Calcifications cardiovasculaires chez l`hémodialysé chronique

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Calcifications cardiovasculaires chez l`hémodialysé chronique
Calcifications cardiovasculaires chez l’hémodialysé chronique.
Prévalence et facteurs de risque
L. Benamar, H. Rhou, M.H. Guerraoui, B. Bakkal, H. Benjelloun, I. Laouad, N. Arzouk,
L. Benabdellah, N. Ouzeddoune, F. Ezaitouni et L. Balafrej
Service de néphrologie et d’hémodialyse,
CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc
Objectifs : les affections cardiovasculaires constituent la première cause de morbi-mortalité en hémodialyse chronique. Les
calcifications cardiovasculaires sont fréquemment observées
chez ces patients.
Le but de notre travail est de déterminer la prévalence des
calcifications cardiovasculaires dans une population d’hémodialysés chroniques et d’évaluer les facteurs de risque de ces calcifications au niveau des sites les plus fréquemment visibles sur des
radiographies standards et l’échocardiographie.
Méthodes : il s’agit d’une étude transversale effectuée dans
l’unité d’hémodialyse du CHU Ibn Sina. La population étudiée
comporte 86 hémodialysés chroniques depuis plus d’un an d’âge
moyen 42 ± 15,5 ans dont 44 hommes et 42 femmes. La durée
moyenne de l’hémodialyse est de 65 ± 46 mois.
Résultats : la prévalence des calcifications cardiovasculaires
est de 24,5%. Les hémodialysés chroniques avec des calcifications cardiovasculaires étaient plus âgés (50,5 ± 15,4 vs 39 ± 14,6
ans ; p = 0,003), avaient une durée d’hémodialyse plus longue
(81 ± 51 vs 59 ± 43 mois ; p = 0,05) et une calcémie plus élevée
(2,27 ± 0,15 vs 2,1 ± 0,19 mmol/l ; p = 0,03). Nous avons noté
aussi une prédominance du sexe masculin (le sexe ratio H/F :
18/3 vs 26/39 ; p = 0,0002). L’analyse multivariée a retenu comme
facteur indépendant de risque de calcifications cardiovasculaires
l’âge élevé (p = 0,01).
Conclusion : les calcifications cardiovasculaires semblent
peu fréquentes chez nos patients hémodialysés chroniques.
L’âge élevé, la longue durée d’hémodialyse et le sexe masculin
représentent des facteurs de risque. L’utilisation de faibles doses
de carbonate de calcium, de vitamine D et le régime alimentaire
pauvre en produits laitiers (phosphore et calcium) pourraient
expliquer cette faible prévalence.
Objectives : cardiovascular diseases are the leading cause of
morbidity and mortality in chronic hemodialysed patients.
The aim of our study was to determine the prevalence of cardiovascular calcifications in dialysed patients and to evaluate
their risk factors.
Methods : we did a transversal study in 86 chronically
hemodialysed patients in the hemodialysis department, Ibn Sina
university hospital (Rabat). All patients, 44 men and 42 females,
mean age 42 ± 15.5 years were hemodialysed for more than one
year.
Findings : the prevalence of cardiovascular calcifications was
24.5%. Chronic hemodialysed patients with cardiovascular calcifications were older (50.5 years ± 15.4 vs 39 years ± 14.6 ;
p = 0.003). They had a long hemodialysis duration (81 months ±
51 vs 59 months ± 43 ; p = 0.05) and a higher calcium plasmatic
concentration (2.27 ± 0.15 vs 2.1 ± 0.19 mmol/l ; p = 0.03). We
noted a male gender predominance (sex ratio M/W = 18/3 vs
26/39 ; p = 0.0002). Multivariate analysis showed, as an independent predictor of cardiovascular calcifications, the old age
(p = 0.01).
Cardiovascular calcifications seem uncommon in our
hemodialysis patients. Older age, longer hemodialysis duration
and male gender are risk factors.
The use of low doses of calcium carbonate, vitamin D and
low milk products diet may explain this low prevalence.
Mots-clés: hémodialyse chronique – calcifications cardiovasculaires.
Key words : Chronic hemodialysis – Cardiovascular calcifications.
