Etude de l`écoulement turbulent dans un canal en rotation à l

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Etude de l`écoulement turbulent dans un canal en rotation à l
Congrès Francophone de Techniques Laser, CFTL 2010, Vandoeuvre-lès-Nancy, 14 – 17 septembre 2010
Etude de l’écoulement turbulent dans un canal en rotation
à l’aide de la PIV résolue en temps
F. Coletti1 , T. Maurer2, T. Arts1
Départment de Turbomachines et Propulsion, Institut von Karman de Dynamique des Fluides
Chaussée de Waterloo 72, 1640 Rhode-St-Genèse, Belgique
2
Adresse actuelle : Institut de Thermodynamique Aérospatiale, Université de Stuttgart
Pfaffenwaldring 31, 70569 Stuttgart, Allemagne
1
[email protected]
Résumé
Les écoulements turbulents en rotation présentent en même temps une
phénoménologie très riche et une gamme d’applications très vaste. Un exemple typique
d’application industrielle est l’écoulement dans les cavités de refroidissement des aubes de
turbine. La rotation entraîne des effets dus aux forces centrifuge et de Coriolis. En particulier, cette
dernière influence le champ de vitesse, en modifiant la stabilité des couches limites et de
cisaillement, et génère des écoulements secondaires. Cette contribution analyse les champs de
vitesse dans un canal muni de perturbateurs sur une paroi et mis en rotation autour d’un axe
perpendiculaire à la direction de l’écoulement. Le canal a une section rectangulaire de diamètre
hydraulique D = 79 mm. Les perturbateurs ont une section carrée et ils sont orientés à 90° par
rapport à l’axe du canal. Le rapport de blocage est h/D = 0,1 (h étant la hauteur des perturbateurs).
Le nombre de Reynolds est 1,5·104 et le nombre de rotation varie entre 0 et 0,3. Les deux sens de
rotation sont pris en considération pour investiguer les effets de (dé)stabilisation sur les couches
limites et de cisaillement. Les mesures sont obtenues au moyen de la PIV-2 composantes résolue
dans le temps, dans un plan parallèle à la direction de l’écoulement et perpendiculaire à la paroi
munie de perturbateurs. L’installation expérimentale possède la caractéristique unique que le
système PIV est attaché au modèle en rotation, ce qui permet d’avoir une résolution spatiale et
temporelle et une précision comparables à celles d’un système stationnaire. Le système PIV est
composé d’une diode laser continue de 25W et d’une camera haute-vitesse. Les champs moyens
sont obtenus à une fréquence d’échantillonnage égale à 3Hz, tandis que les séquences résolues
dans le temps sont acquises à 3.3 kHz. La résolution spatiale finale est de 0.04h. La
(dé)stabilisation de la couche de cisaillement due aux forces de Coriolis influence le mécanisme de
recirculation en aval des perturbateurs ; par conséquent la longueur de recollement est augmentée
(réduite) en rotation stabilisante (déstabilisante). La stabilité de l’écoulement affecte aussi
l’intensité de la turbulence longitudinale et transversale. L’observation des mesures à haute
fréquence indique que la rotation stabilisante, tout en supprimant la turbulence tridimensionnelle,
renforce les tourbillons de Kelvin-Helmholtz. Les spectres de vitesse dans la couche de
cisaillement montrent l’effet de la rotation sur le contenu fréquentiel de l’énergie turbulente.
1 Introduction
Les écoulements turbulents en rotation se présentent dans une variété d'applications industrielles
et géophysiques. La rotation du système produit l’apparition des forces de Coriolis et de la force
centrifuge, mais ce ne sont seulement que les premières qui jouent un rôle majeur, à moins que
des non-uniformités de masse volumique soient présentes. Une vorticité de base constante (dont
la magnitude est le double de la vitesse angulaire du système, Ω) est superposée à la vorticité ω
de l’écoulement dans le système relatif. Dans les écoulements cisaillés les effets de rotation sont
spécialement importants puisque la vorticité de base et celle de l'écoulement sont alignées. Dans
ce cas, la rotation est appelée cyclonique (anticyclonique) lorsque les vecteurs Ω et ω sont
parallèles (antiparallèles).
