Cannes sans dormir Notre film du jour The Assassin

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Cannes sans dormir Notre film du jour The Assassin
DAILY 22
VEN
CANNES
Cannes sans dormir
JOUR 9 Par Philippe AZOURY
PHOTOS : JULIEN MIGNOT ; VISUAL ; DR. MERCI À LEICA, CANON, ET BRONCOLOR
T
out partait à vau-l’eau. Au beau milieu d’un
restau de coquillages, El Mignot, notre photographe coupe-feu, s’était mis à exorciser Elena, qui s’était ébouillantée la veille en renversant une
tasse de café brûlant. Ça tournait Friedkin et la scène
avait des allures de maraboutage inquiétant. A côté
d’eux, les gens mangeaient. Devant Club by Albane,
on voyait passer des créatures inquiétantes, dont une
avait des jambes qui devaient bien mesurer 1,60 m.
Les types qui l’accompagnaient semblaient toujours
en recherche d’un truc à extorquer à quelqu’un :
quelque chose contre quelque chose. On regardait ça
un bon quart d’heure, attendant qu’une armée de
techniciens vienne chercher Elena maraboutée, afin
qu’elle « checke » le DCP de son film, Pueblo, qui
passe vendredi à 15 h 30 à la Quinzaine. Peu le savent,
mais chaque nuit, dans les palais vides et fermés, les
cinéastes vérifient eux-mêmes le grain de leur film, sa
matière, son volume. Olivier se souvient d’avoir vu
Godard le faire pour Détective, avec des gestes de
chef d’orchestre qui avaient été immortalisés cette
nuit-là par Gilles Peress. En traversant la Croisette en
direction du Palais, on croisait ceux qui sortaient de
la projo nocturne du Love de Gaspar Noé. Deux
heures de baise fiévreuse, brûlante, avant qu’on ne les
jette là, parmi cette faune. Au Baron, l’atmosphère
était moite, Falcon jouait des morceaux de John Carpenter, et Joseph passait entre les mailles du filet
d’une physio américaine semblant tout droit tomber
d’une photo de Tod Papageorge pour le Studio 54.
Rue d’Antibes, une jeune fée québécoise de la bande
à Xavier nous faisait hurler de rire : « Je suis restée
deux heures dans ce club. Il y a là les plus beaux hétéros
de France et tabernacle, j’ai même pas frenché. » Le
jour était déjà levé, les équipes passaient le karcher
sur tout ce qui bouge, sans distinction. Avec El Mignot, on se planquait, collés au mur comme si c’était
une rafle. Doucement, la pluie s’est mise à tomber.
No french kiss tonight.
Notre film du jour
The Assassin
On n’a pas vu, de la compétition, de film
plus beau que The Assassin. Après cinq ans
d’absence, Hou Hsiao-Hsien fait table rase.
La Palme d’or, ou rien. Par Olivier SÉGURET
L’idéal serait d’aller aussi vite que
lui, Hou Hsiao-Hsien. Mettre d’abord
dans la besace les rudiments d’infos
nécessaires au décor : la Chine médiévale, la forme littéraire brève du
« chuanqi », l’empire Tang chancelant
et sa difficulté à maintenir la province
du Weibo sous sa férule avec, pour
conséquence, les guerres de pouvoir
Style Council
Jamais sans
mon smoking
(n’est-ce pas
Jack O’Connell ?)
page 2
intestines. Fixer ensuite la splendide
héroïne et le splendide héros : la justicière, Yinniang, assassin virtuose
face à l’homme qu’elle doit tuer et,
néanmoins, aime, l’empereur Tian.
