Les entretiens d`Inxauseta 2007

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Les entretiens d`Inxauseta 2007
Les entretiens d’Inxauseta 2007
Un territoire d’échanges et de débats
Inxauseta : un lieu-dit, une ancienne ferme à flanc de montagne
Inxauseta : un camping-théâtre aussi, lieu de passage et de spectacles
« Entreprises et salariés cherchent
logements »
1
Depuis plusieurs années déjà, le Théâtre des Nombreux Pâturages de Bunus accueille les
Entretiens d’Inxauseta pour aborder une question qui préoccupe, celle du logement.
Jusqu’alors, la problématique retenue était principalement celle des politiques publiques : depuis
la mise en oeuvre du droit au logement, en passant par la stratégie du renouvellement urbain, le
Plan de Cohésion Sociale, l’Engagement National pour le Logement ou les projets « logement »
des principales formations politiques pour 2007.
Mais la question du logement se décline aussi chaque jour, au travers des difficultés que
rencontrent les salariés pour trouver un logement, notamment lorsqu’ils sont jeunes, et sur
lesquelles les entreprises butent aussi souvent lorsqu’elles souhaitent se développer, élargir leur
périmètre d’action économique ou répondre aux demandes de leurs salariés.
D’autant que depuis 20 ans la texture du salariat s’est profondément transformée. Si on fait la
somme des salariés à temps partiel dont plus de la moitié sont des temps partiels contraints,
des contrats précaires (CDD, CNE…), des salariés saisonniers, des intérimaires, des chômeurs
et des salariés au SMIC ou approchant, on parle de la moitié du salariat qui, dans un contexte
de pénurie de logements économiquement ou socialement accessibles, accèdent voire se
maintiennent de plus en plus difficilement dans un logement.
Pour répondre à ces réelles difficultés, les outils d’intervention que propose le 1 % logement se
sont modernisés et adaptés à ces enjeux (création de la Foncière logement, mise en place de la
Garantie des risques locatifs, soutien à l’accession sociale à la propriété, participation forte à
l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine). Pourtant il semble que la question du logement
soit redevenue un véritable sujet de préoccupation pour nombre d’entreprises : soit parce
qu’elles ont choisi d’intensifier leur réflexion et leurs actions dans ce domaine, soit parce que
l’évolution voulue de leur métier les a conduit à élargir leurs pratiques d’action et les réponses
apportées à la satisfaction des demandes.
Les collectivités locales, au-delà des actions traditionnelles qui sont les leurs dans le domaine
de l’habitat, ont également dû adapter leurs stratégies et leurs interventions en repensant leurs
modèles de développement local et leurs réponses aux demandes des entreprises et des
salariés. Elles ont eu à intégrer la diversité des demandes, les sollicitations à l’égard de la
qualité des infrastructures scolaires, des commerces, des transports et des équipements
collectifs qui conditionnent très souvent (voire toujours) le choix de s’installer et de résider dans
une commune ou une agglomération.
Les Entretiens d’Inxauseta de 2007 vont donc cette année encore s’inscrire dans cette
démarche, qui depuis six années, a permis à chacun de mieux saisir les multiples enjeux de la
question du logement en s’efforçant cette fois de retrouver les dimensions de l’entreprise et de
l’action locale qui ont dès l’origine guidé les fondateurs du 1% logement.
Jean-Luc Berho
président d’Inxauseta
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Les Entretiens d’Inxauseta
Salariés et entreprises cherchent logements
Vendredi 24 août 2007
Propos d’accueil
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Animatrice du débat : Sophie SANCHEZ - Journaliste à La Tribune
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Introduction au débat :
Michel MOUILLART - Professeur d’économie à l’Université de Paris X Nanterre
•
Témoignages :
Bruno LACHESNAIE – Directeur de l’action sociale de la Mutualité Sociale Agricole
Daniel LASCOLS - Directeur du Fond d’Action Sociale du Travail Temporaire
Gérard LAUGIER - Conseiller confédéral logement CGT
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Intervenants
Jean-Luc BERHO - Vice-président de l’UESL
Bruno CORINTI - Directeur Général de Nexity-Logement
Etienne GUENA - Président de l’ANPEEC
Stéphane PEU - Vice-président de Plaine Commune, Président de l’OPAC de Plaine Commune
Christophe ROBERT - Directeur des Etudes de la Fondation Abbé Pierre
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Clôture :
Christine BOUTIN – Ministre du Logement et de la Ville
Propos d’accueil
Marie-Claire BASAGAIZTEGI - Adjointe au Maire de Bunus :
«Bonjour à toutes et tous, Ongi etorri deneri. Le conseil municipal et le village de Bunus
souhaitent encore une fois et avec beaucoup de plaisir, bienvenue aux entretiens d’Inxauseta.
Vous êtes chaque année plus nombreux à y assister. La presse parle de plus en plus de Bunus en
l’associant à la question du Logement. Alors sachez-le, cela est pour nous une fierté. Et pourquoi
ne pas le dire, Bunus avec ses 140 habitants, propose une dizaine de logements locatifs
conventionnés qui permettent en particulier aux jeunes de se loger dans des conditions décentes, à
des prix abordables, alors qu’ils entrent dans la vie active. Cela peut paraître dérisoire, mais en
proportion c’est important. Les entretiens de cette année portent à la fois sur l’accès au logement
et l’accès à l’emploi et au logement des jeunes. Nous serons très attentifs à vos travaux. Bon
après-midi, arratsalde on deneri. »
Sophie SANCHEZ - journaliste à la Tribune
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«Les salariés doivent être de plus en plus mobiles pour trouver un premier travail, évoluer dans
leur carrière ou simplement se maintenir dans l’emploi. Mais les prix sont tels qu’il devient de
plus en plus difficile de se loger et plus encore de changer de logement. A Biarritz, il faut
compter en moyenne de 3500 et 5800 € du m2 pour acquérir un logement. Un montant très
onéreux, voire hors de portée pour un employé, une infirmière, un policier et qui reste très élevé
pour un cadre. Comment loger l’enseignant qui gagne 1800 € net par mois ou l’employé au
guichet d’une banque qui en gagne 1300 ? Et comment peuvent-ils changer de logement ? Les
prix de l’immobilier ont baissé de 1,5% au mois de juillet, mais ils ont augmenté de 5% sur les 12
derniers mois et sont à un sommet historique. Quant au parc de logements locatifs sociaux qui
dépasse à peine les 4 millions, il n’a progressé que faiblement en 2006 avec 24 200 nouveaux
logements à l’échelon national. Les problèmes de logements sont évidemment plus aigus pour les
travailleurs saisonniers, sachant que l’on compte aujourd’hui en France, 1,6 millions salariés
saisonniers agricoles et non agricoles. A Oloron Sainte-Marie, sous préfecture des PyrénéesAtlantiques, le groupe Lindt compte une chocolaterie qui en temps normal emploie 4 personnes.
Du mois d’août à décembre, pour régaler les papilles des uns et des autres, le chiffre monte à
1200. Autrement dit, 800 personnes doivent trouver à se loger pendant 4 mois. D’une manière
générale, les salariés précaires qui sont plus de 10 millions en France, entre les salariés à temps
partiel, les salariés en CDD ou en CNE, les intérimaires et les saisonniers, sont particulièrement
sensibles aux problèmes de logement. De leur côté, les entreprises ont besoin de faire venir à
elles des collaborateurs si elles veulent se développer sur un marché local, s’étendre, se
transformer. Il faut qu’elles puissent embaucher bien sûr. Il est donc important que leurs salariés
parviennent à se loger. Je vais maintenant, et avant de passer aux débats, donner la parole à
Michel MOUILLART qui va nous camper la problématique avec le brio qu’on lui connaît. »
•
Introduction au débat :
Michel MOUILLART - Professeur d’économie à l’Université de Paris X Nanterre
Depuis plusieurs années déjà, le Théâtre des Nombreux Pâturages accueille les «Entretiens
d’Inxauseta» pour aborder une question qui nous préoccupe tous, celle du logement.
Jusqu’alors, la problématique retenue a été principalement celle des politiques publiques : depuis
la mise en œuvre du droit au logement, en passant par la stratégie du renouvellement urbain, le
Plan de Cohésion Sociale, l’Engagement National pour le Logement ou les projets « logement »
des principales formations politiques pour 2007.
Mais la question du logement se décline aussi chaque jour, au travers des difficultés que
rencontrent les salariés pour trouver un logement, notamment lorsqu’ils sont jeunes. Et ces
difficultés, les entreprises les connaissent bien, elles aussi : ce sont celles sur lesquelles elles
butent souvent lorsqu’elles souhaitent se développer, élargir leur périmètre d’action économique
ou répondre aux demandes de leurs salariés.
Afin d’expliquer les raisons de ces difficultés, il est désormais habituel d’évoquer « la crise du
logement » : cette crise que ceux qui ne peuvent accéder à la propriété ou que les niveaux des
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loyers du secteur privé ou du secteur social écartent de l’accès à un logement digne et confortable
connaissent bien et vivent durement. Pour eux, en effet :
•
•
•
trouver un logement à un prix ou à un loyer abordable est devenu un exercice
particulièrement périlleux ;
rester dans un logement ne peut se faire qu’au prix de privations qui nuisent à l’équilibre
des personnes et des familles et créent sans aucun doute de nouvelles inégalités ;
changer de logement est de plus en plus difficile, tant en raison des prix et des loyers
pratiqués que du fait de l’insuffisance de l’offre de logements.
C’est donc une crise de l’accès au logement, du maintien dans le logement et de la mobilité
résidentielle des ménages modestes ou aux revenus moyens qui s’est amplifiée et durcie au fil des
années et dont l’issue ne semble guère évidente.
Mais ce n’est pas une crise nouvelle puisqu’elle trouve ses origines dans les déséquilibres qui se
sont accumulés depuis plus d’un quart de siècle, tant en raison de l’insuffisance de la construction
que des difficultés rencontrées par la politique du logement pour mobiliser durablement et en
volume suffisant les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ses ambitionsi.
D’autant que depuis 20 ans la texture du salariat s’est profondément transformée. En faisant la
somme des salariés à temps partiel dont plus de la moitié sont des temps partiels contraints, des
contrats précaires (CDD, CNE…), des salariés saisonniers, des intérimaires, des chômeurs et des
salariés au SMIC … on recouvre près de la moitié du salariat (soit de l’ordre de 10 millions de
salariés). Et pour ces salariés, les difficultés de logement sont évidemment encore plus grandes.
Pour répondre à ces réelles difficultés, les outils d’intervention que propose le 1 % logement se
sont modernisés et adaptés à ces enjeux au cours des vingt dernières années (aide à la mobilité
professionnelle ou familiale, création de la Foncière Logement, mise en place de la Garantie des
risques locatifs, soutien à l’accession sociale à la propriété, participation forte à l’Agence
Nationale pour la Rénovation Urbaine). Pourtant il semble que la question du logement soit
redevenue un véritable sujet de préoccupation pour nombre d’entreprises : soit parce qu’elles ont
choisi d’intensifier leur réflexion et leurs actions dans ce domaine, soit parce que l’évolution
voulue de leur métier les a conduit à élargir leurs pratiques d’action et les réponses apportées à la
satisfaction des demandes.
Les collectivités locales, au-delà des actions traditionnelles qui sont les leurs dans le domaine de
l’habitat, ont aussi dû adapter leurs stratégies et leurs interventions en repensant leurs modèles de
développement local et leurs réponses aux demandes des entreprises et des salariés. Elles ont eu à
intégrer la diversité des demandes, les sollicitations à l’égard de la qualité des infrastructures
scolaires, des commerces, des transports et des équipements collectifs qui conditionnent très
souvent (voire toujours) le choix de s’installer et de résider dans une commune ou une
agglomération.
Les Entretiens d’Inxauseta de 2007 vont donc cette année encore s’inscrire dans cette démarche
qui, depuis six années, a permis à chacun de mieux saisir les multiples enjeux de la question du
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logement en s’efforçant cette fois de retrouver les dimensions de l’entreprise et de l’action locale
qui ont dès l’origine guidé les fondateurs du 1% logement.
Mais comme chaque année, avant de donner la parole à nos invités, cette introduction aux débats
va s’efforcer de tenir son rôle. En se proposant de rappeler quelques grandes données de cadrage,
elle va s’inspirer de la célèbre recommandation de Jean JAURES : « Il faut tendre vers l’idéal,
mais comprendre le réel ».
Alors, sachons préserver l’esprit d’ouverture et la cordialité des échanges auxquels le Théâtre des
Nombreux Pâturages nous a habitué par le passé et oublions la mise en garde de Pierre
DAC lorsqu’il écrivait : « Il est souvent souhaitable de la fermer avant de l’ouvrir ». Que chacun
s’exprime pour faire avancer la réflexion, loin des préventions qu’aurait pu nourrir
CRATINOSii pour qui « Les mots ne bâtissent pas des murs ». Parce que si LENINE avait pu
écrire que « Pour réussir une révolution, il faut pouvoir réunir deux conditions : il faut une
situation révolutionnaire et il faut des révolutionnaires », nous avons la chance aujourd’hui de
pouvoir remplir deux autres conditions : il y a toujours crise du logement et de fins connaisseurs
de cette question sont rassemblés ici.
1 – Les données d’un débat
C’est lors d’un changement de logement ou à l’occasion de sa création qu’un ménage va buter sur
les difficultés financières qui risquent de remettre en cause la réalisation de son projet
résidentiel : parce que le niveau des prix ou des loyers est trop élevé, parce que le niveau des
aides publiques est insuffisant pour rendre sa demande suffisamment solvable …
On peut alors estimer que chaque année de l’ordre de 3 250 000 ménages emménagent dans un
nouveau/autre logement, sans cependant être en mesure d’évaluer le nombre de projets qui n’ont
pu être réalisés : 800 000 dans le cadre de la réalisation d’un projet d’accession à la propriété
(d’après l’Observatoire du Financement du Logement /CSA/), 1700 000 dans un logement locatif
privé (en raison d’un taux de mobilité résidentielle de l’ordre de 30 % d’après CLAMEUR mais
aussi des nouveaux logements locatifs privés mis en service chaque année), un peu moins de
550 000 dans un logement locatif social (en raison d’un taux de mobilité résidentielle qui ne
dépasse que faiblement les 10 % et aussi des nouveaux logements locatifs sociaux mis en service
chaque année) et au moins 200 000 dans un « autre » logement (hôtel meublé, logés gratuit …).
Chaque année donc, près d’un ménage sur huit emménage dans un nouveau logement ou se crée.
Cette mobilité des ménages s’est élevée au cours des vingt dernières années, en dépit du
durcissement de la crise du logement : tout au plus note-t-on habituellementiii que la mobilité est
encouragée lorsque le niveau de la construction est élevé et donc qu’en période de récession des
marchés, comme cela fut le cas au début des années 90, la mobilité fléchit.
D’après l’Enquête Logement 2002 de l’INSEE, cette mobilité est associée dans à peu près 52 %
des cas à un motif d’amélioration des conditions de logement (superficie plus grande, meilleure
exposition, …), dans 19 % des cas elle s’explique par des raisons professionnelles, dans un peu
plus de 17 % des cas par des raisons familiales … et dans 12 % des cas par un « autre motif ».
Lorsque la mobilité se réalise à l’intérieur d’une même région, l’amélioration des conditions de
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logement concerne près de 63 % des cas, les raisons familiales 14 %, les raisons professionnelles
11 % et les « autres raisons » 12 %. En revanche, lorsque la mobilité se fait sur une plus grande
distance, avec changement de région, les raisons professionnelles concernent 48 % des cas, les
raisons familiales 31 % des cas, l’amélioration des conditions de logement 10 % et les « autres
raisons » encore 12 %.
D’après l’enquête « formation et qualification professionnelle » de l’INSEE, les flux de la
mobilité pour des raisons professionnelles sont composés d’à peu près 5 % d’agriculteurs,
d’artisans et de commerçants, de 15 % de cadres et de professions libérales, de 30 % de
professions intermédiaires, de 30% d’employés et de 20 % d’ouvriers.
2 – Le diagnostic des ménages.
Le diagnostic que les ménages français font alors de la crise du logement et de ses conséquences
n’incite guère à l’optimisme. Ils ont bien intégré les effets de l’insuffisance de la construction et
du déficit en logements qui en résultent : et ils expriment largement leur expérience des
difficultés et leur vécu de la crise.
Ainsi, l’enquête réalisée pour Nexity en janvier 2007iv indique que 87 % des ménages ont le
sentiment qu’il est aujourd’hui difficile de trouver un logement en France : le proportion est
même de 91 % parmi les maires. Cette difficulté est alors différemment vécue selon le type de
logement recherché :
•
•
•
•
il est difficile de trouver un logement en accession pour « seulement » 64 % des ménages
et 57 % des maires ;
mais s’il s’agit d’un logement en location, la proportion monte à 75 % tant pour les
ménages que pour les maires ;
et même à 86 % pour les ménages et 89 % pour les maires lorsque la recherche concerne
un logement locatif social
voire à 90 % pour les ménages et 93 % pour les maires s’il s’agit d’un logement
d’urgence pour les plus démunis !
Pour autant, les ménages ne se laissent pas décourager. Lorsqu’on leur demande « Comment la
question du logement devrait-elle évoluer dans les années à venir ? », ils font encore preuve
d’optimisme : en janvier 2007, 42 % des ménages estimaient qu’elle devrait plutôt s’améliorer
sur l’ensemble de la France (ils n’étaient que 32 % dans ce cas en janvier 2005), contre seulement
17 % pour plutôt se détériorer (respectivement 26 % en janvier 2005). Mais ils sont moins
confiants dans l’évolution de leur environnement immédiat : si 42 % des ménages estimaient en
effet qu’elle devrait plutôt s’améliorer dans leur ville ou leur quartier (ils étaient déjà 36 % dans
ce cas en janvier 2005), ils sont maintenant 37 % à considérer qu’elle devrait plutôt se détériorer
(ils n’étaient que 20 % en janvier 2005).
En revanche, les maires sont nettement plus optimistes que leurs administrés, et à tous les égards.
A la même question, 62 % des maires estimaient qu’elle devrait plutôt s’améliorer sur l’ensemble
de la France (ils n’étaient que 43 % dans ce cas en janvier 2005), contre seulement 11 % pour
plutôt se détériorer (respectivement 25 % en janvier 2005). Et leur détermination paraît sans faille
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lorsqu’ils parlent de leur commune : 82 % des maires estimaient qu’elle devrait plutôt s’améliorer
dans leur ville (ils étaient déjà 74 % dans ce cas en janvier 2005 !), contre seulement 3 % pour
plutôt se détériorer (respectivement 9 % en janvier 2005).
Si la réalité paraît difficile pour tous et les espoirs mesurés pour les ménages dès lors qu’ils
regardent autour d’eux, rares sont ceux qui n’en appellent pas au volontarisme :
•
•
•
d’abord, une majorité reconnaissait en janvier 2007 que le logement occupait désormais
une place plus importante dans les politiques publiques que par le passé : cela était vrai
pour 61 % des ménages (35 % pensant le contraire) et 72 % des maires (27 % pensant le
contraire) ;
72 % des ménages souhaitaient alors que dans les deux années à venir, leur municipalité
s’engage dans de nouveaux programmes de construction (24 % pensant le contraire). Et
les maires paraissent les entendre puisque 92 % d’entre eux comptent engager ces
nouveaux programmes (7 % pensant le contraire) ;
et les attentes de tous sont pressantes et précises :
1. compte tenu de la gravité de la situation, les ménages et leurs maires s’accordent
sur la nécessité de construire des logements sociaux (respectivement, 89 % et 90
%) ;
2. mais les réponses immédiates ne doivent pas être oubliées : il faut encadrer les
loyer et les prix des transactions immobilières pour 88 % des ménages et 78 % des
maires ; il faut augmenter les aides personnelles au logement pour 81 % des
ménages et 82 % des maires ; mais aussi construire d’avantage en accession à la
propriété pour 87 % des ménages et 90 % des maires ; et continuer à encourager
l’investissement locatif privé pour 78 % des ménages et 77 % des maires !
En un mot, il faut faire feu de tous bois pour contenir la crise actuelle et construire beaucoup : pas
moins de 400 000 logements par an d’ici 2015 pour maintenir le statu quo actuel et de l’ordre de
450 à 500 000 logementsv par an si on souhaite véritablement mettre en œuvre la loi DALO et
donc faire disparaître le déficit qui s’est accumulé au cours des trente dernières années.
3 – A propos de difficultés rencontrées.
3.1. Une offre nouvelle inadaptée.
La hausse des prix de l’immobilier ancien observée pendant dix années a amplifié les
conséquences de plus d’un quart de siècle d’insuffisance de la construction. Mais construire sans
produire des logements accessibles à une majorité de demandeurs, c’est être assuré du maintien
(voire du renforcement) des difficultés d’accès à un logement pour des ménages affectés par la
crise du logement. C’est aussi être certain que la mobilité résidentielle de l’ensemble des
ménages sera altérée.
Et, comme l’inadaptation du flux de la construction aux contraintes budgétaires de la demande
paraît se renforcer au fil des années, les tensions qui naissent du déséquilibre global en l’offre et
la demande (le niveau du déficit) se maintiennent et même se renforcent :
8
•
en moyenne, jusqu’en 2000 de l’ordre de 65 à 70 % des flux de la construction
concernaient des produits ciblés par des plafonds de revenus ou des loyers hors marché.
Plus précisément, cela était le cas de la presque totalité des constructions du secteur
locatif avec en outre une répartition pour moitié entre PLUS et PLAI, d’une part et locatif
« intermédiaire » ou à vocation sociale atténuée, d’autre part. Et de l’ordre de 55 % des
flux de l’accession étaient dédiés à des ménages à revenus modestes, cela autorisant une
« respiration naturelle » du parc locatif social grâce à la sortie « par le haut » sécurisée et
sur des produits de qualité et de confort ;
En % de l'ensemble de la construction
La part de la construction sous plafond de ressources (en %)
(source : modèle FANIE)
90
80
70
60
50
40
30
1994
•
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
depuis le début des années 2000, cet équilibre est rompu. Bien sûr, depuis 2006 de l’ordre
de 420 000 logements sont mis en chantier permettant de couvrir le niveau des besoins en
logement, mais jamais si peu de produits nouveaux destinés à des ménages à revenus
modestes n’auront été présentés sur le marché ! De l’ordre de 160 000 mises en chantier
correspondent à des logements qui sont attribués sous conditions de ressources et/ou à des
loyers inférieurs à ceux du marché contre près de 210 000 en 2000 : la part de ces
logements est donc maintenant de moins de 40 % de la construction. Alors que le nombre
de logements commencés destinés à des ménages qui peuvent se loger sans aide a été
multiplié par 2.5 entre 2000 et 2006, passant de 100 à 260 000 unités.
Rien d’étonnant donc à ce que les conditions d’accès à un logement se soient détériorées depuis
quelques années, pour les ménages les moins favorisés : la baisse de la construction de logements
qui sont attribués sous conditions de ressources et/ou à de loyers inférieurs à ceux du marché
représente maintenant, chaque année, l’équivalent d’une année de construction locative sociale
(une année et demie de construction de PLUS/PLAI). Depuis, 2002, la contraction de l’offre
nouvelle totale de logements destinés à des ménages à faibles ressources représente donc,
l’équivalent de 200 000 PLUS/PLAI et PLS (près de 4 années de construction de logements
sociaux au rythme de 2006 !).
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La construction sous plafond de ressources
(source : modèle FANIE)
En milliers de logements commencés
240
220
200
180
160
140
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
3.2. Des aides personnelles défaillantes.
Après 30 années durant lesquelles on n’a pas assez construit pour satisfaire les besoins en
logement, l’offre de logements est insuffisante en France pour faire face à l’ensemble des
demandes. Avec un déficit en logements qui se situe entre 850 et 900 000 unités, le risque de voir
rejeter les demandes en logement des plus pauvres, des moins bien « assurés » par leur
patrimoine ou par leur famille … et même souvent des ménages aux revenus moyens ne pouvait
qu’être considérable. D’autant que les mailles du filet de sécurité qu’aurait dû constituer les aides
personnelles au logement se sont sérieusement distendues :
•
non pas parce que le dispositif est « à bout de souffle » comme les uns ou les autres
aiment à le dire à chaque fois que la dénaturation ou la disparition d’un ensemble d’aides
est envisagée ;
•
mais parce que ce dispositif n’est plus doté des moyens nécessaires pour faire face à ce
que devraient être ses engagements. Ainsi l’effort que la collectivité consent chaque année
pour financer les aides personnelles fléchit de manière préoccupante : entre 1994 et 1999,
cet effort représentait en moyenne chaque année de l’ordre de 0.92 % du PIB. En 2006,
cet effort est tombé à moins de 0.80 % du PIB ! Pour un PIB évalué en 2006 à 1 780
milliards d’€, le recul représente plus de 2 milliards d’€ : soit encore 1/7ème de l’ensemble
des aides personnelles versées en 2006. Et aux conditions de l’année 2000, il y aurait donc
aujourd’hui 270 000 ménages bénéficiaires des aides personnelles de plus ;
10
Taux de diffusion
des aides
personnelles
parmi
l'ensemble
des locataires
(en %)
Nombre
de ménages
bénéficiaires
(en milliers)
21,6
25,1
31,0
35,0
48,4
50,2
49,4
47,8
2049,0
2470,7
3092,9
3451,0
5112,0
5463,0
5505,0
5385,0
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2006
L'effort de la collectivité en faveur des aides personnelles au logement (en % du PIB)
En % du PIB
0,90
0,70
0,50
2006
2004
2002
2000
1998
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1980
1978
1976
0,30
La part des locataires bénéficiant d'une aide personnelle au logement
40
30
11
2006
2004
2002
2000
1998
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1980
1978
20
1976
En % des locataires
50
•
aussi n’est-il pas surprenant de constater la diminution sensible de la part des locataires
couverts par les aides personnelles au logement : sans qu’il soit possible d’expliquer cela
par une meilleure aisance financière des ménages, comme cela pourra certainement se lire
parfoisvi.
4 – Des pistes de réflexion et d’action.
4.1. Les réponses institutionnelles du 1 % logement.
L’histoire du 1 % logement a montré que depuis plus de 60 ans, des défis d’ampleur avaient déjà
été relevés. Dès son origine d’ailleurs, les partenaires sociaux se sont unis dans l’action. Une
même volonté de justice et de progrès social va en effet, à un des moments les plus sombres de
notre histoire, conduire des hommes venus d’horizons très divers à relever la tête et à anticiper les
grands principes et les grands chantiers d’un nouveau contrat social. Ils combattaient dans la zone
Nord sous administration militaire de la Wehrmacht, pour « les jours meilleurs » : et ils voulaient
que ce nouveau contrat social soit fondé sur la solidarité nationale et sur une liberté économique
maîtrisée dans l’intérêt de tous comme le sera le « Programme d’action de la Résistance » adopté
par l’Assemblée plénière du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944.
Suivant cette volonté, ils avaient choisi dès 1941, en contournement des directives allemandes, de
faire verser par les caisses de compensation du textile de Roubaix Tourcoing une indemnité de
loyer : il s’agissait en fait d’ « une augmentation de salaires déguisée à une époque où celles-ci
étaient interdites », pour reprendre l’explication qu’en donnera en 1944 Albert Prouvost, « Jean
Bernard » dans la Résistance.
Cette volonté va prendre tout son sens lorsque, dès le début de l’année 1943, naît le 1 % logement
de la stratégie d’action partagée par ceux qui ont pour ambition d’assurer un habitat digne et
décent : le Syndicat Patronal textile de Roubaix Tourcoing, les unions locales (clandestines) des
syndicats ouvriers et l’Hôtel de ville (socialiste) de Roubaix ont décidé de créer le premier CIL
sous l’impulsion d’Albert Prouvost qui en devient le premier Président. Un des premiers actes du
nouveau CIL de Roubaix Tourcoing ne sera-t-il pas dès le 25 août 1943 de signer, avec
l’approbation de la Résistance unifiée, une convention cadre avec le Conseil municipal de
Roubaix définissant les conditions de mise en œuvre et de financement de la destruction des
taudis et de la reconstruction de logements salubres. Les sociétés d’HBM seront chargées de
mettre en œuvre ce projet, bénéficiant pour cela de prêts à 0.25 % sur 50 ans !