■ Introduction
sentent la première cause de décès chez les urémiques du fait de
l’accélération des processus d’athérosclérose chez ces patients et
des calcifications de leurs artères.1,2 Les calcifications cardiovasculaires (CV) sont dues aux dépôts d’hydroxy-apatite au niveau de la
média des artères.3 Ce dépôt résulte de deux processus successifs :
Le taux de mortalité lié aux complications cardiovasculaires est
beaucoup plus élevé chez l’hémodialysé chronique que dans la
population générale. Ces complications cardiovasculaires repré-
Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003, pp. 143-147
143
articles originaux
Résumé • Summary
1. La nucléation ou fixation du calcium sur une trame organique.
moment de l’étude, une échocardiographie et un suivi biologique régulier.
2. La croissance du cristal calcique aboutissant à un dépôt calcique d’hydroxy-apatite (phosphate tricalcique).
● Méthodes
Ces calcifications cardiovasculaires sont décrites dans de
nombreuses pathologies et elles peuvent intéresser aussi bien les
différentes structures cardiaques que les vaisseaux artériels de
l’organisme. Elles sont plus fréquemment observées chez les urémiques que chez les non urémiques puisque Ibels4 grâce à des
études histologiques, retrouve des calcifications médiales chez
46% des sujets traités par dialyse contre seulement 17% des
sujets non urémiques du même âge et du même sexe. Par lecture
des radiographies standards, les calcifications artérielles sont
observées chez 25 à 50% des hémodialysés chroniques.5-9 Il est
également possible d’étudier la présence et la progression des
calcifications artérielles par le scanner ultra-rapide comme ça a
été le cas dans le dépistage des calcifications de l’artère coronaire
dans l’étude de Goodmann10 chez des jeunes hémodialysés.
En fait les différents travaux consacrés aux calcifications vasculaires sont rares et discordants en raison de l’hétérogénéité des
méthodes d’appréciation. Certaines études sont histologiques et
d’autres sont cliniques. Au sein des études cliniques, certaines
étudient la progression des calcifications vasculaires et d’autres
font une analyse semi-quantitative en définissant un score relatif
au nombre de sites artériels avec calcifications.10 De même différents territoires artériels sont explorés selon les études.
Ces calcifications sont favorisées par un certain nombre de facteurs qui peuvent être communs à l’athérosclérose tels que :
l’âge,4,5,8,12 le sexe masculin,12,13 la durée de l’hypertension artérielle, ainsi que l’hypertriglycéridémie.12 D’autres facteurs favorisants sont en rapport avec l’urémie : la durée d’hémodialyse,11
l’élévation de la calcémie et la dose administrée de carbonate de
calcium11 l’hyperphosphorémie,7 l’hypoalbuminémie, un fibrinogène et une CRP élevés,11 l’hypomagnésémie,14 l’hyperparathyroïdie15 et l’augmentation de la 1-25 OH vitamine D plasmatique.16
Les buts de notre étude étaient :
articles originaux
• D’évaluer la prévalence des calcifications cardiovasculaires
dans une population d’hémodialysés chroniques depuis plus
d’un an.
• De déterminer parmi les facteurs suivants lesquels étaient liés
au développement de ces calcifications : l’âge, le sexe, la durée
d’hémodialyse, la pression artérielle systolique, diastolique et
moyenne, les valeurs plasmatiques du phosphore, du calcium, de
la parathormone, du cholestérol, des triglycérides ainsi que la
posologie de carbonate de calcium et du 25 OH vitamine D orale.
■ Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude transversale réalisée durant le mois
d’août 2000 dans l’unité d’hémodialyse du Service de néphrologie du CHU Ibn Sina de Rabat, Maroc.
● Patients
Ont été inclus les hémodialysés chroniques ayant : une durée
d’hémodialyse de plus d’un an, un bilan radiologique réalisé au
144
Pour le recueil des données cliniques, biologiques et thérapeutiques, nous nous sommes basés sur la revue des dossiers
médicaux et des cahiers de dialyse ainsi que sur l’anamnèse.
Données cliniques
Les paramètres retenus ont été les suivants : l’âge du malade
au moment de l’étude, le sexe, l’ancienneté de l’hémodialyse
exprimée en mois, la nature de la néphropathie initiale prouvée
par biopsie ou suspectée, la pression artérielle systolique (PAS),
diastolique (PAD) et moyenne avant la première séance de dialyse de chaque semaine. La pression artérielle moyenne (PAM) a
été calculée par la formule suivante : PAM = 2 x PAD + PAS)/3.
Pour tous les patients, nous avons calculé la moyenne
annuelle de chaque pression.
