Eloge de l`érotisme par 17 auteurs romands

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Eloge de l`érotisme par 17 auteurs romands
24Culture
Tribune de Genève | Vendredi 20 décembre 2013
Centre d’art
«Je suis un haut-parleur pour
ceux qui n’ont pas la parole»
Le Louvre restaure
Le Valais innove
Le Musée du Louvre, à Paris, lance la restauration
d’un chef-d’œuvre de ses collections, la Bethsabée
au bain de Rembrandt, qui a perdu en «lisibilité»
en raison du vieillissement des vernis.
D’un coût de 13,5 millions de francs,
le Centre d’art de la Fondation
Pierre Arnaud ouvre ses portes
dimanche à Lens (Crans-Montana).
Guy Bedos Dans son dernier spectacle, l’humoriste
français traitait de «conne» la politicienne Nadine
Morano, laquelle entend porter plainte.
DR
Peinture
OLIVIER LABAN-MATTEI/AFP
Il a dit
Littérature
Eloge de l’érotisme par
dix-sept auteurs romands
«Le dos de la cuiller», un joli recueil de nouvelles coquines et littéraires, vient de paraître
Marianne Grosjean
«Du dos de la cuillère au cul de la
douairière...» C’est cette contrepèterie de Marcel Duchamp qui a
inspiré le titre du Dos de la cuiller,
recueil de nouvelles érotiques
paru récemment. Y ont participé
dix-sept auteurs romands, dont
Antonio Albanese, Mélanie Chappuis, Jon Ferguson ou encore
Aude Seigne. L’idée est venue de
l’écrivaine suisso-canadienne
Louise Anne Bouchard, qui a contacté ses plumes romandes préférées pour les inviter à participer
au projet: «J’ai voulu réunir de
jeunes auteurs et des écrivains
confirmés autour d’un thème.»
Pourquoi l’érotisme? «Pour briser
un ghetto. La Suisse est assez
prude en la matière. Autant on
trouve des textes où s’exprime
une sexualité assez brute, comme
chez Noëlle Revaz, autant l’érotisme est peu représenté.»
Sébastien Meyer est l’un des
auteurs du recueil. Il en est également l’éditeur. Grâce à des subventions de la Ville de Genève et
du Canton de Vaud, et au petit
cachet des auteurs (chacun a reçu
100 francs pour sa nouvelle), la
petite maison d’édition lausannoise Paulette a pu publier
l’ouvrage. Ainsi, 500 exemplaires
du Dos de la cuiller sont sortis tout
chauds des imprimeries Gasser,
au Locle.
Comment le Vaudois de 25 ans
a-t-il assuré la cohérence de
l’ouvrage? «Certains textes, par
ailleurs très bons, ont été écartés,
par souci de cohésion. D’autres,
trop longs, ont dû être coupés.
Peu ont dû être retravaillés. Du
trash au sobre, les styles vont bien
ensemble.» Après l’accueil favorable de l’auditoire lors de lectures
publiques, Sébastien Meyer couve
déjà un autre projet: «J’aimerais
organiser une récitation du recueil entier, qui serait lu par quelques auteurs et des comédiens au
théâtre 2.21 à Lausanne en avril.»
«Le dos de la cuiller» Editions
Paulette, 148 pages.
Une sélection d’auteurs
passe à confesse
L’une des peintures tirées du recueil de nouvelles érotiques «Le dos de la cuiller». CATHERINE LOUIS
Bouchées gourmandes à la cuiller
U C’est vrai qu’à le voir comme
ça, tristounet dans sa couverture
grisâtre, il ne suscite pas
d’emblée l’excitation suprême.
Mais si l’on prend la peine de
s’intéresser à ses histoires, il
nous laissera bluffés, ravis du
voyage qu’il nous aura fait faire.
Le dos de la cuiller a réussi à
donner (des) forme(s) à l’érotisme en littérature. Le pari
n’était pas gagné d’avance:
difficile en effet de dégager une
harmonie générale en mixant
dix-sept récits d’auteurs, le tout
agrémenté de gravures et de
peintures de trois artistes. Et
pourtant, aussi différentes
soient-elles, ces nouvelles ne
détonnent pas les unes par
rapport aux autres. En vrac, on
y rencontre un universitaire
défrichant un texte coquin aidé
d’une belle consœur newyorkaise, deux animatrices du
téléphone rose allumant leurs
correspondants, une jeune
femme nue attendant son amant
éphémère sur un canapé, ou
encore un homme, kidnappé
pour son plus grand bien. Les
nouvelles alimentent un grand
panel de fantasmes, hétéros ou
homos, doux et épicés.
Petit coup de cœur pour les
textes des cinq auteurs interrogés (lire ci-contre), même si
beaucoup d’autres méritent
également des éloges. MAR.G
U Elle enfonce au fond de sa gorge
des boulettes de viande roulées
entre ses doigts. A chaque
bouchée, Léa se trémousse sur sa
chaise. «Je n’ai pas voulu tomber
dans le cliché de la nouvelle
érotique. J’ai essayé de construire une histoire dans laquelle
il y aurait de l’érotisme, mais
surtout de l’humour noir, et une
chute inattendue», explique la
Fribourgeoise Marie-Christine
Buffat, qui signe une nouvelle
bluffante sur une jeune femme
bien en chair qui aimait un peu
trop la viande grillée. «Les
nombreuses émissions culinaires
le prouvent, il y a quelque chose
d’orgasmique dans le plaisir de
manger.»
