1 Position du Regroupement des Auberges du cœur du Québec

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1 Position du Regroupement des Auberges du cœur du Québec
Position du Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ)
sur l’abolition du Programme Alternative Jeunesse
Montréal, le 16 octobre 2014 - Pour les Auberges du cœur, il ne fait aucun doute que de
couper un programme d’aide financière comme Alternative Jeunesse compromet les
efforts de milliers de jeunes en démarche d’employabilité et contribue à fragiliser leurs
acquis, notamment en matière de retour à l’école et de stabilité financière et résidentielle. Si
le programme n’est pas remplacé par un programme similaire ou bonifié, cela représente
plus de pauvreté et de précarité pour les jeunes adultes qui peine à joindre les deux bouts.
En suspendant en catimini le programme sans qu’un autre programme ne le remplace automatiquement, le
gouvernement a agi de façon irresponsable et laisse plusieurs jeunes dans un trou de service, ceux-ci n’ayant
notamment pas accès à un soutien financier pour entamer un retour aux études et intégrer le marché du travail.
Nous estimons que plus de 6000 jeunes par année seront touchés par cette coupure. Dans certaines Auberges du
cœur accueillant des jeunes adultes, cela pouvait être jusqu’à la moitié des résidants.tes qui bénéficient ou ont
bénéficié de ce programme. Le gouvernement se doit de prévoir un programme de remplacement.
Le RACQ se questionne à savoir sur quelle évaluation se base l’abolition du programme ? Nous nous interrogeons
également à savoir quels seront les paramètres du programme qui viendra le remplacer ? Ce programme sera-t-il
suivi sur une base volontaire ? Sera-t-il accompagné d’une aide financière différenciée ?
Nous vivons dans une société où tout va de plus en plus vite, où les exigences des emplois sont de plus en plus
grandes, où les familles sont débordées, surendettées, où les écoles n’arrivent pas à scolariser 30 % des jeunes. Or,
il va sans dire que certains des jeunes exclus de tous ces réseaux ont plus de difficulté à trouver leur place. La
sortie de la pauvreté ne repose pas uniquement sur «le choix individuel», c’est une démarche complexe qui
nécessite l’appui de la société par de véritables programmes de solidarité sociale. Le contrôle et la culpabilisation
des personnes pauvres ne mènent nulle part.
Alors que le gouvernement soutient que la relance économique passe par la création d’emploi, on se questionne
sur la cohérence d’ainsi abolir un programme d’employabilité destiné aux jeunes qui, selon nous, n’était pas
parfait, mais fonctionnait.
Les points forts du Programme Alternative jeunesse :
Le programme Alternative Jeunesse avait l’avantage d’être sur une base volontaire et s’étalait dans le temps afin de
permettre aux jeunes de stabiliser leur situation. Certains jeunes ont pu terminer leurs études secondaires grâce à
ce soutien, se trouver un logement et s’y stabiliser. Certains points forts du programme ont été soulevés par les
jeunes et les équipes d’intervention des Auberges du cœur :
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L’aide financière (aux deux semaines, ce qui facilite un budget) et le remboursement de certains frais
liés à la participation (transport en commun, livres, fournitures scolaire) : essentiel pour favoriser
l’autonomie et la stabilité
Le caractère volontaire de la démarche (essentiel pour s’assurer la pleine participation et soutenir le
pouvoir d’agir des participants)
Une certaine souplesse (jusqu’à 15% d’absence) qui permet une adaptation du programme aux
différentes situations vécues
La possibilité de bénéficier du programme sur une longue durée – jusqu’à 3 ans (essentiel pour
consolider les acquis et stabiliser les situations)
Principal levier pour les jeunes en situation de pauvreté souhaitant terminer leurs études
secondaires (l’abolir sans le remplacer de façon adéquate serait dramatique quant à l’accessibilité
aux études)
Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec
4246, rue Jean-Talon est, Tour sud, bur.16, Montréal, Québec, H1S 1J8
Téléphone : (514) 523-8559 Télécopieur : (514) 523-5148
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Selon les jeunes, être sur Emploi-Québec est moins stigmatisant que d’être sur l’aide sociale
Briser l’isolement en ayant des moments de rencontres et d’échanges avec d’autres personnes
vivant des situations similaires
Les points faibles du Programme Alternative jeunesse :
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Accessibilité parfois difficile : peu de places disponibles selon les régions
Peu d’ouverture et peu de choix de financement de formation professionnelle (choix de carrière)
répondant aux aspirations des jeunes (collé sur les besoins immédiats du marché), ce qui contribue à
briser les rêves et aspirations des jeunes
Disparité d’application selon les régions, les CLEs et les agents
Pas de processus de révision des décisions si le jeune n’est pas accepté
Impossibilité d’être admis si le jeune n’a pas d’idées claires de son choix de carrière, ce qui est
demandé beaucoup à n’importe quel jeune, d’autant plus ceux qui ont décroché de l’école et sont
sans-emploi depuis un certain temps
Le suivi et l’accompagnement individuel des agents des CLEs n’étaient pas suffisants (notamment en
raison de la déshumanisation des services issue des coupures récurrentes dans les CLEs depuis
plusieurs années). Cela a pour conséquence de transférer la responsabilité aux organismes
communautaires qui sont déjà sous-financés et surchargés.
