tribunal des professions - Ordre des ingénieurs du Québec

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tribunal des professions - Ordre des ingénieurs du Québec
Paré c. Ingénieurs (Ordre professionnel des)
2007 QCTP 142
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE ST-HYACINTHE
N° :
750-07-000002-068
DATE : 13 novembre 2007
______________________________________________________________________
CORAM : LES HONORABLES CLAUDE H. CHICOINE, J.C.Q.
DANIELLE CÔTÉ, J.C.Q.
RÉMI BOUCHARD, J.C.Q.
______________________________________________________________________
DENIS PARÉ
APPELANT- Intimé
c.
GINETTE LATULIPPE, en sa qualité de syndic adjointe de l'Ordre des ingénieurs
du Québec
INTIMÉE-Plaignante
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
[1]
Le Tribunal statuant sur un appel de deux décisions du Comité de discipline de
l'Ordre des ingénieurs du Québec rendues les 8 avril 2005 et 23 mars 2006.
[2]
Pour les motifs exprimés par M. le juge Claude H. Chicoine, auxquels
souscrivent Mme la juge Danielle Côté et M. le juge Rémi Bouchard,
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TRIBUNAL DES PROFESSIONS
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LE TRIBUNAL :
REJETTE l'appel quant à la décision sur culpabilité du 8 avril 2005 (décision
rectifiée le 19 mai 2005);
REJETTE l'appel quant à la décision sur sanction du 23 mars;
Avec déboursés contre l'appelant.
__________________________________
CLAUDE H. CHICOINE, J.C.Q.
__________________________________
DANIELLE CÔTÉ, J.C.Q.
__________________________________
RÉMI BOUCHARD, J.C.Q.
Me Martin Couillard
Perras, Pilotte
Avocat de l'APPELANT-Intimé
Me Simon Venne
Avocat de l'INTIMÉE-Plaignante
Secrétaire du Comité de discipline de l'Ordre des ingénieurs du Québec
Date d'audience : 3 mai 2007
C.D. No
22-02-0268
Décision sur culpabilité rendue le 8 avril 2005
Décision rectifiée sur culpabilité rendue le 19 mai 2005
Décision sur sanction rendue le 23 mars 2006
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[3]
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OPINION
de M. le juge Claude H. Chicoine
______________________________________________________________________
[4]
L'appelant se pourvoit à l'encontre de décisions du Comité de discipline de
l'Ordre des ingénieurs du Québec rendues respectivement le 8 avril 2005 (décision
rectifiée du 19 mai 2005 ne changeant rien aux conclusions) et le 23 mars 2006.
[5]
Par sa première décision, le Comité déclare l'appelant coupable de 24 des 29
infractions énumérées dans les 23 chefs de la plainte. La deuxième décision prononce
l'arrêt conditionnel des procédures pour certaines des infractions et impose des
réprimandes, des amendes et des périodes de radiation temporaires, allant de un mois
à deux ans, à être servies concurremment.
[6]
Pour tous les chefs, il s'agit d'un seul et même projet de construction d'un
immeuble de 48 logements résidentiels; le mandat de l'appelant ayant été conclu à la
fois avec les promoteurs et entrepreneurs.
[7]
La plainte reproche à l'appelant d'avoir accepté un mandat au-delà de ses
connaissances et aptitudes; d'avoir omis d'apposer ses sceau et signature sur certains
plans; d'avoir apposé ses sceau et signature sur des plans qui ne portaient pas les
sceau et signature du confrère qui les avait préparés; d'avoir apposé ses sceau et
signature sur des plans préparés par une personne non-membre de l'Ordre et d'avoir
ainsi contribué à l'exercice illégal de la profession; de s'être attribué le mérite d'un
travail d'ingénierie revenant à un confrère; d'avoir omis de faire preuve de disponibilité
et de diligence raisonnables; d'avoir émis des avis qui n'étaient pas basés sur des
connaissances suffisantes et incomplets;
d'avoir omis de tenir compte des
conséquences de l'exécution de ses travaux sur l'environnement et sur la vie, la santé
et la propriété de toute personne; d'avoir fait défaut d'indiquer clairement à son client,
par écrit, les conséquences de l'utilisation, aux fins de construction, de certains plans
émis; d'avoir tenu des propos injurieux, offensants ou dénotant un manque de
professionnalisme;
d'avoir porté entrave à l'enquête du comité d'inspection
professionnelle de même qu'à l'enquête du syndic de l'Ordre; d'avoir négligé de tenir à
l'endroit où il exerce sa profession le dossier général et le dossier technique du projet;
et d'avoir omis d'aviser le secrétaire de l'Ordre de tout changement de son lieu de
résidence ou de domicile dans les 30 jours de ce changement.
[8]
Les gestes ou manquements reprochés s'étendent sur une période de 22 mois,
soit de février 2001 à novembre 2002.
[9]
C'est une visite de chantier par un inspecteur de la Régie du bâtiment qui a tout
déclenché.
Par la suite, une inspection du chantier permettra de constater
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[10]
L'ingénieur-inspecteur Roch Pouliot rapporte les mêmes problèmes.
[11] L'appelant répond par la négation, voire la désinvolture, aux différents avis des
responsables de la Régie du bâtiment.
[12]
En plus de l'intimée et de l'appelant, le Comité a entendu plusieurs témoins :
a)
de la Régie du bâtiment : l'inspecteur Dumaine, le chef de groupe
technique Girard et l'ingénieur Pouliot;
b)
de l'Ordre des ingénieurs : l'ingénieur Gagnon, expert pour le syndic;
l'ingénieur Rowland, inspecteur pour l'Ordre;
madame Delcorde,
secrétaire de direction au bureau du syndic;
c)
des ingénieurs ou ingénieurs consultants ayant collaboré au projet pour le
compte de l'appelant ou des nouveaux propriétaires du projet, avant ou
après l'intervention de la RBQ : Girard, Potvin, Frenette, Rughani et
Bousmal;
d)
autres : madame Mercier, réceptionniste chez l'appelant et monsieur
Blanchard, entrepreneur en construction.
[13] Ces témoignages sont accompagnés d'une abondante preuve documentaire
(137 pièces du côté de l'intimée et 8 pour l'appelant).
[14]
Il s'agit d'une preuve factuelle et technique.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
A)
L'appelant
[15] Dans son mémoire, l'appelant commence par réciter les faits en un condensé
très serré de plus de quatre pages. Le procureur de l'intimée a raison de prétendre
qu'il s'agit plus d'une argumentation présentant la perception qu'en a l'appelant. La
mise en situation faite par le Comité dans sa décision (par. 6 à 64) correspond plus à
l'ensemble de la preuve : elle la respecte de façon impartiale.
[16] D'abord, l'appelant rappelle le fardeau de preuve du syndic : la prépondérance.
Il y ajoute, citations à l'appui, qu'il doit s'agir d'une preuve « de haute qualité, claire et
convaincante »1.
1
Mémoire de l'appelant, p. 8 (Médecins c. Lisanu, 1998 QCTP 1719).
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39 défectuosités majeures concernant la structure. Une prise de connaissance
exhaustive des plans révèlera des anomalies. De plus, on aurait constaté un manque
de concordance entre les travaux réalisés et les plans de l'appelant.
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[17] Dans son mémoire, l'appelant reprend chacun des chefs, dans l'ordre
numérique. Dans sa plaidoirie orale à l'audience, le procureur propose un plan
d'argumentation scindant les chefs en deux catégories, selon qu'ils impliquent ou non,
quant à la sanction, une radiation.
[18] Le chef 1 accuse l'appelant d'avoir omis, avant d'accepter le mandat, de tenir
compte des limites de ses connaissances et de ses aptitudes ainsi que des moyens
dont il pouvait disposer pour l'exécuter.
[19] Il soumet que la nature et l'étendue de la preuve devant le Comité ont été
amplifiées de façon à dénaturer ses véritables obligations déontologiques. Il prétend,
au contraire, qu'il a expliqué s'adjoindre régulièrement les services spécialisés de
collègues, démontrant sa rigueur professionnelle, rigueur dont le Comité a fait
abstraction.
[20] Il reproche aussi au Comité d'avoir tenu compte du seul et unique témoignage
d'expert, soit Luc Gagnon, dont l'expertise a été produite. Il blâme l'expert dans la
façon dont il a conduit et réalisé son expertise, s'en remettant notamment au « Guide
de pratique professionnelle »2. Il souligne que l'expert ne s'est pas enquis, entre
autres, des compétences et exigences des clients entrepreneurs.
[21] Il dit n'avoir rien fait de répréhensible, s'étant adjoint les services des ingénieurs
Bousmal et Frenette (mécanique et électricité), de même que Girard (hypothèses de
travail quant aux méthodes de contreventement).
[22] Surtout, comme exposé devant le Comité, il réitère que les plans sur lesquels se
fonde l'accusation n'ont toujours été qu'à l'état embryonnaire, et donc incomplets et
fragmentaires, et allaient éventuellement, conformément à l'entente avec le client, être
vérifiés par une firme spécialisée.
[23] Il prétend ensuite à une absence de preuve quant aux problèmes de sécurité et
risques d'effondrement, soumettant que ce critère a été « hautement et
irrémédiablement dénaturé »3 dans le cadre de la décision frappée d'appel, s'agissant
d'un risque « purement potentiel et non d'un risque imminent »4.
[24] Enfin, discutant toujours du chef 1, l'appelant argumente que plusieurs des
irrégularités et déficiences constatées sur le chantier sont des erreurs de construction
(et non de conception), l'entrepreneur étant d'ailleurs pertinemment au fait des
irrégularités et problèmes identifiés par les autres témoins.
2
3
4
Id., p. 64 et ss. (Annexe II) – Voir p. 10.
Id., p. 13.
Id.
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Le mémoire conclut sur ce chef 1 :
« Dans ces circonstances, nous soumettons que le Comité a erré de façon
déterminante en excluant des critères retenus tous les éléments de preuve
révélés par l'appelant lui-même lors de son témoignage ainsi que par Monsieur
Jean-Claude Blanchard, propriétaire-entrepreneur, dont le témoignage
hautement pertinent n'a même jamais été soulevé ni discuté dans le jugement
frappé d'appel.
Dès lors, sommes-nous en présence d'une preuve « de haute qualité claire et
convaincante » du fait que Monsieur Paré aurait enfreint les dispositions
contenues à cet article 3.01 du Code. Nous répondons respectueusement par
la négative à cette question. »5
[26] Dans sa plaidoirie à l'audience, le procureur réitère sensiblement les mêmes
arguments, mais insiste sur la « nature préliminaire des plans émis pour seule fin
d'obtention de permis municipal et non aux fins de construction ». Il souligne à
nouveau la difficulté à faire accepter au client la bonne méthode de contreventement.
Il conclut que ni cela ni l'ensemble de la preuve ne viennent prouver l'absence de
connaissances, d'aptitudes ou de moyens.
[27] Quant au chef 9, il reproche à l'appelant, en vertu de deux articles du Code de
déontologie, d'avoir exprimé des avis qui n'étaient pas basés sur des connaissances
suffisantes et d'honnêtes convictions et qui étaient incomplets en émettant les plans
S-1 à S-5, F-1 et F-2.
[28] Le procureur de l'appelant argumente que, si l'article 2.04 est dans la section du
Code de déontologie concernant les devoirs et obligations envers le public, l'article
3.02.04 se trouve dans la section des devoirs et obligations envers le client. Soit, ici,
un entrepreneur général et promoteur qui constate en voyant le plan son caractère
incomplet ou préliminaire.
[29] Dans son mémoire, l'appelant reprend sensiblement les mêmes arguments que
ceux plaidés pour le chef 1, écrivant notamment :
« En concluant comme il l'a fait, le Comité dénature complètement les plans dits
« préliminaires », pour étude et approbation signés et scellés par l'appelant,
destiné (sic) à établir les modes et concepts spécifiques de construction
suggérés par le professionnel et nécessairement, par définition, sommaire (sic)
et incomplets. L'expert Luc Gagnon commet la même erreur fondamentale en
déclarant avoir analysé, étudié et scruté les plans préliminaires S-3 et I-1
comme s'il s'agissait de plans définitifs, émis expressément aux fins de
l'exécution des travaux de construction de l'immeuble en litige. (d.c., vol. XIII,
p. 1404) Une telle prémisse d'étude entraînera inévitablement des conclusions
5
Id., p. 14.
