1 Le chant de la huitième province

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1 Le chant de la huitième province
Château Lota Jauregia - 64480 Ustaritz - Uztaritze
Tél. 05 59 93 25 25 - Fax. 05 59 93 06 84 - [email protected]
Egilea - Auteur : Joseba Etxarri
Iturria - Source : Extrait du livre «Kantuketan, l’univers du chant basque
(Denis Laborde dir.) - Article de Joseba Etxarri «Le chant de la huitième province»
Ed. Elkarlanean-Institut culturel basque - Donostia 2002
ISBN 2-913156-45-2
Urtea - Année : 2002
Le chant de la huitième province
Basque, amateur de chant.
Basque et émigrant.
Où qu’il soit allé, le Basque a toujours
emmené avec lui ses us et coutumes.
Le Pays Basque compte sept provinces, Zazpiak bat. La huitième, c’est la diaspora. Parmi les
coutumes basques, il y a cette habitude d’exprimer des sentiments par le chant ou le chant improvisé
: par des bertsu. Les Basques qui ont quitté leur pays pour vivre ailleurs dans le monde n’ont pas
perdu ces traditions. Ils ont même, au contraire, joué un rôle très enrichissant pour le renouvellement
des pratiques et des répertoires dans les domaines du chant et de l’improvisation poétique.
Bien des Basques qui se sont installés en Amérique ont emporté avec eux leur langue, l’euskara, et
l’ont fait vivre en l’adaptant aux modes de vie du pays qui les accueillait. Le grand chanteur Iparragirre
ou encore le bertsulari Pedro Mari Otaño ont eu un grand plaisir à chanter devant les Basques qui
vivaient en Uruguay ou en Argentine. Oxandarena, qui vivait dans le Nevada, écrivait régulièrement à
Mendiague, qui se trouvait, lui, en Uruguay, et il lui écrivait en bertsu. Dans son livre sur le bertsulari
de Lesaka Paulo Yanci, qui avait été en Amérique, le père Zavala précise à son tour que certaines
personnes de la Vallée des cinq villages (Bortziri), en Navarre, écrivaient eux aussi leur lettres en bertsu.
En Amérique, l’apparition de chants et de bertsu en langue basque est exactement contemporaine
de l’immigration basque. C’est en 1893 que fut publié, pour la première fois, à Los Angeles,
un hebdomadaire entièrement en basque. Il ne comprenait pas moins de seize bertsu, dont le
fameux Gernikako arbola d’Iparragirre. Californiako Eskual Herria faisait place chaque semaine
dans ses pages aux bertsu. Les revues basques publiées au long du siècle du nord des EtatsUnis à l’extrême sud de 1’Argentine firent toutes une place de choix aux poèmes et aux bertsu.
Pour les Basques de la diaspora, le chant fut un compagnon de voyage, un compagnon
de solitude, un lien entre amis. Seul ou en groupe, à Buenos Aires ou à San Francisco,
dans la pampa ou dans les déserts du Nevada, les Basques eurent recours à la
douceur du chant pour extérioriser leurs sentiments ou communiquer avec l’extérieur.
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Compagnon des Basques, le chant a toujours été un allié du Pays Basque. N’est-ce pas en partie grâce à la
pratique du chant que l’euskara fut préservé dans les plus noires époques et continue à vivre aujourd’hui
encore ? I1 suffit de se retrouver à une table pour spontanément s’adonner au chant ou aux bertsu.
Le navarrais Léon Bereau composa ses poèmes alors qu’il était berger dans le désert du Nevada. Son
ami Miguel Ibarra les apprit par cœur et il a encore pour habitude de les chanter lors de réunions d’amis
du Nevada. Ces bertsu évoquent l’exil, le Pays Basque laissé derrière soi et les coutumes apprises
au foyer maternel. Sans être bertsulari, les chanteurs ou amateurs de chants chantent et font vivre les
chansons qu’ils ont entendues de leurs parents et de leurs aînés. Et c’est ainsi que la famille Etcheverry,
de Californie, nous offre le fameuse chanson Iduzki denean zoin eder den itzala (Que l’ombre est belle
lorsqu’il fait soleil). Le témoignage, recueilli au mois de septembre 1940 par le chercheur californien
Sidney Robertson Cowell, fait désormais partie du patrimoine californien. L’enregistrement est
conservé dans le WPA California Folk Music Project de la phonothèque de la Bibliothèque du
Congrés des Etats-Unis. La mère Etcheverry, née à Mezkirize, en Navarre, et émigrée vers les EtatsUnis en 1905, et Antoinette et Matias Etcheverry, tous deux nés en Californie, chantent ensemble.
Un autre bertsu raconte la chronique de la vie d’un jeune Basque, comme tant d’autres
parti par-delà l’océan pour devenir berger. Cet enregistrement a été réalisé en 1945 dans les
montagnes de 1’Idaho auprès d’un berger originaire de la ville de Mutriku en Guipuzcoa.
