, les services maritimes dont il se dote, est directement concerné par les problématiques liées à l’extraction du pétrole. Les théories alarmistes4 sur la fin de l’exploitation pétrolière et ses conséquences irrémédiables sur le devenir de la planète et de nos sociétés représentent un puissant stimulant pour sans cesse repousser les limites et les conditions de l’exploitation maritime du pétrole. En effet la préoccupation permanente des compagnies pétrolières est la recherche de nouveaux sites de production afin d’« […] aller chercher les derniers barils. 5» en réponse aux divers scenarii que proposent les scientifiques6. Et bien que la question soit grandement débattue et controversée au sein même de la caste scientifique, c’est ici que l’offshore pétrolier se pose en sauveur du monde parapétrolier. En effet l’exploitation parapétrolière offshore permet une exploitation des ressources énergétiques sous-marines jusqu’à des profondeurs avoisinant les 2000 mètres, certaines nappes se trouvant actuellement à des profondeurs de l’ordre de 1350 mètres comme sur le site GIRASSOL en Angola. Nul doute d’ailleurs que dans un avenir proche les grands fonds marins seront concernés par cette progression (dans la juste mesure toutefois de la protection des faunes et flores qu’elles abritent). Les services maritimes assurant le bon fonctionnement de l’offshore pétrolier sont étroitement liés à l’actuelle conjoncture économique et les chiffres de cette branche s’en ressentent. L’ensemble du secteur profite ainsi d’un marché devenu porteur où les variations financières de ce que l’on nomme « baril7 » influent directement sur les conditions de sa mise en œuvre en mer. Du coup les investissements des compagnies pétrolières stimulent le secteur parapétrolier sous-marin afin de trouver de nouveaux gisements partout où ils se trouvent, et par là, les armateurs de navires de services s’en trouvent favorisés. L’offshore pétrolier est un 4 La théorie du « peak oil » ou de pic de HUBBERT selon laquelle le pic de la production pétrolière surviendra à l’horizon 2025. 5 Selon l’expression très imagée, mais ô combien réaliste de M. Thierry DESMAREST, ancien P.D.G de TOTAL dans Le Point 1790, 4 janvier 2007. 6 « Chaque jour qui passe nous rapproche d’un choc imminent que nous ignorons : la fin de l’ère du pétrole bon marché […] et la fin du monde tel que nous le connaissons » affirme Yves COCHET « Pétrole Apocalypse » Editions Fayard, 2005. Voir aussi LAURENT E., « La face cachée du pétrole », Editions Pocket Plon, 2006. 7 Un baril = 159 litres, 1 tonne = 7,33 barils pour les produits bruts de densité moyenne soit environ 860 Kg/m3. 3 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier indispensable recours face à la menace d’épuisement des réserves et à la raréfaction provoquant la hausse des prix. Il apparaît donc topique d’intérêt d’examiner quel régime juridique précis tend à s’appliquer aux dommages survenant lors des relations entre les structures pétrolières et les navires de services appelés à intervenir sur site à leurs côtés. B- Délimitation du sujet : Avant d’entamer le corps du mémoire qui débutera par la présentation et la qualification des notions issues de la problématique, nous devons ici satisfaire à une clause de convenance usuelle de ce type d’exercice; la délimitation du sujet : La présente étude a pour but l’appréhension des dommages et des risques en matière de services maritimes participant à l’exploitation des sites pétrolifères offshore, ainsi que le régime juridique qui leur correspond mais n’a pas vocation à traiter principalement des spécificités juridiques liées aux phases antérieures à l’exploitation en mer (campagnes de recherches, forages, installation) ou postérieures (transport et acheminement du produit brut8). Ce mémoire est consacré à l’examen du régime juridique des dommages principalement causés aux actifs (navires, plates-formes pétrolières, unités de stockage offshore), il ne sera question des dommages causés aux membres des équipages ainsi qu’aux personnels embarqués que de manière épisodique et en tant qu’accessoire de l’étude principale. Nous nous contenterons de renvoyer le lecteur vers d’excellents travaux et ouvrages qu’il nous a été donné de compulser lors de nos quêtes documentaires9. Il ne s’agira pas non plus d’aborder le thème de l’offshore gazier mais bel et bien de se cantonner à l’étude de l’offshore pétrolier, les deux domaines ne différant d’ailleurs que peu dans la pratique. 8 Sur ces points voir « Le transport des produits pétroliers par mer », annales de l’Institut Méditerranéen des transports maritimes, 1999 et VALOIS P., « Le transport du pétrole par mer », Editions CELSE, Collection Maritime, 1997. FEDI L., «Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », Thèse, C.D.M.T. Aix-Marseille III, 2006. 9 SUTHERLAND V.L. & COOPER C. L., « Stress and accidents in the Offshore oil and gas Industry » Editions Gulf Publishing Company, 1991.Voir aussi sur le sujet, POULIQUEN P., «La condition des travailleurs de l’offshore », Thèse, Brest, 1993. 4 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Mémoire maritimiste par nature, ne seront concernés que les services maritimes à l’offshore pétrolier, abstraction sera faite des services aériens ou aéroportés. Enfin, bien que l’auteur adhère sans résistance à la formule selon laquelle «La problématique environnementale est la plus belle opportunité de s’unir10 », les dommages de pollution et leurs conséquences juridiques dus au déploiement parapétrolier en mer ainsi qu’aux éventuels dégâts environnementaux causés par les navires de servitudes ne feront l’objet que d’évocations sporadiques et non d’une partie dédiée. L’ampleur de ce thème mériterait de trop larges développements que nous ne pouvons effectuer au sein de ce mémoire. Il convient donc encore une fois de guider le lecteur vers de la documentation inhérente11. Certes tous ces aspects sont connexes à la problématique dorsale de notre travail mais n’en sont point l’essence. Ils mériteraient à eux seuls des développements substantiels que l’on n’osera ni ne fera ici. Ce mémoire a donc pour but l’étude du régime juridique des dommages qui peuvent survenir lors de la fourniture de services maritimes à l’exploitation de sites pétroliers en mer : Cette problématique met en présence d’une part les navires de service ou «supply vessels» et d’autre part les structures pétrolières vis-à-vis desquelles les dommages sont susceptibles de survenir. Ainsi, il convient de définir quels sont ces deux éléments piliers de notre étude, tout comme il faut préciser quel est leur statut juridique (Première partie). Une appréhension raisonnée et mesurée des risques et des dommages liés à ce domaine est cruciale pour les acteurs du monde de l’offshore au sein duquel les moindres coûts directement indexés sur le prix du baril de pétrole brut peuvent devenir rapidement prohibitifs. Cette démarche rationnelle se traduit principalement au travers des phases de négociation entre les parties et par la spécificité des instruments contractuels propres à ce secteur ainsi qu’au niveau de leur contenu (Seconde partie). Cependant si l’adage affirme qu’«Une précaution excessive ne fait pas de tort12», l’actualité de cette année13 nous montre que la 10 Citation de Roger PAIN. Edgar GOULD, « GARD Handbook on protection of the Marine Eenvironnement », Third Edition, GARD A.S., 2006. 12 « Abundans cautela non nocet », adage tiré du droit romain. 13 Le Dolphin, navire supply type Anchor Handling Tug Supply, de l’armement Bourbon a chaviré puis coulé entre le 12 et le 15 avril 2007 en mer du Nord à proximité des Iles Shetlands. Le navire remorquait une plateforme et a subi des conditions météorologiques mauvaises ainsi qu’une houle formée. Trois marins sont décédés et cinq autres portés disparus. Source : «Dépêche du groupe Bourbon », 16 avril 2007, www.bourbononline.com. 11 5 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier terrible réalité de la mer fait office de loi implacable et l’on ne peut empêcher des dommages de survenir, renvoyant ainsi les partenaires sur site à leurs responsabilités et aux conséquences juridiques de celles-ci (Troisième partie). 6 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier PREMIERE PARTIE: Notions et statut juridique des éléments en présence Le droit maritime, matière vaste comme la mer, est faite d’innombrables composantes techniques et de modes d’exploitation différents et des ressources maritimes: Le transport des marchandises, le transport des passagers, le transport du pétrole, du gaz, le transport d’animaux vivants, d’automobile…l’offshore pétrolier. Ce dernier est un domaine industriel dont la spécificité n’a d’égale que la discrétion et la confidentialité qui l’entourent. Pour une telle raison, il est important pour le confort du lecteur, afin de lui éviter une immersion ennuyeuse dans un monde aux technicités et aux caractéristiques originales de procéder à une présentation des éléments axiomatiques de la problématique (Chapitre Premier). Une telle étape si elle apparaît très technique, n’en est pas moins cruciale avant d’entamer une opération intellectuelle de qualification juridique des structures et engins présents sur les sites pétrolifères (Chapitre Second). En effet, comment appréhender la question du statut juridique de ces éléments sans étudier au préalable leur caractéristiques physiques et techniques appelés à fournir la base de réflexion pour la détermination du statut juridique des navires de services comme des plates-formes pétrolières. 7 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE PREMIER : Définitions et notions des termes de la problématique Dans un premier temps, il convient de définir les termes contenus dans la problématique de ce mémoire et qui seront autant d’éléments clés et sous-jacents de notre étude. Au préalable, prenons le temps de reposer les termes de la problématique idoine : « Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier ». Avant tout il s’agit d’examiner l’idée force de dommage contenue dans cet énoncé et qui n’est autre que le vecteur de réflexion de ce mémoire (Section I), tout en mettant l’accent sur les engins dont les relations en mer seront l’objet de ce travail (Section II). SECTION I – Notion de « Dommage » : Le lexique de vocabulaire juridique de CORNU14 fournit la définition suivante du dommage : « Un dommage matériel15est un dommage portant atteinte au patrimoine d’une personne ». Il s’agit dans notre cas des dommages causés par un navire de servitude à une plate-forme pétrolière, par une plate-forme pétrolière à un navire de servitude, ou du dommage survenu entre deux ou plusieurs navires de services. Pour autant, bien qu’il sera principalement question des dommages matériels et ostensibles au sein de cette étude, lorsque la problématique le rendra nécessaire, nous évoquerons les dommages connexes comme les dommages financiers ou encore de manière très résiduelle les dommages au personnel. Par ailleurs, puisqu’un dommage n’est jamais qu’un risque qui se réalise, il convient de traiter présentement de la notion de risque. Il s’agit d’autant plus d’un élément qui, dans le cadre de notre sujet est doublement pris en compte. Par les parties contractantes d’une part16 et par les assureurs de l’autre (afin de déterminer les limites de la garantie qu’ils accordent à leur assuré17). 14 CORNU G., « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, Editions Quadrige, 2007. 16 Cf. page 52 du mémoire. Cf. page 81 du mémoire. 17 8 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Le risque est toujours selon CORNU, un élément d’origine obscure par nature. Il s’agit d’un évènement dommageable dont la survenance est incertaine, quant à sa réalisation ou à la date de sa réalisation. SECTION II – Présentation des bâtiments dont les relations sont à la base de la problématique : §-1- Services maritimes et navires de services: A- Notions : D’un point de vue général, une activité de services se définit comme la prestation que l’on fournit à quelqu’un contre paiement ou rémunération18. Il est clair que dans le cadre de ce mémoire, la notion qui nous concerne recouvre sous l’appellation de services maritimes, la définition économique de service telle que donnée supra, mais avec une orientation toute propre au monde de l’offshore pétrolier : Il faut donc entendre par services maritimes à l’offshore pétrolier, la fournitures de prestations maritimes contre paiement par leur demandeur, le lien étant bien entendu contractuel, sous la forme la plupart du temps d’une Charte-Partie d’affrètement à temps (une notion à laquelle de larges développement sont consacrés dans la seconde partie de ce mémoire19). Mais une telle notion dans le contexte de cette étude doit être tout à fait précisée quant à son objet : Outre la catégorie traditionnelle des navires dont la fonction est le transport d’un port à l’autre d’une cargaison ou de passagers, il existe une multitude de bâtiments construits pour des fonctions très différentes. On peut distinguer ainsi parmi ces derniers la catégorie en l’espèce topique d’intérêt des navires de servitude. Parmi ceux-ci on retrouve ainsi les navires océanographiques, les brise-glaces, les dragues à godets, les bateaux-phares20… et enfin les navires assurant les services entre les stations artificielles offshore et la terre ferme. 18 Définition du « Nouveau Petit Robert dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française », Editions Dictionnaire Le Robert, Paris, 2007. 19 Cf. page 48 et s. de ce mémoire. 20 L’auteur plie devant la tradition orale persiste à employer le terme « bateau » pour désigner tel bâtiment mais pense que le terme « navire » serait plus idoine. Nous renvoyons le lecteur à la lecture de l’ouvrage de MM. BONASSIES P. et SCAPEL C., « Traité de Droit Maritime », Editions L.G.D.J., n°150, p. 108. 9 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Dans le cadre de l’offshore pétrolier, la typologie des navires dits de servitude est plus restreinte. Pour les anglophones qui possèdent une vision de cette activité à la fois brève et pertinente, l’activité de service maritime correspond au verbe to «supply»21 qui signifie approvisionner, fournir, ravitailler. Dans le jargon maritime offshore, les navires de service sont alors désignés par les termes «supply ships» ou plus fréquemment «supply vessels». Nous présenterons donc la panoplie des navires de services qui sont affectés au service de l’exploitation d’un site pétrolier offshore. C’est une catégorie appréhensive au sein de laquelle on retrouve des navires d’intendance, de transport des équipages ou du personnel, des navires de remorquage. Certains bâtiments sont parfois assez importants en taille et en tonnage et emportent à leur bord une technologie ultramoderne. Tous sont entièrement dévolus à une activité matérielle sur le lieu d’exploitation. Une typologie raisonnée de ces navires est offerte, infra, à la curiosité du lecteur (B). B- Typologie raisonnée des navires de service à l’offshore pétrolier : 1) Anchor Handling Tug Supply Vessels (AHTS)22 : Deux types d’AHTS dernière génération, armés par la compagnie américaine TIDE WATER. Ce sont usuellement des navires remorqueurs, releveurs d’ancres. Ils ont pour mission d’assurer la mise en place, le maintien et/ou le déplacement des plates-formes pétrolières. A cette fin, ils sont équipés de moteurs puissants et de treuils pour effectuer des remorquages et des positionnements, relever les ancres ou encore participer au déploiement d’autres équipements liés à la production pétrolière. 21 CLOUET A.G. « Dictionnaire technique maritime français/anglais », éd. La maison du dictionnaire, 2000. Il y a une différenciation à opérer entre les Anchor Handling Tug Supply Vessels (AHTS) et les Anchor Handling Tug Vessels (AHT), la différence réside au niveau de la propension des AHTS à transporter des boues de forage. De plus certaines unités d’AHT ne sont pas dotées de système de positionnement dynamique. 22 10 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Il existe diverses tailles de « supply vessels » AHTS, avec différentes capacités motrices et de traction, tous ces navires sont généralement équipés de systèmes de positionnement dynamique23. Un tel navire peut emporter jusqu’à 70 membres d’équipage pour les plus grosses unités. 2) Platform Supply Vessels (PSV) : Les « Platform Supply Vessels » servent à approvisionner et ravitailler les installations pétrolières offshore. Dotés d’une très grande surface de pont, ils peuvent acheminer divers matériels et principalement des colis lourds et volumineux dont les dimensions hors normes empêchent la livraison par des navires plus conventionnels. Ils sont souvent équipés de réservoirs permettant un stockage et/ou un transport d’eau potable ou industrielle, de boues de forage, de combustible, de méthanol ou encore de ciment. 3) Multi Purpose Supply Vessels (MPSV) : Navires polyvalents par définition, ils sont capables d’assurer de nombreux services de maintenance et des missions sporadiques au sein des champs pétroliers. Ils sont dotés des technologies les plus avancées comme le positionnement dynamique et d’autres dispositifs de haute réactivité, de manutention ou de logistique de grande précision (plates-formes pour hélicoptères, potentiels d’export pour matériel ou humains). 4) Fast Crew Supply Vessels : On parle aussi de « Crew Boats » ou de « Fast Supply Intervention Vessels ». Ces navires sont affectés aux approvisionnements urgents en équipements légers ainsi qu’au transport de personnel. Rapides et efficaces, leur capacité de transport de marchandises est limitée mais ils peuvent emporter jusqu’à 150 passagers à haute vitesse et dans le plus grand confort. 23 Equipement permettant aux navires de servitude tout comme à certaines unités de forage d’être maintenu en position de travail par le jeu de propulseurs latéraux commandés via un système automatique branché sur le Global Positioning System (GPS). 11 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 5) Patrol Vessels : On ne peut pas parler de l’offshore pétrolier sans parler de l’impact de cette activité sur la géopolitique des zones d’exploitation. Des tensions sont notamment notables autour des champs pétrolifères nigérians et angolais24. Dans un tel contexte, des navires sont dévolus à des missions de sécurisation du site. Ces navires, outre leur mission de « police » de la zone, exercent aussi des fonctions de recherche, d’assistance, de lutte contre l’incendie ou encore prennent part à quelques opérations d’exploitation ou de maintenance. 6) Speciality Vessels : Ces bâtiments sont quant à eux dévolus à tous les besoins comme la maintenance, le support à la plongée, l’assistance matérielle à l’immersion des instruments de forage… 7) Autres catégories: …Outre ces principales catégories, il faut relever d’autres types de « supply vessels » qui sont également utilisés sur les zones d’exploitation offshore : - Craned Offshore Support Vessels - Cable Laying Vessels - Search & Rescue Vessels 24 Attaques contre des forages, prises d’otages, vol de production, Cf., « Niger : ruée dur les hydrocarbures, soulèvements ethniques et guérillas » et BERNARD P., « Delta du Niger, l’or noir et ses désastres », Le Monde, 10 février 2007. Voir aussi sur ce sujet, STOLZ J., « A la merci de guérilleros », Le Monde Dossiers & Documents, Novembre 2005, cf. aussi Le Marin, 24 novembre 2006 et « L’Afrique devient la première zone de production de Total », Le Monde du 12 juin 2007. 12 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-2- Offshore pétrolier : plates-formes pétrolières et unités flottantes de production : Assurément, ce terme est un exemple type de l’acculturation linguistique en faveur de la langue anglaise qui a cours dans les domaines techniques et industriels25 ainsi que dans le monde maritime en général26. Déjà Mme REMOND-GOUILLOU rappelait au sein de sa thèse27 que l’« […] offshore est le terme générique qui désigne la recherche et l’exploitation des hydrocarbures en mer. » et convenait dans le même temps qu’il fallait avoir recours au vocable anglais en l’absence d’équivalent français. Partons donc de la définition anglophone du mot offshore qui, littéralement signifie: « In a direction away from the shore or land28 ». On peut donc en revenant vers une acception francophone et plus maritime, définir l’offshore pétrolier comme recouvrant l’exploration, le forage, l’installation, l’exploitation et toutes les opérations connexes et afférentes à l’exploitation d’un gisement de pétrole en mer, ainsi que les techniques pétrolières et parapétrolières mises en œuvre en haute mer. L’avènement des premiers chantiers offshore remonte à la fin du 19e siècle puisque les premiers forages en mer sont effectués en Californie à partir de pontons en 1896. La même méthode permet d’ailleurs dans les années trente d’atteindre des couches situées sous le lac Maracaibo au Venezuela et dans le Golfe du Mexique. Mais la vraie première découverte pétrolière offshore a lieu au large des côtes de Louisiane (Etats-Unis) par une profondeur de 5 m d’eau. Il s’agit de l’installation de la première plate-forme pétrolière au monde29, en 1933. A partir des années soixante, la production pétrolière marine s’est développée sous l’effet de l’innovation technologique. Les besoins sans cesse grandissants de l’économie mondiale en terme de pétrole encourageant indéniablement le recours à la production offshore. 25 Note de l’auteur : Cette prégnance du vocabulaire anglophone est dû à l’impact des firmes grandes compagnies pétrolières anglaises et américaines. La recherche d’unité et de facilité de communication est également primordiale dans un domaine par nature international. 26 Ne parle-t-on d’ailleurs pas de shipping pour désigner ce monde ? 27 REMOND-GOUILLOU M., « L’exploration pétrolière en mer et le droit », Thèse, éd. Technip, Paris, 1970, p. 86. 28 Traduction libre : « A bonne distance du rivage ou de la terre ». 29 A consulter sur cet épisode pionnier: PRATT J.A., PRIEST T., CASTANEDA C.J., « Offshore pioneers – Brown & Root and the history of offshore oil and gas », Editions Gulf Professional Publishing, 1997. 13 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Dans un premier temps, l’exploitation en mer se concentre exclusivement sur des zones limitrophes des côtes, donc peu profondes. Puis, grâce à la mise au point de nouvelles techniques de découverte et de mise en exploitation des gisements, l’activité s’est déplacée vers des profondeurs de plus en plus importantes. Désormais, l’offshore profond et très profond sont des défis et des réserves potentielles exceptionnelles puisque 55 kilomètres carrés de bassins sédimentaires (soit quatre fois plus que l’offshore classique) sont ainsi exploitables. Le seuil de 2000 mètres a été atteint et rapidement le record pourrait être porté à 3000 mètres pour des investissements avoisinant les 186 milliards de dollars. Ces prévisions optimistes en faveur d’un tel développement de l’offshore pétrolier ne pourront se vérifier que si le contexte économique, fiscal et surtout juridique le favorise. Les structures emblématiques de l’offshore pétrolier sont sans nulle hésitation les platesformes pétrolières et les engins assimilés ou assimilables. Dans l’optique de l’étude du statut juridique des ces plates-formes infra (Chapitre Second), il convient de les présenter sous un angle technique et logistique qui fournira à notre analyse ultérieure les éléments matériels et techniques de réflexion idoines (A). Certes d’aucuns abordent le cas des unités flottantes de production/stockage (ou FPSO/FSO) au même titre que les plates-formes pétrolières, leur nature hybride et à tout le moins particulière impose pourtant qu’on leur consacre des développements autonomes (B). A- Typologie raisonnée des catégories de plates-formes pétrolières : Il faut cependant distinguer au sein de la grande famille des plates-formes pétrolières, deux catégories de structures. Les supports mobiles de forage (1) et les supports de production (2). 1) Les supports mobiles de forage : Ce sont les engins qui président aux opérations de forage préalables à l’exploitation du champ pétrolier sous-marin. On distingue trois types de supports mobiles de forage : Les platesformes auto-élévatrices30 (1-1), les navires de forage (1-2), et enfin les plates-formes semisubmersibles (1-3). 30 Ou «Jack-up» dans le jargon technique de l’offshore. 14 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 1-1) Les plates-formes auto-élévatrices : Ces engins consistent en une sorte de ponton destiné à porter les installations de forage, relié par un système de vérins à crémaillère à des membrures verticales. Lors de son acheminement sur site par remorquage ou transport sur un navire spécialisé, les membrures sont en position relevées avant d’être descendues à l’arrivée, jusqu’à toucher le fond, aux fins d’y prendre appui pour soulever le ponton de travail au dessus de la houle. Il va sans dire que l’installation d’une telle structure doit être effectuée par temps calme, en toute connaissance des caractéristiques géophysiques du sous-sol marin. Une fois installées sur site, les plates-formes auto-élévatrices se dressent jusqu’à 20 mètres au-dessus de la surface des eaux et peuvent ainsi procéder au forage à l’abri des tempêtes et des mouvements de houle. 1-2) Les navires de forage31 : Les navires de forage peuvent être de simples barges remorquées, ou d’anciens bateaux reconvertis. Madame REMOND-GOUILLOU rapportait dans sa thèse à ce sujet que « c’est ainsi qu’un baleinier, des pétroliers, un ferry-boat ont été promus navires de forage32 ». Lors de la période de travail, ces engins sont maintenus par des ancrages ou par positionnement dynamique. 1-3) Les plates-formes semi-submersibles : Leurs formes sont relativement variées, mais il existe tout de même une tendance conceptuelle à la « forme en catamaran33 » qui présente l’avantage d’une importante stabilité lors des phases de forage, notamment dans les zones de mer agitée. Ces structures comportent deux flotteurs parallèles dont la forme allongée est favorable à la navigation, et trois ou quatre colonnes par flotteur pour supporter le ponton de travail destiné à recevoir les appareils de forage. Si certaines d’entre elles sont équipées de propulseurs, elles sont souvent déplacées via un remorqueur hauturier. Ces structures sont très répandues. 31 Ou « Drill ships » dans le jargon technique de l’offshore. REMOND-GOUILLOU M., Thèse, déjà citée, n° 75, Paris éd. Technip, 1970. 33 Catamaran : Embarcation ou navire à de coques parallèles, ce dispositif architectural présente les avantages d’une construction d’une grande stabilité. MERRIEN J., « Dictionnaire de la Mer », éd. ROBERT LAFFONT, 1958. 32 15 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 2) Les supports de production : L’exploitation et la mise en production d’un champ pétrolifère sous-marin supposent obligatoirement une fois le forage effectué, l’édification de plates-formes plus ou moins permanentes. Celles-ci ont une fonctionnalité multiple : supporter les têtes de puits et les canalisations d’extraction du pétrole, les diverses unités de traitement du brut, les quartiers d’habitation du personnel… On recense quatre types de supports de production : Les platesformes métalliques fixes (2-1), les structures gravitaires en béton (2-2), les structures souples (2-3), les plates-formes à lignes tendues (2-4). 2-1) Les plates-formes métalliques fixes34 : Celles-ci sont particulièrement bien adaptées à la plupart des configurations d’exploitation, ce qui les prédispose en particulier à résister aux fortes houles35.Ces structures sont composées de trois parties distinctes : - Le ponton qui reçoit les appareils de forage et les équipements afférents à la logistique, la production et la vie de la plate-forme, - La charpente métallique, - Et enfin, les piles de fondation, destinées à être fichées dans le sol. Acheminée jusqu’au lieu d’exploitation sur une barge spéciale36, la charpente métallique est mise à l’eau lors de l’arrivée sur site. Puis l’on procède à son dépôt sur le fond et à sa mise en place sur son emplacement définitif et à sa fixation par battage et cimentage sur le fond à l’aide d’une injection de matériau à haute performance. La plate-forme reçoit ensuite le ponton de travail, les équipements et appareils connexes. 2-2) Les structures gravitaires en béton : Simplement posées sur le fond de la mer, leur stabilité quant aux mouvements de houle est assurée exclusivement par leur poids inhérent. Elles sont également conçues en trois parties : 34 Ou «Jackets » dans le jargon technique de l’offshore. La plate-forme de Magnus en mer du Nord résiste en effet à des vagues de tempête de 30 m de hauteur ! 36 Des trajets de plus de 15.000 km ont été déjà réalisés. A contrario pour un exemple de convoi à l’issue dramatique se référer à U.S. district court, Northern District of California, «Westar Marine Services and al. v. Heerema Marine Contractors », 18 novembre 1995 et 12 décembre 1986, N°C-84-4998 EFL. 35 16 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier - Le ponton (en acier ou béton) hors de l’eau qui supporte équipements et appareils de production, - Un fût massif ou plusieurs colonnes en béton (jusqu’à quatre), édifices traversant toute la tranche d’eau avec pour finalité de supporter le pont, - Un caisson en béton, quant à lui immergé et reposant sur le fond. Son rôle est de soutenir les colonnes et de servir de réservoir tampon pour le pétrole brut. Ce caisson est en permanence maintenu empli d’eau ou de pétrole, ce qui augmente le poids de la structure en assurant sa stabilité. Ce sont de loin les constructions les plus lourdes jamais déplacées par l’Homme puisque le poids total de certains de ces engins dépasse les 800.000 tonnes37 ! Pour cette raison, leur transport en mer est obligatoirement assuré par toute une flottille de puissants remorqueurs de haute mer. Mais, au-delà de certaines profondeurs, chacune des techniques précédentes relèvent d’un coût de construction prohibitif. D’où l’apparition de nouveaux concepts comme les structures souples 38(3) et les plates-formes à lignes tendues 39(4). 2-3) Les structures souples : Ces dernières reposent sur un autre principe que les engins étudiés supra. Partant du constat selon lequel les principales contraintes en terme de résistance des matériaux subies par les plates-formes pétrolières sont dues à la force physique générée par la houle, de nouveaux procédés ont été imaginés. Les mouvements importants des plates-formes engendrent des forces d’inertie qui s’opposent aux sollicitations alternées de la houle, et le danger d’instabilité est évité par le fait que les périodes40 propres de l’ouvrage sont supérieures à celles des vagues incidentes. Tout cela va de pair avec une architecture beaucoup plus légère. 37 Voir ainsi la plate-forme de 2 millions de tonnes au large de la Norvège pour le champ de Troll, par 350 mètres d’eau. Cette dernière dévouée à l’exploitation du gaz est d’une hauteur plus élevée que la tour Eiffel, « Le Monde » du 17 mai 1995, page 20. 38 Ou « Compliant structures » dans le jargon technique de l’offshore. 39 Ou « Tension-leg-platforms » dans le jargon technique de l’offshore. 40 Période : Le laps de temps qui s’écoule entre deus trains de houle et par extension entre deux vagues. 17 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier On peut classer ces structures souples en trois catégories : - Les tours articulées41: Fixées sur le fond de la mer par une articulation mécanique ou une fondation par pieux suffisamment flexible pour faire office de rotule. Elles sont maintenues en position par un énorme flotteur de rappel, en acier ou en béton situé près de la surface. - Les tours haubanées42 : Fixées sur le fond par un ensemble de lignes d’ancrage disposées tout autour de la plate-forme. - Les tours flexibles43 : Encastrées dans le sol. Ce sont les mouvements dus à la déformation élastique de la charpente qui engendrent des forces d’inertie opposées à celle de la houle. 2-4) Les plates-formes à lignes tendues : Concept très prometteur dans la cadre de la quête continue vers l’offshore profond (1000 mètres et plus) et très profond (2000 mètres et plus). La plate-forme est flottante, telle une semi-submersible, mais elle est maintenue par plusieurs tendons verticaux solidement fixés sur le fond marin à l’aide d’une embase fondée sur des pieux. Sous les effets conjugués de la houle, du vent et des courants éventuels, la partie flottante peut se mouvoir à l’horizontale en s’enfonçant légèrement. L’ensemble se déformant alors tel un parallélogramme et le système reste stable grâce aux forces de rappel exercées. B- Les Unités Flottantes de Production (FPSO et FSO) : On les désigne également sous l’appellation de « Supports Flottants de Production ». Ils assument plusieurs fonctions : stockage, traitement du pétrole brut, quartiers d’habitation, poste de contrôle et de commande de l’exploitation des puits. La production en est évacuée soit par le biais d’un navire navette (de service ou tout simplement un navire pétrolier conventionnel), soit via une canalisation sous-marine. Dans un monde où chaque laps de temps a une incidence financière, ce mode de production est souvent usité pour débuter l’exploitation du gisement pétrolier le plus tôt possible. Par ce biais l’opérateur peut rentabiliser au plus vite ses investissements financiers. On parle alors de 41 Ce concept est né en France où dès 1968, telle structure fut installée à titre expérimental dans le Golfe de Gascogne, par 100 mètres d’eau. 42 Ou « Guyed towers » dans le jargon technique de l’offshore. Il en existe une, positionnée sur le champ de Lena, dans le Golfe du Mexique depuis 1983, par 305 mètres d’eau. 43 Il existe trois modèles de ces installations : les tours Gamma, Delta ou Roseau proposées par des compagnies françaises. 18 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier « Early production System44 ». Mais il faut cependant veiller à bien différencier F.S.O. et F.P.S.O45 : 1) Les FSO : Ce sont des unités flottantes de stockage et de déchargement du pétrole en mer (« Floating Storage and Offloading »). Néanmoins, ces dernières n’effectuent pas les missions de production ou de traitement du matériau brut à la différence des FPSO. 2) Les FPSO46 : Si ce sont également des unités flottantes de stockage et de déchargement en mer, ils remplissent de plus des fonctions de production et d’extraction du pétrole. A partir d’un tel engin47, des tubes de forage que l’industrie pétrolière désigne sous le nom technique de « risers » sont reliés au sous-sol marin exploité. Un tel bâtiment représente un investissement gigantesque pour une compagnie parapétrolière48 et peut peser plus de 400.000 tonnes à pleine charge (exemple du FPSO « Dalia »). La présentation d’un point commun aux deux unités, est fondamentale pour la suite de nos développements sur ces supports, et notamment en ce qui concerne leur qualification juridique : Le maintien en position de ces unités. Celui-ci peut s’effectuer selon plusieurs moyens : Un ancrage par un système classique de câbles et de chaînes associés à des ancres ou à des pieux enfoncés dans le sol49. Un ancrage unique autour duquel le navire peut s’orienter dans la direction du courant et/ou de la houle. Enfin, et c’est souvent le mode retenu, il est possible d’utiliser des systèmes de positionnement dynamique complets. 44 Traduction libre : «Système de production anticipée ». 