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[25]
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[30] Pour les chefs 10 et 13, on reproche à l'appelant d'avoir omis de considérer les
conséquences de l'exécution de ses travaux sur l'environnement et sur la vie, la santé
et la propriété de toute personne en émettant les plans nommés pour chacun des
chefs. L'appelant plaide essentiellement que :
-
le Comité n'a pas tenu compte de la preuve en défense, plus précisément
du témoignage du client Blanchard qui affirme que son chantier était
sécuritaire;
-
rien dans la preuve ne révèle un quelconque élément intentionnel
coupable, alors que l'article 2.01 du Code de déontologie crée, selon
l'appelant, une infraction qui nécessite la preuve prépondérante d'une
intention coupable;
-
le Comité a conclu à la culpabilité en ne retenant que le risque potentiel
d'écroulement, le tout en relation avec les travaux de contreventement;
-
l'appelant n'assumait qu'une surveillance sporadique du chantier et ne
pouvait imposer ses vues et recommandations à l'entrepreneur client;
-
les plans n'étaient pas définitifs et ne constituaient que des documents de
travail, d'où l'absence « d'insouciance téméraire » à l'endroit du public ou
des travailleurs et de l'environnement en général.
[31] L'infraction alléguée au chef 14 réfère à trois articles du Code de déontologie :
3.02.01, 2.01 et 3.02.08. On y reproche à l'appelant d'avoir manqué d'intégrité et omis
de tenir compte des conséquences de l'exécution de ses travaux sur l'environnement
et sur la vie, la santé et la propriété de toute personne en tolérant que les travaux
soient effectués sans que des plans de structure aient été émis pour construction.
[32] Plusieurs des arguments de l'appelant reprennent ceux déjà soulevés pour les
chefs précédents, notamment qu'on veut lui imputer la responsabilité légale de
l'entrepreneur, alors que ce dernier aurait reconnu que les plans préliminaires reçus ne
pouvaient et ne devaient pas servir à la construction.
[33] Le mémoire de l'appelant attaque ensuite le raisonnement du Comité. Il revient
sur les notions de fardeau de preuve et de risque potentiel (plutôt qu'imminent).
[34] Au cours de sa plaidoirie à l'audience, le procureur de l'appelant rappelle que
l'article 3.02.08 est dans la section des devoirs et obligations de l'ingénieur envers son
client. Or, le client est ici un entrepreneur avisé, pressé de construire même avec des
6
Id., p. 18.
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et des opinions biaisées et fondamentalement erronées eu égard aux véritables
objectifs recherchés lors de l'émission des plans préliminaires susdits. »6
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plans qu'il sait inadéquats et à l'égard de qui l'appelant n'a utilisé aucun procédé
malhonnête ou douteux. Les reproches qui pourraient être attribués à l'entrepreneur
sont appliqués par le Comité à l'appelant. Il souligne le témoignage du client
Blanchard quant à son manque de disponibilité, alors que l'appelant, lui, demeurait
disponible7.
[35] Les chefs 2 à 5 concernent les sceau et signature de l'ingénieur, en vertu de
l'article 3.04.01 du Code de déontologie. Pour deux des chefs, on reproche à
l'appelant de n'avoir pas apposé ses sceau et signature alors qu'il aurait dû le faire;
dans les deux autres, il a apposé ses sceau et signature, alors qu'on prétend qu'il n'en
avait pas le droit.
[36] Dans son mémoire, quant à l'une des omissions, il plaide la « pression sur le
client » pour que ce dernier le contacte (niant que ce soit pour une question
d'honoraires); pour l'autre, il s'en remet encore à l'argument des documents
« fragmentaires et préliminaires ».
[37] Quant aux scellement et signature de plans provenant d'autres personnes, il ne
nie pas les faits, mais fournit certaines explications.
[38]
À l'audience, son procureur n'ajoute rien au mémoire quant à ces chefs.
[39] De la même façon, le procureur s'en remet au mémoire pour les chefs 6 et 7.
Le chef 6 lui reproche, en signant et scellant les plans venant d'un autre ingénieur
(Bousmal), de s'être attribué le mérite d'un travail d'ingénierie revenant à un confrère.
Quant au chef 7, en signant et scellant des plans provenant d'une personne
non-membre de l'Ordre, il participait ou contribuait à l'exercice illégal de la profession.
[40] Écrivant n'avoir pas eu d'intention malhonnête, il admet avoir fait preuve
d'imprudence et avoir agi avec célérité.
[41] Le chef 8 : omis de faire preuve d'une disponibilité et d'une diligence
raisonnable. Cette infraction prévue à l'article 3.03.01 du Code de déontologie se
retrouve dans la section III : Devoirs et obligations envers le client. Et non pas envers
toute personne qui peut demander de l'information. C'est la section II qui concerne les
relations avec le public, et la section IV concerne les relations avec la profession ou
l'Ordre.
[42] L'appelant prétend que le Comité a gravement erré en droit en concluant à
l'application de l'article 3.03.01 à l'égard d'organismes gouvernementaux ou de
mandataires de l'Ordre. Selon lui, pour appliquer cet article, il faut une preuve de
laxisme ou d'insouciance envers le client. Or, le témoignage de Blanchard prouve
plutôt le manque de collaboration et de disponibilité de ce dernier.
7
D.C., vol. XII, p. 2229.
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[43] Quant au chef 15, il s'agit du défaut d'indiquer clairement à son client, par écrit,
les conséquences pouvant découler de l'utilisation, aux fins de construction, des plans
émis. Le procureur convient que l'appelant n'a pas donné d'avis écrit. Sa plaidoirie ne
met en cause que la sanction (amende de 1 000 $) qu'il juge trop sévère.
[44] Les chefs 17 et 18 concernent des propos injurieux, offensants ou dénotant un
manque de professionnalisme (acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de la
profession, article 59.2 du Code des professions). Les propos reprochés sont
contenus dans des lettres adressées à des représentants de la RBQ.
[45] Dans son mémoire, l'appelant argue que, ne pouvant trouver de réponse de
l'entrepreneur, promoteur et propriétaire, il est devenu le seul interlocuteur auprès de la
RBQ et, qu'à ce titre, ces représentants l'ont inondé de demandes et requis de lui une
foule de documents. S'en est suivi un échange de correspondance. Monsieur Girard
(chef 17) a porté des jugements sur sa pratique, attaquant son intégrité et son
professionnalisme. L'appelant écrit :
« Le Comité a toutefois trouvé l'appelant coupable quant au chef d'accusation
numéro 17 car celui-ci aurait utilisé et tenu des propos gratuits, peu éclairants et
sans aucune justification dans le contexte des échanges. Cette perception des
membres du Comité ne peut toutefois, à notre avis, justifier la culpabilité de
l'appelant sous tel chef d'accusation.
En effet, Monsieur Paré mentionne ne pas avoir voulu blesser Monsieur Girard
mais confirme d'autre part qu'il s'était senti dans l'obligation de se défendre aux
attaques répétées et déplacées dont il avait été victime. Bien que ces
correspondances ne soient pas un exemple de courtoisie, nous ne considérons
nullement qu'il s'agisse de propos injurieux ou offensants. D'ailleurs, Monsieur
Girard n'a jamais témoigné pour affirmer qu'il s'était senti injurié ou offensé par
ces propos, lesquels s'inscrivent tout au plus dans un échange « viril ». »8
[46]
Un raisonnement semblable suit quant à monsieur Dumaine (chef 18) :
« Il est admis que l'appelant ait pu faire preuve d'impulsivité dans le cadre du
texte de la lettre sous étude mais Monsieur Dumaine, à l'instar de Monsieur
Girard, n'a jamais soulevé le fait qu'il ait été indisposé en recevant cette lettre ou
même qu'il se soit senti injurié, offensé et/ou blessé de quelque façon que ce
soit par son contenu.
Ainsi, nous soumettons au Tribunal qu'un verdict d'acquittement devrait être
prononcé à l'endroit de l'appelant sous chacun de ces chefs d'accusations, le
Comité ayant erré de façon importante quant à l'interprétation des dispositions
pertinentes. En outre, l'intimée ne s'est manifestement pas déchargée du
fardeau de preuve qui était le sien, en regard de telles accusations. »9
8
9
Précitée, note 1, p. 28.
Id.
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[47] Au chef 20, le Comité trouve l'appelant coupable d'avoir entravé l'enquête du
Comité d'inspection professionnelle (Code des professions, article 114). L'un ou les
inspecteurs ont fixé des rendez-vous, accepté des reports, se sont présentés : sans
succès, l'appelant étant toujours absent.
[48] Dans un premier temps, l'appelant s'en remet à sa condition de santé et à son
bulletin d'arrêt de travail.
[49] Dans un deuxième temps, l'appelant critique l'analyse du Comité et soumet que
ce dernier a dénaturé et déplacé le fardeau de preuve, lui imposant un fardeau qui ne
lui incombait nullement et exigeant de lui « un degré de preuve totalement injustifié,
voire carrément excessif et arbitraire »10.
[50] Enfin, au chef 21, il s'agit d'entrave à l'enquête du syndic. L'appelant base
d'abord son argumentation sur la question de la livraison d'un rouleau de plans au
bureau du syndic le 12 juin 2002, notant ce qu'il qualifie de contradictions dans les
témoignages de l'intimée et de dame Delcorde, secrétaire au bureau du syndic. Tant
devant le Comité que dans son mémoire, l'appelant soutient que, s'il a ainsi livré les
plans en juin, il n'avait pas à donner suite à une nouvelle demande de l'intimée
concernant encore une ou des copies des mêmes plans. Selon lui, c'est cet imbroglio
relatif à la remise de plans qui serait à l'origine de cette accusation.
[51] L'appelant prétend que l'intimée a fait preuve de partialité et même de mauvaise
foi, alors qu'un syndic doit être impartial, neutre et objectif.
[52] Il ajoute enfin qu'on n'a démontré aucune intention répréhensible de sa part et
que ce sont les informations obtenues des gens de la RBQ par l'intimée qui ont
influencé négativement cette dernière et biaisé irrémédiablement sa perception de la
conduite professionnelle de l'appelant.
[53] À l'audience, le procureur de l'appelant n'a rien ajouté au mémoire quant aux
chefs 17, 18, 20 et 21.
B)
L'intimée
[54] Quant au chef 1, l'intimée répond que le Comité a, au contraire, tenu compte du
fait que l'appelant a confié à des tiers les travaux de mécanique et d'électricité; mais
ce dont il s'agit, ce sont les plans de structure, ce que le Comité a bien cerné. La seule
preuve d'expert conclut qu'ils sont imprécis et incomplets.
[55] Le mémoire rejette différents arguments de l'appelant quant à ce que l'expert
Gagnon aurait dû faire ou non, différenciant le rôle d'enquêteur du syndic de celui de
l'expert et ajoutant que l'appelant comprend mal la nature des accusations et l'objet de
l'expertise demandée à l'ingénieur Gagnon.
10
Id., p. 30.
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L'intimée soumet :
« Que les obligations déontologiques de l'ingénieur, quant au contenu d'un plan
ou d'un avis, ne dépendent pas de l'identité de son client, mais des règles de
l'art applicables en cette matière. C'est à la lumière de ces règles de l'art, qu'en
l'espèce le témoignage de l'expert Gagnon avait pour but d'établir que les avis et
plans de l'appelant devaient être analysés, et non en fonction des exigences ou
compétences des «propriétaires-entrepreneurs».
Précisons à cet égard que le témoignage de Jean-Claude Blanchard devant le
Comité de discipline a permis de constater que l'objectif principal de ce
«propriétaire-entrepreneur» était de réduire au maximum les coûts de
construction. C'est cet impératif qui lui a notamment dicté le choix de
l'ingénieur. »11
[57] Quant à l'insistance de l'appelant sur le caractère « préliminaire » des plans S-3,
l'intimée répond :
[58]
1)
que l'ingénieur expert Gagnon savait que les plans de structure de
l'appelant avaient d'abord été préparés pour approbation;
2)
qu'il s'agit d'arguments qui ont pour effet d'ignorer l'objectif de la
protection du public.
