mesure des deformations elasto-plastiques de la rugosite d`une

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mesure des deformations elasto-plastiques de la rugosite d`une
MESURE DES DEFORMATIONS ELASTO-PLASTIQUES DE LA RUGOSITE
D’UNE SURFACE REELLE
M.Dursapt, A.Jourani, H.Zahouani
Laboratoire de tribologie et dynamique des systèmes, UMR 5513.
Ecole Nationale d’Ingénieurs de Saint-Etienne, 58 rue Jean PAROT 42023 St Etienne cedex 2.
Ecole Centrale de Lyon, 36 avenue Guy de Collonge 69131 Ecully cedex.
Résumé
L’équipement que nous présentons dans ce
document a été conçu, réalisé et mis au point au sein du
LTDS afin de mesurer les déformations élastoplastiques des
aspérités de la rugosité des surfaces lorsque celles-ci sont
soumises à un état de contraintes mécaniques. La
connaissance de ces déformations est absolument nécessaire
lorsque l’on veut appréhender l’évolution des chemins de
fuite afin de maîtriser les problèmes d’étanchéité en
l’absence de joint (dans le cas des températures extrêmes
par exemple). A notre connaissance ce type d’appareillage
était inexistant jusqu’à ce jour.
Abstract
The equipment presented is this document was
designed and realised at the LTDS in order to measure the
elastoplastic deformations of the surfaces asperities when
they are submitted to a mechanical load. The knowledge of
these deformations is absolutely necessary when one wants
to get evolution of leahage path in order to master the
problems of sealing when there is no joint, in the case of
extremely high temperatures for exemple. To our
knowledge, this type of device did not exist until now.
rapprochement de leurs géométries et améliorer l’étanchéité
du contact en perturbant les possibilités d’écoulement dans
celui-ci. La prédiction de ces déformations, et notamment
celle des aspérités de rugosité, sera donc d’une importance
capitale lors de l’étude du comportement étanche des
assemblages.
De nombreux travaux théoriques [1], [2]et
expérimentaux [3] ont été consacrés à l’étude de la
déformation des surfaces rugueuses en contact. Des
dispositifs d’indentation ont permis d’étudier le
comportement des surfaces réelles, donc rugueuses,
chargées. Il a été ainsi possible de déterminer pour une
surface donnée quelle était la répartition entre l’énergie
absorbée par la déformation plastique et celle absorbée par
la déformation élastique des aspérités en fonction des
caractéristiques mécaniques du matériau supportant la
surface et de l’état de surface et en particulier de la rugosité
de celle-ci [4] (figure 1).
B
A
Présentation
L’étanchéité entre deux surfaces en contact dépend
de la possibilité ou non, de l’écoulement d’un fluide entre
ces deux surfaces, c’est à dire de l’existence d’un chemin de
fuite du à la non-coïncidence rigoureuse des deux surfaces
(défauts de forme) et de la présence des nombreuses microirrégularités qui constituent leur rugosité (défauts d’état de
surface). La solution habituellement retenue consiste à
remplir ces chemins de fuite avec un matériau déformable
afin de réaliser l’étanchéité. Lorsque des conditions de
fonctionnement particulièrement sévères (températures
extrêmes ou milieu trop agressif par exemple) font que les
matériaux habituellement utilisés pour réaliser les joints ne
peuvent convenir, il est alors nécessaire d’obturer les
chemins de fuite en réalisant la déformation par écrasement
des surfaces en contact.
On comprend facilement que plus les formes des
surfaces seront perturbées ou plus elles présenteront des
rugosités importantes plus elles vont laisser subsister des
espaces de grandes dimensions et faciliter ainsi
l’écoulement des fluides. L’application de contraintes
mécaniques sur les surfaces en contact va entraîner un
Aire A = Energie absorbée par la déformation élastique
d’indentation
Aire B = Energie absorbée par la déformation plastique
d’indentation.
- Figure 1 : courbes d’indentation -
Le problème est que si les moyens actuels
permettent de caractériser sans problème, aussi bien en
utilisant classiquement la méthode du profil ou mieux, en
employant un procédé de mesure tridimensionnelle, la
rugosité des surfaces avant et après chargement, c’est à dire
de visualiser l’évolution plastique des aspérités, il est
impossible d’observer leur comportement dans le domaine
des déformations élastiques puisque l’effet de celles-ci
disparaît lorsque la charge n’est plus appliquée. C’est la
raison pour laquelle nous avons été amenés à imaginer et à
construire le dispositif présenté dans la suite de cet article.
Présentation du dispositif de mesure
référence de l’interféromètre afin de corriger le chemin
optique et de ne pas perturber la mesure.
Architecture du dispositif :
F, force de chargement
La base de notre appareillage de mesure est
constituée d’un microscope industriel de mesure d’états de
surface par interférométrie de marque Nikon et de type
Eclipse L150/L150A. L’originalité du dispositif vient de
l’équipement que nous avons construit et qui permet la mise
en contrainte de la surface pendant la mesure de sa rugosité.