Il ne semblait donc guère possible pour les partenaires sociaux de se contenter d’un constat, celui
d’une crise du logement qui paraît sans fin et d’observer sans agir. Aussi depuis près de vingt
années déjà, ils ont multiplié les initiatives avec, par exemple :
•
•
la Convention d’objectifs relative à la PEEC en faveur du logement des personnes
défavorisées (dite Charte d’insertion sociale) d’octobre 1989,
puis la Convention d’août 1998 portant création des nouveaux emplois du 1 % et
notamment la garantie Loca-Pass qui a permis d’apporter un début de réponse à 250 000
nouveaux locataires en 2006
12
•
et enfin la Convention de décembre 2006 donnant corps à la Garantie des Risques
Locatifs qui vient amplifier les dispositifs d’accompagnement des locataires et des
bailleurs imaginés jusqu’alors, pour les ériger en outil de mise en œuvre de la solidarité
nationale.
4.2. Les actions directes des entreprises.
Mais confrontées à une crise du logement de grande ampleur et à une demande pressante de la
part de leurs salariés, un certain nombre d’entreprises ont choisi d’amplifier les dispositifs que
propose le 1 % logement.
Les employeurs sont en effet directement concernés et préoccupés par les difficultés que leurs
salariés éprouvent pour se loger. Les conséquences de la crise du logement sur le fonctionnement
des entreprises sont nombreuses : l’allongement des distances entre le domicile et le lieu de
travail sont à l’origine d’une recrudescence de l’absentéisme et d’une augmentation de la
fréquence des retards ; la multiplication des situations de logement précaire que la Fondation
Abbé Pierre détaille désormais chaque année dans son rapport sur « L’état du mal logement en
France » (nuits dans la voiture, centres d’hébergement , campings, hébergements « forcés », …)
nuit à une bonne implication des salariés dans la vie de l’entreprise et provoque des désordres
dans l’organisation de la production …
Parmi les entreprises qui ont choisi d’amplifier les actions du 1 % logement en faveur du
logement de leurs salariésvii, on peut alors identifier deux stratégies principales d’action, bien
souvent complémentaires :
•
•
le développement d’un système d’aide à l’accession à la propriété : sous la forme, très
souvent, d’une bonification des intérêts d’emprunt (une prise en charge qui peut aller
jusqu’à la moitié des intérêts dus) et aussi de l’augmentation des prêts « accession »
traditionnels accordés par le 1 % (leur doublement parfois) ;
le renforcement des dispositifs d’information des salariés et d’aide à la recherche des
logements locatifs : par la mise en réseau des offres locatives gérées dans le cadre des
réservations de plusieurs entreprises, par le développement de système intranet dédié au
sein de l’entreprise, …
5 – En guise de conclusion
La crise du logement est maintenant une réalité qui fut trop longtemps négligée, sans aucun
doute. Les conséquences dont on va évoquer quelques uns des aspects sont trop graves au plan
humain, social et économique pour qu’on tarde à y remédier : mais qui voulait bien entendre il y
a quelques années encore qu’il ne fallait pas construire seulement et simplement 300 000
logements chaque année mais 400 voire 450 ou 500 000 unités ?
Il serait facile, bien sûr, de rappeler le conseil que Francis BLANCHE n’aurait pas manqué de
prodiguer : « Il faut maintenant arrêter de changer le pansement et commencer à penser le
changement ». Il paraît essentiel de souligner que si on souhaite sortir de cette crise, il faut
abandonner la stratégie de l’économie des bouts de chandelles : d’abord parce que comme le
13
recommande le proverbe chinois : « Il vaut mieux allumer une bougie que maudire l’obscurité ».
Mais aussi parce que le niveau de l’effort budgétaire de l’Etat en faveur du logement ne peut plus
continuer à baisser, comme cela va encore être le cas en 2007, pour la septième année
consécutive.
L'effort budgétaire de l'Etat en faveur du logement
1,5
En % du
1,4
1,3
1,2
1,1
1,0
1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007e
Le moment tant attendu est donc venu où chacun va s’exprimer sur ces questions, mais avant de
ce faire permettez-moi simplement de vous citer les quelques mots de Robert OPPENHEIMER
qui nous rappellent le sens de cette rencontre : « Pour réaliser de grandes choses, il ne faut pas
être au-dessus des hommes, mais parmi eux ».
Sophie SANCHEZ : « Pour ouvrir le débat je vous propose de dresser d’abord un état des lieux.
Stéphane PEU, vous êtes le vice-président de Plaine Commune, une communauté
d’agglomérations de Seine Saint-Denis. Les salariés qui habitent dans votre ville trouvent-ils
aisément ou avec difficulté à se loger ? »
Stéphane PEU - Vice-Président de Plaine Commune, Président de l'OPAC de Plaine Commune
« Bonjour, très rapidement d’abord, Plaine Commune regroupe 8 villes du Nord parisien ; des
villes qui ont toutes entre 35 et 75% de logements sociaux, donc une partie de la Seine SaintDenis extrêmement populaire et un grand site industriel puisque la Plaine Saint-Denis c’est
depuis la moitié du XIXème l’un des plus grands bassins industriels d’Europe. Pendant longtemps,
les salariés de ce bassin industriel habitaient Saint-Denis et ses environs. Quand il y a eu la grave
crise de la fin des années 70, le départ de la chimie, de la machine-outil, il y a eu ce désert
industriel de 700 Ha qu’est la Plaine Saint-Denis. On a engagé une reconquête économique avec
beaucoup d’arrivée d’industries ou d’économies tertiaires mais aujourd’hui on assiste à quelque
chose qui est assez symptomatique du séparatisme social qui est à l’œuvre aujourd’hui en région
parisienne ou dans les grandes métropoles : chaque matin les habitants de Saint-Denis vont
travailler dans 800 villes différentes de la région Ile-de-France dans des métiers ouvriers ou de
basse qualification. Et chaque matin, les gens qui travaillent dans les bureaux de Saint-Denis
14
viennent de 850 villes différentes de la région parisienne pour occuper des emplois tertiaires de
techniciens ou d’ingénieurs.
Tout ce monde-là se croise mais ne vit pas ensemble. Et c’est sans doute l’un des principaux défis
qui nous est posé. Comment dans la reconquête économique du territoire ne pas être
monothématique tertiaire et disposer d’une diversité d’emplois qui correspond à la diversité des
qualifications des gens qui vivent dans notre territoire. Comment faire pour que les jeunes en
profitent et que la reprise économique du territoire ne renvoie pas à un train qui passe devant les
cités sans jamais s’arrêter et éviter de continuer à voir que, malgré les programmes ANRU et les
politiques de la ville menées depuis des années, des taux de chômage soient maintenus à 40/45%
dans des sites où s’implantent des sièges tertiaires. La crise des banlieues en novembre 2005 a
exprimé cela à sa manière.
A contrario, comment faire pour que les salariés des nouveaux sièges sociaux, des nouveaux
laboratoires de recherche qui s’installent sur les territoires ne viennent pas seulement consommer
de l’emploi, si je puis dire, mais vivre ce territoire. Et là, il y a un travail à faire à la fois sur le
terrain de la reconquête économique et sur la question de l’habitat. On a sans doute de ce point de
vue là, des partenariats qui sont insuffisants ou en tous cas qui sont à repenser avec le monde du
1% parce que l’on voit bien que c’est tout le salariat et tout le mode de travailler qui ont changé.
On doit, les villes, les bailleurs, le monde du 1% repenser notre intervention pour essayer de faire
des villes qui soient mixtes pas au sens social du terme mais au sens d’être capable de faire
cohabiter sur un territoire à la fois les fonctions du travail, de l’habitat et dans chacune de ces
fonctions une diversité d’emplois et de salariés. C'est cela l'enjeu auquel nous sommes
confrontés. On a un schéma de cohérence territoriale que l’on a baptisé très rapidement, une
urbanisation en quatre quart, et ce n’est pas un atavisme breton du Président de l’Agglo qui
s’appelle Braouzec ou moi-même qui suis originaire de Saint-Brieuc, qui nous a amené à orienter
le schéma d’urbanisme selon la règle des quatre quarts. Il s’agit plutôt d’essayer de passer d’une
conception d'une ville qui a souvent séparé les fonctions à un territoire où : un quart soit dédié à
l’habitat, un quart dédié aux activités économiques (tertiaires ou activités plus traditionnelles), un
quart aux espaces publics (espaces verts et espaces publics) et un quart aux équipements
(commerciaux ou publics, écoles crèches et autres équipements nécessaires pour les habitants ou
salariés d’un territoire).
On entend comme cela relever ce défi, même si les préventions sont nombreuses, notamment
dans le monde de l’entreprise qui vient sur un territoire qui ne lui est pas habituel et qui a un peu
de mal à dialoguer et à jouer le jeu du partenariat. Mais j’ai envie de dire que la pénurie de
logements qu’a décrite Michel MOUILLART est presque un effet d'aubaine, parce que jusqu’à
présent, quand on s’adressait aux entreprises et que l’on signait des chartes « donnant-donnant »
(on a signé 150 chartes entre l’agglo et les entreprises), on disait aux entreprises : « qu’est-ce que
vous attendez du territoire ? » Ils nous répondaient : « de la sécurité, de la vidéosurveillance, que
les poubelles soient mieux ramassées, plus de propreté sur les trottoirs » (surtout du lundi au
vendredi, le reste on s’en fout un peu). Et en retour nous, on leur disait : « emploi, insertion,
etc. ».
Aujourd'hui quand on va voir une entreprise pour signer une charte avec le territoire, ils mettent
toujours la sécurité, le transport et la propreté dans la liste des choses qu’ils nous demandent mais
cela a été relégué derrière la première question sur laquelle ils nous interpellent, celle du
15
logement. La pénurie aidant, c’est devenu un grand problème pour la gestion des ressources
humaines, pour la mobilité, pour toutes les raisons évoquées par Michel MOUILLART. On sent
bien qu'il y a là, un effet d'aubaine, si on peut dire, pour essayer de faire que les préventions à
l’égard d’un territoire stigmatisé puissent enfin conduire à ce que l’on ait des entreprises qui
jouent davantage la carte du territoire, pas seulement en y implantant leur siège social dans des
locaux neufs moins chers et plus adaptés que ceux qu’ils occupaient précédemment à Levallois
ou à la Défense, mais aussi dans un territoire qui présente des atouts de par la qualité des gens qui
y vivent et le dynamisme de sa jeunesse, mais aussi pour leurs salariés parce que ce sont des
endroits à vivre et en devenir. »
Sophie SANCHEZ : « Christophe ROBERT vous êtes directeur des études de la Fondation Abbé
Pierre. Aujourd’hui on a l’impression d’être confronté à une sorte de paradoxe. Hier il pouvait
être difficile de se loger si on n’avait pas d’emploi, mais aujourd’hui il peut être difficile de se
loger même si on a un emploi. »
Christophe ROBERT - Directeur des Etudes de la Fondation Abbé Pierre
« Bonjour, je voudrai dire à quel point je suis honoré d’être présent dans ce magnifique lieu et
d’avoir été invité à ces débats dont je connais la qualité. Ce qui m’a été plus particulièrement
demandé par les organisateurs, c’est de relever les éléments qui, au travers de nos travaux de
recherche ou des remontées des associations qui travaillent au côté de la Fondation Abbé Pierre,
montrent les difficultés qui lient la question de l’emploi avec celle du logement.
Il faut dans un premier temps signaler que ces difficultés sont croissantes. L'emploi n'est plus, et
il est important de préciser que cela n’a pas toujours été le cas, une garantie suffisante pour avoir
un logement. Ce constat remet en cause le contrat social et les modes d’intervention de nombreux
acteurs du champ social. C’est le cas par exemple du secteur de l’insertion par le logement, des
centres d’hébergement qui avaient l’habitude de dire aux personnes qu’ils accompagnaient :
« trouvez un emploi et nous vous aiderons à trouver un logement ». Cette réalité n'est plus
d'actualité et vient modifier en profondeur la lecture des processus d’exclusion et de réinsertion.
On assiste en réalité à un double mouvement qui pénalise fortement les ménages. D’un côté on se
confronte à une fragilisation et une précarisation des ressources, évolution décrite précédemment
par Michel Mouillart. Et de l’autre, on assiste à une crise du logement, notamment de l’offre de
logement à loyer accessible qui fait que, même des catégories qui étaient autrefois protégées
parce qu’elles étaient insérées socialement et économiquement, se voient confrontées au marché,
rencontrent des difficultés pour se loger quand bien même elles bénéficient d’un emploi stable.
Cette situation nous préoccupe beaucoup à la Fondation Abbé Pierre. Pourquoi ? Parce que
l’élargissement des publics touchés par la crise du logement et la précarisation des ressources, fait
qu’en bout de chaîne, par un effet domino, les publics les plus défavorisés sont poussés encore
plus loin de situations dignes de logement. Le logement est un marché et dans le contexte actuel
de pénurie, la concurrence est exacerbée. Les solutions que trouvaient les ménages fragilisés pour
se loger, même si elles n’étaient pas toujours totalement satisfaisantes, font aujourd’hui l’objet
d’une forte concurrence avec les nouvelles victimes de la crise et repoussent toujours plus loin les
publics en grande difficulté vers des formes dénaturées de mal-logement que nous avons
qualifiées cette année dans notre rapport annuel de « non logement » (cabanes, campings, taudis,
locaux commerciaux transformés en plusieurs unités de logements…).
16
On assiste donc à une rupture du contrat social, à un élargissement des publics touchés par la
crise et un effet domino pour les plus fragiles. On observe également que des gens considérés
comme SDF ont parfois un emploi (c’est le cas d’1/3 des ménages hébergés en structures
collectives). Certes, la plupart d’entre eux disposent d’un emploi précaire. Mais ce qu’il faut
retenir c’est que vous pouvez bénéficier d’un emploi et vous retrouver exclu du logement, d’où
l’inquiétude des français, et je reviens sur le sondage évoqué tout à l’heure, qui affirment
« pouvoir un jour se retrouver à la rue ». Même si ce sondage doit être apprécié avec nuance dans
la mesure où les processus qui conduisent à la rue sont complexes et souvent le fait d’une
pluralité de facteurs, ce sentiment traduit bien malgré tout à quel point les ménages en France ont
intégré le risque que fait peser sur leur avenir la crise du logement.
D’un autre côté on observe que le logement devient un frein pour l'emploi. On sait déjà ce que
peuvent produire les difficultés de logement sur le quotidien des ménages. C’est le cas
notamment d’arbitrages financiers aux dépens des dépenses d’alimentation, de santé parce que le
loyer et les charges grèvent de façon exponentielle le budget. On sait et, Stéphane Peu l’a évoqué,
ce que produisent l’éloignement géographique et l’augmentation des trajets domicile/travail sur la
fatigue, sur la santé. On sait également que le surpeuplement dans le logement produit de l’échec
scolaire et d’importantes tensions familiales etc.
Par contre on sait moins que les problèmes de logement constituent un frein à l’accès ou à la
mobilité dans l’emploi. C’est le cas notamment des populations discriminées qui rencontrent
d’importantes difficultés pour trouver un emploi simplement parce qu’elles habitent tel ou tel
quartier stigmatisé et de ce fait sont perçues comme des publics « potentiellement à risque ». On
voit aussi dans certaines situations que c’est le choix du logement qui pilote celui de l’emploi. Je
pense par exemple à une assistante sociale que nous avons interviewée à Grenoble et qui nous
disait : « J’en ai marre d’avoir vu régresser ma situation et d’être cantonnée dans un studio pas
plus grand que celui que quand j’étais étudiante et de ne pas avoir de perspective dans les années
à venir. » Elle a alors regardé du côté de Clermont-Ferrand, sachant que les loyers étaient un peu
moins chers et s’est dit « je vais chercher un logement là-bas, puis je chercherai un emploi ». On
observe aussi que cette situation de crise peut freiner les mobilités professionnelles. Certains ne
vont pas accepter tel poste ou telle mutation parce qu’ils préfèrent maintenir leur situation de
logement et craignent de se confronter au marché sur un autre territoire. On voit aussi des jeunes
freiner leurs projets d'études tout simplement parce qu’ils constatent qu’ils n’auront pas les
moyens de se loger et risqueraient de se retrouver soit dans une cave en guise de logement, soit
dans une camionnette comme nous avons pu le voir dans des parkings à proximité de certaines
grandes universités françaises.
Ces réalités remontent aussi par le biais des entreprises de plus en plus inquiètes pour leurs
salariés. Une entreprise du fleuron français a récemment interpellé la Fondation Abbé Pierre en
lui demandant : « que pourriez-vous faire pour nous ? Figurez-vous que l’on a des accidents de
travail de plus en plus nombreux sur les chaînes de fabrication, que l’on constate une fatigue
importante de nos salariés notamment les plus jeunes. On a alors mené l’enquête pour
comprendre ce qu’il se passait et l’on s’est aperçu que certains de nos salariés dormaient un jour à
l'hôtel, un jour chez un copain, un jour dans la voiture, un jour à 100 kms de leur lieu de travail et
l’on n’avait aucune possibilité de logement à leur offrir. » Certaines entreprises nous disent même
qu’elles rencontrent d’importantes difficultés à pourvoir les emplois qu’elles proposent du fait de
l’insuffisance de logements sur leur territoire d’implantation. Des entreprises vont voir les maires
17
pour leur dire : « Ecoutez, si vous voulez que je me développe, que je continue à exercer mon
activité chez vous, il va falloir que vous me trouviez des solutions de logements. » Je ne crois pas
que l’on ait connu une telle situation depuis longtemps. Paradoxalement cette situation est
susceptible de provoquer une prise de conscience. Certains territoires commencent à se dire que
la priorité numéro 1 c’est désormais le logement. Ils avaient d’abord mis en priorité la relance
économique, mais se sont aperçus que l’absence d’offre de logement à proposer aux salariés allait
à l’encontre du développement économique.
On déplore depuis de nombreuses années une véritable dissociation entre le traitement des
problématiques de l’emploi et celles du logement. Il est pourtant devenu urgent de lier les deux
dynamiques. Les programmes locaux de l’habitat doivent mieux intégrer les besoins liés au
développement économique des territoires et inversement, les stratégies de développement
économique doivent davantage se préoccuper de la question du logement. Peut-être qu’une
approche croisée permettrait de faire passer un cap à la crise du logement. En intégrant davantage
ces deux problématiques, on pourrait sans doute, par le biais des territoires, accroître et adapter
l’offre de logement aux besoins locaux.
Dans une telle hypothèse, reste malgré tout différents écueils qui, à la Fondation Abbé Pierre,
nous semblent majeurs. Le premier tient à l'inégalité entre les territoires. Si les communes veulent
rester attractives, il faut qu’elles investissent, défiscalisent et incitent les entreprises à s’installer
ou se développer, notamment dans un contexte d’accélération des départs à la retraite. On se
confronte donc à une importante et croissante concurrence entre les territoires qui n’est pas
favorable aux collectivités qui sont d’ores et déjà les moins biens loties. Nous avons présenté
l’année dernière une étude sur la péréquation des ressources des collectivités locales. Dans cette
course, cette compétition à la compétitivité économique mais aussi à la production de logements
pour répondre à ces besoins de développement économique, le risque est que ce soient encore les
mêmes territoires qui soient pénalisés. Seule une intervention forte de l'Etat en matière de
meilleure péréquation est susceptible d’inverser cette tendance. Il existe des dispositifs de
péréquation (en particulier la DSU) mais ils sont largement insuffisants et il me semble que cette
question devrait pouvoir faire l’objet d’une importante réflexion, peut-être autour de cette table ?
Si on arrive à mener une politique intégrée du logement et de l’emploi, une deuxième inquiétude
majeure reste entière, celle de la ségrégation spatiale et des problèmes d’assignation à résidence,
face auxquels il est devenu aujourd’hui urgent d’agir. On sait à quel point la crise du logement
provoque un fléchage d’un certain nombre de ménages vers des quartiers bien spécifiques, des
zones urbaines sensibles, territoires de regroupement des populations fragilisées socialement et
économiquement. Si vous avez tel revenu, telle situation, voire, telle couleur de peau, c’est là-bas
que vous devez habiter et une fois que vous y êtes, vous devez y rester. Sans doute, ce problème
pose t-il la question de la mobilité professionnelle et résidentielle, mais il doit aussi conduire à
une réflexion sur le développement de ces territoires. Souvent on entend dire : « attention de ne
pas faire encore davantage de discrimination positive vers ces territoires ; on a déjà beaucoup
dépensé pour ces quartiers sans véritables évolutions majeures… » Mais quand on fait la
corrélation entre les investissements, les services et équipements publics, l’offre de santé ou de
transports et le nombre d’habitants, on s’aperçoit rapidement que l’on ne se trouve pas face à une
discrimination positive mais simplement face à une nécessité de remettre à niveau ces quartiers
par rapport aux autres quartiers des communes considérées ou aux autres communes de
l’agglomération (sans parler du fait qu’il faudrait sans doute en faire plus compte tenu du fait que
18
sont regroupés dans ces quartiers les ménages les plus fragiles). Il y a sur ce registre à notre sens
une véritable inquiétude qui devrait constituer une priorité des politiques publiques à venir.
Enfin, je pense que les entreprises comme les maires, se confrontent de plus en plus à une
nouvelle réalité : l’absence d’offre de logements à loyer accessible. Le gouvernement nous a
beaucoup dit ces dernières années avoir produit comme jamais depuis 20 ans. Et il est tout à fait
exact que nous sommes entrés dans une période de relance puisque les objectifs comme la
production effective de logements sont au rendez-vous. Néanmoins, quand on regarde les
logements qui sortent de terre, on s’aperçoit d’un décalage considérable avec la demande sociale.
Quand vous êtes maire, responsable d’une collectivité et que vous voyez que 7 à 8 demandes sur
10 dans vos permanences concernent le logement, vous savez que quand bien même on assiste à
une relance de la production, les loyers des logements existants ou de ceux qui sortent de terre ne
correspondent pas à la demande sociale. Donc je crois que la priorité pour les années à venir
porte sur inflexion de la nature des logements produits qu’il s’agisse des types de logements
sociaux financés (quid de la montée des PLS dont les loyers sont inaccessibles à la grande
majorité des 1 300 000 demandeurs de logements sociaux), des dispositifs de défiscalisation qui
font parfois, sans contreparties sociales suffisantes, sortir des logements sur des territoires où la
demande est faible et à des loyers parfois supérieurs au marché local ou encore l’accession à la
propriété (la part des accédants disposant de moins de 3 Smic ayant baissé ces dernières années).
Il importe donc d’enrayer ce processus en investissant massivement vers une production de
logements à loyers accessibles. Et en ce qui concerne les processus de ségrégation territoriale, il
est devenu indispensable d’investir massivement dans les 750 zones urbaines sensibles, sans
quoi, la crise des banlieues que nous avons connue à l’automne 2005, risque bien de resurgir.
Créer de l’emploi dans ces zones est devenu urgent, de même que l’est devenu la nécessité de
développer les équipements, les services publics, les transports et de repenser l’offre scolaire dont
on sait qu’elle contribue fortement à la spécialisation spatiale. Mais cela n’empêche pas la
responsabilité des autres territoires de produire une offre de logements à loyers accessibles et
notamment de logements locatifs sociaux. Je reviens à ce propos sur la loi SRU que tout le
monde connaît. Il est totalement inacceptable que seulement 1/3 des communes la respecte
aujourd’hui et que sur 750 communes soumises à cette loi, 150 n’ont rien construit depuis 5 ans.
Je pense qu’il faut investir dans les quartiers en difficulté, mais qu’il faut parallèlement créer les
possibilités d'une meilleure mobilité et inciter à une meilleure répartition des logements
accessibles pour s’orienter vers une véritable diversité sociale dans l’habitat, laquelle est seule en
mesure de conduire à une diversité sociale dans nos territoires. »
Sophie SANCHEZ : « Gérard LAUGIER vous êtes conseiller confédéral logement à la CGT.
Maintenant le logement devient un frein pour l’emploi comme l’a montré Christophe Robert. Estce effectivement ce qui vous remonte de vos adhérents. »
Gérard LAUGIER - Conseiller confédéral logement CGT
« Sur ce qui vient d’être exposé, effectivement, cela rejoint largement ce que les adhérents
expriment en termes d’exigences revendicatives. Le logement devient aujourd’hui une
préoccupation essentielle de nos organisations syndicales. Au-delà de cette affirmation, il me
semble quand même nécessaire de donner un peu l’appréciation qu’a la CGT de la situation dans
laquelle on se trouve aujourd’hui. Je ne vais pas me lancer dans une énumération exhaustive des
19
besoins en matière de logements, je n’ai pas le talent de Michel MOUILLART pour le faire, et
puis cela a été très bien expliqué par Mr ROBERT. Je voudrais insister et m'en tenir à deux
données fortes pour situer le niveau des défis qui sont à relever.
Près de la moitié du salariat est confronté à des difficultés d’accès et de maintien dans le
logement, cela a été dit, de même que l’on est confronté à un déficit de l’ordre de 900 000
logements, dont 600 000 logement sociaux ou économiquement et socialement accessibles. Ces
deux données expriment de façon brutale le niveau de la crise économique et sociale et celle du
logement qui sont des crises qui s’entremêlent et se nourrissent et au bout fabriquent de la misère
et de l’exclusion. C’est à cette situation que nous avons à faire face et à laquelle nous devons
essayer ensemble, d'apporter des réponses chacun à son niveau de responsabilité. Cependant,
malgré le caractère convivial et le cadre bucolique et magnifique dans lequel nous débattons, je
ne peux me résoudre à éviter de situer les responsabilités de cette crise, et ce serait, à mon avis,
une erreur politique dans la mesure où cela limiterait la portée de nos débats, voire en
édulcorerait même le sens.
Le déficit en logements et singulièrement en logements sociaux, Mr MOUILLART l’a dit, c’est
le résultat de trois décennies consécutives d’un désengagement de l’Etat dans la production de
logements. Parallèlement, le développement de l’aide à la personne, est devenu une aide sociale
massive qui a contribué paradoxalement au surenchérissement des loyers et du foncier. C'est une
réalité forte et incontournable. S’attaquer à réduire ce déficit, c’est s’atteler à inverser les données
du problème. Il y a évidemment d’autres leviers sur lesquels il faut que l’on intervienne. Mais
d’abord et avant tout, pour la CGT, il nous paraît nécessaire d’affronter les problèmes
structurants de la crise du logement en recréant une dynamique de l’offre. A notre sens, cela
ressort de la responsabilité de l'Etat qui est le garant du droit au logement.
Sur les questions économiques et sociales, si l’on s’en tient au seul constat qui est fait d’ailleurs
dans l’invitation que vous avez eue, que depuis 20 ans, la texture du salariat s’est profondément
transformée, on peut laisser accréditer, semble t-il, l’idée que ce serait le résultat d'une sorte
d'évolution naturelle de la société, laquelle serait confrontée à la globalisation et aux lois du
marché qui sont les ressorts des sociétés modernes, comme certains libéraux le prônent dans bien
des journaux et ailleurs. En gros, finalement, ce serait la faute à personne et à tout le monde. Au
risque d'agacer un peu le MEDEF, je crois nécessaire de remettre les choses à leur place et
surtout de bien situer ces responsabilités.
En la matière, les entreprises n’en sont pas exemptes. Les entreprises ont tout fait pour modifier
la structure du salariat. Elles ont bénéficié du concours des gouvernements qui se sont succédés
pour rendre ce salariat plus adaptable encore aux exigences de la production et en réduire les
coûts au nom de la sacro-sainte rentabilité financière exigée par les actionnaires. Elles l’ont fait
au détriment de l’emploi productif et de l’efficacité économique et sociale dont notre pays a
pourtant besoin. Cela vaut pour toutes les entreprises y compris les PME-PMI voire les TPE qui
sont la plupart du temps de façon directe ou indirecte, sous-traitantes des grands groupes,
soumises aux lois de la concurrence, contraintes elles aussi de réduire leurs coûts de production
pour espérer survivre. Cette responsabilité là, en matière de structure du salariat, pèse lourd sur
l’accès au logement. Sans parler des délocalisations, des productions et des destructions massives
d’emplois que cela génère. Plutôt que de mettre en place des instruments de régulation du
marché, l'emploi est devenu aujourd’hui la seule variable d’ajustement.