Enfin, sur la dualité « risque potentiel » et « risque réel », le mémoire exprime :
« […] la seule existence d'un risque «purement potentiel» (sic) suffit pour
entraîner la responsabilité de l'appelant. Lorsqu'il est question de la culpabilité
d'un professionnel, le droit disciplinaire s'intéresse aux conséquences possibles
des gestes posés, et non pas à leurs conséquences avérées. Selon une
jurisprudence constante, on n'exige pas que la conduite de l'ingénieur ait eu des
conséquences réelles et mesurables, et il suffit justement qu'elle ait créé un
risque «potentiel»4. »12
(Référence omise)
[59] Le procureur de l'intimée rappelle le texte de l'article 3.04.01 du Code de
déontologie relativement aux chefs 2 à 5 de la plainte. Pour ses propres plans (qui ont
servi à la construction, et ce, à la connaissance de l'appelant), il y a aveu de l'appelant.
[60] Quant à l'apposition de ses sceau et signature sur les plans d'autres personnes,
ingénieurs ou non, il y a aussi aveu, l'appelant ayant choisi la voie de la facilité.
[61] Le mémoire de l'intimée s'en remet au texte de la décision attaquée quant au
rejet de la défense d'absence d'intention malhonnête pour les chefs 6 et 7.
11
12
Mémoire de l'intimée, p. 5.
Id., p. 6 et 7.
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[56]
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« […] Le mandat que doit réaliser un ingénieur comprend nécessairement de
nombreuses facettes, dont notamment celle de collaborer, le cas échéant, avec
la Régie du bâtiment. Cette collaboration est imposée par la loi, et l'ingénieur ne
peut pas s'y soustraire sous prétexte qu'il n'a une obligation de diligence qu'à
l'égard de son client. »13
[63] Elle prétend avoir établi l'absence de diligence et souligne les paragraphes 146
à 149 de la décision du Comité.
[64] Dans son mémoire, l'intimée regroupe les chefs 9, 11 et 12 de la plainte et dit
être sans mérite la critique de l'appelant à l'égard de l'expert Gagnon. La preuve
d'expert n'a été contredite par aucune autre preuve d'expert. Le témoignage de
l'appelant lui-même est « à cet égard dénué de valeur probante »14, ce dernier n'étant
pas en mesure de témoigner de ces questions techniques de façon objective.
[65] L'intimée fait plusieurs références aux divers témoignages pour démontrer que
le Comité a apprécié de façon raisonnable la preuve pour trouver l'appelant coupable
des chefs 10 et 13. Nous y reviendrons dans notre analyse ci-après.
[66] Quant à l'argument de l'appelant opposant « risque potentiel » et « risque réel »,
l'intimée réitère ce que plaidé pour le chef 1 de la plainte.
[67] Quant à l'argument de l'appelant voulant que l'intimée ait le fardeau de prouver
l'intention, elle souligne qu'il ne soumet aucune autorité, ajoutant :
« Cet argument est sans fondement : un ingénieur tient compte
conséquences de l'exécution de ses travaux, ou il omet de le faire. »15
des
[68] L'intimée souligne aussi l'ambivalence du témoignage de l'appelant quant à
l'entrepreneur Blanchard : tantôt disant lui faire confiance; tantôt manifestant
beaucoup de réserve.
[69] Le chef 14 est objectivement le plus sérieux : avoir toléré que les travaux soient
effectués sans que des plans de structure aient été émis pour construction.
[70]
L'intimée écrit :
« L'appelant ne tente pas dans son mémoire, parce qu'il n'est pas en mesure de
le faire, de contredire l'affirmation du Comité de discipline selon laquelle il a
effectivement toléré que les plans S-3 et S-4 servent à la construction de
13
14
15
Id., p. 12.
Id., p. 14.
Id., p. 15.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[62] L'intimée soumet que le Comité n'a commis aucune erreur dans son
interprétation de l'article 3.03.01 eu égard au chef 8 :
PAGE : 13
l'immeuble. La preuve ayant par ailleurs établi que ces plans étaient incomplets
et impropres à la construction, l'appelant a par sa tolérance contrevenu à l'article
2.01. Il a par la même occasion toléré les procédés douteux de son client
(art. 3.02.08), qui agissait de façon illégale, et ainsi manqué d'intégrité (3.02.01).
Les motifs exprimés par le Comité à l'égard de ces chefs ne comportent aucune
erreur, ni de faits, ni de droit. […]
[…]
Alors que tous les témoignages entendus par le Comité, sauf ceux de l'appelant
et de son client, convergent pour établir les lacunes des plans et les déficiences
observées sur le chantier, l'argument de l'appelant fondé sur son prétendu
«devoir de réserve» est à sa face même irrecevable. Rien dans la preuve ne
permet à l'appelant de prétendre qu'il a décidé de ne pas signaler la situation
afin de ne pas «alarmer inutilement» le public. La preuve permet au contraire
de conclure que l'appelant a choisi d'ignorer ses responsabilités envers le
public, et envers la profession.
Enfin, l'argument concernant l'existence d'un risque potentiel mais non imminent
n'a pas plus de mérite en regard de ces chefs de la plainte. La reconnaissance
d'une faute déontologique, contrairement à celle de la faute civile, n'exige pas
qu'il y ait des dommages matériels ou blessures corporelles : c'est justement
pour éviter de telles conséquences que la loi demande l'intervention d'un
ingénieur dans ce type de travaux, afin de garantir que ceux-ci soient réalisés
selon les règles de l'art de la profession. »16
[71]
Le chef 15: l'avis écrit est une exigence énoncée par le législateur.
[72] Quant aux propos offensants auxquels réfèrent les chefs 17 et 18, l'intimée
suggère que l'appréciation du caractère injurieux ou offensant des propos est au cœur
des compétences du Comité et qu'il les a exercées « d'une façon irréprochable ». Elle
ajoute :
« […] Une poursuite civile en dommages se serait intéressée aux dommages
subis par messieurs Dumaine et Girard, mais la question de savoir si ces
derniers se sont sentis offensés ou blessés n'est pas déterminante pour les fins
de l'instance disciplinaire. […] »17
[73] L'intimée rappelle les conclusions de faits (par. 372 à 377 de la décision)
auxquelles le Comité en est arrivé sur cet arrêt de travail, clé de la défense de
l'appelant relativement au chef 20. Le mémoire réfère ensuite à plusieurs passages du
témoignage de l'appelant pour conclure que le verdict est largement étayé.
[74] De la même façon pour le chef 21, l'intimée rappelle les motifs exprimés par le
Comité (par. 386 à 405).
16
17
Id., p. 17 et 18.
Id., p. 19.
2007 QCTP 142 (CanLII)
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PAGE : 14
[76] Quant au grand état que l'appelant fait de la remise ou non des plans au bureau
de l'Ordre, l'intimée souligne que cet imbroglio n'est que l'un des éléments témoignant
de son absence de collaboration.
QUESTIONS EN LITIGE
Quant à la décision sur culpabilité :
[77]
L'appelant suggère les questions suivantes :
1.
Le Comité a-t-il erré dans l'appréciation faite des éléments factuels qui lui
ont été présentés?
2.
Le Comité a-t-il erré dans l'interprétation et l'application des diverses
dispositions réglementaires pertinentes contenues au Code de
déontologie ainsi qu'au Code des professions?
Quant à la décision sur sanction :
[78] Le Comité a-t-il, à l'occasion de la détermination de la sanction à imposer à
l'appelant sur chacun des chefs d'accusation pour lesquels il avait été trouvé coupable,
retenu les critères et barèmes devant recevoir application, notamment quant aux
diverses périodes de radiations temporaires imposées à l'appelant?
Quant à l'ordonnance de publication prévue à l'article 156 du Code des
professions :
[79]
Le Comité a-t-il erré dans l'exercice de sa discrétion judiciaire?
Quant à la condamnation aux entiers dépens :
[80] La condamnation à la totalité des déboursés, dépens, honoraires et
indemnisation des divers témoins est-elle totalement déraisonnable et impose-t-elle un
fardeau financier excessif?
2007 QCTP 142 (CanLII)
[75] Citant des autorités sur ces sujets, le procureur plaide qu'il s'agit de la cause du
professionnel et non du procès de la syndic, laquelle n'a pas, contrairement à ce que
prétend l'appelant, d'obligation d'impartialité à l'égard du professionnel sous enquête.
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[81] Le Tribunal, s'inspirant des enseignements de la Cour suprême dans les arrêts
Dr Q18, Ryan19, Voice Construction20 et Lethbridge21, doit déterminer la norme de
contrôle judiciaire applicable en l'espèce, la Cour suprême enseignant qu'il n'y a que
trois normes, soit la décision correcte, la décision raisonnable simpliciter et la décision
manifestement déraisonnable.
[82] La Cour recommande, pour y arriver, une analyse pragmatique et fonctionnelle
qui tient compte des quatre facteurs contextuels suivants :
a)
la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit
d'appel;
b)
l'expertise du tribunal d'instance;
c)
l'objet de la loi;
d)
la nature de la question : de droit, de fait ou mixte de droit et de fait.
[83] La pondération de ces facteurs déterminera le degré de déférence approprié,
donc la norme d'intervention applicable en l'espèce.
[84] Le premier facteur concerne le mécanisme de contrôle prévu par la loi. Les
articles 164 et 175 du Code des professions confèrent un vaste droit d'appel devant le
Tribunal des professions; l'existence d'un tel droit invite à un degré de déférence
moins élevé des décisions des comités de discipline.
[85] Le deuxième facteur a trait à l'expertise du tribunal d'instance sur la question à
l'étude. Il ne fait aucun doute que le Comité de discipline jouit d'une expertise relative
puisqu'il est composé d'un juriste et de deux pairs qui possèdent une bonne
connaissance du génie et des normes déontologiques. Toutefois, le Tribunal des
professions, composé d'un nombre restreint de juges22, est également un tribunal
spécialisé23.
18
19
20
21
22
23
Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] CSC 19.
Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] CSC 20.
Construction & General Workers'Union, Local 92 c. Voice Construction Ltd, [2004] CSC 23.
Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, [2004] CSC 28.
Code des professions, L.R.Q., chap. C-26, art. 162.
Latulippe c. Tribunal des professions, C.A.M. 500-09-022756-963, 5 juin 1998; Barreau du Québec
c. Tribunal des professions et Brousseau, C.S.M. 500-05-048404-998, 15 juin 1999, juge Danielle
Grenier; Schrier c. Tribunal des professions et als, [2004] R.J.Q. 2432 (C.A).
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NORME D'INTERVENTION
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[87] Le troisième facteur à considérer est l'objet de la loi. L'article 23 du Code des
professions énonce clairement que la mission de tout ordre professionnel est d'assurer
la protection du public en établissant et en maintenant des normes professionnelles.
[88]
Enfin, le quatrième facteur est la nature de la question en litige.
[89]
Dans l'arrêt Dr Q, madame la juge en chef McLachlin écrit :
« Lorsque la conclusion qui fait l'objet du contrôle est de nature purement
factuelle, il y a lieu à plus grande déférence à l'égard de la décision du tribunal.
Inversement, une question de droit pur invite à un contrôle plus rigoureux. C'est
particulièrement le cas lorsque la décision est d'importance générale ou revêt
une grande valeur de précédent : Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté
et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, 2002 CSC 3, par. 23. Enfin, sur les
questions mixtes de fait et de droit, ce facteur appelle une déférence plus
grande si la question est principalement factuelle, et moins grande si elle est
principalement de droit.
[…] Lorsque la pondération des quatre facteurs susmentionnés indique la
nécessité d'une grande déférence la norme de la décision manifestement
déraisonnable est appropriée. S'il y a lieu à peu ou pas de déférence, la norme
de la décision correcte suffit. Si la pondération des facteurs semble indiquer un
degré de déférence se situant quelque part au milieu, la norme de la décision
raisonnable simpliciter s'applique. »24
La conclusion sur la méthode pragmatique et fonctionnelle
[90] L'analyse des premier et troisième facteurs n'amène à conclure ni dans le sens
d'une grande déférence, ni dans celui d'un examen exigeant, alors que le deuxième
facteur invite à peu de retenue. La pondération sera, en conséquence, principalement
déterminée par la nature des questions en litige.
[91] La question remettant en cause l'appréciation par le Comité des éléments
factuels invite à la déférence et à l'application de la norme manifestement
déraisonnable.