Un témoignage de premier ordre: le berger nous raconte sa vie en bertsu, d’abord en
Guipuzcoa, ensuite à Ustaritz (Labourd) où il travailla, puis il raconte comment il est
arrivé aux Etats-Unis en décrivant minutieusement le mode de vie des ranches américains.
En Californie et dans l’ouest des Etats-Unis les Basques ont une communauté bien ancrée,
une communauté que les émigrants et leurs enfants faisaient vivre. C’est dans ce contexte que
fut organisé, en 1949, à Boise, capitale de 1’Idaho, une semaine de la musique basque, Music
Week. Lors du spectacle inaugural, quelque deux cent danseurs montèrent sur scène en costumes
traditionnels basques pour y effectuer et faire connaître des danses et des chants du pays. Ce fut
un succès, la salle était comble. De cet événement organisé par Juanita Uberuaga Aldrich on fit un
album de cinq disques, Song of the Basques regroupant les chants donnés lors de la manifestation.
Un dicton bien connu résume d’une façon exemplaire la passion des Basques pour le chant : « Que font
trois Basques qui se retrouvent ensemble ? Ils créent une chorale. » Ce qui est vrai pour les Basques
d’Europe, vaut également pour ceux qui sont partis. La tradition du chant n’a pas pris une ride dans
les diasporas. En effet, depuis la création de la première Euskal Etxea (Maison Basque), à Montevideo
(Uruguay), en 1876, il est de tradition que chaque Euskal Etxe se dote d’une chorale. C’est ainsi que
celle de Santiago du Chili, par exemple, acquit une fameuse réputation après 1936. Après la défaite
de la guerre, en effet, nombreux furent les Basques qui s’enfuirent vers 1’Amérique. Ces Basques
furent bien accueillis dans les maisons basques déjà créées, en particulier à Santiago du Chili.
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Il y avait déjà à Santiago une chorale basque, mais il est clair que l’arrivée massive
de ces réfugiés, parmi lesquels se trouvaient de bons musiciens et chanteurs, vint
l’enrichir, stimuler la pratique et renouveler le répertoire. La chorale de Santiago du
Chili existe encore et est aujourd’hui l’une des plus réputées de la diaspora basque.
Comme au Chili, en Argentine, en Uruguay, aux Etats-Unis, au Pérou et au Mexique des
chorales continuent de faire vivre le chant basque partout dans le monde. Les Euskal Etxe
n’ont-elles pas pour mission de préserver un lien avec nos racines ? Dans le cas de la chanson
comme dans le cas de la culture ou de l’identité basques, l’avenir de la chanson basque repose,
en grande partie, sur l’amour que vouent les Basques d’Amérique à leur culture et sur la façon
dont ils l’expriment dans les différentes maisons et associations basques. Cet attachement
s’est renforcé ces dernières années, et l’on compte aujourd’hui pas moins de 165 Euskal Etxe
un peu partout dans le monde, la plupart en Amérique, les autres en Australie et en Europe.
Aujourd’hui la fin de l’émigration basque a sonné. On ne voit plus de jeunes basques quitter le pays vers
l’Amérique. En même temps, les Basques nés à l’étranger et leurs enfants sont de plus en plus nombreux.
Certains d’entre eux retournent au pays. La mère d’Erramun Martikorena était née en Californie, le
réalisateur de cinéma et présentateur d’Eukal telebista, la télévision basque, Jon Andueza, est né en
Oregon et Jon Azua, vice-président du gouvernement basque, revenait du Mexique. Qu’ils soient nés
ici ou là-bas, l’avenir de la culture basque de la diaspora est entre les mains de ceux qui continuent
à se regrouper dans les maisons basques du monde entier. La tâche n’est pas facile, mais il y a de la
volonté, et on continue à organiser chaque année des fêtes comme la Semana Vasca - Euskal Astea en
Argentine, le festival de Boise, Euskal Kantari Eguna (le jour des chanteurs basques) dans le Nevada
et les NABO Music Camps (camps d’été de musique basque pour les plus jeunes aux Etats-Unis).
Aux Etats-Unis, le bertsulari Goikoetxea, du Wyoming, a publié des enregistrement de ses créations,
le trio féminin californien Noka vient, à son tour, de sortir son premier CD en basque et les Basques de
Boise ont enregistré sur un nouveau CD leur patrimoine musical et choral. Un recueil de plus de cent
chants basques, sur livre et CD, est sur le point de paraître à Reno (Nevada). Ainsi se poursuit le chemin
tracé il y a quelques années par les Basques d’Argentine. Une preuve que la huitième province basque,
la plus vaste, veut continuer à exister et à participer pleinement à l’invention de notre culture basque.
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