Données biologiques
Les paramètres suivants ont été recueillis de façon mensuelle
pour chacun de nos patients : la calcémie, la phosphorémie, la
glycémie, la cholestérolémie, la triglycéridémie et les phosphatases alcalines.
Pour chacun de ces paramètres biologiques, nous avons calculé la moyenne annuelle pour chaque patient.
Le dosage de parathormone retenu est celui effectué au
moment de l’étude.
Données radiologiques
L’existence des calcifications vasculaires a été appréciée par
les radiographies standards. Ces examens radiologiques comportaient des clichés de profil du rachis lombaire et un bassin de
face. Nous avons recherché les calcifications vasculaires à deux
niveaux :
• Des artères iliaques primitives et de leur bifurcation dans un
espace limité par une ligne horizontale passant en haut par les
deux crêtes iliaques et en bas par la pointe des ischions.
• De l’aorte abdominale dans une zone limitée par deux lignes
horizontales passant par le bord supérieur de la deuxième vertèbre
lombaire et le bord inférieur de la troisième vertèbre lombaire.
L’échocardiographie nous a permis de rechercher les calcifications cardiaques au niveau des valves mitrales et aortiques.
Modalités thérapeutiques
Tous nos patients étaient dialysés douze heures par semaine
en deux ou trois fois, la teneur en calcium des bains de dialyse
est de 1,75 mmol/l, et 90% des bains sont tamponnés à l’acétate. Différents types de dialyseurs ont été utilisés chez chaque
patient selon la disponibilité du matériel de dialyse et ils ont été
classés en deux catégories suivant les performances de la membrane : membrane à haute performance telle que la polysulfone
et membrane de moindre performance en diacétate de cellulose
ou en cuprophane.
Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003
En ce qui concerne le traitement oral, nous avons retenu
pour chaque patient la moyenne des doses quotidiennes de carbonate de calcium en grammes par jour et la moyenne des doses
hebdomadaires de 25 OH vitamine D ou de 1hydroxy-vitamine
D3 administrées per os après chaque séance de dialyse.
Tableau II : Etiologie de l’insuffisance rénale.
Néphropathie
Nombre
de malades
Pourcentage
Glomérulonéphrite chronique
30
34,9%
Néphropathie diabétique
12
14%
Analyse statistique
Néphrite interstitielle chronique
13
15%
Les variables quantitatives ont été exprimées en moyenne ±
écart type de la moyenne et les variables qualitatives en effectif
et en pourcentage. La médiane ainsi que l’intervalle interquartile
(25e percentile et 75e percentile) ont été indiqués. Le test t de
Student a été utilisé pour la comparaison des variables quantitatives et le test Chi 2 ou celui de Fisher exact pour la comparaison
des variables qualitatives. L’analyse multivariée a fait appel à la
régression logistique multiple. Une valeur p < 0,05 est considérée comme significative.
Polykystose rénale
Indéterminée
3
3,5%
28
32,6%
Le tableau III montre la distribution des variables biologiques
en médiane, en 25e et en 75e percentile. Nous remarquons que
50% des malades ont une phosphorémie normale inférieure
à 1,41mmol/l et 75% ont une calcémie normale inférieure à
2,32 mmol/l.
Tableau III: Analyse descriptive des caractères biologiques chez l’hémodialysé chronique.
Nous avons étudié 86 patients hémodialysés chroniques. Le
tableau I résume les caractéristiques cliniques des hémodialysés
chroniques. Il s’agit de 44 hommes (51,2%) et 42 femmes
(48,8%), d’âge moyen 42 ± 15,5 ans avec des extrêmes allant de
11 à 77 ans. La durée moyenne de la dialyse est de 65 ± 46 mois
(12 à 206 mois). Soixante-quinze pour cent des patients sont
âgés de moins de 54 ans, sont normotendus (140/90 mmHg) et
ne présentent aucun antécédent cardiovasculaire.
Tableau I : Analyse descriptive des caractères cliniques chez l’hémodialysé chronique.
e
e
Variables
M ± SEM
Médiane
25 perc
75 perc
Age (ans)
42 ± 15,5
39
30
54
Durée d’HD (mois)
65 ± 46
49,5
28,7
92
PAS (mmHg)
144 ± 18
140
130
140
PAD (mmHg)
85 ± 13
80
80
90
PAM (mmHg)
104 ± 13
105
96
113
HD : hémodialyse ; PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle
diastolique ; PAM : pression artérielle moyenne ; M : moyenne ; SEM : écart type
de la moyenne ; Perc : percentile.
