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CONJONCTURES
ÉCONOMIE
BRUNO CAVALIER
*
Inquiétude mondiale sur
les marchés immobiliers
Depuis plus d’un an, les Etats-Unis sont touchés par une
crise immobilière de grande ampleur. En conséquence,
l’activité globale ralentit et rien ne suggère que la situation s’inverse d’ici peu, de sorte qu’on peut avoir de légitimes interrogations sur le risque de récession
outre-Atlantique. Simultanément, le reste du monde
continue d’évoluer positivement. Que les cycles économiques ne soient pas synchronisés à la perfection d’une
zone à l’autre,cela va de soi,mais qu’ils se « découplent »
totalement, voilà qui est plus étonnant. Dans le monde
globalisé qui est le nôtre, les liens d’interdépendance
(échanges commerciaux, flux financiers) devraient accélérer la transmission des chocs au-delà des frontières,
surtout quand l’épicentre se situe dans la première économie au monde par sa taille, sa capacité d’importation
(environ 20 % du total mondial) et la profondeur de ses
marchés financiers.
P
ourtant, les faits sont là, ni l’économie
européenne, ni l’économie asiatique
ne portent à ce jour la trace du ralentissement d’activité qui est à l’œuvre outre-
Atlantique depuis le début 2006. Dans
leur grande majorité, les prévisionnistes
ont tendance à prolonger cette divergence des conjonctures sur l’horizon de
* Economiste, Direction des études économiques du Crédit Agricole S.A.
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court terme.Ainsi, entre les deux dernières livraisons de son rapport semestriel
sur l’économie mondiale (la plus récente
étant parue en avril), le FMI a abaissé de
0,7 point la croissance attendue aux EtatsUnis pour l’exercice 2007 et a simultanément rehaussé sa prévision de 0,4 point
en Europe, de 0,3 point dans les pays
émergents, de 0,2 point au Japon. Comme
dans un système de vases communicants,
ce qui est perdu ici est compensé là. Il
s’ensuit que la croissance mondiale anticipée est pratiquement inchangée sur une
pente de 5 % par an environ.
Mais de l’observation d’un écart de
croissance, même maintenu durant
quelques trimestres d’affilée, à la thèse
d’un « découplage » – qui implique une
déconnexion plus durable ou systématique des cycles – il y a un pas hasardeux
à franchir. Car, à vrai dire, la crise immobilière américaine n’a pas, ou pas encore,
mis en branle les interdépendances de
l’économie globalisée. Ce choc a une
nature essentiellement interne à l’économie américaine. Il touche un secteur
dont la production n’est pas délocalisable et dont le cycle d’activité est peu lié
à la dynamique des échanges mondiaux,
que ce soit en amont (le contenu en
importations des inputs est assez faible,
hormis quelques matériaux de construc-
INQUIÉTUDE MONDIALE SUR LES MARCHÉS IMMOBILIERS
Graphique 1. Exportations vers les Etats-Unis
(en % du PIB de la zone ou du pays considérés)
tion) ou en aval (le bien produit n’est pas
échangeable internationalement).
Il faudrait donc que la crise immobilière
s’étende au reste de l’économie américaine, soit par des mécanismes réels (réaction négative de la consommation des
ménages via l’emploi et les effets de
richesse), soit par des mécanismes financiers (rationnement du crédit et chute des
prix d’actifs), pour qu’on puisse vraiment
tester in vivo la thèse du découplage.