[92] La question de l'interprétation et de l'application des dispositions légales ou
réglementaires aux faits prouvés requiert un degré moins élevé de déférence,
s'agissant de questions mixtes de fait et de droit. C'est la norme raisonnable simpliciter
qui s'applique.
24
Précitée, note 18 - Dr Q, par. 34 et 35.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[86] Si, d'une part, le Comité a un degré plus élevé d'expérience ou de spécialité en
génie, le Tribunal ne lui doit pas de déférence en matière de droit, plus spécifiquement,
en matière d'interprétation de la loi.
PAGE : 17
[93] Quant à la décision sur culpabilité, pour la plupart des chefs d'accusation de la
plainte, il s'agit de l'application des textes du Code de déontologie des ingénieurs25 ou
du Code des professions26 aux faits prouvés par prépondérance. C'est donc la norme
de la simple rationalité qui s'applique.
[94] Quant à la question de la sanction, la jurisprudence consacre la norme
raisonnable simpliciter (tel que discuté plus loin à ce chapitre).
[95] Les questions d'ordonnance de publication et des dépens ou déboursés
relèvent strictement de la discrétion du Comité. À moins que ce dernier n'ait, dans l'un
ou l'autre cas, exercé sa discrétion de manière manifestement déraisonnable, le
Tribunal ne devrait pas intervenir.
ANALYSE
[96]
Chef 1 :
« À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 19 février 2001, l'ingénieur Denis
Paré a omis, avant d'accepter un mandat dans le cadre du projet Résidences
Sieur de Chambly, de tenir compte des limites de ses connaissances et de ses
aptitudes ainsi que des moyens dont il pouvait disposer pour l'exécuter,
contrevenant ainsi à l'article 3.01.01 du Code de déontologie des ingénieurs. »27
[97] Premièrement, l'appelant est bien mal venu de reprocher au Comité d'avoir tenu
compte du seul et unique témoignage d'expert (et de son rapport) : c'est justement le
seul et unique, non contredit. Il est question des limites, connaissances, aptitudes et
moyens de l'ingénieur : l'expert n'avait pas à vérifier les connaissances et moyens de
l'entrepreneur. La façon de l'expert de procéder à son expertise relève de lui. Il n'est
pas un enquêteur. Tout au plus, un tribunal peut-il tenir compte de certaines failles
d'une expertise non pas quant à la recevabilité de cette preuve, mais quant à sa valeur
probante. Or, le Comité a apprécié ce témoignage, notamment aux paragraphes 81,
84 et 85 de la décision. De plus, comme le note le Comité, l'avis de l'expert Gagnon
est corroboré par d'autres ingénieurs témoins, soit Pouliot, Girard et Rughani (par. 96).
Rughani parle clairement de plans incomplets28. Contre-interrogé, il précise que les
plans de Paré ne montrent pas la nécessité d'ancrer29. Le rapport de Gagnon est très
explicite et détaillé; il suffit de lire la liste des nombreux manquements30, et la
conclusion :
« Nous jugeons que la méconnaissance de l'ingénieur D. Paré de la partie 4 du
Code National du Bâtiment fait en sorte qu'il était incapable de compléter les
25
26
27
28
29
30
L.R.Q., c. I-9, r. 3.
Précité, note 22.
D.C., vol. I, p. 15.
D.C., vol. XI, p. 1924 à 1932.
Id., p. 1979.
D.C., vol. IV, p. 692 à 694.
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PAGE : 18
[98]
L'appréciation du rapport et du témoignage de l'expert par le Comité est juste.
[99] De plus, comme le Comité (par. 97), nous ne pouvons mettre de côté
l'admission faite par l'appelant à l'ingénieur Rowland (Comité d'inspection
professionnelle) voulant qu'il ait « pris des contrats sans connaître leur complexité et
sans avoir les connaissances requises »32.
[100] Quant à l'argument voulant que les plans de l'appelant n'étaient
qu'embryonnaires et ne devaient pas servir à la construction, le Comité l'analyse et y
répond aux paragraphes 87, 88, 89, 90, 92 et 93. Malgré sa méfiance à l'égard des
entrepreneurs Blanchard et Bergeron33, l'appelant convient d'une surveillance
sporadique34, remet des plans et sait qu'on construit35.
[101] La conclusion du Comité est motivée et tient bien compte de la preuve.
[102] Chefs 2 à 5 :
« 2.
À Saint-Luc, district d'Iberville, vers le mois de mars ou le mois d'avril
2001, dans le cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis
Paré a omis d'apposer son sceau et sa signature sur l'original et les copies de
ses plans S1 à S5, F1 et F2, contrevenant ainsi à l'article 3.04.01 du Code de
déontologie des ingénieurs;
3.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 3 avril 2001, dans le cadre
du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a apposé ses
sceau et signature sur les plans M1 à M4 alors que lesdits plans ne portaient
par les sceau et signature du confrère qui les avaient (sic) préparés,
contrevenant ainsi à l'article 3.04.01 du Code de déontologie des ingénieurs;
4.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 3 avril 2001, dans le cadre
du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a apposé ses
sceau et signature sur les plans E1 à E5 alors que lesdits plans avaient été
préparés par une personne non membre (sic) de l'Ordre qui ne travaillait pas
sous sa direction ou sa surveillance immédiate, contrevenant ainsi à l'article
3.04.01 du Code de déontologie des ingénieurs;
31
32
33
34
35
Id., p. 694.
D.C., vol. X, p. 1781 à 1783; vol. V, p. 867 (rapport).
Précitée, note 28, p. 2057 à 2060.
Id., p. 2061 et 2062.
D.C., vol. XIII, p. 2311 à 2314.
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plans et devis. Nous concluons que les plans et devis de l'ingénieur D. Paré
sont incomplets et que ce dernier n'a pas complété le mandat qui lui a été
confié. »31
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5.
À Saint-Luc, district d'Iberville, vers le mois de février 2002, dans le
cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a omis
d'apposer son sceau et sa signature sur l'original et les copies de ses plans S1
à S6, F1 et F2, contrevenant ainsi à l'article 3.04.01 du Code de déontologie des
ingénieurs. »36
[103] Les chefs reprochent à l'appelant d'avoir omis de signer et sceller ses propres
plans préliminaires de structure et fondation (S-3 et S-4) en plus d'avoir signé et scellé
les plans d'autres personnes, soit les plans de mécanique (S-5) et d'électricité (S-7),
alors que ces plans avaient été préparés par un confrère, en l'occurrence M. Bousmal
quant à la pièce S-5 et par une personne non-membre de l'Ordre quant aux plans S-7.
[104] Dans son mémoire, l'appelant admet :
« […] Seules quelques copies additionnelles non signées et non scellées de ces
plans ont été remises au client, à ses demandes et réquisitions. L'appelant a
toutefois expliqué les raisons pour lesquelles ces copies n'avaient pas été
signées ni scellées. En définitive, il voulait accentuer la pression faite sur son
client pour que ce dernier daigne le recontacter afin de régler notamment la
question du contreventement demeurée en suspend (sic). […] Contrairement
aux affirmations du Comité, cette démarche de la part de l'appelant n'avait
aucunement pour objectif de faire pression sur le client pour le paiement de ses
honoraires. […] » 37
[105] La remise au client de plans non signés et non scellés est donc admise. Le
motif ne vient pas régulariser l'affaire. D'ailleurs, le motif plaidé par l'appelant dans son
mémoire n'est pas celui retenu par le Comité :
« [104] A l'occasion de son témoignage, l'intimé a expliqué qu'il avait
volontairement omis de signer et sceller des copies des plans de structure et
fondation du 3 avril 2001 dans le but d'exercer de la pression sur son client pour
que ce dernier règle un irritant relié au contreventement et acquitte ses
honoraires, avec pour conséquence que l'on a finalement construit avec des
plans non signés et non scellés. »38
[106] C'est avec raison que le Comité a retenu ce motif, eu égard notamment au
témoignage même de l'appelant39.
36
37
38
39
Précitée, note 27, p. 15.
Précitée, note 1, p. 14.
Précitée, note 27, p. 55.
Précitée, note 7, p. 2135.
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PAGE : 20
[108] Quant au troisième chef, l'apposition des sceau et signature de l'appelant sur les
plans de l'ingénieur Bousmal est clairement prouvée. Le Comité n'a pas retenu
l'explication donnée par l'appelant, soit l'urgence de déposer ces plans pour obtenir les
autorisations et permis municipaux. C'est avec raison que le Comité a ainsi conclu que
cette façon de procéder de l'appelant est carrément interdite par l'article 3.04.01 du
Code de déontologie.
[109] Quant au quatrième chef, l'appelant admet avoir apposé ses sceau et signature
sur des plans d'électricité, sachant qu'ils étaient préparés par dame Sylvie Séguin, une
personne non-membre de l'Ordre sur laquelle, au surplus, il n'exerçait aucune direction
ou surveillance.
[110] Tous les éléments de l'infraction sont prouvés de façon non équivoque. C'est
avec raison que le Comité conclut :
« [121] Les explications fournies par l'intimé ne peuvent soustraire ce dernier
aux obligations pourtant claires de son Code de déontologie et de façon plus
spécifique, de l'article 3.04.01 déjà cité dudit Code, tout au plus elles ont pour
seul mérite de décrire les circonstances entourant la contravention à cet
article. »41
[111] Chefs 6 et 7 :
« 6.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 3 avril 2001, dans le cadre
du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré s'est attribué le
mérite d'un travail d'ingénierie qui revenait à un confrère en apposant ses sceau
et signature sur les plans M1 à M4 préparés par ledit confrère, contrevenant
ainsi à l'article 4.02.03 a) du Code de déontologie des ingénieurs;
7.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 3 avril 2001, dans le cadre
du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a participé ou
contribué à l'exercice illégal de la profession en apposant ses sceau et signature
sur les plans E1 à R5 alors que lesdits plans avaient été préparés par une
personne non membre (sic) de l'Ordre, contrevenant ainsi à l'article 4.01.01 a)
du Code de déontologie des ingénieurs. »42
[112] Quant à ces chefs, l'appelant écrit à son mémoire n'avoir pas eu d'intention
malhonnête et il admet avoir fait preuve d'imprudence et avoir agi avec célérité43.
40
41
42
43
Précitée, note 27, p. 55.
Id., p. 58.
Id., p. 16.
Précitée, note 1, p. 16.
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[107] La conclusion du Comité (par. [106] de la décision40) se base sur la preuve et
l'interprétation qu'on y fait de l'article 3.04.01 du Code déontologie est raisonnable.
Les mêmes observations et la même conclusion s'imposent quant au cinquième chef.
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[114] Chef 8 :
« 8.
À Saint-Luc, district d'Iberville, entre les mois de mai 2001 et mai 2002,
dans le cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a
omis de faire preuve d'une disponibilité et d'une diligence raisonnables,
contrevenant ainsi à l'article 3.03.01 du Code de déontologie des ingénieurs. »45
[115] On lit bien dans le chef les mots « dans le cadre du projet […] ».
[116] L'article 3.03.01 du Code de déontologie dit :
« 3.03.01. L'ingénieur doit faire preuve, dans l'exercice de sa profession, d'une
disponibilité et d'une diligence raisonnables. »46
[117] Comme le dit le Comité :
« [140] Les reproches formulés à l'intimé sous ce huitième chef reposent
essentiellement sur le manque de disponibilité et de diligence manifesté par
l'intimé dans la réalisation de son mandat. »47
[118] Mais le Comité ajoute :
« [141] De façon plus spécifique, on reproche à l'intimé son manque de
diligence dans le cadre de ses relations avec Jean-Pierre Dumaine, enquêteur
de la Régie du bâtiment, Serge Girard, chef de groupe technique à la Régie du
bâtiment, et de la syndic adjoint (sic) plaignante, de même que son manque de
diligence dans le cadre de l'élaboration et surtout, l'achèvement des plans de
structure devant servir à la construction. »48
[119] L'appelant plaide essentiellement que le Comité a erré en concluant à
l'application de l'article 3.03.01 à l'égard de la Régie du bâtiment (ou ses préposés), de
même qu'à l'égard du syndic. L'appelant soutient que l'article vise le laxisme ou
l'insouciance envers le client alors qu'ici la preuve révèle que c'est plutôt le client
Blanchard qui ne collaborait pas du tout avec l'appelant, ni n'était disponible. Ce que
Blanchard est venu confirmer lors de son témoignage.
