Héraclès 49 - Brigade de transmissions et d`appui au

Transcription

Héraclès 49 - Brigade de transmissions et d`appui au
Dé c e m b r e 2012
LETTRE TRIMESTRIELLE D’INFORMATION ET D’ÉCHANGE
DE LA COMMUNAUTÉ DOCTRINALE TERRESTRE
49
ÉDITORIAL
La BTAC : une expertise indispensable à la
maîtrise de l’information
L
es enseignements de la campagne de France
de 1940 pointent notamment l’insuffisance
des capacités du commandement français
pour transmettre les ordres et comptes rendus à
temps. Ce déficit est à l’origine de la création de
l’arme de Transmissions en 1942.
Soixante-dix ans plus tard, ce numéro d’Héraclès
consacré à la brigade de transmissions et d’appui
au commandement (BTAC) démontre que du fait
de la complexité des engagements modernes,
des progrès des nouvelles technologies de
l’information et de la communication (NTIC) et
de l’exigence accrue d’interopérabilité avec
l’OTAN et nos grands alliés, les transmetteurs
sont au cœur de deux fonctions-clés définies
par la doctrine interarmées d’emploi des
forces (DIA-01) : « commander » et « maitriser
l’information ».
Capable de mettre en place un réseau de
théâtre et de soutenir les états-majors de
niveaux opératif et tactique, la BTAC contribue à
satisfaire l’ambition de notre pays d’être une
« nation cadre », apte à commander une
opération multinationale d’envergure. Pour
gagner en efficacité dans son rôle d’appui au
commandement, la brigade a adapté ses
structures et consolidé la doctrine d’emploi de
ses unités. De surcroit, elle entretient une forte
exigence de formation individuelle de son
personnel dont la compétence repose sur une
adaptation permanente aux évolutions des
matériels et des logiciels.
A l’instar de l’ensemble de l’environnement
opérationnel, la complexité de la fonction SIC
s’est en effet considérablement accrue. Sur les
théâtres, les détachements de transmissions
doivent relever de nombreux défis pour
répondre aux exigences de la NEB, des
élongations et de l’interopérabilité interarmées
ou interalliés qui densifie l’architecture des
réseaux. Dans ces colonnes, les témoignages
sur les opérations « Pamir » et « Harmattan » en
rendent bien compte.
Enfin, si le RETEX de nos opérations montre
que nos systèmes permettent de partager
l’information opérationnelle plus loin et plus vite,
il montre aussi qu’il faut protéger cette
information. Parallèlement à l’indispensable
rigueur dans l’application des procédures de
sécurité des systèmes d’information et de
communication (SSIC) qui constitue la
« défense de ligne » de nos systèmes, la
cyberdéfense se profile, avec son ambition de
voir désormais bien au-delà : dans la
profondeur de l’espace cybernétique
Le général de Division Olivier TRAMOND,
commandant le Centre de doctrine d’emploi des forces

Dans ce 49ème numéro d’Héraclès, la plume est donnée
à la Brigade de transmissions et d’appui au commandement

2
S OMMAIRE
1 Editorial
Général de division Olivier TRAMOND, commandant le Centre de doctrine d’emploi des forces
Actualités
3
La Brigade de transmissions et d’appui au commandement au cœur des engagements
Général Jean-Marc WASIELEWSKI, commandant la brigade de transmissions et d’appui au commandement
4
European Union Training Mission Somalia
Capitaine Michel WENZEL, 53ème régiment de transmissions Team leader of the Train the Trainer Team in Uganda
4
Le satellite : un système d’armes incontournable
Lieutenant-colonel Sylvain DIDOT, 28ème régiment de transmissions
Témoignages
Témoignages
5
La projection du PC aéromobile dans le cadre de l’opération Harmattan
Capitaine Clara VAHRAMIAN, 53ème régiment de transmissions
6
L’intéropérabilité au cœur des déploiements
Colonel Jérôme BORDELLÈS et Chef d’escadron Jean Rémi DEMARTEAU, 48ème régiment de transmissions
7
La contribution à la sécurité des forces, l'exemple du PTN
Commandant Gregory FIERLING, 40ème régiment de transmissions
8
Les spécificités de la MCP d’un régiment de transmissions
Chef de bataillon Didier ROUME, 41ème régiment de transmissions
9
Le rôle des SIC à PAMIR
Colonel Philippe IACONO, COMSICIAT Asie centrale
Réflexions
10
Les défis de la formation du personnel des systèmes d’information et de communication
Chef de bataillon Philippe KELLER, État-major de la BTAC
11
Le cadre d’emploi du sous-groupement de transmissions
Lieutenant-colonel Emmanuel CLEMENT, 53ème régiment de transmissions
12
La BTAC, intégrateur des réseaux de l’espace de bataille
Lieutenant-colonel (TA) Vincent BAJON - Lieutenant-colonel Henri COQUELLE, État-major de la BTAC
13
Le rôle de la BTAC dans l’appui à l’entraînement des forces terrestres
Lieutenant-colonel (TA) Vincent BAJON, État-major de la BTAC
Tribune
14
La sécurité des SIC : un combat permanent
Lieutenant-colonel Didier PAWLIK, État-major de la BTAC
15
La tyrannie de la planification
Lieutenant-colonel (TA) Vincent BAJON, État-major de la BTAC
16
Entraînement de la réserve opérationnelle dans le cadre d’une catastrophe naturelle
Colonel (R) Patrick CHENU, État-major de la BTAC
Directeur de la publication : Colonel (R) Georges Michel - Rédacteur en chef : Capitaine Gwenaëlle Denonin
Diffusion, relations avec les abonnés : Major Claudine Vacquier - Graphisme de la maquette : Nanci Fauquet
Mise en page : Christine Villey - Impression : Imprimerie BIALEC 95 Boulevard d’Austrasie - BP 10423 - 54001 Nancy cedex
Héraclès en ligne : WWW.CDEF.TERRE.DEFENSE.GOUV.FR - Adresse du CDEF : 1 PLACE JOFFRE CASE 53 75700 PARIS SP 07
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
A CTUALITÉS
3
La brigade de transmissions et d’appui
au commandement au cœur des engagements
lors que l’arme des transmissions fête les 70 ans
de sa création, ce numéro d’Héraclès vient à point
nommé souligner quelques caractéristiques et
spécificités de la brigade de transmissions et d’appui au
commandement (BTAC) qui, depuis maintenant 18 ans et
sous des formes diverses, appuie l’ensemble des
déploiements et exercices de l’armée de Terre avec
efficacité, fidélité et discrétion… Indispensables
transmissions à propos desquelles le général BRADLEY
avait déclaré : « Si le Congrès peut nommer un général,
seules les communications font de lui un chef ».
