DES FLOTTEURS EN LIÈGE - Œuvre du Marin Breton
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DES FLOTTEURS EN LIÈGE - Œuvre du Marin Breton
Almanach 1909 : P. 84 Du véritable progrès DES FLOTTEURS EN LIÈGE A bord de tous les bateaux de pêche. O vous marins, qui avez failli vous noyer, prenez la peine de lire cette page... O vous tous, marins-pêcheurs, qui voyez la mort de si près, faites-nous l’amitié de réfléchir à ce qui suit. Rappelez-vous, chers amis, par quelles terribles angoisses vous avez passé ! Songez que, dans les instants suprêmes où vous avez été en détresse vous auriez été bien heureux de trouver à votre portée des flotteurs ! Rappelez-vous que bien peu s’en est fallu que vous ne perdiez la vie ! Voyez quelle tranquillité, quelle assurance vous eussiez eues si des flotteurs en liège s’étaient trouvés à votre bord. Que ces terribles drames vous soient une leçon salutaire ! Nous vous supplions, chers amis, d’en profiter : fabriquez-vous, pour vos bords, des flotteurs de liège, par exemple dans le genre de ceux que vous voyez dans les abris-du-Marin. Comprenez quelle sécurité des flotteurs donneront à votre bord, soit en cas de naufrage, soit pour jeter à un collègue tombé à la mer ! Ces flotteurs qui ne vous coûtent pas deux francs chacun, vaudront leur poids en or au jour du danger : au jour où vous serez précipité brutalement dans l’abîme... Nous en appelons à tous les marins-pêcheurs, mais plus spécialement encore aux survivants des équipages naufragés entre octobre 1907 et octobre 1908, l’an dernier, et que nous allons énumérer1 : - Les deux survivants du sloop Amélie, coulé près de Bréhat (1 marin noyé). - L’équipage du Petit-Jean, de Paimpol, naufragé en dedans des Héaux. - Les deux Survivants de la Rafale, de Carantec (2 marins noyés). - L’équipage sauvé du Jules-Ferry, échoué sur les rochers près de Lervily. - Les quatre hommes sauvés du canot Credo, coulé aux Sables d’Olonne. - Les équipages sauvés des bateaux de pêche N° 2 168 et 1 756, du Conquet, naufragés prés d’Ouessant. - Les deux hommes du canot N° 2 727, de Kérity, chaviré à un mille de terre (cramponnés longtemps sur des avirons). - L’équipage sauvé du sloop Trinité, sombré dans la baie de la Fresnaye. - L’équipage sauvé de la goélette Victor, de Douarnenez, coulée bas près des Glenans. - Les survivants du N° 1 039, de Douarnenez (un marin noyé) - Les neuf hommes sauvés du canot Augustine, N° 2 416, de Lesconil. - Les six hommes sauvés du Notre dame des Naufragés d’Audierne, sombré sur les récifs de Quillion. - L’équipage sauvé du sloop Saint-Christophe, N° 1 306, perdu sur les côtes anglaises - L’équipage sauvé du sloop Anne-Marie, sombré au large de Saint-Jacut. - Les deux hommes sauvés du canot Amiral Mallet, sombré à Perros-Guirec. - L’équipage sauvé de la goélette Jeune-Manon, brisée sur les rochers de Saint-Palais. - Le survivant du sloop Léon, coulé dans les courreaux devant Port-Maria (et recueilli après une heure et demie d’angoisses sur un aviron ; un homme noyé). - Les six hommes sauvés du Danaïde, naufragé dans le C’hoër, à Penmarc’h. - L’équipage sauvé de Volonté de Dieu, coulé au large de Sein. - L’équipage sauvé de Moïse, coulé au large de Béniguet. - Les six hommes de Dieu et Patrie (sauvés après une nuit d’angoisses). - Les deux survivants de la gabarre Sainte-Anne, sombrée près de Port-Blanc (un homme noyé). - Les trois hommes du Nancy, sauvés dans le port de Tréguier. - Les deux hommes du Sainte-Anne, chaviré dans l’Iroise (sauvés et recueillis à bout de forces après un long et périlleux flottage). - Les deux survivants du dundee Gabrielle-Marie, jeté à la côte (deux hommes noyés). 1 Cette liste se compose des principaux accidents de mer des douze derniers mois de la côte bretonne ; ils démontrent d’une façon plus saisissante, la nécessité d’avoir toujours à bord quelques flotteurs ou bouées de sauvetage. - L’équipage sauvé du Saint-Louis, de Douarnenez, perdu au large des Seven-Stones (côte anglaise). - Les deux hommes sauvés du Philomène, chaviré près de Kérity (recueillis à bout d’efforts sur l’épave). - Le patron du canot Malgré tout, du Croisic, sauvé après un long flottage sur une épave. - Les deux hommes sauvés du canot Philomène, en perdition près des Etocs. - Les quatre hommes du sloop Dépit des Envieux, de Noirmoutier, perdu prés le Pouliguen. - L’équipage du N° 1 036, de Douarnenez, coulé dans la baie d’Audierne. - L’équipage de la Perle 4, de Quimper, chaviré en baie de Concarneau. - Les trois survivants du Dina, chaviré