pdf - 105,97 ko - Fondation Jean

Transcription

pdf - 105,97 ko - Fondation Jean
Colloque au Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle
Les socialismes : doctrines fondatrices et lectures contemporaines
Lundi 27 juin 2011 à 19 heures - Lundi 4 juillet 2011 à 14h
Soirée-débat proposée par la Fondation Jean-Jaurès, jeudi 30 juin 2011
Présentation de la Fondation Jean-Jaurès, par Thierry Mérel, responsable du secteur
histoire de la Fondation Jean-Jaurès
Table-ronde animée par Gilles Candar, président de la Société d’études jaurésiennes,
« L’horizon international du socialisme français (1840-1914) », avec Amaury Catel, Marion
Fontaine, Emmanuel Jousse, et Jean-Numa Ducange.
L’horizon international du socialisme français (1840-1914)
Théories, doctrines ou pratiques, il est de plus en plus nécessaire non seulement d'étudier le
socialisme français au sein d'ensembles plus vastes, mais surtout de s'interroger sur le sens,
les modalités et le fonctionnement des échanges, influences et controverses internationales
qui participent pleinement de sa configuration. Il faut remonter aux débats fondateurs,
depuis les années 1840 jusqu'à la Grande Guerre : se cristallisent alors les principales
orientations et lignes de fracture d'un socialisme français soucieux de se doter d'une
réflexion et d'un projet à portée universelle.
Amaury Catel : Une mésentente fondatrice : la réponse de Louis Blanc aux hégéliens de
gauche allemands
En 1843, après l’interdiction de leur journal d’opposition Die Rheinische Zeitung, Karl Marx et
Arnold Ruge gagnent Paris dans le but d’y forger une alliance intellectuelle et politique avec
les démocrates et les socialistes français « les plus avancés ». Aboutissement de ce projet
internationaliste et révolutionnaire, caressé par de nombreux représentants de
l’hégélianisme de gauche (et par Ludwig Feuerbach et Moses Hess en tout premier lieu), la
première livraison des Annales franco-allemandes, en février 1844, est le témoin de cette
démarche et de son échec. Car de tous les Français invités à prendre part à l’entreprise –
entre autres : Flora Tristan, Etienne Cabet, Victor Considerant, Pierre Leroux – aucun ne
consent finalement à donner un texte. Avant même la parution de l’unique numéro des
Annales franco-allemandes, Louis Blanc, le théoricien socialiste de l’Organisation du travail
(1840) admiré et sollicité par Arnold Ruge, avait pris la peine, dans un article de la Revue
indépendante, de répondre sur le fond aux propositions et aux idées de ses collègues
allemands. Au seuil d’une décennie de maturation des socialismes européens, cette réponse
semble cristalliser une mésentente intellectuelle et politique fondatrice, dont la relecture est
utile à la compréhension historique des divergences souvent pointées entre deux traditions
socialistes aux particularités nationales marquées, l’allemande et la française.
Emmanuel Jousse : Les occasions manquées : Lassalle en France
De 1871 à 1879, peu de choses sont dites : ni sur la façon dont le mouvement ouvrier a
subsisté en France après l’année terrible, ni sur les débats théoriques qui ont finalement
amené l’adoption du collectivisme. Un retournement a lieu malgré tout, dont il faut saisir le
mécanisme: le mouvement, d’agonisant, renaît de ses cendres; de coopérateur et
républicain, il devient collectiviste et révolutionnaire. L’intervention visera à étudier ce
retournement, à partir de la traduction en français de Capital et Travail de Lassalle par
Benoît Malon en 1880. L’ancien communard exilé à Lugano trouve dans l’œuvre du
fondateur du premier parti ouvrier allemand les ressources théoriques pour s’opposer aux
coopérateurs et républicains, et montrer la nécessité d’un parti autonome. Mais dans la
lutte qui l’oppose ensuite aux marxistes, la référence à Lassalle sert à contrebalancer
l’influence de Marx : elle construit une approche positive de l’Etat, et met au cœur de la
méthode socialiste le suffrage universel et les réformes politiques. A partir de cette
traduction, c’est donc la cristallisation progressive des choix opérés par le socialisme français
à la fin des années 1870 qui apparaît : le refus d’un mouvement limité aux organisations
économiques (et donc d’un trade-unionisme à l’anglaise), et le débat stratégique sur la
valeur des réformes et de l’Etat, qui divise profondément le mouvement entre les
«possibilistes» et les socialistes.
Jean-Numa Ducange : Jaurès rencontre Nietzsche
Notre communication reviendra sur un aspect controversé de l’histoire internationale du
socialisme : la réception et la discussion de la figure de Nietzsche dans le socialisme
allemand et français autour de 1900. Nous partirons de retranscriptions de conférences
méconnues de Jean Jaurès sur Nietzsche, qui permettront une entrée singulière dans ce
débat révélateur des tensions qui accompagnent l’introduction du marxisme en France. Une
réflexion plus globale sur la confrontation Marx / Nietzsche dans les gauches sera suggérée
pour le débat.