Mais dans un monde désormais numérisé, l’application
militaire des principes et des techniques des nouvelles
technologies de l’information et de la communication
(NTIC) pose de nombreux défis qu’il faut régulièrement
relever. A l’évolution des normes et des standards, à la
densification d’architectures techniques complexifiées
par des besoins exponentiels en informations, mais aussi
en interopérabilité et en sécurité, ce dont le théâtre
afghan est le meilleur exemple, correspond
l’accroissement des savoir-faire d’un personnel qui doit
être toujours plus qualifié, plus polyvalent et plus
exigeant avec lui-même. Si l’expertise plonge ses racines
au sein de l’école des transmissions, c’est bien au cœur
des régiments qu’elle se développe et se transmet grâce à
la mise en place de plateformes de référence.
A
Spécialiste de son domaine, le transmetteur propose les
solutions qui concourent directement à la réalisation de
l’effet majeur, comme l’a montré l’opération Harmattan.
Intégrateur des chaînes fonctionnelles et de la
numérisation de l’espace de bataille, il ne se contente pas
de mettre en place de distants « tuyaux ». Bien au
contraire, intégré aux unités appuyées, il leur fournit les
services dont elles ont besoin, y compris en mouvement :
c’est bien une des vocations des systèmes satellitaires et
des moyens de desserte associés.
Afin de répondre de manière encore plus efficiente aux
impératifs tactiques et techniques des engagements, la
brigade génère, à partir de ses 5 régiments, des
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
groupements de transmissions modulaires qui
comprennent non seulement des sous-groupements
mêlant systèmes d’information et de communication (SIC)
et moyens spécialisés de quartier général, mais aussi au
moins une unité de vie et de logistique et au moins une
compagnie de protection, détachées d’une ou de
plusieurs formations interarmes. Chef de site d’un PC de
force de niveau 1 ou de niveau 2, le chef de groupement
est en mesure, avec les moyens dont il dispose et sur
l’ensemble du spectre de l’appui au commandement, de
faire effort là où le chef interarmes le juge nécessaire.
Soldat rompu à l’engagement opérationnel, le
transmetteur s’investit avec foi et compétence dans un
large éventail de missions dites toutes armes qui lui
échoient régulièrement. Ainsi en fût-il récemment pour le
détachement d’assistance opérationnelle (DAO) en
Ouganda où le personnel fit preuve d’une grande
inventivité pour mener à bien sa mission d’instruction.
C’est également le cas pour la composante réserve qui
s’entraîne au commandement d’unités interarmes dans le
cadre d’un engagement en cas de catastrophe naturelle.
Ubiquité, dynamisme, souplesse intellectuelle,
adaptation réactive des équipements, des formations et
des structures, telles sont les qualités de la BTAC. In fine,
quelle que soit la complexité des systèmes, des
architectures et des organisations élaborés pour répondre
aux exercices planifiés ou aux engagements d’urgence,
c’est bien l’homme qui, au cœur des dispositifs, fait la
différence.
Les quelques pages qui suivent se proposent de jeter un
éclairage sur l’environnement, souvent méconnu, de
ces hommes et de ces femmes, déployés « partout et
toujours » 
Général Jean-Marc WASIELEWSKI
Commandant la brigade de transmissions
et d’appui au commandement
4
A CTUALITÉS
European Union Training Le satellite : un système
Mission Somalia *
d’armes incontournable
D
epuis ses prémices en avril 2010, la France
participe activement à la mission European Union
Training Mission (EUTM) Somalia en Ouganda où
elle honore, entre autres, des postes d’instructeurs.
C’est dans ce cadre multinational qu’un groupe de
quatorze transmetteurs de la BTAC a été déployé durant
6 mois, d’octobre 2011 à avril 2012, dans le camp de
Bihanga pour remplir les 4 missions suivantes :
- instruire des stagiaires somaliens ayant déjà suivi leur
formation initiale aux missions de la section et de la
compagnie ;
- incorporer et accompagner 600 recrues somaliennes ;
- former 240 élèves sous-officiers sur des sujets aussi
variés que le combat de l’infanterie, les droits de
l’Homme, le comportement militaire ou l’histoire de la
Somalie ;
- former des formateurs (« train the trainers ») afin que
l’armée somalienne puisse être un jour en mesure
d’assumer elle-même ses charges en formation.
Un recueil de cours en langue locale ainsi que des outils
pédagogiques spécifiques ont été élaborés afin de
répondre aux besoins des futurs formateurs. Adaptés à
l’auditoire et comportant une importante iconographie,
P
armi les nombreuses applications militaires de
l’espace (observation, géolocalisation…), les
télécommunications par satellite se sont imposées
comme un besoin capacitaire indispensable.
Tout d’abord, les stations sol SYRACUSE1 offrent au chef
militaire l’autonomie nécessaire au déploiement d’une
force dans le cadre de la fonction stratégique
d’« intervention ». Mises en œuvre par la BTAC, elles
assurent les liaisons de commandement opératif vers la
France, ainsi que le raccordement des PC de niveaux 1 à 4.
De par leurs performances, elles permettent de s’affranchir
des contraintes géographiques, de la dispersion des sites
et/ou des postes de commandement et du contrôle des
espaces. Elles trouvent ainsi toute leur place dans un
engagement de type lacunaire.
Les communications satellitaires jouent un rôle majeur
dans la maîtrise de l’information en favorisant l’échange
des données, notamment celles d’origine image. Dans ce
cadre, les besoins en bande passante ont considérablement augmenté. Aussi, en fonction des exigences en
disponibilité et en confidentialité, l’emploi de supports
externalisés est aujourd’hui recherché. Par exemple, la
DIRISI2 met en service sur les théâtres d’opérations des
liens à haut débit (2 Mb/s) vers la métropole, opérés par
Orange business services.
ces manuels avaient vocation à être transmis de proche
en proche et ainsi d’aider à l’instruction nonobstant
l’illettrisme. Par ailleurs, un film a été tourné pour
immortaliser la promotion. Par la qualité de leur
engagement, les transmetteurs, aux côtés de leurs
camarades d’autres pays, ont contribué à faire reculer
l’analphabétisme et à promouvoir la naissance d’une
nation autonome 
Capitaine Michel WENZEL
53ème régiment de transmissions
Team leader of the Train the Trainer Team in Uganda
Enfin, l’avènement des systèmes autorisant la liaison « en
déplacement » (on the move) a permis le développement
des communications par satellite aux échelons tactiques
les plus bas. A ce titre, en Afghanistan, les stations VENUS3
contribuent à la permanence des liaisons des SGTIA4 en
particulier 
Lieutenant-colonel Sylvain DIDOT
28ème régiment de transmissions
1 Système de radiocommunications utilisant le satellite.
2 Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information.