45 Une tierce catégorie existe dans une proportion plus réduite : FPU = Unité flottante de production (Floating Production Unit). C'est une barge qui reçoit le pétrole et le gaz du fond pour les traiter (séparer l'huile, le gaz et l'eau par exemple) avant de les envoyer vers une unité de stockage (FSO) ou vers un pipeline d'exportation. 46 Voir sur ce sujet, « Les F.P.S.O. pompent, traitent, stockent… », Le Marin, 25 juillet 1997, et aussi « Le boom des F.P.S.O. », Le Marin, 16 janvier 1998. 47 A ce stade de sa présentation, nous n’emploierons pas encore le terme de navire, lequel étant le but de la démonstration juridique. 48 Ainsi pour exemple le FPSO SAIPEM 7000 coûte 1 Milliard de dollars. Information issue de l’entretien avec MM. B. ROYER et B. VALENTIN de SAIPEM S.A., le 18 avril 2007. 49 C’est le cas pour les semi-submersibles ou les navires transformés. 19 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE SECOND : Qualification juridique Aux termes du Lexique des termes juridiques Dalloz, la qualification est « […] l’opération de l’intelligence consistant à rattacher un acte, un fait, une situation juridique à un groupe déjà existant (concept juridique, catégorie, institution50) ». Il convient donc de déterminer la qualification des structures et des engins qui sont les épicentres de toute la suite de ce travail. L’auteur de ces lignes partage d’ailleurs sur la question de l’opportunité de la qualification de navire, l’opinion de MM. BEURIER, CHAUMETTE, HESSE, MESNARD, REZENTHEL, et TASSEL selon lesquels « Le navire est une chose utile. La condition juridique de navire exprime l’idée que le navire est rattaché à un système juridique dont il découle, à l’avantage ou au désavantage de celui qui l’exploite, […] des règles à mettre en œuvre51». Cette opération tournera autour de la confrontation des engins présentés supra, (au sein du Chapitre Premier) à la qualification de navire telle qu’issue de la confrontation entre les divers courants doctrinaux et les textes de lois. Influences croisées dont nous tirerons une méthode de qualification (Section I) que nous appliquerons ensuite aux engins sujets de la présente étude: D’une part les navires de services (Section II) et de l’autre les plates-formes pétrolières. Notons également l’immixtion dans cette opération de qualification, des unités d’un type hybride : les F.P.S.O et les F.S.O. (Section III). 50 « Lexique des termes juridiques », éd. DALLOZ, 2007. HESSE P-J. , BEURIER J-P. , CHAUMETTE P., TASSEL Y., MESNARD A-H. et REZENTHEL R., « Droits Maritimes », Tome I « Mer, navire et marins », éd. Juris Service, collection Droit, environnement et cadre de vie , 1995. 51 20 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION I - Le droit maritime et la notion de navire Dans le langage courant on désigne sous le vocable de navire une « Construction flottante de forme allongée, pontée, destinée au transport sur mer52 ». En droit maritime général il existe une foultitude de définitions du navire. Ceci est dû principalement à la multitude des textes internationaux qui coexistent avec l’ordre juridique interne des Etats. C’est aussi une indéniable conséquence du fait que l’évolution de la technologie et des défis humains voient sans cesse repoussées les limites de l’impossible maritime en terme de technique comme de faisabilité. Qui aurait ainsi prévu il a plus de deux siècles environ, alors que la navigation à voile battait son plein que l’on exploiterait les diverses ressources naturelles du sous-sol marin avec l’avidité la plus poussée53. Si, comme nous le verrons infra, la qualification de navire sésame de l’application des grandes institutions du droit maritime, ne pose logiquement pas de problèmes en ce qui concerne les navires de service, il en va autrement pour deux autres catégories qui intéressent notre réflexion : Les plates-formes d’exploitation pétrolière tout d’abord et les unités flottantes de stockage et/ou de production ensuite. Cette entreprise de qualification juridique passe donc en premier lieu par la mise au point d’une méthode objective de qualification du navire. Cela donne l’occasion de passer brièvement en revue les critères d’attribution de ce statut ainsi que les divergences doctrinales et textuelles à leur encontre. On l’a déjà dit, il existe beaucoup de définitions du navire propres à des textes normatifs. C’est ainsi que la Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures conclue à Bruxelles le 29 novembre 1969 donne une définition du navire excluant de son champ d’application les plates-formes pétrolières. Ainsi, aux termes de l’article second, paragraphe premier de ladite convention, l’expression navire s’entend : 52 Le Petit Robert de la langue française 2007 déjà cité, éd. Le Robert, Paris, 2007. Exploitation originale du sous sol marin, l’extraction du sable aux fins de fournir les grandes compagnies de la construction en matériau brut. Sur ce point, cf. CHARLES J-B. « Le sable, matériau de l’avenir », Newsletter du mois de mai 2007, www.droitmaritime.com. 53 21 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier « a) de tout bâtiment de mer quel qu’il soit, [et] b) de tout engin flottant à l’exception des installations ou autres dispositifs utilisés pour l’exploration du fond des mers, des océans et de leur sous-sol ou l’exploration de leurs ressources ». Au contraire d’autres textes comme la Loi française du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer retiennent une définition appréhensive du navire vis-à-vis des plates-formes pétrolières. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 1er in fine de ladite Loi, « […] tous engins flottants, à l’exception de ceux qui sont amarrés à poste fixe, sont assimilés […] aux navires de mer ». Cette diversité des définitions et des appréhensions tendent à faire de la notion juridique du navire une construction à géométrie variable qui n’est pas dans son acception garante de sécurité juridique puisque susceptible de varier fondamentalement selon le texte invoqué ou appliqué. Ce qui a conduit la doctrine et la jurisprudence à conceptualiser le statut juridique du navire autour d’un faisceau d’indices établis et objectifs. Plusieurs de ces critères recueillent sans peine l’assentiment général de la doctrine. Mais celle-ci est en revanche divisée sur un point qui s’avère crucial pour la suite de notre opération de qualification (voire pour la suite de ce mémoire puisque de cette qualification de navire dépend l’applicabilité de certaines des grandes institutions du droit maritime) : Ainsi, la doctrine maritimiste s’accorde dans sa globalité à retenir le critère de la flottabilité de l’engin prétendant à la qualification de navire. Cet engin flottant doit ensuite évoluer au sein des eaux maritimes et non pas effectuer une navigation intérieure sauf à lui voir reconnaître le statut juridique de bateau. Cet élément de qualification n’est pas non plus remis en cause. Critère fondamental, le navire doit être apte à affronter les périls de la mer. Ce qui est appliqué avec fermeté par la Cour de Cassation54 et les juges du fond français. Toutefois un débat oppose deux écoles doctrinales sur le point de savoir s’il est exigible pour qualifier un engin de navire que ce dernier soit capable de satisfaire à tous ces éléments de manière autonome. Si les auteurs sont opposés sur ce point, la jurisprudence ne l’est pas moins et l’on peut en juger par deux décisions, militant chacune pour un point de vue différent : 54 Arrêt Cass. Com., 6 décembre 1976, arrêt dit « Poupin Sport ». n. René RODIERE. Bien que ce critère ait été aimablement critiqué par le Doyen RODIERE dans sa note concernant ladite décision, l’auteur tombe d’accord avec MM. BONASSIES et SCAPEL sur le fait qu’il s’agit bien du « critère ultime du navire ». Traité de Droit Maritime, éd. L.G.D.J., 2006, n° 151, page 109. 22 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier ● Suivant une partie de la doctrine, la Cour de Cassation a refusé par un arrêt du 22 décembre 195855 la qualification de navire à un engin «[…] dépourvu de tout moyen de propulsion[…] » ● En revanche, l’autre camp doctrinal milite pour la solution inverse en considérant que la qualification de navire peut adouber un engin qui, de par sa structure est apte à affronter les périls de la mer peu importe s’il effectue cette navigation maritime par son propre moyen, ou étant dépourvu de toute capacité autonome de propulsion56. Une décision du Conseil d’Etat cette fois a adopté cette solution le 27 avril 1988. L’auteur entend adopter la seconde thèse et a deux raisons pour ce faire. Le développement technologique de la conception navale en ce qui concerne les plates-formes pétrolières et les Unités Flottantes de Production, conduit à la possibilité de leur « réutilisation » de la même manière qu’un navire. De plus, de nombreuses législations possèdent une telle conception appréhensive de la notion de navire, ce qui démontre un certain bien-fondé de cette pensée : Nous pouvons citer à cet effet, le Code Maritime de la République algérienne lequel vise comme navire : « tout bâtiment de mer ou engin flottant effectuant une navigation maritime soit par son propre moyen, soit par remorque d’un autre navire ». Nous pourrions également mentionner les dispositions de la législation maritime canadienne57 qui applique la même formule de qualification. Aux termes de la Loi sur la Cour Fédérale58, on désigne le navire « […] comme s’entendant d’un bâtiment ou d’une embarcation conçus, utilisés ou utilisables, exclusivement ou non, pour la navigation, indépendamment de leur mode de propulsion ou de l’absence de propulsion ». Il apparaît donc que l’on peut être en présence d’un navire du moment que celui-ci est un engin (par opposition à une épave59, ou un élément naturel du milieu marin comme un animal ou une sargasse par exemple), flottant, évoluant en des eaux maritimes, et qui soit apte à 55 Arrêt Cour de Cassation du 22 décembre 1958, DMF 1959.217, rapporté par MM BONASSIES et SCAPEL, Traité de Droit Maritime, L.G.D.J., 2006, n°152, p. 110. Il s’agissait en l’espèce d’une barque de plongée. 56 C’est d’ailleurs la solution retenue par le Code maritime de la République algérienne. 57 Introduction au droit maritime canadien par M. le Professeur BRAENS, C.D.M.T., 21 février 2007. 58 Loi sur la Cour Fédérale, paragraphe 2 (1). A rapprocher de plusieurs arrêts fondamentaux du droit maritime canadien : Cyber Sea Technologies, Inc. v. Underwater Harvester R.O.V. & Triton Logging Company Inc. Session de première instance, protonotaire Hargrave, Vancouver, 8 et 16/7 2002. Voir aussi pour « guides » de définitions du navire : La Reine v. St John Shipbuilding & Drydock Co. Ltd. et al. 59 Voir CORDIER P. « Navires et autres bâtiments de mer – Notions Fondamentales », Juris-Classeur commercial, fasc. 1045, p. 4, déjà cité. 23 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier affronter les périls de la mer. Et cela, indépendamment ou en l’absence de tout mode de propulsion. Appliquons maintenant cette méthode de qualification aux engins dont les relations sont concernés par notre étude. SECTION II - La catégorie pour laquelle la qualification de navire ne posera pas de problème : les « supply vessels » Nul besoin de procéder à des développements vertigineux sur ce point. Outre la présence du mot navire dans l’appellation de ces bâtiments, il faut bien reconnaître que de tels engins satisfont en tous points les critères de l’une et de l’autre école doctrinale. Ceux-ci sont en effet des engins flottants, navigant en eaux maritimes, aptes à affronter les périls des mers les plus difficiles. Le fait qu’ils soient tous dotés d’un mode de propulsion autonome n’est pas incident, bien au contraire, cela renchérit sur leur qualification de navires et satisfait à tous les courants doctrinaux. Les navires de services affectés auprès des structures d’exploitation pétrolières sont des navires. 24 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION III - Les catégories pour lesquelles la qualification de navire est controversée Il est en revanche deux catégories pour lesquelles des difficultés de qualification naissent à partir de leurs caractéristiques techniques intrinsèques. Une véritable démonstration juridique s’impose donc concernant le statut juridique des plates-formes pétrolières d’une part (§-1) et des Unités Flottantes de Production de l’autre (§-2). §-1- Les plates-formes pétrolières : Les plates-formes pétrolières sont la parfaite incarnation de l’offshore pétrolier voire de toute l’industrie parapétrolière sous-marine aux yeux du grand public. La question qui se pose ici avec sagacité est celle du statut juridique de ces structures vis-à-vis de la notion de navire. A- Méthode de qualification juridique: Nous utiliserons ici la méthode de qualification dégagée au cœur de la Section Première de ce Chapitre. Mais il est un élément de réflexion supplémentaire que nous devons prendre en compte afin d’opérer cette démonstration juridique. En effet, La loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer pose un critère supplémentaire, « […] tous engins flottants, à l’exception de ceux qui sont amarrés à poste fixe, sont assimilés […] aux navires de mer ». Quid de l’amarrage à poste fixe des plates-formes pétrolières ? Celles-ci sont bel et bien fixées à un poste sur le champ pétrolifère le temps de l’exploitation, cet aspect supplémentaire les prive-t-elle de la possibilité de prétendre à tel statut ? Une précision s’impose. Le jargon maritime est très riche et l’emploi d’un terme doit être fait à juste titre et ne pas prétendre à régir une situation qui n’appartenant pas à son domaine. Ce critère d’amarrage ne paraît pas s’appliquer aux engins offshore, du moins aux plates-formes pétrolières. Effectivement, à nul moment on ne dira qu’une telle structure est amarrée, mais on parlera de son ancrage, à tout le moins de son positionnement (pour les engins équipés de système de positionnement dynamique). 25 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier En effet, aux termes du Dictionnaire de la Mer de J. MERRIEN, on parle d’amarrage pour désigner « […] l’immobilisation d’un navire au port (au lieu appelé le « poste » du navire, terme usité par le législateur de 1967), avec des aussières appelées amarres ». Un peu plus loin, l’auteur définit le mot ancrage comme les opérations « […] qui assurent la tenue au fond [d’un bâtiment] ». Il y a là une distinction très nette entre les deux opérations. Cette condition supplémentaire doit se concevoir comme voulue par le législateur de 1967 pour exclure du bénéfice de ce statut les bâtiments immobilisés auprès d’un poste fixe, à quai. Ce critère sera néanmoins utilisé au sein de notre démonstration relative aux engins de forage et d’exploitation, où son incidence pour les raisons expliquées ci-dessus, sera réduite. B- Applications : Nous proposons au lecteur par souci de clarté et de concision de cette opération de qualification, deux tableaux au sein desquels nous avons mis en application la méthode dont les critères ont été présentés supra. Aux termes de ces tableaux, un « bilan de qualification » permet de considérer quelles sont les plates-formes pétrolières qui peuvent prétendre à bénéficier individuellement du statut de navire : 26 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 1) Statut juridique des engins et structures appelés à être posés sur le sol sous-marin : Engin Flottant Navigation en eaux maritimes Aptitude à affronter les périls de la mer Plates-formes autoélévatrices Plates-formes métalliques fixes Structures gravitaires en béton OUI OUI OUI OUI (en position de transport, le ponton peut flotter avec les membrures relevées). OUI NON (d’où son acheminement sur une barge spéciale). OUI (pendant leur remorquage jusqu’au site). NON (après leur installation sur le champ). OUI (utilisation d’un flotteur de rappel). OUI OUI OUI NON (leur remorquage nécessite un temps calme, d’où le fait que l’on privilégie leur transport par chargement sur des navires spéciaux et plus rapides). OUI (car adaptées à la plupart des configurations d’exploitation, comme les très grosses houles). OUI (très résistantes et massives, leur conception fait appel à des techniques de bétonnage de haute performance qui assure la résistance de la structure aux efforts causés par la houle. D’autre part, leur stabilité est assurée par la masse gigantesque de la plate-forme). OUI (architecture légère justement mise au point pour offrir des forces d’inertie opposées à celles de la houle). OUI (une fois installées sur leurs piles, à 15 ou 20 mètres au-dessus du niveau de l’eau, ces plates-formes peuvent résister aux tempêtes pendant le temps du forage). Moyen de propulsion (sans incidence sur la qualification de navire) Pendant la phase de transport, les autoélévatrices sont remorquées ou chargées sur des navires comme une marchandise. Aucun (la phase de transport des modules de construction effectuée par une barge manutentionnée). Absence de mode de propulsion. Leur acheminement sur site est assuré par une flottille de remorqueurs hauturiers. Amarrage de l’engin à poste fixe (critère issu de la Loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer). NON (la pose sur le sol est uniquement assurée par l’appui des piles-membrures sur le fond marin). NON (ces structures sont bétonnées sur le sol marin. Elles s’apparentent donc à des îles plus qu’à des bâtiments maritimes). NON (Pas d’amarrage. Une fois posée sur le sol, c’est son propre poids qui maintient l’engin sur le sol marin). Structures souples et à lignes tendues OUI Ces platesformes ne sont pas dotées d’un moyen de propulsion. Elles peuvent être remorquées ou transportées sur site. NON (sont maintenues par des ancrages) 27 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier BILAN DE QUALIFICATION « Statut de navire ?» Plates-formes auto-élévatrices Plates-formes métalliques fixes Structures gravitaires en béton Pendant la phase de transport: NON (car pas apte à affronter les périls de la mer et transportées sur le site sur des navires à la manière d’une marchandise). Pendant la phase de transport : NON (modules acheminés comme des marchandises par des barges). Pendant la phase de transport: OUI (on peut les assimiler à des navires remorqués). Pendant/Après installation: NON (car immobilisées sur le fond de la mer, elles deviennent des unités industrielles aux apparences d’édifices terrestres sans plus de caractère maritime qu’une île). Pendant/Après exploitation: NON (car elles sont également appelées à demeurer sur le champ pétrolifère à la manière d’une île ou d’une usine désaffectée). Après installation: OUI (car apte à affronter les périls de la mer). Structures souples et à lignes tendues Pendant toute sa durée de vie : OUI (satisfont à tous les critères de qualification juridique). 28 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 2) Structures dont la flottabilité est le trait caractéristique: Navire de forage Plate-forme semisubmersible OUI OUI OUI OUI Plate-forme semisubmersible à positionnement dynamique OUI OUI Flottant Navigation en eaux maritimes OUI OUI OUI OUI (peuvent opérer dans la quasi-totalité des mers du globe, peu importe les conditions). OUI (leur stabilité garantit la possibilité de travail en eaux agitées). OUI Aptitude à affronter les périls de la mer Ce sont d’anciens navires reconvertis mais qui gardent leur motricité, ou des navires conçus spécialement. Certaines d’entre elles sont équipées de propulseurs leur permettant de se déplacer seules. Elles voyagent parfois avec l’assistance de remorqueurs de haute mer. NON (la tenue est assurée par dix lignes d’ancrage). Même mode d’acheminement que les plates-formes semisubmersibles « simples ». Engin Moyen de propulsion (sans incidence sur la qualification de navire) avant ou pendant la phase d’exploitation. Amarrage de l’engin à poste fixe (critère issu de la Loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer). BILAN DE QUALIFICATION « Statut de navire ? » NON (ils sont maintenus en position de travail par des ancrages, il ne s’agit pas d’un amarrage à poste fixe. L’ancrage tend à être abandonné au profit du positionnement dynamique). Navire de forage Plate-forme semisubmersible OUI OUI NON (maintien de la position de travail, à l’aide du positionnement dynamique). Plate-forme semisubmersible à positionnement dynamique OUI 29 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 3) Eléments de qualification pouvant être pris en considération au cas par cas : Il est des éléments caractéristiques de ces engins qui, s’ils ne peuvent pas figurer au nombre des critères inamovibles retenus par la doctrine, peuvent toutefois faire admettre la plausibilité du statut de navire de tels bâtiments. 3-1) La francisation des plates-formes pétrolières : Toutes les structures d’exploration ou d’exploitation pétrolière sont francisées dans le respect des dispositions de la Loi du 3 janvier 1967 portant statut des navires. Certes, ce critère, seul, ne suffit pas à emporter la qualification de l’engin en navire, mais représente une indication à prendre en compte. Lorsqu'elle peut flotter, la plate-forme doit être immatriculée et obtenir un permis de circuler. En effet l’article 10 de la Loi du 30 décembre 1958 relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation de ses ressources naturelles prévoit que de tels engins «[…] lorsqu’ils sont susceptibles de flotter, sont soumis aux lois et règlements concernant l'immatriculation et le permis de circulation […]» 3-2) Leur classification : Les plates-formes pétrolières et les engins offshore en général font tous l’objet de contrôles et de la délivrance de certificats par les sociétés de classifications au même titre que les navires. A parallélisme des formes, il y a souvent matière à trouver une certaine ressemblance des statuts juridiques. 3-3) Leur signalisation sur les mers : Les plates-formes pétrolières font toutes l’objet de balisages et ce, dans tous les cas (flottante ou fixe ou encore s’agissant des Unités Flottante de Production). Elles ont également l’obligation de comporter des feux de position, des marques de navigation et l’équipement électronique idoine60, ce qui est fondamentale dans la lutte contre les abordages et les 60 Le RACON, type de transpondeur radar utilisé communément pour marquer les dangers de la navigation maritime, et pour aider à différencier les échos radars si le trafic est dense est Mis en place sur des plates-formes pétrolières il émet fréquemment le signal U du code morse signifiant : « Vous courez vers un danger ! » 30 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier collisions. Si mobile, la plate-forme devra communiquer ses déplacements aux autorités maritimes ainsi que sa description aux termes de l’article 12 de la Loi du 30 décembre 1968. 3-4) Ces engins sont soumis aux mêmes réglementations en matière de sécurité que les navires : Ils sont soumis aux mêmes règlementations que les navires en ce qui concerne la vie à bord, la sécurité et les risques de pollution. Ces prescriptions ressortent du régime de la Loi du 5 juillet 198361 « sur la sauvegarde de la vie humaine, l’habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution » dont l’article second62 s’applique à « […] tout bâtiment de mer quel qu'il soit, y compris les engins flottants, qui effectue une navigation de surface ou sousmarine ou qui stationne en mer […] » à la seule exclusion des «[…] engins de plage non motorisés […]». Les engins offshore seront considérés comme des navires aux termes des dispositions de ladite loi sous la réserve sous réserve « […] d'autres définitions données par les conventions internationales dont la liste est fixée à l'article 663 [de la loi] ». Or, la plupart de ces textes ne dénient pas le statut de navire aux structures offshore. Ainsi, le paragraphe 4 de l’article second de la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires stipule qu’aux fins de la présente convention : « [le terme] navire désigne un bâtiment exploité en milieu marin de quelque type que ce soit et englobe les hydroptères, les aéroglisseurs, les engins submersibles, les engins flottants et les plates-formes fixes ou flottantes ». C’est ici une affirmation expresse du statut de navire des plates-formes pétrolières, et le texte va même plus loin que notre précédente démonstration en affirmant qu’il en va ainsi de toutes les plates-formes « […] fixes ou flottantes ». 61 62 Sans oublier son Décret d’application en date du 30 août 1984. Tel que modifié par Loi n°90-602 du 12 juillet 1990 art. 11 I (JORF 13 juillet 1990). . 31 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 3-5) Un régime des gens de mer identique à celui des navires : On peut enfin relever de fortes ressemblances entre le régime des gens de mer travaillant sur les plates-formes pétrolières et ceux embarqués à bord des navires plus conventionnels. La personne qui assure la conduite des travaux d'exploration ou d'exploitation, est considérée comme le capitaine et relève de la juridiction de droit commun aux termes de l’article 10 de la Loi du 30 décembre 1968. Les ouvriers travaillant sur la plate-forme peuvent, sur leur demande, être assujettis au régime de la sécurité sociale des marins (article 9). §-2- Une catégorie hybride64 : les F.S.O. et les F.P.S.O. : Au vu de leurs caractéristiques maritimes présentées plus haut, de tels bâtiments méritent assurément la qualification de navire en application de notre méthode de qualification. Un seul élément pourrait toutefois prêter à confusion. Il s’agit de l’exclusion ménagée par la Loi française du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer quant aux bâtiments amarrés à poste fixe. Certes, les FSO et FPSO65 sont maintenus au sous-sol marin par des ancres, lesquelles prennent en de nombreux points du navire afin de garantir une exploitation sereine de la ressource pétrolière. Cela permet en outre d’éviter qu’un mouvement résiduel de gîte ou de dérive de l’unité ne vienne à arracher un des « risers » ou endommager une installation opérationnelle. D’autre part, ces engins sont pour la plupart dotés des moyens les plus performants en terme de maintien automatique sur zone, ce qui se traduit au niveau de leur armement en terme de positionnement dynamique66. Reste donc à déterminer si ces moyens de maintenir le navire immobile sur zone sont constitutifs d’un « […] amarrage à poste fixe […] » exclusif en cela de la qualification d’un tel engin en navire. 64 Ces navires ont été perçus lors de leurs premières mises en service comme une véritable « révolution de la culture navale ». Citation de NIETO F., « Le Monde » du 18 mai 1996. 65 Le FPSO, « […] c’est un tanker sur lequel on a mis un morceau de raffinerie et rajouté un hôtel pour 180 personnes » propos recueilli par BEZAT J-M auprès de C. REYNAUD chef de site du FPSO «Girassol », article de presse «Babel-en-Mer au large de l’Angola », le Monde du lundi 20 juillet 2007. 66 Notion abordée supra. Il s’agit d’un équipement permettant aux navires de servitude tout comme à certaines unités de forage d’être maintenu en position de travail par le jeu de propulseurs latéraux commandés via un système automatique branché sur le Global Positioning System. 32 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Comme nous l’avons précisé supra, la notion d’ « […] amarrage à poste fixe […]» fait sans aucun doute un renvoi aux notions de pontons, d’engins portuaires certes flottants mais amarrés, … Bien au contraire et à l’image de la plupart des plates-formes pétrolières, nos Unités Flottantes de Production ne sont pas amarrés à une quelconque structure (ce qui est surtout visible quand il s’agit de positionnement dynamique). A tout le moins sont-ils ancrés sur le fond sous-marin. Ce critère négatif n’est donc pas rempli en l’espèce et ces bâtiments ne sont donc pas concernés par l’exclusion ménagée par la Loi française. Les FSO et les FPSO sont des navires. 33 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE : Avant de conclure citons PORTALIS, l’une des éminences grises rédacteurs du Code civil et génie juridique visionnaire, auteur d’une œuvre pérenne et fondamentale : « Il faut laisser le bien si on est en doute du mieux, il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté relative ». La longue démonstration juridique qui a précédé n’a pas eu la prétention d’emporter la conviction absolue de son lecteur, mais simplement de reposer les termes du débat en matière de détermination du statut de navire et ce, quant à des engins aux caractéristiques techniques si prononcées. Nous ne prétendons pas à l’absolue vérité de ces solutions, mais nous pensons qu’elles sont plausibles et à tout le moins fondées en droit. L’assimilation des plates-formes pétrolières (et des Unités Flottantes de Production) aux navires67 est un pas franchi depuis longtemps par le Législateur norvégien au sein de l’Act on State Control of the Seaworthiness of Ships de 1903. En 2000, la Commission de réforme du droit australien68 donnait une appréciation éloquente de l’intérêt d’une notion appréhensive du navire vis-à-vis des plates-formes pétrolières: « [Ces engins] passent la plupart de leur existence reliés au fond de la mer ou bien y reposant, mais occasionnellement se déplacent d’un endroit à un autre comme le ferait un navire, qu’ils soient remorqués ou, ce qui est moins fréquent, qu’ils se meuvent eux-mêmes ». Enfin, nous sommes d’avis que la définition du navire ne peut plus être cantonnée aux seuls navires correspondant parfaitement à une définition classique telle que posée par EMERIGON selon laquelle est un navire « tout bâtiment de charpenterie propre à flotter et à être menée sur l’eau69 » et développée par tant de grands maîtres par la suite. Nous tombons donc d’accord avec nos maîtres BONASSIES P. et SCAPEL C.70 pour convenir que « […] l’image classique du navire est attaquée en quelque sorte des deux bords » et le débat, rendu indispensable par les progrès de la technologie, l’apparition d’engins d’exploration et d’exploitation offshore aux dimensions de plus en plus gigantesques, est ouvert… 68 The Australian Law Reform Commission, ALRC 33, chapter 7, www.austlii.edu.au EMERIGON, « Traité des Assurances », XVIIIe siècle. 70 BONASSIES P. et SCAPEL C., « Traité de Droit Maritime », éd. L.G.D.J., 2006, n°146, p. 105. 69 34 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Une fois posées les notions et les statuts juridiques des bâtiments protagonistes de cette étude, il nous appartient désormais d’exposer comment est réalisée la gestion du risque et de la potentialité du dommage dans le cadre contractuel de la fourniture des services maritimes à l’offshore pétrolier entre les compagnies pétrolières et les armateurs de « supply vessels » (Seconde Partie). 35 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECONDE PARTIE : L’appréhension contractuelle du dommage dans le cadre de la fourniture de services maritimes à l’offshore pétrolier : Etant donné la masse de intérêts économiques et financiers privés qui sont mis en jeu au sein du secteur de l’offshore pétrolier, ce domaine est paradoxalement marqué par un certain retrait des autorités étatiques ou publiques au profit des opérateurs privés plus aptes à gérer une industrie sophistiquée dans un milieu périlleux pour les humains et les actifs. Comme le dit Martine REMOND-GOUILLOU dans sa thèse, «Les rapports entre particuliers […] ne sont réglés par le législateur de l’offshore, qu’accessoirement et de manière allusive. Les Etats riverains se contentent dans la plupart des cas d’étendre leur législation civile, criminelle et sociale aux installations de forage, ou à la totalité des eaux sur jacentes à leur plateau continental, sans prévoir de règles spéciales ». Les relations techniques et maritimes proprement dites ne sont réglées par les corpus juridique maritime international et interne que de manière indirecte. Des raisons inhérentes à ce secteur expliquent ce retrait normatif et corrélativement la prégnance de la liberté contractuelle dans les relations entre les parties présentes sur les sites d’exploitation (Chapitre Premier). Mais la liberté des parties n’est pas sans limite et les opérateurs privés ont entendu euxmêmes prévenir d’éventuels abus dans l’élaboration des contrats, par le biais d’un document type. Cette pratique a donné naissance à une véritable technique contractuelle originale et emblématique de l’offshore pétrolier. Originalité qui se traduit principalement dans la manière d’appréhender les hypothèses de survenance des dommages, leurs conséquences pécuniaires et en terme de responsabilité (Chapitre Second). 36 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE PREMIER : La prégnance de la liberté contractuelle dans un secteur aux spécificités marquées Le corpus juridique maritime ne régit le secteur de l’offshore que de manière sporadique par le biais de courtes références au sein de quelques-unes des grandes conventions internationales ayant vocation à régir les situations que peuvent rencontrer les navires. D’où la nécessité de pouvoir accorder le statut de navire aux engins afférents au secteur de l’offshore pétrolier. Cela afin de pouvoir contourner le « verrou » constitué pour certains de ces textes par l’étroitesse de leur champ d’application. Ce corpus normatif est donc marqué par l’absence totale de convention internationale spécifique et la faible prise en compte de ces activités par les textes existants (Section I).La volonté des parties a permis de pallier à cet effacement normatif une pratique contractuelle autonome, encadrée et guidée toutefois par des standards professionnels et la production d’un contrat-type (Section II). SECTION I - L’effacement du législateur international face aux activités offshore : L’absence de convention internationale spécifique sur ce domaine (§-1) qui s’explique en partie par les caractéristiques marquées du secteur de l’offshore pétrolier, s’est opéré au profit des opérateur privés du secteur en laissant le champ libre à la liberté contractuelle (§-2). §-1- Des références textuelles ponctuelles : Hormis les références ponctuelles au sein de quelques grandes conventions internationales dont le champ d’application est très large (exemple de l’article 2, paragraphe 4 de la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, cité supra) et le fait que de facto, certains de ces engins en tant que navire, ont droit au bénéfice des dispositions d’autres conventions (Convention de 1976 sur la limitation de responsabilité 37 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier en matière de créances maritimes…), il faut noter l’absence totale de convention internationale dévouée à un tel sujet. Cela est notable. En effet, il s’agit du secteur de l’économie maritime le plus technique et celui dont les accidents sont les plus nocifs pour l’environnement et surtout les plus coûteux en terme de vie humaine et de capital tant financier que matériel. §-2- Des tentatives de conventions internationales avortées : La nécessité de sécurité juridique et l’incertitude pesant sur le statut juridique applicable aux engins utilisés dans le cadre de l’activité pétrolière offshore avait naturellement conduit les Etats membres de l’Organisation Maritime Internationale71 à confier au Comité Maritime International72 l’élaboration d’un cadre juridique spécifique aux engins ou structures offshore. Cette volonté donna naissance en septembre 1977, lors de la Conférence de Rio de Janeiro à l’adoption d’un projet visant l’harmonisation des règles sur l’exploitation maritime des engins offshore. Le régime alors prévu par ce « Projet de Rio73» consistait à rendre applicable aux engins offshore, comme elles le sont aux navires, les conventions internationales existantes. Cette tactique a prévalu au sein du projet après que la Norvège, pays sommité de l’offshore, s’y soit rallié. Le texte définissait les engins offshore en excluant du champ d’application de cette convention, les structures fixes, reliées définitivement au fond de la mer (c’est d’ailleurs une position que nous avons fait nôtre au sein de l’étape de qualification du Chapitre précédent). Celles-ci étant des unités industrielles sans aucun caractère marin et s’apparentant plus à des îles pendant et après leur vie productive. Hélas, un tel projet ne se concrétisa pas. Ce, malgré la conscience de ses rédacteurs des risques que représentent ces engins et les opérations connexes à ceux-ci. 71 International Maritime Organization, dont le siège est à Londres. Créée en 1948 sous le nom d’O.MC.I., elle devient l’O.M.I. en 1979. Elle est en charge du domaine technique et plus généralement de tous les problèmes juridiques posés par les activités maritimes. 