Le coenzyme Q10 et le métabolisme

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Le coenzyme Q10 et le métabolisme
Le point sur…
Le coenzyme Q10 et le métabolisme cellulaire
Il est des molécules ubiquitaires dans le monde animal dont le périmètre d’action physiologique est étonnement étendu : c’est le cas de l’ADP/ATP, des ions
potassium/sodium, et du coenzyme Q10 (CoQ10). Il revient sur le devant de la
scène avec notamment des travaux publiés sur la pertinence d’un traitement
lors de pathologies cardiaques, et pour accompagner un régime amincissant ou
l’utilisation des réserves lipidiques lors de performances musculaires intenses.
Une occasion de redécouvrir cette molécule aux multiples visages.
Mots-clés :
Coenzyme Q10,
Dermatologie,
Cardiovasculaire, Traitement,
Métabolisme
Dr Béatrice de Reynal, nutritionniste, Paris.
Déclaration d’intérêts : L’auteure déclare avoir réalisé une veille scientifique et rédigé un
dossier scientifique sur le sujet pour NovaQ10
L
e coenzyme Q10 (CoQ10 ) est une enzyme naturelle mitochondriale qui joue un rôle majeur dans la production
d’énergie (synthèse d’adénosine triphosphate - ATP) et sur la
chaîne respiratoire. Elle est impliquée dans 95 % de l’énergie physiologique nécessaire quotidiennement (1, 2) : raison pour laquelle cette enzyme est essentiellement trouvée
dans les cellules musculaires, notamment pour mobiliser les
graisses de réserve lors d’efforts intenses, dans les cellules
cardiaques, au métabolisme si particulier, dans les cellules
pulmonaires et hépatiques… certains de ces tissus étant sollicités 24 heures sur 24. Connue depuis plus d’un siècle,
le CoQ10 a tour à tour été utilisée en thérapeutique pour
améliorer la performance sportive (dès les années 80/90),
puis pour les régimes visant une perte de poids, et plus
récemment, pour les traitements de maladies cardiaques.
Enfin, c’est son activité antioxydante qui retient l’attention
des chercheurs en dermo-nutrition et cosmétologie.
w CoQ10 et performances sportives
Durant l’effort d’endurance ou une performance intense,
les myofibres ont besoin d’un apport important d’énergie :
alors que l’alimentation classique fournit 3 à 10 mg de
CoQ10 chaque jour, les niveaux de supplémentation nutritionnelle pour les sportifs sont de 60, 100, voire 200 mg
(Encadré 1).
Plusieurs études confirment les bienfaits du CoQ10 sur les
performances sportives. L’une d’entre elles, réalisée par J.
Diaz Castro et son équipe (3), a testé pour la première
fois l’effet d’une supplémentation orale en CoQ10 sur la prévention des dommages oxydants et de l’inflammation qui
sont connus pour faire suite à un effort physique intense.
Les participants ont été répartis dans deux groupes, l’un
recevant le CoQ10, l’autre un placebo, puis soumis à une
course de 50 km combinant plusieurs degrés d’effort physique. Les résultats montrent que le groupe supplémenté
présentait une diminution du catabolisme musculaire (soit
moins de dommages) et moins de marqueurs de stress oxydant. Ces résultats confirment donc le potentiel du CoQ10
dans le soutien des performances sportives. En synergie
avec la créatine (un acide aminé impliqué dans la contraction musculaire, dans l’apport d’énergie aux fibres musculaires), le CoQ10 permet de mettre à disposition du muscle
les éléments indispensables à son travail, à son effort et sa
performance. Le CoQ10 améliore la capacité physique
d’une part en activant la production d’énergie et en agissant favorablement sur le métabolisme des lipides, mais
également par son action anti-oxydante qui protège les
muscles du stress oxydant qu’il subit.
w CoQ10 et maladies cardiovasculaires
Insuffisance cardiaque congestive
©kr???????? - fotolia.com
L’insuffisance cardiaque congestive (ICC) est une diminution de la capacité du cœur à pomper suffisamment de
sang pour l’ensemble des besoins de l’organisme. Dans la
maladie de l’artère coronaire, l’accumulation de plaque
d’athéro-sclérose dans les artères coronaires peut empêcher les parties du muscle cardiaque d’obtenir un apport
sanguin adéquat, entraînant finalement une lésion cardiaque où la capacité de pompage est altérée. L’infarctus
du myocarde (MI) peut également endommager le muscle
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CoQ10 : quelle posologie ?