Parmi les applications dans lesquelles les effets de rotation sont importants, on rencontre les
écoulements dans les cavités de refroidissement des aubes rotoriques dans les turbines à gaz.
Cette configuration, opportunément simplifiée, appartient à la classe des écoulements dans des
canaux en rotation orthogonale, où l'axe de rotation est perpendiculaire à la composante principale
de la vitesse. Dans cette configuration, les forces de Coriolis sont équilibrées par un gradient de
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pression normal à la paroi. Par analogie avec l’écoulement le long d’une paroi avec courbure
longitudinale (Bradshaw [1]), la couche limite sur la paroi "en dépression" est stabilisée (rotation
cyclonique), tandis que celui sur la paroi "en pression" elle est déstabilisée (rotation
anticyclonique).
Dans les canaux tournants avec rapport d’aspect fini, le déséquilibre entre l'accélération de
Coriolis et le gradient de pression dans les couches limites génère des écoulements secondaires
sous forme de cellules contrarotatives. Dans une géométrie carrée ou à bas rapport d’aspect, les
cellules secondaires peuvent se développer sur toute la section.
L'écoulement turbulent dans des canaux en rotation orthogonale fait l'objet de plusieurs
études expérimentales dans la littérature. Johnston et al. [2] ont analysé l'effet des forces de
Coriolis sur l'énergie cinétique turbulente et les tensions de Reynolds pour un écoulement
développé, tandis que Watmuff et al. [3] ont étudié une couche limite avec gradient de pression
nul. L'effet de la rotation est également important dans les écoulements cisaillés libres, comme
démontré par Rothe et Johnston [4] qui ont mesuré la longueur de recollement de l'écoulement
derrière une marche descendante. Le fort impact des effets de la rotation dans les turbomachines
justifie le grand nombre d’études des géométries représentatives de canaux de refroidissement
internes d’aube de turbine : Iacovides et al. [5] ont présenté des champs de vitesse dans un canal
tournant en U avec perturbateurs, tandis que Liou et al. [6] ont effectué une analyse spectrale de
l'écoulement dans un canal tournant en U avec perturbateurs décollés. Tous ces chercheurs ont
utilisé des techniques de mesure de vitesse ponctuelle, qui ne peuvent pas identifier les structures
cohérentes ni les gradients de vitesse instantanés. Les rares études qui présentent des données
en rotation en utilisant la PIV partagent tous une limitation forte: le système d'imagerie n'est pas
attaché à la maquette tournante. C'est le cas de Bons et Kerrebrock [7], qui ont considéré un
conduit carré, et Servouze et al. [8] qui ont investigué un canal tournant en U avec perturbateurs.
Dans ces configurations, la caméra est fixe et déclenchée à chaque passage de la section d'essai
en rotation. La vitesse relative est obtenue en soustrayant la vitesse périphérique de la vitesse
absolue : cette approche engendre une résolution temporelle faible et des incertitudes importantes,
en particulier pour des taux de rotation élevés.
Récemment Di Sante et al. [9] ont réalisé une nouvelle installation pour effectuer des mesures
PIV. La section d'essai et l'instrumentation sont montées sur un disque qui tourne autour d'un axe
perpendiculaire à la direction de l'écoulement. Cela permet d’avoir le même niveau de précision et
la même résolution spatiale et temporelle que dans une section d’essai fixe. Dans la présente
contribution, l'installation a été utilisée pour étudier les champs de vitesse turbulents résolus en
temps dans un canal rectangulaire en rotation muni de perturbateurs sur une paroi.