44
45
46
47
48
Décision du Comité – Précitée, note 27, p. 60 et 61, par. 131 à 136.
Id., p. 16.
Précitée, note 25.
Précitée, note 27, p. 62.
Id.
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[113] Ces éléments, déjà soulevés devant le Comité44, ne constituent pas une défense. Le Comité était bien fondé de trouver l'appelant coupable sous les deux chefs.
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PAGE : 22
« [158] Le comité ne partage pas cet avis; en effet, l'obligation de faire
preuve d'une disponibilité et d'une diligence raisonnables dans l'exercice de sa
profession ne doit pas se limiter qu'aux seules relations de l'ingénieur avec son
client.
[159]
L'exercice de la profession s'étend au-delà de cette relation de
l'ingénieur avec son client.
[160]
Les relations de l'ingénieur avec les intervenants de la Régie du
bâtiment, tout comme ses relations avec le syndic ou le syndic adjoint de son
ordre font partie de l'exercice de la profession. »49
[121] Même en tenant pour acquis, sans en décider, que l'article 3.03.01 du Code de
déontologie des ingénieurs ne s'applique pas à la relation de l'ingénieur avec le bureau
du syndic et la Régie du bâtiment, il n'en reste pas moins que le Comité constate aussi
le manque de diligence de l'appelant « dans le cadre de l'élaboration et surtout,
l'achèvement des plans de structure devant servir à la construction »50, plans qui
doivent être remis au client.
[122] De plus, le Comité écarte l'excuse invoquée « des relations difficiles avec ses
clients, la difficulté de voir ses honoraires acquittés par lesdits clients »51 la qualifiant
de prétexte.
[123] Le constat du Comité est fondé sur la preuve et la conclusion qu'il en tire quant
au manquement de l'appelant à l'obligation créée par l'article 3.03.01 n'est pas
déraisonnable.
[124] Chefs 9, 11 et 12 :
« 9.
À Saint-Luc, district d'Iberville, vers le mois de mars ou le mois d'avril
2001, dans le cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis
Paré a exprimé des avis qui n'étaient pas basés sur des connaissances
suffisantes et d'honnêtes convictions et qui étaient incomplets en émettant les
plans S1 à S5, F1 et F2, contrevenant ainsi à l'article 2.04 et 3.02.04 du Code
de déontologie des ingénieurs;
11.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 18 février 2002, dans le
cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a dans un
document intitulé " Document de corrections " exprimé des avis qui n'étaient pas
basés sur des connaissances suffisantes et d'honnêtes convictions et qui étaient
49
50
51
Id., p. 65.
Id., p. 62, par. 141.
Id., par. 145.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[120] Or le Comité, à ce dernier égard, écrit :
750-07-000002-068
PAGE : 23
12.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 21 février 2002, dans le
cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a exprimé
des avis qui n'étaient pas basés sur des connaissances suffisantes et
d'honnêtes convictions et qui étaient incomplets en émettant les plans S1 à S6,
F1 et F2, contrevenant ainsi à l'article 2.04 et 3.02.04 du Code de déontologie
des ingénieurs. »52
[125] Le chef 9 est porté en vertu de deux articles, soit 2.04 et 3.02.04.
[126] Faisant siens les propos de l'expert Gagnon, le Comité conclut :
« [169]
[…]
Il apparaît aux documents de l'ingénieur Denis Paré que celui-ci possède une
connaissance des principes de base de l'ingénierie en structure mais ses
connaissances ne sont pas suffisantes pour l'élaboration des plans et devis et
pour la surveillance des travaux d'un bâtiment de quarante-huit (48) logements
de quatre (4) étages et un sous-sol, dont les dimensions sont de 218 pieds de
longueur par 65 pieds de largeur. » 53
[127] Évidemment, dans son mémoire, l'appelant plaide essentiellement ce qu'il
plaidait aussi sous le chef 1. Autrement dit, l'appelant plaide encore qu'il a émis des
plans, qu'il en a donné des copies non signées et non scellées, mais que les plans ou
copies de plans qu'il remettait ne devaient pas servir aux fins de construction. La
preuve révèle qu'ils ont servi, et ce, au vu et au su de l'appelant. D'où l'argumentation
retenue par le Comité et trouvée raisonnable ci-avant, reçoit la même application ici.
[128] Ici aussi, les critiques à l'égard de l'expert Gagnon et de sa manière de procéder
sont appréciées de la même façon.
[129] Pour suivre le raisonnement de l'appelant à ce dernier égard, il faudrait mettre
de côté l'expertise et le témoignage de Gagnon, étant le seul expert ayant témoigné
devant le Comité. Avec déférence pour le Comité composé de pairs et ayant accepté
ce témoignage, cela ne peut être fait.
[130] L'analyse et le raisonnement du Comité à l'égard du chef 9 et du chef 1 sont
constants et raisonnables.
[131] À l'audience, le procureur de l'appelant a soulevé en plus la question du devoir à
l'égard du client. Il obnubile complètement la question de la protection du public. Les
plans d'un immeuble de 48 logements ne sont pas faits uniquement pour l'entrepreneur
52
53
Id., p. 16.
Id., p. 67.
2007 QCTP 142 (CanLII)
contradictoires ou incomplets, contrevenant ainsi aux articles 2.04 et 3.02.04 du
Code de déontologie des ingénieurs;
750-07-000002-068
PAGE : 24
[132] Le même raisonnement est suivi pour les chefs 11 et 12, puisque les mêmes
faits et arguments prévalent, seules les dates de plans ou de documents de corrections
étant différentes.
[133] Chefs 10 et 13 :
« 10. À Saint-Luc, district d'Iberville, vers le mois de mars ou le mois d'avril
2001, dans le cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis
Paré a omis de tenir compte des conséquences de l'exécution de ses travaux
sur l'environnement et sur la vie, la santé et la propriété de toute personne en
émettant les plans S-1 à S-5, F1 et F2, contrevenant ainsi à l'article 2.01 du
Code de déontologie des ingénieurs;
13.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 21 février 2002, dans le
cadre du projet Résidences Sieur de Chambly, l'ingénieur Denis Paré a omis de
tenir compte des conséquences de l'exécution de ses travaux sur
l'environnement et sur la vie, la santé et la propriété de toute personne en
émettant les plans S-1 à S-6, F1 et F2, contrevenant ainsi à l'article 2.01 du
Code de déontologie des ingénieurs. »54
[134] Les deux chefs reprochent à l'appelant d'avoir omis de tenir compte des
conséquences de ses travaux en émettant les plans d'avril 2001, et ceux de février
2002.
[135] Les deux chefs sont portés en vertu de l'article 2.01 du Code de déontologie :
« 2.01. Dans tous les aspects de son travail, l'ingénieur doit respecter ses
obligations envers l'homme et tenir compte des conséquences de l'exécution de
ses travaux sur l'environnement et sur la vie, la santé et la propriété de toute
personne. »55
[136] Il s'agit d'obligations envers le public.
[137] L'appelant plaide essentiellement :
54
55
-
le témoignage de son client Blanchard qui affirme que son chantier était
sécuritaire;
-
qu'il n'y a pas eu d'affaissement et qu'on n'a pas prouvé que c'était
dangereux.
Id., p. 16.
Précitée, note 25.
2007 QCTP 142 (CanLII)
ou le promoteur : ils serviront à la solidité d'un bâtiment abritant plusieurs personnes.
D'ailleurs, retournant l'argument contre lui-même, faut-il lui rappeler que l'article 2.04 se
trouve justement dans la section des devoirs et obligations envers le public (Section II).
PAGE : 25
[138] Dans son mémoire, l'appelant plaide aussi que, compte tenu de la gravité de
ces accusations, l'intimée devait prouver l'existence d'une intention coupable. Les
parties n'ont cité aucune autorité mettant tel fardeau de preuve sur les épaules d'un
syndic ou d'un plaignant. Rien dans le texte de 2.01 ne laisse voir que l'intention serait
un élément à prouver.
[139] C'est une question factuelle : l'ingénieur a-t-il pris les mesures pour s'assurer
que ses travaux n'entraînaient aucune conséquence négative « sur l'environnement et
sur la vie, la santé et la propriété de toute personne »?
[140] Le Comité a entendu la preuve et conclut que les plans de l'appelant
présentaient des problèmes sérieux de sécurité « en raison de risques
d'effondrement »56.
[141] Le Comité a notamment tenu compte des témoignages de l'expert Gagnon,
l'expert de l'intimée, mais aussi des témoignages d'autres ingénieurs, soit Roch
Pouliot, Daniel Girard et Avnish Rughni57.
[142] Les intervenants de la RBQ, Dumaine et Girard ont aussi témoigné dans ce
sens58.
[143] L'appelant et son client ne seraient pas d'accord.
[144] Il faut aussi tenir compte que l'appelant lui-même, plutôt que de s'assurer que
ses travaux ne comportaient aucun risque, semblait s'en remettre tant à l'entrepreneur
qu'aux intervenants de la CSST et de la RBQ :
« Je n'ai pas émis d'avis écrit à la RBQ ni à l'entrepreneur mais par contre,
l'entrepreneur était très conscient de la situation, compte tenu des pourparlers
qu'on a eus et aussi du fait que la deuxième série de plans que je ne les ai pas
signés et scellés, ça indiquait, en tout cas, et avec les échanges qu'on avait puis
il le savait comme tel, tu sais. Ça fait que je n'ai pas cru bon de lui envoyer par
écrit.
[…]
Encore là, en ce qui concerne la sécurité initiale, la méthode de travail fait en
sorte que c'est l'entrepreneur qui rend le chantier sécure. Les chantiers sont
visités régulièrement par la CSST, la Régie du bâtiment et c'est de cette façonlà qu'on construit un bâtiment de ce type-là. »59
56
57
58
59
Précitée, note 27, p. 53, par. 95.
Id., par. 96.
D.C., vol. VII, p. 1300; vol. 9, p. 1553, 1554 et 1574.
Précitée, note 35, p. 2315 et 2316.
2007 QCTP 142 (CanLII)
750-07-000002-068
750-07-000002-068
PAGE : 26
[146] La décision du Comité est étayée, elle démontre que le Comité s'est basé sur la
preuve documentaire et les témoignages. Elle est raisonnable.
[147] Chef 14 :
« 14. À Saint-Luc, district d'Iberville, entre le mois de mai 2001 et jusqu'à la fin
de son mandat en 2002, dans le cadre du projet Résidences Sieur de Chambly,
l'ingénieur Denis Paré a manqué d'intégrité et omis de tenir compte des
conséquences de l'exécution de ses travaux sur l'environnement et sur la vie, la
santé et la propriété de toute personne en tolérant que les travaux soient
effectués sans que des plans de structure n'aient été émis pour construction,
contrevenant ainsi aux articles 3.02.01, 2.01 et 3.02.08 du Code de déontologie
des ingénieurs. » 60
[148] L'infraction alléguée au chef 14 réfère à trois articles du Code de déontologie.
[149] Il n'y a pas ici à reprendre les arguments des parties résumés ci-avant.
Substantiellement, ce sont les mêmes arguments repris de part et d'autre pour certains
des chefs précédents. Ainsi, comme il s'agit pour l'un des chefs d'obligations envers le
client, l'appelant tente de léguer sa responsabilité à Blanchard, entrepreneur
d'expérience et pressé de construire, même avec des plans qu'il sait incomplets et
inadéquats.
[150] Or, à ce dernier égard, le témoignage de l'appelant lui-même montre sa
connaissance de ce qui se passait sur le chantier. Il sait que l'on construit avec des
plans incomplets et inadéquats. Il laisse faire. Il mentionne même n'avoir pas cru bon
d'aviser l'Ordre ou la RBQ. Son témoignage à ce sujet est éloquent sur sa conscience
d'une construction en cours61. On retient notamment :
60
61
« Q.
[180] Alors, pourquoi…, voulez-vous m'expliquer pourquoi vous avez
laissé construire ou du moins vous saviez que c'était en partie qu'ils ont
commencé à construire quand c'était uniquement des plans pour
approbation, expliquez-nous ça?
R.
Bon. Moi, si je regarde la situation comme telle, les plans pour
approbation étaient, à mon avis, si on regarde, mettons, au niveau de
l'excavation et les fondations, les murs et tout ça, ils étaient en mesure
d'installer les poutrelles, le toit et tout. Le seul, le seul vraiment gros
Précitée, note 27, p. 16.