Rappeler enfin que Hou Hsiao-Hsien
est l’un des plus fascinants formalistes
d’Orient, doublé d’un érudit au raffinement ravageur. Et déjà conclure
que nous avons la clef de l’énigme
Cannes 2015 : L’Assassin est une
palme. Oui, ce n’est qu’une appréciation subjective et prématurée mais,
après tout, puisqu’on est entre nous…
Un prologue noir et blanc ouvre le
film et nos ventres, petit bloc échappé du récit, mais qui donne le ton
(cinglant) et le parfum (mortel) de
L’Assassin. Ça tue sans bruit, ça tombe
à nos pieds, on craint se faire tailler
l’oreille. Une féline ombre noire est
passée. Ensuite, tout ne sera que
désordre et beauté, luxe, crime et
volupté. Les couleurs ne cesseront
de flamboyer, faisant cramer les laques,
soies, ors et jades, incendiant les sens
et consumant les vies. Derrière la
vendetta familiale est tapie une vengeance artistique. On ne court pas
sur les murs, on ne saute pas de
branches en cimes par de septuples
saltos arrière. Personne ici ne suspend
le temps pour éviter la dague. Bref,
15 minutes
(sans La Koka)
avec Valérie
Donzelli et
Jérémie Elkaïm
page 3
mai
good-bye dragons, tigres et bullettime. Toute la vélocité du film éclate
dans son montage, sa mise en scène,
son écriture. Il y a bien là, aussi,
absolument nécessaire, requise par
le genre, une faramineuse énergie,
mais elle est dense, précise et contenue. Elle est fauve, carnassière, bondit à la marge du cadre et de notre
chair. Elle lâche ses blessures comme
on lacère un écran, puis disparaît.
C’est cuisant comme une gifle.
Un Hou Hsiao-Hsien nécromancien,
plus maître des marionnettes que
jamais, tient à la baguette ce petit
théâtre morbide. Dans le film, de
funestes figurines de papier, cousines
chinoises de la poupée vaudoue, sont
investies des mauvais sorts voués à
l’ennemi dont elles sont l’effigie. On
peut y voir aussi un reflet de la méthode
Assassin : la diabolique miniaturisation de l’histoire médiévale en un
tableau cruel et merveilleux, chorégraphié avec une précision qui fait
des personnages les pantins d’un
destin ignoble mais somptueusement
stylé. Si l’abjection d’une vie peut se
compenser d’un grand prix d’élégance,
L’Assassin est le plus radieux, le plus
noble des carnages.
NIE YINNIANG (THE ASSASSIN), de Hou
Hsiao-Hsien, avec Shu Qi. (Compétition)
GRAZIA DAILY CANNES # 9. Gratuit
Retrouvez tous
les numéros du GRAZIA
DAILY CANNES en PDF sur
Notre coverstar #9 : Xavier « handsome devil » Dolan en Louis Vuitton dans le loft de la #creamteam. Love is in the hair.
VENDREDI 22.05.2015 - 1
Critique
LOVE ON THE BEAT
Avec Love, Gaspar Noé signe enfin
le film qui le hantait : sensuel, sensoriel,
acharné. Bon coup. Par Philippe AZOURY
Depuis plus de vingt ans qu’il
filme, Gaspar Noé a toujours été
tenté par des sujets impossibles,
volontairement infréquentables :
Le viol (Irréversible), la haine politique (Seul contre tous), la défonce (Enter The Void), bâtissant
une filmographie dans le dur qui
tout à la fois fascine et rebute. On
ne peut lui contester son originalité, ses coups de force formels,
sans jamais avoir été en mesure
d’aimer ça complètement. Difficile de s’y faire une place. Mais
avec Love, Noé signe son premier
film entièrement désirable. Et de
fait, Love n’a qu’une idée fixe. Filmer le sentiment amoureux dans
Jack porte une
montre LUC XPS,
Chopard.
sa fabrication sexuelle comme
dans son épuisement physique.
Toucher du doigt la passion, tomber dedans.
On savait deux-trois trucs sur
Love : que le film était en 3D et
qu’il serait, disait-on, « pornographique ». Spontanément, on avait
imaginé, connaissant le mec, une
scène de bukake de quinze minutes à éjaculation propulsée
douchant virtuellement les lunettes des spectateurs (et de fait, il
y a bien un plan d’éjac en relief un
peu dans l’esprit, mais il ne dure
que quelques secondes). Mais
l’essentiel est ailleurs. Il faut être
très aveugle et très con pour trouver Love pornographique. Ou
alors, il faut avoir des yeux de
censeur, qui mesurent tout à la
table des lois : oui, les scènes de
baise non simulées constituent
pas loin des deux tiers du film,
9
mais elles sont dans le refus même
de la provocation. Elles n’y
pensent même pas, trop occupées
à scruter sincèrement, donc physiquement, l’amour qui naît entre
Murphy (Karl Glusman, au jeu
encore incertain mais, humm, efficace) et Electra (fantastique
Aomi Muyock !), qui se fabrique,
à coup de reins, de succions, de
dépassement de soi, d’oubli dans
l’autre, d’expériences tentées
pour se rassurer, pour évacuer la
peur, vider le doute, et revenir
plus loin encore, à nouveau dans
le corps de l’autre, s’y abandonner, s’y retrouver.
