Messe chrismale – 21 mars 2016

Transcription

Messe chrismale – 21 mars 2016
MESSE CHRISMALE
HOMELIE DE MGR ERIC AUMONIER
21 MARS 2016
La liturgie de la messe chrismale nous situe au cœur du mystère de la présence et de l’action
de l’Esprit Saint dans le Christ.
Mystère de l’Esprit venant nous montrer et nous donner le Christ pendant tout le déroulement
de notre vie, du baptême et de la confirmation, à nos états de maladie et de souffrance et
jusqu’à la mort. Présence de l’Esprit pour que l’Eucharistie soit célébrée et le pardon offert,
pour que les malades soient guéris, les prisonniers visités, les pauvres et les malades
soulagés…
L’Esprit Saint nous adapte à Dieu, nous rend attentifs à sa grâce, aux aguets de ses initiatives,
nous permet de répondre de notre foi, « sans rougir de l’Evangile ». Nous nous en rendons
compte tous les jours, notamment à travers la démarche des catéchumènes. La visite pastorale
des doyennés est une occasion de s’en réjouir.
Quand nous souffrons de nos péchés et des péchés du monde, nous percevons aussi le travail
patient de la grâce, qui nous pousse aussi à entendre le permanent appel à la conversion.
Nous sommes aujourd’hui mis en cause à partir de fautes graves commises par des frères
prêtres, dans le passé proche ou ancien. Nos efforts de totale clarté et rigueur sont continus et
publics, mais nous mesurons, sans doute mieux qu’hier, les souffrances des victimes, la
déception douloureuse de ceux qui attendent de nous un comportement exemplaire. Et, quoi
qu’on puisse penser de l’amplification et du déchaînement médiatique, ou de l’état de
délabrement moral dans lequel se trouve notre société, tout ceci représente non seulement des
blessures considérables mais une vraie humiliation.
Ce qui est arrivé par la faute de quelques prêtres, dont il n’est pas question de minimiser la
gravité, ne peut nous conduire à jeter la suspicion sur l’ensemble de ceux qui ont donné leur
vie et cherchent à la donner chaque jour, en voulant vivre, dans le célibat et la chasteté, le don
total d’eux-mêmes. Je tiens à leur redire ici toute mon estime, toute notre estime. Nous avons
tous une grande responsabilité pour que le ministère ordonné soit respecté et reconnu, mais
surtout qu’il se vive généreusement, dans une vraie fraternité, une relation d’amour intense
pour le Christ et pour tous les fidèles.
Comment ne pas nous rappeler ici ces paroles du dernier Concile :
« Tandis que le Christ, innocent, saint et sans tache (He 7,26) n’a pas connu le péché (2 Co
5,21) mais est venu expier les péchés du peuple (cf He 2,17), l’Eglise, elle qui enferme des
pécheurs dans son propre sein, est … à la fois et toujours sainte et appelée à se purifier, et
poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement. « L’Eglise avance dans
son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu » (AUG, Cité
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de Dieu 18,51,2) annonçant la croix et le mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (cf 1 Co
11,26). La vertu du Seigneur ressuscité est sa force pour lui permettre de vaincre dans la
patience et la charité les afflictions et les difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du
dedans, et de révéler fidèlement, au milieu du monde le mystère du Seigneur, encore
enveloppé d’ombre, jusqu’au jour où finalement il éclatera dans la pleine lumière » (L.G.8)
Au milieu des adversités, celle que je viens de nommer, mais aussi celles qui sont provoquées
par la sécularisation, et le terrorisme ( comment ne pas penser ce soir aux victimes de ce
matin à la gare de Bruxelles), quelle est l’attitude la plus juste, la plus opportune ?
Il pourrait sembler qu’elle consiste à nous serrer les coudes, à resserrer les rangs.
Oui, si c’est pour nous encourager à la conversion et à la rigueur.
Oui, si l’on veut dire par là que doivent cesser les divisions, les calomnies, les médisances,
véritables freins à l’évangélisation et à notre accueil de la sainteté, qui rendent peu crédibles
nos discours.
Oui, si c’est pour que cessent l’esprit de chapelle, de boutique. Que des catholiques aient telle
ou telle sensibilité n’a rien de surprenant ou d’inquiétant, pourvu qu’ils ne s’isolent pas
pratiquement de l’ensemble du corps de l’Eglise.
Non, si c’est pour nous cacher ou être entre nous, isolés. Ce n’est pas la manière d’être des
chrétiens. Malgré les apparences, ce ne sont pas là des réactions de courage mais des réflexes
de peur. Ce ne sont pas des attitudes missionnaires mais celles de gens qui ont perdu
l’espérance. Les chrétiens ne sont pas ainsi. Parce que l’Eglise n’est pas une église de purs ou
de parfaits, mais de pauvres pécheurs, qui avancent démunis et exposés en s’appuyant sur la
seule force de Dieu.
Le monde aimerait bien que les chrétiens restent dans leurs clubs et dans leurs groupes mais
ils vivent leur vie comme un pèlerinage et un envoi, comme le risque de la foi, et ils viennent
chaque jour raconter à Jésus ce qu’ils ont pu voir et constater, comme l’Evangile nous le
montre.
On évoque aussi la nécessité d’éduquer, qui constitue une évidente responsabilité. Veiller à
une formation sérieuse de leurs enfants est évidemment au cœur de la responsabilité des
parents. Il s’agit de préparer la personnalité à vivre avec liberté, audace et courage au milieu
du monde tel qu’il est, et donc à pouvoir rendre compte de sa foi. Nous savons qu’on
n’éduque pas vraiment les jeunes en les protégeant de façon artificielle, ou en ne considérant
que leurs performances scolaires. Non, on ne peut rester chrétien et faire des chrétiens en
s’isolant faussement du monde … mais en se comportant de sorte que le monde devine que
Dieu s’y est incarné et y est présent.
Nous sommes invités à sortir et à manifester la joie de la foi, C’est pourquoi nous nous
réjouissons pour ces jeunes qui se préparent à aller aux JMJ cette année en Pologne. Nous
nous laissons instruire par la joie des catéchumènes jeunes et adultes qui seront baptisés la
nuit de Pâques. Nous reconnaissons la joie du don dans ces époux qui se préparent au
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mariage, dans ces hommes qui se préparent à recevoir l’ordination comme diacres et comme
prêtres, dans ces malades où resplendit la grâce du Seigneur qui les rejoint, pour ces détenus
qui reconnaissent la présence de Dieu au milieu d’eux.
Nous sommes invités à vivre plus profondément l’expérience du mystère de la miséricorde, à
puiser le pardon à la source, pour pouvoir en être les témoins joyeux auprès de ceux et celles
qui, si proches de chez nous, désespèrent, et ont besoin de ressentir, la miséricorde dans notre
regard et nos encouragements.
Nos frères et sœurs du Moyen Orient qui, avec d’autres préfèrent tout quitter ou mourir plutôt
que de renier leur foi, nous donnent l’exemple et attendent notre prière et notre soutien.
Frères et sœurs, que l’onction de l’Esprit, son baume, son parfum, jaillissant de la croix, la
joie du Salut, soit avec chacun de vous !▪
+Mgr Eric Aumonier, évêque de Versailles
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