2 Méthode expérimentale
2.1 Installation et section d’essai
La figure 1 présente une vue latérale et une photo frontale de l'installation. La section d'essai est
montée sur un disque en bois de 2,5 m de diamètre, qui est mis en rotation en sens
horaire/antihoraire par un moteur à courant continu. Un ventilateur centrifuge fournit l’écoulement
d’air qui passe par une conduite permettant la mesure du débit à l’aide d’un Venturi. L'air est
ensemencé par des particules d'environ 1 μm de diamètre, obtenues par évaporation d’huile dans
un générateur de fumée. Cette conduite est connectée par un joint rotatif à l’arbre creux au centre
du disque. L'air passe au travers de l'arbre, tourne dans un coude à 90˚ et passe dans la section
d'essai radialement vers l'extérieur. Un nid d'abeilles et un fin treillis métallique sont placés en aval
du coude pour réduire les perturbations dues à la courbure. Un second nid d'abeille à la sortie du
canal diminue l'effet de l’interaction entre l’écoulement transversal aval avec l’ambiance.
La figure 2 (gauche) montre une vue 3D de la section d'essai. Elle se compose d'un canal
rectangulaire en Plexiglas de 750 mm de long, de diamètre hydraulique D = 79 mm et d’un rapport
d’aspect de 0,9. Une paroi parallèle à l'axe de rotation est munie 8 perturbateurs perpendiculaires
à la direction de l’écoulement : ils ont une section de 8 × 8 mm2, un rapport pas/hauteur de 10 et
un rapport de blocage de h/D = 0,1 (h étant la hauteur des perturbateurs). La surface de la paroi
sur laquelle impacte la tranche laser est recouverte d'une plaque en acier poli, ce qui augmente
l'intensité de la lumière dans le plan de mesure. Pour la même raison, les perturbateurs sont en
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Figure 1 : Installation expérimentale: vue latérale (gauche) et frontale (droite)
4
position 1
position 2
position 3
position 4
Y/h
3
2
1
rib 6
0
-1
0
rib 7
1
2
3
4
5
6
X/h
7
8
9
10
11
Figure 2 : Section d'essai: vue en trois dimensions (gauche) et dessin schématique (droite)
aluminium poli. Le nombre de Reynolds basé sur la vitesse moyenne U0 et le diamètre hydraulique
est de 1,5·104. Les mesures en rotation sont effectuées à 104 tr/min, correspondant à un nombre
de rotation de Ro=ΩD/U0=0,3. Tous ces paramètres non-dimensionnels sont représentatifs des
canaux de refroidissement internes dans les aubes de turbine.
2.2 Système PIV et post-traitement
Le plan de mesure est le plan de symétrie du canal perpendiculaire à l’axe de rotation. Les
champs de vitesse 2-D sont obtenus au moyen du système PIV monté sur le disque. La source
lumineuse est un laser Jenoptik continu (25W, 806 nm). Une fibre optique de 200 μm est utilisée
pour relier le laser à un module optique compact, qui génère une nappe d'environ 1 mm
d'épaisseur sur une superficie de 40 × 40 mm2. Une caméra CMOS haute vitesse Phantom V7.1
acquiert des images 8-bits qui sont stockées dans une mémoire interne de 1 Go. La taille du
capteur est de 640 × 480 pixel2, mais le nombre de pixels actifs est réduit à 350 × 440 pixel2 afin
d'enregistrer un nombre suffisant d’images. Une résolution de 13,6 pixels/mm est obtenue en
utilisant un objectif Nikkor de 50 mm avec une ouverture f# 1,8. Le temps d'exposition est de 80
μs, et le temps de séparation est de 300 μs, pour un déplacement moyen de 8-9 pixels. La
fréquence d'échantillonnage est réglée au moyen d’un interrupteur électronique connecté à la
caméra. Le signal de déclenchement de la caméra et la puissance électrique pour le laser et
l’interrupteur électronique sont transmis à la structure en rotation au moyen d'un collecteur à
bague rotatif. Les quatre plans de mesure (Fig. 2, droite) correspondent chacun à un champ
d’observation d’environ 28 × 32 mm2. Ils couvrent la zone entre le 6e et le 7e perturbateur inclus,
jusqu'à au moins 3h de la paroi. X, Y désignent respectivement la direction principale de
l’écoulement et la direction normale à la paroi. L'origine est située dans le coin inférieur en aval du
6e perturbateur.