3 Véhicule de commandement nomade communicant par satellite.
4 Sous-groupements tactiques interarmes.
* Mission entraînement de l’Union européenne « Somalia » en Ouganda.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
T ÉMOIGNAGES
5
La projection du PC aéromobile dans le cadre
de l’opération Harmattan
L
a section de PC aéromobile du 53ème régiment de transmissions a été projetée pendant 4 mois lors de
l’opération Harmattan sur les bâtiments de projection et de commandement (BPC) Tonnerre puis Mistral
dans le cadre d’un engagement peu commun pour des transmetteurs de la brigade.
Le 12 mai 2011, l’ordre a été donné au 53ème RT, stationné à Lunéville, de préparer son poste de commandement
(PC) aéromobile avec ses personnel, matériel et véhicules pour un embarquement le 15 mai à Toulon. En moins
de 72 heures, ce détachement a été mis sur pied à partir d’une ressource limitée en nombre puisqu’alors, il
n’existait qu’une section de PC aéromobile dans l’armée de Terre. Le 15 mai il embarquait à Toulon.
La mission principale du PC aéromobile est de fournir à une brigade interarmes les systèmes d’information et
de communication nécessaires à un PC, déployable par hélicoptères de manœuvre (HM) et opérationnel en 90
minutes, sur n’importe quel terrain, le plus souvent inaccessible par voie routière. En exercice ou en opérations,
la section est habituée à travailler en terrain libre au profit, d’abord, de l’armée de Terre.
Il est clair que la configuration adoptée sur les navires et en milieu interarmées, était bien différente de ce cadre
habituel. En effet, la section a eu principalement pour mission d’armer le PC de mise en œuvre (PCMO) de la
force aéromobile essentiellement à base de moyens SICF1. Dans cet environnement nouveau, les problématiques
d’interconnexion des réseaux informatiques et d’interopérabilité des moyens ont vite été au cœur des
préoccupations avec pour corollaire le respect de la sécurité des systèmes d’information.
Plus habitués à la jungle guyanaise, les techniciens radiographistes se sont employés, quant à eux, à déployer
des relais radios sur les frégates du groupe aéronaval (GAN), afin d’allonger la portée des liaisons des
hélicoptères d’attaque jusqu’au sol libyen, dans des conditions de propagation, de mobilité et de support qui
diffèrent singulièrement de celles rencontrées à terre.
Un déploiement à terre du PC aéromobile a été étudié sur la base de fardeaux, moins consommateurs en moyens
héliportés, mais cette éventualité ne s’est pas réalisée. En septembre 2011, après quatre mois de mer, la section
a finalement été relevée avec le sentiment d’avoir vécu une mission singulière, riche d’enseignements
techniques et opérationnels 
Capitaine Clara VAHRAMIAN
53ème régiment de transmissions
1 SICF : systèmes d’information et de communication pour le commandant des forces.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
6
T ÉMOIGNAGES
L’intéropérabilité
au cœur des déploiements
L’
avènement des opérations en coalition pose un
informations
problème crucial qu’avait su initialement
compréhensible par tous les systèmes employés et ainsi
résoudre l’OTAN par l’imposition de normes
partager une vision commune de la situation tactique.
nationales
dans
un
langage
communes, les « standardization agreements » (STANAgs).
Aujourd’hui, c’est le défi de l’interopérabilité qui doit être
C’est encore l’utilisation de passerelles qui permet
relevé dans les domaines du commandement, de
l’échange automatique des données entre des réseaux
l’engagement opérationnel, du soutien, de la doctrine et de
de confidentialités différentes. Par exemple, le courrier
la simulation. Dans celui du C3 (command, control,
électronique circule aujourd’hui entre l’internet et
communications), l’interopérabilité technique est la plus
l’intraterre. Quelques échanges très contrôlés sont
prégnante, depuis l’utilisation centenaire des ondes radio
désormais possibles entre les mondes MISSION SECRET
jusqu’à l’avènement de l’informatique de comman-
et MISSION RESTREINT. Cette passerelle, invisible pour
dement, les opérations infovalorisées en étant
l’usager, mais essentielle pour la fluidité et la sécurité
l’aboutissement. Dans ce contexte très évolutif, il
des échanges, est maintenant déployée en opération.
appartient, entre autres, à la BTAC de prendre en compte
les nombreux challenges liés à l’interopérabilité des
L'interopérabilité multinationale et le contrôle des
systèmes en milieu national ou international.
échanges
d’informations
entre
des
réseaux
de
classifications différentes constituent un défi majeur que
Au sein de l’armée de Terre, l’utilisation des technologies
doit maîtriser tout Etat voulant assumer le rôle de nation
numériques issues de l’internet a accéléré le développe-
cadre lors d’un engagement en coalition. La France s’y
ment de la Numérisation de l’Espace de Bataille (NEB). Bien
emploie, après avoir résolu les défis internes liés à une
que l’interopérabilité de nos systèmes SICF1, SIR2 et ATLAS3,
interopérabilité non native des différents systèmes
remarquables réalisations techniques, ait été dès l’origine le
d’informations opérationnels de commandement (SIOC)
centre des préoccupations de l’armée de Terre, des efforts
dont elle a doté ses armées. Elle promeut résolument des
restent encore à faire pour atteindre l’objectif final. Le
solutions techniques nationales car les enjeux opéra-
référentiel d’interopérabilité des SIC de l’armée de Terre (RI
tionnels et économiques sont énormes : les ressources
SICAT) en est un des outils mais son implémentation
financières et humaines qu’elle y consent sont à la hauteur
dans ces systèmes est très délicate.
de ses ambitions
La même problématique se retrouve dans les contextes
interarmées et multinational où les différents systèmes
mis en œuvre ne sont pas, par essence, construits sur le
Colonel Jérôme BORDELLÈS
et Chef d’escadron Jean Rémi DEMARTEAU
48ème régiment de transmissions
même modèle de données. Seul SICF permet la rédaction
de messages au format OTAN Allied Data Processing
Publication number 3 (ADAT-P3). Une solution pour la
BTAC consiste à déployer dans un cadre multinational un
système tiers – comme la passerelle MIP (Multinational
Interoperability Programme) – pour traduire des
1 SICF : systèmes d’information et de communication pour le commandant
des forces.