Précitée, note 35, p. 2311 à 2316.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[145] Non seulement l'appelant n'a-t-il pas tenu compte des conséquences de ses
travaux, mais son témoignage révèle plutôt qu'il s'en remettait à d'autres. Il a fait
preuve de négligence.
750-07-000002-068
PAGE : 27
problème qu'il pouvait y avoir, c'était au niveau du contreventement qu'il
fallait vraiment statuer dessus et ensuite, compléter nos plans. »62
« […] Dans un deuxième temps, écoutez, il ne faut pas arrêter des travaux non
plus pour, je dirais, le plaisir de les arrêter, il faut être quand même très
prudent à ce niveau-là. Lorsqu'on procède à l'arrêt des travaux, il faut
être très conscient du geste qu'on pose parce qu'évidemment que ça
peut causer préjudice à ces gens-là. Donc, encore là, donc, on se
retrouve dans une situation qui peut être très délicate. Moi, je me fie à la
bonne foi de l'entrepreneur qui devait, à cette période-là, faire des
démarches auprès de Pasquin St-Jean puis c'est un peu l'opinion que j'ai
de la situation. »63
[152] Quant à l'existence d'un risque potentiel mais non imminent, argument
également plaidé par l'appelant, il a déjà été analysé ci-avant. Faut-il répéter qu'il n'est
pas nécessaire d'attendre que des dommages surviennent pour décider s'il y a ou non
risque. On demande à l'ingénieur d'agir de telle sorte qu'il n'y ait pas de telles
conséquences et on ne peut pas attendre que des conséquences fâcheuses
surviennent pour évaluer le risque a posteriori.
[153] La décision du Comité est plus que raisonnable.
[154] Chef 15 :
« 15. À Saint-Luc, district d'Iberville, entre le mois de mai 2001 et jusqu'à la fin
de son mandat en mai 2002, dans le cadre du projet Résidences Sieur de
Chambly, l'ingénieur Denis Paré a fait défaut d'indiquer clairement à son client,
par écrit, les conséquences pouvant découler de l'utilisation, pour fins de
construction, des plans émis le 3 avril 2001, contrevenant ainsi à l'article 3.02.07
du Code de déontologie des ingénieurs. »64
[155] Quant au chef 15, le procureur ne plaide pas vraiment sur la décision de
culpabilité, mais sur la sévérité de la sanction. L'avis écrit n'a pas été donné : c'est un
fait reconnu. Mais l'appelant plaide qu'il a donné un avis oral.
[156] Le texte de l'article est clair. La décision du Comité est même correcte.
[157] Chefs 17 et 18 :
« 17. À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 14 février 2002, l'ingénieur
Denis Paré a dans une lettre adressée à monsieur Serge Girard, de la Régie du
bâtiment du Québec, tenu des propos injurieux, offensants et/ou dénotant un
62
63
64
Id., p. 2311 et 2312.
Id., p. 2314 et 2315.
Précitée, note 27, p. 16.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[151] Et plus loin :
750-07-000002-068
PAGE : 28
18.
À Saint-Luc, district d'Iberville, le ou vers le 14 février 2002, l'ingénieur
Denis Paré a dans une lettre adressée à monsieur Jean-Pierre Dumaine, de la
Régie du bâtiment du Québec, tenu des propos injurieux, offensants et/ou
dénotant un manque de professionnalisme, posant ainsi un acte dérogatoire à
l'honneur ou à la dignité de sa profession en contravention à l'article 59.2 du
Code des professions. »65
[158] Le Comité, quant au chef 17, écrit :
« [297] Contrairement au chef précédent où l'intimé manifestait par le ton
employé qu'il était quelque peu excédé, sans pour autant verser dans des
propos revêtant le caractère de ce qui lui est reproché, cette lettre du 14 février
2002 (pièce syn-34) est plus agressive et comporte des éléments qui revêtent le
caractère injurieux, offensant et/ou dénotant le manque de professionnalisme
reproché à l'intimé.
[298]
Dès le début de sa lettre, et plus particulièrement en son premier
paragraphe, l'intimé donne le ton.
[299]
L'affirmation du caractère peu constructif du contenu de la lettre de
son interlocuteur n'a pas sa raison d'être, d'autant plus qu'une lecture d'icelui ne
justifie en aucune façon, semblable affirmation.
[…]
[307]
Faire référence au fait que le destinataire n'est pas ingénieur, ni ne
semble être ni technologue ni technicien est tout à fait gratuit, sans aucune
justification dans le contexte des échanges et constitue, de l'avis du comité, un
propos injurieux, offensant et dénotant un manque de professionnalisme. »66
[159] Pour le chef 18, le Comité écrit notamment :
« [323] Le contenu de ce troisième paragraphe est tout à fait gratuit, sans
aucune justification dans le contexte des échanges et constitue, de l'avis du
comité, un propos injurieux, offensant et dénotant un manque de
professionnalisme.
[324]
Par ailleurs, le contenu de la lettre de Jean-Pierre Dumaine à l'intimé
(pièce syn-31) ne justifie en rien l'intimé de qualifier les interventions de son
interlocuteur comme étant " malhabiles et dirigées malicieusement ", de laisser
planer sur icelui des menaces à peine voilées et de conclure comme il le fait en
65
66
Id., p. 17.
Id., p. 99, 100 et 101.
2007 QCTP 142 (CanLII)
manque de professionnalisme, posant ainsi un acte dérogatoire à l'honneur ou à
la dignité de sa profession en contravention à l'article 59.2 du Code des
professions;
750-07-000002-068
PAGE : 29
[160] La principale défense de l'appelant veut qu'il n'ait pas eu l'intention de blesser
ou d'offenser ces intervenants de la RBQ qui, par contre, le harcelaient, dit-il.
[161] La preuve révèle plutôt que ces intervenants faisaient leur ouvrage. Ce que
l'appelant appelle du harcèlement, c'est ce qu'ailleurs, sous les chefs 10 et 13, il
voudrait que ces intervenants s'imposent comme devoir, soit intervenir ou surveiller à
sa place.
[162] L'appréciation du caractère injurieux ou offensant de propos ne comporte pas
de règle stricte. Le Comité a étudié la correspondance, entendu les témoignages de
Serge Girard, Jean-Pierre Dumaine et de l'appelant. Il a entendu et analysé. Il a
motivé.
[163] On ne peut ici remplacer l'appréciation des membres du Comité par celle des
juges du Tribunal des professions. C'est la décision du Comité qui est ici jugée.
[164] Le juge Iacobucci définit ainsi ce qui est une décision raisonnable :
« 48 Lorsque l'analyse pragmatique et fonctionnelle mène à la conclusion que
la norme appropriée est la décision raisonnable simpliciter, la cour ne doit pas
intervenir à moins que la partie qui demande le contrôle ait démontré que la
décision est déraisonnable (voir Southam, précité, par. 61). Dans Southam,
par. 56, la Cour décrit de la manière suivante la norme de la décision
raisonnable simpliciter :
" Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est pas étayée
par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En
conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme
de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif
étayant cette conclusion. [ Je souligne. ] " »68
[165] La décision rencontre le critère de la simple rationalité.
[166] Chef 20 :
« À Saint-Luc, district d'Iberville, entre le 11 décembre 2001 et le ou vers le
19 novembre 2002, l'ingénieur Denis Paré a porté entrave à l'enquête du Comité
d'inspection professionnelle de l'Ordre, contrevenant ainsi à l'article 114 du
Code des professions. »69
67
68
69
Id., p. 105.
Précitée, note 19 - Ryan.
Précitée, note 27, p. 17.
2007 QCTP 142 (CanLII)
tentant de faire la leçon à son interlocuteur en regard du respect qui doit être
manifesté à l'égard des gens. »67
750-07-000002-068
PAGE : 30
[168] Il est vrai que l'appelant a eu, durant la période concernée, des problèmes de
santé. Mais c'est l'ensemble de la preuve qu'il faut regarder; et c'est ce que le Comité
a fait71.
[169] S'il y a d'une part les billets de médecin pour confirmer la maladie, il y a d'autre
part les différents éléments dont le Comité a tenu compte : certaines disponibilités pour
continuer à prendre des mandats, certaines heures par jour de disponibilité au bureau
pour vaquer à ses affaires, les propos et la façon de l'appelant de traiter avec les
différents intervenants de l'Ordre.
[170] Enfin, dans son propre témoignage, l'appelant dit avoir « été obligé de prendre
disons les moyens nécessaires pour éviter, si on veut, la situation »72.
[171] L'ensemble de la preuve soutient les motifs du Comité. Il est clair de cet
ensemble que l'appelant ne désirait pas voir les représentants de l'Ordre chez-lui; ou,
à tout le moins, voulait les voir le plus tard possible. Contrairement à ce que prétend
l'appelant, la décision ne démontre pas que le Comité ait exigé de lui un degré de
preuve injustifié, excessif ou arbitraire.
[172] Le Comité a bien analysé la preuve, prise dans son ensemble, et sa décision est
tout à fait raisonnable.
[173] Le chef 21 énonce :
« 21. À Saint-Luc, district d'Iberville, entre les mois de février et octobre 2002,
l'ingénieur Denis Paré a porté entrave à l'enquête du syndic de l'Ordre,
contrevenant ainsi à l 'article 114 du Code des professions. »73
[174] Deux motifs de l'appelant :
-
il avait déjà livré un rouleau de plans et il n'avait pas à en livrer d'autres;
-
la partialité de la syndic adjointe, alléguant qu'un syndic doit être
impartial, neutre et objectif.
[175] S'il est vrai, d'une part, qu'il y a imbroglio et que l'appelant a, selon la preuve
prépondérante, livré un premier jeu de plans (ce que le Comité a d'ailleurs
70
71
72
73
Précitée, note 1, p. 30.
Décision du Comité – Précitée, note 27, p. 112 et 113, par. 372 à 377.
Précitée, note 7, p. 2158; à lire également p. 2155 à 2157.
Précitée, note 27, p. 17.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[167] Le Comité motive avec force détails sa conclusion. L'appelant plaide ses motifs
de défense sincères fondés sur son état de santé difficile, ajoutant que la preuve
médicale n'a pas été contredite ni même mise en doute70.
750-07-000002-068
PAGE : 31
« [402] Autant de questions qui justifiaient l'intimé, selon les prétentions de
son procureur, de ne pas donner suite aux demandes pourtant claires et
répétées de la syndic adjoint (sic) plaignante en regard des plans associés à ce
projet.
[403]
Le comité ne partage pas cet avis.
[…]
[405]
L'intimé aurait dû remettre de nouvelles copies des plans associés à
son projet lorsque la syndic adjoint (sic) plaignante lui a fait part du fait qu'elle
n'avait pas reçu lesdits plans et ne pas s'entêter à refuser de le faire pour les
raisons invoquées. »75
[176] Faut-il le rappeler, il ne s'agissait pas du procès de la syndic adjointe. Le
raisonnement du Comité, qui tient compte des propos de l'appelant lui-même, est
cohérent.
[177] Enfin, quant à la question de partialité de la syndic adjointe, faut-il rappeler
qu'elle est une poursuivante et qu'elle n'a pas d'obligation d'impartialité envers le
professionnel sous enquête :
« Ceci étant dit, le syndic et les syndics adjoints sont-ils tenus d'agir de manière
indépendante et impartiale face à la requérante? Malgré plusieurs questions du
Tribunal, la procureure de la requérante a été incapable de citer un article des
chartes qui répondrait affirmativement à cette question, car le syndic et les
adjoints ne sont pas des tribunaux aux sens des chartes. […].
[…]
Nulle part cependant ne leur est-il fait obligation d'être impartiaux face à la
requérante. D'ailleurs, comment pourrait-il en être ainsi? En effet, à partir du
moment où une personne, qu'elle soit policier ou syndic, reçoit une information
concernant une personne et qu'elle décide de faire enquête, elle prend position
par rapport à la personne qui fait l'objet de son enquête. Elle la soupçonne d'un
manquement et, de là, exerce ses pouvoirs d'enquête, souvent à l'insu de la
personne objet d'enquête. […]. »76
[178] La décision est étayée et raisonnable.
74
75
76
Id., p. 114 à 116, notamment les par. 390, 394 et 395.