La solution retenue consiste à charger une surface de
morphologie donnée réalisée sur un matériau dont on
connaît les propriétés mécaniques, par l’intermédiaire d’un
indenteur plan circulaire en saphir puis à observer et à
mesurer l’évolution de la rugosité de cette surface en
fonction de l’évolution de la force de chargement (figure 2).
Pratiquement nous récupérons la micro-géométrie de la
surface sous la forme d’un fichier de points que nous
traiterons ensuite à l’aide d’un logiciel d’analyse
tridimensionnelle des surfaces.
Microscope
interférométrique
Saphir
Saphir
zi
Mi
- Figure 3 : mesure de la rugosité -
Limite de chargement du dispositif
La mise en pression du circuit hydraulique de
chargement est assurée par une pompe à main, cette
pression peut atteindre 700 bars ce qui compte tenu des
caractéristiques du vérin utilisé donnera une force
d’indentation de 35000N. Dans la réalité compte tenu des
contraintes induites dans le saphir et des propriétés
mécaniques de celui-ci nous ne dépasserons pas une charge
de 20000N. Le diamètre du disque en saphir étant de 10mm,
la pression théorique maximale d’indentation sera alors de
250N/mm2.
Surface mesurée
Résultats obtenus
Piston
Données fournies par l’appareillage de mesure
Pression
hydraulique
- Figure 2 : schéma de l’appareil -
Caractéristiques des mesures réalisées :
Rappelons que le principe de caractérisation des
états de surface par microscopie interférentielle consiste à
mesurer l’altitude entre un plan semi-réfléchissant faisant
office de plan de référence (dans notre cas la surface
inférieure du saphir utilisé pour assurer le chargement) et
les différents points appartenant à la surface mesurée (figure
3). Pour notre application l’interféromètre associé au
microscope est un interféromètre de Michelson.
Dans la configuration du microscope telle que nous
l’avons choisi l’étendue de la surface maximale que nous
pouvons analyser est de 1mm2 avec une résolution
horizontale de 0,5µm, l’amplitude verticale de la mesure est
d’environ 15µm avec une résolution de 1nm. La capacité de
la mesure verticale du microscope s’est trouvée réduite par
la nécessité de placer un saphir identique à celui utilisé pour
réaliser le chargement dans la trajectoire du faisceau de
Une fois le balayage de la surface à mesurer réalisé
celle-ci sera connue par l’intermédiaire d’un nuage de
points dont les altitudes zi seront fonction de leurs
coordonnées en x et y. Le logiciel associé au microscope de
mesure est capable de réaliser la représentation de l’image
de la surface (figure 5) et de calculer quelques paramètres
de caractérisation tridimensionnelle de l’état de surface. Ces
paramètres ne sont pas encore normalisés mais ils sont en
conformité avec les recommandations de la commission des
communautés européennes qui traite du sujet [5]. Le tableau
de la figure 4 donne les valeurs de ces paramètres mesurés
sur une surface réalisée par dressage au tour sur un support
en acier, d’abord à l’état libre puis sous une pression
apparente de 250n/mm2.
St
Sa
Sq
Ssk
Sku
Sp
Sv
Sz
Pa = 0 Mpa
Pa = 250 Mpa
13054 nm
928 nm
1218 nm
- 1,52
8,21
2977 nm
10077 nm
13054 nm
5056 nm
826 nm
986 nm
-0,54
2,16
2209 nm
2847 nm
5056 nm
- Figure 4 : tableau des valeurs des paramètres 3 D –
L’observation de ces profils permet de remarquer
que lors de leur chargement les surfaces sont soumises à
d’importantes perturbations. On note naturellement que les
points supérieurs soumis aux forces de contact ont tendance
à descendre ce qui était prévisible, mais on remarque
également qu’il se produit aussi une légère remontée des
points bas ainsi qu’une sorte de lissage de la totalité du
profil. Il est également curieux de noter que si l’on décharge
la surface le profil retrouve une forme plus accidentée
(figure 8).
- Figure 5 : image tridimensionnelle d’une surface dans
un état de chargement donné -
Traitement des mesures
Afin d’obtenir des informations plus complètes sur
la morphologie des surfaces mesurées nous les transportons
sous la forme de fichiers SDF afin de les traiter à l’aide d’un
logiciel approprié que nous utilisons habituellement au
LTDS [6]. Nous avons dans un premier temps pu nous
assurer que les paramètres tridimensionnels calculés par le
logiciel étaient rigoureusement égaux à ceux que le logiciel
fourni avec le microscope avait déterminé. Mais nous avons
pu également obtenir des informations complémentaires
d’un grand intérêt pour la résolution des problèmes
d’étanchéité que nous souhaitons étudier.
- Figure 8 : Après déchargement le profil retrouve une
forme plus perturbée.-
Le tableau de la figure 9 donne les valeurs de
différents paramètres normalisés mesurés sur ces profils.
Pt
Pa
Psk
Pku
Analyse de profils extraits de la surface :
On sait que la normalisation actuellement en usage
caractérise les états de surface et notamment leur rugosité
par l’intermédiaire de l’analyse du profil [7]. Il peut être
intéressant de comparer deux profils mesurés
rigoureusement au même endroit, tout d’abord sur la surface
non chargée (figure 6) puis sur la surface chargée (figure 7).
