Michael Lonsdale Un succès et un flop le même
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Michael Lonsdale Un succès et un flop le même
CULTURE Mélanie Laurent rejoint Brad Pitt et Angelina Jolie sur le tournage de « By the sea », réalisé par Angelina. Joli ! © D.R. Le Soir Lundi 1er septembre 2014 31 Fans de philosophie et de littérature par milliers FESTIVALS L’Intime Plus de 4.000 personnes ont vibré à l’Intime Festival. Plus de 7.000 ont philosophé aux Inattendues. La culture fait rêver et réfléchir les Belges, même en temps de crise : c’est réjouissant. D ’un côté, on ne peut qu’applaudir. Que des milliers de personnes se soient dérangées, ce week-end, pour écouter des acteurs lire des textes et des écrivains les commenter ou des philosophes philosopher, c’est enthousiasmant. Que Matthieu Ricard, Edouard Baer, Michael Lonsdale, Charles Berling, Raphaël Enthoven, Tom Lanoye attirent les foules de part et d’autre de la Wallonie, wow, ça dynamise la culture. D’un autre à Namur, Les Inattendues à Tournai : vive ce qui nous fait réfléchir côté, on doit aussi regimber : comment les organisateurs de deux festivals, distincts mais qui s’adressent à un public potentiellement identique, ont-ils pu les placer le même week-end sur le calendrier estival ? Ne faisons pas notre utopiste : l’Intime et les Inattendues ont trouvé foi en leur avenir. C’est ça le principal. L’Intime Festival, chapitre 2, avait quelque chose à remporter, évidemment : le droit d’aller au chapitre 3. En 2013, Benoît Poelvoorde avait pu attirer le public par un effet de curiosité envers l’idée magique de ce clown magnifique. En 2014, son festival a remporté la victoire : il a attiré plus de monde que l’année dernière, ce fut une réussite totale. Pas question ici de faire l’inventaire des beautés de l’Intime. Mais, de la lecture d’Annie Ernaux par Dominique Blanc à celle de Romain Gary par Michel Vuillermoz, de celle de Michael Lonsdale au Duras d’Anne Consigny, du Styron dépressif d’Edouard Baer à la jubilation de l’écrivain-acteur Tom Lanoye, de Pierre Jourde à Charles Berling, le public a eu toutes les raisons de se réjouir, de pleurer et de rire, d’être envoûté sinon ensorcelé. Et de faire des découvertes : la primo romancière belge Hedwige Jeanmart, revenue de Barcelone, où elle vit, à Namur, où elle est née ; l’Américain Bruce Machart à la stature longiligne et au rire tonitruant ; Tom Lanoye plus acteur que lecteur de son propre texte, hilarant et tragique ; Noël Godin, Florence Seyvos, Matthias Zschokke, Paul Beatty. Et Jean-Philippe Delhomme, dont Benoît Poelvoorde dit que « c’est le mec le plus drôle que je connaisse en littérature. Il a fait une prestation d’une heure trente et je pleurais de rire… » « J’ai pris beaucoup de plaisir à venir lire ici, nous dit Michel Vuillermoz après sa lecture d’ex- traits de La promesse de l’aube, de Romain Gary. J’ai été aussi surpris par les réactions du public. Le texte de Gary peut en effet être drôle. Mais en entendant les gens rire, moi qui ne vois pas bien la salle, je savais qu’ils me suivaient et qu’ils ne s’ennuyaient pas. Je suis ravi. » « Bouli m’a débloqué » Bruce Machart était lui aussi enchanté. « Aux Etats-Unis, on fait aussi des lectures du genre, mais le plus souvent en librairie et pas avec des acteurs. Du coup, ça manque de tonus, de vivacité, de vie. » C’est l’acteur belge David Murgia qui a lu deux nouvelles de Machart. « Je l’ai découvert quand on me l’a présenté, dit-il, et je n’ai pas été déçu. J’ai lu ses nouvelles et je ne savais laquelle choisir. Et puis Bouli Lanners m’a appelé au téléphone et quand j’ai imaginé les personnages de Machart, j’ai vu Bouli. Ça m’a débloqué. » Il ajoute : « C’est stressant, surtout quand l’auteur est là. Il faut donner une interprétation du texte. » Pour les organisateurs de l’Intime Festival, ce n’est pas le nombre de spectateurs qui compte, mais la qualité de l’événement. Plus de 4.000, bien sûr, ça satisfait Patrick Colpé, directeur du Théâtre, et sa fille Chloé, organisatrice. « Mais, dit Patrick, on ne peut accueillir davantage de gens, question de place. » L’année prochaine ? « Le but est de dépasser le buzz Poelvoorde, explique Chloé, d’aller au-delà de l’aspect people. Le festival doit pouvoir se suffire à lui-même, jouer demain avec ou sans Benoît. » Alors demain ? « Inch Allah », répond Benoît Poelvoorde. On peut lui susurrer qu’un des gros sponsors du festival a signé pour trois ans. Alors… ■ JEAN-CLAUDE VANTROYEN ZOOM Benoît Poelvoorde : « Le festival ne m’appartient plus » Benoît Poelvoorde est comme un feu follet au Théâtre royal de Namur, qui accueille l’Intime