72 C.M.I., association privée, fondée en 1897 à Bruxelles qui par le relais du Royaume de Belgique peut proposer des projets de conventions internationales aux Etats. Sa mission est de contribuer à l’unification du droit maritime à travers la collaboration des associations nationales de droit maritime. 73 PIERRON A., « Projet de convention internationale sur les engins mobiles offshore », DMF, 1978.131. 38 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Ce sont ces mêmes préoccupations et la recrudescence d’accidents tragiques qui suscitèrent au début des années 1990, un nouvel engouement du Comité Maritime International pour le domaine de l’offshore. Le groupe de travail fut chargé par l’O.M.I. d’élaborer un nouveau projet de convention international sur les engins offshore et les domaines qui y sont apparentés. Ce qui aboutit en 1994 à la présentation de la « Convention on offshore unis, artificiel islams use in the exploration for, exploitation of petroleum and seabed mineral resources74 » devant le Comité légal de l’Organisation Maritime Internationale. Mais encore une fois, le texte n’emporte pas la conviction de l’Organisation internationale et n’est pas retenu. Récemment, un nouveau projet est en gestation pour tenter une nouvelle fois d’établir une convention internationale sur les engins offshore et ses domaines afférents. Le groupe de travail a déjà établi un questionnaire préliminaire sur l’offshore. Ce document a été communiqué aux comités de réflexion sur l’offshore au sein des associations de droit maritime nationales. 74 C.M.I., Yearbook 1996, page 139 et s. 39 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION II- La place laissée à la liberté contractuelle guidée par les standards professionnels de l’offshore pétrolier: §-1- Le champ laissé libre à la liberté contractuelle et ses effets juridiques : Indice flagrant dans le cas français, la Loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes dispose en son article premier, alinéa second que « Les conditions et les effets de l'affrètement sont définis par les parties au contrat et, à défaut, par les dispositions du présent titre et celles du décret pris pour son application ». Cela signifie clairement le caractère supplétif des dispositions légales et donc la force de la volonté des parties. Les acteurs du monde l’offshore jouissent d’une très importante marge de manœuvre, notamment au moment des négociations commerciales et de la rédaction des contrats qui en résulte. Les enjeux sont tels pour les entreprises que le moyen de pression économique est souvent décisif pour emporter un marché et/ou imposer ses prétentions. Cet effet se traduit bien souvent au niveau contractuel. Certes, nous l’avons cité et nous l’étudierons plus en détail infra, il existe un canevas, un contrat-type en matière d’affrètement de navires de service à l’offshore pétrolier. Mais celuici ne sert la plupart du temps que de base de discussion aux parties, libres ensuite de lui adjoindre les modalités d’exécution les plus diverses. La liberté contractuelle se traduit notamment en ce qui concerne les questions de responsabilité, l’objet du contrat…Il convient de citer ici le Professeur P. BONASSIES selon lequel la liberté contractuelle « […] s’applique enfin à la structure du contrat [et] n’a comme limite que l’imagination des parties75 ». Le secteur de l’offshore pétrolier s’est érigé sa propre culture contractuelle autonome, avec ses standards et usages dérivés de la pratique. 75 « Traité de Droit Maritime » déjà cité, éd. LGDJ, 2006, n°750, page 485. 40 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-2- La production de standards juridiques par les acteurs privés du secteur de l’offshore pétrolier: Les raisons qui permettent d’expliquer l’absence de convention internationale sont multiples : Elles tiennent premièrement au fait qu’un tel texte devrait sans cesse être réactualisé compte tenu de l’évolution de la pratique et des innovations en matière d’offshore pétrolier. Dans un tel domaine, on l’a déjà vu les impérieuses nécessités énergétiques et les intérêts économiques majeurs qui y sont connexes font pression pour un éventuel mouvement, une perpétuelle quête de nouveaux gisements et pour ce faire une constante mise au point de nouveaux concepts technologiques. Si une convention internationale, expression de la volonté des Etats sur un point de droit ou une situation juridique donnés peut suffire à «légiférer » un domaine dont l’ « immobilisme76 » est caractéristique, il ne saurait en être ainsi dans un secteur industriel aussi bouillonnant et dont les issues et l’avenir aiguisent tous les appétits et focalisent les efforts comme cela est le cas pour l’offshore pétrolier. Face à une telle propension évolutive il faut convenir qu’un texte normatif aurait bien des difficultés à évoluer en harmonie et se trouverait rapidement en décalage. Par ce biais, la plus grande initiative est laissé aux acteurs du monde parapétrolier qui atomiquement ou groupés sous la forme de syndicats sécrètent un droit semi privé, une pratique consensuelle commerciale ensuite tamisée par la grande maîtrise historique dudit domaine par les entreprises et compagnies anglo-américaines et norvégiennes. Le corpus juridique à l’œuvre au sein du secteur parapétrolier, outre des références aux législations nationales (qui servent en ce sens de lois-cadres permettant de définir les concepts et les zones d’exploitation) est constitué de guidelines, de grands usages commerciaux et au niveau contractuel de clauses véritablement endémiques au secteur (certaines clauses contractuelles ou certaines techniques sont en ce sens topiques d’intérêt). Exemple flagrant de cette reprise en main par les acteurs privés (lesquels sont parfois plus puissants financièrement que certains Etats de la planète77), la puissance de la Baltic & International Maritime Council78 (B.I.M.C.O). C’est de loin l’organisme privé le plus actif dans ce secteur avec une production normative régulière et de grande qualité. 76 L’auteur est conscient de la nécessité d’une matière juridique dynamique. En 2006, le groupe TOTAL a investi 11,8 milliards d’euros dans le monde soit deux fois plus que le volume des exportations du Bangladesh en 1999-2000. 78 Fondée en 1905 à Copenhague. Aujourd’hui la B.I.M.C.O.78 est la plus importante association internationale dans le monde maritime, elle compte approximativement 2500 membres dans 123 pays. Les armateurs membres de l’association possèdent 65 % de la flotte mondiale soit près de 525 millions de tonnes. 77 41 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Le but principal de la B.I.M.C.O. est de mettre en relation ces acteurs du monde maritime afin d’en faciliter la régulation et le bon fonctionnement. Au niveau de sa production normative, cette organisation produit des Chartes-Parties types dont s’inspirent les acteurs économiques du monde maritime. On peut citer parmi ces documents, la Charte-Partie « Supplytime » qui nous concerne tout particulièrement puisqu’il s’agit d’une Charte-Partie type pour l’affrètement des navires de service à l’offshore79. Il faut aussi citer le contrat type émis par la Baltic & International Maritime Council pour le transport d’objets lourds et volumineux, Heavycon, ou encore les contrats types Towcon et Towhire élaborés tous deux en collaboration avec l’International Salvage Union80 (ISU) au début des années 80 et consacrés au remorquage. De tels documents qui sont produit avec l’aide et la consultation des membres répartis en groupe de travail font l’objet de mise à jour régulière. Ce qui démontre la réactivité de l’association en matière d’adaptation des normes secrétées. Mais surtout le trait dominant de ces documents est le fait qu’ils sont applicables de manière uniforme de par le monde car ils sont rédigés en langue anglaise et ont recueillis au moment de leur rédaction l’assentiment des différentes catégories d’utilisateurs. 79 «B.I.M.C.O. Time Charter-party for offshore service vessels». Code Name : Supply Time. Nous en offrons un exemplaire à la curiosité du lecteur en annexe de ce mémoire. 80 Traduction libre : Union internationale de l’assistance. 42 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE SECOND : La technique contractuelle et la prise en compte des dommages S’il est une chose qu’il importe de garder à l’esprit tout au long de ce mémoire, il s’agit bien de cette maxime très américaine « Time is money81 ». En effet dans une industrie où le moindre composant électronique coûte des milliers de dollars et au sein duquel le prix du baril régit la moindre relation contractuelle, il faut être très prévoyant vis-à-vis des incidents. Pour bien se rendre compte de la spécificité de ce domaine, il faut avoir quelques chiffres à l’esprit : La production journalière sur un gisement pétrolier en mer peut s’élever jusqu’à environ huit millions de dollars82. Le prix d’une Unité Flottante de Production en mer comme un FSO (unité flottante de stockage en mer) ou un FPSO (unité flottante de production, stockage et de déchargement en mer) dont nous avons précisé la nature juridique, peut avoisiner le 1 milliard de dollars. Le prix d’une plate-forme pétrolière varie en fonction de sa taille, de son type, de l’importance du gisement exploité : Leur prix peut être compris entre quelques dizaines de millions de dollars et quelques milliards de dollars. Concernant les navires de servitude, tout dépend également du type de navire, de sa longueur, de son affectation et de son tonnage. Mais de manière le prix d’un tel, navire se chiffre en dizaines de millions de dollars. Effectivement, de tels bâtiments sont dotés d’une technologie de pointe tant en ce qui concerne leur positionnement dynamique que l’acquittement des tâches qui leur sont confiées. Certains navires de dernières générations comme les « Anor Handling Tug Supply vessels » dont a récemment fait acquisition l’armement Bourbon possèdent une automatisation poussée de leurs fonctions (principalement le levage d’ancres) destinée à éviter l’exposition de l’équipage au danger lors des opérations en des mers très mauvaises. Dans une optique de préservation de son résultat annuel, il importe pour la compagnie pétrolière comme pour l’armateur de navires de service à l’offshore pétrolier de se prémunir 81 Traduction libre : « Le temps, c’est de l’argent ». Calcul de l’auteur à partir d’une production de 120.000 barils/jour, pour un prix moyen du baril à 65 dollars. Mais pour un champ comme Dalia (à 140 km des côtes angolaises), le débit journalier peut atteindre les 240.000 barils/jour. « L’Afrique devient la première zone de production de Total ». Le Monde du 12 juin 2007. 82 43 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier contre les effets désastreux de la survenance d’un dommage. L’appréhension des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier passe évidemment par une traduction juridique des risques. La technique contractuelle par la grande liberté qui est laissée aux parties dans ce secteur quand bien même il existe des documents-types permet de stipuler des clauses permettant la prise en compte de ces évènements. Cela à la fois en terme de responsabilité et quant à leurs conséquences pécuniaires. Les conventions auxquelles les parties ont recours témoignent tout à fait de la singularité de cette branche de l’économie maritime. L’objet des conventions idoines est d’une nature ainsi un peu différente de celle des contrats traditionnellement à l’œuvre dans le reste du monde maritime marchand. Dans la même démarche intellectuelle, il convient de présenter la nature juridique du contrat employé dans le cadre de la fourniture de navires de services d’un tel genre (Section I). Il sera ensuite intéressant d’examiner de quelle manière, dérogatoire quant au droit commun des contrats, la double question des conséquences pécuniaires du dommage et en terme de responsabilité est abordée (Section II). Cette étude contractuelle ne serait pas complète sans quelques aspects de droit international privé destinés à éclairer le lecteur sur la manière de déterminer la loi applicable au contrat (Section III). SECTION I - Objet et nature juridique du contrat usité pour la fourniture de navires de services à l’offshore pétrolier : §-1- Objet du contrat : L’objet d’un contrat tel que visé à l’article 1126 du Code civil correspond à la matière même sur laquelle porte la convention : « Tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou ne pas faire ». Dans le domaine qui est le sujet de cette étude c’est assurément la fourniture de services maritimes à l’offshore pétrolier. Il s’agit ainsi de l’objet global des conventions conclues entre les groupes pétroliers et les armateurs des navires de servitude. La prestation caractéristique de ces contrats est bien de fournir des navires de services aux opérateurs des plates-formes d’exploitation. Des prestations connexes sont également couvertes par les contrats. Celles-ci 44 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier sont multitudes et tout dépend du besoin de la compagnie pétrolière, des exigences du site d’exploitation, mais aussi de la tâche ou mission qu’il y faut effectuer. On est parfois dans le besoin de services ponctuels comme le transport d’une équipe d’ingénieurs à bord de la plateforme depuis la terre. Une mission effectuée en général par un navire de type « Crew Boats »83. Les contrats peuvent viser également des prestations relatives à la sécurité du site. Par exemple le recours par la compagnie pétrolière aux services de « supply vessels » du type « Patrol Boats » au sein de zone d’exploitation située non loin de secteurs de piraterie ou de lieux géopolitiques sensibles comme la côte ouest africaine84 où les attaques et les incidents contre des installations pétrolières en mer se sont multipliés au cours de la dernière décennie. Un contrat peut aussi être conclu entre la compagnie exploitante du site et l’armateur quant à la fourniture d’un navire releveur d’ancre (« Anchor Handling Tug Supply ») ou de transport de biens et vivres depuis le centre opérationnel de la compagnie à terre à destination de la plate-forme (« Platform Supply Vessel »). §-2- Nature juridique du contrat : Il convient de préciser la nature de ce contrat tout en le différenciant d’autres notions contractuelles voisines (A) avant de conclure à la nature juridique intrinsèque des conventions auxquelles les parties ont recours (B). A- Définition négative de la nature juridique du contrat usité : La branche de l’offshore pétrolier nécessite de bout en bout (c'est-à-dire depuis la prospection jusqu’à l’acheminement du pétrole) toute une série de contrats spéciaux adaptés à chacune des activités ou opérations. A quel type de contrat a-t-on recours pour encadrer les conditions de fourniture des navires de service dans le cadre de l’exploitation d’un site pétrolier en mer ? Il faut pour cela procéder à l’aide d’un méthode de définition négative au terme de laquelle nous écarterons les qualifications contractuelles insusceptibles de s’appliquer à notre 83 Se référer en cela à la typologie raisonnée offerte à la curiosité du lecteur dans le corps de la Première Partie, page 10 et s. 84 Six personnes ont ainsi été récemment enlevées sur une installation pétrolière de CHEVRON, au Sud du Nigeria sur le site d’Oloibri dans le delta du Niger. Cette attaque, qui fut meurtrière pour les forces d’interventions du gouvernement nigérian, a été revendiquée par un groupe d’émancipation séparatiste, en l’occurrence le MEND, « Le Monde » du 3 mai 2007. 45 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier domaine. Cependant par manque de temps et par volonté de ne point s’écarter de notre sujet, nous n’envisagerons que certains contrats incontournables. 1) Les contrats pétroliers85 : Ce sont les contrats passés avec l’Etat riverain détenteur de la ressource pétrolifère et la compagnie pétrolière pour que celle-ci devienne maître d’œuvre du chantier de forage et de mise en exploitation du site (on distingue ensuite principalement le contrat de concession, le partage de production, le contrat à risques86…). Ils sont à l’origine de toute la chaîne contractuelle de l’industrie parapétrolière sous-marine. L’objet est foncièrement différent de ce que nous cherchons. Cela ne peut s’appliquer. 2) Quelques contrats techniques : 2-1) Le contrat de forage : Contrat passé par la compagnie désignée comme maître d’œuvre avec une société de forage et définissant les conditions dans lesquelles un entrepreneur exécutera un ou plusieurs forages en mer. A cet égard, il précise les obligations respectives des parties à l’occasion de ces opérations. Ici l’objet ne ressort pas de la fourniture de navires de services. 2-2) Contrat de construction : Ce sont les conventions par lesquelles les compagnies pétrolières chargent les entrepreneurs parapétroliers de procéder au développement technique du site. Cette étape se caractérise par la conclusion d'un contrat de construction. Celui-ci consiste essentiellement dans le positionnement de plates-formes pétrolières. Il s’agit tout en grande partie de contrats d'entreprise, c'est-à-dire selon J-R TOUZE, des « […] contrats par lesquels l'une des parties contractantes donne un certain ouvrage à faire à l'autre, qui s'oblige envers elle de le faire pour un prix convenu87 ». En effet les grandes compagnies pétrolières agissent en qualité de maître d'ouvrage et confient la réalisation des travaux à un ou plusieurs maîtres d'oeuvre à savoir des entrepreneurs parapétroliers. 85 Voir sur ces points FAGE G. « Les contrats pétroliers », DMF, 1998.580. Pour une étude solide sur ces contrats, cf. BEURIER J-P., « Le droit de l’exploitation en mer », Droits Maritimes, éd. Dalloz Action 2006-2007. 87 TOUZE J-R., « Les contrats de construction offshore dans le monde pétrolier », Mémoire, CDMT, 2000. 86 46 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 3) Quid d’une utilisation du contrat de transport maritime ? Aux termes de l’article 15 issu de la Loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime, « Par le contrat de transport maritime, le chargeur s'engage à payer un fret déterminé et le transporteur à acheminer une marchandise déterminée, d'un port à un autre ». Ce n’est pas le type de contrat qui a vocation à régir notre situation. Certes des opérations résiduelles de transport sont effectuées par certains navires de service : Il en va ainsi par exemple du transport de boues de forage effectuées par les navires « Anchor Handling Tug Supply » (AHTS), du transport de matériel d’exploitation ou d’intendance par les « Platform Supply Vessels », ou encore de l’acheminement du personnel de service ou de maintenance de l’installation pétrolière par les «Crew Boats ». Cependant, ces opérations sont résiduelles et absorbées par le contrat général de mise à disposition du navire au titre des missions annexes du navire. Ces missions résiduelles lui sont d’ailleurs précisées par la partie qui a besoin de ce type de navire. En revanche du point de vue juridique, il n’y a pas de conventions spécifiques quant à ce type de transports ponctuels qui en tant qu’accessoires sont la suite logique de l’exécution « principale » du contrat. B- Le type de contrat retenu dans la pratique : Le contrat d’affrètement : Au vu de l’objet du contrat à satisfaire (vu supra), des exigences du secteur en terme de durée et de la spécificité des opérations à effectuer sur site, il est clair que seul un contrat d’affrètement peut permettre d’y satisfaire avec efficience (1). Mais il convient de se pencher sur le type d’affrètement auquel les parties ont recours dans la pratique (2). 1) Notions d’affrètement : Aux termes de l’article 1er issu de la Loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, on vise ainsi sous cette qualification, les conventions par lesquelles « […] le fréteur s'engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d'un affréteur ». On voit bien que c’est ce mode d’exploitation des navires qui correspond le mieux à notre situation. Force est de constater que ce n’est que très rarement que les compagnies pétrolières possèdent leurs propres navires de services. Bien souvent cela ne concerne d’ailleurs que des 47 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier unités polyvalentes, donc peu spécialisées et cela induit obligatoirement le recours à une flotte de navire de services sophistiquée et qualifiée. En général, le schéma est le suivant : une compagnie pétrolière a besoin de « supply vessels » dans le cadre de la mise en exploitation d’un gisement pétrolier sous-marin. Cette compagnie fait donc appel à des courtiers spécialisés dans ce type d’opérations. Ces courtiers auront la mission de trouver le navire de service correspondant aux besoins de la compagnie en se rapprochant des armateurs possédant des unités dotés de telles caractéristiques. Toute cette opération intermédiaire se fait sous les contraintes de disponibilité des navires, de leur cotation sur le marché, du taux de fret dans ce secteur, de la région et de l’environnement dans lequel le navire viendra à être exploité. Une fois que le navire en question est trouvé, des négociations contractuelles (pouvant d’ailleurs être entrecoupées d’avant-contrats) seront menées, éventuellement à partir d’une Charte-Partie type, pour aboutir à la conclusion du contrat d’affrètement définitif entre les parties. 2) À quel type d’affrètement a-t-on recours ? Si les contrats d’affrètement se subdivisent traditionnellement en trois catégories, une seule est plébiscitée par les praticiens du secteur : - L’affrètement au voyage, - L’affrètement coque-nue, - L’affrètement à temps. 2-1) L’affrètement au voyage ? L’article 5 de la Loi du 18 juin 1966 dispose que « Par l'affrètement au voyage, le fréteur met, en tout ou en partie, un navire à la disposition de l'affréteur en vue d'accomplir un ou plusieurs voyages ». En pratique, il est surtout usité par les opérateurs du commerce international afin d’assurer le transport d’une importante cargaison (par exemple de minerais) d’un port à l’autre. Cependant, dans le domaine soumis à notre présente étude, la durée des travaux ou des opérations pour lesquelles ces navires sont sollicités fait que l’emploi des Chartes-Parties au voyage est inconcevable ou à tout le moins exceptionnel. 48 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 2-2) L’affrètement coque-nue ? Conformément à l’article 10 de la Loi de 1966, « […] le fréteur s'engage, contre paiement d'un loyer, à mettre, pour un temps défini, à la disposition d'un affréteur, un navire déterminé, sans armement, ni équipement ou avec un équipement et un armement incomplets ». D’un point de vue théorique, cela semble tout à fait concevable et pour ainsi dire d’un angle pratique, ce serait même une solution tout à fait pertinente. En effet, les contrats sont essentiellement conclus à moyen terme pour une durée de six mois à 8 ans, ce qui correspond aux « aptitudes juridiques » d’un affrètement au voyage. Toutefois, dans le cadre des recherches, des entretiens et des lectures qui ont précédé et accompagné la réalisation de ce mémoire, il faut convenir que nous n’avons pas rencontré d’affrètement coque-nue de navire de service dans le cadre de la servitude d’une plate-forme offshore. 2-3) L’affrètement à temps : Le contrat d’affrètement à temps est celui par lequel « […] le fréteur s'engage à mettre un navire armé à la disposition de l'affréteur pour un temps défini » (article 7, Loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes). Ce type d’affrètement est marqué par une dualité de gestion. Aux termes de l’article 20 du Décret du 31 décembre 1966 : « Le fréteur conserve la gestion nautique du navire » tandis que l’article 21 dispose que « […] la gestion commerciale du navire appartient à l’affréteur ». Il s’agit du type d’affrètement qui est principalement utilisé par les professionnels du secteur des services maritimes à l’offshore pétrolier. La raison semble résider dans le fait que la haute technicité des navires qui sont utilisés sur site exige que le navire soit fourni armé et avec la présence d’un équipage connaissant les exigences, ainsi que la potentialité de risque inhérente à ces activités. Les modalités précises de l’exploitation du navire sont précisées dans les annexes afférentes à la Charte-Partie conclue pour chaque affrètement avec le plus souvent une précision accrue. 49 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION II- Le régime juridique des contrats d’affrètement de navires de service à l’offshore pétrolier : La principale dérogation à l’économie générale traditionnelle des contrats de droit commun concerne les questions de responsabilité et plus précisément la répartition de la responsabilité et des conséquences pécuniaires des dommages entre les cocontractants. La fourniture de services maritimes à l’offshore pétrolier repose sur un socle contractuel commun, élaboré la plupart du temps88 à partir de la Charte-Partie type « Supplytime » document standard qui est le fruit des attentes des opérateurs et des caractéristiques du secteur La quasi-totalité des contrats passés entre les compagnies pétrolières et les armateurs de navires de service sont une application directe de ce contrat type. (§-1). Cet imprimé-type a consacré une tradition pratique du secteur en matière de responsabilité sous la forme de clauses contractuelles pour le moins dérogatoires de la théorie générale des contrats (§-2). §-1- La Charte-partie type Supplytime : Nous le répétons encore une fois, ce secteur est soumis à une évolution incessante tant au niveau technologique, de la prospection vers de nouveaux sites pétroliers Et l’expansion du marché des services maritimes autour de l’industrie parapétrolière en suit le mouvement. Tout cela s’inscrit dans le cadre de l’inévitable croissance de la demande énergétique mondiale et la course exponentielle à l’exploitation des gisements offshore très profond. Il est clair que, dans un tel contexte, les contrats d’affrètement traditionnel, conçus pour des relations entre opérateurs commerciaux « classiques », ne pouvaient pas fournir un moyen de réponse adéquat aux acteurs économiques de l’offshore pétrolier. Cette lacune exacerbée par l’accroissement de la demande de fourniture de services a très tôt conduit à la nécessité de produire une Charte-Partie type. Produire un tel document standard permet de maîtriser l’établissement des taux de fret, mais surtout d’obtenir une visibilité certaine quant aux questions de la répartition des responsabilités et des indemnisations. 88 Certaines grandes compagnies pétrolières possèdent leurs propres Chartes-parties. Celles-ci traduisent souvent une situation de déséquilibre au profit de l’affréteur et ce, notamment en matière de responsabilité. 50 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier A- Les raisons ayant présidées à la mise au point d’une charte-partie type : 1) La prégnance du risque dans le secteur de l’offshore pétrolier : La mer est par définition un milieu hostile et dangereux pour l’homme et ses biens. Si les avancées technologiques permettent de mieux maîtriser les imprévus et d’en apprivoiser les dangers à sa surface, il n’en va pas ainsi pour l’exploitation du milieu sous-marin qui reste soumis à des facteurs et des paramètres sinon inconnus, à tout le moins difficiles à appréhender de manière certaine. Il est nécessaire de pouvoir se référer à un instrument contractuel clair, homogène et appliqué à l’échelle internationale. Les clauses «Knock for Knock » qui sont la caractéristique marquante de ces conventions, permettent par exemple de diminuer le risque et de minimiser les coûts d’assurance en évitant la multiplication des souscriptions en terme de couverture. En effet comme nous le verrons par la suite, l’assureur de chaque partie ne garantira que les pertes de son seul assuré (aux actifs et dommages subis par lepersonnel). 2) La différence d’intensité financière entre les cocontractants : Le principal ratio decidendi ayant poussé le comité de la B.I.M.C.O. et les praticiens du secteur en général à stipuler de telles clauses au sein des conventions de fournitures de navires de service est le fait que les cocontractants ne possèdent pas le même poids économique. Cela se retrouve au niveau du matériel qui est mis en œuvre sur les sites d’exploitation. Si les navires de service coûtent très cher, il va sans dire que les plates-formes pétrolières et autres installations de forage ou d’exploitation pétrolière en mer représentent un coût énorme. Ainsi si le prix d'une plate-forme auto élévatrice de 6500 tonnes (ce qui est encore une petite unité en comparaison des structures gravitaires en béton) est d’« à peine » 7,5 millions de dollars, on peut imaginer la dimension capitalistique représentée par la plate-forme Magnus pesant près de 2 millions de tonnes89. Un nouveau marché témoigne de cette prégnance capitalistique : Il s’agit de la location de plates-formes pétrolières. Leur prix « […] battent eux aussi des records et ils ont parfois triplé en un an ». C’est ainsi que certaines plates-formes 89 Plate-forme pétrolière opérant sur le champ de Troll en Norvège, déjà citée note de bas de page 37 page 20 du mémoire. 51 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier semi-submersibles se louent pour environ 500.000 dollars (soit environ 362.000 euros) la journée90. Le moindre dommage en l’absence de ces dispositions rééquilibrantes et égalitaires conduirait sans aucun doute à la faillite de compagnies d’armement du « supply vessel » responsable du dommage. C’est sur la dangerosité économique de telles réclamations que s’insurge un spécialiste anglais de l’offshore pétrolier : «Minor contacts by supply vessels with various offshore structure in oilfields [generally cause] disproportionately large claims. The size of such claims is affected by the highly engineered standards required on such structures, by the logistical difficulties of repair91 […]”. Il faut aussi ajouter au coût de cet actif, le drame financier que peut représenter la perte d’une journée d’exploitation du site pendant le temps du dommage ainsi que celui de la remise en état des structures92: « [The size of such claims is also affected] by the possibilities of consequential loss if production has to be interrupted »93. 3) Un besoin de sécurité juridique pour la partie « économiquement faible » du contrat : C’est aussi un facteur de sécurité juridique pour les deux parties qui par le biais d’un socle contractuel ainsi posé, ne sont pas sclérosées vis-à-vis de la bonne exécution de leurs obligations. Par le jeu des principales clauses que renferment ces contrats-types, la clause « Knock for Knock » en tête, les cocontractants sont en effet relativement déliées (pas totalement nous le verrons) d’une sanction financière qui, en cas de dommage, serait pour elles très lourde voire fatale. Cela permet à la partie « économiquement faible94 », les armateurs de navires de service de demeurer efficaces tout en bénéficiant du pouvoir de se projeter avec visibilité dans l’avenir au sein d’un marché âpre et disputé. 90 BEZAT J-M., « Le secteur du forage pétrolier offshore connaît une période faste », Le Monde, 27 juillet 2007. 91 Traduction libre: Des contacts même mineurs causés par des navires de service avec une structure d’exploitation offshore entraînent généralement des réclamations disproportionnées. La dimension financière de telles réclamations est exacerbée par les standards techniques élevés qui sont requis vis-à-vis de telles structures et par les difficultés logistiques induites par la nécessité d’une réparation. Extrait d’une circulaire du site www.sopfast.com sur les conséquences financières des dommages en offshore pétrolier. 92 Sur ce point cf., MOORE K., « Consequential losses in offshore contracts », www.standard-offshore.com. 93 Traduction libre: La dimension de ces réclamations est également exacerbée par la perte de production si celleci doit être interrompue. Source déjà citée en note 89. 94 Note de l’auteur : « économiquement faible » est une ironie, car en fait, la majorité des compagnies frétant des navires de services à l’offshore pétrolier sont cotés en bourse. Elles sont cependant « faibles » en comparaison des compagnies pétrolières. 52 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 4) L’inadaptation des chartes-parties traditionnelles : La nécessité d’élaborer une charte-partie spécifique à ce domaine provient d’abord de l’inadaptation des chartes-parties traditionnelles. Cela se ressent principalement au niveau du régime de responsabilité qui est prévu par de tels documents. Ainsi, le régime légal de l’affrètement prévoit dans la Loi du 18 juin 1966, une segmentation dans la répartition de la responsabilité, certes, mais qui n’est assurément pas approprié à l’offshore pétrolier. En ce qui concerne la responsabilité du fréteur, l’article 8 de la Loi prévoit que «Le fréteur est responsable des dommages subis par la marchandise s'il est établi qu'ils sont dus à un manquement à ses obligations de fréteur précisées par décret. [Mais] Il n'est cependant pas responsable de la faute nautique du capitaine ou de ses préposés». La mise en œuvre de cette responsabilité suppose de la part du demandeur de prouver le manquement du fréteur à ses obligations (précisées par le Décret du 31 décembre 1966) de présenter le navire en temps et au lieu convenu, ainsi que de fournir un tel navire en état de navigabilité et de le maintenir comme tel. Concernant la responsabilité de l’affréteur, l’article 9 dispose que: « L'affréteur est responsable des dommages causés au navire du fait de son exploitation commerciale ».Une des grandes chartes-parties usitées dans le domaine de l’affrètement, la « BALTIME 95» prévoit en son sein un régime de responsabilité similaire : Responsabilité du fréteur pour tout dommage qui résulte de son acte personnel, mais est compensée par un certain nombre de cas exceptés tel que la grève ou le lock-out…Responsabilité de l’affréteur en cas de manquement à son obligation de restitution du navire en l’état du début de la convention. Le risque étant trop élevé en ce domaine pour laisser d’une part la place à des causes d’exonération aussi larges que la faute nautique du capitaine ou de ses préposés. Il s’imposait de déplacer la dichotomie entre les deux parties au contrat en terme de responsabilité afin d’instaurer un régime plus équilibré et ainsi adapté aux spécificités de ce secteur (notamment face à l’impact financier des dommages). 