Je m’étais imaginé la douce
morsure du python. Le rêve.
Bouba s’était levé. Il avait crié. Il
m’avait injurié. Il m’avait maudit.
J’avais baissé les yeux. «Il faut bien
séparer l’érotisme de la pornographie», estime le Genevois
Max Lobe, dont les personnages
– un «débouté» d’origine
africaine viré d’une sous-location
à Genève et le compatriote dans
le lit duquel il trouve refuge –
sont inspirés de personnes
réelles. «Il faut d’abord maîtriser
l’histoire, avant le style.»
Il te promet pour jeudi. Il te
veut dans le lit sans un mot avant
d’avoir joui. A poil, les jambes
écartées, bien sûr. Le jour dit, tu
reçois un message à midi. La
relation d’espoir et de déception
qu’un homme entretient avec sa
maîtresse, c’est le sujet du
premier texte publié d’Anne
Perrin. N’étant pas connue
comme auteur, comment la
Genevoise a-t-elle atterri dans
l’aventure? «Je savais qu’il y avait
ce projet en route, j’ai envoyé
mon texte à Louise Anne
Bouchard, qui l’a apprécié. Ma
nouvelle est au final plus une
mise à nu qu’un texte érotique.»
Je me souviens des montées de
fièvres que j’ai connues quand,
collant l’oreille contre la porte de
la chambre à coucher de chez mes
parents, j’entendais les plaintes
interminables. Envie de vomir et,
à la fois, désir brûlant de
connaître ce marécage. «Le genre
érotique ne m’était pas familier.
J’ai revu mes classiques – Sade,
Miller, Bataille, Visconti – pour
créer mes personnages de
grands bourgeois dégénérés,
confie Antonin Moeri. J’avais
envie de raconter l’histoire d’un
inceste entre une mère et son
fils.» L’érotisme, est-ce forcément la transgression des
tabous? «L’inceste, c’est la
dégénérescence de la civilisation.
Et la mort est très proche de
l’érotisme.»
«Je suis gênée de… mais vous
êtes médecin. La sensation
descend, enfin… vers mon sexe
c’est-à-dire. A l’intérieur. Ça me
brûle.» Comment gérer la
sensation de plaisir irrésistible qui
commence à l’envahir, face à un
inconnu alors qu’elle gît les yeux
fermés, le corps engourdi? «J’avais
suivi quelques séances d’hypnose et été frappée par le fait
qu’on est à la fois conscient et
endormi. Cet état d’entre-deux,
où les images générées échappent à notre contrôle, me
semblait être le terreau idéal des
fantasmes», confie la Genevoise
Anne Pitteloud, s’empressant
toutefois d’ajouter que sa
nouvelle, racontant une séance
d’hypnose plutôt osée, est
«complètement fictive». «J’ai
veillé à mettre un peu d’humour
pour démystifier le genre.»
MAR.G
Une centaine d’artistes montrent leur travail, sans hiérarchie, à l’Usine Kugler
Art contemporain
L’exposition «Pantone K
2013» se conclut samedi
avec un programme musical
Le thème de l’exposition se voit de
loin: lorsqu’il fait nuit, la cheminée de l’Usine Kugler s’habille de
rouge. Un rouge «homologué»
Pantone K 2013, du nom de l’exposition, en référence au célèbre
nuancier. Un rouge fictif, fabriqué
pour l’occasion et qui se retrouve
dans les quatre espaces mis à disposition pour cette grande exposition de fin d’année.
Contrôle qualité
Le rouge est partout à l’Usine Kugler. JEAN-MICHEL ETCHEMAÏTE
L’Usine Kugler, cette friche
bouillonnante, fourmilière accueillant 200 artistes à l’année, a
ainsi réuni une centaine de plasticiens, bijoutiers, céramistes et
photographes. Chaque membre
de la Fédération des artistes de
Kugler était invité à présenter une
ou deux pièces de son choix. Une
quarantaine d’artistes extérieurs
ont participé sur invitation. La
contrainte pour le comité chargé
du montage? Tout accrocher, sans
sélection et sans se faire déborder
par les desiderata de chacun.
Les pièces, exposées sans hiérarchie, sont à vendre – les prix
s’échelonnent de quelques centaines de francs à 18 000 francs pour
les toiles d’Eric Winarto ou de Daniel Ybarra. «C’est fidèle à l’esprit
de Kugler. La volonté est d’accueillir le public pour lui montrer
notre manière de travailler. Le fait
de monter cette exposition ensemble, sans curateur, est aussi
représentatif de notre fonctionnement», note Maria Bill, l’une des
dix membres du comité. Pourquoi
le rouge? «Il transmet une forme
d’énergie, il peut être violent,
mais rappelle aussi le rouge de la
camaraderie. Et il évoque les festivités.» A Kugler, les styles varient.
Les couleurs flashys de Thierry
Feuz ou de Crystel Ceresa côtoient
une installation en céramique
sous forme d’autel de Claire
Mayet. Dans un couloir, des
odeurs de vin émanent de la fontaine de Bacchus d’Elisa Di Bin. Le
finissage a lieu samedi, de 16 h à
23 h, avec un concert de Lord
MaKumba (18 h 30) et une performance de Timo Kirez, sur un texte
de Heiner Müller (20 h).
Anna Vaucher
«Pantone K 2013» Ve 20 de 16 h à
19 h et sa 21 de 16 h à 23 h à
Kugler, 4bis, rue de la Truite

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