Festival. Il passe de salle en salle, revient au Foyer, siffle un whisky, bavarde avec un écrivain ou un acteur, présente l’un à l’autre, se prête à un selfie, écoute tout le monde, glisse de groupe en groupe. Là, il présente Jean-Philippe Delhomme, l’auteur de Journal lacustre, à Noël Godin l’entarteur, descend vite à la librairie pour acheter le livre du premier et le donner au second, sans oublier entretemps d’exiger une dédicace. Quelqu’un le tire par la manche : une photo avec la fillette en chaise roulante, s’il vous plaît ? Il s’y prête avec bonne humeur, embrasse la demoiselle, qui respire la joie. Il donne de sa personne, l’acteur… « Un bilan ? rétorque-t-il. Moi je me contrefous des chiffres, du nombre de gens. Ce qui m’intéresse, c’est que le public soit heureux, content, joyeux. » Il reprend un whisky et revient fumer une clope sur la terrasse du beau bâtiment. « Cette année, j’ai été le spectateur de mon propre festival. Et c’est totalement réussi. Je suis un spectateur satisfait. D’ailleurs, le festival ne m’appartient plus : il appartient au public. » Ce qui l’excite dans ce festival, c’est qu’on ne sait pas vraiment ce qui va s’y passer : « C’est comme un happening. » Il salue une jeune femme, embrasse Noël Godin qui rejoint Bruxelles, revient à moi pour me parler d’Edouard Baer, qui a remplacé Niels Arestrup, empêché, pour lire William Styron samedi soir : « Ça, c’est la générosité, dit-il. Car tout ça, tout ce festival, c’est du bénévolat, nous ne gagnons rien, c’est juste du partage. » Michael Lonsdale devant le public de l’Intime Festival de Namur. Emouvant. A Tournai, quelques heures après Namur, sans doute était-il trop fatigué. © PABLO GARRIGOS. J.-C. V. Michael Lonsdale Un succès et un flop le même jour ’acteur français Michael Lonsdale est une figure attachante. A 83 ans, L il est vieux mais beau, digne, droit, même s’il marche à pas menus, ses chaussures glissant sur le parquet de la scène du Théâtre royal de Namur. Il s’assied devant le public de l’Intime Festival, adresse quelques mots à la salle, commence sa lecture, subjugue immédiatement les spectateurs. Le texte d’Albert Cohen terminé, il reçoit un Niagara d’applaudissements, dix minutes d’ovation chaleureuse d’une salle debout, conquise et émue. C’est que celui qu’on voit maintenant sous les traits du frère Luc des Dieux et des Hommes, cheveux blancs et longs, barbe blanche et longue, sourcils blancs et broussailleux, voix grave et immédiatement reconnaissable, a fait une lecture contenue et particulièrement intense du Livre de ma mère, l’emballant et remuant hommage d’Albert Cohen à sa maman décédée. L’adjonction de la beauté du texte et de l’élocution du lecteur ont embué les yeux du public. Droit et heureux, Michael Lansdale est revenu à plusieurs reprises sur le devant de la scène pour répondre aux vivats de la salle. Cela, c’était à 13 heures, à Namur, où, ce samedi, l’acteur français, faisait la première lecture du jour. Un peu plus tard, sur le coup de 17 h 30, il était attendu à Tournai, aux Inattendues, pour mettre en abyme la relation d’amitié fusionnelle et déchirante entre Nietzsche et Wagner. Rendez-vous manqué Mais dans la Halle aux draps de Tournai, Michael Lonsdale est hélas arrivé exténué. Il a fallu l’aider à monter sur scène et d’emblée sa voix éraillée faisait peine à entendre. Son filet semblait aussi lointain que celui du philosophe allemand malade, dont l’acteur devait interpréter la correspondance. A bout de souffle, incapable de faire partager l’émotion des lettres échangées par Nietzsche, Wagner et Cosima von Bülow, il semblait absent. Au point que le pianiste japonais, Masakatsu Nakano, chargé de l’accompagner, vacillait parfois d’inquiétude. Entre un prélude de Tristan et Iseult ou un extrait du Vaisseau fantôme, la lecture prenait des accents pathétiques. Voûté sur le lutrin, Michael Lonsdale perdait à certains moments le fil de cette merveilleuse histoire d’amitié. Le génie semblait l’avoir délaissé pour un soir, au grand désarroi du public. La salle ne savait quoi penser. Même une mazurka composée par Nietzsche et exaltée par Masakatsu Nakano ne suffirait pas à revigorer l’acteur, dont les murmures devenaient aussi mystérieux et insaisissables que les énigmes du père Fouras. Dommage car Tournai attendait énormément de cette confrontation des esprits . Entre le radicalisme matérialiste de Nietzsche, le philosophe qui osa proclamer à la face du monde « Dieu est mort », et la foi sincère de Michael Lonsdale, l’auteur de Jésus, j’y crois, le choc philosophique promettait de réveiller la question existentielle. ■ Da. Cv. et J.-C. V. 31