2 SIR : Système d’information régimentaire.
3 ATLAS : Automatisation des tirs et des liaisons de l’artillerie sol/sol.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
T ÉMOIGNAGES
7
La contribution à la sécurité des forces,
l'exemple du PTN 1
L’
arme des transmissions n’a pas seulement
Quel que soit le déploiement retenu, le chiffrement des
vocation à relier les théâtres d'opération à la
communications est assuré et des services comme le
métropole. Il lui revient également de mettre en
renvoi et le transfert d'appel, la conférence, l'alerte, ou le
œuvre des réseaux de proximité comme le PTN.
3
SMS sont offerts.
Constitués de matériels achetés sur étagère, dont le
moyen d'extrémité se situe à mi-chemin entre le
Ce système, qui a déjà fait ses preuves dans les Balkans
téléphone mobile et le talkie walkie, ces réseaux offrent
et en Afghanistan, a été déployé lors du sommet de
des fonctionnalités qui s'étendent de la communication
l'OTAN de Strasbourg en 2009, au profit des groupes
radio chiffrée de poste à poste jusqu'à l'intégration à des
PROTERRE et en remplacement des postes PR4G4. Il a
réseaux téléphoniques d'infrastructure civils et militaires.
également été mis en œuvre lors du sommet franco-
Le PTN offre donc des services particulièrement inté-
africain de Nice en 2010, en intégrant, au travers de
ressants pour la sécurité des forces.
l’infrastructure nationale partageable des transmissions
(INPT), l'ensemble des postes des réseaux de
Déployé dans sa configuration minimale en moins de 10
communications de la Marine, de l’armée de Terre et de
minutes, le PTN permet à une force projetée d'établir des
l’armée de l’Air depuis leurs zones de responsabilité
communications entre une dizaine de terminaux.
respectives.
L'exploitation d'une bande de fréquence réservée offre
l’avantage d’éviter tout brouillage par des équipements
2
Véritable outil multifonctions des télécommunications,
de type GSM . Utilisé ainsi, le PTN dispose d'une portée
mis en œuvre rapidement et sans grande difficulté, le
de 5 km selon la configuration du terrain. De par son
PTN offre donc un large éventail de services et reste une
faible encombrement, le PTN devient dans ces conditions
alternative sérieuse aux réseaux de téléphonie mobile
un moyen de communication adapté aux besoins de
existant sur les théâtres d'opération 
l’échelon tactique assurant l'entrée en premier.
Complété par quelques équipements en caissons qui en
allongent la portée, il devient un moyen de communication
reliant entre eux des sites distants de plusieurs dizaines
Commandant Grégory FIERLING,
40ème régiment de transmissions
de kilomètres, l'ensemble étant déployé en moins de
deux heures. Le PTN répond alors à des situations où le
déploiement de moyens lourds ne s'impose pas et où
une couverture lacunaire reste suffisante.
Enfin, enrichi d'une passerelle de commutation
permettant l'accès aux réseaux téléphoniques, le
terminal permet alors de joindre n'importe quel abonné
civil ou militaire.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
1 PTN: Projectable Telecommunication Network.
2 GSM: Global System for Mobile communications.
3 SMS: Short message service.
4 PR4G: Poste radio de 4ème génération.
8
T ÉMOIGNAGES
Les spécificités de la mise en condition avant
projection (MCP) d’un régiment de transmissions
E
ngagés sur tous les théâtres d’opérations et
réseaux informatiques mettent en avant certaines
participant à toutes les missions de courte durée,
compétences au détriment d’autres. Ainsi, lors de la
les transmetteurs sont constitués en unités dont la
phase de MCP, certaines filières de spécialité étant pour
taille varie de la simple équipe au groupement de
des raisons d’emploi plus sollicitées que d’autres, il
transmissions.
appartient au commandant d’unité d’assurer la
La constitution d’un détachement dépend étroitement
cohérence de la préparation.
de l’effet à obtenir, du terrain, de l’environnement
électromagnétique, des élongations entre les unités à
Afin de conserver la maîtrise de systèmes évolutifs, il est
raccorder et de bien d’autres caractéristiques qui
indispensable d’organiser des stages techniques
constituent les spécificités de l’opération.
d’adaptation en régiment, en école ou chez l’industriel.
Ainsi, les transmetteurs doivent adapter leur MCP à ces
Les MCP sont par conséquent parsemées de formations,
impératifs tout en respectant les fondamentaux pour, in
dont la maîtrise individuelle est impérative car elle
fine permettre au chef interarmes de conduire les
permet la réussite collective de l’engagement.
opérations par la transmission des ordres et des comptes
rendus, mais aussi par l’acheminement des flux de
La dernière spécificité concerne le ratio entre engagés
renseignement.
volontaires et sous-officiers au sein des sections
projetées. En opération extérieure (OPEX), le ratio est en
Les critères minimaux de mise en condition avant
moyenne de trois cadres pour un militaire du rang. A
projection ont été définis et formalisés pour l’ensemble
contrario, pour les missions de courte durée, le ratio est
de la force terrestre. Ils sont réalisés lors d’une MCP
largement inversé pour satisfaire à l’engagement en
centralisée d’une durée de 6 mois. Cette préparation
unité PROTERRE. Pour remplir sa mission, un régiment
concerne la totalité du personnel constituant un
doit donc impérativement constituer des modules
détachement projeté. Elle est conduite par le régiment
adaptés à chaque mission.
pilote et contrôlée par l’état-major de la brigade avant la
projection.
Ces spécificités rendent chaque projection unique, et
Lors de cette préparation individuelle puis collective,
mobilisent un vrai savoirfaire pour gérer la montée en
sont développés des savoir-faire précis en instruction sur
puissance et la cohérence dans le temps des
le tir de combat (ISTC), en secourisme, en lutte contre
détachements successifs. D’évidence les commandants
1
EEI , en information sur le théâtre et en combat. Dans le
d’unité et les chefs de section y tiennent un rôle
cœur de métier du transmetteur, l’entraînement collectif
cardinal 
s’applique également à la mise en œuvre des systèmes
de télécommunication et s’appuie sur des exercices
Chef de bataillon Didier ROUME
41ème régiment de transmissions
programmés lors de la phase de MCP.