Demandes concrètes pour un nouveau programme destiné aux jeunes :
Les Auberges du cœur soulignent l’importance qu’un éventuel programme soit basé sur le volontariat du jeune,
qu’il soit souple et flexible afin de leur permettre de retomber sur leurs pieds et de faire des démarches qui
comportera inévitablement des essais et des erreurs, un soutien financier bonifié qui permet d’accéder à un
logement, leur permettre d’obtenir un revenu d’appoint en travaillant sans être pénalisé, assurer un
accompagnement personnalisé, et que le programme offre davantage de choix de mesures et de formations qui
rencontrent les intérêts et les aspirations des jeunes (pas seulement les besoins immédiats du marché).
L’accessibilité au programme doit également être accru, notamment jusqu’à 30 ans.
Les coupures annoncées compromettent sérieusement les démarches de réinsertion commencées par des milliers
de jeunes et les privent littéralement de leviers pour améliorer leurs conditions de vie et entamer des démarches
d’insertion à l’emploi et de retour aux études. L’abolition de ce programme ne peut uniquement se justifier d’un
point de vue budgétaire : on parle de garantir les droits au revenu et à l’éducation des jeunes.
Contact
Tristan Ouimet Savard
Coordonnateur Développement des pratiques et défense des droits
[email protected]
Bureau : (514) 523-8559 poste 203
Cellulaire : 514-996-7182
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Revenu de dernier recours.
Emploi Québec.
Programme Alternative Jeunesse.
Alternative jeunesse était destiné aux jeunes adultes de 25 ans et moins admissibles à un programme
d’aide financière de dernier recours et qui « démontre » leur « capacité » à entreprendre une démarche
d’intégration au marché du travail. Représentant 9,5 millions $ selon le MESS, le programme Alternative
jeunesse a été mis en place au 1er avril 2007 par le gouvernement libéral pour remplacer le Projet
Solidarité Jeunesse.
Il s’agit d’un programme distinct de l’aide sociale et de la solidarité sociale et se trouve sous la tutelle du
pouvoir discrétionnaire du Ministre. Ce programme est dans la Loi sur l’aide aux personnes et aux
familles, mais non dans les règlements et nous en connaissons peu sur ses modalités d’application,
d’autant plus que les personnes n’ont pas droit à la révision (en cas de non admission) sauf à un
réexamen administratif. En effet, c’est l’agent qui a le pouvoir et qui décide sans qu’on ne puisse rien
faire. Les critères de sélections sont donc subjectifs, ce qui soulève des préoccupations en matière
d’équité, neutralité et impartialité des décisions.
Les jeunes adultes qui sont admis à ce programme doivent s’engager à réaliser les activités convenues
dans un plan d’intervention menant à terme à intégrer le marché du travail. Pouvant s’échelonner sur
une période de 3 ans, cette démarche d’insertion donne droit à une aide financière distincte de l’aide
sociale ou de la solidarité sociale. Depuis l’origine de ce programme, environ 85% de ces jeunes
reçoivent ainsi une aide financière différenciée, à savoir une aide financière offerte sous la forme d'une
allocation jeunesse (170 $/sem. pour une personne seule et 197 $/sem. pour une personne responsable
d'une famille monoparentale), qui est versée toutes les deux semaines. Des frais supplémentaires
peuvent être remboursés (transport en commun, livres, fournitures scolaire, etc.), mais chacune des
situations est traitée au cas par cas. Sur le terrain, l’allocation jeunesse peut aller jusqu’à 460$/2
semaines.
Entre avril 2007 et juin 2014, le nombre de jeunes prestataires de l’aide sociale a varié de 30 114 à 24
060, ce qui démontre l’utilité de ce programme, selon la Coalition pour l’Accessibilité aux Services des
Centres locaux d’emploi (CASC).
En effet, dans plusieurs régions, des organismes (tels que les Carrefours Jeunesse Emploi) travaillant avec
des jeunes prestataires de l’aide sociale ont vu le Programme Alternative jeunesse suspendu depuis
plusieurs mois. Un représentant du MESS nous a confirmé la prochaine disparition du programme
Alternative Jeunesse, mais sans préciser pour quelle raison et sans nous informer s’il y aurait un nouveau
programme destiné aux jeunes adultes. Il semble que la plupart des agents et agentes travaillant à ce
programme dans les Centres Locaux d’Emplois (CLE) ont été réaffectés à d’autres dossiers.