20
De son côté, l’Etat n’est pas en reste. L’emploi public est soumis lui aussi aux réductions
budgétaires imposées par l’Union Economique comme si les politiques publiques, les dépenses
publiques, les services publics et les réponses aux besoins sociaux pouvaient être soumis aux
mêmes critères de rentabilité financière que les entreprises. Nous estimons que ce n’est pas de
cette manière qu’il faut aborder ces questions. Quand on mesure l’ampleur et le niveau de la
pauvreté, de l’exclusion, du mal logement dans notre pays, comment ne pas considérer qu'il y a
bien mieux à faire pour organiser et garantir la cohésion sociale, la solidarité nationale, que de
réduire l’efficacité et les capacités d’intervention des instruments de mise en œuvre des politiques
publiques.
Tout cela pèse aussi de façon directe et indirecte sur les possibilités d’accès au logement. En
matière de logement, les syndicats n'ont pas ménagé leurs efforts et leurs interventions pour faire
évoluer le 1%, pour l’adapter en permanence aux exigences nouvelles de l’évolution de la
société. Malgré nos différences voire nos divergences et les aléas de la vie sociale et de l’action
syndicale, nous avons toujours su préserver notre unité et avancer des propositions communes
des cinq confédérations en matière de logement. Et je dois aussi dire que fort de cette unité, nous
avons, avec le MEDEF dans le cadre d'un partenariat original dans la situation actuelle, non sans
quelques frictions, mais dans le respect mutuel réciproque, nous avons pu et su construire
ensemble les évolutions du 1% pour mieux répondre aux besoins des salariés. C’est avec cet état
d’esprit et dans cette démarche, que nous avons pu contractualiser avec l'Etat sur les conventions
dont on aura l’occasion de reparler. Il en va ainsi d’ailleurs de la convention dite du 10% pour
toutes celles et ceux en difficulté, dont nous avons fêté le dixième anniversaire en la renouvelant
et en recherchant à l’améliorer aussi dans le cadre de la convention signée en décembre 2006. La
mobilisation des partenaires sociaux ne s'est jamais relâchée sur ces enjeux. Cette convention
permet aujourd’hui d’apporter des réponses et des solutions aux travailleurs saisonniers en
finançant des logements spécifiques, aux travailleurs migrants, aux jeunes travailleurs dans le
cadre de foyers ou résidences hôtelières, aux salariés en difficulté en développant des aides
adaptées.
Ces engagements sont certes limités au regard de l’ampleur des problèmes mais ils sont à la
mesure des moyens du 1% qu’il doit aussi répartir sur d’autres actions. Je veux parler de sa
contribution au financement du logement social, de sa contribution aux politiques de
renouvellement urbain, au développement des produits et services aux ménages, comme le
LOCA-PASS, le PASS-travaux et les autres produits que vous connaissez bien, mais aussi de la
création de la Foncière Logement pour proposer une offre nouvelle dédiée aux salariés. Et enfin
le PASS-GRL, présenté publiquement le 12 juillet et qui sera j’en suis sûr au cœur de nos débats
aujourd’hui et qui inscrit encore plus le 1% dans une démarche d’intérêt général comme réponse
à une exigence de solidarité nationale. La GRL va surtout permettre de surmonter les barrières
discriminantes que rencontrent les salariés pour accéder au logement.
J'ai eu l'occasion de le dire mais je veux insister sur la question de la prise en compte de
l’exigence de solidarité nationale. Le 1% à lui seul, a triplé dans les 5 dernières années ses
investissements dans l’aide à la production de logements sociaux. Cela fait de lui le premier
pourvoyeur d'aide à la pierre, même si on peut discuter les chiffres, ce qui devrait pourtant être du
rôle de l'Etat. Il faut essayer de réfléchir à trouver des solutions pour faire en sorte que les salariés
trouvent des logements, puissent y accéder plus facilement, dans la plus proche proximité de leur
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emploi, et à des niveaux de loyers compatibles avec leurs salaires. Des loyers qui se sont envolés
dans la dernière période, dans le même temps que le pouvoir d’achat des salariés et des pensions
ont reculé. Il faut prendre le temps de débattre de cette question. Il faut aussi prendre le temps de
débattre sur la question des coûts de la construction qui conditionnent le niveau des loyers. Il y a
des régulations à inventer mais je ne vais pas rentrer dans les questions techniques. On a besoin
effectivement que les salariés trouvent du logement à proximité de leur emploi, et de pouvoir
compter sur une ressource humaine diversifiée, qualifiée, et localement de proximité. »
Sophie SANCHEZ: « Daniel LASCOLS, vous représentez le Fond d’Action Sociale du Travail
Temporaire, un outil intéressant mis en place par les partenaires sociaux de la branche du travail
temporaire pour répondre aux besoins des salariés intérimaires. Pouvez-vous nous décrire les
actions menées par le FASTT et nous dire si les entreprises de travail temporaire soutiennent vos
actions ? »
Daniel LASCOLS - Directeur du Fond d'Action Sociale du Travail Temporaire
« Réponse très rapide à la question : elles le soutiennent d’autant plus qu’elles le financent. Le
FASTT est un dispositif mis en place par les partenaires sociaux de la branche du travail
temporaire et qui est financé par les entreprises de travail temporaire qui ont d’ailleurs
l’obligation de financer ce dispositif. On peut situer très rapidement ce qu’est le FASTT et ce
qu’il fait : répondre aux besoins spécifiques des salariés temporaires cela veut dire bien sûr
répondre aux besoins en matière de logement. Mais aussi faciliter l’accès aux crédits, l’accès à
l’emploi, au travers des missions de travail temporaire, notamment en traitant des obstacles à la
mobilité, des obstacles liés à la problématique de garde d’enfants par exemple. En d’autres
termes, on peut dire que le FASTT contribue au déploiement d’un statut professionnel autour du
salarié intérimaire, au travers d’actions dans ce sens ou sur une complémentaire santé ou encore
en apportant des aides pour la scolarité et les vacances des enfants… Pour situer les enjeux en
termes de volume, les intérimaires ce sont 2 millions de personnes chaque année qui réalisent une
mission de travail temporaire. Cela représente 600 000 équivalents temps plein. Pour faciliter
l’accès au dispositif du FASTT, il existe un dispositif de numéro gratuit qui permet de traiter
chaque année de l’ordre de 400 000 appels d’intérimaires.
En ce qui concerne les enjeux relatifs au logement, le FASTT travaille en étroite collaboration
avec le 1% Logement tout en déployant des outils spécifiques et complémentaires pour tenter
d’aller encore plus loin et traiter des enjeux spécifiques. Quelques éléments pour préciser la
nature des difficultés qui sont à traiter. Les salariés intérimaires sont pour moitié des jeunes de
moins de 30 ans. On voit bien que l’on a affaire à des personnes qui sont à la fois dans des
problématiques d’insertion, de début de parcours professionnel et de début de parcours logement,
terme que l’on peut peut-être se permettre d’utiliser ici. Il y a aussi bien sûr, parmi le public des
salariés temporaires, des gens dans les autres tranches d’âges qui sont en transition
professionnelle, qui cherchent au travers du travail temporaire, un emploi durable, et un certain
nombre de personnes qui sont en réelles difficultés par rapport à l’emploi, qui sont confrontés à
des difficultés sociales et qui recoupent parfois le public concerné par les actions des
organisations caritatives.
En volume, que représente cette problématique du logement ? Ce sont 200 000 personnes, on l’a
mesuré au travers d’une étude faite par l’institut BVA en septembre 2006, qui sur une année sont
en situation de recherche de logement, tout en occupant un emploi au travers d’une mission de
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travail temporaire. Cette même enquête nous révèle que sur ces 200 000 personnes, 15%
parviennent à trouver un logement. On voit l’écart énorme. Les difficultés sont simples à analyser
mais on va quand même les rappeler. Il y a bien sûr des personnes pour lesquelles la faiblesse des
revenus leur permet difficilement d’assumer la charge d’un loyer dans le contexte actuel du
marché. Il y a ceux, très nombreux, dont les revenus et même leur régularité de fait, leur
permettraient d’accéder au logement mais qui sont victimes d’une forme de discrimination du
seul fait que leur activité professionnelle s’exerce par le biais de contrats de travail temporaire.
On peut donc avoir une double discrimination pour rejoindre les éléments de discrimination
évoqués tout à l’heure. Il y a de fait un a priori négatif pour les bailleurs d’une façon générale.
Une bonne partie des salariés qui rentrent sur le marché du travail par ce moyen là ou y
retrouvent un nouvel ancrage, sont dans un parcours d’insertion professionnelle positif,
ascendant. On peut même souligner, parce que ceux là non plus ne sont pas exemptés par rapport
à la recherche de logements, qu’il y a une certaine proportion de salariés intérimaires qui sont des
vrais professionnels de l’intérim (environ 15%), qui refusent des CDI parce qu’ils, de par leurs
qualifications, peuvent exercer leur activité avec sérénité sous cette forme là.
Sur un autre plan de l’analyse, il est intéressant aussi de souligner, comment ceux qui trouvent un
logement le trouvent-ils ? Près d’un sur trois trouve une réponse dans le logement social. Ce
dernier joue son rôle. Un sur deux le trouve au travers de la mise en place d’un bail avec un
particulier qui loue en direct. La différence entre les deux, il reste un petit sixième, ce sont ceux
qui passent par les administrateurs de biens ou les agences immobilières. Nous sommes
absolument persuadés que cette voie est insuffisamment ouverte. Ce que l’on constate c’est que
l’a priori négatif est encore renforcé dans ce cas-là. Il y a un constat objectif, qui n’est pas un
jugement de valeur de ma part : dès lors qu’il y a un intermédiaire, qui apporte d’ailleurs une
vraie valeur ajoutée, et loin de moi l’idée de la contester, cela a tendance à rigidifier les
conditions d’accès. Pourquoi ? Parce que l’intermédiaire est dans une logique économique
structurée et a donc tendance à industrialiser ses « process ». Dès lors qu’on industrialise on a du
mal à rentrer dans des approches un peu plus au cas par cas. L’intermédiaire a aussi besoin d’être
en situation de pouvoir justifier formellement à son mandant des choix qu'il fait. Si un particulier
qui loue en direct assume son propre risque, il n’acceptera jamais que le professionnel à qui il a
confié son bien, lui réponde un jour qu’il a eu des difficultés particulières. C’est une réalité
objective qu’il nous faut tenter de traiter. En tout état de cause, un des besoins majeurs est celui
de la sécurisation.
Venons-en aux actions conduites. Pour continuer à répondre à la question posée tout à l’heure, il
faut dire que les entreprises de travail temporaire intègrent cette question dans leur politique
sociale, puisque le FASTT est porteur de la politique sociale des entreprises de travail
temporaire ; cette problématique logement est dans les statuts du FASTT. Les entreprises traitent
de cette question en apportant bien sûr leur contribution financière au 1% Logement, au titre de
l’effort de construction. On est dans la posture des allumeurs de bougies, pour rebondir sur ce que
disait Michel MOUILLART tout à l’heure. On ne va pas transformer la face du monde mais on
essaie d’agir et on obtient des résultats. Premier constat : ce que l’on a noté c’est que parmi les
intérimaires qui sollicitent l’appui de nos services, 25% d’entre eux trouvent un logement et c’est
toujours mieux que 15%. On a là un indicateur très clair et objectif. Alors qu’est-ce que l’on fait
et qu’est ce que l’on s’apprête à faire : première priorité, on essaie de valoriser les outils du 1%
Logement. On a travaillé de façon particulière avec les organismes du 1% Logement, autour de
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l’outil LOCA-PASS qui était notre outil privilégié jusqu’à aujourd’hui, pour en faire une
promotion active, et travailler avec les professionnels du 1%, avec les collecteurs pour trouver les
moyens d’en faciliter le plus possible l’accès.
Au-delà des outils du 1% Logement, on tente de compléter la boîte à outils, notion qui me paraît
importante parce que l’on pense qu’il n’y a pas de solution miracle. Il faut arriver à cumuler un
certain nombre d’outils aux salariés temporaires pour les accompagner dans leur recherche.
Première initiative en œuvre depuis un an pour commencer à aborder en première intention cette
problématique de l’accès à l’offre gérée par les administrateurs de biens : on subventionne le
salarié intérimaire pour qu’il ait moins d’hésitation à tenter de solliciter les agences immobilières.
Au travers de cela, et c’est très intéressant depuis que l’on a mis en place ce dispositif, on a déjà
près de 2000 agences immobilières qui se sont inscrites dans ce dispositif et qui ont accepté à un
moment de traiter une candidature en intérimaire en recevant le paiement des honoraires d’agence
par le FASTT ; autre intérêt de la démarche : pour toute personne en mobilité résidentielle,
pouvoir à la fois faire appel aux services des professionnels en la matière sans trop grever son
budget, c’est bien sûr un plus appréciable.
Comment aller plus loin encore ? On est en plein dans l’action. Depuis avril 2007, on
expérimente une action d’accompagnement personnalisé dans la recherche de logement. On
utilise aussi le terme de coaching, qui veut bien dire ce qu’il veut dire parce que
malheureusement on ne trouve pas le logement à la place du salarié intérimaire. On fait en sorte
que le salarié dispose d’un maximum d’outils pour être le plus efficace possible dans sa
recherche. Que sont ces outils ? D’abord, une logique de coaching au travers d’entretiens
téléphoniques, de diagnostics qui durent entre 30 et 45 minutes. Au travers de ce coaching et de
ce travail de diagnostic, on est en mesure aujourd’hui de qualifier le type de recherche des
salariés intérimaires. Ce qui d’ailleurs pour l’avenir est susceptible d’intéresser les professionnels
du logement pour leur faciliter la tâche d’une façon générale. Ces outils prennent aussi la forme
d’une logique de kit de candidature. Ce n’est peut-être pas grand-chose mais cela apporte un vrai
plus visant à aider le salarié intérimaire à constituer le plus efficacement possible sa candidature
et à la rendre la plus convaincante possible pour le bailleur. Ce kit contient un outil original, qui
est un résumé d’activités professionnelles. Cela répond bien aux besoins spécifiques de personnes
qui pourraient, si on leur demande leurs feuilles de paie des trois derniers mois, avoir à présenter
une pile assez impressionnante. Cela leur permet, au travers d’un seul document, de valoriser
auprès du bailleur, d’avoir une vision de la régularité de l'activité professionnelle. On lui donne
aussi des exemples de lettres types qui peuvent soutenir sa recherche. Dans ce kit on a aussi un
outil de communication pour valoriser les outils de sécurisation du bailleur. Très concrètement,
autour du LOCA-PASS, on met en place un outil de valorisation de ce dernier baptisé
« passeport », sachant que bien sûr, le PASS-GRL va devenir un outil privilégié pour nous dans
ce sens là. Petit aparté sur les contrats d’assurance GRL : ils constituent pour nous un outil
privilégié pour compléter cette palette. Et d’ailleurs, nous nous apprêtons à faciliter le
développement de cette solution dans la mesure où nous allons équiper chaque salarié
intérimaire, en recherche de logement, d’une solution clé en main. Bien sûr le bailleur peut
s’adresser au marché, aux assureurs avec lesquels il est en relation, mais il pourra aussi prendre
connaissance de la possibilité de souscrire à une garantie des risques locatifs au travers des
documents que pourra lui confier l’intérimaire et que nous aurons élaborés pour lui en lien avec
un assureur partenaire. La suite c'est que l'on est toujours en recherche active aujourd’hui sur des
possibilités de partenariat avec l’ensemble des acteurs spécialisés ; à bon entendeur salut.
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En conclusion et en synthèse, ce qui nous semble important de souligner, c’est que,
indépendamment de l’impérieuse nécessité de développer l’offre, surtout une offre socialement
accessible comme cela a été dit, on a la conviction qu’aujourd’hui on peut faire quelque chose.
On peut agir avec plusieurs petites bougies et l’on constate que pour avoir un effet, il faut
démultiplier les outils. C’est ce concept de boîte à outils que nous privilégions, considérant qu’il
n’y a pas de solution magique pour pouvoir répondre à la diversité des situations des intérimaires
et aussi à la très grande diversité des bailleurs, sociaux, privés et leurs mandants. En conclusion,
au travers de cette approche pragmatique, on n’oublie pas l'idéal qu’on nous rappelait tout à
l’heure au travers de Jean Jaurès, mais on essaie aussi de comprendre le réel et d’agir
concrètement sur le terrain. »
Sophie SANCHEZ : « Merci. Les entreprises de travail temporaires sont donc actives. Mais les
entreprises de manière générale se saisissent-elles suffisamment du problème du logement ?
Sont-elles suffisamment impliquées et, par ailleurs, font-elles remonter, à l’image de PSA, des
difficultés en la matière ? Etienne GUENA, vous représentez le MEDEF, pouvez-vous réagir ? »
Etienne GUENA - Président de l'ANPEEC : Agence Nationale pour la Participation des Employeurs à
l'Effort de Construction
« Comme cela a été déjà été dit, je crois qu’il existe un lien ténu entre l'emploi et le logement. Ce
lien est multiple, varié, divers, permanent, plus ou moins aigu selon les périodes et les régions.
Les problématiques s’avèrent donc complètement différentes, mais ce serait nier l’évidence que
de dire que ces deux phénomènes sont distincts. Gérard LAUGIER a dit que le libéralisme était
une chose affreuse. Pour ma part, je ne porte pas de jugement, mais fait un constat : nous vivons
dans ce paradigme. Même si l’on ne peut pas dire que la France connaît un système purement
libéral, D’ailleurs, dans tous les systèmes économiques, partout dans le monde, l’existence de
mécanismes de correction dans le domaine du logement est obligatoire. Ainsi, dans tous les pays
développés, on retrouve des systèmes d’aides au logement pour différentes catégories de
population qui ne peuvent trouver le bien qu’elles souhaiteraient du fait de salaires insuffisants.
C’est un fait et c’est ce qui explique notre présence ici. Avec l’existence d’organismes HLM, de
CIL, du FASTT, des réflexions de la Fondation Abbé Pierre … nous sommes dans cette espèce
de zone grise comprise entre ce que le système économique ne permet pas d’avoir directement et
ce qu’il faudrait pour que tout aille bien. Avec les moyens dont nous disposons, nous essayons
tous de compenser l’écart. Idem à l’échelon des territoires, entre les politiques du logement et les
politiques des entreprises.
J’ai écouté avec attention M. PEU et j’ai trouvé ce qu’il disait très juste. A la Foncière Logement,
nous passons, vous le savez, des conventions avec les EPCI de France et de Navarre. Or que
constatons-nous ? Que les demandes des collectivités locales, qui s'expriment par le biais de ces
conventions, diffèrent, voire divergent, selon les périodes, l’emplacement, leur situation.
Certaines disent : « nous souhaitons que vous privilégiez le logement des entreprises qui
s'implantent sur notre territoire », d’autres : « nous voulons que vous logiez en priorité des
priorités ceux qui travaillent sur la commune ou l’agglomération et qui n’y ont pas encore trouvé
de logement. » Tout ne pouvant âtre simultanément priorité, il faut bien choisir. Dans certaines
communes, on va nous dire : « nous voulons produire beaucoup plus de logements parce que dans
notre PLH sont inscrits 1.500 logements PLUS-PLAI-PLS par an, mais nous ne sommes pas
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capable de les faire. Ce qui compte, c’est qu’ils soient construits. Nous en aurons de toute façon
l’usage parce que toutes les priorités pourront s’y engouffrer ».
Les entreprises vivent au milieu des collectivités locales, elles vivent le problème du logement de
leurs salariés, d’autant qu’elles ne peuvent se développer si elles ne peuvent pas loger.
L’entreprise est obligatoirement concernée, c’est le deuxième aspect qui a été brièvement
développé par Monsieur LASCOLS. C’est l’aspect « politique sociale » au sein de l’entreprise,
où intervient le 1%-Logement, dont on parle beaucoup aujourd’hui. Pour ma part, je vois cela
depuis un peu plus de 20 ans maintenant. Selon l'intensité de la crise du logement… ou de la non
crise du logement d’ailleurs, qu'ont mis en avant les entreprises ? Lorsque ne se manifestaient pas
de problème aigu de logement dans leur zone, elles ont néanmoins fortement affirmé que le
logement étant un élément de la politique sociale de l’entreprise, elles souhaitaient conserver le
1%-logement. Et puis, au cours ces dernières années, alors que la crise du logement sévit, elles
ont pu dire, je reprends l’expression : « profitons en, on a besoin de nous, ce qui est plus agréable
que lorsqu’on n’a pas besoin de nous ». C’est ça un peu l’idée fondamentale, et beaucoup de CIL
présents dans la salle savent bien qu’il y a 15 ou 20 ans, on se posait des questions sur la réalité
de notre rôle. Nous n’avons jamais baissé les bras parce qu’il restait quand même beaucoup à
faire. Aujourd'hui ce n’est plus une question que l’on se pose. On se demande plutôt comment
continuer à répondre à cette demande colossale et multiforme de logements. C'est notre rôle à
nous, partenaires sociaux, et au sein de l’UESL avec la totalité des CIL, de régulièrement adapter
ce que nous pouvons proposer aux entreprises sur la base de différentes analyses, par exemple
celles portant sur la demande de logements, que les CIL font sur l’ensemble de la France et qui
nous montrent l’intensité et la nature des besoins selon les régions. Ce que nous avons apporté,
nous partenaires sociaux, c'est le virage de 1997-1998, où nous avons mis en place nos deux
dispositifs d’aide principaux : les prêts patronaux en faveur de l’accession à la propriété et les
prêts aux organismes HLM, sachant qu’à l’époque les entreprises ne voulaient plus de ce dernier
parce que les organismes HLM proposaient des logements pas toujours bien gérés, pas toujours
bien situés et présentant un environnement jugé aussi peu satisfaisant que peu propice à
l’épanouissement du salarié. Les choses ont bien changé aujourd’hui et la question ne se pose
plus dans ces termes là. Les entreprises font montre d’une recherche quasi effrénée de logements
locatifs sociaux pour répondre à la demande de leurs salariés, à leur besoin de développement, à
leur situation sociale. L’entreprise se mobilise extrêmement rapidement et puissamment en cas de
problème ou d’urgence sociale (femmes battues, situation de divorce). Tous ceux qui gèrent les
CIL savent que, dans ces cas, il s’agit d’une demande pressante, qu’immédiatement ce problème
de logement devient grave pour l’entreprise et qu’il faut le régler tout de suite, en plus d’un
quotidien qui est extrêmement lourd. Nous avons donc adapté nos dispositifs, depuis 1997-1998,
en créant toute une gamme de produits, sans le savoir, car cela s’est fait progressivement. Le
LOCA-PASS, le PASS travaux, le SECURI-PASS, le MOBILI-PASS, le PASS-GRL et puis La
Foncière. En somme, si je puis le dire ainsi, au-delà de la réponse quotidienne que nous apportons
aux entreprises, il y a d’une part, la réponse sociale, interne, immédiate et la réponse économique,
qui se traduit par un salarié disposant d’un logement. De la chambre en centre d’hébergement
jusqu’à un logement PLI, la réponse apportée est large.
Mais nous proposons aussi, et cela est plus difficile à faire comprendre aux entreprises, une
réponse plus collective. L’ANRU a déjà été évoquée ici. Il me semble que si le 1%-logement
n’avait pas été là, et pas seulement les financements qu’il met à disposition, mais aussi les
hommes qui le gèrent, il n’y aurait jamais eu d’ANRU. Ce système a été inventé par le 1%26
Logement, lors de la convention qui a crée la Foncière Logement. Car c’est nous qui avons dit à
l’Etat : nous sommes prêts à vous donner tant d’argent parce que la démolition-reconstruction des
grands ensembles (on n’appelait pas encore cela du renouvellement urbain) est un vrai sujet
républicain, qui intéresse les entreprises. Parce que même s’il ne s’agit plus strictement du
logement des salariés, ça y touche, puisqu’au travers des réservations locatives dans ces
ensembles, nous ne rendons pas très heureux les salariés qu’on y loge. Il faut donc améliorer ces
situations. C’est ainsi que j’ai vendu le projet au MEDEF, en parlant d’attractivité des territoires.
Parce qu’une entreprise implantée dans une région sait qu’il est peu satisfaisant d’y relever de
grands ensembles devenus des zones de non droit, ou qui sont en tout cas des zones fléchées,
difficiles à vivre, connaissant une concentration des difficultés. Lorsqu’on explique aux
entreprises qu’on va prélever une partie du 1%-Logement pour le donner sous forme de
subventions à des fins de requalification de ces quartiers, sans qu’il y ait de contrepartie directe,
ce n’est a priori pas gagné. Lorsque la seule chose que l'entreprise peut dire, c’est : « grâce à moi
vous avez un meilleur logement ici ou là », c’est plus diffus. Mais même sur un sujet de cette
nature, l’entreprise plus sociétale ou l’entreprise citoyenne réagit assez bien à ce type de discours.
Elle comprend très bien que c’est un emploi du 1%-Logement qui est positif. Nous le lui avions
vendu en disant qu’il ne s’agissait pas de ripoliner pour la millième fois, enfin, j’exagère, pour la
troisième fois, un immeuble dont on n’allait rien changer sur le fond, que c’était un vrai projet
puissant, important etc. C’est encore une dimension supplémentaire dans l’intérêt que les
entreprises portent au 1%-Logement, qui nait de l'adaptation du système à la demande de ces
mêmes entreprises et si je puis dire, on est entre nous, on peut être un petit peu fier de temps en
temps, d’un peu d’anticipation que l’on a pu parfois avoir dans le 1% Logement et avec plus de
facilités d'adaptation que dans d'autres secteurs. Pourquoi ? Parce que l’on a fait le choix d’une
politique conventionnelle avec l’Etat et que cette politique, il faut être honnête, marche bien
lorsque l’Etat respecte la règle du jeu. Nous proposons beaucoup de choses, qui sont toujours
acceptées par l'Etat car elles sont novatrices et ne nécessitent pas énormément de temps entre la
conception et l’application. On signe une convention avec l’Etat après en avoir longuement
débattu certes, mais ensuite on a toute l’infrastructure à disposition, avec les CIL sur l’ensemble
du territoire, au travers du partenariat avec les organismes HLM qui nous permettent de mettre en
œuvre des politiques extrêmement puissantes, rapides et efficaces dans des quantités de
domaines.
C’est comme cela que nous intervenons aujourd’hui, et je note qu’il y a une réconciliation ou une
réappropriation du 1%-Logement par les entreprises. A mon avis, elle tient de ces deux
phénomènes : à la fois l’importance du sujet d’un point de vue économique et le fait que l’on a
été capable de proposer via le 1% Logement une gamme de produits, témoignant d’une capacité
d’adaptation vraiment considérable. Et, pour reprendre les termes du célébrissime professeur
MOUILLART, je ne sais pas si nous connaissions une situation révolutionnaire, mais ce sont des
révolutionnaires qui nous ont permis de conduire cette transformation complète du 1%Logement. Voilà ce que m’inspiraient déjà votre question et les différents débats. »
Sophie SANCHEZ : « Pour poursuivre sur le 1%, le monde agricole vient de se doter de son
propre 1%-logement. Cela se fait à petits pas, mais il reste que c’est un dispositif intéressant.
Monsieur LACHENAIE vous êtes le sous directeur de la caisse centrale de la Mutualité Sociale
Agricole, pouvez-vous nous parler un peu du 1%-agricole ? »
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Bruno LACHENAIE - Directeur de l'Action Sociale de la Mutualité Sociale Agricole
« Il est plus effectivement agréable de parler du 1%-agricole ici qu’à Paris. Quelques mots sur le
salariat de l'agriculture, qui représente un million et demi de salariés. Parmi eux, 250.000 salariés
d’organismes professionnels –banques, assurances, mutualités, chambre d’agriculture- qui ne
connaissent pas de problématique spécifique. Puis 400.000 salariés permanents rattachés à la
production et à la transformation. Beaucoup d’entre eux bénéficient de petits salaires et
rencontrent des problématiques d'accès au logement social qui rejoignent très largement ce qui a
été dit depuis le début de la table ronde. Il reste enfin 800.000 à 900.000 salariés saisonniers,
parce qu’il n’y a pas que les salariés des vendanges, castration de maïs, etc. ! On oublie trop
souvent l’autre moitié des saisonniers, ceux dont les contrats s’enchaînent souvent dans
l’arboriculture, dans le maraîchage. Et l’évolution de ces secteurs d’activité que vous connaissez
sûrement, notamment le maraîchage qui est passé du plein champ à la serre, fait que maintenant
les périodes de l’année en travail saisonnier atteignent deux, trois, quatre, cinq mois, voire plus.