EXPOSITION CROISSANTE
AU RISQUE AMÉRICAIN
O
r la résistance de l’économie mondiale serait assurément différente s’il
lui fallait absorber, non un tassement de la
croissance américaine, mais une franche
récession. Somme toute, le scénario
consensuel concernant les Etats-Unis n’est
pas alarmant. Le FMI prédit que le taux de
croissance américain en 2007 serait de
2,2 % et qu’il se redresserait en 2008 à
2,8 %,des chiffres similaires au dixième près
à ceux du panel des économistes interrogés par Consensus Economics. Dans ces
conditions, la demande américaine adressée au reste du monde n’est pas suffisamment altérée pour que l’activité des pays
qui sont les plus liés aux Etats-Unis, par le
biais de leurs exportations, en pâtisse vraiment. Il est plus facile de se « découpler »
d’une économie qui connaît un ralentissement de milieu de cycle que d’une économie en récession. Par le passé, 73 %
des pays développés et 68 % des pays
d’Asie émergente ont enregistré un recul
de leur croissance durant les récessions
américaines ; ces pourcentages tombent
respectivement à 50 % et 45 % durant les
phases de simple ralentissement.
En fait, le potentiel de transmission d’un
choc américain au reste du monde s’est
accru au cours des deux dernières
décennies de globalisation du fait de l’intégration croissante des marchés financiers et du développement des échanges
commerciaux1. L’ouverture des économies émergentes a ainsi fortement accru
l’exposition de leur structure d’exportations au risque américain (Graphique 1).
L’exemple de la Chine est le plus emblématique sans doute. Avant que ce pays
moyenne 1981-1985
12
moyenne 2001-2005
10
8
6
4
2
0
UEM
Japon
Asie émergente
Autres pays
développés
Amérique latine
Source : FMI, Crédit Agricole.
n’émerge comme un acteur majeur du
commerce mondial, ses exportations à
destination des Etats-Unis représentaient une part négligeable de son PIB
(moins d’un point) ; elles représentent
six points de PIB désormais. A cette
exposition directe, il faut ajouter les
effets indirects liés aux exportations de
la Chine vers le reste de l’Asie (qui
représentent 9 % du PIB chinois), ce
commerce intra-régional étant lui-même
fortement dépendant de la demande des
Etats-Unis. Il va sans dire que la dépendance est encore plus forte dans le cas
des voisins immédiats que sont le
Canada et le Mexique (et plus généralement l’Amérique latine).
moyen d’amortir tout freinage des
exportations et de recentrer leur
modèle de développement, mais il n’est
pas assez avancé pour assurer l’existence
d’une large base de demande intérieure.
CHERCHE CONSOMMATEUR
DE SUBSTITUTION
DÉSESPÉRÉMENT
Enfin, dans la plupart des pays émergents,
les leviers de politiques économiques ne
sont pas assez autonomes pour leur permettre de s’affranchir du cycle mondial si
le besoin s’en fait sentir. Dans le cas des
économies émergentes d’Asie (mais cette
remarque vaut aussi pour le Japon), on sait
que la politique monétaire est largement
contrainte par des considérations liées au
contrôle du taux de change. Bref, les
conditions d’un découplage vis-à-vis de la
locomotive américaine, en particulier dans
le monde émergent, sont loin d’être
réunies, ce qui doit justifier une grande
vigilance à l’égard du risque américain.
P
DE LA CRISE SECTORIELLE
À LA RÉCESSION GLOBALE ?
ar ailleurs, si le consommateur américain devait « faire défaut », on ne
voit guère qui pourrait se substituer à sa
capacité d’absorption de la production
mondiale de biens. Sur la période 20012005, les Etats-Unis ont représenté 20 %
des importations mondiales de marchandises, une première place que pourrait
certes lui disputer la zone euro (17 %)
– comme ce fut le cas dans le passé –
mais qui laisse loin derrière les économies émergentes. Les quatre premières
d’entre elles ont représenté sur la même
période 11 % des importations mondiales, dont 6 % pour la Chine seule. Un
rééquilibrage des sources de croissance
dans le monde émergent existe, encouragé par les autorités qui y voient un
L
es cycles d’activité n’obéissent pas,
on s’en doute, à des règles mécaniques qui détermineraient leur durée,
leur amplitude, leur vitesse de diffusion
d’un secteur ou d’un pays à l’autre. La
nature des chocs et les circonstances
dans lesquelles ils surviennent sont l’élé-
1. Sur la mesure et l’estimation des effets de
contagion internationaux des cycles économiques, voir FMI (2007), « Decoupling the
Train? Spillovers and Cycles in the Global
Economy », World Economic Outlook.
