Quand Simenon se met à nu, ou presque
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Quand Simenon se met à nu, ou presque
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège Quand Simenon se met à nu, ou presque... 22/06/09 L'oeuvre surabondante du créateur de Maigret est traversée par une seule et même obsession, à savoir découvrir «l'homme nu». Entreprise titanesque qu'il applique ici à son propre parcours existentiel. Reprise de Je me souviens... (1945), où il racontait son enfance à l'intention de son fils, l'autobiographie romancée Pedigree (1948) s'inscrit résolument dans cette tentative mémorielle. «Sorte d'îlot dans [sa] production», aux dires de son auteur lui-même, le roman pivot de ce recueil de la Pléiade occupe une place atypique chez Simenon mais à coup sûr éclairante. On y découvre, parmi les «petites gens» de ses premières années à Liège, un Roger Mamelin qui © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 22 February 2017 -1- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège n'est autre que Georges enfant. S'y installe ainsi, tout au long de ses très nombreuses pages, une dialectique subtile du réel et de la fiction. Chacun à sa manière, les autres romans du présent tome, le troisième dans la Bibliothèque de la Pléiade, permettent de décrypter un tant soit peu la personnalité d'un écrivain restant, à bien des égards, une véritable énigme. A l'instar de ses semblables d'humaine condition qu'il s'est ingénié, livre après livre, à capter dans leur déroutante - et souvent inquiétante - singularité. Après la parution en 2003 de 21 romans de Simenon dans la prestigieuse collection de la Pléiade, rassemblés en deux volumes, Jacques Dubois, Professeur émérite à l'ULg, et Benoît Denis, chef de travaux, viennent d'en éditer aujourd'hui un troisième. Le long roman autobiographique Pedigree y occupe une place centrale, entouré d'autres textes mettant son originalité en lumière et soulignant son rôle particulier dans la trajectoire littéraire de l'écrivain. Editer des oeuvres littéraires s'apparente le plus souvent à une longue marche, reconnaissent volontiers les deux concepteurs de ce tome. Car le travail ne consiste évidemment pas à corriger le texte de l'auteur, mais à publier un texte le plus proche possible de l'intention de cet auteur. La règle de base, c'est de choisir la dernière édition revue par l'écrivain de son vivant. Dans le cas présent, Pedigree, initialement paru en 1948, a subi trois éditions successives à la suite de procès intentés à Simenon par des personnes qui se sont reconnues - ou ont cru se reconnaître - dans certains des personnages de ce livre, procès qui ont amené la suppression de passages litigieux. La dernière d'entre elles, datant de 1958, a été revue par Simenon: elle peut donc être considérée comme définitive. Mais les variantes des deux éditions précédentes ont été données dans l'abondant appareil critique qui l'accompagne et qui donne toute la mesure de la complexité de la tâche entreprise. Les autres romans de ce volume ont été choisis en fonction de Pedigree, avant tout parce qu'ils touchaient à la dimension mémorielle de ce maître-livre. Sélection qui a exigé l'identification rigoureuse des sources qui les ont inspirés et la mise en évidence du travail de transformation fictionnelle de ces traces existentielles. D'où les notices, notes et variantes se trouvant en fin de volume et comportant essentiellement quatre éléments: une notice explicative de chaque texte, qui en retrace la genèse et qui en donne une lecture explicative; une reproduction de notes et de dossiers préparatoires, au sein desquels figurent en bonne place les fameuses "enveloppes jaunes" où étaient consignées quantité de notations touchant notamment aux personnages du récit; les variantes et autres divergences entre les éditions successives, hormis celles de caractère purement accidentel ou technique; les indications ayant pour but d'expliquer au lecteur des passages obscurs, de lui donner aussi une information sur des aspects historiques ou géographiques référentiels, voire de langue (les mots wallons, par exemple). Autobiographie ou fiction? Quand un lecteur «entre» dans un livre, il est en effet nécessaire qu'il soit mis au courant du pacte de lecture qui l'attend. Lui sont dès lors utiles diverses indications fournies dans le texte lui-même ou par l'éditeur, soit un ensemble de précisions fixant les modalités générales de ce qui va être lu: à cet égard, le paratexte est particulièrement bienvenu. Ce recueil des écrits faisant la part belle aux souvenirs de Simenon - autour de sa centralité constituée par Pedigree - est loin d'être avare de ces portes d'entrée éclairantes. Sa préface, elle aussi, met d'emblée les choses au point qui insiste avec pertinence sur les rapports existant entre autobiographie et fiction. © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 22 February 2017 -2- Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège Autobiographique pur, autobiographique fictionnel, fictionnel autobiographique, fictionnel pur: telles sont les catégories où s'inscrivent les écrits retenus dans le présent volume. Dans la première de ces formules, proche des mémoires, prennent place Les trois Crimes de mes amis (1938) et la Lettre à ma mère (1974), donnée en appendice du volume et qui présente un portrait nuancé d' Henriette Brüll-Simenon, maman de l'auteur. Pedigree est représentatif de cette deuxième catégorie, roman qui apparaît comme la réécriture à la troisième personne de Je me souviens... (1945); tout comme, à sa manière, Les Gens d'en face (1933). Dans la troisième catégorie - la fiction autobiographique - où c'est un personnage qui raconte son passé et non le romancier, on reconnaîtra Malempin (1940) et Les Autres (1962), romans qui prennent la forme d'un journal intime. Enfin, plus ouvertement fictionnels et appartenant donc à la quatrième veine, mais tout en entretenant des rapports avec les catégories précédentes, se présentent La Vérité sur Bébé Donge (1942), Les Complices (1956) et La Chambre bleue (1964). Indépendamment de l'originalité de leur construction, ces textes ont tous à faire avec un retour sur le passé et, le plus souvent, avec l'enfance de Simenon. Il n'est donc pas étonnant que la ville de Liège, et singulièrement son quartier d'Outremeuse, y soit très présente. D'où les plans de la Cité ardente au début du XXe siècle sur lesquels se clôture le volume qui vient de paraître. Consulter le dossier Simenon, publié sur le site Culture de l'Université de Liège © Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 22 February 2017 -3-