Comment filmer le cul en 2015, à
l’heure du réservoir YouPorn et
dix ans après le Baise-moi rageur
et punk de Virginie Despentes ?
Par quel dépassement ? En tentant de s’approcher de la passion
– la grande absente, le point
aveugle de la pornographie. En
immersion dans la glaise totale
d’un couple. Plus il avance, plus
Love dessine une hypothèse : il n’y
a pas, d’un côté, les scènes de la
vie quotidienne et de l’autre le
cul ; le cul et le quotidien avancent
ensemble, encastrés. Ici, un plan à
trois magnifiquement filmé est
envisagé à la même hauteur érotique qu’une balade aux Buttes
Chaumont. Certes, il y a, comme
toujours chez Noé, un sens malhabile du dialogue (qui n’avance
qu’à coups de définitions qu’on
croirait avoir entendues en after).
Comme toujours, il y a une difficulté inhérente à mettre les choses
en place, à présenter un personnage
(par généralité). Mais là, il s’est passé manifestement quelque chose.
Love est ce film qui le hantait.
LOVE,
de Gaspar Noé, avec Aomi Muyock
et Karl Glusman (Séance spéciale)
Qui êtes-vous ?
Jack O’CONNELL
Lauréat du Trophée Chopard 2015, cet Anglais
de 24 ans séduit Hollywood. Par Perrine SABBAT
Photo Julien MIGNOT
D’où vient-il ?
De Derby, en Angleterre. Il a
d’abord voulu être footballeur,
puis rejoindre l’armée. « Le
théâtre, obligatoire à mon école,
s’est finalement imposé. Il y a toujours plus de filles dans cette filière.
C’était une bonne motivation. »
Où est-il ?
Après sa performance dans Invincible, d’Angelina Jolie (2014), il a
reçu le Trophée Chopard des
mains de Julianne Moore. « C’était
une surprise. Je pensais qu’ils voulaient le donner à quelqu’un qui ne
pouvait pas venir, et j’ai appris que
j’étais leur premier choix. »
Où va-t-il ?
On le verra dans Tulip Fever de
Justin Chadwick puis dans le prochain Jodie Foster et dans HHhH,
du Français Cédric Jimenez. « Je
devais aussi faire le prochain Terry
Gilliam, mais il a été annulé. »
2 - VENDREDI 22.05.2015
Critique
Ton silence
Dans Peace to Us in Our Dreams,
le génial cinéaste lituanien Sharunas
Bartas se met en scène avec sa fille.
Grand film triste. Par Luc CHESSEL
Dire d’un film qu’il est sincère, c’est d’habitude lui
faire un doux reproche paradoxal, comme on donne
un prix de consolation. Peace to Us in Our Dreams
est sincère, et inconsolable. C’est dire s’il est beau. Sa
sincérité n’est pas une valeur ou une vertu mais le
contraire, un scandale. On entend les sièges qui
claquent. Qu’ils claquent ! Après ce film, se lever ne
sera plus jamais pareil.
Il y a peu de films vraiment tristes. Peut-être
L’homme à la peau de serpent, de Sidney Lumet,
avec Marlon Brando, et peut-être celui-ci. Tristes,
moins comme une bataille perdue avec l’irrémédiable, que par l’épuisement qui s’empare de la main
au moment de se saisir du remède. On peut toujours
continuer à vivre, c’est bien ce qui est terrible. Le
dire, c’est le scandale de la sincérité.