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Œ REPÈRES ET TENDANCES ˜CONJONCTURES
Œ LIVRES ET IDÉES
ΠDOSSIER
ÉCONOMIE
ment crucial. L’observation de l’histoire
économique donne néanmoins quelques
éclairages sur les difficultés actuellement
rencontrées par l’économie américaine.
Toutes les récessions enregistrées aux
Etats-Unis n’ont pas été liées à des problèmes du secteur de l’immobilier, ni a
fortiori causées par ce seul secteur. La
brève récession de 2001, dernière en
date à ce jour, est même le contreexemple parfait. Elle s’est en effet produite sur fond de dynamisme de la
construction et de hausse des prix des
logements. Elle a résulté en large partie
des excès de la « nouvelle économie »,
autrement dit de secteurs aux antipodes
de l’économie traditionnelle, celle que le
jargon des affaires désigne comme le
brick and mortar business. Toutefois, la
plupart du temps, « les briques et le
mortier », c’est le cas de le dire, ont une
influence sur l’ensemble de l’économie. Il
est avéré que le cycle de l’immobilier
résidentiel précède de deux à trois trimestres en moyenne les inflexions du
cycle global. La contraction de l’investissement dans ce secteur est donc, en
règle générale, à (ou proche de) son
amplitude maximale au moment de l’entrée en récession (Graphique 2).
Depuis l’après-guerre, si l’on s’en tient à
la datation du cycle établie par le National
Bureau of Economic Research, l’économie américaine a connu dix récessions
globales. Elle a enregistré onze crises
immobilières définies comme des phases
de chute de l’investissement résidentiel
sur des périodes allant d’un semestre à
plusieurs années. Sept de ces crises sont
effectivement associées à des récessions
globales. Quant aux quatre épisodes où le
lien n’est pas établi, trois concernent des
corrections du secteur immobilier relativement brèves (1951, 1994 et 2000), et
seule la longue crise des années 19641967 est une véritable exception.
Dans le cas présent, les dépenses d’investissement résidentiel ont commencé
à se réduire d’abord modestement à la
charnière 2005-2006, puis plus franchement à partir de l’été dernier. On s’approche donc de la durée critique de cinq
à six trimestres au-delà de laquelle les
problèmes du secteur immobilier se dif-
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Graphique 2. Le cycle immobilier américain
Récession globale
Investissement résidentiel (variation annuelle en %)
60
50
40
30
20
10
0
-10
-20
-30
50
55
60
65
70
75
80
85
90
95
00
05
Source : BES, NBER, Crédit Agricole.
fusent de manière décisive aux autres
éléments de la demande intérieure.
L’ampleur de la baisse est également
assez significative pour justifier de telles
craintes. En dix-huit mois, le volume d’investissement résidentiel a été réduit d’environ 20 %, ce qui, compte tenu de son
poids dans le PIB, a amputé la croissance
économique d’environ un point. Au premier trimestre 2007, le taux de croissance en volume du PIB américain est
donc tombé au voisinage de 1 % en
rythme annualisé. Il n’avait jamais été aussi
bas depuis les années 2002 et 2003, à un
moment où les Etats-Unis émergeaient
laborieusement d’une courte récession
économique (2001) et d’un violent krach
boursier (2000). Cela fait désormais quatre trimestres que la croissance évolue
bien en deçà de sa vitesse de croisière
que l’on situe communément à 3 %.