Les néphropathies initiales sont représentées dans le tableau II.
Les glomérulonéphrites chroniques et la néphropathie diabétique
dominent l’étiologie de l’insuffisance rénale chronique.
En ce qui concerne le traitement influençant le métabolisme
phosphocalcique :
• Quatre-vingt-treize pour cent des malades prennent du carbonate de calcium comme complexant du phosphore, la dose
moyenne est de 4,7 g/j. Les autres malades ont une phosphorémie normale sans adjuvant thérapeutique.
• Vingt-huit pour cent sont sous 25 OH vitamine D avec une
dose moyenne de 90 µg/semaine.
• Quarante-trois pour cent des malades ont du 1 hydroxy-vitamine D3 avec une dose moyenne de 0,75 µg/semaine.
Néphrologie Vol. 24 n° 3 2003
Variables
M ± SEM
Médiane
25e perc
75e perc
Calcémie (mmol/l)
2,2 ± 0,2
2,2
2,1
2,3
Phosphorémie
(mmol/l)
1,5 ± 0,4
1,4
2,15
1,8
PTH (pg/ml)
538 ± 72
231
54
827
PAL (UI/l)
195 ± 246
107
71
217
Cholestérolémie
(g/l)
1,6 ± 0,5
1,5
1,2
1,8
Triglycéridémie
(g/l)
1,26 ± 0,7
1
0,8
1,44
Glycémie (g/l)
1,1 ± 0,9
0,88
0,8
0,9
PTH : parathormone ; PAL : phosphatase alcaline.
Les calcifications cardiovasculaires ont été notées chez 21
patients soit une prévalence de 24,5%. Ces calcifications étaient
trouvées au niveau de l’aorte lombaire dans 18,6%, les artères
iliaques dans 12,8% et les valves mitro-aortiquues dans 9,6%.
La comparaison entre deux groupes de patients, ceux ayant des
calcifications (groupe I) et ceux n’en ayant pas (groupe II) montre
la prédominance du sexe masculin (le sexe ratio H/F est de 18/3
dans le groupe I vs 26/39 dans le groupe II ; p = 0,0002). Il
n’existe pas de différence significative entre les diabétiques et les
non diabétiques ni entre les hypertendus et les normotendus.
Cette comparaison a montré que les hémodialysés chroniques
avec des calcifications étaient significativement plus âgés, (50,5 ±
15,4 vs 39 ± 14,6 ans ; p = 0,003), leur durée d’hémodialyse était
plus longue (81 ± 51 vs 59 ± 43 mois ; p = 0,05) et que leur taux
de calcémie était plus élevé (2,27 ± 0,15 vs 2,17 ± 0,19 mmol/l ;
p = 0,03) que les patients sans calcifications cardiovasculaires. Il
n’existe pas de différence significative entre les deux groupes en
ce qui concerne la phosphorémie, la parathormone, les lipides
(tableau IV).
L’analyse multivariée a retenu comme facteur indépendant
de risque de calcifications cardiovasculaires : l’âge élevé avec
p = 0,01.
145
articles originaux
■ Résultats
Tableau IV: Facteurs de risque des calcifications vasculaires chez l’hémodialysé chronique.
Sexe H/F
Age (années)
Durée d’HD (mois)
Bain acide/bain bicar
Groupe CV+
Groupe CV -
p
18/3
26/39
0,0002
50,5 ± 15,4
39 ± 14,6
0,003
81 ± 51
59 ± 43
0,05
18/3
60/5
NS
PTH (pg/ml)
511 ± 717
547 ± 62
NS
PAL (UI/L)
205 ± 312
191,5 ± 193,5
NS
Cholestérolémie (g/l)
1,53 ± 0,3
1,61 ± 0,6
NS
Triglycéridémie(g/l)
1,06 ± 0,3
1,3 ± 0,8
NS
Calcémie (mmol/l)
2,27 ± 0,15
2,1 ± 0,19
0,03
Phosphorémie (mmol/l)
1,6 ± 0,5
1,4 ± 0,4
NS
CaCo3 (g/j)
3,7 ± 1,7
5±3
0,05
25 OH D (µg/semaine)
133 ± 36
75 ± 18
NS
1 OH D3 (µg/semaine)
0,3 ± 0,2
0,9 ± 0,2
NS
103,8 ± 14
104,5 ± 13,5
NS
PAM (mmHg)
CV : calcifications vasculaires ; PTH : parathormone ; PAL : phosphatase alcaline ; HD : hémodialyse ; CaCo3 : carbonate de calcium ; PAM : pression arterielle moyenne.