• Dans le cadre d’un accompagnement sportif
d’endurance, 60 mg quotidiennement sont des
posologies couramment prescrites, notamment
lors de la phase de préparation. Les supplémentations pour les sportifs en entraînements
intenses sont de l’ordre de 60 à 100 mg /jour.
• Pour un accompagner un patient souffrant de
désordres cardiaques, cette posologie peut être
augmentée mais 60 mg sont habituels pour un
traitement à plus long terme.
• Enfin, les spécialistes de dermo-nutrition
recommandent d’assurer à la peau un apport régulier de CoQ10 à hauteur de 30 à 50 mg/jour.
cardiaque, conduisant à une insuffisance cardiaque plus
ou moins sévère. Parce que l’exercice physique augmente
la demande sur le cœur affaibli, les mesures de tolérance à
l’exercice sont fréquemment utilisées pour surveiller la gravité de l’insuffisance cardiaque.
L’échocardiographie est également utilisée pour déterminer
la capacité de pompage. Les niveaux de CoQ10 dans les
cas d’infarctus sont plus bas, ce qui a conduit à plusieurs
essais cliniques de supplémentation en CoQ10 chez les
patients en insuffisance cardiaque (4-6). Bien qu’il existe
des preuves que le CoQ10 peut être bénéfique, de grands
essais d’intervention bien conçues sont nécessaires pour
déterminer si une supplémentation a une valeur en tant que
complément à la thérapie médicale conventionnelle dans
le traitement de l’insuffisance cardiaque congestive. Un tel
essai à grande échelle est actuellement en cours (7).
La supplémentation en prétraitement de chirurgie
cardiaque
Des premières preuves existent sur l’effet bénéfique du
CoQ10 sur le myocarde en prétraitement de chirurgie (7).
Ces travaux demandent à être poursuivis afin d’avoir plus
de puissance.
L’hypertension artérielle
Les résultats de plusieurs petites études non contrôlées chez
l’homme suggèrent que le CoQ10 pourrait être bénéfique
dans le traitement de l’hypertension. Plus récemment, deux
essais contrôlés avec placebo (8) à court terme trouvent
qu’il a conduit à diminuer de façon modérée la pression
artérielle chez les personnes hypertendues.
L’addition de 120 mg/jour de CoQ10 à un traitement
médical conventionnel pendant huit semaines chez les
patients souffrant d’hypertension et de maladie de l’artère
coronaire a diminué la pression artérielle systolique en
moyenne de 12 mm Hg et la pression sanguine diastolique
en moyenne de 6 mm Hg, comparativement à un placebo.
Chez les patients atteints d’hypertension systolique isolée,
la supplémentation à la fois avec le CoQ10 (120 mg /jour)
et de vitamine E (300 UI /jour) pendant 12 semaines ont
donné lieu à une diminution moyenne de 17 mm Hg de la
pression artérielle systolique par rapport à 300 UI/jour de
la vitamine E (300 UI/jour) seule. En 2007, une méta-analyse de 12 essais cliniques, sur 362 patients hypertendus,
a trouvé que la supplémentation en CoQ10 (9) réduit la
pression artérielle systolique de 11-17 mm Hg et la pression diastolique de 8-10 mm Hg. Les quatre essais contrôlés randomisés inclus dans cette méta-analyse utilisaient
des doses de 100 à 120 mg/jour de CoQ10.
w CoQ10 et dermo-nutrition
Le CoQ10 amplifie l’expression pour l’élastine dermique,
inhibe la production d’IL-1 α et la synthèse de mélanine in
vitro selon une étude récemment publiée (10).
Cet antioxydant bien connu est déjà utilisé dans de nombreux produits de soins de la peau à des fins d’antivieillissement. Cependant, les mécanismes moléculaires de la
fonction du CoQ10 dans les cellules de la peau ne sont
pas entièrement compris. Ainsi les chercheurs du Centre
de recherche en biologie spatiale et technologie de Beijing (Chine), ont comparés les effets du CoQ10 sur les fibroblastes primaires dermiques humains provenant de trois
adultes. Ils ont démontré qu’un traitement en CoQ10 induit
la prolifération des fibroblastes, augmente l’expression du
type de collagène IV et la réduction induite par matrice
RUV métalloprotéinases-1 (MMP-1) au niveau des cellules
embryonnaires et des cellules des adultes. En outre, le traitement avec le CoQ10 augmente l’expression du gène de
l’élastine dans les fibroblastes cultivés de manière significative et diminue la production d’IL-1a induite par les rayons
UV dans les cellules HaCat.