L’organisation du commandement sur chaque théâtre
étant différente, les compétences techniques demandées
aux transmetteurs sont très diverses. Les besoins en
communications par satellite et la multiplication des
1 EEI : Engins Explosifs Improvisés
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
9
T ÉMOIGNAGES
Le rôle des systèmes d’information
et de communication (SIC) à Pamir
L’
action des transmetteurs, à la fois discrète et permanente, est fondamentale pour le succès des opérations.
Avec un effectif taillé au plus juste, les 170 militaires des SIC du théâtre (4% de la force) délivrent des services
de communication et d’information nombreux et variés à tous les échelons du commandement.
En effet, ils mettent en œuvre et administrent les SIC au profit des unités françaises déployées sur
23 emprises ou FOB1 dans lesquelles ils sont parfaitement intégrés. Ils assurent l’interconnexion
au réseau de la coalition. Ils garantissent la sécurité des informations. Ils font évoluer l’architecture
au gré des changements d’organisation ou du déploiement de nouveaux équipements. Ils
interviennent en tout temps et tout lieu pour installer un matériel, rétablir un service, acheminer
des éléments de chiffrement. Ils aident et sensibilisent les usagers. Partageant les conditions
d’insécurité de leurs camarades, ils sont aussi en mesure de venir les renforcer par le feu.
L’environnement difficile du théâtre complique lui aussi le métier du transmetteur, et maintenir les
services au bon niveau se fait au prix de sérieuses contorsions. Le terrain montagneux n’est pas
favorable à la propagation des ondes ou aux liaisons directes en faisceaux hertziens. Les conditions météorologiques et la
poussière soumettent les équipements à rude épreuve. L’insécurité interdit l’exploitation des points hauts et complexifie les
nombreuses liaisons techniques et logistiques.
Le déploiement SIC de Pamir est inédit par ses proportions : 22 liaisons par
satellite, 20 liaisons par faisceaux hertziens ou boucle locale radio, près de
2000 ordinateurs (1 pour 2 combattants) sur lesquels sont exploités une
trentaine de systèmes d’information, et plus de 1000 téléphones fixes.
L’architecture SIC couvre tous les besoins, du niveau opératif au sous-groupement
tactique interarmes. A la fois complexe et évolutive, elle est un savant mélange de
NEB, d’interopérabilité, et d’externalisation. Le centre de mise en œuvre
interarmées (CMOIA) des SIC assure la conduite des réseaux et la supervision des
2
3
services qui sont mis à disposition de l’ensemble des unités de la TFLF , des Advisor teams et des forces spéciales. Ces
réseaux innervent également l’état-major du NCC4 et son bataillon logistique, le détachement EPIDOTE, les éléments français
de l’aéroport de Kaia, l’école de police du Wardak, le centre de coordination de la KAPISA, l’HQ ISAF et l’ambassade. Ils sont
enfin délivrés aux détachements AIR de Douchanbe, de Kandahar et de Bagram.
L’opération Pamir démontre, si cela était nécessaire, les savoir-faire et le sens du service des transmetteurs. Elle est
d’évidence une source inestimable d’enrichissement professionnel
Colonel Philippe IACONO
COMSICIAT Asie centrale
1 Forward Operating Base
2 TFLF: Task Force Lafayette
3 Anciennement OMLT (operational mentoring and liaison team).
4 NCC : National Contingent Commander (commandant du contingent national)
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
10
R ÉFLEXIONS
Les défis de la formation du personnel
des systèmes d’information et de communication (SIC)
G
ordon Moore avait affirmé dès 1965 que la
SIC-AC2 du CFT3. Pour leur permettre de diffuser au
puissance des ordinateurs allait croître de
plus grand nombre leurs compétences, mais
manière exponentielle. Si la marche en avant des
également pour leur permettre d’échanger avec les
nouvelles technologies de l’information a bien entendu
sous-officiers des compagnies de commandement et
entraîné la métamorphose des SIC militaires, elle a une
de transmissions chargés du déploiement de la NEB4,
incidence directe sur la mise en service de nouveaux
des plateformes de référence « métiers » (systèmes
systèmes d’armes. Mais derrière les transformations du
d’information, exploitation des systèmes satelli-
monde numérique se cachent les enjeux de la formation
taires…) ont été déployées au sein des régiments de la
du personnel.
BTAC. En parallèle, l’ETRS a mis en œuvre des outils
électroniques de partage de la connaissance
En effet, la « communauté » des SIC doit toujours être
regroupant l’ensemble de la documentation et des
prête à répondre :
médias de la force terrestre et de la STAT 5 se
• aux évolutions des matériels et des logiciels,
rapportant aux SIC ;
nécessitant une adaptation permanente du niveau
technique du personnel. Celui-ci doit parfois mettre
• au maintien des compétences acquises lors des
en œuvre des matériels récemment livrés alors que
formations de cursus ou d’adaptation. Il est donc
les actions de formation n’ont pas encore été créées ;
nécessaire d’entraîner les équipages, les sections et
les sous-groupements aux procédures collectives. La
• à la mise en place de formations pour les micro-parcs.
définition de périodes d’instruction collective au sein
Certains matériels majeurs, notamment dans le
du cycle à cinq temps contribue à cette préparation
domaine des satellites, sont livrés à moins de 10
opérationnelle décentralisée au sein des régiments.
unités pour l’armée de Terre. La formation de masse
qui prévalait hier n’est plus la règle. Ce changement
majeur entraîne des contraintes fortes sur la gestion
Il est évident que seule l’adaptation réactive des
des ressources humaines et la traçabilité, voire la
formations et des compétences permet de répondre
conservation, des compétences ;
efficacement à l’irrépressible mutation des normes et
des standards. Pour ce faire, si l’école des transmissions
• à l’ambivalence entre les contraintes budgétaires
est indispensable, c’est bien aux unités qu’il appartient
conduisant à la réduction des formations et le
de jouer un rôle de premier plan dans le cadre d’espaces
transfert de modules TTA des écoles de formation
d’instruction individuelle et collective sanctuarisés
1
initiale vers les écoles d’armes. Les formations du
domaine SIC sont très longues car elles peuvent durer
jusqu’à 5 mois. Pour en réduire le coût, l’école des
transmissions (ETRS) a mis en place des formations à
Chef de bataillon Philippe KELLER
État-major de la BTAC
distance via internet ;
• à l’impérieuse nécessité d’élargir l’expertise.
Certains sous-officiers de la force terrestre sont
aujourd’hui devenus des hyper-spécialistes, recensés
au sein d’un annuaire des experts géré par la division
1 TTA : Textes toutes Armes.
2 SIC-AC : Systèmes d’information et de communication - Appui au
commandement.