95 Créée en 1909 par la B.I.M.C.O., sa dernière version date de 1974. 53 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier B- L’écriture d’un régime équilibré : La « Supplytime 75 » et ses versions successives: Dans l’optique du cadre traditionnel, chaque négociation devenait une véritable guerre commerciale et psychologique entre les opérateurs de «supply vessels» et les compagnies pétrolières. Ces dernières usant de leur poids financier et de leur position de force sur un marché hautement concurrentiel pour imposer leurs vues lors de la conclusion du contrat. Ce qui se traduisait bien souvent par des économies contractuelles déséquilibrés à leur profit et prenant la forme d’un contrat d’adhésion. C’est dans un tel contexte que la B.I.M.C.O., sollicitée par ses membres s’est mis en charge de produire un document type afin d’uniformiser les pratiques et surtout avec un objectif clair de production d’un document «raisonnable et balancé » en terme de responsabilité. Le comité chargé de ce travail produit en 1975 la Supplytime 75 Uniform Time Charter Party for Offshore Services Vessels96. Mais ce premier texte est tombé en désuétude en quelques années, certaines de ces conditions étant rejetées de manière rigoureuse par les praticiens. En 1989, la Supplytime 89 Uniform Time Charter Party for Offshore Services Vessels voit le jour. Toujours sous la forme d’une charte-partie type, ce document présente un régime juridique équilibré et balancé qui est surtout en harmonie avec la conjoncture économique et les aspects du marché des services maritimes à l’offshore. Depuis qu’elle a remplacé la version de 1975, la « Supplytime 1989 » est devenue le contrat-type le plus largement utilisé dans l’industrie offshore. Pour autant, malgré ce large usage, ce document-type n’a pas été exempt de toute critique. C’est ainsi qu’en novembre 2005, la B.I.M.C.O. a publié une révision de la «Supplytime 89» (Supplytime 05 Uniform Time Charter Party for Offshore Services Vessels) qui est désormais la version à jour avec de nombreuses retouches quant au document précédent. Mais la «Supplytime 89» continue d’être utilisé comme la charte-partie type dans la majorité des cas. 96 Traduction libre : « Charte-Partie standard pour les navires de service à l’offshore ». 54 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-2- Les clauses spécifiques aux contrats d’affrètement des navires de service à l’offshore pétrolier : La liberté contractuelle retrouvant ici tout son empire, les obligations et la responsabilité des parties doivent s’interpréter à l’aune des stipulations contractuelles et éventuellement des discussions et échanges des parties annexés au contrat. La « Supplytime » que ce soit la version de 1989 ou de 2005 sert de cadre général aux parties qui y apportent des modifications ou des suppléments par le biais d’annexes ou « riders » en anglais ajoutant au document imprimé divers détails et précisions. Si une contradiction apparaît entre la chartepartie pré-imprimée, l’annexe ou encore tout autre mention même dactylographiée ou manuscrite en marge de la charte, en application de la théorie générale des contrats, les juges97 doivent faire prévaloir la clause ajoutée sur la charte ou la volonté exprimée par les parties au sein des annexes. En ce qui concerne les dispositions plus spécifiques contenues dans les annexes, ces dernières prévalent sur les clauses générales. Cela en application de l’adage « Lei speciali generalibus derogant98 » et de la théorie générale des contrats qui édictent les deux préceptes suivants : Les conditions particulières d’une convention l’emportent sur les conditions générales et les clauses manuscrites l’emportent sur les clauses imprimées ou dactylographiées. Certaines clauses sont emblématiques de la pratique contractuelle employée dans le cadre de la fourniture des services maritimes à l’offshore pétrolier et sont insérées dans toutes les conventions. Ces clauses, issues de techniques contractuelles différentes ont été façonnées par l’usage et sont devenues des outils essentiels et incontournables des contrats d’affrètement à temps de navires de services (« supply vessels »). Il s’agit de la clause «Knock for Knock» d’une part, qui règle de manière équilibrée les conséquences pécuniaires des dommages, (A) et les clauses dites «Back to Back» et «Himalaya », dans une moindre mesure (B). 97 La même règle s’applique vis-à-vis des arbitres, voir en ce sens la sentence arbitrale n°752 de la C.A.M.P. du 13 octobre 1989, DMF 1990.630. 98 Traduction libre : « Les lois spéciales dérogent aux lois générales ». 55 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier A- La clause «Knock for Knock99»: Instrument contractuel axiomatique des conventions du secteur de l’offshore, la clause « Knock for Knock » consiste en un accord entre cocontractants signifiant la renonciation de manière mutuelle à tout recours tendant à une indemnisation par rapport aux dommages qu’ils subiraient quant à leurs biens, équipements, ou personnels. La raison d’être de cette clause est principalement d’éviter qu’une fois la responsabilité de l’un des deux cocontractants engagée, l’on exige de l’un le paiement d’une somme démesurée impossible à payer en raison de la différence de surface financière entre les fournisseurs de services maritimes à l’offshore pétrolier et les compagnies pétrolières. Une autre des finalités de la clause « Knock for Knock » est d’éviter le chevauchement et la multiplication pléthorique (et par conséquent source de difficultés) des polices d’assurance. Sur ces points, les assureurs sont formels et louent les avantages de la clause «Knock for Knock», Alan THOMAS, directeur « Marine & Energy » du Standard P&I Club s’exprime en ces termes enthousiastes : «It has been our belief that a robust «Knock for Knock» contracting culture protects the [offshore] industry from unnecessary insurance and litigation costs. It may also lead to better loss prevention and a reduction in accidents and the acompagnying human and economic cost 100”. Il s’agit d’une stipulation contractuelle absolument emblématique de l’industrie pétrolière. C’est un des principes fondamentaux en vigueur au sein de l’industrie pétrolière offshore. Les deux axes fondamentaux de cette clause consistent tout d’abord en une répartition balancée des conséquences pécuniaires du dommage entre les cocontractants (1), et enfin en l’affirmation d’un principe de renonciation à recours entre les parties au contrat (2). 99 Traduction libre : «Coup pour Coup », application positive de la Loi du Talion, stricte égalité des cocontractants vis-à-vis de la survenance d’un dommage. 100 Traduction libre: « Il est de notre conviction que l’usage de la clause «Knock for Knock» en étant ancré dans les mœurs contractuels assure la protection de cette industrie contre d’inutiles coûts d’assurance et découlant d’éventuels litiges. Cela peut aussi induire une meilleure prévention des pertes, une réduction des accidents et la gestion des coûts humains et économiques ». 56 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 1) Une répartition balancée des conséquences pécuniaires du dommage entre les cocontractants: 1-1) Exemple de clause « Knock for Knock »101 : Owners. – “Notwithstanding anything else contained in this Charter Party excepting Clauses 8(c), 9(b), 10(b). 18(c) and 25, the Charterers shall not be responsible for loss of or damage to the property of the Owners’ Group, including the Vessel, or for personal injury or death of their employees or of the Owner’s contractors and sub-contractors arising out of or in any way connected with the performance of this Charter Party, even if such loss, damage, injury or death is caused wholly or partially by the act, neglect, or default of the Charterers’ Group and even if such loss, damage, injury or death is caused wholly or partially by unseaworthiness of any vessel; and the Owners shall indemnify, protect, defend and hold harmless the Charterers from any and against all claims, costs, expenses, actions, proceedings, suits, demands and liabilities whatsoever arising out of or in connection with such loss, damage, personal injury or death. Charterers. - Notwithstanding anything else contained in this Charter Party excepting Clause 25, the Owners shall not be responsible for loss of, damage to, or any liability arising out of anything towed any cargo laden upon or carried by the Vessel or her tow, the property of the Charterers’ Group, including their offshore units, or for personal injury or death of the employees of the Charterers’ group or of anyone on board anything towed by the Vessel, arising out of or in any way connected with the performance of this Charter Party, even if such loss, damage, liability, injury or death is caused wholly or partially by the act, neglect or default of the Owners’ Group and even if such loss, damage, liability, injury or death is caused wholly or partially by the unseaworthiness of any vessel; and the Charterers shall indemnify, protect, defend and hold harmless the Owners from any and all claims, costs expenses, actions, proceedings, suits, demands, and liabilities whatsoever arising out of or in connection with such loss, damage, liability, personal injury or death. Consequential Damages. – For the purpose of this Clause “consequential damages” shall include, but not be limited to, loss of use, loss of profits, shut-in or loss of production and cost of insurance, whether or not foreseeable at the date of this Charter Party. Neither party shall be liable to the other for, and any consequential damages whatsoever arising out of or in connection with the performance or non-performance of this Charter Party, and each party shall protect defend and indemnify the other from and against all such claims irrespective of the cause». 101 « Clause 12 of Part II of the Supplytime 89 Uniform Time Charter Party for Offshore Services Vessels » – Traduction libre de ce qui précède : « Clause 12, Partie II de la Charte-partie type Supplytime 1989» et 14 de la Supplytime 05 Uniform Time Charter Party for Offshore Services Vessels. 57 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 1-2) Régime juridique de la répartition des conséquences pécuniaires du dommage: a) Le principe : La clause « Knock for Knock » institue une position équilibrée et balancée entre les deux parties au contrat laissant chaque contractant supporter la charge du risque et de la responsabilité vis-à-vis des décès ou blessures affectant ses propres employés ou quant aux dommages et destructions touchant ses actifs. L’idée transversale de ce régime est que chacune des parties est responsable envers elle-même et assurée en ce sens quant aux dommages subis par elle, comme pour ceux qu’elle cause aux autres. En général les clauses distinguent soigneusement le régime applicable au fréteur («Owner») : Vis-à-vis de celui-ci l’affréteur n’est ni responsable des pertes ou dommages causés aux actifs ni à son personnel. «[…] the Charterers shall not be responsible for loss of or damage to the property of the Owners’ Group, including the Vessel, or for personal injury or death of their employees or of the Owner’s contractors and sub-contractors arising out of or in any way connected with the performance of this Charter Party» De la même manière, la clause prévoit des dispositions identiques s’agissant des relations du fréteur vis-à-vis de l’affréteur («Charterer»). En conséquence, chaque partie assume donc elle-même ses dommages. De surcroît, les parties prennent l’engagement mutuel d’indemniser l’autre dans le respect de ces responsabilités prédeterminées («In addition, both parties exchange mutual undertakings to indemnify ech other in respect of those allocatd liabilities102 » Cette répartition égalitaire des risques et des responsabilités est dûment complétée dans la pratique par les jeux d’assurance (même si l’un des buts tacites de la clause est justement d’éviter leur chevauchement) que chaque partie souscrit à hauteur de son actif. Cette clause est également applicable aux «Consequential Damages» («Neither party shall be liable to the other for, and any consequential damage »), notion correspondant aux dommages connexes d’exploitation et de perte de profits qui découlent de la survenance d’un incident. Il en va ainsi par exemple d’une canalisation d’extraction du pétrole crevée à la suite 102 Standard Bulletin, 2 octobre 2006, www.standard-offshore.com. 58 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier d’un abordage de la plate-forme par un navire de service. La clause type «Supplytime» en donne une liste non exhaustive : «[…] shall include, but not be limited to, loss of use, loss of profits, shut-in or loss of production and cost of insurance, whether or not foreseeable at the date of this Charter Party». L’aspect le plus inédit de cette clause réside dans la répartition pécuniaire des dommages. En rupture avec les Chartes-Parties traditionnelles, les conséquences financières d’un dommage demeurent mutuellement prises en compte par les parties. Cela, quand bien même la perte, la responsabilité, le dommage, la blessure ou la mort sont causés en totalité ou partiellement par un acte, une négligence ou une omission du fréteur (ou de ses soustraitants en application du régime “back to back”). C’est du moins ce que prévoit la clause “knock for knock” de la «Supplytime 1989» en son article 15: « […] even if such loss, damage, injury or death is caused wholly or partially by the act, neglect, or default of the Charterers’ Group». Autre élément notable au titre de la répartition des responsabilités: Ce régime de répartition équilibré et balance est maintenu lorsque la perte, le dommage, la responsabilité, la blessure ou la mort sont causes en totalité ou partiellement par l’innavigabilité de l’un des navires de service («[…] and even if such loss, damage, liability, injury or death is caused wholly or partially by the unseaworthiness of any vessel»). La Supplytime 2005 contient exactement les mêmes dispositions en son article 14 «Liabilities and Indemnities». b) Les exceptions : Toutefois, toutes les Chartes-Parties d’affrètement de navires de service à l’offshore pétrolier ne contiennent pas un régime identique à celui disposé par la Charte « Supplytime». Ainsi, certains cocontractants prévoient en ce sens des clauses excluant dans certains cas le régime de la clause “Knock for Knock” en cas de négligence. (C’est un point important que nous développons infra). Plus généralement, il existe des exclusions au régime de la clause «Knock for Knock» qui sont souvent usitées par les opérateurs de ce secteur. La Charte-Partie type « Supplytime » prévoit intrinsèquement un certain nombre de situations dans lesquelles, la clause «Knock for Knock» ne s’appliquera pas. 59 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Nous ne les énumérerons pas toutes, nous contentant simplement de décrire les plus marquantes, renvoyant le lecteur aux exemplaires de la Supplytime en annexe de ce mémoire103. La version 2005 de ce document, prévoit ainsi que le régime de la clause « Knock for Knock » ne s’appliquera pas dans les deux cas suivants pris comme illustrations : Dans le cas où des éléments dangereux non déclarés ont été charges par l’affréteur sur le navire, (clause 6(c) (iii)). On peut ainsi imaginer le cas où la compagnie pétrolière fait transporter sur un « Platform Supply Vessel » une quantité importante de nitroglycérine sans la déclarer et qu’à la suite d’un choc avec la plate-forme, une explosion en résulte. En manquant à telle obligation de déclaration et de marquage, s’engage à assumer toutes les conséquences quant aux pertes et responsabilités découlant d’un tel dommage. Il faut ajouter à cette exception, l’exclusion ménagée par la clause 32 (« Force majeure ») et qui prévoit qu’aucune partie ne pourra être tenue responsable pour une perte ou un dommage résultant de l’un des cas exceptés que mentionne ensuite ladite clause ((a) à (i)) et parmi lesquelles on retrouve par exemple le fait du Prince ou le raz-de-marée. Une condition toutefois, puisque la partie à la Charte qui invoque cette cause d’exonération doit le notifier par écrit à l’autre partie dans un délai de deux jours à compter de la survenance de cet évènement. Enfin, la pratique contractuelle donne deux exemples pratiques intéressants : Les affréteurs se ménagent souvent une possibilité d’exclusion de ce régime par le biais de ce que les britanniques appellent le «Breach of Contract104». D’autre part, si usuellement la clause «Knock for Knock» prend effet sans obligation préalable de fourniture d’un navire en état de navigabilité, certains affréteurs n’hésitent pas à l’exiger. 2) La renonciation à recours : Dans l’activité des services maritimes à l’offshore pétrolier, les contrats passés avec les compagnies pétrolières prévoient toujours une clause de renonciation mutuelle à recours. En anglais, on parle de «Mutual Waiver of Recourse». Le système d’exonération mutuelle de responsabilité décrit supra ne peut s’envisager rationnellement que dans la seule perspective 103 Cf. page 120 et s. Note de l’auteur: Pour un juriste français, cela correspond à une notion à mi-chemin entre exception d’inexécution et l’inexécution d’une obligation essentielle du contrat chère à la jurisprudence « Chronopost ». 104 60 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier d’un abandon des recours contre l’autre partie par chacun des cocontractants: Cela s’applique donc tant au fréteur (“The Owners shall indemnify, protect, defend and hold harmless the Charterers from any and against all claims, costs, expenses, actions, proceedings, suits, demands and liabilities whatsoever arising out of or in connection with such loss, damage, personal injury or death”) qu’en ce qui concerne l’affréteur (“The Charterers shall indemnify, protect, defend and hold harmless the Owners from any and all claims, costs expenses, actions, proceedings, suits, demands, and liabilities whatsoever arising out of or in connection with such loss, damage, liability, personal injury or death”). Ni l’affréteur, ni le fréteur ne pourra invoquer le contrat entre eux, chaque partie a donc intérêt à coopérer à la bonne réussite des opérations et à ce que chacun s’acquitte de ses obligations sans que le moindre dommage n’affecte cette situation. La version 1989 de la Charte-Partie type contient même en son Annexe C, un accord mutuel optionnel105 selon lequel les parties signataires s’engagent au versement d’indemnités mutuelles mais surtout renoncent à exercer des recours l’une contre l’autre. Cet aspect de la clause «Knock for Knock» s’applique aux dommages connexes – « Consequential Damages»- dans les mêmes termes que s’agissant de l’incident principal. On notera deux éléments ici : Le premier est le fait que cette situation de renonciation mutuelle à recours simplifie considérablement les choses au niveau de la charge de la preuve. Ici pas de recours donc pas de preuve à rapporter. A fortiori, il pèse même sur les deux parties une présomption d’«auto responsabilité» qui maintient obligatoirement le litige dans les frontières tracées par le contrat. 105 «Agreement for mutual indemnity and waiver of recourse. Optionnel, il ne s’applique que s’il est mentionné dans la case 28 de la Partie I de la Charte. 61 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 3) L’érosion de la clause « Knock for Knock » : 3-1) Cause : Après une longue hésitation, les tribunaux britanniques semblaient avoir affiné leur analyse quant au clauses «Knock for Knock» au travers d’une construction prétorienne étayée (Court Of Appeal, E.E. Caledonia Ltd v. Orbit Valve Co, 1994106, et un arrêt non publié au recueil Lloyd’s, Commercial Court GBMH v. Josef Mobius, Bau-Gesellschaft GMBH & Co, 2001. L’érosion intrinsèque du régime de ladite clause est venue de l’industrie elle-même. En effet de plus en plus de Chartes-parties d’affrètement à temps, qu’elles soient conçues à partir de l’imprimé type « Supplytime » ou ex nihilo, sont amendées par les compagnies pétrolières. Ces dernières on souvent tendance à stipuler en leur sein des dispositions dont le but est d’exclure de ce régime de répartition équilibré, les pertes ou dommages (tant au niveau humain que pour les actifs) causés par «gross negligence ». Or la fluctuation autour de l’interprétation de cette notion peut contribuer à la création d’un climat d’insécurité juridique dangereux. L’anglais étant plus que jamais la langue de travail de la branche de l’offshore pétrolier, c’est donc sur la précision de cette notion de « gross negligence» qu’il convient de s’interroger. En effet, lors de la conclusion du contrat, chaque partie ou même les deux contractants peuvent avoir une conception subjective de ce qui recouvre ce vocable, mais, dans la pratique, l’interprétation donnée par les juges peut varier. La jurisprudence anglaise reconnaissait traditionnellement qu’un comportement négligent ressortait ordinairement d’un acte situé en-deça du degré de soins requis par le plaignant. Degré qui correspond objectivement au degré de soin, compétence et d’habileté attendu d’une personne raisonnable, engagée dans le cadre d’une fonction ou d’une activité particulière. La Common Law ne procède pas en général à une gradation de la négligence. Pour qu’il y ait une négligence fautive, il doit être constaté un manquement caractérisé au «Duty of Care107».Le juge anglais a apporté une réponse à ce halo juridique. Ainsi une décision de la High Court 106 Court Of Appeal, E.E. Caledonia Ltd v. Orbit Valve Co, Lloyd’s Law Report, 1994, II, p. 239. La notion de « Duty of Care » a été dégagée en 1932 par La Chambre des Lords dans une affaire « Donoghue v. Stevenson », www.wikipedia.org. 107 62 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier of Justice rendu en 1997108 a permis d’entrevoir une conception prétorienne de cette faute. Selon le Juge Mance, la faute de « gross negligence » se conçoit comme « […] a conduct which reasonable person who perceive to entail a high degree of risk of injury to others, coupled with heedlessness or indifference to or disregard of the consequences109[…] ». Le magistrat anglais ajoute par ailleurs que la démonstration devait aller bien plus loin que le simple manquement à l’obligation d’habileté ou de soin. Et ainsi dans un souci d’objectivité du test, on se devait de ne pas retenir qu’un seul facteur déterminant, mais toutes les circonstances doivent peser dans la balance afin de déterminer si tel acte ou omission ressort de la qualification de «gross negligence» ou non110. 3-2) Effets néfastes de cette érosion sur la sécurité juridique111: Si les parties choisissent (les fournisseurs des navires ne choisissent pas d’ailleurs la plupart du temps en raison de la prégnance économique des compagnies pétrolières et de la dure concurrence du secteur) d’exclure du régime «Knock for Knock» les pertes causées par «gross negligence», ils abandonnent en quelque sorte aux juges le soin de déterminer à quel degré de défaut de soin ou d’insouciance, ils entendent lier cette exclusion. Au vu de certaines décisions de justice, il est possible de s’apercevoir que même en présence d’une définition contractuelle de la négligence, les juges prendront en compte les circonstances et le contexte dans lequel s’inscrit l’acte ou l’omission. Tout cela ouvre indéniablement la voie à une relative incertitude juridique, ce qui est problématique si l’on songe aux dommages et pertes énormes pouvant résulter des accidents offshore. De plus, l’approche objective et circonstanciée des cours anglaises vis-à-vis des clauses de «gross negligence» sont susceptibles d’entraîner des litiges coûteux et mettant réellement en péril la sécurité juridique des opérateurs des services maritimes à l’offshore pétrolier. La possibilité d’une telle exclusion entraîne invariablement la tentation pour certains contractants de solliciter son application en prouvant la «gross negligence» de l’autre partie et par ce biais, le priver du régime de la clause « knock for knock ». 108 High Court of Justice, “Red Sea Tankers Ltd v. Papachristidis”, Lloyd’s Law Report, tome II, page 547, 1997. 109 Traduction libre : «Un comportement selon lequel une personne raisonnable aurait conscience de faire courir un degré élevé de risque de dommage à autrui. Cela s’accompagnant d’indifférence ou de mépris au regard des conséquences de ce comportement ». 110 En anglais, la très belle expression du Juge Mance: « […] all circumstances must be weighed in the balance to ascertain, wether act or omission merits the description “gross” ». 111 “Certainty […] is one of the great benefits of knock-for-knock”, JENNINGS B. & FREW V., Lloyd’s List sur www.standard-offshore.com. Traduction libre: « La certitude est un des plus grands bénéfices du régime Knock for Knock». 63 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Il va sans dire que dans de tels cas, une certaine insécurité juridique s’immisce alors que le régime « Knock for Knock » a pourtant vocation à l’écarter. Cela a principalement comme conséquence le retour au classicisme de la théorie générale des contrats en matière de responsabilité pour se protéger, et l’inconvénient supplémentaire pour les parties de souscrire des primes d’assurance très élevées. Il existe en effet des assurances spéciales quant aux dommages causés par «gross negligence». Mais laisser l’aléa à nouveau intégrer un monde où les relations contractuelles sont en permanence sous-tendues par la notion de risque, c’est reposer les questions tant redoutées de la solvabilité de certains opérateurs confrontés à des dommages d’une ampleur financière colossale. 3-3) La mise en garde des assureurs contre cette érosion : Les assureurs craignent cette situation car de par le jeu des garanties d’assurance (cf. Seconde Partie sur cette question précise), ces derniers se retrouvent en première ligne en cas de survenance d’un dommage pour lequel ils doivent prendre en charge l’indemnisation. C’est pour cette raison que ces professionnels s’inquiètent de l’érosion de la clause «Knock for Knock112 ». Celle-ci consiste en effet en un « pare-feu » appréciable face à la dimension des garanties à verser, en maintenant chaque partie responsable économiquement de ses propres pertes ou dommages. La présence de la clause «Knock for Knock» dans les contrats est source de clarté et de simplicité et son érosion risque de produire beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Sur le point de l’immixtion des «gross negligence clauses» dans les Chartes-Parties, suite à des décisions de justice catastrophiques pour certains opérateurs. Les Protecting and Indemnity Clubs (P&I Clubs) recommandent vivement à leurs membres qui s’engagent dans des négociations contractuelles d’avoir recours à des conseillers juridiques afin de peser les termes de leurs clauses «Knock for Knock». C’est ainsi qu’un article paru le 21 octobre 2004 au sein de la Lloyd’s List113 décrit les dangers d’une telle remise en question de ce régime équilibré : «It has now become common practice for insurance and liability provisions in offshore contracts to deviate from agreed wordings [and insert] exclusions for gross negligence and wilful misconduct into the liability 112 Sur ce point, JENNINGS B. « Taking a chance on risk », sur www.standard-offshore.com. 113 « B.I.M.C.O. wording drift hits offshore cover » par BREWER J. et GLOVER B., article, Lloyd’s List, 21 octobre 2004, sur www.standard-offshore.com. 64 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier provisions of offshore contracts. No one is saying that B.I.M.C.O. wordings such as Supplytime are perfect for every situation, but they do try to achieve a balance of interest between the different parties, a sensible allocation of risk and an effective use of insurance resources114». De tels engagements s’ils comportent des exclusions laissant entrevoir la possibilité d’une action en responsabilité contre le responsable du dommage doivent être absolument clairs. Les assureurs craignent également que dans certains cas, une interprétation dévoyée soit faite de telles clauses et que cela les conduisent au versement de garanties gigantesques en cas de dommage. On peut ainsi imaginer le cas de juridictions échouant à différencier entre «ordinary negligence» et «gross negligence» ou encore la situation encore plus préoccupante dans laquelle l’usage de la «gross negligence» serait détourné par le tribunal du for favorisant ainsi des requérants locaux. Certes dans la plupart des cas, lors des négociations contractuelles, les parties incluent de telles clauses en croyant qu’une telle stipulation ne trouverait à s’appliquer qu’aux cas les plus extrêmes. Malheureusement, bien souvent les suites d’un incident sérieux sur un site d’exploitation offshore placent les parties en face de l’inévitable constat du fait qu’ils ont contracté un engagement pétri d’incertitude. Les parties à ce genre de conventions se trouvent dès lors impliquées dans le type même de procédure et de contentieux chronophages et coûteux. Eviter ce type de problème est l’essence même du régime de la clause «Knock for Knock ». Dans de tels cas, la solution pour les armateurs sera alors de souscrire des couvertures spécifiques aux réclamations émanant de telles situations. Mais de telles garanties sont plafonnées en-deçà des couvertures normales de P&I Clubs. De plus, il n’est pas possible de s’assurer contre toutes les dépenses liées à de telles réclamations. En sont par exemple exclues les préjudices afférents à la longueur et au coût d’une telle procédure. Du point de vue des P&I Clubs, il semble donc préférable d’avoir recours autant que faire ce peut aux stipulations de la clause «Knock for Knock». Ces derniers s’efforcent d’ailleurs de 114 Traduction libre: « C’est désormais devenu une pratique fréquente de dévier des accords initialement convenus entre les parties à un contrat au sein du secteur de l’offshore pétrolier. Ceci se manifeste le plus souvent par l’insertion de clauses ménageant l’exclusion du régime «Knock for Knock » pour « gross negligence » ou mauvaise conduite. Personne n’affirme que les dispositions prévues par la B.I.M.C.O. au sein d’instruments comme la « Supplytime » soient parfaitement adaptés à chaque situation. Mais il elles essaient d’instaurer un équilibre entre les intérêts des différentes parties, de réaliser une juste attribution du risque et un usage efficace des garanties d’assurance. 65 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier procéder dans la mesure du possible à une lecture critique des projets de contrats et proposent leurs conseils juridiques à leurs membres pendant la durée des négociations contractuelles. 3-4) Une clause mal perçue par certaines compagnies pétrolières et la dérive vers un contrat d’adhésion : Il faut noter que cette clause est mal perçue par certaines compagnies pétrolières qui refusent son insertion dans certains appels d’offre (s’agissant des compagnies pétrolières américaines, cela est visible notamment au niveau de l’indemnisation des dommages corporels subis par le personnel embarqué à bord des plates-formes). Cela est critiquable car le contrat bascule alors vers un contrat d’adhésion dans lequel le fréteur des « supply vessels » ne peut en fait discuter les différentes clauses, et n’a finalement que la liberté d’accepter ou de refuser le contenu global de la proposition de convention115.De plus les fournisseurs de navires de services privés de cette possibilité de « parade », sont réduit à la merci du moindre incident pouvant conduire très rapidement sans accord commercial transactionnel116, à leur inévitable faillite. Cependant il faut bien reconnaître que l’usage de l’imprimé type émis par la BIMCO, au sein duquel les parties se contentent de remplir des espaces ménagés à cet effet prévient toute cette forme d’abus. Notamment en ce que ces documents types prévoient un régime de «Knock for Knock» équilibré et justement balancé en matière de répartition des responsabilités. 115 116 Définition du contrat d’adhésion d’après le Lexique des termes juridiques, éd. Dalloz, 2007. Point que nous aborderons dans notre Seconde partie. 66 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier B - Les clauses «Back to Back» et « Himalaya»: Ces clauses ne sont pas aussi emblématiques de l’industrie des services maritimes à l’offshore pétrolier que la précédente. En effet, on retrouve la clause « Back to Back » (1) dans les contrats de forage ou de construction de structures offshore, tandis que la clause « Himalaya » (2) provient à la base du transport maritime. 1) La clause «Back to Back»: Cette clause a pour objet d’imposer mutatis mutandis l’ensemble des obligations du prestataire (et cocontractant) principal aux sous-traitants qu’il se substitue pour l’exécution du contrat. Par le jeu de cette clause, les sous-traitants s’engagent par son intermédiaire à respecter les modalités contractuelles et les obligations contenues dans le contrat principal. 117 2) «Himalaya Clause »: On remarque ici le jeu sous-jacent de la clause « Back to Back » qui a pour effet de répercuter par le biais de la «clause Himalaya», le régime juridique de chaque partie au contrat à ses sous-traitants et/ou sous-contractant.Dans certaines chartes-parties, il s’agit même d’une condition formelle selon laquelle chaque partie exige de l’autre de parvenir à un arrangement similaire avec leurs propres sous-traitants et les indemnisent de la sorte quant aux dommages qu’ils pourraient subir vis-à-vis de leur personnel ou de leurs équipements. Le champ d’application de cette clause est appréhensif puisque sont visés tous les cocontractants ou « assimilés » de l’affréteur ou du fréteur. Dans la limite de leur lien avec le travail ou le projet dans lequel est engagé le navire. Exemple d’ «Himalaya Clause»: - (i) All exceptions, exemptions, defences, immunities, limitations of liability, indemnities, privileges and conditions granted or provided by this Charter Party or by any applicable statute, rule or regulation for the benefit of the Charterers shall also apply to and be for the benefit of the Charterers' parent, affiliated, related and subsidiary companies; the Charterers' contractors, sub-contractors, clients, joint venturers and joint interest owners (always with respect to the job or project on 117 Clause du nom du navire “Himalaya” qui fut au centre d’un important contentieux portant sur l’étendue de garanties. 67 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier which the Vessel is employed); their respective employees and their respective underwriters. (i) All exceptions, exemptions, defences, immunities, limitations of liability indemnities, privileges and conditions granted or provided by this Charter Party or by any applicable statute, rule or regulation for the benefit of the Owners shall also apply to and be for the benefit of the Owners' parent, affiliated, related and subsidiary companies, the Owners' contractor, sub-contractors, the Vessel, its Master, Officers and Crew, its registered owner, its operator, its demise charterer(s), their respective employees and their respective underwriters. (ii) The Owners or the Charterers shall be deemed to be acting as agent or trustee of and for the benefit of all such persons and parties set forth above, but only for the limited purpose of contracting for the extension of such benefits to such persons and parties. 