On estime que 300.000 à 400.000 salariés relèvent de cette situation et si certains d’entre eux
sont des salariés résidentiels, c’est à dire qu‘ils logent sur place ou à proximité, beaucoup restent
des salariés saisonniers mobiles, qui enchaînent des contrats sur plusieurs régions. Parmi ces
salariés mobiles, qui sont plusieurs centaines de milliers, certains vivent des situations de
logement qui vont du pire à l'abominable bien souvent. »
Sophie SANCHEZ : « En quelque sorte, ce sont des intérimaires du monde agricole. »
Bruno LACHENAIE : « Exact. Certains passent d’ailleurs par des agences d’intérim dans
certains secteurs d’activités. Bien évidemment, quelques professionnels font des efforts, car ils
ont eu, à un moment donné, les capacités d’investir dans le logement sur l’exploitation et se sont
aperçus que, lorsqu’ils offraient des conditions de logement de qualité ou acceptables, les
saisonniers revenaient. De ce fait, ils n’avaient aucun problème à organiser leur activité et leur
production d’une année sur l’autre. Mais c’est une minorité. De fait, il existe plusieurs freins sur
moyen/long terme à la production de logements pour les salariés saisonniers.
Il s’agit d’abord de freins d’ordre économique. Il faut quand même arriver à équilibrer les
opérations de production de logements, alors que ces derniers ne vont être occupés que 4 ou 5
mois dans l’année. On a testé la plurifonctionnalité d’un logement, c’est-à-dire que le logement,
utilisé 4 ou 5 mois dans l’année par un saisonnier agricole, pourrait être utilisé par un salarié du
tourisme ou par des jeunes en stage. C’est une bonne idée sur le papier, mais confronté à la réalité
de terrain, on a 1 chance sur 1.000 de trouver la configuration idoine. On constate donc bien une
sous-occupation, qui tend à rendre les opérations déficitaires. La plupart de ces opérations de
production de logements ne sont pas éligibles aux aides publiques, y compris celles de l’Anah,
aux aides à la pierre, puisqu’il ne s’agit pas de résidence principale pure et qu’on est souvent dans
du meublé. Par ailleurs, on relève aussi des problèmes de mobilisation des financements des
professionnels, dans des secteurs d’activités comme l’arboriculture, qui connaît des aléas
climatiques, des aléas économiques. Les agriculteurs font une bonne année, ils se disent qu’ils
vont investir et puis l’année suivante, la conjoncture ressort mauvaise et on reporte. Tout cela fait
que les freins économiques sont importants, d’autant que la faiblesse des rémunérations et des
salaires dans le saisonnier agricole -entre 1 et 1,2 SMIC- obère les capacités contributives des
salariés.
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Le deuxième type d'obstacles est de nature sociopolitique. Très peu de collectivités territoriales,
communes, EPCI ou Conseil Généraux, s’avèrent prêts à porter une opération, même en cas de
besoin fort et récurrent d’une année sur l’autre sur leur territoire. Elles considèrent que c’est
d’abord un problème professionnel et que c’est aux professionnels de résoudre leurs problèmes
avant de venir frapper à la porte des collectivités territoriales.
Le troisième type d’obstacles est réglementaire. J’ai déjà évoqué les aides à la pierre, mais il y
existe aussi des problèmes en matière d’aides à la personne. Les délais de carence, notamment la
carence du premier mois pour les allocations-logement, sont un problème. Ce n’est pas le seul,
même si l’on observe des assouplissements. Tout le système des aides à la personne a été conçu
au cours d’une période où la stabilité dans l’emploi et dans le logement était la règle, or ce n’est
plus le cas. Ce qui fait que notre système d’aides publiques, vieux maintenant de plusieurs
décennies, a du mal à s’adapter. Il le fait petit à petit, mais il faut bien avouer qu’on a des
difficultés à faire rentrer du carré dans du rond.
Quelles sont les perspectives pour essayer d’améliorer la situation ? Tout d’abord, vous l’avez
évoqué, le 1%-agricole créé cette année. 2007 est la première année où les entreprises du secteur
agricole vont cotiser pour le logement de leurs salariés. La cotisation sera perçue début 2008 et
commencera à produire des effets à partir de 2008. Néanmoins, quelques bémols sur cette bonne
nouvelle. Premier bémol, la mise en place de ce système a suscité quelques réactions parmi
certains d’entre vous, les partenaires sociaux du secteur agricole s’étant mis d’accord pour que les
entreprises cotisent à partir du seuil de 50 salariés. Quand on sait que 9 entreprises sur 10 dans ce
secteur emploient moins de 50 salariés, on comprend les interrogations. Néanmoins, de gros
effectifs vont cotiser. Deuxième bémol, c'est un dispositif tout nouveau. Tout ce que vous avez
expliqué a propos du 1%-logement, tout ce qui a été mis en place notamment dans la dernière
décennie avec la gamme de produits mutualisés, cela n’existe pas aujourd’hui dans le secteur
agricole. Il n’y a pas de mutualisation interne et, a fortiori, pas de possibilité aujourd’hui de
mutualisation externe. Ce qui est toutefois intéressant, c’est qu’à terme, quand le secteur agricole
aura mutualisé en interne un certain nombre de prestations, ces dernières pourront être
mutualisées avec les prestations du secteur de l’industrie et du commerce.
Aujourd’hui, nous en sommes au point de départ, on voit bien l'étendue des problématiques
abordées et à traiter. La principale bonne nouvelle, c’est qu’enfin le logement dans le domaine
agricole fait l'objet d’une mobilisation et d’un engagement. Engagement d’abord des pouvoirs
publics, puisqu’il me semble que sans cet engagements des pouvoirs publics, du ministère, les
partenaires sociaux auraient continué à tourner en rond sur cette question-là. Mais aussi
engagement des partenaires sociaux agricoles, qui auront à se créer cette culture que vous avez
visiblement entre partenaires sociaux des services, du commerce et de l’industrie sur le logement.
Un second élément d’espoir mérite d’être évoqué. Après le début du dialogue et de la culture
commune sur cette question là, nous avons initié avec le Ministère du logement, le Ministère de
l’Agriculture, la MSA et l’ANAH, un nouveau dispositif. Il fait suite à une étude réalisée par la
Fondation de la Recherche Sociale que je tiens à votre disposition si cela vous intéresse,
cofinancée par la MSA et la DATAR, sur le logement des saisonniers agricoles. Elle montrait
qu’il n’y avait pas de solution tout faite. Ce n’est pas une révolution. En revanche, elle soulignait
l’existence d’un outil qui paraissait bien adapté pour inciter et mobiliser les employeurs, parce
qu’assorti d’un certain nombre d’incitations et de soutiens. Il s’agit du Programme d’Intérêt
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Général ou PIG saisonnier agricole. Nous avons pu accompagner un programme pilote dans le
Tarn et Garonne, il est en train de produire 150 logements bien situés pour saisonniers. Dans cette
expérience, nous avons regardé ce qui marchait, là où il fallait déroger, voire sur déroger,
notamment aux règles de l'ANAH. Et je tiens à le souligner ici, je ne sais pas si des représentants
de l’ANAH sont dans la salle, mais l’Agence a vraiment joué le jeu. Elle a ainsi accepté de
déroger, voire de sur déroger, à ses règles, notamment sur le statut de résidence principale, sur le
temps minimal d’occupation dans l’année. En faisant sauter ces obstacles, nous en sommes
aujourd’hui, à la suite d’un appel à projet, à retenir dix PIG saisonniers agricoles qui comportent
tous des dérogations assez importantes, voire fondamentales, aux règles habituelles. Ça, c’est la
bougie. Si ces 10 PIG qui démarrent prochainement fonctionnent bien, nous essayerons d’intégrer
ces dérogations dans les règles de l’ANAH, mais aussi dans celles qui sont du ressort de la
DGUHC, pour parvenir à un dispositif un peu plus pérenne et plus facilement reproductible.
La pratique montre qu’il faut toujours un bon diagnostic en amont de ces PIG. Car ce n’est pas
évident de bien identifier ce qui relève d’un besoin de mobilité et de transport de salariés, et ce
qui relève d’un besoin de logement sur place. Je mets vraiment en garde là-dessus. Nous avons
reçu quelques projets locaux qui, bien partis, ont capoté parce que le besoin était en réalité mal
identifié. Par ailleurs, il faut absolument qu’il y ait une structure porteuse. Comment avons-nous
procédé ? Dans nos dix PIG, nous avons retenu à ce poste trois EPCI, trois conseils généraux et
quatre chambres d’agriculture, alors qu’il n’était pas évident au départ, voire même plutôt exclu,
qu’une chambre d’agriculture puisse être à la maîtrise d’ouvrage d’un programme d’intérêt
général. Dans certains cas, il a fallu que ce soient les Chambres qui s’en saisissent. Il faut encore
que les professionnels se mobilisent. Là c’est le cas, on a réussi à ce que les agriculteurs
employeurs de main d’œuvre se mobilisent. Enfin, il faut qu'il y ait autour de la structure porteuse
tout un environnement favorable. La MSA, par exemple, à un rôle à jouer : faire en sorte que
toutes les petites mesures qui vont accompagner le projet et permettre qu’il soit de bonne qualité
tout en restant équilibré, fonctionnent. Nous sommes bien là dans une logique de projet de
développement territorial.
Je suis donc heureux de m’exprimer ici au nom de la MSA. Il y a trois ou quatre ans, personne
n’aurait parlé des salariés agricoles dans une table ronde comme celle-là. Aujourd’hui, nous
avons des choses à vous dire, même si nous sommes plus au début qu’à la fin d’une histoire. »
Sophie SANCHEZ : « Pour poursuivre sur les solutions, les bougies que l’on peut allumer, les
promoteurs immobiliers ont aussi leur rôle à jouer. Bruno Corinti est le directeur général de
Nexity logement. Nexity a été clef-de-voute d’expériences intéressantes avec les communes du
Touquet et de Chambéry, pour faciliter justement l’accès des travailleurs au logement. »
Bruno CORINTI - Directeur général de NEXITY
« Avant de rentrer dans ces exemples, précis et modestes par leur taille, sachez que nous
disposons déjà de toute une panoplie d’outils qui permettent de produire des logements à faible
coût pour loger les salariés les plus modestes. Les zones ANRU ont été évoquées tout à l’heure.
Pour nous c’est une vraie réalité. Plusieurs centaines de logements ont déjà été vendus par nous,
promoteurs, qu’il s’agisse de Nexity ou d’autres promoteurs. Dans notre production à venir sur
les deux prochaines années, plus de 2.000 logements sont identifiés en zone ANRU. C’est une
des solutions pour baisser significativement le prix de revient global du logement, en jouant sur le
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foncier et sur les coûts de travaux, puisqu’il y a effectivement un problème de production, mais
aussi et d’abord un problème d’adéquation de la production avec ce que les clients, notamment
les plus modestes, recherchent. A titre commercial, cela nous intéresse au premier chef puisque
c’est là que se trouve la masse de clientèle la plus importante pour nous. Ce n’est pas simplement
avec un souci social, mais aussi sous l’angle de l’intérêt commercial que nous regardons ces
secteurs et que nous travaillons pour coupler ensuite sur ces zones ANRU du démembrement
foncier, afin de pouvoir bénéficier et de la diminution de la TVA et de la disparition temporaire
de l’impact foncier sur le prix de revient. Je pense que c’est une des pistes les plus intéressantes.
Les premières expériences développées tant à Lyon-La Duchère qu’à Metz-Borny nous
démontrent que les gens qui habitent dans ces quartiers sont contents d’y habiter, contrairement à
ce que l’on pourrait croire et que la clientèle prépondérante de nos programmes vient de ces
quartiers. S’ils ne s’y trouvaient pas bien, je ne pense pas qu’ils passeraient du statut de locataires
à celui de propriétaires. Nous parvenons aussi à faire venir dans ces quartiers des gens qui n'y
sont pas aujourd'hui. Entre l’image qu’on peut en avoir, notamment l’image médiatique, et la
réalité du terrain, il y a donc souvent une différence positive. Le premier paramètre, c’est ainsi
l’aide des partenaires sociaux et de l’Etat.
Et puis il y a aussi un paramètre dans lequel je crois beaucoup, c’est tout ce qui peut se passer au
l’échelon des collectivités territoriales, sans avoir recours au réglementaire ou à légiférer, mais
simplement en essayant de mobiliser le bon sens de ces collectivités en partenariat avec celui des
opérateurs promoteurs. En l’occurrence, c’est le cas dans les villes touristiques où les prix
ressortent généralement élevés. Quelqu’un évoquait Biarritz tout à l’heure, on parle aussi des
stations de sports d'hiver ou balnéaires. Dans ces communes, on observe un effet de ciseaux assez
remarquable puisque les prix sont très élevés alors que la main d’œuvre qui doit travailler dans
les hôtels et occuper les emplois du tourisme dispose de revenus souvent modestes et doit se
résoudre à habiter de plus en plus loin. Ce phénomène est tout à fait flagrant dans les stations de
sports d’hiver, où les trajets sont importants en termes de distance, mais aussi en termes de durée
puisqu’ils sont effectués sur des routes de montagne.
Le maire du Touquet nous a fait part d’une telle problématique. Nous recherchions du terrain et il
nous a dit : « des terrains pour les opérations touristiques, où les volets seront fermés la plupart
du temps, on en produit et on en produira encore, mais j’ai un vrai souci pour loger des gens qui
travaillent. » Nous avions un terrain en vue, nous savions quels étaient les prix que cette clientèle
pouvait accepter, et évidemment, au prix du marché libre, il n'y avait pas d'équation possible. La
ville nous a proposé un terrain, à un prix relativement modeste, moins de 100€ le m2 de SHON,
en contrepartie de quoi nous nous engagions à lancer la commercialisation, au sein de la mairie,
d’un projet à prix maîtrisé. Par ailleurs, les ménages candidats à l’accession d’un de ces
logements ne devront ne pas dépasser un niveau de revenus qui est celui du prêt à taux 0 majoré
de 20%, donc assez large, ne pas habiter à plus de 30 Km du Touquet et travailler dans cette
même commune. Vous le voyez, il n’est pas question de réglementaire ici. On a simplement
réussi à partir d’un effort de la collectivité locale sur un terrain dont elle disposait, pour mettre en
œuvre un programme avec un prix maîtrisé. Il est également encadré d’une clause antispéculative en sortie, c’est-à-dire que les gens qui achèteront dans ce programme ne pourront pas
revendre avant un certain délai, sauf pour en cas de force majeure –divorce, changement de lieu
de travail etc. Il ne fallait pas que l’effort de la collectivité en termes de foncier profite au
particulier qui revendrait avec une forte plus-value dans les quelques années qui suivent. Ce sont
des outils et des conventions que l'on a mis au point dans ces communes.
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On parlait tout à l’heure de Plaine Commune. Nous avons lancé des opérations similaires sur
Saint-Ouen, sur Nanterre, toute ville où la municipalité avait la volonté de maîtriser ses prix de
sortie et, cette fois, pas uniquement sur des terrains qui leur appartenaient, mais aussi sur des
terrains privés. Elles avaient « l’outil » pour le faire, même s’il s’agit d’une utilisation un peu
restrictive du permis de construire : c’est un permis de construire qui sort dans certaines
conditions. Ces dernières étaient de faire un produit d’accession éligible à une certaine catégorie
de la population, souvent de proximité pour que l’effort de la collectivité profite aux gens qui y
habitent. Ces opérations, même si juridiquement, on n’est peut-être pas dans la perfection totale,
fonctionnent, sont satisfaisantes pour ce qui nous concerne, mais aussi pour les collectivités
territoriales.
Le même genre d’opération a été réalisé dans une station de sports d’hiver, à Chamonix où, pour
les mêmes raisons, difficultés de loger le personnel des stations, on a eu recours à une autre
possibilité, rarement utilisée, qui est celle du sur-COS, dont le PLU offre parfois la possibilité.
Un sur-COS de 20%, c'est du foncier « gratuit ». Je ne connais peu d’exemple ou cela est mis en
ouvre. Pourtant, dans ce cas de figure, on n’a plus besoin d’être en zone ANRU pour retrouver
une économie sur le foncier, qui reste un poids considérable dans le prix de revient de nos
constructions. Ces outils existent il faut avoir envie de les utiliser.
Pour revenir sur la Foncière Logement, nous réalisons un certain nombre de projets pour elle. Là
aussi les collectivités doivent accepter ces projets. Le principe de la Foncière Logement, c’est de
ne pas s’implanter là où les collectivités ne veulent pas la voir arriver. Car il y en existe. Il suffit
que le dialogue se crée, car les outils existent.
La quote-part de 20% de logements sociaux de la loi SRU est un bon aiguillon. Même si on est
loin d’avoir atteint la masse de ce qui devrait être fait, la part de production sociale, au travers des
cages d’escaliers ou des immeubles que nous réalisons dans des opérations d’ensemble en social
croît. D'une année sur l'autre, on progresse. Je le vois dans notre production. Cette année,
pratiquement 50 % de nos opérations ont été vendues en VEFA à des opérateurs sociaux ou à la
Foncière Logement. La lumière s’allume un peu de temps en temps. »
Sophie SANCHEZ : « Vous m’aviez également parlé d’un autre point tout à l’heure. Vous avez
mis en place des systèmes qui permettent, en location, de favoriser la mobilité des salariés. Cela
aussi c’est assez intéressant et les entreprises visiblement sont preneuses. »
Bruno CORINTI : « C'est plus une gamme de produits, puisqu’il y a un problème de ressources,
je viens de vous en parler, mais aussi un problème de disponibilité. La main d’œuvre saisonnière
a besoin d’un logement pendant une période donnée de l’année, mais après, que fait-on de ce
logement ? Et là, il y a relativement peu de produits. A coté des résidences étudiants et de toutes
les opérations de résidences dites gérées, nous et un certain nombre d’autres promoteurs avons
développé le concept de résidences dites d’affaires, dont la vocation est de loger sur des courtes
périodes, qui vont de la semaine à 3 ou 4 mois maximum, des salariés en mobilité géographique.
Il s’agit d’opérations avec une typologie de produits orientés vers le petit appartement, du studio
aux 3 pièces, qui permet aussi de loger des salariés en mobilité avec leurs familles comme cela
arrive assez fréquemment, pour un coût qui est inférieur à celui de l’hôtel, mais qui reste assez
élevé puisqu’il des services sont incorporés à l’offre. On est dans du logement neuf, et il est
difficile de trouver ce genre de produit à un prix inférieur à 40€ la nuitée, mais on est en dessous
32
du coût d’une chambre d’hôtel et on a la possibilité d’avoir une cuisine et de préparer ses repas.
A ce coût là, on crée la disponibilité du produit, mais pas la facilité d’accéder à la ressource qui
permet de louer ces produits. Donc, le plus souvent, je pense par exemple aux opérations qui se
trouvent à proximité de salles de congrès et salons ou d’entreprises qui recourrent à une main
d’œuvre saisonnière du fait d’une activité liée à certaines périodes de l’année, c’est le plus
souvent, l'entreprise qui va prendre en charge tout ou partie du coût du logement. Dans ce cas de
figure, on ne répond certes pas au problème de solvabilité de cette clientèle, mais on répond à un
besoin en créant un produit qui va recevoir ces salariés en mobilité, mais aussi en période estivale
une clientèle de tourisme, quand on est à Paris par exemple, parfois encore des étudiants ou,
malheureusement, le nombre de divorces augmentant sensiblement en France, celui qui quitte le
foyer conjugal et trouve là le moyen de se loger dans un meublé, de recevoir ses enfants si il en a
en attendant de trouver une situation plus stable. C’est un produit qui trouve un foisonnement
possible de clientèles et les taux de remplissage dans ce genre de résidences, sans être ceux des
résidences étudiantes, arrivent à tourner assez facilement entre 70 et 75% de remplissage. »
Sophie SANCHEZ :
« J’imagine que vous pouvez avoir des questions. La parole est à vous. »
Dans la salle :
Personne dans la salle : « Je voudrais également signaler qu’il y a des régions où des logements
restent libres 2 ou 3 mois et pas d’emploi, qu’il y a des chefs lieu de cantons qui sont occupés par
des retraités et des cas sociaux. Un autre problème, c’est l’obtention de certains certificats
d’urbanisme dans certaines régions où on n’arrive pas à construire et après on s’étonne que
l’immobilier devienne cher. Donc, il y a également d’autres problèmes à résoudre. »
Personne dans la salle : « Moi je suis de Bordeaux, région Aquitaine, et je confirme la gravité
de la situation de la crise du logement et notamment de la montée des prix de façon considérable.
Je ne donne pas de détail pour gagner du temps mais cela entraîne pour moi une question parce
que même si ce niveau des prix est revenu chez plusieurs intervenants comme étant trop élevé, la
question que je me pose est : va-t-on attendre l’éclatement d’une bulle immobilière pour que ces
prix baissent ?
L’objectif de dire les prix sont trop élevés notamment par rapport au niveau des salaires, est-ce
que cela ne pourrait pas entraîner comme objectif d’une action convergente de pouvoirs publics,
du 1% etc. de dire qu’il serait intéressant de viser à ce que les prix soient moins élevés. C’est
arrivé que des prix baissent dans l’immobilier, je pense d’ailleurs qu’au-delà de l’intérêt des
salariés qui cherchent à se loger cela pourrait être aussi l’intérêt d’entreprises parce que quelque
part, un niveau élevé des prix de l’immobilier, cela pèse sur les coûts de production, et si on a
peur de la délocalisation des emplois, en dehors de l’Europe et du pays, il est bien certain que le
niveau des prix de l’immobilier contribue aussi à cette dimension là. Donc, première question,
quid de la baisse des prix dans les stratégies des acteurs publics ou du 1%. Deuxième question,
les politiques locales de l’habitat sont de plus en plus le cadre de mise en œuvre des politiques
publiques en matière d’habitat, de l’intervention de l’Etat, de l’intervention des collectivités. Il y
a besoin d’une articulation évidente entre ce qui se passe sur le terrain et l’intervention du 1%.
Cela pose donc la question des conditions de cette articulation, et notamment le problème des
modalités de définition et de mise en œuvre de ce qui commence à naître que l’on appelle les
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conventions territorialisées d’utilisation du 1%. Ma question est donc : où en est-on sur ce plan
des conventions territorialisées d’utilisation du 1% et en particulier, quid de la participation des
représentants des salariés quant au contenu de ces conventions. »
Réponse de Stéphane PEU : « Deux aspects de la question, la première sur les prix. Je pense
que l’Etat depuis un certain nombre d’années, par rapport au marché de l’immobilier, ne joue pas
assez sa fonction régulatrice. La hausse des prix exponentielle dans l’immobilier, est en partie
liée à la situation de pénurie, au décalage entre l’offre et la demande, mais il est aussi en partie lié
au fait qu’aujourd’hui dans le budget que l’Etat consacre au logement en France, la plus grande
partie n’est pas dirigée vers la satisfaction du droit au logement pour ceux qui en ont le plus
besoin, mais vers les produits défiscalisés pour les investisseurs et pour fabriquer de la rente
immobilière. Parce que le système De Robien qui est une aide sans aucune contrepartie puisque
ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il y a des aides pour investir dans l’acquisition d’un appartement.
On a connu, par exemple, sous Besson, ou d’autres, des aides qui étaient liées à des plafonds de
loyers, des plafonds de ressources, etc. Il y avait une contrepartie à l’aide publique. Aujourd’hui,
il n’y a aucune contrepartie. On fabrique un pays de rentiers à côté d’un pays de plus en plus mal
logé. C’est cela qui est extrêmement grave parce qu’on est entrain là aussi de créer une fracture
sociale à l’intérieur même de la question du logement. Ceux qui ont plusieurs appartements qui
ne sont pas très riches mais qui fabriquent de la rente et à côté de cela des gens qui n’arrivent pas
à se loger et une hausse des prix inévitable parce que c’est devenu, le Logement, avec le système
De Robien, un produit financier, et non un bien de première nécessité, ni même un bien de
consommation, mais un outil financier avec des décalages effarants. Je vois des gens dans les
DIA à la mairie de Saint-Denis, un gars de Auch qui achète à Saint-Denis, je me dis « tiens c’est
curieux en général les flux migratoires ne sont pas tellement de cette nature là ». Et quand je me
penche un peu sur le sujet, je m’aperçois que le promoteur a donné la vente de son programme à
un réseau adossé à la BNP. Alors vous aviez tous les agents BNP de France et de Navarre, c’est
toujours le cas de le dire, qui proposaient à leurs clients « regardez, la Plaine St Denis, c’est à
côté du stade de France, vous allez acheter un F2 à 2500€ du m2, c’est une zone en extension, il
va y avoir des emplois, ils vont démolir les HLM », je ne vous dis pas ce qu’ils racontaient dans
les agences BNP, « vous allez faire des loyers à 18€ du m2, dans dix ans c’est le jackpot ». Et le
client achetait. 18€, cela n’a jamais été le prix du marché à Saint Denis, mais entre 12 et 14€,
donc on lui avait dit que cela ne lui coûterait rien, le loyer couvrira l’emprunt et puis résultat des
courses ça lui coûte et il est obligé de renier sur ses capacités, il ne peut pas vendre sinon la
défiscalisation tombe. Donc il est piégé. Moyennant quoi il rogne sur tous les frais de
copropriété, donc l’entretien de l’immeuble n’est plus fait, et au bout de 3 ans on a une
copropriété en difficulté et qui récupère le bébé ? ce n’est plus le promoteur, il est parti, il est déjà
loin, mais c’est le maire (Nexity ne fait pas cela bien sûr !). Donc il faut, pour maîtriser les prix
et éviter l’éclatement d’une bulle, il faut que l’Etat soit plus régulateur de l’économie du
Logement, et que ce dernier ne puisse plus être considéré comme un placement financier pur et
simple mais comme il l’a toujours été dans notre pays, un placement dans la pierre, de
l’investissement de long terme. Comme l’Etat ne joue pas ce rôle-là et qu’il n’a pas l’air disposé
à le jouer dans les mois qui viennent, il faut que les collectivités locales le jouent. On travaille
beaucoup avec Nexity et pas mal de promoteurs sur la ville, on a mis une charte en place, les
promoteurs qui la signent, construisent et les autres non. Cette charte dit trois choses en gros : le
prix du foncier doit être régulé, le prix de vente doit être régulé, la qualité des logements obéit à
une charte, dont je vous passe les détails, et on oblige à une commercialisation qui, de part la
priorité donnée au prêt à taux 0 empêche qu’un immeuble soit occupé majoritairement par des
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investisseurs avec des immeubles qui s’exposent aux risques que j’évoquais tout à l’heure. Le
marché est aveugle et ce n’est pas être anti-libéral que de dire cela, et il faut que nous soyons sa
canne blanche, et c’est dommage que les collectivités locales soient seules aujourd’hui dans notre
pays pour réguler le marché et que l’Etat ait abandonné cette fonction. »
Personne dans la salle : « J’ai beaucoup apprécié cette intervention qui rejoint ma préoccupation
qui est celle de l’habitat secondaire. J’ai entendu par le représentant du MEDEF que l’on n’était
pas dans une économie libérale, alors si on est dans une économie régulée, ce serait le moment de
le démontrer. Je suis, en tant que syndicaliste, résolument contre toute forme de violence, mais
aussi en tant qu’habitant du Pays Basque, je suis inquiet de la recrudescence d’une certaine forme
de violence liée au problème d’habitat. Dans le débat que l’on a eu, on a beaucoup parlé de
l’obligation de construire de nouveaux logements, c’est vrai. Mais en même temps, on se pose
quand même la question de l’utilisation du logement existant. Et cela pour deux raisons qui ont
été évoquées, cette fracture sociale qui fait que les gens qui travaillent dans ce pays sont de plus
en plus obligés de s’excentrer des villes. Ce qui pose de graves problèmes de transport et
d’urbanisation. En même temps, par rapport à l’urbanisme, on sur dimensionne les villes comme
c’est le cas sur la côte, comme à Saint-Jean-de-Luz où pratiquement la moitié de l’habitat est de
l’habitat secondaire, en terme d’équipements, d’assainissement, d’énergie etc. et une
préoccupation que l’on n’a pas évoqué aujourd’hui, c’est celle du développement durable,
jusqu’à quand allons nous faire de l’urbanisme surdimensionné par rapport aux besoins réels ?