ETAT DES LIEUX DE
L’IMMOBILIER AMÉRICAIN
P
ar bien des aspects, la crise immobilière en cours est totalement
inédite. Ainsi, la phase d’expansion de
l’investissement résidentiel sur la
période 1996-2006, et, en parallèle, la
montée en puissance des actifs immobiliers dans le patrimoine des ménages
américains sont sans précédent. Mesuré
en valeur, le taux d’investissement résidentiel est monté jusqu’à près de 6,5 %
du PIB à son pic de la fin 2005, un niveau
inégalé depuis le début des années 1950
et, s’il a reculé depuis lors, il dépasse
encore sa moyenne de longue période
(4,7 %). Avec le recul, on ne peut guère
nier qu’un surinvestissement s’est développé, un phénomène rendu possible et
entretenu par la progression rapide des
prix des maisons, ce qui en masquait les
risques. En somme, une configuration
tout à fait typique d’une bulle où les prix
n’ont plus grand-chose à voir avec les
fondamentaux.
Sur la décennie écoulée, le patrimoine
immobilier des Américains s’est revalorisé beaucoup plus vite que la dette
hypothécaire, dont la croissance a pourtant enregistré à compter de 2002 une
accélération au-delà de toute norme
historique connue. Au bout du compte,
l’actif immobilier net des ménages américains s’est envolé pour plafonner à près
de 135 % de leur revenu disponible. C’est
un record absolu dont on appréciera
mieux le niveau inquiétant – et le potentiel de correction – si on le compare
avec sa moyenne sur les cinquante dernières années (107 %). Il faut aussi rapprocher cette situation de l’évolution du
taux d’épargne, en baisse quasi continue
depuis près de quinze ans au point d’être
légèrement négatif depuis la mi-2005.
Pourquoi, il est vrai, épargner une partie
de son revenu quand votre maison, en se
revalorisant, épargne pour vous, votre
retraite et les études de vos enfants !
Avec de tels comportements, nous dit le
bon sens, le retour sur terre ne peut
être que douloureux. Une portion croissante d’emprunteurs américains en ont
fait d’ailleurs l’expérience ces derniers
mois, notamment ceux dont l’accès à la
INQUIÉTUDE MONDIALE SUR LES MARCHÉS IMMOBILIERS
propriété n’aurait jamais été possible, au
vu de leurs capacités de remboursement
ou de leur historique de crédit, sans la
« créativité » d’organismes prêteurs spécialisés. Cela a donné lieu à la multiplication de prêts hypothécaires à taux
révisables assortis de conditions plus
innovantes et attractives (et dangereuses) les unes que les autres (prêts sans
remboursement du capital sur une
période pouvant aller jusqu’à dix ans, ou
même, avec amortissement négatif)2.
REPOUSSER LES LIMITES
DE LA SOLVABILITÉ
M
ais l’innovation en matière hypothécaire ne fait pas disparaître la
contrainte de solvabilité. Elle ne peut que
l’assouplir, pour un temps, jusqu’à ce que
la hausse de prix du bien à financer et le
durcissement des taux d’emprunt viennent la saturer à nouveau. On mesure
alors les dégâts collatéraux par l’évolution
des impayés et autres accidents de crédit,
et par la multiplication des faillites de ces
intermédiaires spécialisés qui ont fait profession de défier la logique financière.
A ce stade, le taux d’impayés sur l’ensemble des crédits immobiliers reste
encore historiquement bas (entre 2 et
5 % selon les sources), mais sur le segment particulier des emprunts dits subprime, c’est-à-dire concernant des
emprunteurs les plus risqués, il a bondi
depuis deux ans pour ressortir fin 2006 à
plus de 13 %.A un moment où les délais
d’écoulement des maisons ne cessent de
s’allonger, dans le neuf comme dans l’ancien, les saisies suivies de ventes forcées
de biens immobiliers ne pourront qu’accentuer le déséquilibre offre-demande et
entretenir les pressions baissières qui
s’exercent sur l’activité et qui commencent à toucher les prix.