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Pour chaque plan de mesure les champs moyens sont obtenus par 2000 doublets d'images
acquises à 3 Hz, tandis que l’ensemble des informations résolues en temps est constitué par 4000
captures acquises à 3.3 kHz. Une image de fond (construite avec le niveau d'intensité minimum
sur l'ensemble des enregistrements pour chaque pixel) est soustraite à chaque image Le
traitement repose sur une méthode itérative multi-passes et multi-grilles (Scarano et Riethmuller
[10]). Les fenêtres d’interrogation de départ sont de 80 × 64 pixel2. Deux étapes de raffinement et
un chevauchement de 75 % conduisent à une résolution finale de 5× 4 pixel2 (0,3 × 0,37 mm2)
correspondant à environ 0.04h.
3 Résultats
Tant les couches de cisaillement libre générées par les perturbateurs que la couche limite qui
développe le long de la paroi sont associées à des valeurs négatives de la vorticité moyenne ωz. Il
s'ensuit que, quand le canal est mis en rotation horaire (pour un observateur qui regard le disque
de face) la rotation est cyclonique pour les deux couches, et vice-versa en rotation antihoraire. Par
conséquent, la couche cisaillée et la couche limite sont toutes les deux stabilisés (déstabilisées)
par la rotation horaire (antihoraire) du modèle. Dans la suite, la rotation horaire (antihoraire) sera
dénommée stabilisante (déstabilisante). Ici la notion de stabilité est utilisée dans le sens
d’augmentation/diminution des niveaux de turbulence par rapport au cas non-rotatif. Ceci influe sur
les caractéristiques de transport, qui sont particulièrement importantes pour les processus de
transfert de chaleur dans un canal de refroidissement. Il convient de noter que, dès que la
géométrie étudiée a un rapport d’aspect bas, les cellules secondaires causées par les forces de
Coriolis peuvent s'étendre jusqu'au plan de symétrie où les mesures sont effectuées. Par
conséquent il n'est pas possible de discerner entre les effets de la (dé)stabilisation et les effets des
écoulements secondaires. Néanmoins, les tendances observées sont compatibles avec des
considérations de stabilité valables pour un écoulement bidimensionnel.
3.1 Moyennes statistiques
La figure 3 présente des profils de vitesse moyenne longitudinale et transversale en configuration
fixe, en rotation stabilisante et en rotation déstabilisante. La comparaison entre les profils à X/h=0
et X/h=10 montre que l’écoulement présente déjà un haut degré de périodicité entre les 6e et 7e
perturbateurs. Les caractéristiques typiques de l’écoulement sont visibles dans les trois cas:
l'accélération (horizontale et verticale) due à l’effet vena contracta, la zone de recirculation en aval
des perturbateurs, et le redéveloppement subséquent de la couche limite. Toutefois, les forces de
Coriolis modifient fortement ces caractéristiques. En particulier, la rotation stabilisante augmente
de façon importante la longueur de recollement, tandis que la rotation déstabilisante la diminue,
même si c’est d'une manière moins prononcée. Le mécanisme sous-jacent est similaire à celui
détaillé par Rothe et Johnston [4] pour une marche descendante en rotation orthogonale: lorsque
la couche de cisaillement libre est déstabilisée par la rotation anticyclonique, l'entraînement du
fluide de la zone séparée est renforcé ; l’accélération verticale du fluide fait diminuer la pression
dans la région séparée, ce qui cause une plus forte courbure de la couche cisaillée et conduit à un
recollement anticipé. L'inverse est vrai pour la rotation stabilisante. L'impact de la rotation sur la
longueur de recollement a un effet significatif sur le redéveloppement de la couche limite : plus le
recollement est en amont, plus la couche limite aura de l’espace pour accélérer avant une nouvelle
séparation. Le résultat est un effet de vena contracta beaucoup plus marqué. Une inspection
attentive des champs de vitesse moyenne dans la région proche paroi révèle que la longueur de
recollement est égale à 3.85h en configuration fixe, 5.65h en rotation stabilisante, et 3.45h en
rotation déstabilisante. Cette tendance est confirmée par les résultats du calcul LES de AbdelWahab et Tafti [11], qui ont étudié une géométrie similaire avec des valeurs de Re et Ro
comparables, et ont trouvé des valeurs des longueurs de recollement très proches des valeurs
mesurées à l’IVK. Les résultats en configuration fixe sont en accord avec les mesures PIV de
Casarsa et Arts [12].