Surface libre
Surface
chargée
Surface
déchargée
6,05µm
918nm
-0,93
3,72
3,51µm
805nm
-0,59
2,15
3,98µm
718nm
-0,29
2,54
- Figure 9 : Paramètres de profil -
Courbes de portance :
Il est également tout à fait possible de tracer des
courbes de portance en trois dimensions sur le même
principe que celui que l’on utilise habituellement pour le
tracé de la courbe d’Abbott et Firestone lors de l’analyse
d’un profil. Naturellement dans ce cas c’est le pourcentage
de surface portante à la profondeur c considérée que
donnera la courbe. On comprend tout l’intérêt que présente
la connaissance de cette courbe dans notre problème
concernant l’étude de l’étanchéité lorsque l’on observe que
l’aire de la surface complémentaire à la partie noire de la
courbe correspond à la totalité du volume des chemins de
fuite subsistant dans le contact (figures 10 et 11).
12,2 µm
- Figure 6 : profil pris sur une surface non chargée -
- Figure 7 : le même profil mesuré sur une surface
soumise à une pression apparente de 250 N/mm2 -
- Figure 10 : courbe d’Abbott en trois dimensions pour
la surface non chargée -
4,4µm
contact entre solides », Actes dans les actes du 16ème
congrès français de mécanique 5 pages, Nice 2003.
- Figure 11 : courbe d’Abbott en trois dimensions pour
la surface soumise à une pression apparente de
250N/mm2 Dans le cas de la surface libre (figure 10) le
volume des espaces correspond à 4,5.105µm3, alors que
dans le cas de la même surface soumise à une pression de
250N/mm2 ce volume est mesuré à 3,4.105µm3 ce qui
correspond à une diminution d’environ 25% des chemins de
fuite. La mise en correspondance de ces résultats avec les
valeurs des autres paramètres d’état de surface sera d’une
grande utilité pour la connaissance de l’évolution
dynamique des chemins de fuite
Conclusion
Si les moyens de mesure actuels aussi bien
matériels (profilomètres, mesureurs 3D) que calculatoires
(logiciels évolués, méthodes de filtrage) ou normatifs
(paramètres parfaitement adaptés à des usages particuliers,
évolution vers les critères tridimensionnels) permettent de
caractériser avec beaucoup de rigueur la rugosité d’une
surface à un instant donné, il ne faut pas perdre de vue que
celle-ci varie constamment tout au long de sa durée de vie.
Il serait donc souvent nécessaire de pouvoir prédire
surveiller et contrôler son évolution. Des travaux de
simulation numérique sont actuellement conduits au LTDS
[8]et s’ils nous permettent d’avoir une assez bonne idée des
phénomènes mis en jeu et de leurs conséquences, il nous
était absolument indispensable de pouvoir valider les
résultats théoriques par l’expérimentation. Après avoir du
résoudre les nombreuses difficultés pratiques de ce type
d’étude, dues à des problèmes de rigidité ou
d’encombrement par exemple nous sommes parvenus à la
solution présentée ci-dessus et les premiers essais réalisés
semblent tout à fait concluants. Une série d’essais
concernant des surfaces de morphologies variées réalisées
sur différents matériaux est actuellement en cours et
témoigne de la pertinence des solutions retenues.
References
[1] JA.Greenwood and JBP.Williamson, “Contact of
nominally flat surfaces”, The university printing house,
Cambridge, 1966.
[2] H.Hamdi, D.Chamoret, M.Dursapt, JM.Bergheau,
“Contact model applied to a rough surface crushing”,
Euromech 435, Actes des conferences Friction an Wear in
metal Forming pp 71-77, Valenciennes 2002.
[3] A.Jourani, H.Hamdi, M.Dursapt, H.Zahouani,
« Comportement élasto-plastique de la rugosité lors d’un
[4] M.Dursapt, P.Lyonnet, H.Zahouani, “ Experimental
analysis of the deforming mode of a surface in function of
its roughness”, Experimental techniques vol 24 (2) pp 3638, march april 2000.
[5] KJ.Stout, PJ. Sullivan, WP. Dong, E. Mainsah, N.Luo,
T.Mathia, H.Zahouani, “The development of methods for
the characterisation of roughness in three dimensions” pp
216-250, Published on behalf of the commission of the
European communities, September 1993.
[6] H.Zahouani, « Generalizations of complex analysis and
their applications in physics II », Bulletin de la société des
sciences et des lettres de Lodz pp 131-163, Lodz 1995.
[7] Normes ISO, « Spécification géométrique des produits
(GPS) – Etat de surface : Méthode du profil – Termes,
définitions et paramètres d’état de surface », Norme ISO
4287, Aout 1998.
[8] A.Jourani, H.Hamdi, M.Dursapt, H.Zahouani,
JM.Bergheau, « Etude expérimentale et numérique de la
déformation d’une surface rugueuse », à paraître dans les
actes du colloque 2004 du groupe scientifique et technique
tribologie de l’AFM 13 pages, presses polytechniques et
universitaires romandes.

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