Au bilan, le CoQ10 a présenté divers avantages anti-âge
contre, à la fois le vieillissement intrinsèque et celui photoinduit. Fait intéressant, il est capable d’inhiber l’activité
tyrosinase, ce qui entraîne une réduction de la mélanine
dans les cellules B16. Ainsi, le CoQ10 peut avoir des effets
potentiels sur la dépigmentation de la peau.
w Le vieillissement de la peau
et son traitement (11)
Le processus de vieillissement cutané
Le vieillissement de la peau est un processus multifactoriel
dynamique, mieux caractérisé et compris dans l’expression
dichotomique :
• le vieillissement intrinsèque ou naturel est cellulairement
déterminé en fonction de l’hérédité, est inévitable, et ses
résultats visibles dans les altérations cutanées ;
• le vieillissement extrinsèque, qui se manifeste aussi dans
les changements cutanés, est originaire de sources exogènes et est évitable.
L’American Academy of Dermatology indique que l’aspect
clinique du photo-vieillissement est caractérisé par la peau
rugueuse, sèche, marbrée de pigmentation, avec la formation de rides. Ces manifestations cutanées, en particulier
lorsqu’elles sont vastes ou sévères, peuvent être signes
avant-coureurs de cancer de la peau. Il est important pour
les médecins de faire comprendre aux patients ce que
représente le photo-vieillissement.
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Influence de l’exposition au soleil
Des divers facteurs du vieillissement extrinsèque, l’exposition au soleil est la principale source. Les effets de
l’exposition chronique au soleil sur la peau sont évidents
lorsqu’une peau généralement pas exposée au soleil et
une peau régulièrement exposés au soleil sont comparées.
Même si le soleil n’est pas le seul facteur étiologique dans
le processus dynamique de vieillissement de la peau, il
est une cause principale exogène parmi plusieurs éléments
internes et environnementaux. Ainsi, le photo-vieillissement
est un sous-ensemble de facteurs de vieillissement extrinsèque de la peau. L’influence de l’exposition au soleil
dans le vieillissement extrinsèque de la peau, ainsi que
son rôle dans ce qui pourrait modifier le cours normal
d’éléments intrinsèques cellulaires, sont discutés. Les télomères, structures spécialisées trouvées aux extrémités des
chromosomes, sont considérées comme partie intégrante
du processus d’évolution cellulaire et de vieillissement,
ainsi que dans le développement de cancer. Le vieillissement, à la fois intrinsèque et extrinsèque, pourrait aussi
être influencé par la présence de radicaux libres. La perte
de collagène de la peau est considérée comme le résultat
histologique caractéristique du vieillissement de la peau.
Rides et changements pigmentaires sont directement associés avec le photo-vieillissement et sont considérés comme
ses manifestations cutanées les plus saillantes. Cette
photo-destruction représente la source importante des
signes cutanés du vieillissement prématuré. En outre, les
conséquences néfastes de l’exposition chronique au soleil
sont diverses formes de cancers photo-induits de la peau.
La prévention
Les stratégies visant à prévenir le photo-vieillissement sont
connues : inclure l’évitement du soleil, utiliser des écrans
solaires pour bloquer ou réduire l’exposition de la peau
aux rayons UV, utiliser les rétinoïdes pour inhiber la synthèse de la collagénase, promouvoir la production de collagène, et utiliser des antioxydants, en particulier en combinaison, pour réduire et neutraliser les radicaux libres.
Agents topiques et techniques dermatologiques
Une peau photo-vieillie a été traitée avec diverses techniques en cabinet et différents agents topiques, dont la
plupart sont destinés à “reconstruire l’état de surface”,
l’épiderme. Essentiellement, cela se traduit par la suppression de l’épiderme endommagé, en remplaçant le tissu
avec des couches plus profondes de la peau.
Plusieurs antioxydants sont incorporés dans des produits
de soins de la peau topiques, y compris les vitamines C
et E, le CoQ10, l’acide férulique, du thé vert, l’idébénone,
le pycnogénol et la silymarine.
Dans une autre étude récente (12) sur les effets de la combinaison d’antioxydants, un groupe de sujets a été traité
tous les jours avec une crème de base contenant 0,05 %
de CoQ10, 0,1 % de vitamine E et de 1 % de squalène.