68 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION III- Le droit applicable au contrat : Il s’agit là d’une question fondamentale au sein du présent mémoire. Déterminer quelle sera la législation applicable à la convention et aux litiges fait la plupart du temps l’objet d’une stipulation expresse de la part des parties au contrat par le biais du document type sur lequel a été rédigé le contrat ou encore en application de dispositions légales (§-1). Cependant, en cas de défaut de mention expresse de la loi applicable, il convient d’appliquer les règles du droit international privé (§-2). §-1- Choix exprès de la loi applicable au contrat d’affrètement : Ce choix exprès peut relever de trois modalités différentes : Cela peut résulter du régime légal de l’affrètement (A), d’une clause de la charte-partie type ou enfin d’une clause ad hoc résultant de la volonté des parties (B). A- Le régime légal : Pour les affrètements soumis à la Loi de 1966, l’article 3 dispose que « […] le contrat d'affrètement est régi par la loi du pavillon du navire, sauf convention contraire des parties ». En dehors de toute stipulation contractuelle contraire, c’est la loi française qui s’appliquera aux navires sous affrètement, battant pavillon français. B- Clauses de choix de la loi applicable au sein des chartes-parties : 1) Au sein des chartes-parties types : La plupart des Chartes-Parties types en matière d’affrètement contiennent un clause expresse de choix de loi. Il en va ainsi en matière d’affrètement au voyage, de la Charte type « GENCON » qui renvoie au droit anglais ou de la Charte-Partie « SYNACOMEX » laquelle opère un renvoi au droit français. La Charte-Partie Supplytime Uniform Time Charter Party for Offshore Services Vessels, tant au sein de sa version 1989 que 2005, prévoit une clause de choix de loi (BIMCO Dispute 69 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Resolution Clause118. Celle-ci est un peu spécifique car en tant que document standard (en quelque sorte brouillon des futures Chartes-Parties définitives), elle offre trois possibilités au niveau de la loi applicable à la convention : Tout d’abord, elle prévoit le choix de la loi anglaise : « (a) This Charter Party shall be governed by and construed in accordance with English law[…]”. Puis ménage celui de la legislation américaine: « (b) This Charter Party shall be governed by and construed in accordance with Title 9 of the United States Code and the Maritime Law of the United States […]”. Enfin, laisse le champ libre aux parties de déterminer d’un commun accord la loi applicable à leur convention: « (c) This Charter Party shall be governed by and construed in accordance with the Laws of the place mutually agreed by the parties […]”. 2) Clauses de choix de loi procédant de la volonté des parties: Comme vu supra, la liberté des parties est souveraine, libre donc à ces dernières de déterminer la loi applicable à leurs engagements. Ces clauses peuvent prendre une forme expresse. Mais la jurisprudence admet également que ce choix peut s’exprimer de manière tacite dans le renvoi opéré à une juridiction ou à un tribunal arbitral national, exprimant par là le choix des cocontractants pour sa Lex Fori. §-2- Détermination de la loi applicable en cas d’absence de choix exprès : En cas d’absence de choix exprès de la loi applicable au contrat, il convient de rechercher quelles dispositions vont régir le contrat d’affrètement quant à son inexécution ou encore son interprétation. Auparavant la Loi de 1966 disposait une règle de détermination formelle de la législation applicable119. Cela n’est plus la méthode d’interprétation qui s’impose aux juges français puisque depuis le 31 mars 1991 et son entrée en vigueur, ce sont les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980120 qui vise à trancher les conflits de loi (A) mais réserve cependant deux exceptions notables en faveur du régime légal de l’affrètement (B). 118 Clause 36 de la Supplytime (version 1989 comme 2005). Article 3 de la Loi de 1966 précité. 120 Convention conclue à Rome en 1980 entre les Etats de la Communauté Européenne et régissant la loi applicable aux obligations contractuelles. Cette convention par le biais de l’article 55 de la Constitution française s’applique impérativement aux juridictions françaises. 119 70 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier A- la méthode issue de la Convention de Rome de 1980121 : S’agissant des contrats d’affrètement au voyage, la Convention de Rome est très prolixe et prévoit pour ceux-ci ; le même régime que s’agissant des contrats de transports (article 4). En revanche, en ce qui concerne les contrats d’affrètement à temps, les règles de conflit de loi applicables au contrat de transport ne jouent pas et il faut donc revenir aux principes généraux de détermination de la loi applicable. Ainsi la méthode à retenir est la suivante : En l’absence de choix de loi par les parties, c’est la loi du pays où celui qui fournit la prestation caractéristique, le fréteur, a sa résidence qui prévaudra. Le jeu de cette présomption est écarté si le juge estime qu’« […] il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays » (article 4, alinéa 5). B- Les Lois d’ordre public et de police : La Convention de Rome laisse la possibilité au juge saisi d’écarter l’application de la loi applicable au contrat en vertu des dispositions exposées supra dans la mesure où la loi nationale est une Loi de police (1) ou si l’application des dispositions de la loi désignée conformément à la convention est incompatible avec l’ordre public du for (2). 1) Application de la loi de 1966 sur les affrètements à titre de loi de police : Concernant la notion de loi de police, l’article 7, alinéa 2 de la Convention de Rome dispose que «Les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l’application des règles de la loi du pays du juge qu régissent impérativement la situation quelle soit la loi applicable au contrat ». L’article premier, alinéa second de la Loi du 18 juin 1966 faisant état du caractère supplétif des dispositions de la présente Loi («Les conditions et les effets de l'affrètement sont définis par les parties au contrat et, à défaut, par les dispositions du présent titre et celles du décret 121 Note de l’auteur : La Convention de Rome est appelée à être révisé sous peu (cf. sur ce point LAGARDE P., Revue Critique de droit international privé, p. 331, 2006) et il est envisagé de donner aux parties la possibilité de faire référence à des usages du commerce international en tant que loi applicable. La question se posera donc de savoir si la charte-type Supplytime pourra compter parmi ces usages. En ce qui concerne l’auteur de ces lignes, étant donné la prégnance de ce document et l’utilisation massive de ses modalités, la question ne peut se résoudre que par l’affirmative. 71 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier pris pour son application»), il apparaît inconcevable que la législation française relative à l’affrètement puisse être retenu au titre de Loi de police. 2) L’exclusion au nom de l’ordre public : L’article 16 de la Convention de Rome édicte que « […] l’application d’une disposition de la loi désignée par la présente convention ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for ». 72 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE L’absence de conventions internationales et la difficile adaptation des contrats anciens sont les témoins d’un effacement normatif122 patent en ce domaine. C’est donc logiquement et même en y étant encouragé par la valeur supplétive de certains textes comme la Loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes en son article premier, alinéa second que la liberté contractuelle retrouve toute son envergure. Bien sûr comme disait Lacordaire123 : « Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Point n’en est en ce secteur, mais des organisations privées regroupant les professionnels de l’offshore pétrolier ont su pallier, par l’édification de documents-types régulièrement actualisés, à la dangereuse déviance vers le déséquilibre contractuel et les effets néfastes vis-à-vis des parties les plus faibles. Des clauses emblématiques de cette industrie ont permis de juguler les «excès de gymnopédies contractuelles » pour établir au sein des chartes-parties d’affrètement à temps de navires de service à l’offshore pétrolier un régime des plus équilibré tant en ce qui concerne les questions de responsabilité que les conséquences pécuniaires des dommages. Toutefois, il faut avoir à l’esprit que malgré l’appréhension du risque en amont et la prise en compte contractuelle de la survenance des dommages, le domaine de l’offshore reste un des secteurs industriels le plus directement soumis aux forces naturelles et donc aux imprévus de toutes sortes. Les incidents n’y sont pas plus nombreux que dans le transport de marchandises mais simplement leur coût et leur ampleur (tant matérielle que médiatique) est un puissant vecteur d’amplification. Les acteurs de cette branche doivent être en mesure de parer aux dangers et de préserver les actifs et les bilans financiers des incidents de parcours(Troisième partie). 122 Note de l’auteur : Pour illustrer l’effacement normatif dans le secteur de l’offshore, nous avons choisi l’angle d’étude des conventions internationales. Toutefois, il est certain que des lacunes, à tout le moins des inégalités apparaissent au sein et entre les législations nationales. 123 LACORDAIRE H. (1802-1861). 73 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier TROISIEME PARTIE : Les conséquences juridiques de la survenance du dommage Comme nous l’avons vu précédemment, l’offshore pétrolier est un domaine dans lequel le facteur risque est sinon prédominant à tout le moins très présent. L’un des grands spécialistes de l’offshore, K KAASEN, pense que « […] both the risk of accidents and the risk of such accidents leading to serious consequences must be considered high124». On le voit bien, ce n’est pas seulement le dommage (qui n’est rien d’autre qu’un risqué realisé) qui doit être pris en compte par les professionnels du secteur mais également la potentialité de dommage au travers de l’étude de tels risques, la souscription de couvertures par le biais d’assurance (Chapitre Premier). Mais comme les précautions mêmes excessives ne permettent pas toujours de se prévenir contre la survenance d’incidents maritimes, les parties doivent être préparées à l’éventualité de leur survenance. En cela l’étude de l’applicabilité des grandes institutions du droit maritime à ce type d’évènements au sein d’une branche si particulière revêt un intérêt intellectuel certain (Chapitre Second). Nous offrirons enfin au lecteur en parallèle de la présentation des modes de règlements des litiges privilégiés par l’industrie de l’offshore pétrolier, un bref panorama des cas pratiques de contentieux, constituant en une illustration appropriée des développements antérieurs (Chapitre Troisième). 124 Traduction libre : « C’est autant le risque des accidents eux-mêmes que le risque des conséquences graves générées par de tels accidents qui doivent être pris en considération ». K. KAASEN, « Safety regulation of offshore petroleum activities » en note de bas de page numéro 1. 74 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE PREMIER : Sinistralité et assurance Les incidents susceptibles d’avoir une répercussion dommageable et par cela des conséquences juridiques sont divers et l’intensité de dangerosité qui les caractérise est ainsi variable (Section I). Face à ces risques, les divers opérateurs du site d’exploitation pétrolifère prennent le soin de souscrire des polices d’assurance leur assurant une garantie en cas d’incidents. Comme dans tout le droit maritime125, l’assurance joue un rôle considérable dans le cadre de la fourniture de services maritimes à l’exploitation pétrolière en mer et il conviendra de lui consacrer d’amples développements tant au niveau de l’évaluation du risque que de sa garantie (Section II). SECTION I – Incidents susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques : Aux termes de cette typologie des dommages pouvant survenir dans le cadre de l’exploitation offshore d’un gisement pétrolier en mer, il n’est pas question d’anticiper sur la présentation des contentieux liés à de tels incidents (c’est d’ailleurs l’objet du Chapitre Troisième de cette même partie). De même il ne s’agit pas de dresser la liste des incidents techniques (éruption ou « blow-out » du puit, blocage des obturateurs de sécurité…) intrinsèquement liés à l’exploitation de la plate-forme pétrolière, cela serait par trop étranger à notre problématique. Les dommages dont nous traiterons ici sont ceux qui surviennent dans le cadre des relations maritimes entre les parties sur le lieu de l’exploitation pétrolière (§-1), ainsi que les dommages connexes aux premiers comme les pertes de profits, de production… (§-2). 125 Je rejoins ici la pensée de mes formateurs, « Nombreux sont ceux qui l’ont dit, mais on doit le répéter : l’assurance est la condition même du commerce maritime », BONASSIES P. et SCAPEL C., « Traité de droit maritime » déjà cité, Editions L.G.D.J., 2006. 75 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-1- Les dommages « maritimes » : Il est question ici de traiter des dommages survenus dans le cadre relations impliquant les navires de service navires et les structures d’exploitation, en l’occurrence, les plates-formes pétrolières (A), ou entre les navires de service eux-mêmes (B). A- Dommages survenus dans le cadre d’une relation plate-forme / « supply vessel » : Le premier incident auquel on pense, c’est évidemment le cas d’une collision entre une plateforme pétrolière (ou son ponton annexe)126 ou un F.P.S.O., ou un FSO, et un navire de service. Un tel évènement peut avoir des causes diverses et variées comme par exemple : La faute de navigation ou de manœuvre de l’équipage du navire, une signalisation défectueuse de la plateforme, une tempête, du brouillard...Ce genre d’incident peut également survenir lors du remorquage de la plate-forme pétrolière jusqu’au site d’exploitation, l’actualité de cette année 2007 nous a fourni un tragique exemple de naufrage indirectement causé par le remorquage d’une telle structure127. De telles collisions ou abordage entre les structures offshore et les «supply vessels » peuvent encore avoir lieu dans une toute autre situation. Il arrive en effet que les plates-formes mobiles ou semi-submersibles ne soient fixées que temporairement sur le sous-sol marin et subissent les mauvaises conditions climatiques de plein fouet. Ceci peut avoir de très graves conséquences, et dans le cas de violents courants sous-marins, la plate-forme peut rompre ses ancrages et dériver. La plupart du temps les opérations de secours de telles plates-formes sont lancées avec la plus grande célérité et permettent de récupérer la structure. Mais il peut arriver qu’ainsi livrée à elle-même, la plate-forme entre en collision avec un navire de service assurant des opérations connexes au sauvetage. Une telle situation peut également avoir lieu lors du remorquage de la structure jusqu’au champ pétrolifère. 126 Note de l’auteur : Concernant le statut juridique et la qualification de ces pontons annexes, l’auteur est d’avis de leur attribuer la qualification de navire dans la mesure où l’installation à laquelle ils sont accolés peut ellemême remplir les conditions énoncées dans la Première Partie de ce mémoire. Cela en vertu de l’adage « Accesorium sequitur principale », l’accessoire suit le principal en ce sens que le bien principal communique sa condition juridique au bien qui s’agglomère à lui. 127 Le naufrage du Bourbon Dolphin, Dépêche du groupe Bourbon, 16 avril 2007, www.bourbon-online.com, déjà cité. 76 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier A l’opposé, les navires de service peuvent quant à eux rentrer en collision avec une structure causant ainsi des dommages d’une envergure variable allant du simple heurt sans conséquence à l’explosion de la plate-forme, l’«arrachage» d’une des jambes de support de l’édifice, d’un câble ombilical d’extraction, ou plus « bénin », l’endommagement d’un réservoir ou d’une canalisation. La principale question qui va se poser dans le cadre de ces abordages est de savoir si les règles relatives à la collision des navires en droit maritime général sont applicables. Ce que nous déterminerons infra (Chapitre Second). B- Les dommages survenus entre deux ou plusieurs navires de service : A ranger dans cette catégorie les dommages survenus du fait de la collision entre deux navires de service à l’offshore pétrolier. Cela peut concerner également le cas de l’abordage entre plusieurs navires de services, une collision multiple peut ainsi avoir lieu dans le cas où une flottille d’ « Anchor Handling Towing Supply » est requise pour le déplacement d’une structure d’exploitation lourde. Ce type d’incident ressort des règles traditionnelles de l’abordage. 77 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-2- Les dommages connexes : Ce sont les dommages et les préjudices qui bien que n’étant pas causés directement par l’incident maritime principal, en découlent. Il s’agit souvent de dommages de nature commerciale liés à la propension à exploiter le site pétrolier (A), de dommages subis par les personnes travaillant de part et d’autre de l’épicentre du fait dommageable (B). Au titre de ces dommages connexes, il sera juste d’envisager brièvement les dommages causés aux tiers, au nombre desquels figurent les atteintes à l’environnement (C). A- Préjudice commercial et « Consequential damages » : Suspendre l’exploitation d’un site d’extraction offshore représente pour une compagnie pétrolière une perte commerciale des plus catastrophiques et des plus dommageables. Le manque à gagner lors d’une période (même quelques jours seulement) se chiffre en centaines de milliers de dollars pour l’exploitant. La production étant indexée sur le prix du baril de pétrole brut aussi variable que les cours de la Bourse dont il dépend. Il est donc logique que lorsqu’un incident interrompt et bloque la production, la compagnie pétrolière assortisse son préjudice matériel déjà subi du fait de l’incident par ses actifs, d’un préjudice correspondant à la perte de profit ou de production effectivement subi par elle128. La Charte-Partie type Supplytime, tant dans sa version 1989 que 2005 vise le préjudice commercial ou d’exploitation, sous le nom de « Consequential Damages », dommages pour lesquels elle prévoient d’ailleurs l’application du régime de la clause « Knock for Knock »: « […] consequential damages whatsoever arising out of or in connection with the performance or non-performance of this Charter-Party […]. Consequential damages shall include but not be limited to, loss of use, loss of profits, shut-in or loss of production and cost of insurance […]”, Clause14(c)129. On peut donc ranger dans cette catégorie de dommages : le manque à gagner, la perte de profit, la perte de production et la surprime d’assurance engendrée par l’incident…Ces dommages font très souvent l’objet de stipulations contractuelles destinées à écarter au profit du fréteur des navires de services leur indemnisation. On imagine sans mal que les 128 Pour une production moyenne d’un site pétrolier de 120.000 barils par jour, le prix du baril est en général de 65 dollars, ce qui se traduit par un gain de production de 8 millions de dollars par jour. Le site de « Girassol » au large de l’Angola engendre une production journalière de 240.000 barils. 78 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier compagnies pétrolières font usage de toute leur force de persuasion commerciale afin d’écarter pareille clause. B- Les préjudices corporels causés aux équipages : Le préjudice corporel recouvre les souffrances physiques et/ou morales qui résultent d’un fait dommageable. Cela concerne d’une part le personnel de la plate-forme (dans le cas d’un dommage survenu dans le cadre des relations navire de service / plate-forme pétrolière) et, d’autre part l’équipage et les passagers éventuels des navires de services ou des unités de production (F.P.S.O. et F.S.O.). Le monde de l’offshore de manière générale est très dangereux130, les dommages subis par les personnes travaillant sur le site peuvent entraîner des lésions de gravité diverses mais dans de nombreux cas, la mort131. Il arrive en effet que le heurt de la plate-forme par un navire déséquilibre la structure provoquant la chute d’éléments sur des membres du personnel ou sur l’équipage du navire. La violence de l’impact peut également entraîner la chute de membres du personnel de la plate-forme, ces dernières s’élevant souvent à plusieurs dizaines de mètre au-dessus de la surface des eaux, de telles chutes sont très souvent fatales. La législation américaine132 est très protectrice quant aux travailleurs de l’offshore ou de ses services connexes, et il n’est pas rare que les indemnisations versées par les responsables des dommages, atteignent des sommes astronomiques. 130 Note de l’auteur : Il convient de relever ici une illustration tragique de dangerosité fourni par l’actualité avec l’explosion le 10 mai survenu sur le site de N’Kossa exploité par Total. Cette explosion a fait deux morts parmi les opérateurs et a probablement causé la mort de pécheurs congolais fréquentant de nuit cette zone poissonneuse. Source : BEZAT J-M, « Babel-en-Mer au large de large de l’Angola », Le Monde du lundi 30 juillet. 131 Le 6 juillet 1988 : une fuite de gaz suivie d'une explosion, sur la plate-forme pétrolière « Piper-Alpha », en Mer du Nord, fait 167 morts et 62 survivants. Bien que dû à un incident interne à la plate-forme, cet accident a fortement marqué l'industrie pétrolière offshore. 132 « The Jones Act » qui est en réalité une émanation du « Merchant Marine Act » de 1920 », mis au point par le sénateur W.L. Jones qui lui donna son nom. 79 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier C- Dommages aux tiers : Le tiers ou «penitus extranei» est la personne étrangère à un acte juridique133. Il s’agit dans notre cas de la personne qui n’est pas liée par la Charte-Partie d’affrètement à temps. C’est donc toute autre personne que le fréteur et l’affréteur ainsi que leurs cocontractants directs et sous-traitants qui, comme on l’a vu bénéficie par ricochet des mêmes conditions juridiques que les parties principales. Il peut ainsi s’agir d’un transporteur maritime, d’un patron pécheur ou de tout autre usager de la mer. Les dommages aux tiers peuvent résulter d’un abordage avec une structure offshore, un ou plusieurs navires de services ou lors du remorquage d’une plate-forme vers son site d’installation. De tels accidents relevant pour la quasi-totalité des cas du droit maritime classique, ce sont les règles traditionnellement applicables aux évènements de mer qui trouvent à s’appliquer. Il est bien sûr une catégorie de dommage incontournable auquel tout lecteur pensera immédiatement, il s’agit de la pollution due au déversement de pétrole en mer. Mais cet aspect dommageable possède une dimension par trop vaste qui nous détournerait du domaine de notre problématique. Aussi nous ne l’aborderons pas et laisserons au lecteur le soin de se reporter à d’excellents ouvrages et travaux de recherche sur ce domaine134. 133 En droit français, le régime du tiers au contrat est donné par l’article 1165. REMOND-GOUILLOU M., « L’exploration pétrolière en mer et le droit », Thèse, éd. Technip, 1970, Chapitre XVII « La pollution des mers par les installations de forage », p.162, n°151. Voir aussi l’ouvrage précité: Edgar GOULD, « GARD Handbook on protection of the marine environnement », Third Edition, GARD A.S., 2006. 134 80 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION II – Prise en compte du risque et assurance : Comme dans tous les domaines industriels, la prise en compte objective du risque se fait selon deux étapes : La première correspond l’évaluation du risque, notamment ave pour souci la stricte observance des normes de sécurité et de sûreté tant à bord des navires de service qu’en ce qui concerne les structures d’exploitation pétrolières (§-1). La seconde étape consiste en la constitution de garanties financières vis-à-vis de l’éventuelle survenance de dommages. Ce qui se matérialise à travers la souscription de polices d’assurance (§-2). §-1- La prise en compte du risque dans le cadre de la fourniture de navires de soutien à l’offshore pétrolier : Cette Seconde partie serait lacunaire sans comporter un pan dévoué d’une part aux procédures internes de mesure du risque (« risk management »), et la définition de standards de qualité et de sécurité (A). Pour K. KAASEN135, les problématiques liées à la sécurité dans ce secteur sont plus présentes que dans n’importe quelle branche maritime. C’est pour cette raison que le risque d’accidents doit être encadré avec fermeté par l’application des normes relatives à la sécurité maritime (B). A- Etude du risque au sein des compagnies : Toutes les grandes compagnies de ce secteur sont dotées d’un service ou d’un pôle de contrôle de qualité et de la sécurité. Ce département dans la pratique anglo-américaine est désigné sous le nom de Quality Health Security Environment136 (Q.H.S.E. ou H.S.E. selon les structures). Les compagnies françaises et européennes d’armement de navires de services à l’offshore ont toutes adoptées cette politique pivot des processus de décision et des opérations de terrain. C’est ainsi que la société SAIPEM possède un objectif H.S.E. ainsi libellé : « Dans 135 136 KAASEN K., «Safety regulation of offshore petroleum activities », déjà cité. Traduction libre : « Qualité – Santé – Sécurité – Environnement » 81 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier toutes nos activités, de conception ou de construction, dans nos bureaux ou sur nos sites, l’H.S.E. est un souci principal pour l’entreprise. Nous prenons toutes les mesures raisonnables et pratiques pour assurer la santé, la sécurité et le bien-être de nos employés sur leur lieu de travail. Nous nous assurons également que les personnes en rapport avec nos opérations ne soient pas exposées à des risques pour leur santé et leur sécurité137 ». Pour les opérateurs, il ne peut pas y avoir de bonne production sans sécurité efficiente. Un journaliste du quotidien « Le Monde », décrivait récemment cette obsession de la sécurité : « A peine à bord un [employé chargé de la] sécurité happe le visiteur et le conduit sur le pont supérieur où il lui fournit toutes les consignes d’évacuation : une carte et un numéro, le point de ralliement en cas d’alarme, la ligne peinte au sol où il devra patienter avant de monter dans un free fall, ces bateaux de sauvetage orange accrochés à la poupe de Girassol et précipités à la mer sur une rampe à 45 degrés une fois les passagers solidement harnachés. A peine embarqués, on vous montre déjà comment débarquer…138 » Il y a ensuite un retour à partir des études qui sont menées sur le terrain par les compagnies d’armement et auprès des navires de la flotte, des équipages et des structures de réponse et d’urgence. Des statistiques sont ensuite dégagées pour permettre une évolution et un maintien à niveau constant des équipements vis-à-vis des normes de sécurité. De telles procédures sont internes et qui plus est confidentielles. Pour cette raison, il ne nous a pas été donné d’en examiner en détail les traits caractéristiques. B- Le respect des standards internationaux de sécurité maritime139 : Les armateurs des navires de services comme les propriétaires des plates-formes pétrolières sont dans l’obligation de fournir des bâtiments navigables et en parfaite conformité avec les standards internationaux de sécurité de la navigation maritime. En effet, les dispositions du 137 Note de l’auteur : Cet objectif H.S.E. était mentionné sur les « informations visiteurs » qui sont remises aux tiers lors de leur entrée dans un bâtiment ou d’un site du groupe SAIPEM-ENI. C’est dire l’importance de la sécurité et de la prévention des risques au sein de ce secteur. 138 « Babel-en-Mer au large de l’Angola », BEZAT J-M, Le Monde du lundi 30 juillet 2007. 139 Note de l’auteur : Nous éludons volontairement l’angle d’approche de la sûreté maritime car ne concernant notre problématique que très indirectement et invitons le lecteur à se référer sur le sujet à «Piracy in the 21st century », Standard Bulletin, 2 octobre 2006, www.standard-offshore.com. Cf. également le Protocole de Rome pour la répression des actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le Plateau Continental du 10 mars 1998, disponible sur le site www.imo.org. 82 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Code ISM sont applicables tant aux navires de services qu’aux plates-formes mobiles de plus de 500 unités de jauge (depuis le 1e juillet 2002). Il en va de même des normes STCW140, également étendues aux structures pétrolières en vertu des résolutions (A.538 (13), A.712 (17), A.828 (19) de l’Organisation Maritime Internationale. Plus spécifiquement quant aux plates-formes pétrolières, le Code MODU141 de 1989 applique à l’ensemble des plates-formes offshore dont les Etats du pavillon sont Membres de L’O.M.I., les normes générales de la Convention internationale de 1966 relatives aux lignes de charge des navires. Ce qui sera appréciable et sécurisant dans l’optique du remorquage d’une telle structure. Il est bon d’observer à ce stade que le rôle des sociétés de classification est ici exactement le même que dans le droit maritime plus traditionnel. Les certificats de navigabilité des navires et des plates-formes comme des Unités Flottantes de Production (FPSO/FSO) sont impérativement exigés par les assureurs. Les P&I clubs allant même jusqu’à encadrer l’obligation de «loyalty142» imposée à leurs membres par des visites périodiques. La compagnie pétrolière peut aussi veiller à la stipulation au sein des contrats d’affrètement de clauses relatives aux questions de sécurité et des standards minimums seront ainsi fournis et devront être impérativement respectés. La carence ou l’omission vis-à-vis de telles exigences peuvent, si ils sont susceptibles d’être qualifiés de faute lourde (« gross negligence ») et entraîner pour son auteur la perte du bénéfice de la clause « Knock for Knock », cela avec les effets que nous avons décrit supra (Seconde Partie, Chapitre II). L’incorporation de telles stipulations peut, selon le degré de précision et de contrainte entraîner d’un point de vue théorique la requalification de la convention en « contrat d’adhésion ». §-2- La couverture des risques et des dommages par le biais de l’assurance maritime : 140 «Standard of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers». «Code for the construction and equipment of mobile offshore drilling units». 142 Obligation de loyauté que les P&I clubs imposent à leurs membres et dont l’inobservance est sanctionné pécuniairement ou dans le cas extrêmes pas l’exclusion du Club. 141 83 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier L’existence d’un risque élevé de dommage pousse les propriétaires à se ménager d’importantes garanties financières dans l’optique de la survenance d’un quelconque incident. Cette précaution, qui se matérialise par la souscription de polices d’assurances spécifiques pour la couverture des structures pétrolières (A) satisfait en revanche davantage aux standards de l’assurance maritime traditionnelle s’agissant des navires de services (B). A- L’assurance des plates-formes pétrolières : Quelques propos d’introduction sur les spécificités du marché de l’assurance des platesformes pétrolières. C’est un marché récent car s’appliquant à un secteur relativement peu ancien en comparaison de l’assurance du transport maritime par exemple. C’est donc un marché au sein duquel la pratique a mis quelque temps à se cristalliser, notamment en terme de chiffrage de l’aléa. Mais aujourd’hui, il s’agit d’une véritable institution établie sur une base statistique rationnelle et pour laquelle le calcul de l’aléa assurable est réalisé en fonction de données tangibles. La gestion des garanties est faite par des mutuelles d’assurance qui, puis se réassurent ensuite auprès des grands pôles de la réassurance. D’où la réunion d’importants «Pool143» d’assureurs. L’assurance de l’offshore pétrolier est un marché difficile où les compagnies sont confrontées à des limites de capacité plus vite atteintes que dans d’autres branches. L’extension de recherche d’assurance est donc menée sur le marché de l’énergie. Les franchises en propre laissées à la charge des assurés sont en général de l’ordre de 10 millions de dollars sur un grand nombre de couvertures de risques144. La proximité de grands risques oblige à convenir qu’il existe dans la pratique un certain nombre standards contractuels (comme le partage des couvertures d’assurance entre les compagnies pétrolières et les armateurs de navires de service, par exemple). L’assurance des plates-formes se fait généralement par le biais de la souscription de police d’assurance (1 et 2) ainsi que par l’obtention d’une garantie complémentaire par un Protecting and Indemnity club (3). 1) Les polices d’assurance London Standard Drilling Barge Form (all Risks or named perils) et London Standard Plat Form: 143 Traduction libre : fonds communs, action de mettre en commun des capitaux. Il existe dans ces cas un système dit de «stop loss » qui limite la franchise totale à une certaine somme (exemple 25 millions de dollars). 144 84 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Un tel marché fut longtemps marqué, par l’hégémonie du savoir-faire britannique en terme d’assurance maritime. Si cette prégnance s’est un peu estompée aujourd’hui, elle perdure toutefois au travers de cette police type d’assurance des plates-formes pétrolières et par la concentration historique sur le territoire britannique des P&I clubs spécialisés en ce qui concerne le domaine des services maritimes à l’offshore pétrolier (élément que nous préciserons infra). La police d’assurance London Standard Drilling Barge Form (all Risks or named perils) concerne les plates-formes mobiles tandis que la London Standard Plat Form s’applique aux plates-formes fixes. Leurs applications diffèrent selon certaines modalités, cependant leur contenu peut faire l’objet d’une étude commune. Les polices London Standard ne s’applique qu’aux plates-formes au sens strict du terme, c’est-à-dire qu’elle ne vise pas les navires de forages. Mais elles concernent toutefois les accessoires de ces plates-formes (équipements et annexes…).Leur champ d’application englobe tous les risques sauf exclusion expresse. Cela s’entend donc de tout dommage causé à la plate-forme ou que la plate-forme peut causer : Collisions et responsabilité civile en cas de collision, dommages causés en cours de remorquage, frais d’assistance,… Les exclusions traditionnelles concernent principalement l’usure normale des installations, les manœuvres frauduleuses de l’assuré, etc… Toutefois une observation doit être faite concernant le domaine d’application géographique limité de la London Standard Drilling Barge Form. Sauf à souscrire une police d’assurance spéciale, la plate-forme cesse d’être assurée dès lors qu’elle quitte cette zone telle que précisée par la police. Les obligations pesant sur l’assuré sont simples: L’obligation fondamentale est de payer la prime d’assurance (qui est très élevée dans la majorité des cas145). L’assuré doit aussi veiller au respect des prescriptions de sécurité et se soumettre de bonne volonté aux inspections voulues et diligentées par l’assureur. 