3 CFT : Commandement des forces terrestres.
4 NEB : Numérisation de l’espace de bataille.
5 STAT : Section technique de l’armée de Terre.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
R ÉFLEXIONS
11
Le cadre d’emploi du sous-groupement
de transmissions
L
a réorganisation de la BTAC, opérée en 2009,
Le SGTRS est constitué à partir d’une unité élémentaire
s’accompagne aujourd’hui d’une adaptation de la
qui peut être renforcée. Les sous-groupements, d’un
doctrine d’emploi de ses unités déployées – en
nombre variable de 2 à 6, sont à dominante desserte de
exercices et en opérations – sous la forme de
zones de PC3 (niveau 1, 2 ou PCIAT4) ou à dominante
groupements (GTRS) et de sous-groupements de
raccordement (PC BIA5, PC de GTIA6, PC et états-majors
transmissions (SGTRS). La parution du manuel d’emploi
de taille réduite).
du sous-groupement de transmissions traduit la volonté
de placer l’action des transmetteurs au cœur du combat
La prise en compte de l’environnement opérationnel
interarmes, de la rendre plus efficiente mais aussi
dans la chaîne de commandement du GTRS se traduit
beaucoup plus lisible aux yeux des autres acteurs du
par la création d’un état-major tactique (EMT) constitué
champ de bataille.
d’un centre opérations (CO) et d’un centre de mise en
œuvre (CMO SIC-AC). Cette structure répond aux besoins
Les régiments de transmissions mettent dorénavant sur
d’échanges vers le haut avec les instances de la grande
pied des structures modulaires, adaptées aux besoins des
unité (aux niveaux 1, 2) et vers le bas avec les SGTRS.
PC de la force et des chaînes fonctionnelles. Ainsi que le
montre le schéma, le GTRS est constitué à partir de
Le chef de corps, désormais chef de groupement,
moyens spécifiques SIC1 en dotation dans un régiment de
commande des chefs de sous-groupement, hier
transmissions, ainsi que de moyens de soutien vie
commandants d’unité cantonnés au TC 17. Ensemble, ils
logistique (UVL/unité(s) de vie logistique), d’énergie et de
sont les garants de la cohérence de la manœuvre de
protection (compagnie(s)/section(s) PROTERRE) donnés
leurs subordonnés avec la manoeuvre interarmes dans
en renforcement par le CFT par génération de force.
un cadre numérisé 
2
Lieutenant-colonel Emmanuel CLEMENT
53ème régiment de transmissions
1 SIC : Systèmes d’information et de communication.
2 CFT : Commandement des forces terrestres.
3 PC : Poste de commandement.
4 PCIAT : Poste de commandement.
5 BIA : Brigade interarmées.
6 GTIA : Groupement tactique interarmes.
7 TC1 : Temps de commandement de niveau 1.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
12
R ÉFLEXIONS
La BTAC,
intégrateur des réseaux de l’espace de bataille
I
ndispensable à la conduite des opérations, la BTAC
permet le traitement des informations de manière quasi
1
délivre les services SIC par l’interconnexion de
instantanée, ce qui était impossible il y a encore dix
nombreux systèmes d’information supportés par
ans. C’est désormais une réalité en ce qui concerne
plusieurs systèmes de communication. Elle intègre
l’échange de données « feux » dans un cadre interarmes,
ainsi tous les réseaux du champ de bataille dans une
interarmées et interalliés. Des bases de données
architecture globale et permet aux combattants
communes sont également mises à jour de manière
d’échanger des informations sécurisées depuis
automatique. Les états-majors peuvent ainsi travailler
n’importe quelle position. Le chef militaire peut
plus aisément sur différents modes d’action et sont en
désormais communiquer avec n’importe qui, d’où il
mesure de proposer au chef une prise de décision plus
veut, à tout moment, et avec des moyens de
rapide.
communication performants.
En fournissant une architecture extrêmement adaptable,
Participant à tous les engagements de la force terrestre,
la BTAC se place au cœur des enjeux opérationnels. La
la BTAC fournit à la brigade interarmes les liaisons par
configuration des éléments actifs, les caractéristiques
satellite qui lui permettent d’être en relation avec tous
techniques des équipements et des logiciels, mais aussi
ses GTIA2, quel que soit le terrain ou la situation
leur emploi, peuvent être modifiés si le chef le demande
tactique. Au travers de ces mêmes liaisons par satellite
et si la technologie le permet. Dès lors, le rôle de la
mais aussi avec la HF et la boucle locale radio (BLR),
brigade ne se limite pas au fonctionnement des postes
elle offre à une division de type OTAN tous les moyens
de travail d’un état-major opérationnel mais il s’agit bien
de communication nécessaires à son commandement.
de donner au commandeur le contrôle global de son
La BTAC est aussi capable d’intégrer plusieurs divisions
espace de manœuvre
dans un LCC tout en le raccordant à la métropole et à
3
l’OTAN.
Les liaisons de bout en bout interconnectant les réseaux
satellitaires, les réseaux RITA4, BLR5, CARTHAGE6 ou PR4G7
Lieutenant-colonel (TA) Vincent BAJON
Lieutenant-colonel Henri COQUELLE
État-major de la BTAC
apportent des avantages considérables au commandement. Faisant interopérer les systèmes d’information
opérationnels qu’ils soient de commandement (SICF et
SIR8), du renseignement, de la logistique, de l’OTAN ou de
l’artillerie, ces liaisons délivrent à toutes les fonctions
opérationnelles des informations de terrain précises qui
peuvent être transformées en renseignements décisifs. Le
plus souvent sans même y prêter attention et sans avoir à
se soucier de la configuration des moyens mis à sa
disposition, le commandement utilise un ensemble de
réseaux de transport terrestres, aériens et satellitaires qui
1 SIC : Systèmes d’information et de communication.
2 GTIA : Groupement tactique interarmes.
3 LCC : Land component command.
4 RITA : Réseau intégré des transmissions automatiques.
5 BLR : Boucle locale radio.
6 CARTHAGE : Communications automatisées radioélectriques tactiques HF
en ambiance de guerre électronique.
