Un café philo à l`OVS - Observatoire Vieillissement et Société

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Un café philo à l`OVS - Observatoire Vieillissement et Société
Un café philo à l’OVS
Professeur de philosophie, doctorant en philosophie de l’éducation et bénévole pour
l’OVS, Éric Suarez organise depuis peu des cafés philo où les membres bénévoles de cet
organisme sont invités à participer.
Le but de l'exercice est de créer un espace de dialogue dans lequel chaque participant
exprime son opinion (je pense que…,) tout en posant les raisons de sa croyance (parce
que…) par rapport à des sujets d’ordre philosophique.
Éric Suarez anime des cafés philo dans plusieurs résidences pour aînés à Montréal. Ce
type d’activité a une double fonction :
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La première, c'est que les cafés philo incitent les participants à
manifester de la réflexion. De ce fait, ils activent le cerveau par le travail
conceptuel qu’ils exigent. Il s’agit donc d’entretenir, voire améliorer, la
dimension cognitive de la personne aînée.
La seconde est d’ordre affectif. Au cœur du dialogue, les personnes
expriment ce qu’elles pensent et ce qu’elles sont. Chacun est entendu.
Une meilleure estime de soi est ainsi dégagée en assistant à ces
rencontres. La solitude est rompue par le fait même d’être reconnu
par ses pairs.
Une invitation à tous pour une meilleure participation.
Y a t-il un âge pour aimer ?
Le sujet de l’amour à un âge avancé est un sujet de plus en plus d’actualité au cœur
des lieux où les personnes vieillissantes sont amenées à vivre ensemble. De plus, le
phénomène des papys-boomers vient renforcer un tel phénomène. Pour la première
fois, l’espérance des hommes vient rattraper celui des femmes, créant ainsi pour un
avenir proche une parité inédite en résidence pour ainés.
La première chose que les participants font lors d’un café-philo est de définir le ou
les concepts présents dans la question. Ici, il s’agira donc de définir l’amour. En effet,
qu’est-ce que ce sentiment là ? De quoi se nourrit-il ?
Les premières interventions des participants établirent deux critères pour identifier
l’amour. Le premier est celui du partage de valeurs communes. En effet, la
reconnaissance morale et intellectuelle semble nécessaire au sentiment amoureux.
Sans ce partage, point de partage possible. Le second est apparu être une attirance
sexuelle. Sans désir ressenti pour cet autre, nul amour ne semblerait pouvoir naitre.
Ici, a donc été abordé le thème de la sexualité chez les ainés au travers d’une
question : face à un amoindrissement du désir, de la libido, l’amour est-il encore
possible ?
Les réponses ont mentionné, dans leur grande majorité, une évolution sexuelle au
cours de la vie d’une personne. En effet, si la sexualité ne disparait pas avec l’âge,
elle change cependant de forme. On ne désire pas de la même façon à 20 ans qu’à 80
ans. Pour autant, la sexualité ou encore la sensualité, font toujours partie de
l’existence humaine.
Nous avons ainsi repris la distinction que le philosophe grec Platon fait de l’amour.
Il le distingue en trois catégorie : l’amour Éros qui pourrait être traduit comme la
passion amoureuse; l’amour Philia qui représente l’amitié et enfin l’amour Agapé
qui est, quant à lui, l’amour de tout.
Forts de cette distinction, les participants au café-philo en ont déduit que l’amour au
sein d’un couple était toujours un mélange d’Éros et de Philia, bien que la part du
second gagne en importance avec le temps.
Dépendant donc de la complicité intellectuelle mais aussi d’un désir physiologique,
l’amour serait possible à tout âge, y compris à une période très avancée de la vie. Les
changements que l’Éros subit avec le temps ne le fait pourtant pas disparaître.
Changeant seulement de forme, le désir, toujours présent chez les ainés, permettrait
ainsi l’émergence du sentiment amoureux.
Pour preuve, l’extraordinaire livre de la journaliste Marina Rozenman, Le cœur n’a
pas de rides où l’auteure part à la rencontre de celles et de ceux qui vivent de
grandes histoires d’amour passé l’âge de 70 ans. Un “hymne à la vie” souligne
l’éditeur dans un communiqué.
Notre société est-elle trop matérialiste ?
Ce sujet, à savoir la sur-consommation des societés occidentales, a suscité beaucoup
d’échanges car il relève une apparente contradiction. Mais avant toute chose,
comme à chaque fois que nous entrons dans un dialogue philosophie, il s’agit de
définir le concept traité. Les premiers échanges entre les participants établirent
donc les critères de ce que nous appelons communément société de surconsommation.
Il y a sur-consommation lorsque le besoin devient la conséquence et non la cause de
l’objet manufacturé. En d’autres termes, la sur-consommation se caractérisait par le
fait que c’est l’objet qui crée le besoin et non l’inverse.
Pour autant, l’apparente contradiction dont il ait fait mention plus haut proviendrait
des plaisirs vécues devant le fait de pouvoir consommer ce qui n’est pas
indispensable au maintien de la vie. En ce sens, porter de nouveaux vêtements,
même si ça n’est pas essentiel, procure du plaisir. Il en est de même lorsqu’il s’agit
d’acheter une voiture avec de toutes nouvelles options qui, assurément, facilitent et
sécurisent la conduite.
Par ces exemples, les participants ont identifié la difficulté à rejeter une surconsommation qui, pourtant, peut rendre l’existence plus agréable. Le problème
proviendrait alors, non pas des objets que l’on consomme mais plutôt de la forme
d’attachement que nous en aurions.
En se servant de la pyramide de Maslow, une distinction entre plaisir et bonheur a
pu être dégagée.
En effet, le dernier des cinq besoins humains que le psychologue Abraham Maslow
catégorise est le sommet des aspirations humaines. Il vise principalement à se
dégager d’une condition matérielle pour accéder à l’épanouissement.
En tant qu’être de conscience, l’humain cherche un sens à sa vie. Contrairement au
animaux qui ne font que vivre, l’homme vit et se voit vivre. Il pose sur l’existence un
regard distancé. Dans cette prise de distance, la recherche du bonheur déborde
nécessairement les objets dont il s’entoure. L’exemple de la voiture aux toutes
nouvelles options a ainsi révélé l’impuissance de l’objet face aux questions
existentielles que se pose l’humain ; « Qui suis-je ? », « Quel est le sens de ma vie »,
etc, sont autant de questions auxquelles seul un être de conscience pourrait
apporter une réponse.
Une participante a fait ainsi part du besoin de spiritualité inhérent à chacun d’entre
nous. Un besoin intellectuel ferait donc partie intégrante de l’homme. À ce besoin,
nul objet ne pourrait répondre.
Par conséquent, la sur-consommation pourrait ne pas être un problème si le
consommateur a bien en tête que l’objet, s’il lui permet un plaisir plus ou moins à
long terme, ne peut cependant pas être une réponse à sa quête de bonheur.
Pour autant, le problème écologique et, par donc politique, que pose la surconsommation a été également posé. En effet, si les sept milliards de terriens
devaient posséder le dernier ordinateur portable et le dernier écran télévisé, où
puiserions-nous les ressources matérielles ? Quels risques pour la planète et les
espèces y vivant (l’humaine comprise) entraine une économie basée sur l’offre
plutôt que sur la demande.
Pour clôturer une rencontre qui aurait pu encore durer des heures, deux problèmes
sont donc apparus concernant la sur-consommation. Le premier vise la confusion du
plaisir et du bonheur tandis que le deuxième est avant tout écologique.

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