2) L’assurance des plates-formes en France146: 145 Note de l’auteur : Cela peut même atteindre un chiffre égal à 10% de la valeur de la structure. Note de l’auteur : Il existe des polices d’assurance des plates-formes pétrolières dans de nombreux pays. Si nous en éludons la mention ou la citation, ce n’est que par souci de place et de concision. 146 85 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Longtemps, la question de l’assurance des plates-formes pétrolières en France a tourné autour d’un débat juridique axé autour de la question de l’applicabilité de la Loi du 3 juillet 1967 sur les assurances maritimes et son Décret d’application du 19 janvier 1968147 à ces structures. Aux termes de l’article premier de cette Loi : « Est régi par la présente loi tout contrat d’assurance qui a pour objet de garantir les risques relatifs à une opération maritime ». Pour nombre d’autorités doctrinales, l’acception exprimée par la paraphrase « […] opération maritime » paraissait pouvoir désigner toute opération maritime et pas seulement les opérations menées à partir d’un navire. Cela résolvait donc le débat par l’application du régime de l’assurance maritime aux opérations conduites à partir des plates-formes pétrolières. Un tel débat n’a plus lieu d’être depuis 1989 et l’édiction d’une Police française d’assurance maritime sur corps d’unités mobiles de forage ou de production148. Un tel document ayant mis également un coup d’arrêt à la pratique d’une référence, peu aisée, à l’ancienne Police d’assurance maritime sur tous corps de navires (imprimé du 1er décembre 1983). 2-1) Force du texte : Ce document type et les clauses qu’il contient est mis à la disposition des professionnels du secteur par le biais des assureurs et des courtiers d’assurance afin d’appréhender la propension de risque inhérente à leur activité. Les dispositions de la police française sont indicatives et peuvent faire l’objet de stipulations tendant à l’établissement de conditions d’assurance différentes. Ce texte a donc une valeur supplétive et indicative, pouvant en cela, être complété au gré de la volonté des parties. 2-2) Champ d’application de la police : Ratione personae, la Police donne une définition de l’unité appréhensive puisque est entendu par unité de forage ou de production, l’ensemble du support naval149 ainsi que les équipements spécifiques, propriétés de l’assuré. 147 Loi n°67522 du 3 juillet 1967 et Décret n°6864 du 19 janvier 1968. Imprimé du 26 avril 1989 régi par la Loi française et en particulier par les dispositions du Titre VII du Code des assurances relatif au contrat d’assurance maritime, qu’elles soient ou non rappelées dans la police. 149 Note de l’auteur : l’emploi du terme « naval », dont la racine « navis » est la même que celle du terme « navire » s’agissant du support de l’unité de forage ou de production conforte l’orientation juridique que le signataire de ces lignes a adopté au sein du chapitre consacré à la qualification juridique des plates-formes 148 86 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Ratione materiae, ce document assure la garantie des pertes et des dépenses qui résultent des fortunes de mer, de manifestation de gisements et d’accidents impliquant l’unité assurée. Il s’agit principalement des abordages ou heurts de l’unité contre tout navire (ce qui implique les « supply vessels »), engin ou installation. Cela couvre également la contribution de l’unité aux avaries communes, les indemnités d’assistance, le recours de tiers exercés contre l’assuré… Au nombre des risques exclus de la garantie figurent : la faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré ou de son personnel de direction, les dommages ou pertes, les recours de tiers résultant de piraterie ayant un caractère politique ou se rattachant à la guerre. Ratione loci, la couverture de l’unité contre les risques n’est acquise que si celle-ci demeure dans les limites géographiques de navigation prévues négativement par la Police (Article 5). Sauf force majeure ou assistance, l’unité cesse d’être couverte si elle pénètre dans une telle zone. 2-3) Obligations de l’assuré : Principalement, l’assuré doit déclarer à l’assureur les risques (et leurs aggravations). Il doit également prendre toutes les mesures préventives, de sécurité et conservatoires en cas de danger ou de contentieux. Il doit aussi acquitter le paiement de la prime et ses accessoires aux lieux et dates convenus (article 13). 3) L’assurance complémentaire des plates-formes par les P&I clubs : Mais bien souvent le recours à des couvertures d’assurance « traditionnelles » ne sont pas suffisantes et les exploitants des plates-formes pétrolières sont bien souvent contraints de souscrire des garanties complémentaires quant à certaines catégories de risques déterminés auprès des P&I clubs. Il existe en effet au sein de certains Clubs très spécialisé (G.A.R.D., Standard Club et autres…) des couvertures spécifiques aux structures offshore : Plates-formes offshore, (opération qui avait abouti pour certaines à une qualification de navire). Il faut aussi noter que la définition du terme « naval » selon Jean MERRIEN (dans son dictionnaire de la mer, déjà cité) est : « […]relatif aux navires». 87 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier mobiles, F.P.S.O. et F.S.O. (ces derniers représentent, la majeure partie du marché de l’assurance P&I150). A la différence de la couverture classique par les assureurs, les P&I assurent la garantie d’un nombre importants de risques listés au sein des « Rules » (ou Règles) de chaque club (3-1) sous réserve de l’observance par l’assuré de certaines règles non négociables (3-2). 150 D’après une étude menée par le Standard P&I club, les Unités Flottantes de Production (FPSO, FSO et FSU) représentent 46% des primes d’assurance perçues en 2006. Source: « Offshore business by ship type 2006», www.standard-offshore.com. 88 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 3-1) Garanties offertes par les P&I clubs quant aux risques et dommages concernant les plates-formes pétrolières : Si une telle liste varie d’un club à un autre, on retrouve toutefois une similitude dans les garanties offertes. Nous en donnons ici une liste non exhaustive des risques généralement garantis par les Clubs spécialisés en matière d’activités offshore : - « Liabilities in respect of Crew »: Ce qui recouvre pléthore de situations qui s’échelonnent depuis la responsabilité découlant de la perte d’effets personnels par un membre d’équipage à la prise en charge des funérailles d’un employé. - « Liabilities in respect of third parties for death, injury and illness»: Dommages causés aux tiers (mort, lesions, maladies). - « Collision with other vessels and damage to fixed and floating objects»: Responsabilité pour dommages dus à un abordage. La garantie P&I peut ici être usitée comme complément de l’assurance corps. - « Pollution risks liability »: Ce qui inclut les amendes sanctionnant un acte de pollution. - « Loss of, or damage to property »: Dommages ou pertes affectant les actifs, sont inclus à ce titre les préjudices de perte de temps et de perte de profit. - « Liability for obstruction and wreck removal »: Frais liés au déplacement ou à l’enlèvement de l’épave. - « Enquiry expenses »: Dépenses liées aux expertises diligentées par un membre du club dans l’optique de préparer sa défense vis-à-vis d’un contentieux le concernant. 3-2) Paramètres à respecter pour bénéficier de telles garanties : L’exposition au risque et la potentialité de subir ou de causer des dommages est strictement appréciée par le club et cela par le biais de plusieurs facteurs : La catégorie du navire, les opérations conduites, les obligations du Membre aux termes du contrat souscrit, le recours ou non à un contrat-type, le degré des modifications apportées à tel document et enfin l’étendue de garantie requise. A titre d’indication, une examen supplémentaire des précédentes réclamations environnant le navire ou la plate-forme peut être conduit. S’agissant des risques et de leur aggravation ainsi que des dommages, l’assuré est tenu d’une obligation de loyauté (« loyalty »)envers le club tout au long de la période de couverture. 89 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier De telles règles sont impératives et se prêtent rarement à discussion. Le recours aux couverturs des Clubs en ce domaine où les réclamations peuvent avoisiner les 500 millions de dollars, permet de ménager une confortable extension de garantie qui peut elle atteindre les 750 millions de dollars151. Notons en conclusion qu’en ce qui concerne les navires de forage ou les unités type F.P.S.O. et F.S.O., on peut utiliser les conditions d’assurance corps en usage pour les navires de commerce conventionnels comme par exemple la Police française d’assurance maritime sur corps de tous navires (imprimé du 1er janvier 1998 modifié le 1er janvier 2002). C’est d’ailleurs le régime d’assurance qui concerne les navires de services (B). B- L’assurance des navires de services : Le régime de base qui s’applique à ces navires est le même que pour les navires plus classiques (1). De plus « The risks involved are considered to be so special152 […] », ce qui enjoint les armateurs de « supply vessels » à souscrire des assurances complémentaires dans l’hypothèse de la survenance d’un dommage (2). 1) L’assurance maritime « traditionnelle » du navire de service à l’offshore pétrolier: Les armateurs de «supply vessels» procèdent en général pour l’ensemble de leur flotte à la souscription d’un programme d’assurance complet couvrant : Les risques corps et machines sur la base d’un contrat de durée placé sur le marché de l’assurance maritime. Les risques responsabilité du propriétaire ou exploitant de navires sont quant à eux assurés auprès de P & I clubs. 1-1) Notions : Il s’agit ici de la souscription par l’armateur d’une assurance corps. Comme nous le verrons infra, la charte-partie type « Supplytime » en fait d’ailleurs une obligation à la charge du 151 Selon les clubs, cette propension à un très haut financement du risque est basée sur l’ «économie d’échelle », «High limits of cover are available at economical cost thanks to economies of scale»., www.gard.no. 152 Traduction libre : « […] les risques encourus sont très particuliers », , www.gard.no. 90 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier fréteur. En France, la police type est la Police française d’assurance maritime sur corps de tous navires, (imprimé du 1er janvier 1998 modifié le 1er janvier 2002), texte qui est soumis aux dispositions du Chapitre VII du Code des Assurances, consacré aux assurances maritimes. 1-2) L’exigence de couverture des dommages rappelée par les contrats-types : La charte-partie type « Supplytime » comporte (aussi bien dans la version 1989 que 2005), une obligation pour le propriétaire du navire de souscrire une assurance pour la durée de l’affrètement : « The Owners shall procure and maintain in effect for the duration of this Charter Party, with reputable insurers, the insurances set forth in ANNEX "B"153 […] », (clause 14 (a)(i) pour l’imprimé 1989 et 17 (a)(i) pour celle de 2005). L’Annexe “B” mentionnée est un schéma comportant les standards d’exigences de la B.I.M.C.O. en matière de polices d’assurances qui doivent être souscrites et maintenues par le fréteur des navires de service, ce, dans la mesure de leur applicabilité. Cela concerne : (1) Marine Hull Insurance ou assurances corps et machines, (2) Protection and Indemnity (Marine liability) Insurance (quant à la responsabilité pour collision ou abordage), (3) General Third Party Liability Insurance (assurance de responsabilité quant aux dommages causés aux tiers en complément de l’assurance responsabilité), (4) Workmen’s Compensation and Employer’s Liability Insurance for Employees ( garantie relative aux accidents du travail), (5) Comprehensive General Automobile Liability Insurance (assurance multirisque pour certains engins), (6) Such other Insurance as may be agreed (toute autre couverture qu’il conviendra de souscrire). 2) La souscription d’assurance de responsabilité auprès des P&I Clubs : Les assurances corps souscrites dans les formes exposées auparavant permettent une garantie convenable des risques et des dommages. Mais un armateur de «supply vessel», tout comme l’exploitant d’une plate-forme pétrolière peuvent (et dans les faits doivent) souscrire une assurance de responsabilité lui permettant, en pratique de se garantir contre les recours des tiers pour des dommage matériels non couverts par la police corps. Il existe, certes des polices 153 Traduction libre : « Le fréteur doit veiller à fournir et maintenir effective pour la durée de cette Charte-Partie et ce, auprès d’assureurs respectés les assurances dont il es fait mention au sein de l’ANNEXE B ». 91 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier d’assurance de ce type154. Mais celles-ci sont demeurées d’un emploi résiduel face à l’engouement des professionnels pour les garanties offertes par les P&I clubs. Ces dernières constituent l’extension matérielle idéale en terme de garantie: «A Member [of the club] is covered in respect of liability or losses incurred by him and which arise in direct connection with the operation […] and the Member is afforded protection against the majority of the liability risks to which he may be exposed in the course of his activities 155 […]”. De telles garanties sont les mêmes que celles qui sont souscrites et accordées par les propriétaires de navire d’un genre plus traditionnel. La majeure partie des couvertures complémentaires qui sont souscrites dans ce secteur vient compléter la garantie d’assurance corps déjà contractée. Cela recouvre en général les responsabilités pour abordage, les indemnités d’assistance, les contributions aux avaries communes. Mais il n’y a pas ici de différence notable avec le régime applicable aux navires de commerce classique. Il convient donc de renvoyer pour approfondissement sur la question de la complémentarité des polices d’assurance corps et la couverture accordée par les P&I clubs à des travaux de recherche spécifiques156. 154 Pour des exemples français de telles polices : Cf. Police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire de navires de mer (imprimé du 20 octobre 1990) ou encore la Police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du transporteur maritime (imprimé du 20 décembre 1972). 155 Traduction libre : « Le membre du club bénéficie d’une couverture quant aux pertes et à la responsabilité en découlant, dans le cadre des opérations qu’ils mènent […]. Ainsi, le membre est garanti vis-à-vis de la majorité des risques de responsabilité auxquels il et susceptible d’être exposé au cours de ses activités […] », communication G.A.R.D. P&I club, 2007, www.gard.no. 156 COSTANTINI M., «Complémentarité entre les conditions de police d’assurance corps et la couverture du P&I club de l’armateur », Mémoire CDMT, 2005. 92 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE SECOND : Application des grandes institutions du droit maritime aux dommages impliquant des navires de services Au nombre des risques présentés par les opérations offshore, nous avons vu que les dommages maritimes sont indéniables. Le problème juridique qui se pose désormais à ce point de l’étude est de se pencher sur l’applicabilité ou non des grandes institutions du droit maritime justement consacrées aux évènements de mer. C’est d’ailleurs une tâche à laquelle s’était adonnée le Comité Maritime International lors de l’élaboration du Projet de convention internationale sur les engins mobiles offshore tel que le rapporte M. PIERRON157. Si dans les relations entre navires de services, il n’y a pas de difficulté théorique, il apparaît en revanche un obstacle à l’application des grandes règles sur l’abordage, l’assistance…en ce qui concerne la survenance d’un dommage mettant aux prises un, ou plusieurs «supply vessels» et une plate-forme. L’analyse qui s’ensuit tient à demeurer dans la lignée de la solution dégagée à l’occasion de la Première partie de ce mémoire et qui conclut à la possible qualification de navire de certaines plates-formes pétrolières. Néanmoins l’application de ces conventions internationales ne doit se faire pour les plates-formes pétrolières et les Unités Flottantes de Production au travers de cette assimilation aux navires, que dans le seul cas où ces textes ne possèdent pas un champ d’application contenant de telles structures. Il semble à l’auteur que la sécurité juridique exige dans chacun de ces grands domaines d’application du droit maritime général, l’application la plus optimale possible des régimes juridiques prévus. Il en ressort qu’il convient d’appliquer autant que faire ce peut leurs dispositions aux plates-formes pétrolières158. Nous rejoignons par ce point de vue l’analyse de la question adoptée en 1970 par M.REMOND-GOUILLOU pour laquelle : «L’adaptation [des règles fondées sur les dangers de la mer : abordage, avaries communes, assistance en mer] paraît souhaitable : que l’on parle ou non de navire [car, comme lui l’installation] se trouve au large, affronte les périls de la mer au même titre qu’un navire. Et puisque certaines 157 PIERRON A., Le « projet de convention internationale sur les engins mobiles offshore préparé par le C.M.I. », DMF 1977.131. 158 Comme le relève PIERRON A., déjà cité : Ce fut d’ailleurs une des solutions qui s’offrit au C.M.I. pour déterminer l’application de son projet de convention, « […] ou bien rendre applicable comme elles le sont aux navires, les conventions maritimes internationales existantes. » 93 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier règles maritimes on été prévues pour répondre aux situations particulières auxquelles il doit précisément faire face, il faut, à n’en pas douter, lui en étendre le bénéfice ». Nous examinerons donc successivement l’application des conventions internationales aptes à régir les grandes institutions du droit maritime général que sont l’abordage (Section I), les avaries communes (Section II), l’assistance maritime (Section III) et enfin, la limitation de responsabilité de l’armateur (Section IV). SECTION I - L’abordage : L’abordage est régi par les dispositions de la Convention internationale pour l’unification de certaines règles en matière d’abordage du 23 septembre 1910. Cette réglementation159 mise en œuvre par le C.M.I. permet la détermination des responsabilités en cas d’abordage. Ses dispositions ont été reprises en droit français par la Loi du 7 juillet 1967 relative aux évènements de mer160. Brièvement, l’abordage est le heurt entre deux navires, ou entre un navire et un engin nautique qui ne soit pas amarré à poste fixe (c’est-à-dire à terre ou à un ponton fixe). Toutefois cette notion de heurt ne nécessité pas obligatoirement un choc physique (exemple du remous). Le fondement de ce régime est la faute prouvée, le demandeur doit parallèlement établir l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. La répartition des conséquences de l’abordage est appréciée en fonction de la nature et de la quotité des fautes ayant conduit à cette collision. L’angle d’approche de l’abordage doit être ici strictement cantonné vis-à-vis de notre problématique. Il ne s’agit pas d’étudier la mise en œuvre pratique d’un tel régime car le temps nous manquerait et aussi parce que cela est affaire de cas d’espèce. Non il nous faut se concentrer sur l’application, l’applicabilité plutôt d’un tel régime. Le respect du champ de cette problématique exclut de même que l’on traite de la collision entre deux plates-formes pétrolières (fait d’ailleurs rarissime). 159 Ce régime international sera complété en 1952 par deux conventions sur l’unification des règles de compétence en matière d’abordage (compétence civile et pénale). On peut voir un complément technique quant à la prévention de l’abordage notamment dans les « Règles internationales pour prévenir les abordages en mer » ou plus fréquemment désigné par son acronyme anglophone « COLREG » du 20 octobre 1972 (« Collision Regulation »), plus célèbre que son équivalent français, le « RIPAM ». 160 Loi n°67 545 du 7 juillet 1967. 94 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Il convient donc de se focaliser sur d’une part, l’abordage entre un ou plusieurs « supply vessels » et une plate-forme pétrolière161, et d’autre part, le régime applicable aux collisions des navires de service entre eux (§-1). La structure des relations contractuelles en ce domaine impose également l’analyse d’une situation particulière matérialisée par une clause de la « Supplytime »: la « Both-to-blame collision clause » (§-2). §-1- L’abordage au sens du droit maritime « commun » : A- La collision entre un ou plusieurs navires de services et une plate-forme pétrolière : Il faut s’intéresser en tout premier lieu à l’applicabilité des dispositions de la Convention du 23 septembre 1910 pour l’unification de certaines règles en matière d’abordage à cette situation. Certes, il convient d’observer qu’en 1910, les structures offshore ne pouvaient être visées par le texte pour la bonne et simple raison qu’elles n’existaient pas encore. C’est ainsi que l’article 1er de cette convention dispose un champ d’application d’apparence très ouvert. Ainsi aux termes de cet article, sont visés les abordages « […] entre navires de mer […] ». L’article 11 de ce texte apportant une restriction à cette large appréhension en excluant de ce régime les « […] navires de guerre et navires d’Etat exclusivement affectés à un service public ». S’agissant donc des plates-formes pétrolières qui suite à notre opération de qualification juridique peuvent prétendre à bénéficier du statut de navire (par exemple les plates-formes semi-submersibles), les dispositions de cette convention sont applicables dès lors qu’elles subissent ou causent un abordage. Une telle extension du champ d’application de cette convention régissant un domaine aussi sensible et dramatique est un gage certain de sécurité juridique et d’adaptation du droit maritime aux évolutions techniques. Quant au droit français de l’abordage (lequel reprend le droit international) un seul élément fait obstacle à ce que l’abordage entre une plate-forme et un ou plusieurs navires de service entre dans le champ d’application de la Loi de 1967 : La collision de deux navires ou d’un 161 Sur l’abordage entre un navire et une plate-forme pétrolière offshore aux Etats-Unis, cf. Cour de District des Etats-Unis, District Est de Louisiane, 13 septembre 1985, American Maritime Cases, juin 1985, page 1650 et s. 95 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier navire et d’un engin nautique qui ne soit pas amarré à poste fixe en est exclue aux termes de l’article 1er. Nous avons précédemment déterminé quelles sont les structures d’exploitation offshore pouvant prétendre au statut juridique de navire. Nous avons opéré une telle démonstration en prenant en compte le critère de l’absence d’amarrage à poste fixe de l’engin. Pour de nombreuses structures cet amarrage faisant défaut, la pression des autres éléments du faisceau d’indice militait donc logiquement pour l’octroi du statut de navire. Ces « navires assimilés » peuvent donc tout à fait être la victime d’abordage par une autre structure, (fait rarissime, nous le concédons, mais plausible) ou par un navire de servitude. Mais ces plates-formes peuvent aussi par mouvement ou par dérive être la cause d’un abordage vis-à-vis d’un navire présent sur site. Il semble de plus que l’article 1er in fine de la Loi de 1967 par les termes « […] amarrés à poste fixe […]», ne vise que les heurts de « structures terrestres («quai ; installation d déchargement de pétrole) ou le heurt d’un ponton non mobile» par le navire. Ne sont donc pas concernées par cette restriction les plates-formes offshore qui ne sont (sauf des exceptions de plus en plus rares) jamais amarrées mais ancrées162 ou positionnées sur le sol marin. Les abordages entre plates-formes et navires de service peuvent être soumis dans certains cas à la Loi française de 1967. B- L’abordage entre deux ou plusieurs «supply vessels» : Aucune difficulté dans cette situation puisqu’il s’agit du cas de l’abordage entre deux navires de mer, en cela typiquement régi par les dispositions de la Convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 pour l’unification de certaines règles en matière d’abordage reprises par la Loi française. Il faudra donc déterminer la cause de l’abordage. A savoir, est ce que ce dernier a été causé par la faute d’un seul des deux navires, par la survenance d’un cas de force majeure (abordage fortuit) ? Il pourrait tout aussi bien être le résultat d’une faute commise par chacun des engins, c’est le cas de l’abordage pour faute commune. 162 Déjà vu en Première partie de ce mémoire: Le terme « amarré » se dit d’un bâtiment à quai maintenu à son poste par des amarres, tandis que la situation d’un bâtiment ou d’un navire au large (offshore) qui est maintenu en position par rapport au sol est un ancrage. 96 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Ce dernier cas de figure appelle une présentation approfondie car il peut faire l’objet d’une stipulation particulière au sein des Chartes-Parties (§-2) §-2- L’application des règles relatives à l’abordage en présence d’une « Both-to-blame collision clause » : L’abordage est visé au sein des deux dernières versions de la « Supplytime » aux termes d’une clause d’une essence un peu particulière, la « Both-to-blame collision clause » (Clause 22 de la charte de 1989 et 27 de la version de 2005). Si le navire de service entre en collision avec un autre navire suite à la négligence de celui-ci et, cumulativement tout acte, négligence ou omission du capitaine, d’un marin, du pilote ou des préposés du fréteur, dans le cadre de la conduite ou de l’administration du navire, la clause stipule que l’affréteur indemnisera le fréteur vis-à-vis de toute perte ou engagement de responsabilité en découlant163. Notons en conclusion de cette section que le projet de Sydney de convention internationale sur les engins mobiles offshore prévoyait en son article 2 l’application du corpus juridique relatif à l’abordage, aux dommages subis ou causés par les plates-formes pétrolières: «Un Etat contractant qui est également partie [aux Conventions internationales de 1910, 1952] doit appliquer aux engins les règles de cette ou de ces conventions qui ne leur seraient pas applicables autrement ». 163 Both-to-blame collision clause : « If the Vessel comes into collision with another ship as a result of the negligence of the other ship and any act, neglect or default of the Master, mariner, pilot or the servants of the Owners in the navigation or the management of the Vessel, the Charterers will indemnify the Owners against all loss or liability». 97 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION II- L’assistance maritime : On connaît toute l’importance de l’assistance maritime, institution emblématique de la solidarité des gens de mer. Brièvement les règles encadrant le régime de l’assistance sont en ce qui concerne le droit français, la Loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer et son Décret d’application du 19 janvier 1968164. Au niveau contractuel, la charte-partie type d’affrètement à temps de navires de services à l’offshore pétrolier, « Supplytime 2005 », vise le sauvetage et l’assistance maritime aux termes de sa clause 18 (15 de la version 1989). Elle prévoit un régime d’application stricte avec notamment la possibilité incontestable pour le navire de se dérouter aux fins de porter assistance et également une notable exception au régime de la clause «Knock for Knock » aux termes de laquelle l’affréteur devra indemniser le fréteur de tout dommage, conséquences en terme de responsabilité découlant des morts, lésions, pertes ou dommages aux actifs ou personnes découlant de cette assistance. Deux hypothèses sont ici à distinguer pour les besoins de notre analyse : - Premier cas, un navire est en difficulté et demande assistance aux environs de la plateforme, celle-ci, même mobile ne peut pas se mouvoir pour donner l’assistance requise au navire en perdition. Cette situation va donc concerner les navires qui sont à son service et correspondre en fait à une situation d’assistance classique entre navires régie par les dispositions de la Convention de 1989 et par la Loi française de 1967. - Dans une seconde hypothèse, la plate-forme pétrolière est en danger de couler ou de subir un dommage imminent, par exemple par suite d’un abordage, la structure menace d’exploser. Cette dernière envoie un message de détresse qui est perçu par un des navires qui est attaché à son service. Il est assez fréquent, comme nous le verrons infra, dans la présentation de cas pratiques, que lors d’un telle situation, l’un des navires affecté au service de la plate-forme et doté d’une fonction de remorquage comme les A.H.T.S. se portent au secours de la structure. Il semble que l’application de la Convention de 1989 dusse être écartée dans cette situation, sous certaines réserves toutefois (§-1).Une telle exclusion, certes voulue comme anticipative u 164 Loi n°67545 du 7 juillet 1967 et Décret n°6865 du 19 janvier 1968. 98 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier profit d’un futur texte normatif est désormais critiquable et dont la portée doit être tempérée (§-2). §-1- Exclusions des plates-formes du régime de l’assistance par le droit international : A- Une exclusion expresse… : Aux termes de l’article 3 de la Convention du 28 avril 1989 : «La présente convention ne s’applique pas aux plates-formes fixes ou flottantes ou aux unité mobiles de forage au large lorsque ces plates-formes sont affectées, là où elles se trouvent à l’exploration, à l’exploitation ou la production de ressources minérales du fond des mers ». Le régime de l’assistance maritime ne s’étend donc pas aux structures offshore aux termes de ces dispositions. La raison qui explique cette exclusion expresse des structures est le vœu du législateur international de ne pas ne pas interférer avec la future élaboration d’un texte international spécifiquement dévolu à ce type de structure. B- …dont la portée est limitée… : Selon J-F REBORA165, la portée de cette exclusion doit être tempérée. En effet à la lecture de l’article 3 de la Convention de 1989 en sa version anglaise («This Convention shall not apply to fixed or floating platforms or to mobile offshore drilling units when such platforms are on location engaged in the exploration, exploitation or production of sea-bed minerale resources166”), on s’aperçoit que celle-ci prend en considération l’activité de la plate-forme au moment où celle-ci reçoit l’assistance. Pour le Professeur N. GASKELL167, quatre cas de figure doivent être envisagés : - Le premier cas ne pose pas de problème : Celui de l’assistance portée à une plate-forme qui mène réellement des opérations d’extraction ou d’exploitation sur site au moment où 165 REBORA J-F., « L’assistance maritime », Thèse avec préface de P. Bonassies, Presses Universitaires d’AixMarseille III, 2003. 166 Traduction libre: «La présente convention ne s’applique pas aux plates-formes fixes ou flottantes ou aux unités mobiles de forage au large lorsque des plates-formes sont engagées là où elles se trouvent à l’exploration,à l’exploitation ou la production de ressources minérales du fond des mers». 167 GASKELL N., « The 1989 Salvage Convention and the Lloyd’s Open Form Salvage agreement 1910», Tulane Maritime Law Journal, 1991, Volume 16, p. 31. 99 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier l’assistance maritime leur parvient. Cela correspond formellement à la situation visée par l’article 3, donc le régime de la Convention de 1989 ne s’applique pas. - Dans une seconde hypothèse : Les secours sont portés à une plate-forme n’effectuant pas techniquement de mission d’exploration, d’exploitation ou de production, mais qui est présente sur le champ pétrolifère. Si une mince divergence apparaît ici entre les termes de la version française (« […] lorsque ces plates-formes sont affectées, là où elles se trouvent à l’exploration, à l’exploitation ou la production ») et ceux de la version anglaise (« […] are on location engaged in the exploration, exploitation or production […] »), elle doit être résolue par une interprétation stricte de cet article. Il ressort donc que ce n’est que dans l’hypothèse d’une présence en quelque sorte active que la plate-forme perd le bénéfice des dispositions de la Convention de 1989. - La troisième possibilité à envisager pose indiscutablement moins de difficultés : La plateforme pétrolière ne se trouve ni sur le site, ni dans une situation de réalisation de l’une des trois opérations d’extraction, d’exploitation ou de production. On peut imaginer par exemple le cas où la plate-forme effectue un trajet vers le gisement en mer par ses propres moyens de propulsion (si elle en est dotée) ou par le biais d’un remorquage hauturier. La structure se trouve donc dans le champ d’application de la Convention sur l’assistance. - Quatrième et dernière éventualité : Il s’agit d’une alternative tout à fait différente des précédentes: L’acheminement de la plate-forme par un transport sur barge spéciale (ce que nous avons évoqué lors de notre présentation typologique des structures offshore en première partie de cette étude).Ici, la plate-forme devient littéralement une marchandise au sens de l’article 1er c168) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924169. Une telle marchandise n’étant ainsi pas exclue du régime de la Convention. Cela est d’ailleurs visé par l’article 1(c) du texte selon lequel « […] tout bien […] » est concerné par la Convention de 1989 sur l’assistance maritime. En ce qui concerne les unités de production et de stockage en mer (F.P.S.O. et F.S.O.), les assistances portées à ces derniers seront exclues du régime de la Convention de 1989 dès lors que ces unités exécutent au moment de l’assistance, leur mission d’extraction, d’exploitation ou de production. A l’inverse, ils bénéficient de ses dispositions pour tout secours qui leur est 168 « "Marchandises" comprend biens, objets, marchandises et articles de nature quelconque […] », cela paraît pouvoir s’appliquer aux plates-formes pétrolières. 169 Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par le Protocole du 23 février 1968. 100 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier portée durant leur navigation sur site (à condition de ne mener aucune opération offshore) ainsi qu’en dehors de la zone d’exploitation du champ pétrolifère. C- …mais une exclusion critiquable en terme de sécurité juridique : Comme on l’a vu plus haut la promulgation d’un texte dédié au régime juridique des engins offshore est plutôt longue à venir si l’on en juge par les revers qu’ont essuyé le Projet de Rio170 ainsi que le Projet de Sydney. Ainsi, dans cette situation d’immobilisme normatif, on peut douter toujours dans une acception de sécurité juridique de l’opportunité d’une telle exclusion qui est de plus d’une portée limitée, ce que nous venons d’envisager précédemment. Il serait à notre avis juste d’appliquer les règles de l’assistance maritime telles que régies par la Convention de 1989 à tous les engins offshore (plates-formes fixes ou flottantes et Unités Flottantes de Production et de Stockage). En effet, le principe de la solidarité des gens de mers doit jouer à l’endroit de tous car il a pour fondement un devoir impératif moral trouvant naissance dans les périls de la mer encourus par tous les marins, peu importe le type de navire sur lequel ils sont embarqués. De plus les règles de l’assistance ont pour autre finalité de permettre la protection des navires et des équipages contre le marchandage de sauveteurs abusifs qui pourraient invoquer des rémunérations manifestement déraisonnable au vu des opérations menées. Mais exclue par le texte international, l’assistance portée à ces structures reste soumise au droit français (§-2). 