Communication_M. Daffé

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Communication_M. Daffé
Commémoration de la disparition de Amadou Hampaté BA – 2012 /// Communication _ Mamou Daffé
Paix et sécurité : défis et rôles de la jeunesse pour le
maintien de l’équilibre social.
Communication de Mamou Daffé
La jeunesse est l’avenir de toute société, de toute nation… C’est sur elle que repose l’avenir d’un pays.
Elle est consciemment ou inconsciemment, activement ou passivement à la base de tous les
changements qui peuvent intervenir dans une société donnée. Sans elle, aucun changement n’est
possible. Aujourd’hui, notre pays le Mali connait l’une des plus graves crises de son histoire. La
jeunesse en est l’actrice principale. C’est à travers elle également que les choses peuvent rentrer dans
l’ordre. Pour maintenir l’équilibre social, la jeunesse a besoin d’une certaine dose de sagesse.
Mon exposé va s’articuler autour de deux points essentiels :
•
Rôle et défis de la jeunesse selon Amadou Hampaté BA
•
La bonne gouvernance respectueuse de nos valeurs culturelles gage de l’équilibre social.
Rôle et défis de la jeunesse selon Amadou Hampaté BA
Amadou Hampaté BA était un grand homme, qui a porté le flambeau de la culture Africaine. Nous
rendons hommage à cette figure emblématique…sa vie et ses œuvres doivent servir d’exemple à la
jeunesse. En 1985, il a même adressé une lettre qu’on peut qualifier de lettre testament à la jeunesse.
Si la jeunesse connaissait réellement cette lettre et si elle s’en inspirait, on n’en serait pas là
aujourd’hui. J’exhorte donc mes cadets que vous êtes à vous approprier « la Lettre à la Jeunesse » de
Amadou Hampaté BA. Dans cette lettre, il nous donne une belle leçon de vie pour le maintien de
l’équilibre social. « Certes, qu’il s’agisse des individus, des nations, des races ou des cultures, nous
sommes tous différents les uns les autres ; mais nous avons tous quelque chose de semblable aussi,
c’est cela qu’il faut chercher pour pouvoir se reconnaître en l’autre et dialoguer avec lui. Alors nos
différences, au lieu de nous séparer, deviendront complémentaires et source d’enrichissement
mutuel. De même que la beauté d’un tapis tient à la variété de ses couleurs, la diversité des
hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde. » Cette vertu du
dialogue a cruellement manqué en cette période critique de notre histoire, d’où les situations d’impasse
que nous avons connue ces derniers temps. Les conflits d’intérêts ont fait que chaque partie croyait
détenir la vérité, pourtant personne ne détient la vérité absolue. Hampaté BA l’illustre ainsi dans sa
lettre : « … il y a « ma » vérité et « ta » vérité, qui ne se rencontreront jamais. « LA » vérité se
trouve au milieu. Pour s’en approcher, chacun doit se dégager un peu de « sa » vérité pour faire un
pas vers l’autre… » Il va plus loin dans ses pensées en exhortant la jeunesse à laquelle il s’adresse à
plus de prudence face aux nouveaux défis, en ces termes : « … Jeunes gens, derniers nés du
vingtième siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu’elle pose sur
l’humanité et passionnante par les possibilités qu’elle ouvre dans le domaine des connaissances et
de la communication entre les hommes. La génération du vingt et unième siècle connaîtra une
fantastique rencontre de races et d’idées. Selon la façon dont elle assimilera ce phénomène, elle
assurera sa survie, ou provoquera sa destruction par des conflits meurtriers.» Le sage de Bandiagara
exhorte les jeunes gens à un nouvel état d’esprit basé sur la complémentarité et la solidarité :
« Actuellement, en règle générale, les blocs d’intérêts s’affrontent et se déchirent. Il vous
appartiendra peut-être, ô jeunes gens de faire émerger peu à peu un nouvel état d’esprit, davantage
orienté vers la complémentarité et la solidarité, tant individuelle qu’internationale. Ce sera la
condition de la paix, sans laquelle il ne saurait y avoir de développement. » Ce nouvel état d’esprit
©Mamou Daffé – juin 2012
Commémoration de la disparition de Amadou Hampaté BA – 2012 /// Communication _ Mamou Daffé
qui doit rester un défi pour la jeunesse, si elle veut réellement participer au changement enclenché, ne
se fera pas sans la culture. Le retour à nos valeurs de culture peut être un élément déterminant pour la