Concernant les prix des logements, le
constat est celui d’une grande hétérogénéité de situations sur le territoire américain. Certaines régions, notamment
dans le Midwest, ont été presque épargnées par cette inflation. En revanche,
une bulle immobilière s’est formée sur
quelques marchés locaux, par exemple
en Floride ou en Californie, avec ici et là
un quasi-triplement des prix en l’espace
de cinq ans (Graphique 3). Dans ces
régions, la purge qui ne fait que débuter
sera alors d’autant plus violente que la
spéculation aura été plus forte.
Mais à l’échelon national, celui qui compte
pour apprécier les effets macroéconomiques, le jugement est plus nuancé. En
moyenne, le repli des prix des biens
immobiliers depuis leur pic de 2005-2006
n’est pas dramatique, de l’ordre de 2-3 %.
Aussi les difficultés du marché du logement exercent-elles peu de contagion sur
les autres secteurs. Enfin, l’impact direct
sur le marché du travail est faible. Bref, à
ce stade, la répercussion sur le consommateur américain « médian » est somme
toute limitée.
LE PRIX DU
MÈTRE CARRÉ S’ENVOLE
PRESQUE PARTOUT
C
es dernières années, la montée
rapide des prix des logements ne
Graphique 3. Prix des maisons aux Etats-Unis
(indices Case-Shiller, base 100 en 2000)
Los Angeles (CA)
300
Miami (FLA)
Detroit (MI)
250
200
150
100
00
01
Source : S&P, Crédit Agricole.
02
03
04
05
06
07
s’est pas limitée au cas américain. Le
phénomène a été observé dans la quasitotalité des pays développés, à l’exception notable de l’Allemagne et du Japon.
Son ampleur, sa durée et sa généralisation sont sans équivalent depuis le début
des années 1970.Au cours des cinq dernières années, on peut estimer qu’environ les trois quarts des pays de l’OCDE
ont enregistré une hausse cumulée du
prix réel des logements supérieure à
25 %, ce qui est un rythme au moins
deux fois supérieur à sa moyenne de
longue période3. Lors du précédent pic,
à la fin des années 1980, non seulement
la hausse des prix était moins forte, mais
elle touchait un nombre plus restreint
de pays (Graphique 4).
Bien que les marchés résidentiels soient
par définition locaux, les mêmes causes
ont, presque partout, produit les mêmes
effets, d’où une évolution fort homogène
d’un pays à l’autre. Un facteur décisif
a été la baisse des taux d’intérêt, en
termes nominaux comme réels. Le phénomène est ancien, mais il s’est brutalement accéléré à partir de 2001. Les
banquiers centraux, vainqueurs de la
guerre contre l’inflation lancée vingt ans
plus tôt, ont alors pu penser que face aux
dangers divers qui menaçaient la globalisation (économie, Bourses, terrorisme,
pétrole), la réponse appropriée était
d’ouvrir en grand les vannes de la liquidité. Une manière de gagner du temps, et
une aubaine pour les marchés d’actifs,
l’immobilier en particulier, d’autant que
les investisseurs individuels, échaudés par
la crise boursière de 2000, ont sans
2. Consciente des risques associés à ces nouveaux produits, la Réserve fédérale a multiplié
les mises en garde on ne peut plus explicites à
l’adresse des consommateurs sous la forme de
brochures telles que : Interest-Only Mortgage
Payments and Payment-Option ARMs – Are They
for You? ou encore Consumer Handbook on
Adjustable-Rate Mortgages (ARM) (2006).
3. Le prix réel des logements est le prix nominal déflaté par l’indice des prix à la consommation. De 1970 à 2005, sa hausse moyenne a
été de 2,7 % par an dans l’OCDE (échantillon
de 17 pays) et de 3,3 % par an si l’on exclut
l’Allemagne et le Japon. Voir Girouard & al.
(2006), « Recent house price developments »,
OECD Working Paper.