Depuis 2009, environ 30% des jeunes prestataires de l’aide sociale ont pu bénéficier de ce programme.
En juin 2013, 7 798 personnes de moins de 25 ans y participaient contre seulement 4 394 en juin 2014,
soit une baisse de près de la moitié qui s’explique par l’arrêt des financements et la suspension des
nouvelles inscriptions dans certaines régions depuis décembre 2013. C’est donc dire que plus de 3 000
jeunes ont été privé de ce programme cette année, ce qui signifie une plus grande précarité et un recul
dans leur démarche d’employabilité et de stabilité résidentielle. Quelle alternative ont ces jeunes? …
l’aide sociale!
Nous nous interrogeons à savoir s’il y aura un autre programme qui viendra le remplacer et si oui, quels
en seront les paramètres ? Ce programme sera-t-il suivi sur une base volontaire ? Sera-t-il accompagné
d’une aide financière différenciée ?
Sources : MESS, Rapports statistiques sur la clientèle des programmes d’assistance sociale; OPDS-RM, Loi sur l’aide aux
personnes et aux familles –document de vulgarisation
Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec
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Qui sommes-nous ?
Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) joue le rôle de trait
d’union entre 28 Auberges membres réparties dans 10 régions du Québec.
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Le Regroupement poursuit quatre objectifs principaux :
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Défendre l’existence et l’autonomie des ressources communautaires
d’hébergement pour jeunes adolescents et jeunes adultes en difficulté ou sans abri;
Agir comme porte-parole des jeunes sans abri auprès des instances politiques et administratives
dont les décisions sont susceptibles d’avoir une incidence sur la vie de ces jeunes;
Favoriser entre les maisons, les jeunes et les partenaires des communautés d’appartenance de
chacune des Auberges des échanges sur les besoins des jeunes, ainsi que sur le fonctionnement, les
projets collectifs et la pratique quotidienne des Auberges afin d’améliorer le soutien offert à ces
jeunes en quête de reconnaissance et d’un espace social pour s’épanouir;
Promouvoir le développement de ressources additionnelles du même type.
Les Auberges du cœur ont pour vocation d’offrir aux jeunes hébergés, en plus de l’hébergement, un
soutien très large tenant compte de l’ensemble de leurs besoins, limites et aspirations. Ce choix repose
sur la conviction que les difficultés vécues doivent être regardées globalement. En résumé, l’approche
des Auberges du cœur est avant tout : globale; souple; pragmatique; fondée sur des valeurs de
collaboration; d’entraide et de respect de l’individu.
L’essentiel de l’action des Auberges du cœur s’articule autour d’un certain nombre d’objectifs généraux.
Parmi ceux-ci on compte :
 Aider les jeunes sans abri à sortir de l’errance;
 Soutenir les jeunes en difficulté afin d’éviter qu’ils se retrouvent à la rue;
 Favoriser l’intégration sociale de ces jeunes en soutenant de manière active leur quête d’autonomie;
 Favoriser la résolution de conflits familiaux et la réintégration dans la famille des adolescents;
 Aider les jeunes à recréer des liens significatifs pouvant les stimuler à s’investir dans un projet de vie;
 Agir sur les aspects socioéconomiques qui les conduisent à la rue et qui compromettent leur
intégration à la société québécoise : pauvreté, accès à l’emploi, au logement, à l’éducation, etc.
Les Auberges du cœur offrent plus de 300 lits, 150 places en appartements supervisés et logements dans
la communauté à partir desquels ils hébergement, accueillent et soutiennent près de 3000 jeunes.
Chaque jeune a son histoire.
Chaque jeune est différent.
Chaque jeune vit à son propre rythme.
Les jeunes qui viennent dans les Auberges du coeur sont des jeunes volontaires qui souhaitent améliorer
leurs conditions de vie, trouver un lieu de répit, se donner un toit, chercher du soutien. Les difficultés
rencontrées par les jeunes hébergés par les Auberges au moment de préparer ou de faire leur entrée
dans la vie adulte sont nombreuses et souvent accablantes: ruptures familiales, pauvreté, solitude,
impression d'échec, dépression, toxicomanie, maladies (VIH, hépatites B et C), etc.
Simples aventures de jeunesse ? Certainement pas. Le témoignage de la plupart des 3000 jeunes
hébergés chaque année par les Auberges du cœur nous parle plutôt d’insécurité, d’angoisse et d’une
profonde solitude. Ces jeunes luttent pied à pied au quotidien avec la pauvreté et le mal de vivre dans un
contexte d’isolement social qui présente toujours le risque de les voir glisser vers l’itinérance chronique.
Essentiellement, leur préoccupation de tous les jours en est une de survie, rien de moins.
Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec
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