Id., p. 117.
Parizeau c. Barreau du Québec, [1977] R.J.Q. 1701, 1709 (C.S.).
2007 QCTP 142 (CanLII)
considéré74), il n'en reste pas moins que l'intimée a exigé un autre jeu. Ce qu'elle était
en droit de faire, dans les circonstances. Le Comité conclut :
750-07-000002-068
PAGE : 32
[179] On le voit à la question en litige, telle que posée par l'appelant (par. 78 ci-avant),
qu'il s'attache aux critères et barèmes devant recevoir application quant aux périodes
de radiation temporaires.
[180] À titre subsidiaire, il soumet que le Comité a erré de façon grave, importante et
déterminante quant aux diverses sanctions imposées et réfère aux critères identifiés
par le Tribunal des professions dans l'affaire Béliveau77.
[181] Rappelant les principes, l'appelant se dit d'avis que le Comité a privilégié
erronément et de façon déraisonnable les caractères punitifs, dissuasifs et
d'exemplarité au détriment de facteurs objectifs tels la gravité réelle des circonstances
entourant la commission de l'infraction, l'absence de préméditation ainsi que l'absence
totale d'impact environnemental ou autre.
[182] En outre, il soumet que le Comité a fait fi du principe de gradation des sanctions
établi à l'article 156 du Code des professions.
[183] Finalement, il prétend que le Comité a fait preuve d'incohérence dans
l'imposition des diverses sanctions amenant la radiation temporaire (les chefs 1, 9, 10,
11 et 14).
[184] Dans son mémoire, il dit constater que le Comité a retenu et fait droit
intégralement et sans réserve aux prétentions et recommandations de l'intimée.
[185] L'appelant admet que les infractions dont il a été trouvé coupable pour les chefs
1, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 dénotent un degré de gravité objective important, mais ne
conduisent pas nécessairement et automatiquement à l'imposition d'une radiation,
aussi courte soit-elle.
[186] Il réitère qu'aucune conséquence fâcheuse n'a résulté des faits reprochés et
que la preuve n'a aucunement démontré l'existence de quelque dommage matériel ou
corporel, non plus de quelque impact sur l'environnement, la vie et la santé. Il soumet
que les faits à l'origine de la présente affaire ont généré une période éprouvante et fort
difficile, minimisant d'autant le risque de récidive. Il ajoute qu'il s'agit de gestes
répréhensibles isolés et invite à prendre conscience des impacts et des conséquences
désastreuses d'une ordonnance de radiation dans le cas d'un ingénieur oeuvrant seul
dans un territoire restreint.
77
Béliveau c. Corporation professionnelle des avocats, 1990, DDCP 247 – Précitée, note 1, p. 34.
2007 QCTP 142 (CanLII)
SANCTIONS
750-07-000002-068
PAGE : 33
« Le but, par ailleurs louable, de la protection du public ne peut à lui seul
justifié (sic) une telle sentence disproportionnée et exorbitante, eu égard aux
véritables faits en litige. L'appelant pratique en effet depuis plus de 20 ans et il
n'a été confronté à une telle situation qu'une seule fois, dans le contexte factuel
fort particulier qu'il a par ailleurs expliqué lors de son témoignage. »78
[188] Citant de nombreuses décisions du Comité de discipline des ingénieurs, il
indique que, même dans les cas les plus graves de conséquences, les tribunaux ont
retenu le critère de l'imposition d'amendes et/ou réprimandes comme sanctions justes
et appropriées ou, à défaut, de brèves périodes de radiation temporaires.
[189] Quant aux chefs 2, 3, 4 et 5, il soumet qu'une amende de 600 $ pour le chef 2
serait appropriée et qu'une simple réprimande quant aux trois autres chefs apparaîtrait
juste et raisonnable eu égard aux faits révélés par la preuve réitérant sensiblement ce
qu'il a plaidé sur culpabilité pour ces chefs.
[190] Quant au chef 6, il soumet que cette infraction devrait faire l'objet d'un arrêt de
procédures par application des principes de l'arrêt Kienapple79, plaidant que ce chef est
intimement relié au chef d'accusation numéro 3, les faits reprochés étant
substantiellement les mêmes.
[191] Quant au chef 8, nonobstant le fait qu'il a déjà enregistré un plaidoyer de
culpabilité quant à une infraction similaire il y a plus de dix ans, il soumet qu'une
amende de 1 200 $ assortie d'une réprimande suffirait à remplir les objectifs
recherchés.
[192] Pour le chef 15, il qualifie l'infraction de technique.
[193] Pour les chefs 20 et 21, il souligne les facteurs atténuants qui militent en faveur
de l'imposition d'une amende de 600 $ par chef, selon lui, ajoutant que les amendes
déterminées par le Comité apparaissent n'avoir pour but ultime que de punir l'appelant.
[194] L'intimée soumet que, quant au chef 1, les motifs du Comité étayent sa
décision. Elle y ajoute deux précédents. De même, pour le chef 14, l'intimée soumet
que les motifs du Comité sont bien étayés et que les radiations imposées sont justes et
appropriées et appuie son argumentation de quelques précédents.
[195] L'intimée soumet également quelques précédents pour les chefs 9, 11 et 12,
d'une part et 10 et 13 d'autre part.
78
79
Précitée, note 1, p. 35.
Kienapple c. La Reine, (1975) 1 R.C.S. 729.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[187] Dans son mémoire, il écrit :
PAGE : 34
[196] Quant au chef 6, l'intimée soumet que cette infraction comporte au contraire un
élément supplémentaire à l'accusation sous 3.04.01, puisque la preuve révèle que
l'appelant a voulu que la paternité des plans lui soit attribuée pour les fins de l'émission
du permis de construction.
[197]
En réponse à l'argumentation de l'appelant quant au chef 15, l'intimée répond :
« En tout respect, l'article 3.02.07 exige expressément un avis écrit, et le défaut
de s'y conformer ne constitue pas une simple infraction " technique ". Cela est
d'autant plus vrai dans le présent dossier, alors que l'appelant a nécessairement
constaté que son avis verbal n'avait eu aucun résultat, et qu'il a toléré que la
situation perdure pendant plusieurs mois. Comme le souligne avec raison le
Comité de discipline, " l'intimé a eu tout le temps pour [écrire cet avis], soit du
mois de mai 2001 jusqu'à la fin de son mandat en mai 2002 " (Décision sur
sanctions, d.c., vol. 1, p. 178, 184). »80
[198] Quant aux chefs 20 et 21, soumettant certains précédents où il fut imposé à
des professionnels des radiations allant de un mois à cinq ans pour entrave au travail
du syndic, l'intimée écrit à son mémoire :
« L'intimée, qui a requis du Comité qu'il impose à l'appelant des radiations de
8 mois pour chacune des infractions d'entrave, soumet respectueusement que
non seulement les amendes imposées ne peuvent en aucune façon être jugées
trop élevées, mais que le Comité a au contraire fait preuve d'une grande
clémence, compte tenu de l'ensemble du dossier. Contrairement à ce que
prétend l'appelant, sa seule faute n'a pas été de répondre " tardivement " aux
demandes de l'intimée, puisque de nombreux documents manquants n'ont
jamais été transmis à celle-ci. »81
Norme d'intervention
[199] Les tribunaux supérieurs ont indiqué à plusieurs reprises qu'un tribunal d'appel
doit faire montre de retenue en matière de sanctions puisqu'elles relèvent de l'exercice
de la compétence spécialisée des comités de discipline qui en sont les premiers
responsables.
[200] À cet égard, la Cour suprême, dans l'arrêt Ryan, écrit :
« 34. […] Toutefois, en raison de sa composition et de son expérience dans le
domaine particulier des sanctions pour faute professionnelle dans des contextes
divers, il est permis de penser que le comité de discipline possède une expertise
plus grande que les cours dans le choix de la sanction à imposer. »82
(Soulignement ajouté)
80
81
82
Précitée, note 11, p. 31 et 32.
Id., p. 32.
Précitée, note 19 – Ryan.
2007 QCTP 142 (CanLII)
750-07-000002-068
750-07-000002-068
PAGE : 35
« 39. Dans le cas de Dr Q, par. 31, la Juge en chef confirme la jurisprudence
antérieure en concluant qu'«[u]ne loi dont l'objet exige qu'un tribunal choisisse
parmi diverses réparations ou mesures administratives, qui concerne la
protection du public, qui fait intervenir des questions de politiques ou qui
comporte la pondération d'intérêts ou de considérations multiples, exige une
plus grande déférence de la part de la cour de révision». […]. »83
(Soulignement ajouté)
[202] En conséquence, le Tribunal n'interviendra84 que si les sanctions retenues par le
Comité s'avèrent injustes, disproportionnées et déraisonnables eu égard aux gestes
reprochés. Il suit en cela les principes réitérés encore très récemment par la Cour
d'appel du Québec dans un dossier disciplinaire, l'affaire Schrier, où on peut lire :
« [29] Our Court in a recent judgment, Pigeon c. Daigneault et Comité de
discipline de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec[8],
applied the principles in Ryan to the Court of Québec sitting in appeal from a
sentence imposed by the Discipline Committee of the Association des courtiers
et agents immobiliers du Québec. Justice Chamberland in his reasons stated, in
part :
[…]
[36]
En conclusion, bien que la loi prévoie un droit d'appel des décisions du
Comité de discipline, l'expertise de ce comité, l'objet de la loi et la nature de la
question en litige militent tous en faveur d'un degré plus élevé de déférence que
la norme de la décision correcte. La norme de contrôle appropriée est donc
celle de la décision raisonnable simpliciter et la Cour du Québec, siégeant en
appel de la sanction imposée par le Comité de discipline, ne doit pas intervenir à
moins que l'appelant ne démontre que cette décision est déraisonnable. La
sanction infligée n'est pas déraisonnable du simple fait qu'elle est clémente ou
sévère; elle le devient lorsqu'elle est si sévère, ou si clémente, qu'elle est
injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble des
circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier.
[8]
[2003] R.J.Q. 1090 (C.A.). Motion for leave to appeal to the Supreme Court dismissed: [2003] 2 S.C.R.
vi.
»85
(Soulignement ajouté)
83
84
85
Id.
Brochu c. Médecins, 2002 QCTP 2; Legault c. Notaires, 2003 QCTP 47; Stébenne c. Médecins,
2002 QCTP 97.
Précitée, note 23 - Schrier.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[201] Et plus loin elle ajoute :
750-07-000002-068
PAGE : 36
«[82] Notre Tribunal a toujours souligné qu'il n'avait pas à considérer la
sévérité ou la clémence d'une sanction[22].
[…]
[84]
Le Tribunal ne doit pas décider, en l'espèce, ce que doit être la sanction
appropriée et ainsi se substituer au Comité. Il doit décider si la décision du
Comité est déraisonnable dans le sens de ce qui a été explicité sur la norme
d'intervention. Le fardeau de le démontrer appartient à l'appelant-intimé.
[85]
Existe-t-il quelque motif étayant la décision du Comité? Ces motifs
doivent être pris dans leur ensemble, et la détermination de la décision
raisonnable ne doit pas s'apprécier sur chacun d'eux séparément.
[22]
Mailloux c. Ordre des médecins 2003 QCTP 108, Lapointe c. (Ordre professionnel des) médecins
[1997] D.D.C.P. 317, Brochu c. médecins 2002 QCTP 002.
»86
(Soulignement ajouté)
[204] Enfin, contrairement à ce que laisse entendre l'appelant à son mémoire, le
principe de la gradation des sanctions n'implique pas nécessairement qu'un
professionnel soit en droit de s'attendre à se voir imposer qu'une simple réprimande
pour une première plainte disciplinaire. Tout dépendra en effet de la gravité de
l'infraction reprochée et de toutes les autres circonstances révélées dans chaque cas.
Analyse
[205] La décision du Comité sur sanctions rendue le 23 mars 2006 est très élaborée,
sur 46 pages87.
[206] Le Comité y reprend toutes les suggestions des procureurs de la plaignante
(par. 6 à 31) et du procureur du professionnel (par. 32 à 54), y soulignant les facteurs
objectifs (par. 29) et subjectifs (par. 30) retenus par le procureur de la syndic, de même
que les éléments atténuants soulignés par le procureur du professionnel (par. 53), et la
jurisprudence citée par ce dernier (par. 54).