cohésion sociale et le maintien de l’équilibre social. Dans la lettre, il est dit que : « … la culture, ce
n’est pas seulement la littérature orale ou écrite, c’est aussi et surtout un art de vivre, une façon
particulière de se comporter vis-à-vis de soi-même, de ses semblables et de tout le milieu naturel
ambiant. C’est une façon particulière de comprendre la place et le rôle de l’homme au sein de la
création.» Le visionnaire Amadou Hampaté BA prône également la paix, cette chose précieuse dont
nous avons tant besoin en ce moment : « … C’est dans la paix et dans la paix seulement que
l’homme peut construire et développer la société, alors que la guerre ruine en quelques jours ce que
l’on a mis des siècles à bâtir.» L’un des points les plus marquants de la lettre c’est, à mon avis, cette
partie où Hampaté BA appelle à la préservation de nos valeurs traditionnelles positives. La jeunesse
d’aujourd’hui a complètement abandonné nos us et coutumes pour suivre aveuglement les pratiques
occidentales…et cela se traduit malheureusement dans les actes contre nature que nous observons de
nos jours. Une jeunesse désorientée, sans repères, sans foi ni loi, à la solde des politiciens qui les
manipulent à leur guise, à des fins sataniques. A cette jeunesse là, Hampaté BA dit ceci : « … Certes,
comme toute société humaine, la société africaine avait aussi ses tares, ses excès et ses faiblesses.
C’est à vous jeunes gens et jeunes filles, adultes de demain, qu’il appartiendra de laisser disparaître
d’elles-mêmes les coutumes abusives, tout en sachant préserver les valeurs traditionnelles positives.
La vie humaine est comme un grand arbre et chaque génération est comme un jardinier. Le bon
jardinier n’est pas celui qui déracine, mais celui qui, le moment venu, sait élaguer les branches
mortes et, au besoin, procéder judicieusement à des greffes utiles.» De nombreux défis s’imposent
donc à la jeunesse si elle aspire vraiment à maintenir l’équilibre social. Il lui appartient de faire de la
situation actuelle une réelle opportunité de changement. A cet effet, Hampaté BA lui prodigue ce
conseil : « Jeunes gens d’Afrique et du monde, le destin a voulu qu’en cette fin du vingtième siècle,
à l’aube d’une ère nouvelle, vous soyez comme un pont jeté entre deux mondes : celui du passé, où
de vieilles civilisations n’aspirent qu’à vous léguer leurs trésors avant de disparaître, et celui de
l’avenir, plein d’incertitudes et de difficultés, certes, mais riche aussi d’aventures nouvelles et
d’expériences passionnantes. Il vous appartient de relever le défi et de faire en sorte qu’il y ait, non
rupture mutilante, mais continuation sereine et fécondation d’une époque par une autre… Si les
conflits vous menacent, souvenez-vous des vertus du dialogue et de la palabre ! » Amadou Hampaté
BA conclut sa lettre en ces termes : « Certains d’entre vous diront peut-être : « c’est trop nous
demander ! Une telle tâche nous dépasse ! ». Permettez au vieil homme que je suis de vous confier
un secret : de même qu’il n’y a pas de « petit » incendie (tout dépend de la nature du combustible
rencontré), il n’y a pas de petit effort. Tout effort compte, et l’on ne sait jamais, au départ de quelle
action apparemment modeste sortira l’événement qui changera la face des choses. N’oubliez pas
que le roi des arbres de la savane, le puisant et majestueux baobab, sort d’une graine qui, au départ,
n’est pas plus grosse qu’un tout petit grain de café… »
La bonne gouvernance respectueuse de nos valeurs culturelles, gage de l’équilibre social
La bonne gouvernance peut être gage de l’équilibre social et peut garantir la paix et la sécurité dans un
état. La situation que nous vivons actuellement est sans aucun doute le fait de la mauvaise
gouvernance, du laxisme, etc.
Qu’est ce que la bonne gouvernance ?
Gouvernance vient du verbe gouverner, diriger. Il a pour synonyme gérer, c’est-à-dire : administrer,
s’occuper de quelqu’un ou de quelque chose de manière suivie et attentive, dans la justice et dans
l’équité. Gérer, terme au sens élargi, il s’applique aussi bien au fait de diriger une administration, une
banque mais aussi une exploitation agricole, une famille, un pays, etc.
©Mamou Daffé – juin 2012
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La « Bonne Gouvernance » une nécessité nationale visant à la recherche de l’efficacité. Gestion
efficace & efficiente de l’Etat.