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Œ REPÈRES ET TENDANCES ˜CONJONCTURES
ΠDOSSIER
Œ LIVRES ET IDÉES
ÉCONOMIE
Graphique 4. Prix immobiliers dans l’OCDE
évaluation est forte ou très forte (supérieure à 30 %) dans plusieurs régions
américaines, mais aussi en NouvelleZélande, en Irlande, en Espagne, au
Danemark, et, dans une mesure un peu
moindre, en France4. Un problème de
surchauffe, sinon de bulle, est avéré également dans la plupart des métropoles
asiatiques, notamment chinoises.
% de pays (sur un échantillon de 17 pays de l'OCDE) ayant enregistré une
hausse du prix réel des logements de plus de 25% sur les 5 dernières années
100
75
50
25
0
76
81
86
91
96
01
06
Source : OCDE, Crédit agricole.
doute considéré que la pierre (et même
l’or, cette fameuse relique barbare) constituait un placement plus sûr que les
actions des sociétés dotcom.Voir !
D’autres facteurs sont venus parachever
la figure d’un marché résidentiel mondial en surchauffe. Facteur économique
avec la reprise mondiale qui a commencé de se dessiner en 2003-2004,
avec à la clé un redressement des revenus réels. Facteur financier avec la multiplication d’innovations touchant aux
marchés hypothécaires et accroissant
l’accessibilité des logements. Facteur
démographique pour les populations
vieillissantes du monde développé qui
cherchent à aborder l’âge de la retraite
en s’étant constitué un patrimoine
immobilier.
LE RISQUE DE CORRECTION
IMMOBILIÈRE EST GLOBAL
A
l’origine du mouvement, on le voit,
les facteurs fondamentaux classiques étaient bien présents. La grande
question – presque possible à trancher a
priori – est de déterminer le point à partir duquel le prix de l’actif s’écarte du
fondamental jusqu’à suivre, dans les cas
extrêmes, une logique de bulle. Les indicateurs classiques de valorisation, qu’ils
rapportent le prix des logements au
revenu (dans une logique de solvabilité
des ménages) ou aux loyers (dans une
logique de rendement), témoignent dans
la plupart des pays développés d’un
écart significatif par rapport aux tendances historiques.Autrement dit, les modèles fondamentaux laissent un large
résidu inexpliqué. Il est admis que la sur-
Graphique 5. Taux des banques centrales en %
Dans un environnement de resserrement des politiques monétaires, ces
situations sont porteuses de risque. La
Réserve fédérale américaine a clos
depuis un an son cycle de hausse des
taux, mais il n’en va pas de même des
autres Banques centrales (Graphique 5).
Et au stade actuel, on ne peut pas dire
que le réglage monétaire mondial soit
déjà restrictif, il est simplement un peu
moins accommodant que par le passé.Au
bout du compte, même si la sensibilité au
taux d’intérêt des différents marchés
immobiliers peut varier selon les structures de financement, l’accumulation de ces
risques locaux fabrique un risque global.
Là encore, l’histoire est éclairante, mais
comme on le sait, « elle ne repasse pas
les plats ». L’expérience du passé montre
que les ajustements de prix après des
phases de surchauffe sont en général
longs, amples, avec une forte corrélation
internationale et qu’ils laissent leur
marque sur l’économie réelle. Avec les
données de l’OCDE depuis 1970, on
évalue la durée moyenne des phases
baissières du cycle immobilier à 18,5
trimestres (contre 22,7 trimestres pour
les phases haussières) et le recul moyen
du prix réel des logements à 23,3 %
(contre une hausse moyenne de 45,6 %).
Historiquement, le soft landing immobilier est une denrée plutôt rare. Il n’est
pas exclu néanmoins, comme en donnent l’exemple jusqu’à présent quelques
pays (France, Pays-Bas, et même d’une
certaine façon, Espagne et Etats-Unis). A
4. Voir Van Den Noord (2006), « Are house
prices nearing a peak ? A probit analysis for 17
OECD countries », OECD Working Paper, et
BCE (2006), « Analyse des évolutions des prix
de l’immobilier residentiel dans la zone euro »,
Bulletin mensuel.
Source : Datastream, Crédit agricole.
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