Ils étaient oralement supplémentés avec 50 mg de CoQ10,
50 mg de D-RRR-α-acétate de tocophérol et 50 µg de
sélénium. Le second groupe a été traité avec une crème de
60
base seulement. Les patients du 2nd groupe ont montré une
augmentation significative de la concentration du CoQ10,
DRRR- a-tocophérol et squalène dans le sébum, mais pas
dans la couche stratum cornéum ni dans le plasma. Le
groupe traité à la fois par voie topique et par voie orale
présentait des niveaux plus élevés de vitamine E et de
CoQ10 dans le stratum cornéum. En termes de prévention, les antioxydants sont les plus efficaces en utilisation
topique et orale, en combinaison. Ils doivent aussi être
utilisés dans une combinaison avec des filtres solaires et
les rétinoïdes pour améliorer leurs effets protecteurs.
Les écrans solaires
Il est utile de rappeler que tous les écrans solaires ont un
effet antioxydant, mais les antioxydants n’ont pas un effet
de protection solaire. Cependant, une étude récente de
l’Université Duke (13) a démontré que vitamines C et E
combinées avec l’acide férulique confèrent à la fois un
effet de protection solaire et un effet antioxydant. Le
CoQ10 ou ubiquinone est un antioxydant liposoluble
trouvé dans toutes les cellules dans le cadre de la chaîne
responsable de la production d’énergie et de transport
d’électron, ayant une activité anti-apoptose (anti-mort de
la cellule). Comme les principaux constituants de la peau,
la concentration du CoQ10 diminue avec l’âge, chez les
animaux et les humains.
Alors que la lumière UV est connue pour détruire les
vitamines C et E, la glutathion et le CoQ10 à partir des
couches épidermiques et dermiques de la peau, le CoQ10
est toujours le premier antioxydant à diminuer (14).
Importance du CoQ10 pour lutter contre l’âge
La perte fonctionnelle des mitochondries représente une
des pistes de recherche les plus pertinentes pour expliquer
Galénique et bio-assimilabilité
L’alimentation procure naturellement environ 3
à 10 mg de CoQ10/jour. Les teneurs cellulaires
s’amenuisent avec l’âge. L’opportunité de supplémenter l’organisme s’est présentée rapidement dès que ses rôles impérieux furent connus.
Le CoQ10 est lipophile : sa biodisponibilité (17)
est donc délicate et requiert des formes moléculaires et des galéniques particulières. La micellisation s’avère la plus efficace. Une étude comparative de différentes formes de CoQ10 a été
menée et démontre les performances de bio-assimilation supérieures pour la forme micellaire.
Cette micelle est amphiphile, donc à la fois
hydrosoluble et liposoluble. Cette structure micellaire se dégrade automatiquement au niveau
des microvillosités de l’intestin, libérant au plus
près la molécule de CoQ10 intacte. Une étude
clinique en double-aveugle, menée en 2005,
démontre que le coenzyme Q10 naturelle hydrophile micellaire a une biodisponibilité quatre
fois supérieure (17).
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le processus de vieillissement cutané prématuré ou non.
Deux études montrent des différences significatives dépendant de l’âge dans la fonction mitochondriale des kératinocytes isolés à partir de biopsies de la peau de jeunes et
vieux donneurs (15, 16).
Ces données permettent de postuler qque les changements
du métabolisme énergétique passent à une voie non mitochondriale et devient donc fonctionnellement anaérobie
avec l’âge. Le CoQ10 a une influence positive sur le métabolisme cellulaire et permet de lutter contre les signes du
vieillissement. Ainsi, l’application topique de CoQ10 est
bénéfique pour la peau humaine, car elle améliore rapidement la fonction mitochondriale dans la peau in vivo.
La perte de l’activité aérobie de la mitochondrie dans
l’épiderme dépend de l’âge des kératinocytes. Elle conduit
à un changement d’un métabolisme énergétique aérobie
vers anaérobie, par un pathway de glycolyse, qui est inévitablement la conséquence d’une utilisation non optimale
du glucose.
La stabilisation de la fonction mitochondriale peut être
obtenue par voie topique avec du CoQ10, et ceci déjà
après une courte période d’application. n
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Nutritions & Endocrinologie • Mars-Avril 2016 • vol. 14 • n° 75
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