Le Dr. Moïse Modandi Wa-Komba, consultant gabonais, énumère les critères de la Bonne
Gouvernance en six (6) points, dans un des ses exposés au PNUD :
1. L’obligation de rendre compte :
Les administrations publiques devront être capables de montrer en quoi leur action et leurs décisions
sont conformes à des objectifs précis et convenus.
2. La transparence :
L’action, les décisions et la prise de décision des administrations publiques devront, dans une certaine
mesure être, ouvertes à l’examen des autres secteurs de l’administration, du Parlement, de la société
civile et parfois d’institutions et d’autorités extérieures. Les élections doivent être transparentes.
3. L’efficience et l’efficacité :
Les administrations publiques devront s’attacher à une production de qualité, notamment dans les
services rendus aux citoyens, et veiller à ce que leurs prestations de par leur efficacité répondent à
l’intention des responsables de l’action publique.
4. La réceptivité :
Les autorités publiques devront disposer des moyens et de la flexibilité voulus pour répondre
rapidement à l’évolution de la société, ils doivent tenir compte des attentes de la société civile
lorsqu’elles définissent l’intérêt général et elles devront être prêtes à faire l’examen critique du rôle de
l’Etat.
5. La prospective :
Les autorités publiques se doivent d’anticiper les problèmes qui se posent à partir des données
disponibles et des tendances observées, ainsi que d’élaborer des politiques qui tiennent compte de
l’évolution des coûts et des changements prévisibles (démographiques, économiques,
environnementaux, par exemple).
6. La primauté du droit :
Les autorités publiques doivent faire appliquer les lois, la réglementation et les codes en toute égalité
et en toute transparence.
(Extrait du compte rendu du Forum Scientifique du Festival sur le Niger 2010, avec pour thème : « Culture et
Gouvernance », ci-dessous)
Quelle Analyse de cette bonne gouvernance aujourd’hui ?
Cet outillage est présenté comme solution universelle permettant de générer la confiance nécessaire à
la croissance économique. Il est ainsi demandé aux pays en développement de s’approprier cet outil,
formulé comme un ensemble de mesures techniques, pour que le processus de développement
s’amorce.
Malheureusement les réformes institutionnelles aujourd’hui préconisées par les uns et, il faut le
reconnaître, acceptées par les autres, tendent à vouloir imposer ou s’imposer un modèle idéalisé,
abstrait et unique, via des réformes tous azimuts et dans un minimum de temps, au mépris des
©Mamou Daffé – juin 2012
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constructions locales millénaires. Cette démarche se trouve en contradiction avec l’expérience même
des pays riches qui vivent sous des configurations institutionnelles extrêmement variées, établies au
cours de processus de maturation pluriséculaires.
En effet, à travers les réformes institutionnelles contemporaines, il est apparu un produit international
de série, dénommé « Bonne gouvernance », qui n’est en fait, encore une fois que la traduction d’une
tentation à vouloir imposer les standards des uns, bien que minoritaires, à la grande majorité
silencieuse et consommatrice de valeurs importées.
Ces transplantations de règles et d’institutions formelles dans les environnements les moins préparés
ne peuvent que s’avérer contreproductives et débouchent dans la pratique sur un brouillage de la
frontière entre le légal et l’illégal, une augmentation de la corruption, une défiance envers
l’administration née du décalage entre règles formelles et pratiques réelles, un sentiment d’arbitraire,
bref entraîne une forme de chaos normatif débouchant sur des dérèglements sociaux.
Sur un plan économique, ces dérèglements se traduisent par l’expansion d’un secteur informel, refuge
de tous les acteurs économiques ne se reconnaissant pas dans un cadre réglementaire et de pratique des
affaires non compatible ni avec ses croyances, ni avec ses habitudes, ni avec ses valeurs culturelles
profondes.
Au plan politique, on assiste à une irruption de plus en plus marquée sur la sphère politique de
nouveaux acteurs plus en adéquation avec les réalités profondes de l’environnement tels que les
Indépendants, les Associations et autres groupements communautaires, au détriment des partis
politiques classiques, qui dans bien des pays ont largement montré leurs limites.
Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de cette « Bonne Gouvernance » ?
La puissance de la presse mondialisée dans sa majorité ne le fait pas ressortir à sa juste valeur, mais la
pratique Bonne gouvernance politique à l’Occidentale n’est pas étrangère à l’état du monde de ce jour
en termes de droits humains, ou tout simplement de respect de la dignité ou de la morale humaine.