Ça commence sur une fausse note. Une violoniste
donne un concert, dérape, fait violemment grincer
l’archet sur les cordes, se met à tourner sur ellemême en silence, éclate de rire et prend la fuite. Harmonie qui se sabote et se brise, musique qui se tait
pour nous faire entendre qu’il n’y a que du bruit et
du silence, que la fragile ligne de crête entre eux peut
s’effondrer à tout moment. Le reste du film suit cette
fêlure. Où chaque parole prononcée dit l’impossibilité de dire. Où chaque plan scrute une beauté qui
peut s’évanouir.
LA MAISON DU LAC
Sharunas Bartas se met en scène lui-même et filme sa
fille adolescente, deux personnages ici dépourvus de
nom, père et fille. Ils arrivent dans une maison au
bord d’un lac avec la violoniste, sa compagne. Dans
la campagne alentour, un garçon erre avec son chien,
vole des tomates et un fusil de chasse. On rencontre
aussi sa mère, dans une ferme non loin de là, et le
voisin de celle-ci, un pêcheur. Plus tard, l’homme
reçoit la visite d’une amie. La présence de ces
quelques personnages sur le territoire délimité d’une
nature splendide donne lieu à une série de scènes à
deux, qui dessine leurs relations de façon minimale.
Pour qui connaît les films de Bartas, grand cinéaste
lituanien, il y a ici une manière rare de ne pas intensifier les choses par la photographie ou par la composition. Ce serait difficile pour le film d’être plus
beau, mais il ne cherche pas ce supplément-là. L’intensité semble se donner simplement dans ce qui est
là, les visages de près, la nature en large, les déplacements, les quelques dialogues. Les personnages
parlent de la vie et de la difficulté de parler, qui vaut
comme difficulté de vivre. L’homme, le cinéaste, se
filme écoutant et observant les autres, cœur d’une
douleur qui imprègne le reste, sans en être l’œil
unique ni le centre.
Le centre, s’il en faut un, secret et offert, serait un
autre visage. Celui qu’il montre à sa fille avant de
partir pour le lac, retrouvé sur des bandes tournées
des années plus tôt, celui de Katia Golubeva, la
femme, la mère, qui n’a pas pu continuer à vivre.
Visage vu dans d’autres films que l’on n’avait pas
oubliés. N’aimer vraiment que les films sincères, et
inconsolables.
PEACE TO US IN OUR DREAMS,
de Sharunas Bartas, avec Sharunas Bartas, Lora
Kmieliauskaite et Ina Marija Bartaite (Quinzaine).
PHOTOS : LES CINÉMAS DE LA ZONE ; DR
GR A Z IA DAI LY C A N N E S
15 MINUTES AVEC…
VALÉRIE DONZELLI
ET JÉRÉMIE ELKAIM
Après La guerre est
déclarée, le tandem se
retrouve avec Marguerite &
Julien, un conte fantasque
sur deux inséparables.
Par Julien WELTER Photo Julien MIGNOT
Frère et sœur, Marguerite et
Julien veulent s’aimer comme ils
l’entendent.
V.D. : Pour eux, cette transgression
est moins douloureuse que de vivre
« normalement ».
J.E. : Il n’y a aucune volonté de
faire un film idéologique, calculé,
mais au contraire très premier
degré, à la naïveté assumée.
V.D. : C’est un amour impossible
tiré d’une légende du XVIIe siècle,
plus qu’un inceste. Mais comme
il reste tabou, il permettait
un film intemporel. D’où le
mélange des époques (médiéval,
contemporain).
J.E. : La particularité de cet amour,
c’est qu’il n’y a pas d’abus. Il est
consenti. Mais pour l’accepter, ces
deux personnages doivent désobéir. Valérie aussi voudrait être une
cinéaste sage, mais sa singularité
intervient, presque à son insu.
Le projet était à l’origine destiné à
François Truffaut…
J.E. : Il n’y a pourtant ni désir
d’hommage, ni envie de tuer
le père en se le réappropriant.