170 Au même titre que l’abordage, le Projet de convention internationale de Rio ménageait une place à l’assistance maritime au travers de son article 3 en prévoyant qu’ « Un Etat contractant qui est également partie à [La convention 1910 et son Protocole de 1967] doit appliquer aux engins les règles de cette convention, ou de la convention avec le protocole, qui ne leur seraient pas applicable autrement » 101 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-2- L’assistance en mer des plates-formes pétrolières par des navires de services est soumise au droit français : Fussent-elles, dans certains cas, exclues du champ d’application de la Convention du 28 avril 1989 sur l’assistance, ces bâtiments sont soumis en droit français aux dispositions de la Loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer. L’article 9 de la Loi prévoit en son alinéa second que «Tous engins flottants sont assimilés, selon le cas, soit aux navires de mer, soit aux bateaux de navigation intérieure, pour l’application de l’alinéa précédent ». Cette disposition permet d’attribuer la qualité d’assisté aux plates-formes pétrolières. C’est une position du législateur français qui possède le grand mérite de la clarté, de la transparence et de la sécurité juridique. Il faut noter par ailleurs que la Police française d’assurance sur corps d’unités mobiles de forage ou de production du 26 avril 1989 prévoit à son article 25 qu’« En cas d'assistance à l’unité assurée, la part lui incombant dans la rémunération d'assistance est à la charge des assureurs sous réserve, le cas échéant, d'une réduction proportionnelle à la valeur agréée». Cela montre la réelle prise en compte des structures offshore en tant que possibles bénéficiaires du régime de l’assistance. 102 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION III- Les avaries communes : §-1- Notions : Il s’agit ici de l’institution du droit maritime qui, outre le fait qu’elle est comme l’assistance une rémanence de la solidarité des gens de mer, est celle qui présente le plus d’originalités au regard du droit commun. On entend par avaries communes « […] les sacrifices faits et les dépenses extraordinaires exposées pour le salut commun et pressant des intérêts dans une expédition maritime171. [Mais] il ne doit y avoir en aucun cas contribution pour une dépense ou un sacrifice non raisonnablement effectué ou encouru172». Il est sage de préciser que ce n’est pas l’avarie qui est commune mais seulement la dépense qui sera engagée pour y faire face utilement. C’est une construction juridique dont la trace est déjà présente dans l’Antiquité avec notamment un texte de droit romain, la Lex rhodia de jactu. Les textes la régissant sont au niveau international, les Règles de York et d’Anvers, normes privées adoptées depuis 1890 par l’International Law Association et dont la dernière modification substantielle remonte à 2004 lors de la Conférence du Comité Maritime International à Vancouver173. Au niveau national, les dispositions consacrées à l’institution sont la Loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer et son Décret d’application du 19 janvier 1968. Au sein de la «Supplytime », la clause 26 « General Average and New Jason Clause» (« Supplytime 2005 ») est dédiée à cette règle classique du droit maritime, avec on le remarque une tournure spéciale au travers de la clause New Jason174 qui vise la pratique américaine. 171 Définition des avaries communes aux termes de l’article 24 de la Loi du 7 juillet 1967 sur les évènements de mer. 172 Note de l’auteur : Cette précision qui a pour but de préciser l’interprétation des Règles est le résultat de la Conférence du C.M.I. en octobre 2004 173 DM, 2005.405. 174 «General Average shall be adjusted and settled in London unless otherwise stated in Box 33, according to York/Antwerp Rules, 1994, as maybe amended». 103 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-2- L’assistance entre navires de services et plates-formes pétrolières et les avaries communes : L’examen de l’application des avaries communes dans le cadre de notre problématique ne pourra se faire sans que préciser notre angle d’approche. Certes l’on pourrait chercher à appliquer ce régime juridique vis-à-vis du matériel transporté sur un des « supply vessels » affectés au service de la plate-forme pétrolière ou encore au sacrifice d’éléments (appareils de production,…) de la plate-forme elle-même dans l’intérêt de tous. Mais là n’est pas la question car cela ne concerne les acteurs de notre problème de droit que d’une manière sporadique et séparée. Ce qu’il importe de prendre en compte est l’admission en avaries communes des dépenses inhérentes aux opérations d’assistance. Selon la très belle formule dont nous empruntons la finesse à nos maîtres, MM. P. BONASSIES et C. SCAPEL, on peut admettre en avaries communes, deux type d’éléments : D’une part les « avaries-dommages » et de l’autre les « avaries-frais »175. Ces dernières correspondent aux frais engagés en tant que sacrifice volontaire par le capitaine (ou en l’espèce la personne qui dirige les opérations sur la plateforme pétrolière) dans l’intérêt commun. La rémunération d’assistance rentre donc dans le concept d’avaries communes176( toutefois l’indemnité spéciale177 dévolue à l’assistant qui a évité ou tenté d’éviter une pollution ne peut pas être classée en avaries communes). Dans notre cas, imaginons l’assistance portée à la plate-forme par un des navires de service croisant sur site. L’indemnité qui sera par la suite déterminée et qui devra être perçue178 par l’assistant ne pourra être admise en avaries communes qu’à partir du moment où elle satisfait aux trois critères : d’un sacrifice résultant d’un acte volontaire face à un danger couru par l’expédition et qu’enfin cette dépense ait été faite dans l’intérêt commun de l’expédition. Notons que ceci peut être transposé dans le cadre de l’assistance portée par un navire de service depuis le site à un navire tiers en difficulté. 175 BONASSIES P. et SCAPEL C., Traité de droit maritime, déjà cité, n°533, p.356. 177 Article 14 de la Convention du 28 avril 1989 sur l’assistance. La police française d’assurance sur corps d’unités mobiles de forage ou de production du 26 avril 1989 prévoit en son article 22 consacré aux avaries communes que «La contribution du navire aux avaries communes est à la charge des assureurs sous réserve, le cas échéant, de réduction proportionnelle à la valeur assurée, diminuée, s'il y a lieu des avaries particulières à leur charge. En ce qui concerne le règlement entre assureurs et assuré, il n'est en rien dérogé au présent contrat, les règlements d'avaries communes étant éventuellement redressés en conformité de ses dispositions». 178 104 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION IV : La limitation de responsabilité de l’armateur et du propriétaire de plate-forme pétrolière : Notions : Principe original et tout à la fois angulaire du droit maritime, la limitation de responsabilité ou plutôt la limitation de réparation est d’une utilité cruciale pour les propriétaires de plates-formes pétrolières au même titre que pour les armateurs de navires de service. En effet on imagine sans mal, étant donné la masse des intérêts financiers en présence, la portée avantageuse de la limitation d’indemnisation par le truchement de la constitution d’un fonds de limitation. La limitation de responsabilité est régie au niveau international par la Convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes179et son Protocole modificatif du 2 mai 1996, ainsi qu’en droit français par la Loi du 3 janvier 1967 sur le statut des navires et son Décret d’application du 27 octobre 1967, le texte de loi ayant été modifié par une Loi du 21 décembre 1984. Ces textes ont pour objet la définition et la détermination des conditions et du montant de la limitation de responsabilité des propriétaires de navire. Le champ d’application de la limitation de responsabilité concerne les créances de responsabilité contre l’armateur ainsi que toutes les créances nées de l’exploitation du navire,…Mais si les créances issues des opérations d’assistance entrent dans ce cadre, en revanche celles inhérentes aux indemnités d’assistance ou aux contributions en avaries communes en sont exclues. C’est une exigence de sécurité juridique qui est également à l’œuvre ici. Effectivement dans une hypothèse de dommage commun à une plate-forme et un navire de service, le risque de déséquilibre est grand dans la mesure où seul l’armateur du navire bénéficierait de la possibilité de limiter sa responsabilité. Jusqu’à présent en ce qui concerne l’attention portée à l’applicabilité des institutions du droit maritime aux situations découlant de notre sujet, nous avons procédé à l’étude des relations entre les protagonistes (leur abordage, l’assistance portée à l’un par l’autre…), il s’agit désormais de scinder notre recherche pour aborder chacun de ces acteurs séparément. En effet, la limitation de responsabilité est un régime qui est mis en œuvre « personnellement » par chacun des propriétaires à l’issue de la survenance d’un incident dommageable. 179 Convention de Londres également désignée par l’acronyme anglais LLMC. 105 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Examinons ainsi successivement l’invocation de la limitation de responsabilité par le propriétaire de la plate-forme (§-1) avant d’envisager sa mise en oeuvre par l’armateur du navire de service (§-2). §-1- L’invocation de la limitation de responsabilité par les propriétaires de plates-formes : On ne trouve de définition du navire ni dans la Convention internationale ni au sein des dispositions de la Loi française. Cette absence renvoie donc pour l’applicabilité de ces textes au statut de navire (Première partie, Chapitre Premier, Section II). Ainsi, à partir du moment où la plate-forme pétrolière possède le statut juridique de navire, rien ne s’oppose, selon nous, à ce que les règles déterminant les conditions et le montant de la limitation de responsabilité des propriétaires de navires s’appliquent à de telles structures. Il semble donc tout à fait possible que le propriétaire d’une plate-forme à ligne tendue, d’une navire de forage, d’un F.P.S.O., d’un F.S.O., d’une plate-forme semi-submersible (à positionnement dynamique ou non) puisse faire appel à la limitation de responsabilité, par exemple dans le cas d’une créance résultant d’un dommage causé directement par leur exploitation. §-2- La limitation de responsabilité et les navires de services : les relations entre armateur et affréteur : Si dans une telle situation, classique au demeurant, les règles de la limitation de responsabilité s’appliquent sans controverse, il est tout de même un point où le débat fait rage et qui, bien que lié au droit maritime général (A) a des répercussions évidentes en terme d’affrètement de navires à l’offshore pétrolier (B). A- La jurisprudence « CMA-DJAKARTA » et ses conséquences sur la limitation de responsabilité de l’affréteur: C’est un arrêt rendu par la Court of Appeal qui a suscité un débat qui, dépassant le cadre du droit maritime classique a eu d’importantes répercussions dans le secteur des services maritimes à l’offshore pétrolier. Le 9 avril 1999, la compagnie CMA CGM a affrété à temps 106 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier le navire CMA Djakarta auprès de la société Classica Shipping Co. Ltd. Le 10 juillet 1999, suite à une explosion et à un incendie à bord provoqués par la présence dans deux containers d'un agent de blanchiment contenant de l'hypochlorite de calcium, le navire ainsi que la cargaison ont subi des avaries importantes. Assistance a été portée au navire pour éteindre l'incendie, et ce avec succès. Le propriétaire du navire et son assureur corps ont obtenu, par sentence arbitrale rendue à Londres au mois de janvier 2002 notamment la condamnation de l'affréteur au versement d'une somme correspondant en premier lieu, aux frais exposés pour la réparation des dommages causés au navire, à l'indemnité d'assistance… Dans le même temps, l'affréteur a constitué auprès du Tribunal de Commerce de Marseille un fonds de limitation conformément à la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes. La Cour de l'Amirauté180 a estimé en première instance que l'affréteur ne disposait d'aucun droit à limitation à l'égard des créances invoquées par le fréteur du navire. Décision s’appuyant sur un précédent dégagé par le Juge THOMAS dans l’affaire Aegean Sea181 selon lequel un affréteur n’a le droit d’invoquer le limitation de responsabilité que dans le cas où il agit en tant que propriétaire du navire. Toutefois, la Court of Appeal182 va adopter le 12 février 2004, une solution différente en admettant le droit pour les affréteurs d’invoquer la limitation de responsabilité au sens de la Convention de 1976 pour les réclamations entrant dans le champ d’application de son article 2. B- L’impact sur le secteur des services maritimes à l’offshore pétrolier : Ce jugement a eu un impact sérieux sur le secteur de l’offshore pétrolier. En effet les contrats standards qui sont utilisés dans ce cadre comme la charte-partie type « Supplytime » sont basés, comme nous l’avons vu, sur un régime « Knock for Knock » de répartition équilibrée entre les cocontractants des conséquences d’un dommage. La position jurisprudentielle retenue dans la décision « Aegean Sea » était très favorable au fréteurs étant donné que ceuxci pouvaient restreindre le champ de leur obligation d’indemniser les affréteurs par le biais d’une stipulation contractuelle appropriée tandis que les juges refusaient ce bénéfice aux 180 « CMA Djakarta » [2003] 2 Lloyd’s Report. 50. « Aegean Sea » [1998] 2 Lloyd’s Report. 39. 182 « CMA Djakarta », Court of Appeal, [2004] 2 Lloyd’s Report, 460. 181 107 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier affréteurs. La jurisprudence « CMA Djakarta » octroie désormais le même droit aux affréteurs. Les spécialistes de ce domaine se sont immédiatement inquiétés de l’impact de cette décision sur la branche des services maritimes à l’offshore pétrolier. C’est ainsi que dès décembre 2004, B. JENNINGS, directrice du département offshore du Standard P&I club exprimait ses craintes183. Ce, dans l’attente d’un jugement de la Chambre des Lords à laquelle l’affaire était désormais confiée. Mais cette décision des Lords Justices n’a pas pu être rendu puisqu’une conciliation commerciale a eu lieu entre les parties184, privant les praticiens d’une solution fortement attendue. Désormais, la jurisprudence de la Court of Appeal étant maintenue, il est désormais possible aux affréteurs d’invoquer la limitation de responsabilité vis-à-vis de certaines créances (1), ce qui entraîne une situation juridiquement inconfortable (2), mais face à laquelle, les fréteurs ne sont pas totalement impuissants (3). 1) Le champ d’application de la limitation de responsabilité de l’affréteur : La Convention de 1976, en son article 2 alinéa 1er (a), ne prévoit de limitation que pour les créances nées de dommages dont la survenance a eu lieu à bord du navire ou du fait de l’exploitation du navire mais pas ceux causés au navire lui-même. Pour certains P&I clubs185, la jurisprudence « CMA Djakarta » vise les créances relatives à la marchandise tels que dommages, frais liés à sa préservation…Mais en sont exclues, celles consécutives aux pertes et/ou dommages causés au navire, les indemnités d’assistance, les contributions aux avaries communes, les frais engendrés par un déroutement, au transbordement ou à une substitution de navire… 183 JENNINGS B., «Charterer’s right to limit liability on the line again: The forthcoming House of Lords hearing on the CMA Djakarta has wide ranging implication for the offshore industry», Lloyd’s List – Décembre 2004, www.standard-offshore.com . 184 MURUGASON S., «The english Court of appeal’s decision in the CMA Djakarta upholding the charterer’s right to limit against shipowners will not now be appealed to House of Lords». 185 The Standard Offshore Forum, 4 novembre 2004, intervention de NG W., support powerpoint disponible sur www.standard-offshore.com. 108 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 2) Une situation juridiquement inconfortable : Cette nouvelle situation expose désormais les propriétaires de navires à des réclamations très élevées étant donné que ces derniers ne sont plus en mesure de recouvrer la totalité des indemnités auprès de leurs affréteurs. D’autre part, le droit à limitation tel que reconnu désormais à l’affréteur est indépendant de celui dont bénéficie traditionnellement le propriétaire du navire. On peut donc se trouver dans une situation dans laquelle l’affréteur est admis à bénéficier de la limitation quand le fréteur ne l’est pas. Ceci entraînant un déséquilibre des plus périlleux pour le fréteur. Il faut ajouter à cela que le fréteur invoquant le bénéfice de la limitation de responsabilité, pourra parallèlement voir une Cour ou un Tribunal autoriser un affréteur à limiter sa responsabilité par référence au même fonds que le fréteur. Cela revenant pour ce dernier à être indemnisé par son propre fonds. Ce qui n’est sûrement pas la situation qu’avaient à l’esprit les rédacteurs de la Convention de 1976. 3) Une forte résistance dans la pratique : Fort de cette tendance jurisprudentielle, les affréteurs font désormais pression pour se voir expressément accorder le droit à limiter leur responsabilité. Mais il est certain que sur le terrain contractuel et surtout lors des phases de négociation, une farouche résistance à telle pratique s’instaure. Effectivement, en plus d’augmenter l’exposition financière du fréteur, la limitation de la responsabilité de l’affréteur est en porte-à-faux avec la quasi-totalité des conventions d’assurance conclues dans ce secteur en considération des standards de l’International Group Pooling Agreement. Indéniablement, cela va rendre de plus en plus ardue la satisfaction concomitante des exigences en matière d’assurance et l’exécution correcte des Chartes-Parties. Les P&I recommandent donc, de stipuler des clauses de limitation de responsabilité à partir des Chartes-Parties types selon l’exemple de la clause de limitation mutuelle de la «Supplytime 1989 » et 2005. L’idéal étant de ne réserver le droit d’invoquer la limitation de responsabilité qu’à l’armateur ou bien ni à ce dernier ni à l’affréteur. Mais dans aucun cas le fréteur ne doit y renoncer. 109 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Pour conclure sur cet ardent débat juridique, en l’absence de décision rendue par la House of Lords sur ce point, il faut convenir de la possibilité, sous réserve de clauses contractuelles contraires, pour l’affréteur de limiter sa responsabilité vis-à-vis du propriétaire du navire. Ceci étant tout de même conditionné par la nature de la créance maritime invoquée. 110 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE TROISIEME : Contentieux et cas pratiques Etudier le contentieux et le mode de règlement des litiges à l’œuvre dans le secteur de l’offshore pétrolier n’est pas tâche aisée. Malgré l’existence d’incidents dus à des fortunes de mer diverses, il faut constater que le mode de règlement des litiges privilégié est la voie de la transaction commerciale et le recours à l’arbitrage. Les voies judiciaires sont ainsi moins fréquemment sollicitées (Section Première). L’étude de quelques cas pratiques permettra au lecteur d’obtenir une certaine vision pratique des incidents dans cette branche si spécifique de l’économie maritime (Section Seconde). SECTION I- Un domaine au contentieux limité : §-1- La prévalence d’un règlement « consensuel » des litiges : La grande majorité des litiges en raison de la dangerosité économique de leur issue pour les opérateurs de navires de services à l’offshore pétrolier font l’objet d’un mode de règlement non contentieux. Cette voie de résolution « pacifique » prend le plus souvent la forme d’une négociation aboutissant souvent à des transactions commerciales (A) mais peut aussi faire l’objet d’une procédure de médiation (B). A- Le recours à la transaction commerciale : De surcroît, la spécificité de ce marché créée des relations d’affaires suivies et l’avènement d’une relative confiance mutuelle. Les parties soucieuses d’économiser temps et argent sont partisanes d’un mode de règlement des différends rapide et efficace qui permettra de préserver la qualité des relations commerciales futures entre les deux parties186. En effet, la compétition est rude en ce secteur et le moindre incident peut affecter irrémédiablement la réputation d’un opérateur. 186 DUBISSON M., «La négociation des marchés internationaux”, éd. du Moniteur, p. 229, 1982. 111 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier Certains usages sectoriels régissent les relations entre les cocontractants durant la période suivant la survenance d’un dommage sur le site entre un navire de service et l’engin d’exploitation. La transaction est ainsi privilégiée autant que faire se peut, afin de concilier les divers intérêts en présence187. Cela provient autant de la spécificité du marché (hautement concurrentiel on l’a vu) mais également de l’impact du moindre dommage sur les comptes financiers de l’opérateur des navires. C’est cette même philosophie qui imprègne les dispositions contractuelles consacrées à la renonciation mutuelle à recours. Certaines compagnies pétrolières font même bénéficier les opérateurs de leur couverture d’assurance. Les solutions aux litiges sont ainsi très souvent trouvées au travers des régimes d’assurance ou de la négociation entre les parties elles-mêmes. Il n’y a pas de règles formelles de négociations, les manières de faire diffèrent d’une compagnie à l’autre. B- La médiation : A la différence de la conciliation, la médiation n’est pas une phase préalable d’un procès. Il s’agit au contraire d’une procédure autonome consistant en l’interposition d’une tierce personne, sur l’identité de laquelle les parties sont d’accord, qui va proposer une solution. Le recours à cette modalité est expressément prévu par la charte-partie type « Supplytime » laquelle prévoit en effet que nonobstant les dispositions relatives à l’arbitrage, les parties à la charte pourront avoir recours à une médiation et en fixe le régime (Clause 34 de la version 2005). La médiation est encadrée par le Tribunal arbitral dont la compétence est prévue par la clause compromissoire, puisque ce dernier intervient à de nombreux égards dans son déroulement. La charte-partie prévoit même la possibilité de soumettre en parallèle le litige à l’arbitrage.La médiation débute par l’envoi d’une proposition écrite de recours à cette procédure (la « Mediation Notice ») par l’une des parties à son cocontractant. L’autre partie doit donner son accord ou signifier son refus dans un délai de 14 jours à compter de la réception de cette proposition. Deux cas sont à distinguer selon l’acceptation ou le refus de la médiation : - L’autre partie accepte : Les parties ont alors 14 jours pour convenir d’un médiateur. A défaut, c’est le tribunal arbitral ou une personne spécialement chargée de cette mission qui 187 La présence d’avocats-conseils est fondamentale ne serait-ce que pour bénéficier d’une sensibilité juridique quant à la force de l’argument commercial. Il existe dans certaines sociétés des «in house lawyers» en charge de ces transactions. 112 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier en nommera un. Chaque partie à la médiation doit avertir le Tribunal arbitral de son acceptation. Si une procédure arbitrale a été engagée en amont par les parties, cela n’a aucun effet sur la médiation mais les arbitres doivent en tenir compte dans la fixation de l’emploi du temps procédural de l’arbitrage. - Si l’autre partie refuse la médiation : La clause 34 d (iii) prévoit que ce refus pourra être pris en compte par le Tribunal arbitral lorsque celui-ci procédera à la répartition des coûts de l’arbitrage entre les cocontractants. La « Supplytime » prévoit ensuite des dispositions générales relatives à la médiation :Sauf accord contraire des parties quant à la médiation, chacun supporte ses propres coûts de procédure et les frais liés. La rémunération du médiateur est répartie équitablement entre les parties. La confidentialité est imposée dans le cadre de toute la médiation, au niveau des parties comme du médiateur188. Des médiations «ad hoc » sont également envisageables entre les compagnies pétrolières et les fournisseurs de services maritimes à l’offshore, cela tendant à se rapprocher fortement de la négociation ou de la transaction commerciale. Un domaine est assez fréquemment l’objet de ce mode de règlement des conflits : il s’agit des dommages subis par les personnel des navires ou des structures d’exploitation (lésions corporelles ou autres, décès…). Il peut arriver que les contrats ne prévoient pas de régime « Knock for Knock » quant à la répartition des conséquences pécuniaires de ce type de dommage. S’ensuivent très fréquemment des négociations entre les conseils des victimes (ou de leurs ayants droits en cas de décès) et les opérateurs ou les compagnies pétrolières. Aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, les indemnités allouées aux victimes sont parfois très importantes189. 188 Ce que rappelle la « Supplytime 200 5 » au sein de la clause 33 intitulée « Confidentiality ». Aux Etats-Unis, ces transactions permettent à la victime d’obtenir l’allocation d’indemnités vertigineuses sans commune mesure avec celles qui sont admises sous l’empire de notre droit. Il existe même des avocats spécialisés dans ce domaine et qui se décrivent comme des « Jones Act lawyers » du nom du texte établissant le régime juridique des dommages corporels causés aux personnels de structures offshore. 189 113 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier §-2- Le mode contentieux de règlement des litiges : Deux voies contentieuses sont ouvertes aux parties, le règlement judiciaire et l’arbitrage. Pour d’impérieux motifs de discrétion et de rapidité quant à la résolution du litige, les opérateurs ont plus fréquemment recours à l’arbitrage (A). Mais il arrive que les parties à un différend choisissent (ou qu’il leur soit imposé) un règlement judiciaire du différend qui les opposent (B). A- L’arbitrage : Si les transactions n’aboutissent pas, comme cela peut être le cas pour des incidents entraînant des conséquences pécuniaires très élevées. La voie de règlement «extrinsèque» favorisée est très souvent le recours à l’arbitrage. La plupart des chartes-parties conclues dans ce secteur contiennent une clause compromissoire renvoyant à une chambre arbitrale londonienne où certains arbitres sont spécialisés dans ce domaine et possèdent de surcroît une très bonne connaissance du type de Chartes-Parties usitées. En ce qui concerne l’imprimé type « Supplytime », les clauses 34 (imprimé 2005) et 31 (1989) contiennent les références relatives à la chambre ou au tribunal arbitral compétent pour les litiges s’élevant dans le cadre de l’exécution de la Charte-Partie type. Trois places sont visées : - Londres: « […] any dispute arising out of or in connection with this Charter Party shall be referred to arbitration in London […] ». New York: « […] any disputes arising out of or in connection with this Charter Party shall be referred to three persons at New York […] ». Lieu convenu d’un commun accord par les parties: « […] any dispute arising out of or in connection with this Charter Party shall be referred to arbitration at a mutually agreed place […] ». Les Chartes-Parties conclues entre des cocontractants français peuvent renvoyer en cas de litige à la compétence de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris. Mais dans d’autres cas il peut s’agir d’un arbitrage soumis à la Chambre de Commerce International (à Paris) ou encore à un tribunal arbitral « ad hoc ». S’agissant des règles de procédure applicables, aucune spécificité notable quant aux règles du droit de l’arbitrage. En ce qui concerne les places explicitement nommées par une clause compromissoire, les règles qui trouveront à s’appliquer dans le cadre de l’instruction et de la solution du litige sont les règles du lieu de l’arbitrage. Ainsi pour un arbitrage à Londres, la 114 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier « Supplytime » prévoit que les règles de l’Arbitration Act de 1996 s’appliqueront en leur état au litige en question ainsi que les dispositions du règlement de la London Maritime Arbitrators Association (LMAA) telles qu’en vigueur au jour du début de la procédure d’arbitrage. Pour les arbitrages effectués à New York, les règles procédurales idoines sont celles édictées par la Society of Maritime Arbitrators. Enfin s’agissant des arbitrages en une place convenue par les parties, la procédure sera encadrée par le droit local « […] subject to the procedures applicable there ». La composition des tribunaux arbitraux en charge de ce type de contentieux est classique190 (trois arbitres, chacune des parties en désigne un et le troisième est désigné d’un commun accord). Mais rien n’empêche qu’un seul arbitre (« […] sole arbitrator […] ») soit nommé de manière consensuelle par les parties. B- Le recours au juge : La saisine du juge est en général prévue par une clause de compétence. En l’absence de cette précision, ce sont les règles du droit international privé qui permettront de déterminer la juridiction compétente (selon les critères que nous avons présenté dans la Seconde partie in fine de ce mémoire191). Un tel recours est, en général beaucoup moins coûteux que les procédures d’arbitrage. Le recours juridictionnel peut, dans certaines circonstances être imposé aux parties par le lieu de l’exploitation ou par la loi de l’Etat dans les eaux duquel les activités de production sont conduites. Il en va ainsi de certains pays du Moyen-Orient par exemple. Mais dans un secteur tel que l’offshore pétrolier, il est très rare que les parties privilégient la voie judiciaire, préférant la discrétion du monde des affaires192 à une exposition médiatique. 190 « The reference shall be to three arbitrators […] ». Cf. page 69 et s. 192 C’est ainsi que la Supplytime prévoit que la confidentialité sauf disposition procédurale contraire s’impose vis-à-vis du tribunal arbitral (Clause 34 d) (vii)). 191 115 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier SECTION II- Cas pratiques : La finalité de cette section est avant tout de proposer au lecteur une perspective pratique des incidents et de leur résolution par les parties en présence à l’aide des régimes juridiques dont nous avons présentés les grandes caractéristiques dans le cadre de notre étude. Nous étudierons donc présentement deux cas pratiques (§-1 et §-2) qui nous ont semblés pertinent et véritablement démonstratifs de l’esprit propre au secteur des services maritimes à l’offshore pétrolier. Nous avons également eu le soin de rechercher193 des illustrations mettant aux prises une plate-forme pétrolière et un «supply vessel». §-1- Premier cas pratique : Il s’agit d’un cas typique d’assistance entre une plate-forme pétrolière et un navire affecté à son service. Cela concerne une structure de production semi-submersible sans positionnement dynamique remorqué au sein du site d’exploitation par un navire de type AHTS (« Anchor Handling Tug Supply »). Lors de la manœuvre, une rupture de remorque se produit et la plateforme entame une dérive tandis qu’au même moment une avarie de moteur immobilise le navire de service. Un autre AHTS présent sur site entreprend de porter assistance à la structure dans une mer relativement facile (Golfe de Guinée), et malgré l’inertie, parvient à passer une aussière sur l’engin de production et à l’acheminer à destination où elle est positionnée avec force de soins. Le navire ayant porté secours à la plate-forme pétrolière demande alors le versement à son endroit d’une indemnité d’assistance qui s’élève alors à plusieurs millions de dollars. Un différend naît alors aussitôt entre le fréteur des navires de service et l’affréteur qui n’est autre que la compagnie pétrolière propriétaire de la structure pétrolière. Par le jeu d’une clause compromissoire, l’affaire est tranchée par des arbitres anglais qui décident qu’au vu des circonstances de l’assistance (mer calme) et du fait que l’imminence de la collision invoquée 193 Note de l’auteur : Comme vu supra, la confidentialité est de rigueur au sein de ce secteur y compris pour les étudiants réalisant un mémoire consacré à une telle problématique. C’est par respect pour les personnes nous ayant aimablement communiqué ces informations que nous n’en révèlerons pas les sources. 116 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier par l’armateur de l’« AHTS » était plus théorique que réelle, le montant de l’indemnité à verser devait être diminuée. Cela fut fait et n’a pas été contesté par l’assistant par la suite. §-2- Second cas pratique : Cette espèce concerne à nouveau une plate-forme pétrolière et un navire « AHTS », mais cette fois l’évènement de mer considéré est un abordage. Un navire de type « Anchor Handling Tug Supply » était engagé aux côtés d’une unité de production (un F.P.S.O. en l’occurrence) pour l’exploitation d’un gisement pétrolifère au large de Taiwan. En prévoyance d’un déplacement, le navire de service a entrepris de relever l’une de ses propres ancres lorsque celle-ci a heurté et crevé une des canalisations194 destinées à l’extraction du pétrole depuis le sous-sol marin vers le navire de stockage. Le contentieux qui oppose alors le propriétaire du F.P.S.O. et l’armateur du navire de service porte sur le préjudice consécutif au dommage matériel ainsi que sur la perte de production et de profit (« Consequential damage») relatifs à cet incident. La défense de l’armateur du «supply vessel» fut considérablement affaibli par le fait que le capitaine de ce bâtiment se trouvait être un ancien patron pécheur commandant un tel navire pour la première fois et ne connaissant strictement rien aux pratiques de l’offshore pétrolier. Cette circonstance a certainement dû peser puissamment en la faveur d’une transaction rapide, et cela même après la mise en place d’une procédure d’arbitrage qui fut dès lors abandonnée. On le mesure à la manière dont se sont résolus ces contentieux, il est rare que l’issue des différends soit autre que transactionnelle ou arbitrale. Ceci explique notre difficulté à retrouver des exemples contentieux à proprement parler195. 194 Dans le jargon de l’offshore pétrolier, on parle de «riser». Note de l’auteur : Nous envoyons donc le lecteur à se référer avec intérêt à l’arrêt rendu par la Cour de District pour le District Est de Louisiane en septembre 1985, déjà cité en note n°157. 