Des profils d’intensité de turbulence pour les trois configurations (non-rotative, rotation
stabilisante et rotation déstabilisante) sont présentés à la figure 4. L'effet des forces de Coriolis sur
la structure de la turbulence est assez complexe: la rotation ne contribue pas directement à la
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X/h = 2
X/h = 0
X/h = 4
X/h = 6
X/h = 8
X/h = 10
Y/h
3
2
1
0 -1
00
1
0.5
02
3
0.5
X/h = 2
X/h = 0
4
0
5
0.5
06
7
0.5
U/U 00
X/h = 4
X/h = 6
08
9
0.5
X/h = 8
10
0
11
0.5
12
1
X/h = 10
Y/h
3
2
1
0
-1
0
0
1
0.1
2
0
3
0.1
4
0
5
0.1
6
0
7
0.1
V/U 0
8
0
9 10
0.1
0
11 12
0.1
0.2
Figure 3 : Profils de vitesse moyenne en configuration fixe (–), en rotation stabilisante (– –) et en
rotation déstabilisante (– • –). En haut : composante longitudinale; en bas : composante transverse
X/h = 0
X/h = 2
X/h = 4
X/h = 6
X/h = 8
X/h = 10
Y/h
Y/h
3
2
1
0 -1
000
1
0.25
0.25
020
3
0.25
0.25
X/h = 0
X/h = 2
00
02
040
X/h = 4
5
0.25
0.25
060
TuX
7
0.25
0.25
X/h = 6
080
9
0.25
0.25
X/h = 8
10
00
11
12
0.25
0.5
0.25
0.5
X/h = 10
Y/h
3
2
1
0 -1
1
0.25
3
0.25
4
0
5
0.25
06
TuY
7
0.25
08
9
0.25
10
0
11
12
0.25
0.5
Figure 4 : Profils d’intensité de turbulence moyenne en configuration fixe (–), en rotation
stabilisante (– –) et en rotation déstabilisante (– • –). En haut : composante longitudinale ; en bas :
composante transversale
production d'énergie cinétique turbulente, mais l’affecte indirectement par le biais des tensions de
Reynolds et du cisaillement moyen (Johnston et al. [2]): globalement TuX est amplifié par la
rotation anticyclonique (et vice-versa pour la rotation cyclonique), comme le montre la figure 4.
L’intensité de la turbulence dans la direction transversale TuY est aussi fortement réduite
(augmentée) par la rotation stabilisante (déstabilisante), cette fois en raison de la contribution
directe du terme de Coriolis.
La figure 5 présente des contours non-dimensionnels de vorticité (composante normale au
plan de mesure). Les dérivées spatiales de la vitesse sont calculées à l’aide d’un schéma centré
du deuxième ordre. La rotation stabilisante réduit l’intensité et l’extension transversale de la plume
de vorticité négative observée au sommet des perturbateurs, mais pas son extension longitudinale,
qui est par contre augmentée en rotation cyclonique (et vice-versa pour la rotation anticyclonique).
Une raison probable, qui sera confirmée dans le paragraphe suivant, est que les tourbillons de
Kelvin-Helmholtz générés dans la couche de cisaillement sont renforcés par la rotation stabilisante,
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Figure 5 : Contours de vorticité moyenne non-dimensionnelle (composante normale au plan de
mesure). De haut en bas : configuration fixe, rotation stabilisante, et rotation déstabilisante
qui supprime plutôt la turbulence tridimensionnelle qui déforme ces structures (Bidokhti and Tritton
[13]). La rotation stabilisante (déstabilisante) intensifie aussi la vorticité de cisaillement négatif
dans la couche limite qui se redéveloppe en aval du point de recollement. Une région de vorticité
moyenne négative (positive) est associée à une structure tourbillonnaire de sens horaire
(antihoraire) dans le coin en aval (en amont) de chaque perturbateur.