V.D. : Ceux avec qui je travaille
sont ma source d’inspiration et ils
sont extrêmement généreux. Avec
Jérémie (coscénariste du film), c’est
comme si je jouais au ping-pong et
BITCHY MARIE
PHOTOS : AUGUSTIN DÉTIENNE/CANAL + ; DR
All about
the Heelgate
Allons bon, voilà que le portail du talon aiguille (oui,
parce qu’ici on parle français, on ne dit pas « the heelgate ») tourne à l’affaire d’Etat. On frise le refroidissement diplomatique entre la France et les Etats-Unis
avec cette histoire d’invitées à la projection de gala qui
se sont fait refouler en haut des marches par d’importants spécialistes en tenue de soirée, très à l’aise dans
leurs pompes lacées plates à semelles confort et qui
ont décrété que les femmes sans talons aiguilles
n’étaient pas les bienvenues dans les projections de
gala. Le site américain The Daily Beast est formel, le
Heelgate est une question féministe. La productrice
Valeria Richter, qui détient le record de s’être fait refouler quatre fois pour cause de sandales, y explique
que les amplitudes horaires et les allers et retours sur
la Croisette à longueur de journée exigent un renoncement de carmélite sur le staille des pieds. On est sur de
la basket avec voûte plantaire matelassée ou du mocassin souple cinq ans d’âge minimum. Le gag supplémentaire, c’est que ces invitées en spartiates de luxe (à
600 euros je vous rassure), se rendaient à la projection
de Carol, grand film féministe de Todd Haynes. En
apprenant cela, Denis Villeneuve, le réalisateur de Sicario, Benicio Del Toro et Josh Brolin, ses deux interprètes, nous avaient fait rêver en promettant de
monter les marches en talons aiguilles. Et puis ils se
sont dégonflés, ces gros durs de carton-pâte. Le plus
triste dans cette histoire, c’est pour la mode, dont
l’essence même est de tout faire péter.
qu’il ne me renvoyait que de
bonnes balles.
Le film paraît très libre…
J.E. : Produire des films est une entreprise de normalisation, et pour
qu’ils soient toujours ardents, c’est
une lutte permanente. Quand on a
réussi à tenir ce pari, le prix à payer
est que le résultat peut déconcerter.
V.D. : C’est presque irrévérencieux,
et on trouvera peut-être le film ridicule mais j’espère, pas arrogant.
J.E. : On peut le rejeter, avoir le sentiment de rester en dehors. Il ressemble à une chanson triste. Barbara, il y en a qui adorent ses
chansons, d’autres qui les détestent.
Et le genre du conte ?
V.D. : J’aime qu’on me raconte une
histoire au cinéma, et on s’est amusés à jouer sur toutes les formes de
récit, avec voix off et mythologie.
J.E. : C’est presque un livre
d’images dont on tourne les pages,
un dimanche au coin du feu.
Vous continuez à tourner ensem­
ble, quoi qu’il arrive…
J.E. : Ça nous dépasse souvent, il
faut faire preuve d’humilité face à
ça. C’est un peu comme avec les
névroses : on a beau en avoir
conscience, elles sont toujours à
l’œuvre. C’est pire quand on réussit à s’en défaire : soudain on est
malheureux parce qu’elles faisaient
partie de notre identité. Parfois, il
faut l’accepter pour changer, je ne
sais pas si on y arrivera un jour.
MARGUERITE & JULIEN, de Valérie
Donzelli, avec Jérémie Elkaïm
et Anaïs Demoustier. (Compétition)
ENTENDU
« Il rentre tôt ce soir. »
Entendu au moment où BENICIO
DEL TORO regagnait
sa chambre, mercredi soir. Ou plutôt jeudi matin, il était 3 h 20.
ET AUSSI…
La critique
en provençal
cannois de
Une histoire
de fou
Par Poly GLOTTE
Pour son rôle dans The
Lobster, COLIN FARRELL
a pris 20 kg. Comment ? En
faisant fondre de la glace Häagen-Dazs
au micro-ondes pour la boire et en
avalant deux cheeseburgers-frites, du
Coca-Cola et deux parts de gâteau au
chocolat tous les matins. « Et pourtant,
j’adore les cheeseburgers », a-t-il précisé.
PARIS HILTON ne serait
pas Paris sans caprices.
Arrivée dans une robe plus
brillante que la plus brillante de tes
copines dans les loges, elle a exigé des
sushis et du vin. Tout en s’aspergeant
de son propre parfum boule à facettes.