C’est vrai qu’il faut construire plus mais je pense aussi qu’il faut utiliser mieux l’existant déjà. »
Sophie SANCHEZ : « On rentre quand même un peu dans une autre problématique mais
quelqu’un veut-il réagir ? »
Christophe ROBERT : « Il y a effectivement une réflexion à avoir sur l’étalement urbain et sur
la densité, c’est fondamental. Dans le prolongement de ce qu’a dit Stéphane PEU, il y a quelque
chose qui m’étonne beaucoup. Cela ne fait pas longtemps que je travaille sur le secteur du
logement mais cette inadéquation entre la demande et l’offre me surprend énormément. Et
j’entends dire, « on a gagné la bataille de la production » ou les Robien ont constitué 75 000 à 80
000 logements sur les 420 000 construits en 2006. Le problème est de même nature pour la
production du logement social avec la place que prend le PLS, le prêt locatif social, dans la
production de logements locatifs sociaux globaux. On a une logique en marche qui consiste à dire
« on va faire du chiffre, produire du logement, c’est l’enjeu ». Il y a des enjeux économiques,
d’emplois, il faut les saluer, ils sont importants. Mais si on reprend 2006 par exemple, vous avez
seulement 24 % de la production des 420 000 logements accessibles pour 2/3 des ménages. Donc
le décalage est considérable. C’est vrai pour le Robien ou pour le PLS et c’est inscrit dans les
projets, dans le plan de cohésion sociale. Ce dernier ne dit pas, contrairement à ce qui a été dit, on
va faire plus de logements sociaux : mais on va faire plus de PLS. D’ailleurs depuis 2004 que
l’augmentation de la production de logements sociaux ne passe quasi exclusivement que par le
PLS considérant qu’il n’y aurait plus de classes populaires, plus d’ouvriers, plus de demande
sociale réelle dans notre pays. Ainsi nous avons comparé dans le dernier rapport de la Fondation
Abbé Pierre la structure des revenus en France, la capacité financière des ménages à payer un
loyer et l’offre de logements qui sort de terre. En 2000, 60% de l’offre nouvelle de logements qui
était sous plafond de ressources ou sous plafonds de revenus, là c’est l’intervention de l’Etat. Et
en 2006, alors que tout le monde a pris acte de l’état de la crise et de ses conséquences sur les
ménages, on passe de 60% de la production globale sous plafond de ressources de loyers à 40%.
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Cette logique en marche doit être enrayée et concerne aussi bien les produits de défiscalisation
qui sont totalement scandaleux, quand bien même ils auront pu être recentrés par Monsieur
Borloo avec un « Borloo recentré » qui reste quand même limite et un Borloo populaire qui ne
fait pas grand succès malgré tout. Ce que je pense surtout, c’est que derrière il y a une idéologie
en marche qui consiste à dire : « faisons du logement quelle que soit sa catégorie, un jour ou
l’autre cela répondra à la demande sociale ». Il y aura un effet de chaîne. Or ce n’est pas du tout
ce que l’on observe aujourd’hui. On voit même des logements Robien qui sont sortis de terre
parce que ce sont des produits défiscalisés, mais dans des territoires où il n’y a pas de besoin de
logements. Je ne suis pas sûr que ces logements vont trouver preneur et qu’ils vont faire
fonctionner l’effet de chaîne. Alors on a fait du chiffre, c’est bien : il faut produire 450 000 ou
peut être 500 000 logements, mais maintenant la bataille c’est celle de l’offre de logements à
loyers accessibles. Si tous peuvent contribuer à cet effort là, y compris les promoteurs c’est une
bonne chose, mais je ne suis pas sûr, pour avoir entendu les propos de certains de nos
gouvernants aujourd’hui, que véritablement on ait changé de logique et qu’on soit prêt à livrer la
bataille de l’offre de logements à loyers accessibles. »
Sophie SANCHEZ : « Etienne GUENA veut réagir. Ensuite Monsieur CORINTI, sur ce
problème de l’adaptation des Borloo au Robien à la réalité du marché. »
Etienne GUENA :
« Moi, je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout d’accord avec cette sortie véhémente. Je crois
qu’il ne faut pas être idéologue, manichéen. Je ne suis pas non plus pro ou anti PLS mais il y a
aussi besoin de PLS, c’est une donnée de base. Vous êtes par exemple dans l’agglomération
parisienne, les gens ont soit le loyer libre à 20 € le m2 ou le logement HLM à 6 € : et entre les
deux il y a le PLS. Je suis désolé, mais si vous dites qu’il n’y en a pas besoin, moi je ne
comprends rien. »
Christophe ROBERT : « J’ai dit que la relance du logement social ne peut pas passer
exclusivement par le PLS. »
Etienne GUENA : « Mais on ne fait pas non plus exclusivement du PLS. Tout le monde a
regardé les PLH de toutes les communes. Le PLS n’est pas la réponse exclusive, loin de là, c’est
une partie de la réponse, c’est un besoin. Il faut le prendre en tant que tel, c’est un des produits
dont on a besoin et je ne dis pas pour autant qu’il ne faut pas faire de PLUS et de PLAI. Il faut en
faire, ainsi que des centres d’hébergements. Et moi, je suis convaincu que l’effet de chaîne finira
par jouer dans les zones 1 et 2 avec les « de Robien ». Pas sur tous les programmes bien sûr : par
exemple, j’ai appris qu’à Périgueux il y avait 1700 « de Robien » en construction dans
l’agglomération. Là, je reconnais que c’est une bêtise parce que les investisseurs vont prendre des
bouillons : au loyer plafond qu’on leur suggère, il n’y a pas de marché. Les gens ont été piégés, et
de manière obligée ils baissent les loyers. Et donc il y aura obligatoirement un effet de chaîne. Je
pense en revanche que le risque est beaucoup plus celui des copropriétés dégradées, pas tout de
suite, mais à l’horizon de quelques années. Il peut y avoir un risque pour les gestionnaires des
villes d’avoir des programmes qui sont mal entretenus. Je crois en outre que vous ne pouvez pas
dire du jour au lendemain qu’on va abandonner la construction de 80 000 logements par an. Et il
n’y a pas 80 000 logements « de Robien » vacants par an, ce n’est pas vrai. Forcément ils sont
utilisés. »
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Sophie SANCHEZ :
« Monsieur Corinti, est-ce qu’il faudrait des outils de pilotage des systèmes de défiscalisation ? »
Bruno CORINTI :
« Pour revenir sur ces propos que je partage complètement, c’est vrai qu’avec le premier système
mis en place, on avait un découpage en zones géographiques assez technocratique qui ne reflétait
pas systématiquement et loin s’en faut la réalité des marchés. Le deuxième s’en approche même
s’il y a encore des imperfections : d’ailleurs, le marché de l’immobilier étant un marché très
complexe, on pourrait faire autant de découpages que de communes ou que de quartiers dans les
communes. Il faut aussi inventer des systèmes qui aient une vocation à être mis en œuvre
simplement : cela dit, je crois plutôt que le premier problème dans ce genre de production est
celui de l’absence de mixité entre locataires et propriétaires occupants comme cela se constate au
niveau de l’entretien des copropriétés. Sur toutes les grandes agglomérations françaises, en
revanche, je n’ai pas eu connaissance de problème de remplissage du patrimoine locatif. Il peut y
avoir sur certains programmes un certain temps d’absorption, mais généralement cela se règle
assez bien et avec des loyers qui sont assez proches de ceux que les zones nouvelles autorisent.
Effectivement sur Périgueux ou sur Agen, ce sera peut-être un peu plus long à résorber : cela dit,
il ne faut pas perdre de vue que tous les avantages fiscaux ont une durée qui est de 9 ans, au
terme desquels la plupart des gens ré arbitrent et à ce moment-là, les investisseurs remettent sur le
marché de l’accession ou vendent à un autre investisseur, sans avantages fiscaux alors. Je pense
donc que cela reste être un bon produit qui est en train de se réguler tout seul parce que toute la
profession a vu cette production baisser. On était en 2005, en moyenne, aux alentours de 50 % de
la production privé vendue sous forme d’investissement locatif. En ce qui nous concerne, on est
aujourd’hui à 45 % et la tendance est régulière à la baisse pour une raison simple, c’est que l’on
construit beaucoup en accession et qu’automatiquement, plus les gens vont aller vers l’accession
et moins il y aura de locataires. La France est un des pays où le taux des propriétaires est le plus
faible d’Europe, environ 55 à 57 %, et cela progresse relativement rapidement sur ces 5 dernières
années alors que l’on est resté assez longtemps aux environs de 50%. »
Personne dans la salle :
« Je voudrais revenir un peu à la problématique logement emploi et la poser sur un territoire. Cela
a été dit à plusieurs reprises, c’est une préoccupation des employeurs et Gérard Laugier l’a dit
aussi, c’est une préoccupation qui monte chez les salariés. Moi, je suis un militant syndicaliste
local de la CGT, comme Gérard. Je constate un certain nombre de problèmes y compris en terme
de dialogue social et de prise en compte sur tous les territoires du lien entre emploi et logement.
On voit ce qui se passe ici au Pays Basque : il y a autour de l’aéronautique, une volonté de créer
un pôle aéronautique sur Bayonne. L’organisation syndicale a demandé une entrevue au président
de l’agglomération du BAB, Monsieur Borotra qui a accepté de nous recevoir pour nous dire :
« je vous donnerai des informations mais en aucun cas je ne souhaite vous associer au projet de
mise en place de ce pôle aéronautique ». Nous on voulait y être associé pour poser les véritables
questions de l’accueil des salariés. Aujourd’hui on constate que tout est fait pour répondre aux
stratégies des entreprises en priorité : c’est la question de la taxe professionnelle, des
infrastructures, des aides publiques ... Une fois les entreprises installées, on se pose alors la
question de la situation des salariés et de leur accueil. Sur St-Jean-de-Luz, on a eu un problème.
Une entreprise venait s’y installer, et une fois que tout était réglé s’est posée la question du
logement des salariés. Donc, au dernier moment, dans l’urgence il a fallu trouver une solution. Je
pense qu’il faut anticiper, y compris avec les organisations syndicales représentatives des salariés
37
parce que l’on a des choses à dire, on vit dans les entreprises, on sait ce qui s’y passe, on discute
avec les salariés. Je pense que l’on a besoin aussi de notre « expertise » avant de lancer des
grands programmes, de développement industriel. On a besoin d’être associé. Je crois que c’est
un vrai problème. Qu’est-ce que l’on découvre aujourd’hui ? La concurrence qu’il y a eu entre le
projet qu’il y avait initialement à Bardos d’installation d’une entreprise et le projet de rapatrier
cette entreprise sur Bayonne : on se rend compte aujourd’hui que le logement n’est pas prévu sur
Bayonne pour les salariés qui vont y arriver. Mais ce qui risque de se passer c’est que les salariés
qui vont aller travailler sur Bayonne logeront sur Bardos. Là on crée des phénomènes de villes
dortoirs, dans la banlieue de l’agglomération bayonnaise tout simplement parce que l’on n’a pas
anticipé sur ces questions, y compris avec les organisations représentatives du personnel.
Deuxième point sur lequel je voulais intervenir, c’est la question de la précarité. Elle a été un
petit peu abordée, mais à mon avis on a intérêt à se pencher sur la question. Aujourd’hui la vision
d’un jeune qui rentre dans le marché du travail, c’est celle d’un avenir précaire fait de
changement d’emploi en permanence. Et un jeune salarié qui a ça en tête, il a aussi la question de
son installation, de son logement, de ses projets … qui deviennent aussi précaires. La vision d’un
jeune de moins de 30 ans, de son activité professionnelle, n’est pas un métier qui va durer toute la
vie et il a aussi une vision précaire du logement. Il faut travailler ce lien sur le territoire, la
sécurité de l’emploi et l’accès au logement. »
Sophie SANCHEZ :
« Je pense que vous avez des propos très justes. Jean-Luc Berho, vous êtes vice-président de
l’UESL, voulez-vous réagir ? »
Jean-Luc BERHO - Vice président de l'UESL
« Nous allons dans quelques minutes, accueillir le Ministre du logement. Je vais réagir
notamment aux propos qui viennent d’être tenus mais je voulais au préalable réagir à la question
de l’accession à la propriété. Dire qu’il y a 57 % d’accédants et de propriétaires dans notre pays,
et que c’est un des taux les plus faibles en Europe, c’est en partie vrai : c'est plus faible qu'en
Espagne où il y a 84 % de propriétaires et c’est plus faible qu’en Italie, vous avez raison. Mais en
général on nous compare aux pays du Nord, à la Suède où il y a 54 % de propriétaires et
d’accédants, à l’Allemagne où il y en a 45 % … et si la réussite d’une vie devait se mesurer au
fait d’être ou pas propriétaire, à ce moment-là, on fuirait la Suisse qui n’a que 31 % de
propriétaires, et on irait tous en Albanie puisque 97 % des habitants sont propriétaires. Attention
je ne suis pas en train de dire qu’il faut opposer accession à la propriété et logement locatif. En
France aujourd’hui, nous avons une palette qui est extrêmement intéressante. Mais si on dit de
manière idéologique qu’il faut absolument aller vers la propriété, on peut aller vers ce qui est en
train de se passer aux Etats-Unis, amener des gens à se mobiliser uniquement sur la question de
l’accession et de ce fait, se retrouver dans des systèmes, soit de surendettement, soit dans des
systèmes de copropriétés dégradées à court ou moyen terme. »
Bruno CORINTI : « Je faisais un rapport entre le locatif et la résidence principale en accession
en France. Aujourd’hui, nous on est très contents de vendre à des investisseurs locatifs, de vendre
des logements sociaux, de vendre des opérations en secteur ANRU, je ne suis pas en train
d’opposer l’un contre l’autre. Je dis que logiquement, on a une part de l’accession qui remonte
quand les investisseurs locatifs diminuent. Aujourd’hui, il ne faut pas sous estimer ce qui se passe
sur le marché. Il y a une baisse des taux jamais vue depuis des décennies, dans notre pays, et des
gens qui ne pouvaient pas accéder à la propriété ont souhaité le faire. S’ils souhaitent le faire on
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répond à la loi de l’offre et de la demande. Si c’est possible pour un plus grand nombre parce que
les conditions économiques du crédit le permettent, on répond à cette demande. Faire du
logement locatif ou du social, ou du privé, je n’ai pas d’idéologie pour l’un ou pour l’autre, c’est
un constat.»
Dans la salle :
« Qui peut me lister exactement les partenaires qui ont signé pour LOCAPASS et la GRL
Etienne GUENA : « Quel est le sens de votre question, je ne comprends pas. C’est Etat et UESL
et dans ce dernier, il y a un conseil d’administration où je crois que cela a été voté à l’unanimité,
donc, tous les représentants des syndicats, MEDEF, CGPME, et le collège des CIL.
Stéphane PEU : «Si je peux me permettre de me mêler d’un sujet qui ne me concerne pas
directement ! Mais j’en profite puisqu’il y a les partenaires sociaux qui sont réunis dans l’UESL.
Au bénéfice de la pénurie, on va peut-être voir un réinvestissement du 1% dans du logement
locatif et dans de l’aménagement des territoires. Mais ce que je constate comme élu local de
terrain, c’est que quand j’ai affaire à un patron ou à des syndicats de salariés et qu’ils me parlent
l’un comme l’autre de problèmes de logements, si je leur réponds 1% , ils ne savent pas ce que
c’est ou seulement très vaguement. Les syndicats dans les entreprises, en tout cas de chez nous,
ne s’emparent pas de ce sujet là parce qu’ils ne le maîtrisent. Le patronat, ils ont leur expertcomptable qui fait un chèque tous les ans et ils ne s’en occupent pas forcément. Ou alors, je
constate en prenant juste un exemple sur l’entreprise Carrefour : j’ai trois Carrefour sur la
communauté d’agglomérations avec beaucoup de caissières qui sont à temps partiel et qui
venaient nous demander des logements. Et quand on essayait de mobiliser le 1%, on le faisait
parce qu’elles étaient assez désarmées pour le faire même avec leurs organisations syndicales : on
s’apercevait alors que le 1% était centralisé au siège social de l’entreprise et que c’était devenu
un outil pour aider à l’accession sociale des cadres mais jamais pour aider au logement des
caissières et que c’était un petit peu… »
Etienne GUENA : « Non, non, non, attendez, je ne peux pas laisser dire des choses pareilles qui
sont complètement fausses. Je crois qu’il ne faut jamais oublier que le cœur de l’entreprise, ce
n’est pas le logement, je suis désolé, ce n’est pas la préoccupation. La préoccupation, c’est
produire, vendre etc. et donc elle délègue ses problèmes logements, et cela depuis la création du
1% Logement à des CIL dont c’est le métier et qui donc collectent et puis redistribuent et utilisent
dans le cadre de tous les emplois que j’ai expliqué. Ensuite, au niveau national, c’est pour cela
qu’il existe à la fois des organisations syndicales comme celle que je représente, comme celle que
représente Monsieur Laugier. C’est pour que le débat ait lieu, que les décisions soient prises etc.
parce que cela n’est pas le métier de toutes les entreprises de France et de Navarre que d’avoir
une politique du logement spécifique. Elles n’ont pas le temps, ce n’est pas leur métier et il y a
une organisation qui est faite pour cela et le 1% Logement ne sert pas à faciliter l’accession à la
propriété des cadres supérieurs. C’est entièrement faux. Madame le Ministre, vous arrivez pile au
moment où le débat devenait chaud.»
Stéphane PEU : « Je voulais juste conclure pour dire que je pense qu’un essai de
territorialisation du 1%, je ne sais pas sous quelle forme, serait peut-être le bienvenu pour
accompagner les collectivités et les entreprises de leur territoire à trouver des réponses adaptées
et peut être que l’on aurait moins de difficultés que celles qui ont été évoquées tout à l’heure, par
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rapport à l’industrie de l’aviation et on pourrait associer patronat et salariés du bassin d’emploi à
la réponse, avec les élus locaux. »
Etienne GUENA :
« Mais là, nous sommes tout à fait d’accord. Pour nous la réponse ce sont les conventions que
nous passons, que nous passerons et qui se développent à différents niveaux entre la globalité du
1% Logement et les EPCI. Mais il ne faut pas confondre cela avec la territorialisation du 1%
Logement qui est quelque chose auquel nous sommes opposés. Ce serait néfaste car il est
nécessaire d’avoir une force de frappe et pour créer des outils nationaux qui sont ensuite utilisés
sur le plan local dans le cadre de conventions diverses et variées sinon vous n’auriez pas de
LOCAPASS ni d’ANRU. Et l’ANRU cela vous est fort utile à Plaine Commune aujourd’hui.
Pour nous, c’est notre expérience et notre évolution, il faut aller vers des conventions renforcées
entre tout ce qui représente et le 1% Logement et ce qui est lié au 1% Logement et les EPCI et
c’est dans ces conventions qu’au cas par cas, on va améliorer les dispositifs existants. »
Gérard LAUGIER : « Si j’ai bien compris l’intervenant, il ne faut pas confondre les
conventions territoriales que le 1% développe et la territorialisation du 1%. Ce n’est pas la même
chose. Moi, je partage cette idée, que les conventions territoriales du 1% sont aussi l’affaire de
partenaires sociaux sur le terrain qui sont, qu’on le veuille ou non, les mieux à même de
connaître, de quantifier et de localiser les besoins qui s’expriment dans les entreprises en matière
de logement. Il me semble quand même légitime que les partenaires sociaux, à quelque niveau
que ce soit, participent à l’élaboration avec les représentants de l’UESL, de conventions
territoriales. Parce que cela participe aussi, qu’on le veuille ou non aussi du dialogue social
territorial, dont le logement ne peut être exonéré. Alors, que les choses soient claires, cela ne peut
pas être confondu avec les moyens financiers territorialisés du 1% que certains élus d’ailleurs
revendiquent haut et fort. Je partage tout à fait, sur cet aspect-là, ce qu’Etienne GUENA a dit sur
le besoin de mutualisation du 1% qui est la garantie d’égalité de redistribution des moyens du
1%. Sinon on va participer, qu’on le veuille ou non, avec le 1% à une forme de mise en
concurrence des territoires et des hommes. Cela ne peut pas être une conception du 1%. En même
temps, si c’est cela, on va mettre en cause la convention de 96 qui a été faite pour redonner la
main aux partenaires sociaux, pour en finir avec les égoïsmes locaux et y compris avec certains
gros CIL et dirigeants de CIL qui en fonction d’un certain clientélisme distribuaient les aides. Ce
n’est pas possible. Moi je suis pour que les partenaires sociaux sur le terrain participent à la
négociation avec l’UESL et à la mise en œuvre des conventions territoriales, par contre je suis
tout à fait opposé à la territorialisation des moyens du 1%. »
Sophie SANCHEZ : « Christine Boutin, bonsoir, vous arrivez à la fin d’un débat qui a porté sur
l ‘accès au logement des salariés et par ailleurs sur la difficulté des entreprises d’en trouver. Et je
crois que vous souhaitiez intervenir ».
Clôture : Christine BOUTIN - Ministre du Logement et de la Ville
« Je compte intervenir mais de façon plus globale. Madame le Maire, Monsieur le Directeur
Départemental de la DDE, Mesdames et Messieurs les représentants des associations, cher
Monsieur BERHO. Tout d’abord, avant de commencer mon propos, je vous prie d’excuser mon
retard, j’aurais préféré pouvoir participer davantage à vos travaux. Je dois dire que je connais un
petit peu le Pays Basque mais pas beaucoup parce que je n’ai pas d’attaches personnelles dans
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cette belle région, mais je trouve que Monsieur BERHO a beaucoup de chance d’avoir une
maison à cet endroit, avec un paysage aussi magnifique. Et je vais essayer de vous présenter
quelques unes des pistes de travail du nouveau et jeune Ministre du Logement que je suis. Tout
d’abord, j’ai appris un mot : j’espère que je vais bien le dire, « agur », je n’irai pas plus loin en ce
qui concerne ma connaissance du basque. Je suis très heureuse de pouvoir assister aux entretiens
et je tiens à remercier Jean-Luc BERHO pour l’organisation de ces rencontres. Mr BERHO
m’avait dit : « Vous savez c’est loin », mais je m’étais engagée et je suis vraiment très heureuse
d’être près de vous.
Avant toute chose, je souhaite rendre hommage à Bernard BIRSINGER. Il était pour vous
l’homme en charge des questions de la Ville et du Logement à la Direction Nationale du Parti
Communiste. Il était pour moi, avant tout un collègue du Palais Bourbon que j’ai croisé chaque
semaine des années durant, et je tiens à lui rendre hommage. Peu de temps avant sa disparition
brutale, nous répondions ensemble, lui, un homme de gauche, moi, une femme de droite, à une
interview du journal L’itinérant. J’ai pu alors apprécier son souci pour l’autre, son discours
d’humanité. Et vous en serez peut-être surpris, nous nous sommes retrouvés sur bien des
réponses. Il a été emporté ici même à Bunus, d’une crise cardiaque, le 25 août 2006 à l’âge de 51
ans. Je pense à lui avec émotion.
« Salariés et entreprises cherchent logement » vous auriez pu ajouter « désespérément. » Ces
rencontres du bas-navarrais sont devenues une référence dans les sphères françaises chargées de
la politique du Logement. Si j’ai souhaité participer à cette nouvelle édition, c’est pour vous
entendre, pour avoir vos comptes-rendus, pour voir vos préoccupations. N’attendez pas de moi un
discours programmatique aujourd’hui. Mon intervention de politique générale comme Ministre
du Logement, viendra bientôt à Lyon. Je le finaliserai dès mon retour à Paris, pendant le weekend. Dans quelques semaines en effet, je vais délocaliser mon ministère à Lyon. Au-delà du
symbole, cette opération a pour moi une portée pratique. Pendant 10 jours, tout le monde du
Logement sera là-bas. J’ai choisi une opportunité particulière puisque le congrès des HLM se
déroule à Lyon entre le 18 et le 20 septembre et qu’il y a également d’autres manifestations
importantes. J’ai donc, profité de cette opportunité, pour installer le ministère du Logement à
Lyon pendant 10 jours. Nous allons, avec mes collaborateurs, avec mes directeurs, être à Lyon
pour donner une impulsion nouvelle à ce problème du logement. Notre secteur étant par
excellence un domaine où l’action n’est possible qu’avec l’engagement de tous, je compte partir à
Lyon avec mon bâton de pèlerin, pour convaincre les uns et les autres de la nécessité d’une
mobilisation d'ampleur nationale en faveur du Logement. D’ores et déjà, vous pouvez l’imaginer,
les contacts ont été pris avec les différents partenaires. Vous verrez que le concept qui sera mis en
place à Lyon, sera original, nouveau : mais je puis vous indiquer d’ores et déjà, ici, et en primeur,
que la mobilisation des différents partenaires, est particulièrement exceptionnelle. Ce qui, pour
nous, qui que nous soyons, quelles que soient nos responsabilités dans le cadre de ce projet est
enthousiasmant et encourageant. Le logement et l’emploi sont en effet les deux jambes d’une
société en mouvement. Avoir un logement et un emploi sont les deux conditions d’un
épanouissement personnel et familial. Que l’une boîte, et la société claudique, que les deux soient
fragiles, et la société est à genoux.
Ce n’est pas un hasard si la chronologie de la politique du Logement est à ce point imbriquée à
celle de la protection sociale. L’intervention publique, en matière de Logement, est apparue à la
genèse de l’Etat providence et elle s’est affermie au moment de son apogée. Plus tard, avec la
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crise, le logement comme la protection sociale a été fragilisé et soumis aux mêmes
questionnements. A la discontinuité des parcours professionnels a correspondu la crise des
parcours résidentiels. Lorsque l’on a préconisé l’abandon du seul assistanat pour les chômeurs,
pour construire les chemins d’insertion vers l’emploi, on s’est parallèlement éloigné du recours
au seul hébergement d’urgence pour penser parcours résidentiel. Aujourd’hui, notre pays connaît
une crise majeure du Logement. En 1924, lors de sa leçon inaugurale au collège de France sur la
crise du logement, Charles Gide, le père du mouvement coopératif français, et l’oncle de l’auteur
des « Nourritures terrestres », avançait que les crises du logement avaient été récurrentes dans
l'histoire humaine. Et de citer le décret de César, qui, dans une Rome sous tension, avait fait
remise d’une année de loyer à tous les locataires d’appartements de moins de 2000 sesterces par
an. Reste que, j’en suis convaincue, la crise que nous connaissons aujourd'hui est grave. Du
même ordre probablement que celle que notre pays a traversé au lendemain des deux guerres
mondiales. Tous les échanges que j’ai pu avoir depuis ma nomination, concordent sur ce constat.
Malheureusement aujourd’hui, nous sommes dans une situation particulière : au lendemain de la
guerre, il apparaissait évident qu’il fallait reconstruire puisque tout était démoli ; aujourd’hui
nous n’avons pas l’image de ces démolitions et la conviction que nous devrions tous avoir de la
nécessité de construire, qui que nous soyons, n’est pas également partagée sur les territoires et
parmi les acteurs. Les prix du logement sont exorbitants. L’offre ne correspond en rien aux
attentes des personnes en termes de taille des logements ou de localisation. Et la crise est plus
aigue encore qu’il n’apparaît dans les statistiques, puisque les moyennes nationales cachent
d’importantes disparités.