195 117 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE : Les risques et les dommages auxquels sont soumis les structures offshore ainsi que les navires qui en assurent le service sont d’une ampleur considérable en comparaison d’activités maritime plus traditionnelles. En effet, outre les dangers d’explosion, de blessures ou de mort pour le personnel ou les équipages, et les risques pour l’environnement, l’écho financier d’un incident comme un abordage est considérablement accentué par le coût généré par une perte de profit et/ou une perte de production. Pour tout cela, les analyses de risque et les standards de sécurité tendant à sa diminution sont nombreux. De même, on l’a vu, les couvertures d’assurance atteignent des sommes considérables dans le but de préserver au mieux les intérêts des opérateurs qui sont souvent responsables de leurs propres dommages par le biais du jeu de la clause « Knock for Knock ». L’étude de l’applicabilité des conventions internationales, formant l’ossature du droit maritime général, aux dommages dans le cadre de services maritimes à l’offshore pétrolier nous a conduit à faire un constat amer : Le droit maritime contemporain peine à prendre efficacement en compte les structures parapétrolières offshore et les dommages subis ou causés par elles vis-à-vis des navires de services. Certes le statut de navire que possède nombre de plates-formes ou d’Unités Flottantes est suffisant pour contourner intellectuellement une telle étroitesse. Mais il convient dans un avenir prochain de prévoir (peut-être sur le modèle de l’excellent Projet de Rio de 1977) un régime juridique proprement dévoué à régir les relations maritimes entre les divers engins affectés à l’exploitation et la production des champs pétrolifères. La présentation des modes de règlements privilégiés par les parties confrontées à un différend permet de se rendre compte de l’originalité de ce secteur industriel maritime qui tend à privilégier confidentialité et célérité. 118 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CONCLUSION GENERALE Au cœur de ce mémoire, nous avons présenté le régime juridique applicable en matière de dommages survenants (ou risquant de survenir) dans le cadre des services maritimes à l’offshore pétrolier entre une structure pétrolière et un ou plusieurs navires de service. Cette étude nous a conduit à appréhender un domaine aux caractéristiques particulièrement marquées. S’agissant des caractéristiques techniques du recours aux navires de service lors de l’exploitation des sites pétroliers en mer : Leur présentation était une étape indispensable avant de déterminer à partir de ces données matérielles le statut juridique des structures offshore et des navires de service. La suite du mémoire et notamment l’applicabilité des conventions internationales du droit maritime impliquait que soit résolue la question de savoir si de tels engins sont des navires. Concernant ensuite les aspects économiques et juridiques de l’offshore pétrolier, il faut convenir que ces éléments sont liés. En effet, la place du pétrole dans l’économie mondiale, la différence d’intensité financière entre les compagnies pétrolières et leurs cocontractants induisent des conséquences importantes au moment de la négociation des contrats de mise à disposition des navires de service. Ces contrats dont l’objet est sensiblement différent de ceux couramment répandus dans le secteur de l’offshore pétrolier prennent le plus souvent la forme d’une Charte-Partie d’affrètement à temps dont la rédaction est calquée ou effectuée en complément du document type que les opérateurs ont mis au point au sein de la B.I.M.C.O. Il s’agit de la Charte « Supplytime ». Ces contrats contiennent notamment en leur sein une catégorie de clause emblématique de l’offshore pétrolier et prévoyant la prise en compte des dommages selon un régime équilibré et balancé entre les parties. Par le jeu de ce régime dit «Knock for Knock », les cocontractants assument indépendamment l’un de l’autre le dommage subi par leurs actifs ou leurs personnels et renoncent dans le même temps à exercer un recours contre l’autre partie. C’est armé de la conviction selon laquelle, ce secteur, en plein développement est encore assez mal connu que nous nous sommes attachés dans un premier temps à en préciser les notions et à en présenter les protagonistes dans leurs composantes techniques d’abord, puis 119 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier sous un angle juridique ensuite. L’étape de démonstration juridique consistant en la détermination du statut de navire des structures d’exploitation offshore a permis de trancher cette question tout en posant des jalons cruciaux pour la suite du mémoire. En effet il semblait inexact de raisonner sur la possible (ou impossible) application des grandes conventions maritimes dévolues aux institutions telles que l’assistance ou la limitation de responsabilité de l’armateur, sans connaître au préalable le statut juridique des engins dont les relations sont axiomatiques de cette étude. Les difficultés rencontrées lors de cette opération de qualification, les divergences jurisprudentielles, doctrinales et textuelles qui entourent l’assimilation des installations pétrolières offshore aux navires, nous conduit à appeler de nos vœux la production d’un texte tranchant de manière définitive ce débat. Il nous semble que le droit maritime ne peut désormais plus ignorer un tel secteur et il convient au nom de la sécurité juridique et de la sécurité des intérêts engagés dans de tels projets que les grands textes encore fermés à leur application expresse (on l’a vu, certaines plates-formes étant des navires, ces conventions peuvent s’appliquer aux navires quoiqu’il en soit) aux structures offshore, viennent à appréhender de manière directe de tels bâtiments qui subissent tout autant que les navires les périls de la mer. Le développement de l’offshore pétrolier196 et à ses côtés la croissance de la branche des services maritimes à l’exploitation pétrolière sous-marine implique une cristallisation du statut et du régime juridique des structures pétrolières. Dans le même temps, ce mouvement doit s’accompagner de l’adaptation des grandes institutions maritimes197 aux évènements de mer subis et causés par les plates-formes et les Unités Flottantes dans le cadre de leur rapport avec les navires qui les servent. Ceci peut être réalisé en reprenant et en améliorant l’essence des Projets de Rio de Janeiro et de Sydney. Par exemple en édifiant de toutes pièces une série de règles spécifiques. Ou bien en rendant directement applicables (sans passer par le truchement de la qualification préalable de navire) aux engins comme elles le sont déjà aux navires, toutes les grandes conventions maritimes internationales existantes. Enfin, ce fut la proposition que fit la Norvège au CMI lors de l’élaboration du Projet de Rio, prévoir que les engins soient assimilés juridiquement aux 196 « Cette activité est devenue très lucrative à l’heure où les nouveaux gisements d’hydrocarbures sont souvent découverts en mer et sous des couches d’eau et de roche pouvant dépasser les 8.000 mètres », BEZAT J-M., « Le secteur du forage pétrolier offshore connaît une période faste », Le Monde du 27 juillet 2007. 120 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier navires et par ce biais soumis comme tel, dans l’Etat du pavillon concerné aux lois nationales et aux conventions internationales y trouvant force de loi. Nous pouvons ici conclure à la manière d’A. PIERRON en 1977 ( !198), que « Le rapide développement de la flotte offshore donne au problème son caractère d’actualité […et qu’il s’agit précisément] d’élaborer des règles s’appliquant aux engins [offshore] pour tout ce qui touche à leur exploitation maritime, c’est-à-dire dans les domaines qui leur sont communs avec les navires [et les navires de service] : abordage, assistance, limitation de la responsabilité […] et de parvenir à l’unification internationale de ces règles199. Il convient enfin de relever le notable effort de prise en compte de tels bâtiments fait par l’Organisation Maritime Internationale au sein d’un texte récent. En effet, le 18 mai 2007 à Nairobi était adoptée la Convention internationale sur l’enlèvement des épaves. Aux termes de son article premier alinéa second figure une définition appréhensive du navire qui milite dans le sens de notre démonstration initiale : Est un navire […] un bâtiment de mer de quelque type que ce soit et [cela] englobe les hydroptères, les aéroglisseurs200, les engins submersibles, les engins flottants et les plates-formes flottantes sauf lorsque ces plates-formes se livrent sur place à des activités d’exploration et d’exploitation ou de production des ressources minérales des fonds marins ». Quoique comportant une restriction à la manière de la Convention de 1989 relative à l’assistance maritime ([…] sauf lorsque ces plates-formes se livrent sur place à des activités d’exploration et d’exploitation ou de production […]), ce qui n’est pas sans entraîner une restriction non négligeable de son champ d’application. Toutefois, cette convention est emprunte d’un souci de modernisme et d’ouverture et cela nous fonde à croire en une future prise en compte effective de ce domaine par le biais d’un texte spécifique. 198 Note de l’auteur : Le problème se pose depuis plus de trente années, il importe donc de lui apporter une réponse. 199 PIERRON A., « Projet de convention internationale sur les engins mobiles offshore », DMF 1978.131. 200 Note de l’auteur : Convenons de la perspective moderniste de ce texte qui prend en compte les avancées technologiques les plus poussées du secteur maritime. 121 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES - AHT AHTS Art. : C.A.M.P. C.D.M.T. Cf. Ch. Com. Cie. Cl. C.M.I. DMF : éd. : et al. et s. ex. : FSO FPSO I.M.O. Infra : Km carrés L. L.G.D.J. MPSV n. N-O. n° : obs. O.M.I. Op. cit. p. : P.D.G. PSV R.O.V. Supra V. Via &. % Anchor Handling Tug Anchor Handling Tug Supply Article Chambre Arbitrale Maritime de Paris Centre de Droit Maritime et des Transports Voir Chambre Commerciale Compagnie Clause Comité Maritime International Droit Maritime Français Editions Et autres Et suivants Exemple Floating Storage and Offloading Floating Production Storage and Offloading International Maritime Organization Ci-dessous Kilomètres carrés Loi Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence (Editions) Multi Purpose Supply Vessel Note Nord-Ouest Numéro Observations Organisation Maritime Internationale Déjà cité Page Président Directeur Général Platform Supply Vessel Remotely Operated Vehicle Ci-dessus Versus (acronyme judiciaire anglais) En passant par (énumération) Et/And Pour cent 122 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier BIBLIOGRAPHIE Ouvrages spécialisés et fascicules professionnels : - G.A.R.D. handbook on protection of the marine environment – 3rd edition by Edgard Gold – G.A.R.D AS editions – 2006. 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maritimes à l’offshore pétrolier 133 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 134 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 135 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 136 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 137 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 138 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 139 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 140 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 141 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier ANNEXE N°2: « SUPPLYTIME 1989 » : 142 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 143 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 144 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 145 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 146 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 147 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 148 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 149 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 150 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 151 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 152 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 153 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier TABLE DES MATIERES INTRODUCTION...................................................................................................................... 1 A- Intérêt d’une telle problématique : ........................................................................ 2 B- Délimitation du sujet : ........................................................................................... 4 PREMIERE PARTIE: Notions et statut juridique des éléments en présence ........................... 7 CHAPITRE PREMIER : Définitions et notions des termes de la problématique ................ 8 SECTION I – Notion de « Dommage » : ........................................................................... 8 SECTION II – Présentation des bâtiments dont les relations sont à la base de la problématique :................................................................................................................... 9 §-1- Services maritimes et navires de services: ............................................................. 9 A- Notions :................................................................................................................ 9 B- Typologie raisonnée des navires de service à l’offshore pétrolier : .................... 10 1) Anchor Handling Tug Supply Vessels (AHTS) : ............................................ 10 2) Platform Supply Vessels (PSV) :..................................................................... 11 3) Multi Purpose Supply Vessels (MPSV) :......................................................... 11 4) Fast Crew Supply Vessels :.............................................................................. 11 5) Patrol Vessels :................................................................................................. 12 6) Speciality Vessels : .......................................................................................... 12 7) Autres catégories:............................................................................................. 12 §-2- Offshore pétrolier : plates-formes pétrolières et unités flottantes de production :13 A- Typologie raisonnée des catégories de plates-formes pétrolières :..................... 14 1) Les supports mobiles de forage : ..................................................................... 14 1-1) Les plates-formes auto-élévatrices : ......................................................... 15 1-2) Les navires de forage :.............................................................................. 15 1-3) Les plates-formes semi-submersibles :..................................................... 15 2) Les supports de production : ............................................................................ 16 2-1) Les plates-formes métalliques fixes : ....................................................... 16 2-2) Les structures gravitaires en béton : ......................................................... 16 2-3) Les structures souples :............................................................................. 17 2-4) Les plates-formes à lignes tendues : ......................................................... 18 B- Les Unités Flottantes de Production (FPSO et FSO) : ........................................ 18 1) Les FSO : ......................................................................................................... 19 2) Les FPSO : ....................................................................................................... 19 CHAPITRE SECOND : Qualification juridique.................................................................. 20 SECTION I - Le droit maritime et la notion de navire .................................................... 21 SECTION II - La catégorie pour laquelle la qualification de navire ne posera pas de problème : les « supply vessels »...................................................................................... 24 SECTION III - Les catégories pour lesquelles la qualification de navire est controversée .......................................................................................................................................... 25 §-1- Les plates-formes pétrolières :.............................................................................. 25 A- Méthode de qualification juridique:.................................................................... 25 B- Applications : ...................................................................................................... 26 1) Statut juridique des engins et structures appelés à être posés sur le sol sousmarin : .................................................................................................................. 27 2) Structures dont la flottabilité est le trait caractéristique: ................................. 29 3) Eléments de qualification pouvant être pris en considération au cas par cas : 30 154 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 3-1) La francisation des plates-formes pétrolières : ......................................... 30 3-2) Leur classification : .................................................................................. 30 3-3) Leur signalisation sur les mers : ............................................................... 30 3-4) Ces engins sont soumis aux mêmes réglementations en matière de sécurité que les navires : ................................................................................................ 31 3-5) Un régime des gens de mer identique à celui des navires : ...................... 32 §-2- Une catégorie hybride : les F.S.O. et les F.P.S.O. :.............................................. 32 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE :.................................................................. 34 SECONDE PARTIE : L’appréhension contractuelle du dommage dans le cadre de la fourniture de services maritimes à l’offshore pétrolier ............................................................ 36 CHAPITRE PREMIER : La prégnance de la liberté contractuelle dans un secteur aux spécificités marquées............................................................................................................ 37 SECTION I - L’effacement du législateur international face aux activités offshore :..... 37 §-1- Des références textuelles ponctuelles : ................................................................. 37 §-2- Des tentatives de conventions internationales avortées :...................................... 38 SECTION II- La place laissée à la liberté contractuelle guidée par les standards professionnels de l’offshore pétrolier:.............................................................................. 40 §-1- Le champ laissé libre à la liberté contractuelle et ses effets juridiques :.............. 40 §-2- La production de standards juridiques par les acteurs privés du secteur de l’offshore pétrolier: ...................................................................................................... 41 CHAPITRE SECOND : La technique contractuelle et la prise en compte des dommages 43 SECTION I - Objet et nature juridique du contrat usité pour la fourniture de navires de services à l’offshore pétrolier :......................................................................................... 44 §-1- Objet du contrat : .................................................................................................. 44 §-2- Nature juridique du contrat :................................................................................. 45 A- Définition négative de la nature juridique du contrat usité :............................... 45 1) Les contrats pétroliers :.................................................................................... 46 2) Quelques contrats techniques :......................................................................... 46 2-1) Le contrat de forage :................................................................................ 46 2-2) Contrat de construction :........................................................................... 46 3) Quid d’une utilisation du contrat de transport maritime ? ............................... 47 B- Le type de contrat retenu dans la pratique : Le contrat d’affrètement : .............. 47 1) Notions d’affrètement : .................................................................................... 47 2) À quel type d’affrètement a-t-on recours ? ...................................................... 48 2-1) L’affrètement au voyage ? ........................................................................ 48 2-2) L’affrètement coque-nue ?........................................................................ 49 2-3) L’affrètement à temps :............................................................................. 49 SECTION II- Le régime juridique des contrats d’affrètement de navires de service à l’offshore pétrolier : ......................................................................................................... 50 §-1- La Charte-partie type Supplytime : ....................................................................... 50 A- Les raisons ayant présidées à la mise au point d’une charte-partie type : .......... 51 1) La prégnance du risque dans le secteur de l’offshore pétrolier : ..................... 51 2) La différence d’intensité financière entre les cocontractants :......................... 51 3) Un besoin de sécurité juridique pour la partie « économiquement faible » du contrat :................................................................................................................. 52 4) L’inadaptation des chartes-parties traditionnelles : ......................................... 53 B- L’écriture d’un régime équilibré : La « Supplytime 75 » et ses versions successives: .............................................................................................................. 54 §-2- Les clauses spécifiques aux contrats d’affrètement des navires de service à l’offshore pétrolier : ..................................................................................................... 55 155 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier A- La clause «Knock for Knock»: ............................................................................ 56 1) Une répartition balancée des conséquences pécuniaires du dommage entre les cocontractants:...................................................................................................... 57 1-1) Exemple de clause « Knock for Knock » : ................................................ 57 1-2) Régime juridique de la répartition des conséquences pécuniaires du dommage: ......................................................................................................... 58 a) Le principe : ................................................................................................. 58 b) Les exceptions :............................................................................................ 59 2) La renonciation à recours :............................................................................... 60 3) L’érosion de la clause « Knock for Knock » : .................................................. 62 3-1) Cause : ...................................................................................................... 62 3-2) Effets néfastes de cette érosion sur la sécurité juridique:......................... 63 3-3) La mise en garde des assureurs contre cette érosion : .............................. 64 3-4) Une clause mal perçue par certaines compagnies pétrolières et la dérive vers un contrat d’adhésion : ............................................................................. 66 B - Les clauses «Back to Back» et « Himalaya»:..................................................... 67 1) La clause «Back to Back»: ............................................................................... 67 2) «Himalaya Clause» :........................................................................................ 67 Exemple d’ «Himalaya Clause»:..................................................................... 67 SECTION III- Le droit applicable au contrat : ................................................................ 69 §-1- Choix exprès de la loi applicable au contrat d’affrètement : ................................ 69 A- Le régime légal : ................................................................................................. 69 B- Clauses de choix de la loi applicable au sein des chartes-parties : ..................... 69 1) Au sein des chartes-parties types : ................................................................... 69 2) Clauses de choix de loi procédant de la volonté des parties: ........................... 70 §-2- Détermination de la loi applicable en cas d’absence de choix exprès :................ 70 A- la méthode issue de la Convention de Rome de 1980 : ...................................... 71 B- Les Lois d’ordre public et de police :.................................................................. 71 1) Application de la loi de 1966 sur les affrètements à titre de loi de police :..... 71 2) L’exclusion au nom de l’ordre public :............................................................ 72 CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ..................................................................... 73 TROISIEME PARTIE : Les conséquences juridiques de la survenance du dommage .......... 74 CHAPITRE PREMIER : Sinistralité et assurance ............................................................... 75 SECTION I – Incidents susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques :............. 75 §-1- Les dommages « maritimes » : ............................................................................. 76 A- Dommages survenus dans le cadre d’une relation plate-forme / « supply vessel » : ................................................................................................................... 76 B- Les dommages survenus entre deux ou plusieurs navires de service :................ 77 §-2- Les dommages connexes : .................................................................................... 78 A- Préjudice commercial et « Consequential damages » : ...................................... 78 B- Les préjudices corporels causés aux équipages : ................................................ 79 C- Dommages aux tiers :.......................................................................................... 80 SECTION II – Prise en compte du risque et assurance : ................................................. 81 §-1- La prise en compte du risque dans le cadre de la fourniture de navires de soutien à l’offshore pétrolier : ..................................................................................................... 81 A- Etude du risque au sein des compagnies :........................................................... 81 B- Le respect des standards internationaux de sécurité maritime : .......................... 82 §-2- La couverture des risques et des dommages par le biais de l’assurance maritime : ...................................................................................................................................... 83 A- L’assurance des plates-formes pétrolières : ........................................................ 84 156 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier 1) Les polices d’assurance London Standard Drilling Barge Form (all Risks or named perils) et London Standard Plat Form:..................................................... 84 2) L’assurance des plates-formes en France: ....................................................... 85 2-1) Force du texte : ......................................................................................... 86 2-2) Champ d’application de la police : ........................................................... 86 2-3) Obligations de l’assuré : ........................................................................... 87 3) L’assurance complémentaire des plates-formes par les P&I clubs :................ 87 3-1) Garanties offertes par les P&I clubs quant aux risques et dommages concernant les plates-formes pétrolières : ........................................................ 89 3-2) Paramètres à respecter pour bénéficier de telles garanties : ..................... 89 B- L’assurance des navires de services : .................................................................. 90 1) L’assurance maritime « traditionnelle » du navire de service à l’offshore pétrolier: ............................................................................................................... 90 1-1) Notions : ................................................................................................... 90 1-2) L’exigence de couverture des dommages rappelée par les contrats-types : .......................................................................................................................... 91 2) La souscription d’assurance de responsabilité auprès des P&I Clubs : ....... 91 CHAPITRE SECOND : Application des grandes institutions du droit maritime aux dommages impliquant des navires de services..................................................................... 93 SECTION I - L’abordage :............................................................................................... 94 §-1- L’abordage au sens du droit maritime « commun » : ........................................... 95 A- La collision entre un ou plusieurs navires de services et une plate-forme pétrolière : ................................................................................................................ 95 B- L’abordage entre deux ou plusieurs «supply vessels» :....................................... 96 §-2- L’application des règles relatives à l’abordage en présence d’une « Both-to-blame collision clause » :........................................................................................................ 97 SECTION II- L’assistance maritime :.............................................................................. 98 §-1- Exclusions des plates-formes du régime de l’assistance par le droit international : ...................................................................................................................................... 99 A- Une exclusion expresse… :................................................................................. 99 B- …dont la portée est limitée… : ........................................................................... 99 C- …mais une exclusion critiquable en terme de sécurité juridique : ................... 101 §-2- L’assistance en mer des plates-formes pétrolières par des navires de services est soumise au droit français :.......................................................................................... 102 SECTION III- Les avaries communes : ......................................................................... 103 §-1- Notions : ............................................................................................................. 103 §-2- L’assistance entre navires de services et plates-formes pétrolières et les avaries communes : ................................................................................................................ 104 SECTION IV : La limitation de responsabilité de l’armateur et du propriétaire de plateforme pétrolière : ............................................................................................................ 105 §-1- L’invocation de la limitation de responsabilité par les propriétaires de platesformes :....................................................................................................................... 106 §-2- La limitation de responsabilité et les navires de services : les relations entre armateur et affréteur : ................................................................................................. 106 A- La jurisprudence « CMA-DJAKARTA » et ses conséquences sur la limitation de responsabilité de l’affréteur:................................................................................... 106 B- L’impact sur le secteur des services maritimes à l’offshore pétrolier :............. 107 1) Le champ d’application de la limitation de responsabilité de l’affréteur : .... 108 2) Une situation juridiquement inconfortable : .................................................. 109 3) Une forte résistance dans la pratique : ........................................................... 109 157 Le régime juridique des dommages en matière de services maritimes à l’offshore pétrolier CHAPITRE TROISIEME : Contentieux et cas pratiques.................................................. 111 SECTION I- Un domaine au contentieux limité :.......................................................... 111 §-1- La prévalence d’un règlement « consensuel » des litiges :................................. 111 A- Le recours à la transaction commerciale :......................................................... 111 B- La médiation :.................................................................................................... 112 §-2- Le mode contentieux de règlement des litiges : ................................................. 114 A- L’arbitrage :....................................................................................................... 114 B- Le recours au juge : ........................................................................................... 115 SECTION II- Cas pratiques : ......................................................................................... 116 §-1- Premier cas pratique : ......................................................................................... 116 §-2- Second cas pratique : .......................................................................................... 117 CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE : .............................................................. 118 CONCLUSION GENERALE ................................................................................................ 119 LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES.............................................................. 122 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 123 Ouvrages spécialisés et fascicules professionnels :.................................................... 123 Ouvrages généraux et juridiques :.............................................................................. 123 Dictionnaires, lexiques, recueils et codes: ................................................................. 123 Colloques.................................................................................................................... 124 Presse générale, juridique et maritime : ..................................................................... 124 Entretiens :.................................................................................................................. 124 Monographies :........................................................................................................... 124 Sites Internet :............................................................................................................. 125 Sites Internet spécialisés : .......................................................................................... 125 ANNEXE N°1: « SUPPLYTIME 2005 » : ........................................................................ 126 ANNEXE N°2: « SUPPLYTIME 1989 » : ........................................................................ 142 TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 154 158