Impossible de vous dire ce que ça
sentait, notre odorat est défectueux.
Le nombre de divorces
explose dans l’Empire
du Milieu ? Voici la solution :
le tournage imminent du remake chinois
du Mariage de mon meilleur ami, avec
SHU QI à la place de Julia Roberts et
le beau gosse Feng ShaoFeng (Le
Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud).
Sortie pour la Saint-Valentin 2016.
Vedette senior de Youth,
de Paolo Sorrentino,
MICHAEL CAINE n’avait
plus eu les honneurs de la compétition
cannoise depuis… 1966 et Alfie (objet
d’un remake avec Jude Law en 2004).
Explication de l’acteur britannique :
« Le film a eu un prix mais pas moi,
alors je ne suis plus jamais revenu ! »
Ouna istoria de fada, lou filmou de
Robert Guédiguiou, ès oun filmou
politicou de gauchou communistou, comme d’habitou avè Robert
le Roja. Annada 80 : Denpuei Paris
fins Beyrouth, ça pétar dè flambas
entrè Armèni é Turqués. Bombas,
atemtat, esglaseirar international.
Avé lou sexyssou é poiluto Simon
Abkarian (Aram) é la pitchounetta
Razane Jammal, mens poiluta
mas mignonetta. Fan des pieds,
es belas mas un pauquet escagassant. (Lou bisou maissimal ta
Galinette, lou dictionnerou Français-Pan Bagnat.)
UNE HISTOIRE DE FOU, de Robert
Guédiguian, avec Simon Abkarian et
Ariane Ascaride. (Séance spéciale)
VENDREDI 22.05.2015 - 3
GR A Z I A DAI LY C A N N E S
Illustration Iris HATZFELD
9
GR A Z IA DAI LY C A N N E S
Trop pas
La chronique de Gérard LEFORT
« ATROCE,
SANS PLUS »
A Cannes plus qu’ailleurs, tout le
monde a deux métiers : le sien, et
critique de cinéma. Florilège.
Mireille (tous les prénoms ont été
modifiés pour des raisons évidentes de sécurité), 92 ans, visagiste-conseil, et un petit peu
pharmacienne, Cannes-Croisette :
« Non mais attends, le jeudi, un
hommage à une petite frappe qui
me volerait ma parure de iPhone.
Le vendredi, un type qui va se faire
pendre dans une forêt japonaise.
Le samedi, une givrée du sabre qui
veut égorger son cousin. Je dis
stop ! C’est trop de tristesse. Moi,
j’ai envie d’un truc simple et sain,
une bonne comédie avec Sophie
(Sophiiiiiie !), où on rit et on
pleure, que demander de plus ? »
Mario, 17 ans, Personnal Pizza
Assistant auprès d’un grand nom
du cinéma français : « Kiff la
meuf ! Putain, la mini ! Putain, à
ras l’anus ! Putain, bavon de ouf ! »
Ghislaine, 52 ans, névrosée :
« J’sais pas, j’suis pas sûre, peut-
être, et en même temps… » PierreJean-Antoine (dit Bob), 37 ans,
créateur d’événements fooding :
« J’adore le concept ! » Paulo,
52 ans, délégué du comité des tellines, en colère : « Cinéma bourgeois ! » Augustin, 15 ans et demi,
du collège Xavier Dolan de PontL’Abbé : « Trop beau ! » Véro-Astrid, 28 ans (qu’elle dit !), sans
profession apparente : « Tu veux
mon 06 ? »
FARANDOLE FESTIVE
ET RACLETTE PARTY
Tout cela prend évidemment une
proportion au carré quand l’autre
métier du critique de cinéma improvisé, c’est critique de cinéma.