3.2 Résultats des enregistrements à haute fréquence
Les résultats présentés au paragraphe précédent permettent une description détaillée de
l’écoulement moyen grâce à une haute résolution spatiale. Cependant, la caractérisation des
aspects instationnaires des phénomènes turbulents exige une résolution temporelle comparable.
La fréquence de Kolmogorov pour un écoulement interne développé au nombre de Reynolds
considéré dans cette contribution est de l’ordre de 1.5 kHz. On considère donc que les
informations acquises à 3.3 kHz résolvent les échelles temporelles les plus petites.
La figure 6 illustre, à titre d’exemple, trois instants successifs dans l’évolution des structures
tourbillonnaires en aval du perturbateur pour les trois cas. Les vecteurs de vitesse instantanée
sont superposés aux contours de vorticité normalisée. L’écoulement est échantillonné chaque 300
μs, mais les réalisations consécutives présentées ici sont séparées par 900 μs, pour une
visualisation plus claire. Pour la même raison, seulement un vecteur sur deux est marqué. Il est
évident qu’en rotation stabilisante les tourbillons de Kelvin-Helmholtz sont plus nets et plus
facilement identifiables, tandis que la rotation déstabilisante les détruit complètement, accroissant
par contre l’activité turbulente dans la région séparée.
La figure 7 présente les spectres d’énergie de vitesses longitudinale et transversale obtenus à
X/h = 1et Y/h = 1.2, évalués d’après 4000 enregistrements acquis à 3.3 kHz (densité spectrale de
0.83). On s’attend à une fréquence dominante dans la couche de cisaillement de l’ordre de 35-50
Hz (pour un nombre de Strouhal d’environ 0.15-0.2), ce qui est évidemment trop faible pour être
identifié avec le nombre limité d’échantillons à disposition. On remarque quand même l’impact de
la rotation sur le contenu en fréquence de l’énergie turbulente. En contraste avec les résultats de
Watmuff et al. [3], qui ont étudié une couche limite avec gradient de pression nul, on trouve que
tout le spectre est affecté, et pas seulement les basses fréquences.
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t = t0
t = t0 + 0.9 ms
t = t0 +1.8 ms
Figure 6 : Vitesse instantanée et contours de vorticité non-dimensionnelle - champs successifs en
temps. De haut en bas : configuration fixe, rotation stabilisante, et rotation déstabilisante
PSD
10
10
10
10
clock
0
u11
.2.txt
10
-2
10
-4
10
-6
-2
-4
-6
-8
10 0
10
-8
10
1
10
2
10
3
10
4
Hz
10 0
10
10
1
10
2
3
10
4
10 Hz
Figure 7 : Densité de puissance spectrale pour la vitesse longitudinale (gauche) et transversale
(droite). Vert : configuration fixe ; rouge : rotation stabilisante ; bleu : rotation déstabilisante.
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4 Conclusions
Les champs de vitesse dans un canal en rotation orthogonale muni de perturbateurs ont été
obtenus a l’aide de la PIV 2-D résolue dans le temps. Tous les paramètres non-dimensionnels sont
représentatifs des canaux de refroidissement internes dans les aubes de turbine. Les mesures ont
été réalisées en mettant la caméra et le laser en rotation avec la maquette, ce qui a permis
d’obtenir la même précision et la même résolution spatiale et temporelle que dans une section
d’essai fixe. Les champs moyens montrent l’effet des forces de Coriolis sur la longueur de
recollement en aval des perturbateurs et sur l’intensité de la turbulence longitudinale et
transversale : la rotation cyclonique (stabilisante) augmente la longueur de recollement et réduit
l’intensité de la turbulence dans la couche limite et dans celle de cisaillement libre. La tendance
inverse est observée en rotation anticyclonique (déstabilisante). L’observation des champs
instantanés indique que la rotation stabilisante, tout en supprimant la turbulence tridimensionnelle,
renforce les tourbillons de Kelvin-Helmholtz générés dans la couche de cisaillement libre. Les
spectres d’énergie de vitesse longitudinale et transversale obtenus par les enregistrements à
haute fréquence démontrent que la rotation agit sur l’ensemble du contenu fréquentiel de l’énergie
turbulente.
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