Avec la recrudescence actuelle du terrorisme, les scandales de corruption et de mœurs aux plus hauts
sommets d’Etats « démocratiques » tels que Israël ou l’Italie, l’immixtion du politique dans le
judiciaire dans des affaires telles que celle dite « Clearstream » en France etc.
Avec l’éparpillement des actionnariats, l'introduction de nouveaux instruments financiers de plus en
plus spéculatifs, les déréglementations facteurs d’affaiblissement des mécanismes institutionnels de
contrôle, le relâchement dans l'éthique des classes dirigeantes, etc.
Quelles sont Les ressources de la Culture Africaine pour la Gouvernance ?
Face à tous ces constats, l’histoire politique, économique et sociale africaine n’a pas commencé avec
la globalisation, elle est multiséculaire, et elle est jalonnée de « success stories », de repères, de
modèles de gestion et modes d’organisations institutionnelles, qui peuvent être autant de sources
d’inspiration pour la Gouvernance de nos Etats contemporains.
Aujourd’hui la question fondamentale est :
Quelles sont les pistes de solutions pour espérer bâtir une Gouvernance
gagnante, respectueuse de nos valeurs ?
Sans être exhaustif, on peut citer : la culture du consensus et de la tolérance, le droit d’aînesse et le
respect mutuel, les modes d’organisations sociopolitiques traditionnelles ; les mécanismes de
©Mamou Daffé – juin 2012
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régulation sociale pour gérer certains fléaux de la société, les Chartes et Constitutions, le
cousinage entre les ethnies, l’identité d’une nation multiculturelle, le brassage des ethnies qui a
favorisé la tolérance interethnique, la force du droit coutumier dans la résolution des conflits
intercommunautaire, l’efficacité du rôle des religieux et des griots dans l’instauration de relations
harmonieuses entre différentes parties prenantes de la société, etc.
En plus d’un inventaire et d’une analyse sociologique de ces nombreuses ressources institutionnelles
potentielles, il s’agira enfin d’indiquer en quoi, dans quelles conditions et selon quelles modalités,
elles pourraient être d’un apport positif dans la construction d’un système de gouvernance efficace et
compatible avec nos réalités profondes.
Conclusion
Aujourd’hui force est de reconnaitre qu’il est
urgent pour l’Afrique de renaitre, de se
refonder, de bâtir une nouvelle démocratie
respectueuse de ses valeurs culturelles, avec
l’émergence de nouvelles institutions forte, et
efficace au service des
Etats, tout en
intégrant les exigences du monde globalisé
avec un fondement de justice et d’équité.
Ainsi aux six points du Dr Moise Dodandi
j’ajouterais : le respect de la chose publique /
du bien public, et pour le cas spécifique du
Mali, le retour à nos valeurs, notamment nos
valeurs du Maaya. « Le Maaya est un concept intégral d’humanité concernant la relation entre
l’individu et la communauté. A travers le Maaya, les gens comprennent l’importance de la relation
humaine et apprennent à agir en conséquence. Les principes du Maaya sont applicables à chaque
aspect de la vie : le travail, le leadership, la politique, l’éducation, les festivités, la vie quotidienne,
l’art, la science et tout ce que l’on peut imaginer. Le Maaya met l’accent sur le lien inébranlable
entre l’individu et la communauté. Il procure un cadre éthique, un ‘modèle de vie’.»
Je terminerai mon propos en partageant avec vous cette leçon de vie : « Un anthropologue a demandé
un jeu aux enfants d'une tribu africaine. Il a mis un panier de fruits près d'un arbre et a dit aux enfants
que le premier arrivé gagnait tous les fruits. Au signal, tous les enfants se sont élancés en même
temps…en se donnant la main. Puis ils se sont assis ensemble pour profiter de leur récompense.
Lorsque l'anthropologue leur a demandé pourquoi ils avaient agi ainsi alors que l'un d'entre eux aurait
pu avoir tous les fruits, ils ont répondu : "Ubuntu. Comment l'un d'entre nous peut-il être heureux si
tous les autres sont tristes ? "UBUNTU dans la culture Xhosa signifie: "Je suis parce que Nous
sommes".
Je vous remercie !
Mamou DAFFE, Entrepreneur culturel - Ségou, Mali
mob. : (+223) 66 72 65 02 // Email : [email protected]
©Mamou Daffé – juin 2012