Jacques Sentinelle (du quotidien
Le Globe) : « C’est pas pour dire,
mais franchement ! » Hadrien-Patrick Tralala (du magazine Swimming Pool international) : « C’est
une vraie proposition de cinéma
mais bon, je la sens pas complètement. » Cedric Newsquare (de
9
Facho hebdo) : « Trop de Noirs et
de Maghrébins dans les films français ! Qu’est-ce qu’on va penser de
nous à l’étranger ? » Marie-Lol
(du Grazia Daily Cannes) : « Tout
m’est bonheur. » Sinon, ça y est
enfin ! Une violente polémique
clive le tout-Cannes : pour ou
contre Go West, le tube des Pet
Shop Boys qui ouvre et ferme le
sensationnel Mountains May Depart de Jia Zhang-Ke. D’un côté,
ceux et celles qui l’adulent jusqu’à
en sonoriser les oreilles de leur
voisin de chambrée. De l’autre
bord, ceux et celles qui estiment
avec des mots « trop pas » que
c’est un hit pour mamies cacochymes et autres anciens combattants de la guerre de 68.
La rédaction de Grazia Daily
Cannes a choisi son camp (je fais
un cœur avec mes doigts) et depuis, ça n’en finit plus jusqu’à pas
d’heure dans la Grazia Mansion :
farandole festive, raclette party,
quart d’heure big bisous, confettis dans les cheveux, remontants
de toutes espèces (« Non Philippe,
le poivre aux 5 baies, ça ne se sniffe
pas… » Trop tard !) et surtout reconstitution in situ du merveilleux clip des Pet Shop, include
les combis moule-burnes et les
saladiers sur la tête. Allez zou !
One more time for the road : « Together, we will go our way, together, we will leave someday. GO
WEEEEEEST ! »
Isabelle Huppert dans Valley of Love.
UP
ASIE MAJEURE
DEMANDEZ
LE PROGRAMME
Vendredi 22
Compétition
Chronic de Michel Franco
(8 h 30+22 h 00 : Grand Théâtre
Lumière).
Valley of Love de Guillaume Nicloux
(15 h 00 : Grand Théâtre Lumière).
Hors compétition
The Little Prince (Le Petit Prince)
de Mark Osborne (11 h 30+19 h 00 :
Grand Théâtre Lumière).
Un Certain Regard
Masaan de Neeraj Ghaywan
(11 h 00 : Salle Debussy).
Alias Maria de José Luis Rugeles
Gracia (14 h 00 : Salle Debussy).
Madonna de Shin Su-Won
(16 h 30 : Salle Debussy).
Chauthi Koot (La Quatrième Voie)
de Gurvinder Singh
(22 h 00 : Salle Debussy).
Quinzaine des réalisateurs
Dope de Rick Famuyiwa
(9 h 00 + 19 h 30 : JW Marriott).
Programme Court 2
(12 h 00 : JW Marriott).
Programme Court 3
(15 h 30 : JW Marriott).
Acid
Cosmodrama de Philippe Fernandez
(11 h 00 : Studio 13 + 20 h 00 :
Les Arcades).
Le Thaïlandais Apichatpong
Weerasethakull, le Chinois
Jia Zhang-Ke, et enfin le
Taïwanais Hou Hsiao-Hsien :
les plus grands filmeurs
du Festival, cette année,
sont asiatiques. Cela fait
dix ans qu’on le dit, mais
le reste du monde devrait
apprendre davantage de
leur technique.ww
AUDIARD MINEUR
On reviendra demain
sur Dheepan, de Jacques
Audiard. La rumeur,
sans avoir rien vu, et
sans presque rien
savoir de ce film sur
la communauté tamoule à
Paris, pressentait un choc,
une palme. L’accueil, à
la fin de la projection de
presse, a été plus mesuré.
GRAND DÉPART
Le Marché du Film ayant
fermé mercredi soir, le vent
et quelques gouttes de
pluie s’en étant mêlés,
les rues étaient bien vides,
hier à Cannes. Nous, on
est là jusqu’à samedi, voire
dimanche pour les plus
valeureux. Ne nous
abandonnez pas !
DOWN
Duel sur red carpet
JOAN SMALLS VS LOUISE BOURGOIN Par Perrine SABBAT
Par Olivier SÉGURET
Robe, Alaïa.
Bijoux,
de Grisogono.
6 - VENDREDI 22.05.2015
Robe, Prada.
Bijoux, Boucheron.