7 PR4G: Poste radio de 4ème génération.
8 SIR : Système d’information régimentaire.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
R ÉFLEXIONS
13
Le rôle de la BTAC dans l’appui
à l’entraînement des forces terrestres
C
omposée de 5 régiments, la BTAC a pour mission
La BTAC, en appui des EMF et des BIA
de fournir aux états-majors de niveaux 0 à 4
l’appui au commandement indispensable à leur
1
engagement. Cette mission recouvre les fonctions SIC et
2
L’exercice Davout s’est déroulé en terrain libre en région
Champagne-Ardenne en février 2012. Autrefois nommé
SSQG . Sur le plan des SIC, les capacités de la BTAC lui
FTSIC et centré sur les transmissions, cet exercice a
permettent de mettre en œuvre un réseau de théâtre, de
évolué pour permettre aux PC des brigades et des états-
déployer les systèmes de commandement au sein des
majors de force de s’entraîner.
zones des postes de commandement (PC) vers les unités
subordonnées, et de satisfaire les besoins en liaisons des
Fondé sur un principe « gagnant-gagnant » cet exercice a
PC de niveaux 1 et 2. Dans le domaine SSQG, la brigade a
permis :
pour mission de soutenir ces états-majors déployés.
- de proposer des améliorations dans le fonctionnement
Il ressort que ces engagements sont une source
- de tester des équipements nouveaux,
d’enrichissement mutuel. Ils permettent à la brigade
- de mettre en œuvre des logiciels utilisés en Afghanistan,
d’être force de proposition en matière d’évolution des
- d’améliorer la sécurité des systèmes d’information,
tactiques et des techniques relatives à son déploiement.
- de rappeler l’importance des liens numérisés entre les
des CO,
TC2 et le GSD7,
- de révéler tout l’intérêt d’une capacité de
2
La BTAC dans le montage d’un PC de LCC
commandement et de transmissions importante
dans un PC avancé de type aéromobile.
Organisé en Allemagne et en Belgique en novembre 2011,
l’exercice CITADEL GUIBERT avait vocation à entraîner
l’état-major du CRR-FR3 et à contrôler l’état-major de
Engagée chaque année dans 70 exercices de taille et de
force N° 3 (EMF3). Le montage des PC a constitué un
portée différentes, la BTAC fait systématiquement appel
véritable défi tant les contraintes imposées par un
à l’ensemble de ses ressources disponibles pour remplir
déploiement hors métropole étaient comparables à
sa mission et permettre aux états-majors de travailler
celles d’une projection réelle.
avec les matériels et les logiciels de dernière génération.
L’acheminement des 197 AMPC4 a été effectué cinq
semaines avant l’exercice. Neuf jours ont été nécessaires
à leur montage. Environ 230 militaires de la BTAC, de
l’EMF3 et du 6ème Régiment du Génie pour l’énergie, ont
Lieutenant-colonel (TA) Vincent BAJON
État-major de la BTAC
assuré le soutien des 1 800 participants.
La brigade avait également pour mission de mettre en
œuvre 5 réseaux aux classifications différentes, chiffrés de
bout en bout, comportant de nombreuses applications
« métiers ». Au total, 1400 postes de travail, 13 réseaux
SICF5 dont 1 réseau multi-sites à plus de 500 machines ont
été installés. Enfin, tous les services de la force et le Spécial
France ont utilisé le système de communications
satellitaires SYRACUSE6 III.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
1 SIC : Systèmes d’information et de communication.
2 SSQG : Soutien spécialisé de Quartier Général.
3 CRR-FR : Corps de réaction rapide - France.
4 AMPC : Abri mobile de poste de commandement.
5 SICF : Systèmes d’information et de communication pour le commandant des
forces.
6 SYRACUSE : Système de radiocommunications utilisant le satellite.
7 GSD : Groupement de soutien divisionnaire.
14
T RIBUNE
La sécurité des systèmes d’information
et de communication ( SIC) : un combat permanent
n OSSI1 n’est jamais serein sur l’efficacité des mesures
U
Face à la menace, tout comme le fantassin sait se poster,
qu’il a fait prendre. Et le plus pédagogue s’exaspère
observer et utiliser son arme, il nous est indispensable de
parfois devant l’inconséquence de certains de ses
rester vigilants et d’être capables de mobiliser rapidement
interlocuteurs.
des ressources aux endroits névralgiques. Dans le flux
d’information, un pic d’activités peut être interprété comme
La sécurité des systèmes d’information opérationnel de
une agression potentielle.
commandement (SIOC) est un combat permanent. Ce lieu
commun est une réalité mais ce n’est pas un combat
La SSI est une composante permanente, transverse et
d’arrière-garde.
indissociable de la sécurité globale, une réalité du champ
Il ne peut en être autrement dans ce domaine de la mise en
de bataille que personne n’a le droit d’ignorer.
œuvre de nos systèmes d’information, à la fois évolutifs et
Ces défis sont permanents, à tous les niveaux, et sont
fragiles, dont la sécurisation est une préoccupation
consubstantiels d’un cyberespace devenu enjeu stratégique
majeure.
vital.
Il s’agit d’un éternel recommencement. Si les procédures
Ils s’imposent à tous les échelons de la hiérarchie militaire,
restent, les hommes, eux, passent avec leurs faiblesses et
de l’usager qui doit respecter une stricte « hygiène
leurs manquements. Alors il faut remettre l’ouvrage sur le
cybernétique », au chef qui a le devoir de ne pas gaspiller les
métier, pour expliquer toujours, convaincre sans cesse, se
ressources très comptées que sont les administrateurs de
justifier trop souvent. Comme si un sous-marinier se
SSI.
demandait pourquoi il doit fermer la trappe du kiosque
La résistance a fait place à la résilience. La défense ferme a
avant de plonger… La menace est omniprésente et les
fait place à la défense en profondeur, plus adaptée à la
coups portent toujours sur la partie la moins épaisse de la
versatilité de menaces multiformes.
cuirasse.
Pour garantir notre cyberespace contre les agressions, il
Dans une ambiance d’effervescence technologique, les
faut assurer une cyberdéfense, qui ne se substitue pas pour
architectures se complexifient, les versions d’équipements
autant à la SSI « canal historique » mais la complète, la
se succèdent, voire se bousculent, les nouvelles techno-
dynamise par des capacités de lutte informatique défensive,
logies de l’information et de la communication (NTIC)
par des moyens d’hypervision et d’intervention en vue de
s’invitent dans la sphère des SIOC et induisent des besoins
maintenir un état de cybersécurité global nominal.