Marion Fontaine : Jaurès, la nation, le socialisme : les conférences d’Argentine
Les conférences que Jaurès prononce en 1911, lors de son séjour en Amérique latine et plus
particulièrement en Argentine, sont pour lui l’occasion de réfléchir, en socialiste, au sens et
aux modes de construction de la nation, dans l’ancien et le nouveau monde. Elles doivent
permettre plus largement d’observer la prise en compte par Jaurès du pluralisme culturel et
la manière dont il esquisse les formes d’édification du socialisme dans ce contexte.
Et guise de conclusion : Gilles Candar : Lectures jaurésiennes de Tolstoï
Jaurès ne peut se laisser enfermer dans ses références doctrinales. Historien, il se
revendique à bon droit de Marx, mais aussi et tout aussi légitimement de Michelet et de
Plutarque. Socialiste, il défend une conception idéaliste du devenir humain dont il propose
une application pratique lors de l'affaire Dreyfus. Et son rapport à la littérature n'est pas du
seul domaine privé ou de l'anecdote. Il lit, rend compte de ses lectures et les commente.
Ainsi, il a l'occasion avec Tolstoï d'approfondir ses conceptions de l'humanité et de la
civilisation socialiste.
Cette table-ronde sera suivie d’un temps de débat avec le public.
Intervenants :
Gilles Candar est professeur d’histoire en classes préparatoires au lycée Montesquieu (Le
Mans) et il préside la Société d’études jaurésiennes. Il coordonne l’édition des Œuvres de
Jean Jaurès aux éditions Fayard, dont le tome 2 Le passage au socialisme 1889-1893 vient de
paraître. Il est l’auteur avec Manuel Valls de La gauche et le pouvoir. Juin 1906 : le débat
Jaurès-Clemenceau (Fondation Jean-Jaurès, août 2010) et vient de diriger Jaurès, du Tarn à
l’Internationale (Fondation Jean-Jaurès, janvier 2011)
Marion Fontaine est maître de conférences à l’université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
(Centre Norbert Elias) et secrétaire de la Société d’études jaurésiennes. Elle vient de publier
Le Racing Club de Lens et les« Gueules Noires ». Essai d’histoire sociale (éd. Les Indes
Savantes) et prépare l’édition du tome des Œuvres de Jaurès consacré au pluralisme culturel.
Jean-Numa Ducange est maitre de conférences l'université de Rouen. Il a soutenu en 2009
sa thèse de doctorat Élaborer, écrire et diffuser l’histoire de la « Grande Révolution
française » dans les social-démocraties allemande et autrichienne (1889-1934). Il a
notamment publié avec Gilles Candar un choix de textes de Paul Lafargue, Paresse et
Révolution aux éditions Taillandier en 2009, une édition de textes croisés de Jean Jaurès et
Karl Kautsky sur la Révolution française (Demopolis, 2010) et avec Mohamed Fayçal Touati
Marx, l'histoire et les révolutions aux éditions la Ville Brûle en septembre 2010.
Emmanuel Jousse est agrégé d’histoire, attaché temporaire d’enseignement et de recherche
(ATER) à Sciences Po Paris. Il prépare actuellement une thèse Du socialisme réformiste au
socialisme des experts. La construction du réformisme français, 1871-1918. Il a reçu en 2006
le Prix de la Fondation Jean-Jaurès pour son travail sur Edouard Bernstein, publié en 2007
sous le titre Réviser le marxisme ? (coll. « Des poings et des roses », éd. L’Harmattan). Il a
publié récemment « Les difficultés de l’Entente cordiale : les usages de la référence au
Labour dans la SFIO de Jean Jaurès », in Jaurès, du Tarn à l’Internationale, (Fondation JeanJaurès, Les Essais, janvier 2011), « Les présupposés du réformisme. Autour de la Société
fabienne 1884-1914 », Mil Neuf Cent. Revue d’histoire intellectuelle (à paraître).
Amaury Catel est titulaire d’un master franco-allemand de recherche en sciences sociales de
l'Université franco-allemande (DFH-UFA). Il a soutenu en 2009 à l'EHESS un mémoire de
recherche en histoire intitulé « Le traducteur et le démiurge. Hermann Ewerbeck, un
communiste allemand à Paris (1841-1860) ». Trésorier de la Société d'études jaurésiennes et
collaborateur des Cahiers Jaurès, il prépare actuellement une thèse sur « Le rôle des
traducteurs de philosophie dans l'importation et la construction de l'hégéliano-marxisme en
France (1840-1871) », sous la direction de Christophe Prochasson.