Combien de fois depuis dix jours
a-t-on entendu cette remarque en
sortie de projo : « T’as vu, c’était
encore du 1:33 » ? Et en effet,
Cannes a semblé nettement con­
sacrer cette année un retour
abondant de ce format carré, qui
est un peu le Parthénon des formats et qui reste le plus cher à
une certaine cinéphilie véné­rant
ses classiques. L’image 1:33 a
d’abord été le format par défaut
du cinéma muet. Lorsque les rapports d’écran se sont élargis
jusqu’au CinémaScope, de grands
maîtres comme Dreyer ou Bresson en ont tout de même perpétué l’usage. Aujourd’hui, par sa
simple apparition, le 1:33 fait
sens, fait geste, voire fait magie. Il
porte en lui pour cela un risque
de maniérisme : malheur à ceux
qui n’en feraient qu’une référence vide ou une citation creuse.
Il a été l’écrin de plusieurs films,
et pas des moindres, des sélections 2015, notamment ceux de
Laszlo Nemes, Hou Hsiao-Hsien,
Philippe Garrel et même d’une
bonne partie de celui de Jia
Zhang-Ke. Ce dernier, qui multiplie les formats selon les époques
et même selon les styles donnés à
sa mise en scène, offre une clef
possible pour éclairer cette floraison, qui dépasse la seule question
de la souplesse technique, bien
réelle, désormais permise par le
numérique.
CADRER LE TEMPS
L’hypothèse qui émane du Festival écoulé est que le 1:33 offre des
réponses aux cinéastes questionnant le temps, et questionnant
ainsi le rapport que nous entretenons avec lui. Il est une manière
de mettre en perspective qui
pourrait s’apparenter à une syntaxe du cadre. Ce carré, ce tableau, fait l’effet d’un formattemps, dont nous découvrons de
film en film les variables nouvelles
et les anciennes conjugaisons.
PHOTOS : JULIEN MIGNOT ; E-PRESS ; WIREIMAGE ; DR
Cannes Labo
ET PENDANT CE TEMPS-LÀ...
Par Perrine SABBAT
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Deuxième montée
des marches pour
Rachel Weisz avec
Youth, un film sur
le temps qui passe…
Et qui n’a visiblement
pas d’emprise sur elle.
Qui sera la plus
belle pour aller
monter ? Ballet
de robes longues
pour Petra
Nemcova et
Aishwarya Rai.
De plus en plus
puissants à Cannes
(partout, en fait), les
Chinois à la conquête
de la Croisette.
C’est le début de la fin.
A 22 h, la Croisette est quasi
vide (miracle : on peut
la parcourir en dix minutes,
au lieu de trente). Mais
c’est aussi à ce moment-là
du festival que, souvent,
la magie opère… 20 h : coup
de sonnerie à l’appartement.
Xavier Dolan apparaît sur
notre palier. Interview
sur le bord du lit, photo dans
le salon. La fin de quelque
chose est souvent le début
d’une autre.
Hello Jane Fonda,
petit bonbon rose
sur tapis rouge.
Avec son tube Uptown Funk,
Mark Ronson a enflammé
la Villa Schweppes jeudi soir.
… Meanwhile au Grand Journal
Contrairement
à la photo, le baiser
qu’envoie la jolie
Barbara Palvin,
égérie L’Oréal Paris,
n’est pas volé.
En robe Vuitton,
Karlie Kloss nous rejoue
le « leggate » d’Angelina
Jolie. Très convaincant.
Cette nuit
Seuls sur le sable, les yeux dans l’eau, leur rêve était
trop beau… Josh Brolin, Emily Blunt et Benicio del
Toro se voient déjà en haut du palmarès avec Sicario,
qu’ils ont défendu façon cartel mexicain énervé.
à Cannes
1
Soirée du film Le Petit Prince
(avec Marion Cotillard, James Franco,
Rachel McAdams, Benicio del Toro, Paul
Rudd, Jeff Bridges…) au A Club BY
ALBANE, rooftop du JW Marriott.
2
Le plaid, accessoire
2015 indispensable pour
festivaliers frigorifiés, à
la projection de Terminator
sur la plage du Palais.
Soirée du film Valley of Love de
Guillaume Nicloux (avec Isabelle
Huppert et Gérard Depardieu)
à la plage Magnum.
3
Set de Synapson
à la Villa Schweppes, aux Marches.
VENDREDI 22.05.2015 - 7