2
générationnels, la « virtualisation » s’impose dans ce que le
L’action de l’OSSI, conseiller SSIC et adjoint de lutte
monde commercial appelle « cloud computing3 » ; difficile
informatique du chef interarmes, est au cœur de ces enjeux
dans ces conditions de faire conserver sa pertinence à la
et lui seul est en mesure de lui garantir la maîtrise de
sécurité.
l’information
Il faut donc se cantonner à une sécurité des systèmes
d’information (SSI) tout-terrain, comme celle de nos
équipements tactiques, et, à l’instar du combat, préserver les
Lieutenant-colonel Didier PAWLIK
État-major de la BTAC
fondamentaux.
Nous nous devons de décrire, d’enseigner et de faire répéter
des actes réflexes tels que « sécuriser un terminal
d’administration avant de le connecter » ; qui s’intègrent à
des actes élémentaires comme « fiabiliser un LAN4 avant de
le raccorder au réseau du théâtre ».
1 Officier de sécurité des systèmes d’information et de communication.
2 La « virtualisation » permet de faire fonctionner simultanément sur une
machine physique plusieurs systèmes d’exploitation donc de simuler
plusieurs machines « virtuelles ».
3 Systèmes d’information et unités de calcul répartis dans des centres de
données distants, dans le nuage du cyberespace.
4 Local area network: réseau local.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
T RIBUNE
15
La tyrannie de la planification
L
a durée d’un exercice majeur est en moyenne de
pour l’élaboration de demandes de services spécifiques.
deux semaines mais il nécessite en réalité un an de
Enfin, les tableaux d’effectifs (« manning ») sont
préparation, deux mois de déploiement et
construits en fonction des spécialités techniques
l’investissement de près de 700 militaires de la BTAC aux
requises.
compétences multiples. Il peut y être déployé jusqu’à
70% des matériels majeurs spécifiques SIC 1 et
La dernière conférence de planification, qui se déroule 2
SSQG2disponibles au sein de la force terrestre.
mois avant le début du déploiement, ne doit être que la
finalisation des travaux précédents. Elle a pour objectif
La phase de préparation comprend quantité d’actions
de valider les données techniques de communication des
interdépendantes, insérées dans un canevas rigoureux
différents SIOC5 et d’ajuster les besoins opérationnels et
et répondant à une stricte planification qui s’accommode
budgétaires. Les factures en matériels sont affinées afin
très mal de toute modification de dernière minute.
d’organiser les missions de renforcement.
Dix mois avant le début de l’exercice, lors de la
Le mois précédant l’exercice, il est impératif que les
conférence initiale de planification, les unités joueuses
ordres techniques soient rédigés et les systèmes et
expriment leurs besoins en services et en liaisons. Le
centres de télégestion configurés sur des plates-formes
type de déploiement, le nombre de postes de
techniques ad-hoc.
commandement et de centres opérations doivent alors
être définis. Une première version de l’ordre de bataille
De plus en plus complexes à monter, les exercices
des unités est réalisée. Ces étapes incontournables
majeurs permettent incontestablement à la BTAC
marquent le départ de toutes les études. Elles sont
d’accroître ses savoir faire dans le domaine interarmes et
indispensables à la conception, par la BTAC, d’une
interarmées. Mais, dans le contexte actuel de l’enchaî-
ébauche des architectures SIC répondant aux besoins
nement des exercices et du tuilage de leur préparation,
opérationnels ainsi qu’aux études de soutien. De la
un défaut ou une accumulation de retards par l’un ou
justesse de ces travaux dépend également une étude
plusieurs des états-majors joueurs affaiblira la qualité de
budgétaire précise ainsi que la planification des vecteurs
la prestation fournie et, in fine, la capacité de la brigade
de transport par le domaine logistique.
à remplir son contrat opérationnel 
Six mois plus tard la conférence principale de
planification clarifie le besoin de la force en réseaux et en
consoles de travail. Ces données sont essentielles à la
Lieutenant-colonel (TA) Vincent BAJON
État-major de la BTAC
3
réalisation des plans internes des PC déployés et à la
préparation des interconnexions des différents systèmes,
opérations toujours longues et minutieuses.
Le strict respect de cet échéancier est indispensable car
d’autres actions, nécessitant des délais incompressibles
se déroulent en fond de tableau. Initiées par la BTAC,
elles sont menées par des organismes extérieurs : la
DIRISI4 pour la validation de l’architecture finale ; l’OTAN
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012
1
2
3
4
SIC : Systèmes d’information et de communication.
SSQG : Soutien spécialisé du quartier général.
PC : Poste de commandement.
DIRISI : Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes
d’information.
5 SIOC : Système d’information opérationnel de commandement.
16
T RIBUNE
Entraînement de la réserve opérationnelle
dans le cadre d’une catastrophe naturelle
D
epuis le 1er juillet 2011, dans le cadre du dispositif de l’alerte Guépard Réserve, la BTAC a pour contrat
opérationnel de mettre sur pied une unité d’intervention de la réserve (UIR) à deux sections et un
groupe PROTERRE.
Cette unité, en alerte à 48 heures, peut intervenir durant 8 jours dans le cadre d’une mission de sécurité générale
ou d’assistance aux populations (catastrophe naturelle, aide humanitaire, service public).
Depuis l’année 2008 la réserve opérationnelle de la brigade effectue tous les 6 mois un exercice de type CPX1 de
4 jours pour répondre à ce type d’engagement.
L’exercice « Arverne 2012 - 01 » a vu cette année la mise en place d’un état-major tactique de circonstance (EMTC)
dont la mission est de commander un GTIA2 composé de 3 UIR Guépard, représentées chacune par leur
commandant d’unité et un chef de section.
Une animation haute et basse réaliste, sous forme de MELMIL3, a permis aux joueurs de s’imprégner d’une
situation réelle et de se familiariser aux relations avec la chaîne OTIAD4 et les unités toutes armes adaptées à la
mission.
A l’avenir et pour optimiser ce déploiement, cet exercice servira de support au contrôle opérationnel « Antares »
des régiments, en terrain libre, avec l’engagement de l’UIR du régiment concerné.
L’institution du dispositif Guépard Réserve conforte la pertinence et l’importance de cet exercice qui s’inscrit
parfaitement dans cet environnement opérationnel et dans l’esprit des missions retenues. Il offre aux officiers et
sous-officiers réservistes un espace d’entraînement unique, complet et réaliste 
Colonel (R) Patrick CHENU
État-major de la BTAC
1 CPX : Command Post Exercice.
2 GTIA : Groupement tactique interarmes.
3 MEL/MIL : Main Events List/Main Incidents List (liste des évènements et incidents).
4 OTIAD : Organisation territoriale interarmées de défense.
NUMÉRO 49 • DÉCEMBRE 2012