[207] Le Comité reprend ensuite chacun des chefs pour lesquels l'appelant a été
trouvé coupable.
[208] On note, comme le Comité, que l'appelant a renoncé à témoigner lors de
l'audition sur sanctions et qu'il était d'ailleurs absent.
86
87
Lemire c. Médecins (Ordre professionnel des), 2004 QCTP 59.
Précitée, note 27, p. 142 à 187 (221 paragraphes / avant les conclusions).
2007 QCTP 142 (CanLII)
[203] Récemment dans l'affaire Lemire, au sujet de son intervention en matière de
sanction, le Tribunal écrivait :
750-07-000002-068
PAGE : 37
« [66] Le différend l'opposant à son client, tel qu'invoqué par l'intimé, ne peut ni
justifier ni excuser son comportement.
[67]
Tout au plus, peut-il expliquer les circonstances entourant la commission
de l'infraction reprochée sous ce premier chef.
[68]
L'absence de dommages invoquée par l'intimé au regard de l'ensemble
des gestes reprochés dans la plainte ne peut, de la même façon, servir d'excuse
à ce dernier; il est heureux qu'aucun incident ne se soit produit, tenant compte,
notamment, des commentaires des ingénieurs entendus, et plus
particulièrement de l'expert Luc Gagnon. »88
[210] Puis il retient surtout l'insuffisance des connaissances de l'appelant au chapitre
des structures et la gravité objective. La décision est étayée et tient notamment
compte des facteurs pertinents. Elle est raisonnable.
[211] Quant au deuxième chef, le Comité retient une suggestion commune pour une
amende de 600 $.
[212] Quant aux chefs 3, 4, 5 et 6, qui concernent tous l'usage de la signature et du
sceau, le Comité dit notamment :
« [79] Le sceau et la signature de l'ingénieur permettent d'identifier l'auteur des
plans et devis sur lesquels ils sont apposés et ils permettent de confirmer ainsi
que l'auteur est un ingénieur membre en règle de l'Ordre des ingénieurs du
Québec.
[80]
Comme nous l'avons maintes fois déclaré, apposer ses sceau et
signature sur des plans et devis d'ingénierie se doit être un gage de qualité et de
fiabilité.
[81]
En agissant comme il l'a fait, l'intimé a dérogé à la règle et a compromis,
de plus, la fiabilité inhérente à l'apposition des sceau et signature de
l'ingénieur. »89
[213] L'élément supplémentaire plaidé par l'intimée doit aussi être considéré (ci-avant,
paragraphe 196).
[214] Sous ces chefs, ce sont des amendes qui sont imposées et, dans les
circonstances, elles sont justifiées.
88
89
Id., p. 159.
Id., p. 161.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[209] Avant d'imposer une radiation temporaire d'une année sous le premier chef, le
Comité tient compte des circonstances ou explications fournies par l'appelant :
750-07-000002-068
PAGE : 38
[216] Cependant, quant à l'infraction prévue à l'article 3.04.01, le Comité la considère
grave, on comprend que l'amende soit plus forte : contribuer à l'exercice illégal de la
profession n'est pas une mince affaire. La sanction est raisonnable.
[217] Pour le huitième chef, l'appelant est trouvé coupable d'avoir omis de faire
preuve de diligence dans l'exercice de sa profession.
[218] L'amende imposée est de 2 000 $, alors que l'appelant suggère 1 200 $.
L'appelant a déjà un antécédent disciplinaire pour une infraction similaire et le Comité
tient compte de la récidive.
[219] Dans les circonstances, l'amende imposée est raisonnable et il n'y a
certainement pas lieu d'intervenir.
[220] Le neuvième chef parle de connaissances insuffisantes et de plans incomplets,
l'appelant travaillant à la réalisation du mandat sans faire appel à l'expertise qui lui
faisait défaut, notamment au chapitre des structures.
[221] Le Comité rappelle les nombreux éléments manquants constatés auxdits plans
de structures et fondations.
[222] Dans les circonstances, la radiation temporaire fixée à un mois n'est pas
démesurée. Elle est raisonnable.
[223] Quant au dixième chef, compte tenu des commentaires ou témoignages de
l'expert Gagnon et des autres ingénieurs confirmant la dangerosité que comportaient
les plans du 3 avril 2001, la radiation temporaire de trois mois n'est pas déraisonnable.
[224] Le même raisonnement vaut pour la radiation fixée à un mois quant au
onzième chef.
[225] Le Comité souligne que les gestes reprochés sous le douzième chef
s'apparentent à ceux formulés sous le neuvième chef, s'agissant pratiquement des
mêmes plans, à l'exception cependant du plan S-6. C'est pourquoi le Comité conclut à
une amende de 1 200 $.
[226] La décision est motivée et n'est pas déraisonnable.
[227] De la même façon, le Comité apparente les gestes reprochés sous le
treizième chef à ceux formulés sous le dixième chef. Il conclut également à une
amende. La décision est raisonnable.
90
Précitée, note 79.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[215] Pour le septième chef, les principes de l'arrêt Kienapple90 sont appliqués et il y
a arrêt conditionnel des procédures pour l'infraction contenue à l'article 4.01.01.
750-07-000002-068
PAGE : 39
[229] Bien que l'appelant se soit toujours défendu d'avoir émis des plans de structures
aux fins d'obtention de permis seulement, et non aux fins de construction, la preuve
révèle bien qu'il a toléré que les travaux soient effectués sans que des plans de
structures aient été émis pour construction. La construction s'est faite à ses « vu et
su ».
[230] Comme le souligne le Comité, l'infraction prévue à l'article 2.01 du Code de
déontologie est « sans contredit celle présente le plus haut degré de gravité… ».
[231] Le Comité motive et justifie de façon raisonnable l'une et l'autre radiation
temporaire sous ce chef. On note notamment les paragraphes suivants :
« [170] En tolérant pendant une aussi longue période que des plans de
structures et fondations puissent servir pour les fins de construction, alors que
ces plans avaient été émis pour fins d'approbation par le client et l'obtention de
permis municipaux et qu'au surplus, ces plans étaient, de l'avis des ingénieurs
entendus, et notamment de l'expert Luc Gagnon, imprécis, incomplets,
défaillants sur plusieurs aspects, l'intimé a gravement omis de tenir compte des
conséquences de l'exécution de ses travaux sur l'environnement et sur la vie, la
santé et la propriété de toute personne.
[…]
[175]
Bien que l'intimé connaissait bien les déficiences de ses plans, il tolère
que ceux-ci servent à la construction.
[176]
L'intimé accepte, par ailleurs, d'exercer la surveillance des travaux de
construction sans que ces plans soient signés par lui, et ce, pour faire pression
sur son client.
[177]
Ce faisant, l'intimé a fait preuve d'un laxisme et/ou de tolérance
inacceptable au regard des procédés douteux de son client. »91
[232] Pour le quinzième chef, le Comité y voit plus qu'une formalité. L'avis oral n'est
pas suffisant, le Code prévoit l'avis écrit et le Comité, citant l'auteur Vandenbroek,
souligne l'importance et la pertinence de l'avis écrit92. Ainsi le Comité motive et justifie,
et ce, de façon raisonnable.
[233] Il n'y a pas lieu de revenir sur les réprimandes imposées quant aux
dix-septième et dix-huitième chefs.
91
92
Précitée, note 27, p. 176.
Id., p. 178.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[228] Le quatorzième chef est sûrement, avec le premier chef, le plus sérieux.
PAGE : 40
[234] Quant aux vingtième et vingt et unième chefs, le Comité résume bien les
faits, tient compte de la gravité objective (notamment de l'entrave) et aussi des facteurs
atténuants (par. 205, 206 et 208), distinguant bien la gravité entre le manque de
collaboration avec le comité de l'inspection professionnelle et l'entrave à l'égard de la
syndic adjointe, d'où l'imposition d'amendes de montants différents.
[235] Le Comité a tenu compte de l'ensemble des circonstances révélées par la
preuve pour chacune des étapes de la réalisation du projet de construction
« Résidences Sieur de Chambly ». Il tient compte de la globalité des sanctions
(par. 215 et 216).
[236] Nous ne voyons pas comment, à la lumière des règles ou critères d'intervention
établis, nous pourrions intervenir.
[237] Pour chacun des chefs, la décision est étayée. Pour l'ensemble, la décision est
motivée et rencontre le critère de la simple rationalité.
PUBLICATION D'UN AVIS DE LA DÉCISION
[238] L'article 156 du Code des professions prévoit :
« 156.
[…]
Publication de l'avis.
Le comité de discipline doit, lors de la décision imposant une radiation
temporaire ou une limitation ou une suspension temporaire du droit d'exercer
des activités professionnelles, décider si le secrétaire fait publier ou non, dans
un journal circulant dans le lieu où le professionnel a son domicile professionnel,
un avis de cette décision. Si le comité ordonne la publication d'un tel avis, il doit,
de plus, décider du paiement des frais de sa publication, soit par le
professionnel, soit par l'ordre, ou ordonner que les frais soient partagés entre
eux. »
[239] C'est une question de protection du public et, en ce sens, la publication d'un
avis de radiation est la règle.
[240] Le Comité écrit :
2007 QCTP 142 (CanLII)
750-07-000002-068
PAGE : 41
« [218] Par ailleurs, rien dans la preuve ne permet de déroger à la règle
voulant qu'en cas où des périodes de radiation temporaire sont imposées, un
avis de la décision rendue soit publié dans un journal circulant dans le lieu où
l'intimé a son domicile professionnel, conformément à l'article 156 du Code des
professions. »93
[241] Il n'y a rien là de déraisonnable;
déraisonnable.
encore moins de manifestement
DÉBOURS
[242] Quant aux débours, le Comité écrit :
« [219] Exerçant par ailleurs la discrétion que lui confère l'article 151 du Code
des professions, le comité est d'avis que l'intimé doit supporter les entiers
débours, y incluant les frais reliés à l'expertise et au témoignage de l'ingénieur
Luc Gagnon, de même que l'avis de la décision à être publié, en conformité de
l'article 156 du Code des professions. »94
[243] Dans son mémoire, l'appelant plaide :
« Or, et dans l'exercice de sa discrétion, nous soumettons à cette Honorable
Cour que le Comité a erré de façon déterminante et a fait fi des principes
élémentaires d'équité applicables dans les circonstances. Eut-il rendu une
décision juste, appropriée et raisonnable, le Comité aurait limité la responsabilité
financière de l'appelant à tels dépens et déboursés, uniquement en proportion
du nombre de chefs d'accusations pour lesquels il a été trouvé coupable. En
effet, il nous apparaît nettement déraisonnable de faire supporter à l'appelant la
responsabilité ultime de tels dépens occasionnés et entraînés par l'institution de
griefs et de plaintes disciplinaires qui ont été rejetés par le Comité, suite è la
preuve offerte par la défense. »95
[244] L'article 151 du Code des professions prévoit :
« 151.
Le comité peut condamner le plaignant ou l'intimé aux déboursés ou
les condamner à se les partager dans la proportion qu'il doit indiquer. »
[245] Rien n'indique qu'un Comité, dans l'exercice de sa discrétion, doive suivre une
règle mathématique proportionnelle aux déclarations de culpabilité par rapport aux
acquittements. L'application d'une telle règle serait d'ailleurs le contraire de l'exercice
d'un pouvoir discrétionnaire.
93
94
95
Id., p. 183.
Id.
Précitée, note 1, p. 43.
2007 QCTP 142 (CanLII)
750-07-000002-068
750-07-000002-068
PAGE : 42
[247] Devant le Comité, l'appelant a été acquitté de cinq accusations contenues dans
les chefs 16, 19, 22 et 23. C'est mathématiquement peu par rapport à l'ensemble (soit
vingt-neuf). Surtout, ce ne sont pas les chefs majeurs, ce ne sont pas ceux qui ont
nécessité le plus de preuve ni de pages de notes sténographiques. Ce n'est pas le
cœur du débat.
[248] Il n'y a pas lieu d'intervenir.
__________________________________
CLAUDE H. CHICOINE, J.C.Q.
2007 QCTP 142 (CanLII)
[246] Il peut arriver que, en pratique, certains comités et même le Tribunal des
professions aient exercé leur discrétion de cette façon; notamment quand le
professionnel réussit dans une partie appréciable ses prétentions.

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