sur les Bris à Oléron. - L’équipage du Chantal Martin, coulé aux Pierres-Vertes, à Ouessant. - Les trois hommes du canot Sainte-Thumette, N° 1 970, de Quimper, échoué prés de l’Île Nonna. Voyez quel grand nombre de marins sans compter tant d’autres encore, ont failli périr cette année, faute de flotteurs, et n’ont dû leur salut qu’à un secours providentiel 2 ... D’autre part, nous devons rappeler quelques-uns des sinistres de bateaux perdus corps et biens, accidents où des flotteurs auraient suffi très probablement à sauver les hommes puisque la terre ou des bateaux sauveteurs se trouvaient à portée. - Les trois hommes d’une barque chavirée près du sémaphore de Norderven, noyés parce qu’ils n’ont pas pu tenir sur l’eau jusqu’à l’arrivée des secours. - L’équipage noyé de la goélette Nouvelle Diane de l’Île de Ré, perdue corps et biens à l’entrée de Trouzoul en Trébeurden. - Les quatre hommes noyés du Saint-Ervoan, de Trélevern, naufragé dans le chenal des Sept-Iles. - L’équipage du Saint-Antoine de Padoue, perdu corps et biens à l’entrée du pertuis de Maumusson. - Les quatre hommes noyés de Volonté de Dieu N° 321, de Bélon. - Les quatre hommes noyés du Marie-Joseph, de Brest, chaviré dans le Four. - Les deux hommes du Marsouin, chaviré et coulé prés de Kerlouan (n’ont pu se maintenir sur l’eau avant l’arrivée des secours). - Les trois hommes de la chaloupe Sept-frères, N° 1682 d’Auray, sombrée près du Croisic. - Les quatre hommes noyés du Saint-Julien d’Auray, naufragé sous la pointe de l’Eve. - Le matelot noyé du sloop Amélie, coulé près de Bréhat. - Les deux marins noyés de la Rafale de Carantec, naufragée près de Santec. - Le matelot noyé du n° 1 039 de Douarnenez, naufragé dans la baie de Dinan. - Le marin noyé du sloop Léon, coulé près de Port-Maria - Le marin noyé du Sainte - Anne, sombré près de Port-Blanc. - Les deux hommes noyés du dundee Gabrielle-Marie, jeté à la côte prés du sémaphore des Sables. - Le marin noyé du Dina, chaviré sur les Bris, à Oléron. - Les deux hommes noyés du Trois-Frères, coulé dans le chenal des Sept-Iles, et tant d’autres encore ;... Réfléchissez que les quarante et quelques hommes péris, relevés sur ces deux listes, seraient presque tous encore pleins de vie dans leur famille s’ils avaient eu à portée des flotteurs... de ces humbles flotteurs en liège qui coûtent à peine deux francs !... Allons, marins-pêcheurs de Portsal, du Conquet, de Sein, du Cap, d’Audierne, de Saint-Guénolé, de Douarnenez, de Guilvinec d’Etel, de Concarneau, de Tréboul, de Camaret, etc., songez au grand péril que vous courez chaque hiver : à la merci d’un brisant ! Fabriquez-vous donc tous des flotteurs pour vos bords. Plusieurs équipages intelligents en ont fait : ne soyez pas les derniers à en adopter, puisque vous prétendez aimer le Progrès ! ... Car, ceci est bien du progrès, un progrès véritable qu’il s’agit d’apporter vos bords ! Et, c’est si facile : quelques coups de couteau pour façonner les plaques de liège, quelques amarrages à souquer, moins de deux francs à débourser ! Il y a principalement le modèle que nous représentons page 87. Celui-là est com2 Nous avons choisi, parmi les accidents de mer des douze derniers mois sur la côte bretonne, des exemples singulièrement instructifs à l’appui de notre campagne en faveur des flotteurs. Des flotteurs à bord eussent sauvé la plus grande partie des quarante et quelques hommes qui, hélas, ont péri, faute d’avoir pu tenir quelques moments de plus sur l’eau. mode à capeler soit à bord, soit dans l’eau ; il est très puissant et tient la tête assez élevée au-dessus de l’eau ; enfin il peut protéger contre le choc des rochers le corps qui arrive à la côte roulé dans les brisants. Ce flotteur-là ne revient pas à deux francs! Il est excellent de tremper les lièges de ces flotteurs (avant de les amarrer ensemble) dans un mélange chaud de brai et de cire-de-pétrole pendant dix minutes : cet enduit conserve au liège tout son pouvoir flottant pendant de longues années. - Pour savoir si une ceinture portera bien un homme, essayez-la dans l’eau avec un poids de 8 kilos (un homme dans l’eau pèse de 4 à 6 kilogrammes). Patrons intelligents, donnez donc le bon exemple ! Fabriquez-vous des flotteurs en liège : c’est si simple et si facile à arrimer à bord. Vous êtes des marins trop hardis et trop éclairés pour craindre qu’on vous blague ni qu’on vous accuse d’avoir peur. Il n’y a que des imbéciles qui pourraient se moquer d’un perfectionnement qui peut conserver de braves marins à leurs familles !