La plupart des zones qui concentrent l’activité économique du pays sont sous embolie en ce qui
concerne le logement. C’est le cas de l’Ile-de-France, des régions Rhône-Alpes et PACA, du
Nord-Pas-de-Calais, et je ne suis pas certaine que ce département soit non plus dans cette
situation de très grandes difficultés. Cette crise a naturellement pour principale raison la
disproportion entre l’offre et la demande, cette loi qui règle tous les prix. Mais cette crise du
logement doit aussi être abordée comme le volet d’une crise plus importante, qui est celle de
l’adaptation de notre système de production aux enjeux de l'économie moderne. Notre politique
du logement s’est en effet toujours développée pour accompagner le développement économique
du Pays. Au XIXème siècle, c’est Haussmann, à Paris, mais aussi les vieilles villes industrielles et
minières du Nord, de l’Est de la France ainsi que Saint Etienne. Au XXème siècle, ce sont les
grands ensembles, autour des sites industriels, en particulier les sites automobiles, avec l’accueil
d’une importante population immigrée. De tout temps donc, le logement s’est adapté aux
structures industrielles et économiques. Or une chose est claire. Nous ne sommes plus dans le
schéma des années soixante avec ses grands ensembles et ses industries de masse. Aujourd’hui, à
l’heure de la société numérique et de la société de services, l’offre de logement doit s’adapter à la
nouvelle donne de l’économie de la valeur ajoutée. Aussi, à la formule « Salariés et entreprises
cherchent logements », j’ajouterai Ministre du logement et de la Ville propose « nouvelle vision
de la Ville ».
Je crois en effet que nous résoudrons d’autant mieux la crise actuelle, que nous aurons au
préalable réfléchi aux nécessités de la société de demain. On peut raisonnablement prévoir que
l’avenir économique ira aux petites structures, bureaux d’études ou petites unités industrielles
réparties de part et d’autre du territoire, dynamisées grâce au développement de la logique des
clusters. Cette évolution économique va vraisemblablement s’accompagner d’une concurrence,
d’une compétition renforcée entre les territoires, organisée en régions, de dimension européenne,
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dans lesquelles les élus joueront un rôle grandissant. Quelles sont les conséquences pour le
logement ? Nous devons prévoir un retour à une plus grande mixité des fonctions en mêlant
activités économiques et logements. Mixité des fonctions qui exclura la spécialisation des
territoires qui en revanche, sera tout à fait compatible avec la mixité sociale. Les élus territoriaux
doivent dès à présent intégrer ces évolutions futures dans leurs stratégies.
C’est dans ce même décor, ou dans une vision prospective, que nous devons inscrire les objectifs
du Président de la République pour le logement : premièrement, la construction de 500 000
logements par an, dont 120 000 logements sociaux. Deuxièmement la vente de 40 000 logements
sociaux par an alors qu’elle n’est aujourd’hui que de 4 000 logements. Troisièmement la
promotion d’une France de propriétaires et en définitive, le but ultime, le libre choix pour tous les
français en matière de logement. J’aurai donc plusieurs objectifs à court terme. Nous devons
mobiliser l’ensemble de la structure de production. Nous devons mobiliser les partenaires pour la
production de logements sociaux, notamment le 1 % du logement. Enfin, nous devons poursuivre
les politiques de résorption des quartiers sensibles grâce au concours de l’ANRU. Je n’oublie pas
bien sûr le DALO, qui est pour moi la priorité des priorités. Le Droit au Logement Opposable est
une réforme majeure pour notre pays. Nous fêtons cette année le 70ème anniversaire de la
naissance de Jules Siegfried, le père de la politique du logement en France. Il écrivait le 18
décembre 1898, je cite : « L'habitation doit être la première préoccupation de ceux qui ont à cœur
le progrès social. » J’en suis pour ma part absolument convaincue. J’ai été vous le savez,
rapporteur du projet gouvernemental après avoir moi même déposé une proposition de loi, créant
le Droit Opposable au Logement. Aujourd’hui ministre du Logement et de la Ville, c’est à la fois
un grand honneur et un formidable défi en perspective puisque ce droit doit devenir effectif le 1er
décembre 2008, c’est-à-dire, demain. Pour certains, cela paraît impossible. Pour moi, je vous
affirme qu’il deviendra effectif.
Alors revenons à l’offre du logement. Trois principes doivent guider notre réflexion et nos
actions. Tout d’abord, la mobilisation de la structure de production doit se faire par le jeu du
marché. L’enjeu est de taille puisque les besoins s’élèvent effectivement à 500 000 logements, ce
qui paraît un objectif impossible à atteindre. Nous devons l’atteindre car les faits, les demandes,
les réalités humaines sont là, pour nous le rappeler. D’autant plus que les évolutions sont
possibles dans cette demande, qu’elles proviennent des cohabitations ou du télétravail, qui peut
induire de la multi résidence. Il y a donc un gros effort collectif à faire, mais cet effort, j’insiste
là-dessus, sera riche en retombées pour le pays en termes d’emplois et de croissance. D’un point
de vue technique, nous devons anticiper et prévoir l’adaptation des logements aux économies de
charges, et aux nouvelles technologies. La mobilisation de la structure de production doit se faire
par le jeu du marché. Deuxième principe, le développement de l’offre de logement social doit se
poursuivre en prévoyant une offre diversifiée, pour tous les publics. Aujourd’hui, vous le savez
tous ici, 72 % de la population française répond aux critères d’attribution des logements sociaux
mais 22 % en bénéficient seulement. Je propose que les nouveaux logements créés soient
recentrés vers les publics qui en ont le plus besoin. La quantité de ces logements sociaux n’est
pas le seul enjeu. Ils doivent aussi répondre aux attentes de leurs destinataires tant en ce qui
concerne leur localisation qu’au regard de leur taille et du nombre de leurs pièces, compte tenu de
l’évolution de la société, et des pratiques familiales. Dans cette perspective, les collectivités, les
bailleurs, les promoteurs privés et les représentants des locataires doivent fournir un important
travail local. Les programmes locaux de l’habitat constituent le moment propice pour conduire ce
type de réflexion. Je crois également important que de véritables débats puissent s’installer au
43
sein des comités régionaux de l’habitat. Troisièmement, tant dans le neuf que dans l’ancien, nous
devons favoriser l’accession à la propriété, c’est-à-dire permettre à ceux qui veulent devenir
propriétaires de réaliser leur rêve. Cela peut paraître comme une mini révolution pour le monde
du logement social que de vendre 40 000 logements par an, mais c’est indispensable. Les
bailleurs vont devoir également développer de nouveaux métiers comme par exemple la gestion
de syndic. Pourtant, si l’on veut bien y réfléchir, c’est un peu un retour aux sources. Dans l’entre
deux guerres, il s’est construit quelque 320 000 habitations à bon marché, ancêtres des HLM : 47
% étaient en accession à la propriété contre 53 % en location. Notre ambition c’est vraiment de
donner à chacun de nos concitoyens le choix. Le choix de devenir propriétaires, en particulier
dans les milieux populaires, parce qu’il n’est pas normal que seul 56 % des Français soient
propriétaires de leur habitation principale contre 84 % des Espagnols. Ou encore, le choix d’être
locataires. La garantie des risques locatifs, pour laquelle Monsieur BERHO a été un ardent acteur
et bien d’autres aussi, en fluidifiant le marché de la location participe assurément d’une politique
du libre choix pour tous. Je m’en réjouis. Je terminerai avec le volet opérationnel. L’ANRU doit
poursuivre son programme. J’ai obtenu vous le savez, peu après ma prise de fonctions, que soit
signée une convention qui a permis de débloquer 2 milliards d’€ supplémentaires. Je tiens à la
politique de Rénovation Urbaine, les parcours résidentiels cela concerne aussi les habitants des
quartiers fragiles et parmi eux, les jeunes. Ces derniers représentent l’avenir de notre pays : c’est
pourquoi ils doivent faire l’objet de toute notre attention, de nos soins et de beaucoup de
précautions. Nous devons être prudents notamment en ce qui concerne les programmes de
démolition. L’ANRU est un bel outil partenarial et je sais pouvoir compter sur elle pour mener à
bien sa mission, comme je sais pouvoir compter sur l’ANAH qui réalise un travail de dentelle
dans nos centres anciens et qui fait beaucoup pour la lutte contre l’habitat indigne en
collaboration avec les collectivités. Je souhaiterais d’ailleurs voir ses moyens augmenter. Nous
devons rechercher des financements complémentaires à ceux de l’Etat : le 1 % du logement
pourrait peut-être à nouveau être sollicité.
En conclusion, Mesdames, Messieurs, il y a une chose dont je veux vous convaincre. Il existe un
intérêt, non seulement social, mais économique et aussi même, je dirai, d’ordre public à ce que la
crise du logement soit d’urgence, sinon résolue - car nous sommes lucides, il faut un peu de durée
- du moins en voie de résorption rapide et visible de tous. Et pour paraphraser Jules Siegfried, je
dirai en le citant : « L’habitation doit être la première préoccupation de ceux qui ont à cœur le
progrès social », et je rajouterai le progrès économique de notre pays. C’est la raison pour
laquelle j’espère obtenir votre participation et votre soutien pour le grand chantier national en
faveur du logement que je vais lancer très prochainement à Lyon. Je compte sur la mobilisation
de tous, le ministre du Logement et de la Ville n’a pas de ciment, n’a pas de truelle, n’a pas de
pelle, ne peut pas construire. Il peut simplement être un facilitateur de relations entre les
différents partenaires quels qu’ils soient. Je suis pour ma part convaincue, je vous l’ai dit au
début de mon propos, que la volonté de tous, de tous ceux qui sont concernés, de tous les acteurs
du monde du logement est au rendez-vous. Il va falloir maintenant se mettre en marche. Il va
falloir également que nos concitoyens comprennent notre volonté à tous d’avancer pour faire en
sorte que n’existent plus dans ce pays, cinquième puissance mondiale, des hommes, des femmes
et des enfants qui ne trouvent pas à se loger. Je vous remercie. »
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Le logement des jeunes
Dans le contexte actuel de la précarité de l’emploi, les jeunes sont particulièrement exposés aux difficultés
de logement. Le lien est évident entre statut professionnel et accès, voire maintien dans un logement. Le
débat, introduit par Patrick DOUTRELIGNE - Délégué Général de la Fondation Abbé Pierre - pose le
problème au niveau national et s’appuiera sur des exemples locaux : accès au logement pour les jeunes, les
intérimaires, les saisonniers, les étudiants…
•
Animateur du débat : Cyrille POY - Journaliste à l’Humanité
•
Témoignages :
Jean DE MATHAN - Conseiller confédéral logement CFTC
Jean Frédéric DREYFUS – Secrétaire National de la CGC
Bernard LOTH - Conseiller confédéral logement FO
•
Intervenants
Catherine DUBOSQ - Secrétaire régionale de la CFDT Aquitaine
Colette ESPERANCE - Directrice du Foyer de Jeunes Travailleurs de Bayonne
Christian IPUTCHA - Directeur Général du CIL 1% Logement de Bayonne et sa Région
Peio JAURA JAURIA - Président de l’Association Eskualdun Gazteria
Animateur du débat : Cyrille POY - journaliste à l'Humanité :
« Patrick Doutreligne, la Fondation Abbé Pierre, dont vous êtes le délégué général, avait consacré
dans son rapport 2006, un chapitre spécifique sur le logement des jeunes. Pourriez-vous nous
faire un état des lieux de leur situation face au logement ? »
Patrick DOUTRELIGNE - Délégué général de la Fondation Abbé Pierre :
« Le lien avec la déclaration de Madame Le Ministre est tout à fait intéressant, puisqu’elle a
terminé en disant que ses priorités iraient vers le logement des jeunes. Sans doute, la
problématique du logement des jeunes est celle qui présente de la façon la plus paroxystique la
crise du logement, parce que ce sont eux qui sont confrontés directement aux difficultés du
marché du logement au moment de leur décohabitation. Je donnerai quelques chiffres, même si à
chaque fois que Monsieur Mouillart est dans la salle, je suis toujours gêné de donner des chiffres,
parce qu’il les épluche, les décortique et après vous critique.
Les jeunes de quinze à trente ans sont dix millions en France. C’est un chiffre extrêmement
important, et ils sont, légitimement, préoccupés par leur devenir. En effet, ils sont confrontés à
des difficultés dans leur formation et à une insécurité croissante en matière d’emploi, notamment
à cause du travail précaire. Ils ont du mal à dé cohabiter, non pas qu’ils souhaitent rester chez
leurs parents le plus longtemps possible, mais simplement parce que les conditions financières et
matérielles ne sont pas réunies pour qu’ils puissent partir.
Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse. Tout le monde se réjouit de ce que les Espagnols soient,
pour 82 % d’entre eux, des propriétaires. Mais est-ce que l’on connait l’âge de la décohabitation
des jeunes en Espagne ? C’est vingt-neuf ans et demi ! C’est-à-dire qu’il faut TOUT mesurer
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quand on parle du taux de propriétaires, et comprendre qu’il y a tellement peu de locations pour
les jeunes espagnols, qu’obligatoirement ils ont le choix entre ce que l’on a appelé les auberges
espagnoles - c’est-à-dire la colocation et en nombre, comme c’est le cas à Madrid ou à Barcelone
- soit, tout simplement, d’attendre chez leur parents. Même s’ils commencent à travailler vers
vingt-et-un ou vingt-deux ans, ils doivent mettre de l’argent de côté pendant six ou sept ans pour
accéder à la propriété vers vingt-neuf, trente ans. Donc, il faut tout mesurer. Les chiffres sont
parfois trompeurs, et Jean-Luc Berho l’a démontré avec beaucoup d’humour en évoquant les cas
de l’Albanie et de la Suisse.
Les difficultés des jeunes s’expliquent d’abord par les difficultés de la société et notamment la
montée des précarités. Actuellement, deux emplois sur trois proposés sur le marché, le sont sous
une forme atypique, c’est-à-dire sous forme de CDD, de missions ou d’intérim. Nous vivons dans
une société qui vit encore l’illusion des Trente glorieuses. Allez dans une agence immobilière,
démarchez un propriétaire, il va d’abord vous demander si vous avez un emploi, si c’est un CDI,
si vous êtes fonctionnaire… Il sera assez réservé si vous lui dites que vous êtes en CDD ou en
contrat de qualification. Il y a une déconnexion totale entre les exigences du monde du logement,
que ce soient les propriétaires, les agences immobilières, voire les Offices HLM, et la réalité de
l’emploi des jeunes confrontés à la précarité.
La jeunesse a toujours été un moment de passage, un moment où on dit : « tu sais bien que tu
manges ton pain noir, c’est bien que tu sois confronté à la réalité, à des difficultés, que ce que
l’on te propose ne soit pas du pain béni, pour que tu puisses être un peu fort pour rentrer dans le
monde du travail ». Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est que la jeunesse est un temps
d’apprentissage d’une vie qui risque elle aussi d’être durablement marquée par cette insécurité.
Les jeunes qualifiés et très qualifiés (bac + 3, + 5 ou + 7) commencent difficilement entre 1.300
et 1.500 €. La réalité est qu’on leur propose des salaires légèrement au-dessus du SMIC, alors
qu’ils ont bac + 5 ou + 6. Cependant, ils ont l’espoir d’avoir, trois ou quatre ans plus tard, une
réelle augmentation de leurs ressources. Pourtant, ce que l'on remarque actuellement, mis à part
quelques professions très ciblées, c’est qu’ils risquent de rester dans ce système de contrat de
travail à durée déterminée, de contrats de missions - puisqu’il est question de les mettre en place
-, et d’avoir des ressources qui seront limitées autour de 1.500 à 1.600 €. Si l’on considère qu’il
ne faut pas dépasser plus de 25 % de ses ressources pour son loyer et ses charges, avec un salaire
de 1600 euros, cela veut dire que le jeune doit obligatoirement trouver un logement autour de 400
€. Ce type de prix, en région parisienne, c’est fini. Dans les grandes villes, cela commence à être
fini. Sur la côte basque, c’est déjà fini. Mais vous le savez mieux que moi, et la partie locale de ce
débat, je la laisserai aux responsables syndicaux ou associatifs qui connaissent bien mieux que
moi les problèmes du Pays Basque.
En tout cas, la montée du chômage et de la précarité s’est traduite par une multiplication par six,
en dix ans, du nombre d’emplois intérimaires ou de CDD, alors que parallèlement le nombre
d’emplois en CDI augmentait seulement de 12 %. Le monde du travail est en train de changer.
Tout le monde en est conscient. Le monde du Logement est aussi en train de se modifier, et nous
n’avons pas encore bien perçu les contours et les conséquences de ce changement pour les jeunes.
Pourquoi, concrètement, les jeunes ont-ils du mal à entrer sur le marché du logement ? D’abord,
parce qu’on ne leur propose qu’une offre restreinte et inadaptée. Restreinte, parce
qu’évidemment, dans un marché où il manque 850.000 logements, ceux que l’on va leur proposer
sont rares, et donc beaucoup demandés. Deuxième handicap, le niveau des loyers de relocation
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pratiqué. Quand vous êtes propriétaire, vous ne pouvez pas augmenter le loyer de votre locataire
en dehors d’un certain pourcentage annuel défini par la loi et calculé par l’INSEE, l’indice de
révision des loyers (IRL). La seule liberté du propriétaire, réside lors du changement de locataire.
Quand Dupont s’en va et que Durand arrive, le propriétaire retrouve une liberté de prix. Un
logement loué depuis trois ou quatre ans à la même personne n’augmentera que de 2,5 % par an,
en suivant l’IRL. Parallèlement les locations remises sur le marché peuvent gagner jusqu’à 20 %
par rapport au précédent loyer. Le jour où Dupont donne son préavis, le loyer prend en moyenne
12 %, 13 %, voire 14 %. C’est l’indice des loyers de relocation. Il frise ces cinq dernières années
les 14 % annuel !
Qui est confronté à cela ? En dehors des personnes mutées pour des raisons professionnelles, ce
sont bien sûr les jeunes les principales victimes de ce dispositif de régulation libre des loyers.
Comme beaucoup de pays européens, l’Espagne en est un, mais la France avait mal évalué le
phénomène de décohabitation. L’INSEE était persuadé que l’âge de la décohabitation des jeunes
serait retardé et qu’on aurait un peu plus de « Tanguy » qui, au lieu de partir à vingt-et-un ans,
comme il y a une dizaine d’années, partirait à vingt-deux ou vingt-trois ans. Or les chiffres nous
démontrent aujourd’hui le contraire. Une étude faite par la Cour des comptes a démontré que la
décohabitation des jeunes était en train de baisser légèrement en raison du problème de la
séparation des couples et du taux de divorce. Les problèmes de cohabitation restent fortement
persistants. 77 % des jeunes qui résident chez leurs parents invoquent des raisons économiques à
leur situation et non un choix de « Tanguy ».
Les jeunes sont, avec les familles nombreuses et les personnes d’origine immigrée, les principales
victimes de la crise du logement. Mais au-delà d'être des victimes, ces typologies de ménages
sont confrontées à toutes sortes d’instabilités économiques et sociales. La mobilité en est une.
Nous savons que les jeunes qui ont fini une formation, vont être contraints à déménager pour
travailler et d’accepter un emploi à 50, 100, 200 km, voire à l’autre bout de la France. Je sais
que, par exemple, ici, au Pays Basque, c’est un phénomène extrêmement douloureux. Les jeunes
Basques, qui font leurs études à Bayonne ou à Biarritz, savent qu'ils ne trouveront pas un emploi
dans leur pays et qu’ils vont devoir aller très loin au Nord, au moins à Bordeaux ou Toulouse,
voire à Paris. Ce phénomène existe partout. On voit la même chose en Savoie.
Mais les jeunes confrontés aux problèmes de logement ce sont aussi les étudiants. L’écart entre
leur nombre et celui des résidences sociales et des chambres mises à leur disposition les confronte
à des difficultés extrêmement importantes. Notre pays a favorisé les études des jeunes, mais n’a
absolument pas pris en compte la problématique de leur logement. Certains vont s’en sortir, en
louant à plusieurs un appartement. Le propriétaire y trouvera une forme d’intérêt, parce qu’à la
fin de l’année, il va peut-être pouvoir récupérer son logement et le louer plus cher l’année
suivante. Et s’il est près de la côte, il va pouvoir le louer pendant l’été aux estivants en
multipliant par trois ou quatre le loyer. Ce type de locations de neuf mois est de plus en plus
fréquent, notamment dans les Landes et en Vendée. Et pendant les trois mois d’été, le propriétaire
conseille aux jeunes de camper.
Enfin, il faut aussi considérer les jeunes qui n’ont ni la chance d’avoir un emploi, ni la chance ou
le potentiel pour poursuivre leurs études. Eux, ce sont les derniers dans la file d'attente dont
parlait Christophe Robert tout à l’heure. Nous les connaissons bien à la Fondation Abbé Pierre.
Bien souvent, ils partent de chez eux suite à un conflit familial ou en raison de difficultés
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économiques importantes, et se réfugient vers les centres d'hébergement, les foyers de jeunes
travailleurs ou autres résidences sociales et lieux d’hébergement d’urgence. Le problème, c’est
qu’avec la pénurie actuelle de logement, ces places sont prises d’assaut par la catégorie audessus, celle des jeunes travailleurs.
Tout à l’heure, un intervenant rappelait qu’une enquête de l’INSEE évaluait à 30 % le
pourcentage de SDF qui, en région parisienne, avaient un emploi. Cette étude démontre bien
qu’une partie de ces travailleurs vivent dans des structures d’asiles de nuit ou d’hébergement de
type Croix Rouge, Emmaüs ou Secours Catholique.
Les conséquences pour les jeunes de tout ce que je viens de rappeler sont dramatiques. Ce sont
des formations ou des mutations professionnelles qui sont remises en cause parce que l’on ne
trouve pas de logement ou que l’on n’a pas les moyens de quitter le domicile familial. Ce sont des
projets de vie bloqués parce que les parcours résidentiels restent problématiques. A Grenoble, la
vallée high-tech propose à des jeunes ingénieurs des salaires de 1.400 €. Attirés par l’emploi, les
jeunes viennent mais ne trouvent rien à moins de 500 € sur Grenoble. Certains finissent par
renoncer ou, s’ils acceptent l’emploi, vont vivre dans des caravanes, des voitures, alors que ce
sont des salariés de niveau bac + 4 ou 5 !
Autre conséquence de cette crise du logement des jeunes : la vie quotidienne perturbée. La
colocation a le côté sympa véhiculé par les feuilletons télévisés, où on cohabite avec les copains
et les copines en bonne harmonie. Mais en réalité, c'est bien plus compliqué que les séries
américaines. Il faut accepter un type d’horaires, un type de comportement, mais aussi d’amener la
copine ou le copain dans un cadre collectif, ce qui est quand même peu propice à l’intimité.
Enfin, dernière conséquence, à long terme, qui ne peut qu’inquiéter quand on entend des discours
prôner le « tous propriétaire » : l’accession à la propriété de jeunes entre vingt-cinq et trente ans
faute d’avoir pu trouver un logement en location. Ces jeunes couples partent sur des prêts de 30 à
40 ans, si bien que l’on fabrique des accédants perpétuels à la propriété. En Espagne, j’ai même
vu des prêts transmissibles aux descendants ! C’est-à-dire que lorsque vous empruntez et qu’il
vous arrive quelque chose, ce sont vos enfants qui vont continuer à rembourser… Si c’est ça la
France de propriétaires, permettez moi d’y mettre des réserves très importantes. Il n'y a aucun
positionnement idéologique contre l'accession à la propriété dans cette opinion, bien au contraire.
Mais faire croire que tout le monde pourra devenir propriétaire, faire croire que c’est une solution
pour le logement des jeunes, est illusoire et deviendra très vite dangereux. De plus, même si
Madame Boutin nous dit le contraire, ce type de politique peut justifier un sous investissement
dans les logements à loyer accessible. Or, le manque de logements à loyer accessible est quand
même le problème majeur de la crise du logement en France pour tous les ménages et en
particulier pour les jeunes. »
Cyrille POY : « Merci Patrick Doutreligne pour cette introduction. Nous allons maintenant
écouter des acteurs locaux qui vont témoigner de la façon dont se pose la question du logement
des jeunes dans leur territoire. Catherine Duboscq, vous êtes secrétaire régionale de la CFDT
Aquitaine. Comment se pose la question du logement dans votre région ? Je suppose qu’il y a
différents publics et que cela évolue en fonction d’eux ? »
Catherine DUBOSCQ - Secrétaire régionale de la CFDT Aquitaine.
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« Effectivement. Les jeunes ne sont pas une population homogène. Entre les étudiants, les
saisonniers, les jeunes travailleurs, il existe plusieurs catégories de jeunes qui vivent en
Aquitaine. L’Aquitaine compte aujourd’hui plus de trois millions d'habitants. D’ici quinze à vingt
ans, ce sera près de quatre millions, car c’est l’une des régions les plus attractives de France pour
différentes raisons. Il y a d’abord le phénomène touristique, celui des résidences secondaires, qui
a été abordé lors d’une intervention dans le débat concernant le logement des salariés. Citons
encore le phénomène du retour des retraités dans leur région, et celui de l’implantation de
nouveaux actifs, généralement issus des catégories supérieures de revenus, qui viennent
s’installer sur les trois gros bassins d’emplois que sont Bordeaux, Pau et l’agglomération
Bayonne-Anglet-Biarritz (BAB). Ces populations, cumulées à l’attrait du littoral, créent une
pression immobilière et foncière extrêmement fortes qui va obérer les parcours résidentiels et en
particulier créer des difficultés pour les jeunes. Des jeunes qui restent souvent très attachés à leur
région et qui ont fait leur le vieux slogan syndical « vivre et travailler au pays ».
Cyrille POY : « Un slogan toujours d’actualité donc… »
Catherine DUBOSCQ : « En effet, c’est un slogan qui revient. Selon une récente enquête de
l’Académie de Bordeaux, il semblerait que les jeunes aquitains, et particulièrement les jeunes
ruraux et leurs parents, aient, par rapport à la moyenne nationale, moins d’ambition pour les
diplômes que pour rester dans leur région lorsqu’ils seront en âge de travailler. Cette idée de ne
pas poursuivre d’études longues et d’avoir un bagage professionnel plus modeste, serait corrélée
avec l’idée que l’on veut rester vivre dans sa campagne, dans son village, et que l’on n’a pas
envie d’immigrer, même s’il s’agit de quitter la Dordogne pour venir vivre à Bordeaux.
Les phénomènes de l'attractivité de l’Aquitaine et du tourisme font que nous avons des villes et
des cœurs de villes d’une très grande qualité. Bordeaux vient d’être classé, pour une grande partie
de son centre-ville, au patrimoine mondial de l’UNESCO. La conséquence, c’est qu’aujourd’hui,
un T2 sur le marché libre coûte environ 700 € par mois. Un T3, pas moins de 900 €. Ces niveaux
de prix posent plusieurs problèmes. Le premier, c’est que ces cœurs de villes, où se déroulent la
plupart des activités ludiques pour la jeunesse, leurs sont quasiment interdits ou très difficile
d’accès. En second lieu, cette forte pression sur les prix génère un gaspillage foncier qui se
traduit par un étalement urbain extrêmement préoccupant.
Aujourd’hui, près de 90 % des entreprises en Aquitaine sont de petites et moyennes entreprises.
La plupart du temps, ces petites entreprises n’ont pas les moyens ou ne souhaitent pas se
préoccuper du logement des jeunes. C’est problématique, car sans dialogue social ni d'instance
professionnelle territoriale pouvant prendre en charge ce sujet, la situation n’évolue guère.
Pourtant, le logement des jeunes concourt aussi à la compétitivité économique de la Région.
L'attractivité des universités, en particulier pour l’international, l’attractivité des écoles, résident
aussi dans notre capacité à trouver du logement pour les 120.000 étudiants aquitains, dont les
deux tiers sont sur l’agglomération bordelaise, et le reste réparti sur Pau, Bayonne et Biarritz.
Pour ne s’en tenir qu’à Bordeaux, l'offre de logement étudiant est obsolète, voire vétuste. Les
plans de constructions de logements que nous avons soutenus, que ce soit au Conseil Economique
et Social ou directement auprès du Conseil Régional, visent plutôt des opérations de démolition
reconstruction sur le campus. Mais ils ne répondent pas à la très forte demande de logements.