tions cardiovasculaires (p = 0,01). Ces données concordent avec
les différentes séries de la littérature.12,17,18,21
Le sexe masculin représente un facteur de risque de calcifications cardiovasculaires dans notre étude. Dans les travaux de
Goldsmith,17 Ribeiro,18 et Guerrin11 il n’existe pas de prédominance de sexe.
Les calcifications cardiovasculaires sont favorisées par certains nombres de facteurs tels que l’hyperphosphorémie,7 l’hyperparathyroïdie,15 la durée de l’hypertension artérielle et l’hypertriglycéridémie,12 la durée d’hémodialyse, le taux de calcémie, les
doses de carbonate de calcium.11 Dans notre travail, un taux de
calcémie plus élevé semble être un facteur favorisant chez les
patients ayant des calcifications cardiovasculaires, ceci est probablement en rapport avec l’hyperparathyroïdie notée chez plus de
50% de nos hémodialysés chroniques avec une parathormone
moyenne de 538 ± 72 pg/ml et la tendance à l’hyperphosphorémie. En ce qui concerne le carbonate de calcium, nous n’utilisons
pas des doses importantes puisque la phosphorémie est subnormale du fait d’un régime pauvre en produits laitiers et en protéines animales.
L’ensemble de ces facteurs retrouvés chez nos hémodialysés
chroniques : l’âge jeune, l’absence de dyslipidémie et les doses
faibles de carbonate de calcium utilisées expliquent la faible prévalence des calcifications cardiovasculaires.
■ Conclusion
articles originaux
■ Discussion
Les calcifications cardiovasculaires sont observées dans de
nombreuses pathologies et leur étiologie est multifactorielle. Elles
constituent un facteur majeur de morbi-mortalité en hémodialyse
chronique.11 Ces calcifications sont en rapport avec un dépôt
minéral au niveau de la média par opposition à la population
générale où les calcifications par plaques d’athérome prédominent. Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents restent à
démontrer ; cependant certains suggèrent un processus actif plutôt qu’une précipitation minérale passive.3 La prévalence des calcifications cardiovasculaires est élevée chez les patients en insuffisance rénale chronique terminale.3 Ceci est en rapport aussi bien
avec les facteurs de risque classiques tels que l’âge, le diabète, la
dyslipidémie, que les facteurs propres à l’urémie tels que les perturbations phosphocalciques.16 Dans notre étude, cette prévalence est plus faible par rapport à la littérature et représente
24,5%. La prévalence des calcifications vasculaires dans l’étude
antérieure de Renaud,12 est de 58% et dans celle de Goldsmith17
elle est de 92%. Pour les calcifications valvulaires mitro-aortiques
elle représente 9,6% dans notre série alors qu’elle est de 58,7%
selon Ribeiro et coll.18 Cette prévalence faible peut être expliquée
par l’âge jeune de nos patients (42 ans ± 15,5) à l’opposé des différents auteurs où l’âge moyen des hémodialysés chroniques est
élevé.
Une corrélation a été trouvée entre l’âge, la durée d’hémodialyse et la présence de calcifications vasculaires10 ou valvulaires.19,20
Dans notre série, les hémodialysés chroniques avec des calcifications cardiovasculaires sont plus âgés et ont une durée d’hémodialyse plus longue que ceux sans calcifications cardiovasculaires.
L’analyse multivariée a retenu que l’âge est un facteur indépendant statistiquement significatif de développement des calcifica-
146
Nos résultats indiquent que l’âge, la durée d’hémodialyse, le
sexe masculin représentent des facteurs de risque de calcifications cardiovasculaires en hémodialyse chronique. Cependant la
prévalence de ces calcifications est beaucoup plus faible que
dans la littérature du fait de l’âge jeune des patients, et du
régime pauvre en produits laitiers.
Adresse de correspondance :
Dr Loubna Benamar
Professeur agrégé
Service de néphrologie-hémodialyse
CHU Ibn Sina
Rabat
Maroc
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Date de soumission : octobre 2001
Date d’acceptation : janvier 2003
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