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Quant aux saisonniers, que l’on retrouve aussi bien dans le tourisme littoral ou de montagne que
dans les exploitations agricoles, qui restent nombreuses, ils représentent autour de 100.000
personnes. Nous avons déjà amorcée, que ce soit sur le Bassin d’Arcachon, sur Bayonne ou
même en Dordogne, une politique spécifique afin de mettre en place des maisons de saisonniers
permettant d’avoir une offre complète d’accompagnement que ce soit dans l’emploi ou dans le
logement. Nous travaillons également à la recherche d’activités complémentaires leur permettant
d’avoir une activité régulière sur l’ensemble de l’année ainsi que des logements. Or, trouver des
offres de logements est assez compliqué. Il faut travailler avec les communes afin de réaffecter
des bâtiments vides, de vieux hôtels par exemple, pour les reconvertir en logements. »
Cyrille POY : « Ces bâtiments sont-ils uniquement occupés pendant la saison ? Y a t-il une
utilisation autre le reste du temps ? »
Catherine DUBOSQ : « Nous essayons de faire en sorte que ces bâtiments soient occupés toute
l’année. Mais pour ce faire, il faut qu’ils soient ouverts à plusieurs types de publics. D’où l’idée
de les ouvrir à la fois à des saisonniers, à des apprentis, des travailleurs agricoles, et à des
étudiants. »
Cyrille POY : « Merci pour votre témoignage Catherine Duboscq. Nous allons maintenant
aborder avec Colette Espérance, directrice du Foyer de Jeunes Travailleurs de Bayonne, le sujet
des foyers de jeunes travailleurs. Qu’est-ce qu’un foyer de jeunes travailleurs ? Quels sont les
problèmes auxquels ce type de structures se trouve confrontées ? »
Colette ESPERANCE - Directrice du Foyer de Jeunes Travailleurs à Bayonne
« Le foyer que je dirige existe depuis 1962 grâce à la volonté du maire de Bayonne de l’époque,
Henri Grenet, que beaucoup connaissent ici. Juridiquement, c’est une association Loi 1901.
L’idée de départ d’Henri Grenet était d’équiper le bassin d’emploi de Bayonne d’une structure
foyer pour accueillir les jeunes. Déjà, à l'époque, il y avait cette idée d'équiper un territoire. Le
foyer est dans la plus pure tradition des Foyer de Jeunes Travailleurs (FJT) créés à partir des
années 60 et construits grâce aux Offices HLM. Leur but était de répondre à l’exode rural des
jeunes vers les centres urbains pour y trouver un travail. A Bayonne, il s’agissait donc d’accueillir
les jeunes de l’intérieur du Pays Basque et du Béarn.
Au départ, la capacité était de 51 lits en chambres, qui sont devenus, après une réhabilitation et
une restructuration en 1988, 103 studios meublés et équipés avec une kitchenette et des sanitaires.
En 1995, nous avons créé la résidence Osuna, en plein cœur de Biarritz, qui offre 16 studios, et
en parallèle, un parc de logement de 30 appartements dans le diffus des centres-villes de
Bayonne, Anglet, Biarritz et Saint-Jean-de-Luz. Ce parc, agréé Foyer Soleil, est constitué
d’appartements loués à des agences immobilières, des bailleurs privés ou des sociétés d’HLM,
qui sont ensuite sous loués à de jeunes travailleurs, l’association étant autorisée par le Préfet de
Département à exercer ce type de sous location.
Ces trois structures atteignent aujourd’hui un taux d’occupation de 97 %. Leur vocation, claire et
précise, est de répondre aux besoins en logement temporaire de jeunes de seize à vingt-cinq ans
appelés à quitter leur famille ou leur région pour des raisons professionnelles ou de formation. Le
public des seize/dix-huit ans étant essentiellement constitué par de jeunes apprentis, puisque la
tradition de l’apprentissage reste très forte dans le Pays Basque intérieur. »
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Cyrille POY : « Et ils représentent quelle part de résidents dans vos structures ? »
Colette ESPERANCE : « Autour de 20 % à l’heure actuelle. Ce qui pose le problème de leur
très jeune âge. C'est d’ailleurs l’un des éléments qui nous permet d’apprécier la mutation des
foyers qui, il y a quelques années, répondaient à un mouvement démographique de jeunes qui
quittaient les campagnes pour aller vers les grandes villes, et qui, maintenant, depuis la crise
pétrolière de 1974, sont face à des situations de mobilité professionnelle diverses. C’est pour cela
que nous recherchons continuellement des solutions d’hébergements souples, aptes à s’adapter à
la précarité des emplois, des contrats de formation, des contrats d’intérim, des petits boulots d’été
et des stages pratiques en entreprise que tout jeune va occuper successivement avant de
déboucher sur un CDI. A l’heure actuelle, les jeunes ont une trajectoire professionnelle
chaotique, qui dure deux ou trois ans, avant de déboucher sur le CDI qui correspondra à leur
qualification. Cette trajectoire est plus longue pour les jeunes sans qualification et peut durer
quatre à cinq ans.
Tout ceci explique la double problématique emploi/logement pour ces jeunes publics. Comment
accepter un CDD de 6 mois, si on ne sait pas comment se loger. Comment prendre un logement
lorsqu’on n’a pas d’emploi fixe. Et, quadrature du cercle, comment se loger pendant une période
d’essai ? Les employeurs sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le FJT de Bayonne
pour loger les jeunes qu’ils veulent embaucher. Donc, on sent bien que le logement peut-être
l’articulation d’une politique de l’emploi des jeunes.
Ceci étant, la base de la problématique du logement des jeunes se complexifie selon qu’ils soient
étudiants, jeunes travailleurs, jeunes sans emploi, jeunes en formation ou jeunes en formation en
alternance. La disparité des dispositifs et des réglementations légales en matière de Caisse
d’allocations familiales (CAF), de Sécurité Sociale, d’Assedic, de Locapass ou même de fiscalité
mettent les jeunes dans des situations administratives complexes et changeantes. Il n’est pas
évident de bien connaître ses droits et d’arriver à les obtenir dans un tel maquis administratif.
La deuxième fonction des FJT est l’accompagnement de ces jeunes appelés à quitter leur famille
et leur région et qui sont, au départ, seuls face à leur premier emploi ou leur stage de formation
professionnelle. Il n'est pas question de prise en charge bien sûr, les FJT ne sont pas des foyers
éducatifs. Ils sont un filet de sécurité au service du jeune et de son projet professionnel. Le jeune
est statutairement locataire de son logement et a droit aux aides correspondantes (ALS ou APL).
Dans notre foyer de Bayonne, il paie un loyer, de l’ordre de 362,39 € pour un studio meublé et
équipé, toutes charges comprises, et ceci inclut sa consommation ADSL. Les apprentis ont quant
à eux une APL qui leur ramène le loyer à 28,28 €. Nous pouvons donc estimer que le jeune
résidant dans notre FJT est un « client » qui a choisi un hébergement en raison de son prix, de sa
souplesse d’entrée et de sortie, mais aussi pour ne pas être seul dans une ville dans laquelle il ne
connaît personne. Par ailleurs, selon l’évolution de la trajectoire professionnelle du jeune, une
gamme de logements lui est proposé que ce soit en foyer, en résidence, ou en logement extérieur
autonome en ville, selon qu’il est seul ou en couple, et ceci grâce à un partenariat avec des
partenaires immobiliers publics et privés (HLM, CIL, ainsi que tous les collecteurs du 1%
Logement dont le FASTT).
51
Pour les jeunes qui ont des contrats courts de quinze jours, trois semaines ou un mois, nous
proposons des studios meublés et non plus des chambres. Cet hébergement tient plus de
l’hébergement hôtelier que du logement fixe, particulièrement pour les courts séjours d’une
semaine à un mois qui représentent plus de 30 % de nos séjours. C’est donc un ensemble de
service, dans un environnement convivial, qui est proposé par le FJT de Bayonne, qui a accueilli,
depuis sa restructuration en 1988, 5.000 jeunes garçons et jeunes filles, soit une moyenne de 250
par an, pour des séjours d’une longueur comprise, le plus souvent, entre trois et neuf mois. »
Cyrille POY : « Quelles sont donc les remarques que vous pouvez faire pour améliorer la
situation du logement des jeunes ? «
Colette ESPERANCE : « Je ne retiendrai que sept pistes de réflexion, propres à dépasser les
constats et dégager de véritables pistes pour une politique du logement des jeunes. En premier
lieu, il faut tenir compte des effets de la généralisation des formations en alternance en France sur
l’offre de logement pour les jeunes. Deuxième point, la mobilité professionnelle et géographique.
Troisième point, le phénomène de la colocation. Quatrième point, l’apparition du double emploi.
Cinquième point, le succès du Locapass. Sixième point, l’accession à la propriété, une idée qui
avance chez les jeunes. Enfin, dernier point, le logement des jeunes en très grande difficulté. »
Cyrille POY : « Nous reviendrons tout à l’heure sur tous ces points lors de la discussion. Mais
avant, Christian IPUTCHA, Directeur Général du CIL 1 % Logement de Bayonne et de sa région,
va nous parler de son expérience du problème du logement des jeunes. »
Christian IPUTCHA - Directeur Général du CIL 1%Logement de Bayonne et sa région :
« Il y a eu beaucoup de constats depuis le début de ces débats. Je vais essayer de vous parler de
ce que nous avons essayé de mettre en place et de réaliser pour apporter quelques solutions au
problème du logement spécifique aux jeunes.
Le public jeune et le monde du 1 % Logement ne se connaissaient pas forcément avant la réforme
de 1997-1998. Ce n’était pas un public que le 1% Logement devait « servir », puisqu’il
s’occupait avant tout des salariés des entreprises privées. Il a fallu que chacun fasse un effort.
Les jeunes ne savaient pas ce qu’était un CIL ou le 1% Logement et l’ont découvert à travers le
LOCAPASS. Il a aussi fallu que l’on se rende compte que cette population jeune est assez
instable, un peu versatile et surtout mobile.
Notre CIL, qui a 53 ans d’existence, avait tissé depuis longtemps des partenariats avec différents
acteurs locaux : le monde HLM, le Foyer de Jeunes Travailleurs, les PACT, les communes. Ces
partenariats nous ont permis de développer la production de LOCAPASS. Ce LOCAPASS - nous
réalisons 1.000 dossiers environ par an - est le financement du dépôt de garantie lors de l’entrée
dans les lieux d’un locataire, ainsi que la garantie du loyer pendant 18 ou 24 mois.
Progressivement, il sera remplacé par la GRL, la Garantie du Risque Locatif. Au niveau de la
production de ce type de services, 80 % à 85 % de nos LOCAPASS concernent une population
qui a moins de trente ans. C’est énorme, et cela n’est pas uniquement dû au marché tendu que
connaît le Pays Basque depuis le début des années 2000.
Au-delà de cette aide, les jeunes ont trouvé des solutions. Depuis trois ans, le phénomène de la
colocation s’impose assez naturellement. Aujourd’hui, environ 1/3 de nos dossiers LOCAPASS
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concerne des colocations. Mais il ne s’agit pas de colocation choisie, comme celle que l’on a pu
voir dans des films, c’est-à-dire d’une colocation sympa, qui dure du dimanche soir au vendredi.
Depuis trois ans, cette colocation est subie et entraîne des contraintes, comme supporter les
horaires des uns et des autres. Nous en avons parlé un peu tout à l’heure.
Les jeunes se sont donc déjà un peu organisés avec la colocation. En parallèle, nous avons, depuis
longtemps, établi des liens étroits avec nos partenaires. Nous gérons un parc immobilier et nous
avons mis en place un Bureau d’Accès au Logement (BAL) qui permet de louer des logements
qui seront ensuite sous loués à des jeunes. L’avantage de ce dispositif est une énorme souplesse
dans la gestion de ce parc. Je pense, par exemple, à une entreprise assez connue sur le secteur du
Pays Basque : Quicksilver. Elle est jeune, a une pyramide des âges très jeune, et reçoit du
personnel venu des quatre coins de l’hexagone. Elle a besoin de logements meublés mais pour
des durées d’occupation trop longues pour l’hôtel, et trop courtes pour un bail classique. Notre
dispositif lui offre la possibilité de loger ses jeunes salariés.
Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à signer des conventions avec le BAL, en
particulier celles relevant des secteurs du transport et du BTP, qui ont besoin de personnel pour
des chantiers déterminés. Il y a aussi, je le disais à l’instant, les entreprises liées à la glisse,
présentes au Pays Basque et dans les Landes.
Le Bureau d'Accès au Logement a été mis en place au niveau des Pyrénées-Atlantiques il y a
maintenant dix ans. C’est une structure financée par différents partenaires : l’Etat, le Conseil
général, la CAF, le 1% Logement et les collectivités locales. Il est géré par les deux PACT
respectifs du Béarn et du Pays Basque. Le BAL permet aux populations en difficulté un accès au
logement ou un maintien dans le logement. Parmi les publics en difficulté, il y a les jeunes. Une
conseillère économique et sociale leur est spécifiquement affectée. Le travail est compliqué,
difficile, parce que le public jeune est instable, et que l’on manque de petits logements au Pays
Basque, notamment sur la Côte. Aujourd’hui, un studio de 20 m², sur la côte, c’est 400 € dans le
privé, c’est-à-dire c’est 20 € le m². Trois fois plus cher que le PLS, ce logement social dont on
parlait tout à l’heure, qui est le plus cher des logements sociaux hors charges.
L’accès au BAL est conditionné par des ressources. C’est aussi une source de problème pour les
jeunes qui ont des revenus instables. Ils connaissent souvent des périodes de non emploi, puis des
périodes d’emploi, pendant lesquelles leurs revenus peuvent dépasser les plafonds de ressources.
Néanmoins, le BAL réussit, et c’est un tour de force si l’on tient compte des niveaux de prix
pratiqués ici, à loger environ 150 personnes par an sur un stock de 600, soit ¼ des demandeurs.
Pour les logements sociaux, le ratio est pour les jeunes de 1/3. Le problème est sévère. »
Cyrille POY : « Merci Christian IPUTCHA pour ce témoignage. Peio JORAJURIA, vous êtes
président de l’Association Euskaldun Gazteria - vous nous expliquerez ce que cela veut dire car il
y a beaucoup de non basques dans l’assistance – et vous allez nous présenter l’histoire de votre
association ainsi que le projet de logement original que vous avez développé en Pays Basque. »
Peio JORAJURIA - Président de l'Association Euskaldun Gazteria
« Euskaldun gazteria cela veut dire jeunesse basque tout simplement. C’est la branche Basque
des MRJC, le Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne, qui existe en Pays Basque depuis plus
de cinquante ans. Notre association s’est donné pour but d’aider les jeunes à devenir acteur de
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leur territoire. Une équipe de jeunes filles, réunie depuis l’âge de 16 ans - il y a maintenant sept
ans - s’est lancé dans un diagnostic de territoire du Pays Basque intérieur avec l'aide de la MSA
notamment. Ce travail a abouti finalement à une expérience sur le logement des jeunes.
Globalement, nous faisons à peu près les mêmes constats que ceux qui ont été fait jusqu’à
présent. A ceci près, que le Pays Basque intérieur compte plus beaucoup de propriétaires : 85 %
en Basse Navarre, soit plus que le pourcentage Espagnol. Nous disposons donc de très peu de
logements locatifs, qui sont, de plus, très concurrencé par le logement saisonnier. D’autre part, ils
sont de très grande taille, donc peu adaptés aux jeunes ménages.
Pour nos jeunes, c’est un véritable problème, puisqu’ils sont très attachés à leur territoire.
Beaucoup refusent de partir. Certains vont faire des études parfois très longues, et reviennent
avec des bac + 5. Or, l’emploi disponible ici ne correspond pas forcément aux formations suivies.
Même avec un bac + 5, le premier emploi sera un CDD, à temps partiel, au Smic dans le meilleur
des cas. Un logement privé de plus de 80 m² devient alors totalement inaccessible. Nous
constatons aussi un repli vers la colocation ou un retour au domicile parental. Mais revenir chez
ses parents, à vingt-cinq ans, après avoir vécu cinq ans à Bordeaux, ce n’est pas toujours la
meilleure solution. »
Cyrille POY : « Alors qu’est-ce que vous avez mis en place, vous avez imaginé un système très
original… »
Peio JORAJURIA : « Nous nous sommes lancés dans la création d’une société civile
immobilière solidaire. Le principe est très simple : nous avons lancé une souscription publique et
demandé à la population d’acheter des parts sociales d’un montant unitaire de 180 €. C’est à la
portée de tout le monde, d’autant plus qu’il y a une possibilité de virement automatique de 15 €
par mois pendant un an… »
Cyrille POY : « Avis à ceux que cela intéresse… »
Peio JORAJURIA : « Grâce à cet argent, nous pouvons contracter un emprunt bancaire et
bénéficier des aides de l’ANAH - dans le cadre d’une Opération Programmée d’Amélioration de
l’Habitat (OPAH) - pour acheter une vieille maison, la rénover, et créer des appartements de
petites dimensions à loyer modéré. Nous refusons de construire. Nous préférons rénover
l’existant qui est mal utilisé.
Cette souscription a été lancée en novembre dernier. Nous l’avons close en février. 167 personnes
ont accepté de donner entre 180 et 900 € chacune. Pour la moitié, ces personnes sont issues du
canton dans lequel nous avons organisé les réunions publiques. Les autres viennent d’un peu tout
le Pays basque. Ce sont des gens concernés par le problème du logement, par le développement
territorial, mais également une population plus variée. Des maires ont investi à titre privé – il y en
a 7 sur les 167, ce qui n’est pas négligeable –, beaucoup de jeunes (20 % des actionnaires ont
moins de 30 ans), notamment des mineurs qui se sont mis à trois ou quatre pour acheter une part.
Il y a aussi des agriculteurs, des chefs d’entreprise, bref toutes les couches de la population.
Nous sommes en train de travailler sur les statuts juridiques. Cela a l’air très simple en théorie,
mais en pratique, c’est plus complexe. Nous devons aussi chercher une maison. Un appel a
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d’ailleurs été lancé et sept propriétaires ont répondu. La plupart des propositions ne
correspondaient pas à notre projet, certaines étant cependant très intéressantes.
Aujourd’hui, nous avons trouvé une maison. A l’automne, nous créerons officiellement une
société civile immobilière, signerons l’acte d’achat, pour faire en sorte que l’été prochain, nous
puissions poser la tapisserie, faire les peintures intérieures et tout ce qui est à notre portée. A
l’automne 2008, les premiers locataires devraient pouvoir s’installer. Depuis le lancement de la
souscription, l’opération aura pris deux ans, avec au préalable, pas mal d’années de travail. »
Cyrille POY : « Ces parts de SCI ne donnent lieu à aucun versement de dividendes ? »
Peio JORAJURIA: « Dans la convention que l’on a passé avec l’ANAH, une clause stipule
qu’aucun actionnaire ne peut habiter un des logements aidés pendant au moins neuf ans. Donc,
les gens qui investissent ne peuvent pas retirer un avantage de leur participation. Ils n’ont rien à
gagner et il n’y aura aucun versement de dividendes aux actionnaires. »
Cyrille POY : « C’est vraiment une solidarité locale qui a fonctionné avec un projet qui
intéressait tout le monde. »
Peio JORAJURIA : « Tout ce qu’ils peuvent espérer, c’est que l’opération réussisse et que dans
vingt ans, nous puissions puisse leur rendre leurs 180 €, avec l’inflation. »
Cyrille POY : « Je suis sûr qu’ils l’attendent avec impatience ! Vous connaissez d’autres
exemples, vous avez copié un projet existant ? »
Peio JORAJURIA : « Nous avons pioché à droite, à gauche. Il existe un groupement foncier
agricole (GFA) qui fait la même chose pour acheter des terres agricoles depuis vingt ans. Il y a
également d’autres SCI solidaires de différents types qui existent en France. Les initiatives
solidaires sur le problème du logement voient le jour depuis trois, quatre ans un petit peu
partout. »
Cyrille POY : « Merci Peio JORAJURIA pour ce témoignage et ces explications. On va se
tourner maintenant vers les représentants nationaux des syndicats. Jean DE MATHAN, vous êtes
conseiller confédéral CFTC, et je crois que vous vouliez profiter de l’occasion pour évoquer la
situation des jeunes salariés en faisant un parallèle entre le prolétariat et le précariat … »
Témoignages :
Jean DE MATHAN - Conseiller confédéral logement CFTC
« Commençons par là. Au XIXème siècle, le prolétariat a des conditions de vie, en particulier le
logement, difficiles. Il s’entasse dans des vieilles maisons, au centre des grandes villes, ou en
périphérie, dans des bidonvilles, dans des cabanes, victime d’une véritable crise du logement.
Aujourd'hui, nous ne parlons plus de prolétariat, qui a pratiquement disparu, mais de précariat.
Evidemment, dans le précariat, on retrouve les jeunes, victimes de la mobilité.
La mobilité, la flexibilité, diront certains, c’est très bien, les jeunes le demandent. Peut-être, mais
le logement ne suit pas parce que l’immobilier, par définition, c’est immobile. Il y a donc un
grand écart. C’est pour le réduire que le LOCAPASS, et maintenant la GRL, ont été mis en place.
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Je siège au sein de structures telles que l’UESL, l’ANPEC et aux HLM. Souvent les adhérents
qui le savent m’interpellent, non pas pour eux mêmes, mais pour leurs enfants, parce
qu’évidemment, ce sont ceux qui sont au bout de la chaîne qui souffrent. Ils ne sont pas seuls. Il y
a aussi les immigrés, cela a été dit, les personnes en rupture familiale, en rupture d’emploi, …
Que faut-il faire alors pour aider les jeunes ? Il y a deux réponses principales à cette question : la
première, c’est d’abord de leur apporter les logements les plus « normaux » possibles. Les foyers
de jeunes travailleurs, c’est très utile, mais il faut que cela ne concerne que les plus jeunes. Ce qui
est dommage, quand on parle de jeunes, c’est qu’en fait on désigne les personnes de moins de
trente ans. On est jeune de plus en plus longtemps. Est-ce que c’est normal ? Non. Je réclame
qu’à partir de vingt-cinq ans, les jeunes ne puissent plus être considérés comme des jeunes
justement. Et qu’ils puissent avoir des emplois normaux, même si ce n’est pas le sujet de ce
colloque. Il faudrait aussi qu’ils soient bien accueillis dans le logement. Et ce n’est pas le cas
parce que les propriétaires bailleurs les voient d’un mauvais œil. Ils se disent : Ils ne vont pas
rester, ils vont faire du bruit, ils vont venir à plusieurs … »
Autre personne dans l’assistance : « Ils ne vont pas payer… »
Jean DE MATHAN : « Ils ne vont pas payer, mais ils ne sont pas les seuls ! Donc, c'est un
public que l'on n'aime pas. On n'aime pas les étrangers, on n’aime pas les jeunes, et comme il y a
le choix…
Dans les zones tendues, quand un logement est disponible, que ce soit un logement social ou un
logement privé, il y a la queue dans l’escalier pour le visiter. C’est vrai dans les CIL aussi. Il faut
donc des logements. Comment faire ? Dans le parc public, il faut améliorer la fluidité. Quand la
fluidité perd 1 % dans une année, ce sont 40.000 logements qui ne sont pas reproposés à la
location. Il faut du temps pour construire 40.000 logements. C’est pour cela qu’il faut aider tout
le monde. Dans cet esprit, je ne suis pas si opposé que cela au Robien ou au PLS, parce que ces
produits créent des logements - et pour une fois, je suis d’accord avec Etienne GUENA, il faut,
restaurer la fluidité - qui pourront intéresser des personnes logées dans le parc social.
A la fin du XXème siècle, il y avait encore un parcours résidentiel. Les jeunes entraient de bonne
heure dans le parc HLM, et quand ils avaient progressé dans leur emploi, qu’ils avaient un
meilleur salaire, ils pensaient, grâce au 1%, à l’accession à la propriété. Je sais bien que les
circonstances sont assez différentes. Mais il faudrait quand même tendre à ce que le logement
HLM soit plus largement ouvert aux jeunes. »
Cyrille POY : « Vous rejoignez les préoccupations qui seront notamment formulées par Colette
ESPERANCE tout à l’heure. Si vous voulez bien Jean DE MATHAN, on va s’arrêter là un
moment et on va écouter vos confrères. »
Jean DE MATHAN : « Oui, mais j’aurais quand même une dernière chose à dire. Penser aux
jeunes, c’est aussi penser à l'avenir. Et penser à l’avenir, c’est penser à l’avenir du 1 % qui va les
aider aujourd’hui ou demain. Or, je suis désolé de voir que dans le 1 % Logement consacre de
plus en plus d’argent à La Foncière Logement ou à l’ANRU, sans aucun retour. Nos
prédécesseurs, dans les années 43-53, avaient construit le système pour qu’il y ait des retours de
prêts et que cela serve pour les générations suivantes. Là, aujourd’hui, au nom de politiques qui
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veulent des résultats immédiats, nous sommes en train de tout brûler. Demain, qu’est-ce qu’il
restera au 1 % pour les jeunes qui seront un peu moins jeunes que maintenant ? Y aura-t-il de
l’argent pour les aider dans leur accession à la propriété ou leur parcours locatif ? Je vous le
demande… »
Cyrille POY : « C’est une vraie question, que nous reprendrons tout à l’heure. Jean Frédéric
DREYFUS, vous êtes le nouveau Secrétaire national de la CGC en charge du Logement, vous
représentez plutôt les cadres CGC, cette catégorie professionnelle est-elle aussi exposée à des
difficultés de logement, notamment les jeunes cadres ? »
Jean Frédéric DREYFUS - Secrétaire national de la CGC
« En effet, je suis le nouveau Secrétaire national de la Confédération Française de l’Encadrement
CGC en charge du Logement et du développement durable. Nous verrons, qu’il y a un lien entre
les deux.
Je tiens d’abord à remercier Jean-Luc BERHO de son invitation, car ce type d’événements
permet de réunir autour de la table et dans la salle des gens qui veulent aller dans le même sens.
Après vingt ans de syndicalisme, je découvre que le logement est le seul thème où l’ensemble des
partenaires sociaux travaille main dans la main et dans la même direction. A ce niveau-là, c’est
rare.
Il m’a été demandé de témoigner sur ce que je vois en tant que syndicaliste. Je suis cadre dans la
Banque de financement et d’investissement du groupe Crédit Agricole, qui représente 12.000
salariés, dont 4.000 en France. Dans mon entreprise, il y a 70 % de cadres. J’ai été élu par ces
cadres administrateur au Conseil d’Administration. Je suis par ailleurs administrateur de
l’Université Paris Dauphine.
A Paris, il y a bien entendu des problèmes de logement pour les étudiants. Et pas uniquement
pour les étudiants étrangers que l'on veut faire venir dans le cadre d’une mondialisation
intelligente. Les étudiants parisiens, français, ne trouvent pas aujourd’hui de logements. Pour les
stagiaires, c’est la même chose. Aujourd’hui les entreprises ne font pas les efforts nécessaires
pour accueillir leurs stagiaires, ni réfléchir à ce type de problématique. Pour les cadres, c’est
pareil. Je ne sais pas quel est le pourcentage de salariés qui, à Paris, peuvent dire « on ne peut pas
vivre à Paris ». Je crois que c’est autour de 80 % ou 85 %. Les cadres vivent en dehors de Paris.
Et ceux qui ont un peu moins de revenus, encore plus loin. Cela crée des problèmes de transport,
de stress, etc.
J’ai quand même une inquiétude. Je suis certain qu’aujourd'hui nous mésestimons les chiffres.
Pourquoi ? Parce que les gens qui ont des problèmes de logement n'en parlent pas. C’est
surprenant, mais c’est ce que me disent les gens que je côtoie. Cette semaine, il y a eu beaucoup
d’articles de presse forts intéressants sur la maladie dans l’entreprise. Or qu’y apprend t-on ? Que
les gens ne parlent pas de leur maladie avec leurs collègues, qu’ils ont trop peur des réactions de
leur entourage, de leur hiérarchie. Le logement, c’est peut-être moins à fleur de peau, donc ils
n’en parlent pas du tout. Mais lorsque l’on commence à véritablement interroger nos collègues,
on s’aperçoit que le logement est une véritable problématique à qui l’on se doit d’apporter des
solutions.
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Je rebondis sur ce que disait notre ami LAUGIER tout à l’heure. Cela peut surprendre certaines
personnes, mais je pense que l'entreprise est quand même maîtresse du sort de ses salariés. Ce
n’est pas le MEDEF, en tant qu’institution, qui peut faire quelque chose. C’est elle qui choisit de
prendre un CDD ou un CDI, de renouveler les CDD, de délocaliser pour des raisons de
productivité. Bref, c'est elle qui a les manettes de l'organisation, ce qui est bien normal. Mais ces
choix ont comme conséquence une difficulté pour les salariés à trouver de logement près de leur
lieu de travail.
Je travaille dans un grand groupe qui, quand il a délocalisé d’un département à un autre, a
cherché à accompagner ses salariés. Mais la prime donnée n’a pas permis à tous de trouver un
logement. Quand vous vivez quelque part, vous avez vos habitudes, vos enfants vont à l’école…
Partir revient à casser toute cette vie. Ce n’est pas le MEDEF, mais l’entreprise qui doit réfléchir
à tout cela.
Pour conclure je voudrais parler de développement durable. Aujourd’hui le Grenelle de
l’Environnement, auquel je participe, prend une mesure très forte : la création d’une commission
Développement Durable dans tous les comités d’entreprise, et l’obligation pour les conseils
d’administration d’aborder le sujet. Pour le logement, il faut exactement la même chose.
Je suis administrateur depuis huit ans. Nous n’avons jamais parlé de logement dans mon Conseil
d’administration. Au comité d’entreprise, il y a évidemment une commission logement. Mais estce qu’elle joue vraiment son rôle ? Est-ce qu’elle a toutes les informations ? Les informations
entre les comités d’entreprises, les commissions logement et les CIL circulent-elles bien ?
Pourtant, tout cela relève de notre responsabilité de partenaires sociaux.
Dans le contexte économique actuel, avec le chômage, la précarité, beaucoup de salariés ne
veulent pas parler de leurs difficultés. Les jeunes ont encore plus de contraintes, plus de pression.
Ils viennent de trouver un travail, ils veulent être titularisés, être embauchés dans la durée, et
évitent de se faire remarquer. Je suis un peu pessimiste en disant cela. Mais d’un autre côté, en
tant que partenaire social, je pense que l’on trouvera les solutions et qu’à partir de l’entreprise, il
sera possible de trouver des solutions à ce type de population. »
Cyrille POY : « Merci Jean-Frédéric DREYFUS. Bernard LOTH, vous êtes conseiller confédéral
FO. Quelle est l’analyse de Force Ouvrière sur la question du Logement des Jeunes. »
Bernard LOTH - Conseiller confédéral logement FO
« Il ne se passe pas une semaine sans que nous ne rencontrions des camarades de Force Ouvrière
évoquer des problèmes de logement. De la part des politiques, nous avons des discours
extraordinaires, des déclarations d’intentions remarquables, et même des textes législatifs votés
un peu à la va vite, en particulier celui qui concerne le Droit au Logement Opposable. D’un autre
côté, je rappelle que quand le Parlement débattait de la loi Engagement National sur le Logement
(ENL), et qu’avait été abordée la question du Droit au Logement Opposable, d’aucuns avaient
estimé que ce n’était pas d’actualité…
Quoiqu’il en soit, et quel que soit l’âge de la personne, le logement reste au cœur des
préoccupations des salariés. Dans les communes SRU, c’est-à-dire celles qui n’ont pas construit
de logements sociaux depuis trois ans, la population est en train de prendre conscience que payer
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une pénalité pour ne pas avoir de logements sociaux - et la population jugée indésirable qui va
avec - n’allait pas régler le problème de leurs enfants. Dans la commune dans laquelle je vis,
notre bonne population, qui avait suivi dans un premier temps le maire, commence à s’interroger
aujourd’hui en disant : « Moi, j’ai des enfants qui sont étudiants, qui débutent dans la vie, et j’ai
beau avoir des revenus confortables, je serais content que mes enfants puissent disposer de
structures (logements sociaux, foyers, etc.) leur permettant de vivre leur vie ».
Je voudrais aussi revenir sur ce que disait Jean de MATHAN. Avec le 1 %, via La Foncière, les
partenaires sociaux financent sous forme de PLS du logement social avec des modalités
d’affectation de PLUS. »
Cyrille POY : « Pouvez-vous rapidement expliquer ce que sont un PLS et un PLUS… »
Bernard LOTH : « Pour faire simple, un PLS évite à l’Etat de donner une subvention. Quant
aux plafonds du PLUS, ils nous permettent de pratiquer des loyers sociaux. Les bénéficiaires des
logements de la Foncière sont dans les plafonds HLM. C’est-à-dire que nous répondons bien à
une vocation sociale de mise à disposition de logements sociaux de type PLUS sans avoir
bénéficié de subventions d’Etat de type PLUS.
Cette production de logements sociaux se fait hors contingent départemental. En outre, ces
logements auront vocation, à la fin de l’amortissement des emprunts, d’être mis à la disposition
des caisses de retraite complémentaires par répartition afin de préserver le dispositif dont chacun
sait qu’aujourd’hui il est compromis à long terme. C’est pour cela que cette démarche est
positive. Et j’entends que l’on comprenne que La Foncière est un sacré outil qui répond
immédiatement à une vocation de logement social, et deuxièmement, à terme, qui préserve les
acquis sociaux des salariés.
La Foncière peut intervenir avec des « prêts personne morale » ou sous forme de subventions.
Quand nous faisons des prêts à 20 ans, 25 ans, avec 15 ans de différé d’amortissements, voire des
prêts à taux bonifié, ce n’est pas financièrement plus pertinent que de faire tout de suite de la
subvention avec une contrepartie immédiate : des droits de réservation pour y mettre des salariés.
Avant, avec le système des prêts, une partie des fonds du 1 % était prêtée et nous perdions la
moitié si ce n’est les 3/4 du capital sans aucune contrepartie immédiate.
Aujourd’hui, ce système de subvention donne la possibilité aux entreprises de loger rapidement
leurs salariés. »
Cyrille POY : « Tour cela est un peu technique… »
Bernard LOTH : « Oui, mais cela me permet de dire que quand on parle de subventions, ce
n’est pas de la déperdition du 1 %, cela a une action immédiate en terme d’offre de logement.
Enfin, dernier point, il a été dit que le 1% avait une capacité d’adaptation, voire d’anticipation.
En 1997 nous avions anticipé avec la convention du 14 mai, puisqu’elle stipulait que les jeunes
constituaient un public prioritaire qu’il fallait aider de façon spécifique dans le cadre des 10 % du
1 % intervenant. Dix ans après, nous avons fait une évaluation qui a montré deux choses : d’une
part, que nous avions bien anticipé, et surtout que nous nous étions bien adapté. Depuis ce 14 mai
1997, il n’y a pas eu moins de 15 avenants, sans compter les deux dernières conventions que nous
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avons signées en direction de populations défavorisées, des travailleurs migrants et du public
jeune.
Je voudrais enfin donner une note optimiste sur l'intervention du 1% et dire, qu’en cette période
de crise du logement, nous avons quand même quelques moyens avec les prêts aux personnes
morales mais aussi avec les prêts aux personnes physiques. Nous avons aidé des personnes en
mobilité professionnelle ou en formation professionnelle à s’héberger correctement là où elles
allaient.
Demain nous voulons être encore plus efficaces. Avant de continuer à stratifier notre
réglementation, peut-être pourrions-nous regarder ce qui existe et ce qui nous empêche d’être
plus efficaces. Essayons de dépoussiérer quelques textes et évitons qu’un certain nombre de
réglementations nous empêchent de répondre à l’intérêt général. A titre d’exemple je citerai le cas
de la MNEF qui a été mise en liquidation alors qu’elle était à la tête d’un patrimoine important.
Les magistrats qui ont été chargés de cette opération, au lieu de se retourner naturellement vers
des associations de même nature gérant ce type d’équipements (foyers pour étudiants et jeunes
travailleurs), ont carrément fait un appel d'offre pour voir quel était l’investisseur qui allait le
mieux payer le passif de la MNEF. Lorsque c’est arrivé sur le bureau du maire de la commune
que je connais, le maire a décidé de préempter avec l’argument : je gère une commune SRU, c’est
un programme qui a été fait spécifiquement pour des jeunes travailleurs et des étudiants, j’ai la
légitimité avec mon PLH (Plan Local de l’Habitat) pour pouvoir préempter. Le résultat, comme
cela s’est produit d’ailleurs pour Monsieur Delanoé à Paris, c’est que le tribunal l’a débouté en
première instance et en appel. Et pourtant, le Conseil d’Etat dit que lorsque un PLU a été adopté
et que l’on met un place un droit de préemption, ce droit se suffit à lui même.
Personnellement, je souhaite, pour lancer une réflexion, que l’on regarde ce qui peut-être
dépoussiéré et amélioré afin que, quand l’intérêt général domine, on n’oppose pas une
insuffisance de motivation aux collectivités territoriales concernées. »
Cyrille POY : « Merci Bernard Loth. Si je résume votre propos, vous souhaitez avoir des outils
simplifiés pour que les élus locaux puissent agir plus efficacement. Peio, quand on préparait ce
débat, vous me disiez aussi qu’il fallait un échelon local un peu plus performant parce que les
petites communes ne peuvent pas construire de logements sociaux, n’ont pas les moyens ni peutêtre, le savoir faire technique, et vous sentiez qu’il manquait un échelon intermédiaire qui ferait le
lien entre les petites communes rurales et les plus grands bassins. »
Peio JORAJURIA : « Chaque fois que nous avons présenté notre projet de SCI solidaire, les
maires nous ont à peu près tous dit la même chose. Leur grosse priorité, ce sont les jeunes
familles. Et ils font tous, quasiment, ce qu’ils peuvent pour la mettre en oeuvre. C’est un enjeu
très important pour les communes rurales. Mais une fois que l’ancien presbytère a été rénové
pour faire deux appartements pour les jeunes familles, que reste-il en moyens financiers pour les
petites communes ? Pas grand chose. Ils sont très limités de ce côté là. Actuellement nous avons
un EPFL, Etablissement Public Foncier Local, qui s’est crée en Pays Basque. C’est un organisme
qui permet aux communes de collectiviser les moyens pour acheter du foncier afin de résoudre
des problèmes de logement. Mais toute la Basse-Navarre est en dehors de cette zone là. Or cet
EPFL aurait pu être une solution pour lutter contre l'étalement urbain qui commence à nous
inquiéter sérieusement. La zone du Pays Basque qui est entre la Côte et le Pays Basque Intérieur
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est en train de s’approcher de plus en plus. Même si on ne sent pas l’urgence d’agir sur le foncier,
on mesure, quand on regarde un paysage comme celui-ci, qu’il va falloir s’en occuper très vite. »
Cyrille POY :
« L’étalement urbain était également une de vos préoccupations Catherine DUBOSCQ.
L’agglomération de Bordeaux est une des régions qui s’est le plus étendue ces dernières
années… »
Catherine DUBOSQ : « En tant que syndicaliste, notre action doit être double. Elle doit se
situer au sein de l’entreprise mais aussi au niveau du territoire. Pourquoi ? Parce qu’en Aquitaine
1/3 des emplois sont des emplois atypiques avec des horaires décalés, des travaux de nuit,etc.
Cette part des contrats atypiques pourrait être plus importante compte tenu de l’économie
particulière de la région. Si elle ne l’est pas, c’est parce que ces métiers sont en tension, parce
que les gens n'y vont pas. Pourquoi ? Parce qu’indépendamment des conditions sociales, de
rémunérations et de travail qui sont proposés sur ces métiers, ces métiers exigent une certaine
mobilité. Or, il n’y a aucune adéquation entre le logement, les transports collectifs, les transports
publics et le lieu de travail. A terme, ce système ne tient pas si on ne met pas en place un
raisonnement global visant à réorganiser l’ensemble de nos politiques urbaines.
Je crois que le syndicalisme a quelque chose à dire sur ce point. Cela a été abordé lors de la
première table ronde : emploi et logement sont étroitement liés. En particulier je crois qu’il
faudra un jour clarifier la question de la densification de nos villes. Bordeaux est une ville
extrêmement peu dense. L’intra rocade de Bordeaux contient 10 fois moins d’habitants que Paris
intra-muros pour la même superficie et nous continuons à construire dans le centre ville de
Bordeaux des immeubles en R+3, ce qui est un non sens.
Le syndicalisme, sur un plan territorial et institutionnel, a un rôle à jouer pour impulser d’autres
politiques urbaines qui ne passent pas forcément par l’accession à la propriété. On voit,
notamment pour les jeunes, ce que cela donne en Espagne… Au sein de l’entreprise, les syndicats
doivent aider les Comités d’entreprise à se ressaisir de la question du Logement. Je n’oublie pas
que la plupart des entreprises, en tout cas, concernant notre région, n’ont pas de comités
d’entreprises et qu’il faut donc inventer, sur le plan territorial, d’autres structures de concertation,
de coordination et de mises en place de politiques du logement avec d’autres modalités quitte à
faire des zones de dialogue social inter-entreprises grâce, par exemple, aux commissions
paritaires locales. »
Cyrille POY: « Christian IPUTCHA, vous souhaitiez parler d’une aide à l’accession pour les
jeunes qui a été mise en place au Pays basque espagnol. Colette ESPERANCE, disait qu’il fallait
au contraire davantage développer les logements pour les jeunes dans le secteur public. Pouvezvous préciser ? »
Christian IPUTCHA: « Je ferai d’abord une remarque complémentaire à ce qu’a dit Peio
JORAJURIA. Le Pays Basque bénéficie, sur une grande partie de son territoire, d’un Plan
d’Urgence Logement (PUL). Dans PUL, il y a le mot urgence qui indique que nous essayons de
diminuer ou de gommer le retard qu’a pris le Pays basque en matière de logement locatif. En
chiffres nous sommes passés d'une production de 150 logements neufs locatifs à 700 en quatre
ans. Ce PUL sera peut-être renouvelé, peut-être élargi, ce sont les élus qui ont les clés de son
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destin. Entre parenthèses, cela pose une question en termes de capacité de production pour les
entreprises du BTP. Je crois savoir que la Fédération Locale du Bâtiment est en train de passer un
accord avec son homologue portugais pour faire venir des maçons, ce qui risque par ailleurs de
poser un problème de logement supplémentaire. En tout état de cause, j'espère que le PUL sera
renouvelé.
Je voulais aussi citer les exemples de deux régions qui entourent le Pays Basque. Le premier,
dans le sud des Landes, concerne la Communauté de Seignosse. Elle est en train de signer une
convention avec des opérateurs de logements sociaux pour réserver, de manière très précise, des
logements bien identifiés pour des populations jeunes. Ce n'est pas forcément le studio au rez-dechaussée au nord, mais des logements qui permettront à des populations jeunes d’accéder à la
propriété.
Le deuxième exemple concerne nos cousins du sud où le dispositif est un peu différent parce que
l’échelle de population est nettement supérieure. Il y a une communauté autonome basque qui
comprend trois provinces. Elle est maître d'ouvrage dans la production de logements. Elle ne
passe pas par le secteur public que l’on connaît (HLM, CIL etc.), mais produit directement des
logements, les subventionne à 25 % en réservant un pourcentage de plus en plus important à
l’accession de la population jeune avec clauses anti-spéculatives. Il est évident que l’on ne va pas
vendre à un jeune un logement subventionné, pour que trois mois ou trois ans après, il fasse de la
spéculation. Aujourd’hui les programmes qui sortent à St-Sébastien ou Bilbao, c’est une
proportion de 50 % de logements réservés aux jeunes. »
Cyrille POY : « L’Espagne et le Pays Basque espagnol n’ont pas non plus les outils qui existent
ici pour la production de logements à loyers maîtrisés… »
Christian IPUTCHA : « Il y a un autre outil qui rappelle nos commissions d’attribution. Ces
logements sont attribués par tirage au sort public, effectué devant huissier. Les logements sont
attribués puis repris par la Communauté Autonome, pour les retirer au sort lorsqu’il y a une
rotation. Il y a peut-être, dans ces deux exemples là, des pistes à travailler même s’il s’agit de
logements en accession à la propriété. ».
Colette ESPERANCE : « Ce que je peux ajouter, c’est qu’à l’heure actuelle nous avons constaté
que certains jeunes n’ayant aucun espoir d’un projet professionnel qui tienne la route un jour, se
tournent vers l’idée qu’un jour, au moins, ils achèteront un appartement. Comme si le projet
d’accession venait prendre la place du projet professionnel d’autrefois. Les médias y sont pour
quelque chose. Mais je crois aussi qu’il y a un changement de culture et dans les familles. Ces
jeunes entendent effectivement le discours qui dit qu’il n’est plus de bon ton de rester locataire
toute sa vie, d’engraisser les poches de propriétaires, voire de retraités. A l’heure actuelle les
loyers sont tellement élevés que la question se pose réellement. Quelle est la solution qu’on leur
propose ? Franchement, il n’y en a aucune. Ou alors il faut qu’ils s’endettent sur quarante ans.
L’autre point qui me semble très important, c’est qu’à l’heure actuelle il y a une confusion entre
le logement transitoire et d’urgence et le logement tout court. Il n’est pas question de faire passer
tous les jeunes par des logements transitoires, précaires, ou d’urgence. Il faudra quand même les
loger dans des logements pérennes. Mais ce n’est pas parce que vous les ferez passer par le
logement d’urgence que vous économiserez le logement pérenne à l’arrivée. Cela ne sert à rien de
renforcer des structures de logement temporaire, comme les Foyers de Jeunes Travailleurs,
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encore que quelques places supplémentaires ne soient pas de trop sur la Côte Basque. Il faut sortir
du foyer de jeunes travailleurs.
Nous avons mis en place, avec les agences immobilières, les Offices HLM et le CIL, un service
spécialisé pour faire sortir les jeunes du foyer de jeunes travailleurs, pour garder un turn over, et
les aider à entrer dans le parc social. Ces jeunes vont former des familles. Pourquoi ne pourraientils pas mettre le pied à l’étrier du logement social tout de suite ? Pourquoi les laisse-t-on dans le
parc privé ? Sur Bayonne, ce sont 95 % des jeunes qui sont logés dans le parc privé.
Effectivement on souhaiterait que le parc public se mobilise un peu plus sur le logement des
jeunes en créant des produits adaptés : des T1, des T2 qui permettent d’y rentrer célibataire, et de
pouvoir ensuite y rester en couple. Pour ces missions, la structure associative, qui est celle du
Foyer de Jeunes Travailleurs, a touché ses limites. Nous avons besoin d’une véritable politique
qui soit décidée, actée, validée. Il nous faut des résolutions concrètes qui permettent de réserver
des logements T1 et T2 dans tous les nouveaux programmes d’Offices HLM de la Côte pour les
jeunes. Tant qu’il n’y aura pas des réservations, les couples seront toujours prioritaires.
Après, il y a d’autres approches, complémentaires. La question de la création d’un Groupement
d’Intérêt public (GIP) sur la Côte Basque se pose, parce qu’il s’agit bien quand même d’une
préoccupation publique… »
Cyrille POY : « Il n’existe aucune instance de réflexion sur ces problèmes sur la côte ? »
Colette ESPERANCE :
« A l’heure actuelle, cette réflexion est éparpillée entre certaines associations, certains
organismes, certains offices HLM, avec des effets de lobbying qui se superposent, et qui au final
se neutralisent. Il faudrait peut-être sortir un petit peu de ces clivages et constituer un
Groupement d’Intérêt Public qui prendrait en charge, sur l’ensemble de la Côte Basque, le
logement des jeunes en très grandes difficultés (dont nous n’avons pas parlé, et que l’on ne peut
pas facilement intégrer dans ces structures parce qu’ils ne les supportent pas et rendent la vie
insupportable aux autres) jusqu’aux jeunes prêts à accéder à la propriété.
J’attire aussi votre attention sur le problème spécifique des jeunes en alternance qui sont obligés
d’avoir deux logements. Les jeunes, qui font leur formation à Bordeaux dans l’aéronautique,
l’hôtellerie, la restauration, et leur stage pratique en entreprise sur la Côte Basque sont fortement
pénalisés. Ils ont un logement à Bordeaux, avec une APL, mais n’ont rien à Bayonne pour se
loger pendant leur temps de leur formation en entreprise. Cela touche une majorité de jeunes
puisque la formation en alternance s’est généralisée.
Les pouvoirs publics se sont lancés dans l’alternance dans pratiquement toutes les formations. Et
c’est vrai que cette méthode d’apprentissage a donné d’excellents résultats dans de nombreuses
branches professionnelles, de nombreux diplômes, et sur différentes tranches d’âges. C’est donc
tout à fait efficace pour déboucher sur un emploi. Sauf que personne ne s’est posé la question des
aides financières à apporter aux jeunes que l’on dirigeait vers cette voie là. Aujourd’hui, le
logement doit être repensé de manière globale par les pouvoirs publics et recentré dans une
politique beaucoup plus générale et territoriale. »
Cyrille POY : « J’espère que votre appel sera entendu… »
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Colette ESPERANCE : « J’en parle depuis longtemps. En réalité depuis vingt ans. J’ai été chef
de projet à la ville de Bayonne et je peux vous dire que cette problématique du logement des
jeunes, a été mise sur le tapis très souvent par les Conseils régionaux, les Offices HLM, les
collectivités territoriales, etc. C’est un sujet qui entraîne beaucoup d’incantations. »
Cyrille POY : « Du coup, les jeunes se prennent en charge. Ils n’y croient plus… »
C.ESPERANCE : « Et bien ils ont raison. »
Cyrille POY : « Merci Colette ESPERANCE. Je vais maintenant passer la parole à Jacky
BONTEMPS, Secrétaire général adjoint à la CFDT, pour la conclusion de ce débat. »
Jacky BONTEMS - Secrétaire général adjoint CFDT :
« C’est vrai que dans un de ses rares moments d’égarement, cela lui arrive de temps en temps,
Jean-Luc Berho m’a demandé de conclure ces entretiens. C’est à la fois un honneur, compte tenu
de la qualité des intervenants, des interventions et des débats, mais ce n’est pas un cadeau qu’il
m’a confié compte tenu de la diversité et la richesse des débats. Je ne vais donc pas, rassurezvous, faire une conclusion au sens strict du terme. Je me contenterai de faire quelques remarques
complémentaires à notre débat sur le logement des jeunes.
La première, c’est qu’il y a accord sur le constat général de la situation des jeunes comme l’a
brillamment rappelé en introduction Patrick Doutreligne. S’il y a une évolution à pointer, c’est
malheureusement une aggravation sur toutes les catégories de la jeunesse. Il y a un certain
nombre d’années, on parlait des jeunes en difficulté professionnelle. Mais maintenant, comme l’a
rappelé ce débat, tous, des jeunes n’ayant aucune qualification à certains cadres, éprouvent des
difficultés de différentes natures pour l'accès au logement.
Ces difficultés ont des conséquences, des effets sur leur vie quotidienne. La plus grave, c’est la
réduction, voire la perte de leur autonomie, de leur indépendance, ainsi que Bernard Loth le
rappelait tout à l’heure. En fin de compte, c’est à un choix de société auquel nous sommes
confrontés.
Ces difficultés sont liées, cela a été rappelé, à la précarisation du salariat et notamment des
jeunes. Mais il y aussi cette contradiction entre le fait que les entreprises, qu’elles soient grandes
ou petites, exigent de la souplesse et de la mobilité à leur jeunes salariés, et les rigidités et les
difficultés qui existent en matière d’accès au logement. Au moment où s'ouvrent des négociations
nationales avec le patronat, en particulier sur l’évolution du marché de l’emploi, il serait tout
aussi intéressant parallèlement et complémentairement que s’ouvre une négociation sur la
sécurisation des parcours du logement. L’idée, derrière ces négociations, c’est de sécuriser le
revenu entre deux ruptures, de favoriser les nouveaux choix pour faciliter la mobilité et les
changements, et de mutualiser les garanties. Cela doit être possible pour le logement.
Jusqu’à présent, la question du logement des jeunes n'a pas été traitée de manière satisfaisante.
Aujourd’hui, des mesures urgentes s’imposent, même si existent déjà des actions et des
dispositifs mis en place par les partenaires sociaux à travers le 1% Logement sur les saisonniers,
les intérimaires, les jeunes salariés, les foyers de jeunes travailleurs. Aujourd’hui la GRL
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contribue fortement à la sécurisation du parcours d'accès au logement et notamment celui des
jeunes.
L’un des fils conducteurs, qui a traversé nos entretiens d’une année à l’autre, c’est la nécessité de
la synergie. Nous ne pourrons pas seuls, dans notre coin, avancer des solutions aux graves
problèmes auxquels nous sommes confrontés. La coordination entre tous les acteurs, et pas
seulement au niveau des partenaires sociaux, est urgente. C’est de l'avenir de notre société dont il
s’agit. Et ne faisons pas comme Saturne, dans la mythologie, qui, pour pouvoir continuer à vivre,
était obligé de manger ses enfants.
Nous avons deux défis : faire en sorte que l’avenir des jeunes passe par l’accession à un emploi
pérenne, et son double, ou son complément indispensable et nécessaire, l’accession à un
logement. Ce sont bien ces deux piliers qui forment l’avenir et un choix de société. »
i
Par exemple : Michel MOUILLART, « La crise du logement : pourquoi et pour qui ? », Regards sur l’actualité, La
Documentation Française, n° 320, avril 2006, pp 5-18.
ii
Dramaturge grec (520 à 425 avant Jésus Christ), auteur de comédies satiriques qui en font le digne prédécesseur et
le rival d'Aristophane. Né à Athènes, Cratinos était, en son temps, un auteur très réputé et très apprécié. Il écrivit
vingt et une comédies à la verve satirique et pleines d'audace contre les travers de son époque. Seuls quelques
fragments de ses œuvres nous sont parvenus, et le peu que nous savons de lui nous a été transmis par Aristophane
lui-même, dont les sentiments pour son aîné oscillaient, semble-t-il, entre l'admiration et une jalousie moqueuse.
Avec Aristophane, Cratinos est l'auteur de comédies le plus connu de la Grèce antique.
iii
Par exemple :
• Thierry DEBRAND et Claude TAFFIN, « Les facteurs structurels et conjoncturels de la mobilité
résidentielle depuis 20 ans », Economie et Statistique, n° 381-382, 2005, pp 125-146.
• Christine COUET, « La mobilité résidentielle des adultes : existe-t-il des parcours type ? », Portrait social
de la France, INSSE, 2006, pp159-179.
iv
Enquête réalisée par TNS-Sofrés dont les résultats ont été publiés par Nexity dans « Conjoncture logement », n° 8,
février 2007.
v
A ce sujet : Michel MOUILLART, « Les besoins en logement aujourd’hui », Constructif, n° 18, novembre 2007, à
paraître.
vi
Il suffit en effet de consulter le rapport « Aides au logement au 31 décembre 2006 » de la CNAF (Direction des
Statistiques, des Etudes et de la Recherche) pour confirmer que la baisse du nombre des bénéficiaires parmi les
locataires (120 000 ménages, soit - 2.2 % en 2006) a surtout concerné les couples avec au moins un enfant et tient à
deux causes principales : l’absence de revalorisation des barèmes en 2006 (et son report au 1er janvier 2007,
accompagné du relèvement à 24 € du seuil de non versement) et surtout la modification des règles d’abattement ou
de neutralisation des ressources en cas de chômage (depuis janvier 2006, deux mois de chômage sont nécessaires
pour bénéficier d’un abattement de ressources) … à l’origine d’une sortie du bénéfice de ces aides de l’ordre de
80 000 chômeurs.
vii
Dans l’ensemble, ce sont bien sûr plus souvent des grandes entreprises qui s’impliquent dans des actions directes
en faveur du logement de leurs salariés, en appui du 1 % logement (par exemple : Air France, Crédit Lyonnais,
EADS, Leroy Merlin, Snecma, Total …). La mobilisation des ressources et des personnes nécessaires au sein de
l’entreprise n’est en effet guère à la portée de petites voire de moyennes entreprises.
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